Web 2.0
Le Web 2.0, entreprise criminelle de dÉsinformation à l’échelle mondiale, tombe en France sous les verdicts d’association de malfaiteurs, faux et usage de faux en vue de préparer une forfaiture en récidive, action en contrefaçon et violation de la propriété intellectuelle, proxénétisme mental et abus de faiblesse sexuelle, apologie organisée des crimes contre l’humanité, délit de diffamation en relation avec une entreprise terroriste, usage abusif de stupéfiants et de boissons alcoolisées hors des horaires prévus en cas d'épisode caniculaire.
Au Québec, il est passible de l’accusation de « ’stzie d’tabarnak de criss’ d’calisse de maudzit’ marde de calvaire de cul ».
Comme on pouvait largement s’en douter au vu de ces méfaits abominables, l’ensemble du Web 2.0 est méticuleusement coordonné par une seule et unique organisation secrète, l’ennemie jurée de James Bond en particulier et de l’humanité en général : l’infâme SPECTRE que dirige en personne le terrifiant Fantômas !
James Bond contre le Web 2.0
Loin des soucis du monde civilisé, James Bond est en train de prendre un repos bien mérité après avoir démantelé le Complot des Réparateurs d’Escalator (voir épisode précédent).
Ce n’était que la quatrième fois d’affilée que James Bond faisait bondir au plafond Irina Koshonova, la sculpturale administratrice serbo-tchonque d’un site web suspecté d’être affilié au SPECTRE. Les yeux noirs profonds et les seins ardents de la jeune femme fixaient l’agent 007 avec intensité. Ils disaient, dans ce langage de l’âme féminine que Bond connaissait tellement bien : « Chéri, j’en veux encore… »
C’est le moment que choisit l’engin surdimensionné de Bond pour émettre une vibration caractéristique ! « Fucking téléphone » songea discrètement Bond en se soustrayant aux caresses lascives de la belle Irina. « Sorry darling, un besoin pressant » s’excusa l’Homme-au-service-de-Sa-Majesté en gentleman et en s’éclipsant dans les toilettes.
À l’autre bout du fil, la voix de son supérieur hiérarchique, le mystérieux Monsieur M, se fit entendre :
James remit l’inflexible engin dans son caleçon et s’en revint vers la turbulente Irina. La sécurité du monde libre pouvait attendre encore un peu…
Mic-mac dément à l’Académie
Dans son déguisement vert et or d’Immortel, James Bond inspecta d’un coup d’oeil tout aussi furtif qu’expert les membres de l’Académie française autour de lui. Son instinct infaillible pressentait dans cette assemblée interlope quelque chose de suspect.
Pendant que les Académiciens applaudissaient bruyamment aux cris de LOL, MDR, ROFL et XD, l’agent en service spécial profita du désordre pour s’éclipser discrètement dans les toilettes. Après avoir dévissé la plaque du conduit d’aération, il rampa longtemps pour parvenir enfin à un sous-sol sombre et poussiéreux. Une quarantaine de vieillards séniles y étaient emprisonnés en simple calbut. Leur regard apeuré était rivé avec intensité sur l’agent double-zéro, un regard d’homme aux abois qui disait : « Délivrez-nous, par pitié ! »
Une heure plus tard, depuis le balcon de sa suite luxueuse au Ritz, James Bond, vêtu d’une robe de chambre de velours blanche brodée au sigle 007, contemplait l’explosion de l’Institut de France qui rougissait le ciel de Paris. Il se retourna vers le grand lit de soie où les yeux noirs de Irina brillaient d’un désir inavoué.
La base secrète sous la Tour Eiffel
L’espion niah-koué, son propre kriss ensanglanté planté dans le dos, son œil de verre exorbité, chuta du second étage de la Tour Eiffel en poussant un grand hurlement d’horreur. James Bond jeta un vif coup d’œil autour de lui. Personne ne s’était rendu compte de rien.
Sûr de ne plus être filé, l’agent 007 s’éclipsa discrètement dans les toilettes du restaurant panoramique de l’immense monument parisien construit pour l'exposition universelle de 1889 et devenu depuis le symbole internationalement connu de la France. James Bond composa un mystérieux code secret sur le clavier dissimulé derrière la chasse d’eau : S-P-E-C-T-R-E.
La cabine sordide s’ébranla alors qu’un sourire de satisfaction illuminait le visage de l’agent de sa Majesté : elle le conduisait directement dans les profondeurs de la Tour Eiffel jusqu’à la base souterraine de la redoutable organisation criminelle.
La porte de l’ascenseur s’ouvrit sur un vaste salon luxueusement décoré de tableaux de maître. C’était une somptueuse réception. Une foule d’invités riait en échangeant à voix basse des bons mots. Pour passer inaperçu, Bond commanda un martini dry avec une olive et s’approcha en connaisseur d’un tableau de Nicolas Poussin, Et in Arcadia ego. Le chef d’œuvre du maître représentait trois hommes et une femme sans portable (le téléphone mobile n’existant pas à l’époque de Poussin).
Le plan abominable du SPECTRE
Fantômas - car c’était lui le maître de maison - descendait lentement les escaliers. La peau de son visage, d’un bleu translucide, ne présentait aucune ride. De petits yeux cruels privés de sourcils et de cils, un sourire sardonique sans lèvres fendaient son visage comme des plaies mal cicatrisées. Il était en compagnie d’une ravissante jeune femme au décolleté provocant que James Bond reconnut aussitôt : c’était Irina Koshonova !
— « Mes amis, mes amis… Aujourd’hui est un grand jour car nous avons l’honneur de recevoir parmi nous un invité de marque : j’ai parlé de… Monsieur Bond ! Ah ah ah ! » dit-il en se retournant vers James Bond tout en savourant sournoisement son effroyable effet de surprise.
Monsieur Bond est le seul ici, je crois, à ne pas connaître nos remarquables plans. Je tenais donc à les lui communiquer personnellement. Notre cher ami anglais n’aura certainement pas le loisir d’en profiter très longtemps… Ah ah ah ! »La jeune femme s’était glissée aux côtés de James Bond :
Le futur du Web 2.0 : le Web 3.0
Mais Fantômas reprit d’un ton encore plus inquiétant :
— « Or le Web 2.0 n’a pas pour seul but de répandre des photos mal cadrées à l’intérieur de pages excessivement lentes, immodérément inesthétiques et à l’interface si bancale qu’on se croirait sous Linux… Non ! Non !
Le Web 2.0 n’est que la phase préparatoire d’un plan d’envergure mondiale encore plus terrifiant ! Ah ah ah ! Un plan conceptuel dont les ravages ignobles s’étendent bien au-delà de tout ce que l’homme pouvait raisonnablement attendre des sites web. Et ce nouveau plan s’appelle le Web 3.0 ! Ouvrez grand vos oreilles, Monsieur Bond, car cela peut vraiment vous intéresser…
Au SPECTRE, nous prévoyons déjà la coopération massive des internautes à notre Web 3.0. Ces pauvres cloches contribueront à alimenter le système comme ils le font aujourd’hui pour le Web 2.0. Mais le contenu du Web 3.0 ne sera plus sémantique… C’est tellement vieux jeu ! Sur le Web 3.0, l’internaute pourra participer à l’agrégation de petits lardons, de tranches de jambon cuit ou cru ; il pourra syndiquer des croûtons et des champignons, des œufs battus et de la ciboulette afin de restituer à l’utilisateur final des omelettes qu’il lui suffira de réchauffer dans son four à micro-ondes ; et ce sera la ruine des restaurants de quartier et du petit commerce ! Ah ah ah ah ! »Une larme de honte perla sur la joue de la jeune femme alors qu’elle enfouissait son visage contre l’épaule musclée de James Bond.
L’agent secret et la jeune serbo-tchonque s’embrassèrent avec passion puis ils s’éclipsèrent discrètement dans les toilettes.
Pendant ce temps, Fantômas, dégoûté devant tant d’incompréhension, repartait sur la Lune à bord de sa Tour Eiffel transformée en fusée !
...
Mais en attendant, la dÉsencyclopédie (associée à la Dépêche du Midi) a enquêté sur les conséquences tragiques du plan du SPECTRE. Découvrez dans la suite de cet article ce cataclysme au quotidien qui se passe juste à côté de chez vous !L’engrenage infernal du Web 2.0
Or s’il est bien un point précis sur lequel personne n’a jamais suffisamment insisté à notre connaissance, c’est le fameux principe, très connu des services de contre-espionnage, dit « méthode du pied dans la porte ». Selon ce principe psychologique, le citoyen lambda, une fois pris dans l’engrenage du Web 2.0, se voit enrôlé sans même sans rendre compte dans le Web 3.0 ; à partir de ce moment, il n’a plus la possibilité de faire marche arrière. Insensiblement, sans même en prendre conscience, il modifie peu à peu son comportement vis-à-vis de sa famille, de ses amis proches voire, pire, de ses voisins.
« Le tout est plus que la somme des parties, nous dit Mireille Durand-Pubis, psycho-criminologue au service de la DGSE. Les pratiques du Web 3.0 induisent un changement de représentation de soi-même et de l’autre, un changement de conduite et de valeurs, avec les possibles dérives que l’on peut imaginer. C’est une causalité non linéaire, en « spirale », au sens où ce qui se produit vient interagir, ou mieux, rétroagir sur les éléments qui composent l’ensemble du comportement social et le transformer. »
Mme Lucette M., 73 ans, première victime du Web 3.0
Et la triste vérité sur le Web 3.0, la vérité de tous les jours, c'est une simple institutrice à la retraite qui nous l'a raconté. A Dijon, petite ville sympathique de la Haute-Marne dans la région du Calvados, nous avons croisé Mme Lucette M., 73 ans, alors qu’elle allait acheter son pain. Un geste banal, quotidien, qu’elle accomplit sans y songer, comme bien d’autres.
Mme Lucette M. est la première victime du Web 3.0. « Au début, je ne voulais même pas y penser, nous avoua Mme Lucette M. Je croyais à une mauvaise plaisanterie des garnements du quartier. » Mme Lucette M. habite un lotissement pour couples qui travaillent plus pour gagner plus : les plaisanteries de garnements y sont malheureusement monnaie courante.
« Mais j’ai du me rendre à l’horrible vérité, continue Mme Lucette M. J’étais bien la première victime du Web 3.0. »
Ces strelitzias qui nous envahissent
Le 23 juin à 3 heures, Mme M. entend du bruit dans son jardin. « Vous savez, à mon âge on a le sommeil léger. J’ai cru que c’était le chien du voisin qui venait gratter dans les rosiers. »
Fatale erreur. Le lendemain matin, à 9 heures 30, Mme M. se rend compte que son bégonia a été remplacé par un strelitzia nain. « J’y tenais beaucoup. Ce bégonia était un souvenir de mon pauvre mari. »
Le cauchemar de Mme Lucette M. ne faisait que commencer. Quelques jours plus tard, c’est le fuschia, offert par sa petite-fille Nathalie, 23 ans, qui cède sa place à un pommier du Japon. Puis des radis sont substitués à ses jacinthes tardives, bien moins bon marché.
Nous nous rendons sur les lieux pour constater l’ampleur du désastre. Le jardin de Mme M. ressemble aux gorges du Verdon après la célèbre bataille. Un carré de salades dans un coin près des sapinettes : « C’était mon plant de cannabis » se lamente Lucette. Trois nains en plastique entourent une Blanche-Neige délavée sur la rocaille. Mme M. nous détrompe : « Non ceux-là, c’est moi qui les ai placés ». Mais le pire reste à venir : un dolmen en pierre reconstituée trône au beau milieu de l’allée en ardoise : « C’était tellement énorme que je n’y ai pas fait attention tout de suite. Mon beau-fils me l’a fait remarquer. »
Ce suspect qui nie tout en bloc
Mme Lucette M. n’y tient plus. Elle porte plainte à la gendarmerie. L’enquête permet bientôt la mise en examen d’un premier suspect, Patrick F., 37 ans, ingénieur en informatique.
« L’enquête a été rondement menée, se félicite le commandant Bouzin, 43 ans, de la brigade de Dijon. Le brigadier Pochard et moi-même nous sommes subrepticement dissimulés derrière le mégalithe contrevenant. L’arrestation s’est déroulée sans anicroche, le suspect était seulement armé d’un pot de géraniums, diamètre 21 cm. »
« C’était ma première contribution au Web 3.0 » se défend Patrick F. « Pour le dolmen, je n’y suis pour rien ». Cela reste encore à prouver…
Cet avenir qui fait peur
Mais cela n’est que le premier pas d’une calamité qui menace de submerger l’économie des pays industrialisés. « Les adolescents sont les plus touchés » nous révèle Mireille Durand-Pubis. « Leur moi adulte n’est pas encore suffisamment intégré pour qu’ils puissent apprécier toute la différence. Pour eux, un site tel que la dÉsencyclopédie est un réseau social de convivialité comme un autre. L’addiction et les atteintes psychologiques se font jour beaucoup plus tard, en profondeur. »
Que se passera-t-il lorsque ces adolescents déstabilisés deviendront le citoyen de demain ? Les ravages du Web 3.0 atteindront-t-ils bientôt le journal de 20 heures ou autre presse spécialisée ? Nous n’osons même pas l’envisager…
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