Dwnload Full Accounting Information Systems 8th Edition Hall Solutions Manual PDF
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CHAPTER 2
INTRODUCTION TO TRANSACTION PROCESSING
REVIEW QUESTIONS
system.
3. The physical component includes the acquisition of goods, while the financial
component includes the recognition of a liability owed to the supplier and the
Oftentimes, general journals are replaced with a journal voucher system. The
10. A trail that allows the auditor to begin with a summary total found on the
financial statements and track it back to the individual transactions that make
11. The confirmation process entails selecting customers and contacting them to
12. Master files, transaction files, reference files, and archive files.
13. Master files correspond to general ledger accounts and subsidiary ledgers.
files correspond to general and special journals. Examples include the general
journal, sales journals, cash receipts journals, payroll journals, etc. Reference
files include lists of vendors, delinquent customers, tax tables, sales tax rates,
discount rates, lists of customers granted specific discounts, etc. Archive files
are typically composed of records that have been processed but are retained
for their history. Examples include payroll transactions, sales transactions, etc.
14. The digital audit trail, like the paper trail, allows us to trace transactions from
the financial statement balance back to the actual transaction so we may: (1)
compare balances, (2) perform reconciliations, (3) select and trace samples of
15. Cardinality reflects normal business rules as well as organizational policy. For
instance, the 1:1 cardinality in the first example in Figure 2-12 suggests that
salespeople that share it, this policy would be reflected by a 1:M relationship.
represent the physical elements being used (i.e., how the tasks are being
and output products. System flowcharts can also represent both the logical
and physical elements of manual systems and also illustrate the preparation
17. Cardinality refers to the numerical mapping between entity instances, and it is
many, or many-to-many.
in Chapter 9.
capture data.
20. Batch processing occurs when similar transactions are accumulated over time
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— Eh bien ! dit-elle, si on nous le permet, j’irai vous chercher à
une heure ; et nous sortirons avec Julien dans la campagne.
Elles ne s’arrêtèrent pas longtemps ensemble ; un vent d’est
acéré leur mordait les oreilles ; à l’horizon, en aval, se bourraient des
nuages, d’un gris roux de laine sale, qui annonçaient de la neige.
Mais l’invitation de son amie enfla le cœur de Pauline d’une joie
démesurée ; en rentrant, elle se mit au piano, roucoula de longues
vocalises ; puis, tout d’un coup, elle se gronda de cette exubérance.
— Serait-ce à cause de Julien ? Quelle folle je suis !
Vers midi, la neige commença ; il ne volait encore que des
flocons dispersés par la bise, « des papillons » de neige. Edmée fut
exacte au rendez-vous ; sa figure, sous le capuchon d’un manteau,
était fraîche comme une fleur d’églantier. Julien, les jambes serrées
par des molletières, et avec un caban de toile cirée, avait la tournure
d’un jeune lieutenant qui part en reconnaissance.
Il tendit la main à Pauline, lui demanda de quel côté elle préférait
se diriger.
— Où il vous plaira, répondit-elle ; mais les hauteurs sont plus
tentantes.
Ils gagnèrent donc, au delà de l’Yonne, les collines, droit devant
eux, gravirent, dans une gorge humide, le sentier du Ru de Chièvre,
et se trouvèrent en pleins champs, au bord d’un plateau où le vent
abattait les tourbillons d’une neige de plus en plus épaisse. Ils
avançaient contre elle, les joues cinglées, les yeux entreclos, et,
déjà, ne s’entendaient plus marcher. Le grésillement des flocons
s’assourdissait sur la terre blanche. Edmée éprouvait une douceur
de se mêler à cet ensevelissement silencieux ; Pauline, la volupté
batailleuse de cheminer, en dépit du froid et de la tourmente, dans
un pays nouveau, que la neige faisait immense et fantastique.
Julien les précédait, et, de temps à autre, se rapprochant d’elles,
leur lançait une parole brève.
La route s’engageait entre des taillis de jeunes bois ; quelques
feuilles débuées battaient au bout des branches ; les ramilles se
croisaient en réseaux délicats, « semblables, dit Julien, à l’entrelacs
des veines sur la main d’une femme ». Et il regarda celle de Pauline,
comme si, à travers son gant, il eût suivi, sous sa peau, les lignes
bleuâtres. Ce fut l’aveu, à peine saisissable, de sensations qu’il
réprimait. En lui, les mouvements de l’instinct et l’effort de les
maîtriser se succédaient par subits contrastes. Plus loin, ils
aperçurent, autour d’une mare, des osiers rouges oscillant, si rouges
que leurs tiges paraissaient enduites d’un sang figé.
— Quand je vois de ces osiers-là, exprima-t-il comme pour lui-
même, ils me font songer aux verges de la Flagellation…
Pauline, tout étrangère qu’elle fût à l’histoire du Christ, comprit de
quelle flagellation il se souvenait. Deux semaines plus tôt, elle eût
taxé de folle son idée ; aujourd’hui, elle désirait saisir le pourquoi
d’un tel rapprochement. D’ailleurs, la solitude et le vent glacé, la
réflexion brillante de la neige portaient son cerveau à un état de
clairvoyance où ses lourds préjugés se dissipaient.
— Vous êtes étonnant, fit-elle. A quoi bon chercher de la
souffrance, même dans les plantes qui ne souffrent pas ?
— Elles souffrent une peine confuse, reprit, avec animation,
Julien, le deuil du premier Paradis, l’attente de la gloire et de la paix
dernière. Toutes les créatures ont sur elles le signe de la Passion,
puisqu’elles sont l’œuvre du Verbe fait chair et crucifié par
consentement depuis l’origine des siècles. Mais nous, nous savons
qu’Il souffre, et à cause de nous. Supposez-vous chrétienne,
chrétienne totalement — non comme moi qui sais ce qu’il faut faire
et ne le fais pas, — chercheriez-vous dans cette vie autre chose
qu’un miroir de la Rédemption ?
— Tout est là, dit Pauline, vous admettez la Rédemption ; moi, je
ne puis pas. L’innocent pâtir pour le coupable, c’est horrible, c’est
monstrueux ; vous adorez un Dieu féroce, avide de sang, et, ensuite,
un Dieu qui se laisse torturer et qui meurt comme un misérable, pour
payer une faute commise contre lui, Dieu. La contradiction me
révolte…
— Ah ! protesta Julien d’un ton d’affectueux reproche, vous
n’avez guère le sens de l’amour. Est-ce que les hommes ne sont pas
tous un seul homme ? D’innocent, il n’y en a point. J’ai moi-même
une faible expérience de la douleur ; mais je sais que je vaux peu ou
rien. Voilà pourquoi nulle injustice ne me heurte dans les calamités
qui pleuvent sur le monde autant que ces flocons de neige sur nos
têtes. Si j’étais un cœur moins tiède et puéril, je voudrais expier pour
ceux qui ont le plus mérité de souffrir. Dieu seul aime absolument,
comme Il est juste absolument. Dans l’abîme où se joignent la
Justice et l’Amour, vous ne pénétrez pas, moi non plus, ni personne ;
c’est le mystère des mystères. Mais le péché et la douleur sont des
faits ; la Rédemption aussi, et un fait, sans lequel les deux autres
rendraient l’existence incompréhensible…
— Il s’agirait d’abord de prouver, objecta Pauline, que le péché
n’est pas un mythe.
— Alors, intervint Edmée d’une manière pétulante, vous ne
péchez jamais ? Vous avez de la chance !
— Et vous, quels crimes pouvez-vous bien commettre, exquise et
bonne comme vous l’êtes ?
— Oh ! moi ! reprit Edmée, sans trop de contrition dans l’accent,
du matin au soir je pèche. Au moment où je me lève, j’ai la paresse
de me lever ; pendant que nous disons la prière, je me dissipe vingt
fois par minute. Si je déjeune avec du pain rassis, je soupire à l’idée
d’une brioche. Je sors ; les glaces des devantures me renvoient la
silhouette de ma personne, et je n’en suis pas mécontente, je lis
dans les yeux des passants qu’on me trouve bien. Vous avez tort de
me croire bonne ; je me prive rarement pour les pauvres, j’ai une
langue pointue ; quand arrive un ennui aux gens qui ne m’aiment
pas, mon premier cri, si je ne me retenais, serait : Tant mieux ! etc.,
etc… Peut-on savoir tout le mal dont on est capable ?
Pauline se mit à rire : en cette confession elle ne démêlait que
l’enfantillage de scrupules dévots, superficiels du reste,
puisqu’Edmée les énonçait aussi cavalièrement. Il lui était difficile
d’atteindre une âme catholique de moyenne espèce, formée aux
minuties de l’examen de conscience, et familière avec les
sacrements, choyée dans le giron de l’indulgente Église, où, sachant
le pardon à sa portée, elle se tourmentait peu de ses faiblesses.
Ils descendirent en silence au pli d’un mamelon qui les abrita du
vent. La neige continuait à tomber d’une chute impétueuse et molle ;
les bois, sous cette toison grisâtre, perdaient leur couleur brune
d’écorce de châtaigne ; Pauline, malgré la cuisson de l’air froid sur
ses joues, se figurait marcher dans une chambre tendue de ouate.
A la fourche de deux chemins, le long d’une pente, les toits d’un
hameau parurent ; une vieille femme en venait, sa hotte aux
épaules ; elle présentait un profil sec et fin, sans caractère comme
sans vulgarité, effigie usée d’un ancien type rustique. Edmée, d’un
signe de tête, lui dit bonjour ; la vieille, au lieu de répondre, baissa le
nez par maussaderie.
— Nous ne sommes plus au temps, dit Julien, où le salut des
paysans faisait les routes hospitalières même aux inconnus qu’ils
croisaient. A présent, les maîtres, savez-vous comment ils les
appellent ? Les créanciers. Lorsqu’ils nomment, ici, tout près, la
comtesse du Frénoy, ils disent tout court, à la façon des sans-
culottes : la Frénoy.
Les vastes communs d’une ferme antique tranchaient parmi des
masures ; le pignon moussu d’une de ses mansardes pointait hors
de la neige ; une lucarne se couronnait d’un fronton triangulaire,
pompeux et d’autant plus baroque qu’au-dessous s’appuyait une
fruste échelle dont les échelons étaient noirs de purin.
Edmée apprit à Pauline que cette ferme dépendait jadis du
Frénoy, et, indiquant à l’ouest le château invisible derrière les
futaies, elle narra de son histoire un épisode attendrissant.
Il appartenait, vers la fin de la Restauration, à un certain marquis
de Subligny, lequel avait fricassé son bien dans de sottes aventures,
et dut laisser vendre avec son mobilier la maison de ses pères, mais
se réfugia non loin, dans une bicoque, seul en compagnie d’un vieux
domestique. Celui-ci nourrissait son maître de la culture d’un jardin
et des économies faites sur ses gages d’antan. Le marquis,
cependant, se mourait de consomption et du chagrin d’avoir gaspillé
sa jeunesse. Quand les acquéreurs du château connurent son triste
état, ils lui offrirent en sa propre demeure l’hospitalité. On lui réserva
le plus seigneurial des appartements, et, là, entouré de ses meubles,
de tout ce qui perpétuait les fastes de sa famille, il s’en alla d’une fin
douce, dans l’illusion d’être encore le maître de céans.
L’anecdote toucha Pauline plus qu’elle ne l’eût fait en d’autres
lieux. La mélancolie qui tombait sur la campagne muette où le jour
semblait déjà moribond lui insinua une sympathie lointaine pour
l’inconnu dont elle écoutait la légende. La communauté d’un
sentiment fugitif, à son insu, la rapprochait davantage d’Edmée et de
Julien.
Julien voulut regagner la plaine en coupant au milieu des terres.
Il ne s’y décida point sans consulter Pauline dont les chaussures un
peu minces courraient quelques risques dans les sillons comblés de
neige. Elle se moqua de l’avertissement, se prétendit infatigable. Ils
s’avancèrent donc hors des chemins frayés. La bise, maintenant,
leur jetait contre le visage des poignées de flocons, qui, se figeant
au bout de leurs cils, les aveuglaient à demi. Par endroits, ils
arrachaient avec effort leurs pieds de la neige profonde : Pauline ne
sentait plus la pointe de ses orteils ; elle soutenait pourtant son
entrain. Julien se rendit compte qu’elle et Edmée auraient peine à
s’en tirer jusqu’à la grand’route ; il leur proposa fraternellement à
toutes deux son bras.
Pauline le prit d’un geste réservé. Mais, comme elle bronchait au
creux d’une ornière, elle serra fort la manche de son guide dont
l’appui nerveux la maintint d’aplomb. La vigueur de Julien se
communiquait à sa volonté, atténuait sa fatigue. Les champs, au
crépuscule, s’amplifiaient et paraissaient avoir perdu leurs horizons ;
cependant ils découvrirent une ferme solitaire près de laquelle se
hérissaient en ligne des poiriers, « pareils, sous la neige, dit Edmée,
à des porte-cierges, quand de la cire y a coulé ».
Elle ajouta en regardant son frère :
— Il ferait bon s’arrêter, là-bas, cogner à la porte, comme le petit
Poucet, et se griller vis-à-vis d’un bon fagot.
— Vous êtes lasse ? dit Pauline, pour se convaincre qu’elle-
même ne l’était point.
— Encore une demi-lieue, appuya Julien, et nous empoignons la
route. Imaginez-vous jusque-là que cette côte, devant nous, est un
sommet des Alpes où nous allons sauver des voyageurs en
détresse…
Pauline n’avait pas besoin de stimulation ; elle eût souhaité que
leur aventure ne finît jamais ; et elle jouissait d’unir sa marche au
pas ferme de Julien ; mais, tout à coup, par une coquetterie
irraisonnée, elle quitta son bras. L’imperceptible déplaisir qu’elle crut,
à un froncement de sourcils, deviner en lui, la traversa d’une joie
secrète…
A présent ils dominaient la vallée confuse et des peupliers tordus
d’où s’enleva une bande de corbeaux, comme des loques noires
charriées par le vent. Dès qu’ils furent au bas du coteau, sur la route
plate, Julien se tourna vers Pauline :
— Savez-vous où nous sommes ? A un quart d’heure de Druzy.
Voulez-vous faire une surprise à votre oncle ?
Un instant elle hésita : sa méfiance du prêtre se réveillait à l’idée
d’entrer chez lui ; et que dirait son père de cette visite ? Mais elle
commençait à sentir, comme Edmée, sa lassitude ; une curiosité, le
pressentiment du bonheur qu’elle porterait à son pauvre oncle, le
désir tacite de ses deux compagnons, tout la décida.
L’église de Druzy commande, à la façon d’un château fort, les
approches du village ; ancienne collégiale, de loin elle prend des
proportions qui étonnent : les flancs de son vaste chœur s’évident et
poussent au dehors des prolongements à toit aigu ; le chapeau
d’une tourelle s’appuie contre sa nef au-dessous d’un vigoureux
clocher roman. De près, elle trahit des tristesses de ruine ; une
moisissure verte suinte de ses murailles là où le lierre vorace ne s’en
est pas rendu maître.
Julien cherchait du regard, proche l’église, le presbytère, quand il
reconnut, dans un chemin montant, la porte que surmontait une croix
rouillée. Il tira la corde d’une cloche ; des sabots, sur le sol feutré,
résonnèrent sourdement, et l’abbé Jacques vint ouvrir en personne,
car il se passait de servante.
A la vue de Pauline, il demeura comme suffoqué, rougit d’un
transport qu’il ne chercha pas à contenir.
— Je vous espérais, dit-il se ressaisissant ; et Victorien, où est-il
donc ?
Pauline, en quatre mots, sans mensonges de politesse, élucida
comment « le hasard » l’avait conduite à proximité de Druzy ; elle
présenta Edmée et Julien. L’abbé les mena dans sa cuisine ; il y
instruisait, à cette heure, les enfants du catéchisme ; la sacristie, où
il le faisait d’ordinaire, eût été, par ce froid, malsaine. Une lampe de
cuivre sans abat-jour était posée sur une table de bois blanc ; deux
petits gars et deux petites se tenaient assis en rang, un livre entre
leurs mains, le dos tourné au feu, et la neige du dehors éclaircissait
leurs visages de son reflet immaculé.
Le curé alla prendre pour ses hôtes des chaises dans la pièce
voisine ; tandis que les jeunes filles se sécheraient au coin de l’âtre,
il demanda la permission d’achever son catéchisme ; l’assistance
imprévue y ajouta une solennité.
Pauline remarqua tout de suite que les garçons possédaient mal
le texte qu’ils récitaient et ne semblaient rien y comprendre. Les
petites, au contraire, plus déniaisées, levaient souvent le doigt pour
répondre. La moins grande, qui s’appelait Louise, avait un air
espiègle et futé ; ses cheveux bruns dépassaient le châle blanc
qu’elle gardait sur sa tête ; ses yeux, d’une limpidité si brillante que
ses cils même paraissaient bleus, sa bouche menue, son teint rose
s’animaient de grâces mutines ; quand elle ne savait pas, elle faisait
une jolie moue, et, en se dandinant, interrogeait le plafond.
L’abbé leur expliquait l’existence de Dieu dont personne,
visiblement, ne leur avait parlé ; et il tâchait de mettre à leur niveau
une preuve imagée de la Cause créatrice.
— Vous avez vu, mes enfants, des anneaux aimantés pendre les
uns aux autres ; d’où leur vient à tous la puissance qu’ils ont de se
tenir entre eux ? Louise, d’où vient-elle ? Voyons, Augustine ?
Ernest ? Charles ?…
— Eh bien ! reprit-il, comme tous se taisaient, elle vient d’un
premier aimant… Vous vivez. D’où vient la vie ? Elle vient de
quelqu’un qui a été avant vous, avant vos pères, qui a toujours été.
Il s’énonçait avec une gravité affable, haussant peu la voix, et
l’attention des enfants semblait suspendue à ses lèvres, comme par
l’aimant qu’il évoquait. Pauline, formée, selon le pli paternel, à
évaluer les gens sur leurs mérites d’intelligence, reconnaissait à son
oncle une parfaite clarté d’exposition. Elle voulait négliger la
substance de sa doctrine, mais suivait, malgré tout, cette
métaphysique élémentaire aussi neuve pour elle que pour les jeunes
sauvages de Druzy.
Lorsqu’il eut achevé, il se mit à genoux sur les carreaux, les y fit
mettre autour de lui, et, tous ensemble, ils dirent le Pater, puis l’Ave.
Julien et sa sœur se joignirent à l’oraison commune. Les enfants
observèrent que l’autre demoiselle demeura, hors du cercle, assise,
et fixait les braises du foyer.
Elle reçut pourtant, à les entendre, la révélation de ce que peut
être la prière : la voix de l’abbé Jacques imprimait aux mots répétés
par ces bouches enfantines une ferveur si simple qu’une religion
paraissait naître dans cet humble élan vers le Père « qui est dans les
cieux » et la Vierge « bénie entre toutes les femmes ».
La douceur de prier, jamais Pauline ne l’avait comprise.
Maintenant, elle admettait, au moins en idée, le besoin d’invoquer la
Cause inconnue, quand même nous ne savons pas où s’en va notre
appel. Cette sympathie d’émotion se mêlait à la pauvreté
accueillante du presbytère, aux délices du feu dont la tiédeur coulait
en ses membres, et à des réminiscences plus lointaines de foi
familiale que le contact de son oncle ranimait au fond d’elle.
Les enfants congédiés avec des bons points et des images,
l’abbé, au bout de quelques minutes, revint, tenant une bouteille de
Chablis mousseux.
— Ut vinum lætificet cor hominis, dit-il tout jubilant de voir sa
nièce sous son toit. Et, pour la fêter, comme le père de famille
immola le veau gras, il apportait son unique bouteille de choix.
Il se mit en devoir de la déboucher ; mais le bouchon résistait à
son effort ; Julien s’empressa de la lui prendre, et, d’une main aisée,
délivra le vin fumant.
— C’est en cette cuisine, dit Edmée, je la reconnais, que mon
père vit le vieux Breton et sa fille agenouillés…
— Au temps de M. Le Goff, sans doute ? J’ai lu ce nom sur le
registre de mes prédécesseurs. Ah ! ce registre, il contient des
choses bien affligeantes ! Quarante années durant, ma pauvre
paroisse eut un prêtre constitutionnel. Faut-il s’étonner que la foi s’y
soit perdue ?
— Comme vous devez être seul, mon oncle, fit Pauline, tous les
soirs, dans cette maison !
L’abbé venait de lever à la santé de Victorien son verre où il ne
s’était versé qu’une goutte ; il y trempa ses lèvres et sourit :
— Mais, je ne suis pas seul, ma chère enfant ; j’ai toute la
communion des bienheureux et les trois personnes de la sainte
Trinité pour compagnie.
D’ailleurs, ajouta-t-il, même extérieurement ses journées étaient
si pleines ! Le matin, après sa messe, et son ménage fait, il travaillait
une heure son potager, quoique le sol n’en valût rien, la craie sortant
à fleur de bêche. Ensuite, il s’adonnait à un ouvrage de théologie, un
grand catéchisme historique qui exigeait d’énormes lectures.
L’après-midi, il s’en allait voir ses paroissiens, ceux des hameaux
distants, où, depuis une génération, pas un prêtre ne s’était montré ;
il choisissait les jours de pluie et les temps affreux, sûr d’atteindre
les gens au logis ; et ils osaient moins alors lui fermer leur porte.
Les rebuffades ne l’effrayaient point ; la veille, entrant pour la
première fois chez une paysanne, il s’était présenté comme le
nouveau curé. « Qu’é qu’ça m’fait à moi ? » Telle fut sa réponse ; et
elle lui tourna le dos, partit dans son étable. On l’avait prévenu que,
sil pénétrait en de certaines fermes, sa visite aurait pour les
tenanciers l’allure d’un défi à leurs opinions ; ils lâcheraient leurs
chiens contre lui. Il s’y était rendu quand même ; les chiens l’avaient
laissé tranquille ; mais, à l’aspect de sa soutane, comme à
l’approche d’un sorcier ou d’un lépreux, maîtres, domestiques,
enfants s’écartaient, on touchait du fer, on se cachait avec une sorte
d’horreur superstitieuse. D’autres le repoussaient, parce qu’ils
avaient des tares dans leur vie, une femme notamment dont ses
voisins racontaient qu’elle avait empoisonné en son berceau son fils
unique. D’autres l’accueillaient, l’invitaient « à prendre un verre » ;
néanmoins, il ne pouvait leur parler que du « bestial », des récoltes,
de la santé des enfants ; dès qu’il en venait à la religion, tous
prenaient un air stupide. Un point surtout les ahurissait, c’était qu’ils
fussent capables de péché.
— Des péchés ! se rebiffait un vieux moribond ; mais, monsieur,
je puis lever la tête, j’ai toujours été un honnête homme.
— J’en ai bien, moi, des péchés, répliqua l’abbé Jacques.
— Vous en avez ! Eh bien ! c’est du propre ! Pourquoi alors que
vous vous êtes fait curé ?
Pauline, en écoutant ces propos, se souvint de ce qu’elle-même
avait ressenti à la venue de son oncle ; et elle eut presque honte
d’avoir partagé les préventions de rustres imbéciles. La figure du
prêtre, laminée par les jeûnes et la contention intérieure, exerçait sur
elle un prestige que, pour l’instant, elle se plaisait à subir. On eût dit
qu’un pouce surhumain, appuyant sur ses joues, y avait creusé deux
trous d’ombre, pour faire saillir plus fortement ses os d’ascète et
renfoncer la pointe de son regard. Ses doigts, qui se joignaient, puis
se séparaient tout d’un coup, accusaient le fond de violence
nerveuse qu’il s’appliquait à réfréner ; mais une paix transcendante,
indéfinissable flottait autour de sa personne : Pauline se voyait
inférieure à lui, et cependant elle n’en souffrait pas ; elle trouvait
plutôt dans cet abaissement la délivrance d’un malaise obscur.
— Quand le temps est beau, continuait-il, je m’en vais à travers
champs, je lis là mon bréviaire ; je tâche de joindre les hommes au
travail. J’ai conquis l’amitié d’un berger natif du Morvan ; il mène le
long des communaux ses deux cents moutons et ses deux chiens, et
il vit, tout le jour, dans le silence, appuyé sur sa houlette. Nous
sommes faits pour nous entendre… Le soir, je me remets à mon
ouvrage, puis je retourne à l’église. J’en ai besoin ; voyez-vous, il y a
pour le curé de Druzy, comme pour bien d’autres, des heures très
douloureuses. Je ne parle pas des affronts que je dois avaler
comme de l’eau, des mourants qui me ricanent au nez, du maire que
je croisais, dimanche, escorté de son conseil, allant faire un
baptême civil, et il fallait voir de quel œil ces messieurs me
regardaient ! Mais lorsque je songe que, sur six cents âmes à moi
confiées, j’en atteins une vingtaine au plus, je voudrais, pour
dompter ces endurcis, le pouvoir des miracles, je sens mon indignité
écrasante, et parfois je m’étonne que les pierres de mon église ne
crient pas avec moi vers Dieu leur désolation.
— Oh ! je vous comprends, exprima Julien, touché par l’accent de
cette confidence. Moi-même, qui ne suis qu’un écervelé, j’ai, par
moments, de ces idées-là, il me semble que des prodiges
d’expiration suffiraient à peine ; la terre, plus que jamais, a soif des
saints et des martyrs…
— Mon oncle, fit Pauline et se levant, — car cet échange
d’ardeurs mystiques où elle n’avait aucune part l’indisposait, — nous
allons vous dire : Au revoir ; l’oncle Hippolyte se croirait perdu, si le
dîner n’était pas servi à la minute où il l’attend.
— Attendez, je veux que vous emportiez quelque chose de votre
visite.
Un souffle glacial sortit de la porte qu’il ouvrit au fond ; dans la
chambre où il pénétra le vent se plaignait comme un enfant sans
mère.
— Voulez-vous voir mon cabinet ?
Pauline et Edmée, puis Julien en passèrent le seuil ; le froid de
ce lieu leur donna le frisson : un papier, en guise de vitre, battait
contre un des montants de la croisée. L’abbé, d’un ton joyeux,
expliqua sa misère : le bois de la fenêtre étant moisi, comme il
l’ouvrait tout à l’heure pour clore ses volets, l’espagnolette et un des
carreaux lui étaient restés entre les doigts. Le délabrement des
parois elles-mêmes causait un phénomène étrange : la tapisserie,
trouée par endroits, se gondolait à chaque bourrasque ; le mur
semblait vaciller avec des ombres fumeuses, tandis que les flammes
de la lampe éclairaient quelques gravures appendues, le portrait du
Pape entre une estampe du saint Bruno mourant de Lesueur et la
Vision de Zacharie d’après Gustave Doré. Edmée entrevit un
harmonium dans un coin, une table de travail en bois blanc comme
celle de la cuisine, et Julien s’approcha des livres rangés avec
méthode sur des rayons ; il n’y reconnut pas un seul de ces volumes
mondains dont les prêtres désœuvrés de la campagne se plaisent à
égayer leur bibliothèque, mais uniquement, les ouvrages où s’est
condensée la forte moelle de la tradition théologique depuis les
Pères jusqu’à Franzlin et à Mgr Pie.
Pauline, se demandant quel souvenir son oncle lui réservait,
s’attendait, non sans ironie, à une image de piété ; il s’était assis
devant le secrétaire de la tante Lætitia, et il prit dans le tiroir une
miniature qui représentait une jeune dame en toilette du premier
Empire, les épaules et les bras nus, ayant des accroche-cœur sur le
front, des frisons sur les joues, un air de tendresse aimable et de
sémillante ingénuité.
— Tenez, dit-il à Pauline, c’est votre arrière-grand-mère
paternelle ; Victorien la désirait.
Ce cadeau imprévu la transporta ; plus d’une fois le regret l’avait
prise d’ignorer presque tout de cette aïeule, qu’elle savait par ouï-
dire, charmante. A présent, elle possédait au moins ses traits ; que
ne pouvait-elle percevoir le timbre de sa voix, vivre en sa
compagnie, lui dire qu’elle l’aimait !
Elle écartait la miniature pour la faire mieux voir à Edmée ;
l’abbé, derrière elle, haussait la lampe qu’il protégeait de sa main
contre les coups de vent, et Julien, comparant le profil de la dame à
celui de Pauline, admirait la fidélité d’une race à une noblesse de
type longuement acquise.
L’abbé, lorsqu’ils partirent, voulut les raccompagner jusqu’à la
petite gare, au bas du village. Le grésil neigeux, plus menu, pleuvait
du ciel nocturne, tel que de la farine coulant hors du blutoir.
— Les jolis arbres de Noël ! dit Edmée en face des pommiers tout
blancs.
— La neige, reprit Julien, est une chose douce comme la manne
dans le désert.
— Oui, répondit l’abbé, une tombée de neige ressemble à la
descente illimitée des Hosties saintes sur les autels…
Sa phrase, que coupa le sifflet du train, remit une distance entre
Pauline et lui ; un instant plus tôt, elle eût volontiers embrassé son
oncle, oublié qu’il était prêtre.
Julien, pendant le bref trajet, avec une flamme extraordinaire,
loua la sublimité de cette âme sacerdotale heureuse dans
l’abnégation et soumise même aux opprobres. Pauline n’acceptait
qu’à demi son langage, mais elle recevait l’influx de son énergie
qu’elle sentait courir le long de ses nerfs en ondes sourdes.
— Vous verrez, insinua Edmée finement pour confesser son
frère, qu’un de ces matins Julien suivra l’exemple de votre oncle.
— Hélas ! non, répliqua-t-il, le monde me tient trop…
— C’est dommage, lui jeta Pauline, vous seriez parfait en abbé.
— Comme vous en carmélite.
Un sans-façon d’amitié exempt de toute aigreur anima cette
riposte : qu’ils étaient loin déjà de leur première rencontre ! Si
Pauline avait pris le temps de s’examiner, elle eût été confuse
d’avoir tressailli d’un bonheur furtif à entendre que Julien ne serait
pas un prêtre ; et pourquoi se donnait-elle l’air de souhaiter qu’il le
fût ?
Une fois rentrée au logis, durant le souper monotone, puis dans
sa chambre, assise vis-à-vis d’une flambée, tandis qu’elle reprisait le
paletot de l’oncle Hippolyte, elle laissait les impressions de l’après-
midi se dévider capricieusement en sa mémoire ; mais une question
insistante qu’elle ne s’était pas encore posée la tira de la
somnolence où le bien-être du feu liait son cerveau étourdi par la
froidure et le vent : Julien n’avait-il pour elle qu’une sympathie
éphémère ? Devait-elle chercher au fond de ses égards l’arrière-
pensée de la convertir ? Certains signes pourtant, des nuances de
gestes, des coups-d’œil brusques semblaient avouer un attrait
involontaire, presque un sursaut de passion.
— Au reste, conclut-elle en se couchant, qu’il sente et veuille ceci
ou cela, peu m’importe.
Son besoin de se défendre démentait son indifférence affectée ;
elle s’endormit avec la lumière des yeux de Julien contre ses yeux ;
et elle voyait remuer ses lèvres vermeilles articulant ce blâme
qu’elles rendaient suave :
« Ah ! vous n’avez guère le sens de l’amour… »
Au milieu de la nuit, un bruit insolite, venant de la rue, la réveilla :
quelqu’un, en bas, près de la porte, secouait ses semelles chargées
de neige ; serait-ce son père revenu par un train tardif ? Elle se leva,
entr’ouvrit sa porte, et faillit lâcher un cri en reconnaissant de dos
Égalité ; une petite lanterne dans une main, ses chaussures dans
l’autre, la bonne, rentrant d’une équipée, montait en tapinois
l’escalier de sa mansarde.
Pauline se recoucha, bien résolue à chasser le lendemain cette
vilaine fille, et indignée d’abord de son hypocrisie ; mais elle se mit à
raisonner sur cette escapade :
— Après tout, si tel est son plaisir… De quel droit la
condamnerais-je, si ce n’est parce qu’elle est sortie sans permission,
et qu’elle pourrait, une autre nuit, ne plus rentrer seule ? J’irais me
promener le soir avec un ami qui me plairait, serait-il juste qu’on me
lapidât ?
Elle tendit l’oreille, comme si un nouveau bruit allait déranger le
silence. A l’intérieur de la maison rien ne bougeait. Dehors, un chien,
sans doute en quête parmi des immondices, faisait craquer un os
entre ses mâchoires ; des chevaux, dans une écurie, étiraient leur
chaîne. La neige avait dû cesser, et la lune se dégager des nuages ;
car une clarté fluide glissait par les fentes des volets, et ce ne
pouvait être celle du réverbère qu’on éteignait avant minuit.
Pauline cédait au rêve qu’elle venait d’ébaucher : une course
dans les bois, sous la lune blanche, à travers la neige muette,
indéfinie ; Julien l’accompagnait, et bien que la campagne fût
déserte, il lui parlait à voix basse. Subitement, sa conscience se
réveilla.
— Quoi donc ! Je l’aimerais ? C’est trop absurde. Un hautain, un
ambitieux, et peut-être un instable, comme ils le sont tous… Quand
je ne suis pour lui que l’étrangère qui passe, et une mécréante…
C’est fini, je ne veux plus le revoir. Mais faut-il être niaise et
romanesque ? Je l’ai rencontré trois fois, et déjà je me laisse
prendre ! Non, je le reverrai, et je serai froide, méprisante… Qu’a-t-il
fait pour que je le traite ainsi ? Hier, du premier au dernier moment il
s’est montré plein d’attentions, affectueux comme malgré lui. Si
pourtant il me comprenait…!
Son cœur palpita d’une agitation radieuse, des fleurs rouges
tremblèrent dans les rideaux de son lit. Mais, tout d’un coup, le demi-
jour lunaire vint à s’éteindre, les ténèbres furent totales. Un long
frisson lui saisit les épaules. L’angoisse d’un désir impossible à
combler la mit en face de sa misère ; elle eut peur de l’ombre, peur
de sa faiblesse, se sentit isolée, captive au creux d’un puits noir ; où
était-il celui qui la sauverait d’elle-même ? Elle se souvint des
enfants à genoux récitant le Pater ; le murmure de leurs petites voix
l’avait émue ; que ne savait-elle prier comme eux, comme lui ? Et,
dans cette minute de détresse, son orgueil se fondit ; les yeux
grands ouverts, elle prononça :
« O Vous que j’ignore, Être inconnu qu’on appelle Dieu, je ne sais
qui Vous êtes, ni qui je suis ; si vous êtes, je suis au monde par
Vous, c’est Vous qui m’avez créée, comme vous avez fait la neige et
le vent. Je ne vous ai rien donné, et vous m’avez tout donné ; Vous
me connaissez et je ne vous connais pas ; si Vous venez à moi, je
ne puis Vous voir ; si Vous me délaissez, je n’en sais rien. Faites-moi
comprendre au moins que Vous êtes, envoyez-moi la paix dont j’ai
besoin… »
Un coq lointain poussa dans la nuit glacée son appel de clairon
qui veille ; plus calme peu à peu, elle se rendormit.
V