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Les Papiers fédéralistes

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Le Fédéraliste (The Federalist Papers) est un recueil d’articles, écrit par James Madison, Alexander Hamilton et John Jay, publié en vue d’une promotion de la nouvelle Constitution des États-Unis. Il est paru dans les années 1787-1788 dans plusieurs États d'Amérique et contenait 85 articles publiés sous le nom de « Publius », pseudonyme en l’honneur du consul romain Publius Valerius Publicola. Ces articles soulignaient comment ce nouveau gouvernement allait opérer et de quelle manière ce type de gouvernement était le meilleur choix pour les États-Unis d'Amérique.

Ce recueil constitua une importante source concernant l’interprétation de la nouvelle Constitution et principalement les motivations de ce système gouvernemental proposé. Ces articles répondaient aux critiques des journaux face au nouveau gouvernement américain. Ils étaient donc une excellente référence pour comprendre la nouvelle Constitution américaine que le peuple était appelé à ratifier.

Contexte historique

Vers 1750, le continent américain est une colonie de l'Empire britannique. Les habitants de ces treize colonies disposent d’une grande liberté politique (administration britannique quasi-absente, colonies dirigées par une assemblée élue par des colons, décisions des colonies rarement contestées, etc.) mais d’une liberté économique faible (ils ne peuvent commercer qu’avec la Grande-Bretagne, les colonies doivent vendre les matières premières et acheter les produits manufacturés).

Après la guerre de Sept Ans qui s'achève en 1763, le Royaume de Grande-Bretagne, ruiné, promulgue des lois pour lever de nouvelles taxes (Sugar Act de 1764, Stamp Act de 1765, Townshend Acts en 1767-68) et affirme sa souveraineté dans les colonies américaines (Declaratory Act de 1766). Les colons rejettent ces nouvelles taxes, car c'est du Parlement de Londres qu’elles viennent. Or, aucun représentant des colonies n’y est présent. L'inquiétude des colons porte également sur la capacité du parlement britannique d'abolir l'esclavage, en particulier après l'arrêt Somersett de 1772[1]. La Grande-Bretagne cède et abolit les taxes des Townshend Acts, à l’exception de l’impôt sur le thé. C'est une prise de conscience pour les Américains ; les altercations se multiplient avec la Boston Tea Party de 1773 (des Américains jettent à la mer la cargaison de thé) et le boycott des marchandises britanniques. À l’issue de cela, le parlement britannique vote une série de mesures punitives, appelées "Actes intolérables" par les colons, qui ont contribué à la montée en intensité des tensions, qui ont abouti au conflit armé de 1775, ordonné par le roi George III. Le 4 juillet 1776, la Déclaration d'Indépendance est adoptée par le Congrès continental. Il faut cependant attendre 1781 pour que ce dernier soit investi d'un réel pouvoir, suite à la ratification des Articles de la Confédération. C'est par cette réorganisation et par l'alliance avec la France que les États-Unis gagnent la guerre.

Quelques années après la fin de la guerre d'indépendance, les délégués des treize États se retrouvent en Convention à Philadelphie en 1787 pour rédiger une Constitution afin d'instaurer un nouveau mode de gouvernement, plutôt que de corriger simplement celui établi par les Articles de la Confédération. Le Fédéraliste est une collection d'essais qui a pour but de convaincre ces délégués de ratifier cette constitution.

Le débat fédéraliste et anti-fédéraliste

Comme nous l’avons dit plus haut, le but des Fédéralistes est que la nouvelle Constitution soit acceptée, mais comme tout changement dans la politique, il y a des contradicteurs, et ce sont ceux-là même qu’on nomme les Anti-Fédéralistes. Le débat était vif et reposait sur deux aspects : la volonté des Fédéralistes de créer un pouvoir central plus fort et l’interaction des pouvoirs qu’ils prônaient. Commençons par voir le premier point en développant les arguments avancés par les deux camps opposés.

Il y a cinq arguments principaux des Fédéralistes pour centraliser le pouvoir. Tout d’abord, ceux-ci prônent le patriotisme. Les habitants d'Amérique partagent la même culture, la même langue, la même religion. Ainsi plutôt que de se séparer, il faut s’unir. Cela permet aussi de diminuer les jalousies au sujet des ressources naturelles inégalement partagées entre les États, voire de réduire les risques de guerres civiles. La seule solution est donc d’avoir un pouvoir centralisé plus fort. Le deuxième argument concerne la sécurité extérieure. Un État uni vaut mieux que plusieurs États particuliers qui seraient dispersés. D’autre part, cela permettrait d’avoir une marine nationale beaucoup plus puissante, car disposant de plus de ressources et de financement. Troisièmement, le commerce intérieur serait meilleur, car les droits de douane nuisent à l’économie. Quatrièmement, cela permettra de réduire les coûts de l’administration, car il n’y en aurait plus treize, mais une. Enfin, cela permettra d’appliquer le protectionnisme en cas de conflit avec l’Europe.

Quant aux Anti-fédéralistes, ils avancent quatre critiques auxquels répondent les Fédéralistes. Le premier est l’absence de « Bill of Rights », c’est-à-dire une « charte des droits fondamentaux des citoyens ». La réponse des Fédéralistes est que tout d’abord, à l’inverse de la Grande-Bretagne qui possède un « Bill of Rights », les États-Unis sont une république. Le régime politique n’est donc pas le même. Ensuite, la plupart des États particuliers ne possèdent pas de « Bill of Rights », donc critiquer la nouvelle Constitution sur ce point n’a plus de sens. Enfin, certains droits sont déjà dans la Constitution, il n’est donc pas nécessaire d’ajouter un « Bill of Rights ». Malgré tout, Madison rédigera un « Bill of Rights » quelques années plus tard.

La deuxième critique est que la république est inapplicable sur un territoire aussi grand. La réponse des Fédéralistes est qu’il ne faut pas confondre république et démocratie. Si la seconde est en effet inapplicable sur un aussi grand territoire, ce n’est pas le cas de la première, car il y a le principe de la représentativité. La troisième critique est qu’il y a une représentation insuffisante du peuple. Les Fédéralistes répondent que si chaque association et groupe d’individus partageant un intérêt commun sont représentés, leur trop grand nombre rend impossible la direction du pays.

Enfin, la dernière critique des Anti-fédéralistes est que les États particuliers vont perdre du pouvoir. La réponse des Fédéralistes est qu’il s’agit de la nature même d’un Constitution fédérale de réduire le pouvoir des États particuliers.

Comme nous l’avons dit plus haut, ces critiques font références au principe fédéraliste. Mais il y a aussi tout un débat sur la séparation des pouvoirs. Les Fédéralistes prônent une interaction des pouvoirs à travers le « checks and balances », tandis que les anti-fédéralistes veulent une stricte séparation des pouvoirs. Dans les points suivants, nous allons développer ce point qui constitue le cœur de notre problématique, à savoir comment les Fédéralistes justifient une nécessaire interaction des pouvoirs pour maintenir l'État de droit.

Interaction des pouvoirs

On sait que l’absence de séparation des pouvoirs est dangereuse pour l'État de droit, car il mène tout droit à la tyrannie, comme l’explicite Montesquieu : « Lorsque, dans la même personne ou dans le même Corps de magistrature, la puissance législative est réunie à la puissance exécutrice, il n’y a point de liberté, parce qu’on peut craindre que le même monarque ou le même Sénat ne fasse des lois tyranniques pour les exécuter tyranniquement. » Cependant, si dans la théorie, on exige une stricte séparation des pouvoirs, dans les faits, cela se révèle impossible. Commençons par voir en quoi, dans l’exemple de la Constitution britannique, les pouvoirs sont imbriqués. Nous allons ensuite montrer pourquoi le législatif a tendance à prendre le dessus et pourquoi l’interaction des pouvoirs est nécessaire pour résister à l’usurpation du pouvoir par le législatif.

Tendance à la prise de pouvoir par le législatif

La première raison est que le législatif bénéficie de la confiance du peuple. Il vit parmi celui-ci et il est proche des personnalités influentes ; on sait qu’être du côté du peuple dans une démocratie est une composante essentielle de l’acquisition du pouvoir. À l’inverse, le judiciaire a souvent mauvaise réputation et l’exécutif est vu comme trop éloigné du peuple.

Ensuite, ces pouvoirs sont plus étendus et les limites de celui-ci sont plus floues que le judiciaire, ce qui lui permet de « voiler, sous des mesures compliquées et indirectes, les usurpations qu’il commet aux dépens des autres départements coordonnés. »

Enfin, il a « une influence prépondérante sur les rétributions pécuniaires des agents des autres départements », ce qui peut entraîner une dépendance de ceux-ci envers le législatif.

Éviter que l'un des organes ne prenne le dessus sur les autres

Le premier argument proposé est que l’établissement d’une Constitution suffit à limiter le phénomène. Le problème est de savoir qui bénéficiera du pouvoir de la modifier. La première possibilité est de le donner au peuple. Comme le judiciaire est souvent impopulaire auprès du peuple et que l’exécutif en est trop éloigné, l’avantage irait donc au législatif, alors que la plupart du temps, c’est à cause de son pouvoir envahissant qu’il faudra modifier la Constitution. D’autre part, faire un appel systématique au peuple contribuerait à discréditer le gouvernement. La deuxième possibilité est de faire appel à une convention chargée de modifier la Constitution, mais dans ce cas, il n’y aura rien au-dessus de celle-ci qui puisse la contrôler.

La critique adressée aux fédéralistes est qu'il n'y a pas une stricte séparation des pouvoirs. Ces derniers répondent que comme le pouvoir législatif a tendance à prendre le dessus lorsqu'on a une stricte séparation des pouvoirs, il faut donc introduire une interaction par le principe des "checks and balances".

Le principe des "Checks and Balances"

La théorie de la séparation des pouvoirs[2] a inspiré très fortement les rédacteurs de la Constitution Américaine. Ceux-ci ont institué un régime dit "présidentiel" organisant une mitigation des pouvoirs, avec un système de compétence principale mais non exclusive. Autrement dit, chacun des organes détient une partie des fonctions des autres organes, et ce afin d'empêcher toute velléité despotique d'un des pouvoirs. Ces moyens de contrôle et d’actions réciproques sont appelés dans Le Fédéraliste les « checks and balances ».

C’est ainsi que le président va sélectionner les candidats pour les postes gouvernementaux, l’organe exécutif. Mais leur nomination dépendra du Sénat, l’organe législatif. Même chose pour les juges de la Cour Suprême, l’organe judiciaire. Le président a un droit de veto sur le congrès, et a, de fait, l'initiative des lois. De même, le congrès peut contrôler la politique gouvernementale via les lois budgétaires, la signature des traités internationaux, les commissions d'enquêtes, ...

Bibliographie

Sur les autres projets Wikimedia :

  • James Madison, John Jay, Alexander Hamilton, Le Fédéraliste (Federalist Papers), Paris, Economica, 1988. (papiers 47-51 et 78)
  • Hannah Arendt, Essai sur la révolution, Paris, Gallimard, 1967. (p. 205-263)
  • Laurent Bouvet, Thierry Chopin, Le Fédéraliste. La démocratie apprivoisée, Paris, Michalon, 1997.
  • Arnaud Coutant, l'Amérique des Etats, les contradictions d'une Démocratie fédérale, Paris, Mare et Martin, 2011.
  • Bernard Manin, Principes du gouvernement représentatif, Paris, Flammarion, 1996. (p. 135-170)
  • Bernard Manin, « Checks, balances and boundaries: the separation of powers in the constitutional debate of 1787 », in The invention of the modern republic, Cambridge University Press, 1994, p. 27-62.
  • Elise Marienstras, Naissance de la République fédérale: 1783-1828, Nancy, Presses universitaires de Nancy, 1987. (p. 9, 13-66).
  • René Rémond, Histoire des États-Unis, Paris, PUF, 1974 (p. 17-41).
  • Élise Marienstras, Naomi Wulf, The Federalist Papers. Défense et illustration de la Constitution fédérale des États-Unis, Paris, PUF, 2009.
  • (en) Frederick Mosteller et David Wallace, « Inference in an Authorship Problem », Journal of the American Statistical Association, vol. 58,‎ , p. 275-309
  • (en) Frederick Mosteller et David Wallace, Inference and Disputed Authorship: The Federalist, Reading, Massachusetts, Addison-Wesley,

Notes et références

  1. Alfred W. Blumrosen & Ruth G. Blumrosen. (2007). Slave Nation: How Slavery United the Colonies & Sparked the American Revolution. Éditions Sourcebooks.
  2. Théorie de séparation des pouvoirs que Locke a d'abord décrit. Montesquieu l'a ensuite systématisée dans l'Esprit des lois.

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