Guayana Esequiba
Guayana Esequiba Zona en reclamación | |
La zone (hachurée) réclamée par le Venezuela. | |
Administration | |
---|---|
Pays | Guyana |
Statut politique | Territoire contesté administré par le Guyana, revendiqué par le Venezuela |
Capitale | Aucune (plus grande ville : Bartica) |
Démographie | |
Gentilé | Esequibien |
Population | 128 000 hab. (2012) |
Densité | 0,8 hab./km2 |
Géographie | |
Coordonnées | 6° 18′ nord, 59° 42′ ouest |
Superficie | 159 542 km2 |
Divers | |
Monnaie | Dollar guyanien |
Fuseau horaire | UTC −4 |
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La Guayana Esequiba connue également sous le nom de Territorio Esequibo ou, au Venezuela, de Zona en reclamación, est le nom donné à la partie occidentale du Guyana située entre la frontière internationalement reconnue entre les deux pays et le fleuve Essequibo. Ce territoire, d'une superficie de 159 500 km2, a été incorporé à la République coopérative du Guyana dont il représente environ les sept dixièmes du territoire et un sixième de la population. Le Venezuela en réclame la souveraineté, fondée sur l'accord de Genève du .
Histoire
[modifier | modifier le code]Découverte et colonisation
[modifier | modifier le code]L'hydronyme du fleuve Essequibo dérive du nom de Juan de Esquivel, un officier de Diego Colomb, fils aîné de Christophe Colomb et héritier de la « couronne » de vice-roi, qui explora la région pendant les premières décennies du XVIe siècle. Sa prononciation a évolué au fil du temps à mesure qu'il était adopté par les populations amérindiennes et européennes de la région.
Le territoire de l'actuelle Guayana Esequiba, situé aux confins de la capitainerie générale du Venezuela et des colonies néerlandaises des Provinces-Unies d'Essequibo, Demerara et Berbice, plus tard conquises par le Royaume-Uni et rassemblées sous le nom de Guyane britannique, figurait sur les cartes vénézuéliennes du début du XIXe siècle. Toutefois, la région, composée tout à la fois de jungles, de hautes montagnes (les Tepuy) et à l'extrême sud de la savane du Rupununi était difficile d'accès et mal connue. Sa population était composée presque exclusivement d'Amérindiens.
Sur le papier, le territoire faisait partie intégrante du Venezuela lors de son indépendance en 1811, mais il s'agissait de zones inexplorées et non colonisées. Et en 1840, profitant des difficultés du jeune État à contrôler ses frontières, le Royaume-Uni s’approprie la région et l'annexe à sa colonie guyanaise. Une annexion jamais reconnue par le Venezuela[1].
Les contours de la colonie britanniques furent tracés en 1841 à la demande des autorités britanniques par le savant prussien Robert Hermann Schomburgk. Il s'acquitta de sa mission avec succès et dressa une carte où apparaissait l'actuelle limite orientale que le Guyana considère comme sienne et connue sous le nom de « ligne Schomburgk ».
Arbitrage de Paris en 1899
[modifier | modifier le code]Pour défendre sa cause, le Venezuela, indépendant de l'Empire colonial espagnol depuis 1811, a recours au gouvernement des États-Unis qui, à cette époque, professe la doctrine Monroe rejetant l'ingérence des puissances européennes en Amérique. Un tribunal arbitral est ainsi formée en 1899 à Paris, opposant deux Américains représentant les intérêts vénézuéliens et deux britanniques sous la direction d'un juge russe. Il est décidé que les territoires à l'ouest de l'Essequibo reviendraient au Royaume-Uni. La solution est acceptée et une commission mixte se charge de délimiter la frontière sur le terrain[2].
Réactivation du conflit en 1963
[modifier | modifier le code]Cependant, en 1963, alors que la colonie britannique guyanienne s'achemine vers l'indépendance, des voix se font entendre au Venezuela réclamant le retour de cette région sous une souveraineté vénézuélienne et pressant le gouvernement d'agir avant l'indépendance de la Guyane britannique, la récupération du territoire pouvant s'avérer plus difficile par la suite.
Le gouvernement vénézuélien déclare alors l'arbitrage nul estimant que les Américains ne représentaient pas leur pays, qu'il y avait eu des vices de procédure et une entente entre les parties.
La position vénézuélienne se fonde sur le témoignage post mortem d’un juriste américain révélant les pressions politiques exercées par les Britanniques sur les juges[1].
- À la veille de l'indépendance du Guyana, en 1966, le Royaume-Uni et le Venezuela signèrent, le , l'accord de Genève par lequel ils se mirent d'accord pour la création d'une commission mixte chargée de trouver en quatre ans une solution au litige. Mais celle-ci n'arriva à aucun résultat concluant.
- Il fut donc décidé de signer, en 1970, à Trinité-et-Tobago, le protocole de Port-d'Espagne afin de geler les revendications et de prolonger les discussions sur douze ans.
- En 1982, à la fin de cette période, le Venezuela décida de ne pas renouveler le protocole et porta l'affaire devant les Nations unies et en 2006 elle a été soumise au secrétariat général des Nations unies.
- En , se produisit un incident frontalier avec l'incursion d'une quarantaine de soldats vénézuéliens dans le territoire contesté[3].
- Le conflit entre le Venezuela et le Guyana pour le contrôle de l'Essequibo a été réactivé entre le 4 et le , lorsque le Groupe de Lima a inséré un article condamnant une intervention militaire vénézuélienne en territoire guyanien alors que l'intervention a en fait eu lieu dans la zone de contestation. La plupart des pays ont accepté de retirer le point (article 9), considérant que ce n'est pas leur rôle de prendre position dans un conflit sous médiation de l'ONU[4].
Référendum vénézuélien de 2023
[modifier | modifier le code]Le Venezuela organise le 3 décembre 2023 un référendum visant à annexer le territoire l'Essequibo (riche en pétrole découvert en 2015 et exploité depuis 2021[5], ainsi qu'en minerais), revendiquant « les droits inaliénables du Venezuela et de son peuple sur le territoire d'Essequibo »[6]. Le Guyana dépose alors une motion auprès de la Cour internationale de justice à La Haye pour empêcher ce référendum[6].
Cette décision intensifie les tensions diplomatiques séculaires, suscitant des contestations du Guyana et des inquiétudes quant à des conséquences militaires. Le Président du Guyana déclare à la télévision que l’armée est « en alerte totale » pour contrer les prétentions hégémoniques et contraires au droit international du Venezuela[7], tandis que le Royaume-Uni et les États-Unis apportent leur soutien total au Guyana[8]. Le gouvernement vénézuélien est accusé d'exploiter la dispute pour « flatter le patriotisme de ses partisans » face à une impopularité croissante et une opposition renforcée[9]. En effet, véritable diversion à des fins de politique interne, ce référendum s'apparente à une tentative grossière de mobiliser les Vénézuéliens en jouant sur leur sentiment patriotique[10]. La question de l'Essequibo fait d'ailleurs l'objet d'un large consensus au Venezuela[11].
Le , un sommet réunissant le Président du Guyana, Irfaan Ali, et son homologue vénézuélien Nicolás Maduro se tient à Saint-Vincent-et-les-Grenadines. À l’issue de ce sommet, les deux pays campent sur leur position mais ils s’accordent « pour ne pas utiliser la force » et à « s’abstenir en paroles, en actes, d’intensifier tout conflit » selon une déclaration commune[12].
En mars 2024, le Venezuela adopte une loi qui désigne l'Essequibo en tant qu'état constitutif du Venezuela[13].
Statut juridique actuel
[modifier | modifier le code]L'inclusion de la Guayana Esequiba au sein du territoire guyanien est inscrite dans la constitution de ce pays datée de 1980 et reformulée en 1996 qui établit que « Le territoire de l'État inclut les zones qui immédiatement après la mise en place de cette constitution étaient comprises dans la zone dévolue au Guyana avec les autres zones qui selon ce qu'a déclaré le parlement font partie du territoire de l'État »[14]
Le Venezuela déclare a contrario dans l'article 10 de sa constitution de 1999 que « Le territoire et les autres espaces géographiques de la République sont ceux qui correspondent à la Capitainerie Générale du Venezuela avant sa transformation politique initiée le , incluant les modifications résultant des traités et arbitrages non frappés de nullité »[15].
Découpage administratif
[modifier | modifier le code]La Guayana Essequiba comprend la totalité des régions guyaniennes de Barima-Waini, Cuyuni-Mazaruni, Pomeroon-Supenaam, Potaro-Siparuni, Haut-Takutu-Haut-Essequibo et la partie occidentale des îles d'Essequibo-Demerara occidental.
Autre revendication
[modifier | modifier le code]Le Guyana est également confronté à une autre revendication territoriale sur son territoire par l'État voisin du Suriname, réclamant une zone au sud-est du Guyana (environ le tiers sud-est de la région 4)[3].
Notes et références
[modifier | modifier le code]- Marie Delcas, « Tensions entre le Venezuela et le Guyana autour d’une région riche en pétrole », Le Monde.fr, (lire en ligne [html], consulté le )
- L'historique complet et complexe de cette situation est détaillé dans un arrêt récent de la Cour internationale de justice : CIJ, arrêt du 18 décembre 2020, Sentence arbitrale du 3 octobre 1899, Guyana contre Venezuela, § 31 et suivants (consulté le 20 octobre 2024).
- "Venezuela: des litiges dans la forêt", Atlas des Atlas, le Monde vu d'ailleurs, p. 64, par Courrier internationale, éditions Arthaud, sept. 2008.
- (es) « El polémico artículo de la declaración del Grupo de Lima sobre Venezuela », sur elespectador.com, (consulté le )
- https://www.lefigaro.fr/conjoncture/le-guyana-devient-un-eldorado-petrolier-20231128
- "Le Venezuela organise un référendum pour annexer les deux tiers de son voisin le Guyana" par Caroline Popovic, La Première, le 2 novembre 2023
- Garance Muñoz et Jean-Guillaume Santi, « Venezuela : tout comprendre à la crise avec le Guyana », Le Monde, podcast « L'heure du Monde », 14 décembre 2023 (consulté le 20 octobre 2024).
- Adrien Jaulmes, « Le président du Guyana Mohamed Irfaan Ali au Figaro : ʺNos partenaires ont adopté une position très fermeʺ », Le Figaro, 28 janvier 2024 (consulté le 20 octobre 2024).
- Emilien Pérez, « Tensions. Le Venezuela prépare un référendum pour annexer une partie du Guyana », Courrier international, 23 novembre 2023 (consulté le 20 octobre 2024) ; Emilien Pérez, « Référendum. Avec sa promesse d’annexion de l’Essequibo, le Venezuela s’engage dans “une voie à très haut risque” », Courrier international, 4 décembre 2023 (consulté le 20 octobre 2024).
- Patrick Piro, « Maduro, une diversion de plus », Politis, 6 décembre 2023 (consulté le 20 octobre 2024) ; Sandra Cohen, « Estratégia de Maduro em Essequibo é direcionada ao público interno da Venezuela », g1 (globo.com), 7 décembre 2023 (consulté le 20 octobre 2024) ; Pascal Drouhaud et David Biroste, « Tensions entre le Venezuela et le Guyana : une "drôle de guerre" ? », Défense Nationale, Mars 2023, n° 868 (consulté le 20 octobre 2024).
- Marie Delcas, « Tensions entre le Venezuela et le Guyana autour d’une région riche en pétrole », Le Monde.fr, 30 novembre 2023 (consulté le 20 octobre 2024) ; Benjamin DELILLE, « Crise entre le Venezuela et le Guyana : "C’est aussi une manière de diviser l’opposition vénézuélienne" », Libération, 8 décembre 2023 (consulté le 20 octobre 2024).
- « Essequibo : le Guyana et le Venezuela s’accordent « pour ne pas utiliser la force », mais campent sur leurs positions », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
- « Le Venezuela adopte une loi affirmant sa souveraineté sur l’Essequibo, actuel territoire du Guyana » , sur Le Monde,
- « The territory of the State comprises the areas that, immediately before the commencement of this Constitution, were comprised in the area of Guyana together with such other areas as may be declared by Act of Parliament to form part of the territory of the State »
- « El territorio y demás espacios geográficos de la República son los que correspondían a la Capitanía General de Venezuela antes de la transformación política iniciada el 19 de abril de 1810, con las modificaciones resultantes de los tratados y laudos arbitrales no viciados de nulidad. »
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Articles connexes
[modifier | modifier le code]- Histoire du Guyana
- Ceinture de l'Orénoque
- Protocole de Port-d'Espagne
- Accord de Genève (1966)
- Sentence arbitrale de Paris
- Province de Guyane
- Guyane britannique
- Île d'Anacoco
- Jonestown