Web 2.0

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Le Web 2.0, entreprise criminelle de sinformation à l’échelle mondiale, tombe en France sous les verdicts d’association de malfaiteurs, faux et usage de faux en vue de préparer une forfaiture en récidive, action en contrefaçon et violation de la propriété intellectuelle, proxénétisme mental et abus de faiblesse sexuelle, apologie organisée des crimes contre l’humanité, délit de diffamation en relation avec une entreprise terroriste, usage abusif de stupéfiants et de boissons alcoolisées hors des horaires prévus en cas d'épisode caniculaire.

Au Québec, il est passible de l’accusation de « ’stzie d’tabarnak de criss’ d’calisse de maudzit’ marde de calvaire de cul ».

Comme on pouvait largement s’en douter au vu de ces méfaits abominables, l’ensemble du Web 2.0 est méticuleusement coordonné par une seule et unique organisation secrète, l’ennemie jurée de James Bond en particulier et de l’humanité en général : l’infâme SPECTRE que dirige en personne le terrifiant Fantômas !

James Bond contre le Web 2.0

C'est toujours James Bond qui se les tape. C'est trop injuste !

Loin des soucis du monde civilisé, James Bond est en train de prendre un repos bien mérité après avoir démantelé le Complot des Réparateurs d’Escalator (voir épisode précédent).

— « Ah oui oui James ! Tou fais l’amour comme oun Dieu… »

Ce n’était que la quatrième fois d’affilée que James Bond faisait bondir au plafond Irina Koshonova, la sculpturale administratrice serbo-tchonque d’un site web suspecté d’être affilié au SPECTRE. Les yeux noirs profonds et les seins ardents de la jeune femme fixaient l’agent 007 avec intensité. Ils disaient, dans ce langage de l’âme féminine que Bond connaissait tellement bien : « Chéri, j’en veux encore… »

C’est le moment que choisit l’engin surdimensionné de Bond pour émettre une vibration caractéristique ! « Fucking téléphone » songea discrètement Bond en se soustrayant aux caresses lascives de la belle Irina. « Sorry darling, un besoin pressant » s’excusa l’Homme-au-service-de-Sa-Majesté en gentleman et en s’éclipsant dans les toilettes.

À l’autre bout du fil, la voix de son supérieur hiérarchique, le mystérieux Monsieur M, se fit entendre :

— « Nous avons d’inquiétantes nouvelles de France, Agent 007. Le Quid n’a pas été publié en 2008. Le Nouvel Obs est devenu un tabloïd comparable au Sunday Mirror. Et le plus étrange : Chuck Norris apparaît 483 fois dans les pages de la dernière édition du Dictionnaire de l’Académie Française. Nous soupçonnons le SPECTRE de mener une grande entreprise de désinformation sous le nom de code Web 2.0. »
— « How curious… Et la Dépêche du Midi ? »
— « Rien d’anormal de son côté. Ses articles sont aussi nuls que d’habitude. »
— « Enfin une nouvelle rassurante. »

James remit l’inflexible engin dans son caleçon et s’en revint vers la turbulente Irina. La sécurité du monde libre pouvait attendre encore un peu…

Mic-mac dément à l’Académie

Dans son déguisement vert et or d’Immortel, James Bond inspecta d’un coup d’oeil tout aussi furtif qu’expert les membres de l’Académie française autour de lui. Son instinct infaillible pressentait dans cette assemblée interlope quelque chose de suspect.

— « Zyva, c’est mortel d’la balle le wiki ! » annonça le président de séance. « Comment qu’on leur a niqué grave le Littré et le dico de la Star Academy, lol ! Trop que mon prof de séfran fera plus chier sa race, l’bouffon ! »

Pendant que les Académiciens applaudissaient bruyamment aux cris de LOL, MDR, ROFL et XD, l’agent en service spécial profita du désordre pour s’éclipser discrètement dans les toilettes. Après avoir dévissé la plaque du conduit d’aération, il rampa longtemps pour parvenir enfin à un sous-sol sombre et poussiéreux. Une quarantaine de vieillards séniles y étaient emprisonnés en simple calbut. Leur regard apeuré était rivé avec intensité sur l’agent double-zéro, un regard d’homme aux abois qui disait : « Délivrez-nous, par pitié ! »

— « Mon nom est Bond, James Bond » fit-il pour les rassurer.
— « Ils nous ont enfermé ici. Ils nous ont dérobé nos habits verts : nous avions suggéré l’orthographe « techtonique » pour une nouvelle façon de gigue fort courue dans ces établissements où l’on danse au son d’une musique enregistrée. »
— « Tout va bien. Je vais d’abord vous faire sortir de ce trou à rats puis je débarrasserai la planète de cette bande de salopards. »

Une heure plus tard, depuis le balcon de sa suite luxueuse au Ritz, James Bond, vêtu d’une robe de chambre de velours blanche brodée au sigle 007, contemplait l’explosion de l’Institut de France qui rougissait le ciel de Paris. Il se retourna vers le grand lit de soie où les yeux noirs de Irina brillaient d’un désir inavoué.

La base secrète sous la Tour Eiffel

7 erreurs se sont glissées entre le canevas de ma grand-mère, tel qu'on le voit sur la Wikipédia, et le tableau de Nicolas Poussin. Saurez-vous les découvrir ?

L’espion niah-koué, son propre kriss ensanglanté planté dans le dos, son œil de verre exorbité, chuta du second étage de la Tour Eiffel en poussant un grand hurlement d’horreur. James Bond jeta un vif coup d’œil autour de lui. Personne ne s’était rendu compte de rien.

Sûr de ne plus être filé, l’agent 007 s’éclipsa discrètement dans les toilettes du restaurant panoramique de l’immense monument parisien construit pour l'exposition universelle de 1889 et devenu depuis le symbole internationalement connu de la France. James Bond composa un mystérieux code secret sur le clavier dissimulé derrière la chasse d’eau : S-P-E-C-T-R-E.

La cabine sordide s’ébranla alors qu’un sourire de satisfaction illuminait le visage de l’agent de sa Majesté : elle le conduisait directement dans les profondeurs de la Tour Eiffel jusqu’à la base souterraine de la redoutable organisation criminelle.

La porte de l’ascenseur s’ouvrit sur un vaste salon luxueusement décoré de tableaux de maître. C’était une somptueuse réception. Une foule d’invités riait en échangeant à voix basse des bons mots. Pour passer inaperçu, Bond commanda un martini dry avec une olive et s’approcha en connaisseur d’un tableau de Nicolas Poussin, Et in Arcadia ego. Le chef d’œuvre du maître représentait trois hommes et une femme sans portable (le téléphone mobile n’existant pas à l’époque de Poussin).

— « C’est l’original, dit un homme distingué à côté de lui. Nous avons fait passer Nicolas Poussin pour un peintre baroque sur la Wikipédia ; puis nous avons substitué un canevas de ma grand-mère à la reproduction sur la Wikimédia Commons. Aujourd’hui plus personne ne sait qui était Poussin ni à quoi ressemblait sa peinture. On a pu ainsi dérober la toile au Louvre en toute impunité. Mais cela n’est pas encore le plus drôle… » fit-il en désignant le maître de maison.

Le plan abominable du SPECTRE

Fantômas - car c’était lui le maître de maison - descendait lentement les escaliers. La peau de son visage, d’un bleu translucide, ne présentait aucune ride. De petits yeux cruels privés de sourcils et de cils, un sourire sardonique sans lèvres fendaient son visage comme des plaies mal cicatrisées. Il était en compagnie d’une ravissante jeune femme au décolleté provocant que James Bond reconnut aussitôt : c’était Irina Koshonova !

Ah ah ah ! Rien que par le fait de lire ce texte, vous êtes déjà tombés sans le savoir dans les griffes de Fantomas !

— « Mes amis, mes amis… Aujourd’hui est un grand jour car nous avons l’honneur de recevoir parmi nous un invité de marque : j’ai parlé de… Monsieur Bond ! Ah ah ah ! » dit-il en se retournant vers James Bond tout en savourant sournoisement son effroyable effet de surprise.

Monsieur Bond est le seul ici, je crois, à ne pas connaître nos remarquables plans. Je tenais donc à les lui communiquer personnellement. Notre cher ami anglais n’aura certainement pas le loisir d’en profiter très longtemps… Ah ah ah ! »
— « Cause toujours » pensa James Bond à part soi.
— « Voici donc toute l’histoire, Monsieur Bond : il y a quelque temps, je ne parvenais plus à trouver sur Blagues.com de nouvelles plaisanteries pour distraire mes invités. C’est alors que je vis le film Le Dîner de Cons. L’idée d’utiliser des imbéciles à leur insu me parut remarquable. Je m’empressai d’en souffler quelques mots à mon employé Jimmy Wales. Ce concept devint le Web 2.0. Depuis, mes réceptions sont réputées pour le bon goût du maître de maison car il sait toujours faire rire ses invités en leur lisant les derniers articles de la Wikipédia ! Ah ah ah ! »

La jeune femme s’était glissée aux côtés de James Bond :

— « Ne m’en veux pas, James, lui glissa-t-elle. Durant mon adolescence, les épreuves de français qu’on m’a fait subir m’avaient rendue malheureuse et frigide. C’est ainsi que je suis tombée dans les griffes de Fantômas. Je croyais qu’il avait raison. C’est toi qui m’as fait réaliser à quel point j’étais une femme dans la plénitude entière de ce terme… »

Le futur du Web 2.0 : le Web 3.0

Mais Fantômas reprit d’un ton encore plus inquiétant :

— « Or le Web 2.0 n’a pas pour seul but de répandre des photos mal cadrées à l’intérieur de pages excessivement lentes, immodérément inesthétiques et à l’interface si bancale qu’on se croirait sous Linux… Non ! Non !

Le Web 2.0 n’est que la phase préparatoire d’un plan d’envergure mondiale encore plus terrifiant ! Ah ah ah ! Un plan conceptuel dont les ravages ignobles s’étendent bien au-delà de tout ce que l’homme pouvait raisonnablement attendre des sites web. Et ce nouveau plan s’appelle le Web 3.0 ! Ouvrez grand vos oreilles, Monsieur Bond, car cela peut vraiment vous intéresser…

Une omelette aux champignons Web 3.0, telle que projetée par l'infâme Fantomas !
Au SPECTRE, nous prévoyons déjà la coopération massive des internautes à notre Web 3.0. Ces pauvres cloches contribueront à alimenter le système comme ils le font aujourd’hui pour le Web 2.0. Mais le contenu du Web 3.0 ne sera plus sémantique… C’est tellement vieux jeu ! Sur le Web 3.0, l’internaute pourra participer à l’agrégation de petits lardons, de tranches de jambon cuit ou cru ; il pourra syndiquer des croûtons et des champignons, des œufs battus et de la ciboulette afin de restituer à l’utilisateur final des omelettes qu’il lui suffira de réchauffer dans son four à micro-ondes ; et ce sera la ruine des restaurants de quartier et du petit commerce ! Ah ah ah ah ! »
— « C’est une véritable horreur ! Vous êtes complètement fou, Fantômas ! » s’écria Bond.
— « C’est exact. Je n’avais pas remarqué mais il est carrément maboul » reprit à côté de lui l’invité distingué.
— « Oui Fantômas, vous êtes un fou ! » surenchérit Irina. « Je suis tombée dans vos griffes parce que j’étais malheureuse et frigide à cause des épreuves de français qu’on m’avait fait subir dans mon adolescence. Mais James m’a fait réaliser à quel point j’étais une femme dans la plénitude entière de ce terme… C’est… c’est juste ce que je venais juste de lui dire plus tôt ! »

Une larme de honte perla sur la joue de la jeune femme alors qu’elle enfouissait son visage contre l’épaule musclée de James Bond.

— « Bien joué, Irina » lui dit James en lui adressant un clin d’œil complice. « Vous avez eu raison de lui jeter à la face ce que vous aviez sur le coeur. »
— « Non, c’est moi qui doit vous remercier de m’avoir fait prendre conscience des méfaits du Web 2.0. Merci encore James. »

L’agent secret et la jeune serbo-tchonque s’embrassèrent avec passion puis ils s’éclipsèrent discrètement dans les toilettes.

Pendant ce temps, Fantômas, dégoûté devant tant d’incompréhension, repartait sur la Lune à bord de sa Tour Eiffel transformée en fusée !

James Bond et Irina Koshonova parviendront-ils enfin à vaincre Fantômas ? Retrouvez les aventures palpitantes de nos deux héros sur la Lune dans le prochain épisode de votre saga préférée : Je hais les jambons cuits !

...

Mais en attendant, la dÉsencyclopédie (associée à la Dépêche du Midi) a enquêté sur les conséquences tragiques du plan du SPECTRE. Découvrez dans la suite de cet article ce cataclysme au quotidien qui se passe juste à côté de chez vous !

L’engrenage infernal du Web 2.0

Or s’il est bien un point précis sur lequel personne n’a jamais suffisamment insisté à notre connaissance, c’est le fameux principe, très connu des services de contre-espionnage, dit « méthode du pied dans la porte ». Selon ce principe psychologique, le citoyen lambda, une fois pris dans l’engrenage du Web 2.0, se voit enrôlé sans même sans rendre compte dans le Web 3.0 ; à partir de ce moment, il n’a plus la possibilité de faire marche arrière. Insensiblement, sans même en prendre conscience, il modifie peu à peu son comportement vis-à-vis de sa famille, de ses amis proches voire, pire, de ses voisins.

« Le tout est plus que la somme des parties, nous dit Mireille Durand-Pubis, psycho-criminologue au service de la DGSE. Les pratiques du Web 3.0 induisent un changement de représentation de soi-même et de l’autre, un changement de conduite et de valeurs, avec les possibles dérives que l’on peut imaginer. C’est une causalité non linéaire, en « spirale », au sens où ce qui se produit vient interagir, ou mieux, rétroagir sur les éléments qui composent l’ensemble du comportement social et le transformer. »

Mme Lucette M., 73 ans, première victime du Web 3.0

Et la triste vérité sur le Web 3.0, la vérité de tous les jours, c'est une simple institutrice à la retraite qui nous l'a raconté. A Dijon, petite ville sympathique de la Haute-Marne dans la région du Calvados, nous avons croisé Mme Lucette M., 73 ans, alors qu’elle allait acheter son pain. Un geste banal, quotidien, qu’elle accomplit sans y songer, comme bien d’autres.

Mme Lucette M. est la première victime du Web 3.0. « Au début, je ne voulais même pas y penser, nous avoua Mme Lucette M. Je croyais à une mauvaise plaisanterie des garnements du quartier. » Mme Lucette M. habite un lotissement pour couples qui travaillent plus pour gagner plus : les plaisanteries de garnements y sont malheureusement monnaie courante.

« Mais j’ai du me rendre à l’horrible vérité, continue Mme Lucette M. J’étais bien la première victime du Web 3.0. »

Ces strelitzias qui nous envahissent

Un désastre du Web 3.0 : le côté sud-ouest du jardin de Madame Lucette M. à Dijon.

Le 23 juin à 3 heures, Mme M. entend du bruit dans son jardin. « Vous savez, à mon âge on a le sommeil léger. J’ai cru que c’était le chien du voisin qui venait gratter dans les rosiers. »

Fatale erreur. Le lendemain matin, à 9 heures 30, Mme M. se rend compte que son bégonia a été remplacé par un strelitzia nain. « J’y tenais beaucoup. Ce bégonia était un souvenir de mon pauvre mari. »

Le cauchemar de Mme Lucette M. ne faisait que commencer. Quelques jours plus tard, c’est le fuschia, offert par sa petite-fille Nathalie, 23 ans, qui cède sa place à un pommier du Japon. Puis des radis sont substitués à ses jacinthes tardives, bien moins bon marché.

Nous nous rendons sur les lieux pour constater l’ampleur du désastre. Le jardin de Mme M. ressemble aux gorges du Verdon après la célèbre bataille. Un carré de salades dans un coin près des sapinettes : « C’était mon plant de cannabis » se lamente Lucette. Trois nains en plastique entourent une Blanche-Neige délavée sur la rocaille. Mme M. nous détrompe : « Non ceux-là, c’est moi qui les ai placés ». Mais le pire reste à venir : un dolmen en pierre reconstituée trône au beau milieu de l’allée en ardoise : « C’était tellement énorme que je n’y ai pas fait attention tout de suite. Mon beau-fils me l’a fait remarquer. »

Ce suspect qui nie tout en bloc

Mme Lucette M. n’y tient plus. Elle porte plainte à la gendarmerie. L’enquête permet bientôt la mise en examen d’un premier suspect, Patrick F., 37 ans, ingénieur en informatique.

« L’enquête a été rondement menée, se félicite le commandant Bouzin, 43 ans, de la brigade de Dijon. Le brigadier Pochard et moi-même nous sommes subrepticement dissimulés derrière le mégalithe contrevenant. L’arrestation s’est déroulée sans anicroche, le suspect était seulement armé d’un pot de géraniums, diamètre 21 cm. »

« C’était ma première contribution au Web 3.0 » se défend Patrick F. « Pour le dolmen, je n’y suis pour rien ». Cela reste encore à prouver…

Cet avenir qui fait peur

Les citoyens de demain, dont le moi adulte n'est pas suffisamment intégré, n'ont aucune chance d'échapper à l'emprise machiavélique du SPECTRE.

Mais cela n’est que le premier pas d’une calamité qui menace de submerger l’économie des pays industrialisés. « Les adolescents sont les plus touchés » nous révèle Mireille Durand-Pubis. « Leur moi adulte n’est pas encore suffisamment intégré pour qu’ils puissent apprécier toute la différence. Pour eux, un site tel que la sencyclopédie est un réseau social de convivialité comme un autre. L’addiction et les atteintes psychologiques se font jour beaucoup plus tard, en profondeur. »

Que se passera-t-il lorsque ces adolescents déstabilisés deviendront le citoyen de demain ? Les ravages du Web 3.0 atteindront-t-ils bientôt le journal de 20 heures ou autre presse spécialisée ? Nous n’osons même pas l’envisager…

Votez par SMS et MMS via téléphone mobile sur Madépêche.com, le site du journalisme citoyen de La Dépêche du Midi : pensez-vous que les ravages du Web 3.0 sont pour bientôt ?


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