Engineering Economics Financial Decision Making For Engineers Canadian 5th Edition Fraser Test Bank
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2) What makes one dollar in the future less desirable than one dollar today?
A) variable interest rate
B) a forgone opportunity of investment
C) a diminishing purchasing power of money over time
D) a growing inflation
E) accumulated welfare of people
Answer: B
Diff: 1 Type: MC Page Ref: 20
Topic: 2.2 Interest and Interest Rates
Skill: Recall
User1: Qualitative
1
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5) Milo has just inherited $6 500 and immediately spent the money purchasing an investment certificate.
He decided to use the investment certificate to finance his return to the university that he left because of
the financial problems at the time. Milo calculated that the interest rate the bank would pay on his
investment certificate would allow him to accumulate the $7 600 he would need over 4 years. What
interest rate does the bank pay?
A) 2.0
B) 2.5
C) 3.0
D) 3.5
E) 4.0
Answer: E
Diff: 2 Type: MC Page Ref: 21
Topic: 2.3 Compound and Simple Interest
Skill: Applied
User1: Qualitative
6) It is known that the total interest paid over a 5-year period is $2 081.13. What was the principal
amount borrowed at a 6% nominal interest rate compounded quarterly?
A) $3 000
B) $4 000
C) $5 000
D) $6 000
E) $7 000
Answer: D
Diff: 3 Type: MC Page Ref: 26-27
Topic: 2.3 Compound and Simple Interest
Skill: Applied
User1: Quantitative
2
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7) Nominal interest rate is calculated by
A) summing up all interest rates for all compounding periods.
B) converting a given interest rate with a compounding period to an equivalent interest rate with a one-
year compounding period.
C) dividing the interest rate per compounding period by the number of compounding periods per year.
D) multiplying the simple interest rate by the number of years.
E) multiplying the interest rate per compounding period by the number of compounding periods per
year.
Answer: E
Diff: 2 Type: MC Page Ref: 26
Topic: 2.4 Effective and Nominal Interest Rates
Skill: Recall
User1: Qualitative
8) Your credit card statement says that your card charges 0.0562% interest per day. What is the actual
interest rate per year?
A) 11.6%
B) 14.5%
C) 18.3%
D) 20.1%
E) 22.8%
Answer: E
Diff: 2 Type: MC Page Ref: 26
Topic: 2.4 Effective and Nominal Interest Rates
Skill: Applied
User1: Quantitative
9) If an interest rate is 18% per year, what is the equivalent interest rate per quarter?
A) 3.8%
B) 4.5%
C) 4.8%
D) 6.2%
E) 8.6%
Answer: B
Diff: 2 Type: MC Page Ref: 25
Topic: 2.4 Effective and Nominal Interest Rates
Skill: Applied
User1: Quantitative
3
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sûr qu’ils ne soient rien ? Le petit souffle qui enflait leurs narines de
vivants se dissout-il dans l’air où ils ont expiré ? De leur conscience,
subtile vibration d’atomes, quelque chose d’impondérable
n’échappe-t-il pas au néant ?
Ainsi raisonnait Pauline, perdue dans les cavernes de son
ignorance métaphysique. Elle avait interrogé quelquefois M. Ardel
sur ce mystère, et il s’était contenté de répondre : « Nous ne savons
pas. » Cependant, elle gardait, comme lui, de ses ancêtres italiens,
deux rudiments de l’instinct religieux : le culte des Mânes et
l’appréhension de l’Inconnu.
— Au cimetière de Roanne, pensa-t-elle, ma mère est seule ;
personne n’ira plus la voir. Je vais écrire qu’on mette des bruyères
du Cap et des roses de Noël…
Mais elle ajouta intérieurement, avec plus de curiosité que
d’angoisse :
— Que se passera-t-il pour moi dans cette maison et dans cette
ville ?
Elle sauta hors du lit, prompte à se lever, les jours où le
professeur faisait sa classe le matin ; elle-même, en effet, lui
préparait son bol de chocolat. Pieds nus, elle ouvrit les volets de ses
deux fenêtres. L’aube grelottait sur le toit d’en face, gris de givre ; le
ciel, d’acier pâle, d’un rose diaphane à l’orient, présageait un lundi
splendide. L’air aigu, des ablutions froides et l’espoir du soleil
montant la remirent en gaieté. Le soleil était son idole ; lorsqu’il se
montrait, les vitres de sa chambre flambaient comme des vitraux ; il
se prélassait, jusqu’à trois heures après midi, contre la maison ; le
mur le buvait par toutes ses pierres et la vigne par tous ses
sarments :
— Que vivre est beau ! se disait Pauline, enfilant les manches
d’un peignoir douillet. Qui donc a fait la mort ?
Elle descendit en hâte, à un bruyant coup de sonnette ; la laitière
venait de poser ses berthes sur le trottoir. L’ample Mme Naudot
entra comme un tourbillon et proféra d’un gosier criard, avec son
accent de l’Ile-de-France :
— Je vous amène le beau temps ; c’te nuit, à une heure, quand je
me suis levée, le ciel n’était qu’une étoile.
Pauline s’amusait de son babil et admirait en elle une race qu’elle
croyait disparue, la bonne femme de jadis, simple et carrée, diligente
au labeur, toujours joviale. Elle paraissait jeune, bien qu’elle eût
quatre filles et deux fils dont l’aîné « avait fini son temps ». Un
mouchoir noué autour du chignon, une « marmotte » telle qu’en ont
les paysannes de la Brie, serrait son front court, entaillé d’une ride
horizontale ; sa rude mâchoire soutenait des joues rougeaudes, si
rebondies qu’elles renfonçaient ses yeux pétillants. Elle savait
Pauline sans cuisinière et lui en offrit une de sa connaissance, « une
fille honnête et forte, travailleuse, propre, mais aussi propre qu’un
oignon » ! Pauline la remercia : elle en attendait une autre qu’on
devait tout à l’heure lui présenter.
Aussitôt que le déjeuner fut prêt, elle agita une cloche afin
d’avertir « ses deux hommes ». L’oncle Hippolyte arriva le premier,
ponctuel à la manière d’une horloge « dont le mouvement, disait-il
lui-même, restait bon ».
Ce petit vieillard chauve, droit dans sa robe de chambre, affirmait
une solidité de charpente faite pour éprouver la patience de ses
héritiers. Son crâne bossué, pointu, semblait dur comme du silex ;
ses bajoues, fraîchement rasées, s’avivaient de colorations fermes.
Si ses pupilles de myope et de bureaucrate nageaient dans le vague
sous ses lunettes, un sourire de santé bénévole montait de ses
lèvres lippues aux ailes voluptueuses de son nez. Il élevait entre ses
doigts, d’une façon gauche et comique, un habit à queue râpé, fripé,
avec des parements crasseux et une doublure en loques :
— Tiens, fit-il à sa nièce qui riait, un cadeau que je t’apporte.
J’aurais bien pu le mettre encore un an ou deux.
— Voilà les cadeaux de mon oncle, remarqua in petto Pauline.
Il rangea dans un coin une chaise de cuir qu’il jugeait mal alignée
— car l’ordre était une de ses manies les plus despotiques — et, en
silence, il s’attabla.
M. Hippolyte Ardel avait exercé trente ans l’emploi de caissier au
Crédit Lyonnais. Les millions des autres, en coulant par ses mains,
n’avaient su qu’empirer sa pingrerie instinctive. Il choyait l’argent
pour l’argent ; et, lorsque sa vue faiblissante le contraignit de
renoncer à la cage grillagée de son bureau, ce fut le seul crève-
cœur de sa vie. Il ne s’était point marié, professant qu’il faut, avant
tout, « penser à soi ». Victorien lui avait offert son domicile dans un
sentiment de fidélité familiale et la prévision d’un héritage qui ferait la
dot de Pauline.
L’oncle ne soufflait mot de ses affaires à personne ; on le
supposait, en sa qualité d’avare, plus riche qu’il n’était. D’ailleurs,
ses penchants sordides se révélaient peu aux étrangers ; il
conservait, en sa mise, lorsqu’il sortait, une correcte bienséance.
Dans la maison, au contraire, il usait ses hardes jusqu’à la corde ;
mais, Pauline l’ayant plaisanté sur son frac ignominieux, il le
sacrifiait, non sans mélancolie. Sa nièce obtenait de lui cette
surprenante concession.
— Au moins, dit-il tout d’un coup, après s’être gratté la gorge,
garde-toi de le donner à un pauvre qui le vendrait pour cent sous. Je
n’entends pas que ma garde-robe aille finir sur le dos d’un
chenapan.
Pauline, tout en se préparant une tartine de beurre, le rassura :
— Les mendiants savent déjà qu’il est inutile de sonner ici.
Elle excluait de toute compassion « les mendiants ». Ses père et
mère et ses maîtres de morale lui avaient tant ressassé que les
pauvres sont des exploiteurs, que l’aumône est une prime à la
fainéantise ou un outrage à la dignité humaine, et qu’on ne doit plus
parler de charité, mais de justice ! Dans le pauvre, elle apercevait
une figure de la mort exécrable.
Cependant, Victorien était survenu, pressé par l’heure, et
déjeunait quatre à quatre. Contre la croisée glissa au dehors la
silhouette d’un ecclésiastique. Cette ombre ramena dans l’esprit de
Pauline le prêtre de la route ; jamais, depuis son enfance, elle n’avait
approché d’un homme en soutane ; elle éprouvait à leur égard la
méfiance oppressive qu’infligent des êtres occultes, puissants et
dangereux :
« Que de bizarreries dans une famille ! Moi, libre-penseuse, je
suis la nièce d’un prêtre ! »
Pourquoi M. Ardel s’était-il brouillé avec l’abbé Jacques ? Le
professeur observait sur son frère un perpétuel silence de
réprobation ; il le reléguait au fond d’oubliettes dont Pauline, pas une
seule fois, n’avait osé soulever la trappe ; et même après l’allusion
brève de la veille, elle s’était abstenue de le questionner.
Préoccupée des Rude, tout le soir elle négligea le singulier épisode.
Maintenant, le fantôme du prêtre et le simulacre de sa mère se
rejoignaient en son idée par des chemins obscurs. Et, soudain, elle
voulut éclaircir ce qu’elle ignorait : l’inimitié des deux frères sortait-
elle seulement de leurs discordances religieuses ? Ce ne fut pas à
Victorien qu’elle s’adressa : la bouche encore pleine, il mettait son
manteau pour partir ; mais l’oncle Hippolyte, plus lent à manger,
demeurait :
— Jacques est un vilain monsieur, répondit-il d’un ton aigre où
perçait une implacable rancune. Il a entortillé ma belle-sœur Lætitia,
si bien qu’elle a légué cent mille francs aux Missions africaines de
Lyon, et, nous autres, nous nous sommes partagé les bribes.
L’oncle, en même temps, ramassait vers le creux de sa main les
miettes de son déjeuner et les jetait au fond de son bol, attentif à ne
rien perdre. Il plia rageusement sa serviette, l’enfila dans un coulant
dédoré, et l’envoya rouler à l’autre bout de la table, comme pour
souffleter au loin le « vilain monsieur ».
Il remontait en sa chambre, quand la jeune bonne attendue se
présenta ; son père l’accompagnait, un journalier d’assez malingre
tournure, avec les jambes arquées, le teint vineux, et qui, après avoir
touché son feutre en manière de salut, le garda sur sa tête. Sa fille
reproduisait son profil de mouton, son nez en pied de marmite, mais
plus grande et plantureuse, pourvue d’épaisses mains écarlates mal
déshabituées du travail des champs ; elle avait un air de placidité
soumise, l’œil rond et béat.
Pauline lui posa les questions d’usage, et s’enquit pour quel motif
elle avait quitté ses précédents maîtres. Le père se lissa la
moustache et entama une explication :
— Mademoiselle, commença-t-il, je vais vous dire le fait sans
prendre des mitaines ; c’est moi qui l’a retirée, rapport à des
manières qui ne me plaisaient pas, oùsqu’elle était. Ses patrons
l’envoyaient à la messe, à confesse. Pas besoin de tant d’affaires.
Ma fille n’a pas été baptisée, elle n’a point fait de communion, et
vous voyez qu’elle a bien profité quand même. Sa mère et moi, nous
lui avons donné de bons bras et de bonnes jambes. Que veut-on de
plus ? Elle est forte, elle est honnête. Pour la fréquentation, elle sait
qu’on n’aime pas ça dans le grand monde, elle se tient bien. Mais
que voulez-vous ? On a le sang vif à dix-neuf ans. Je vous la donne
pour ce qu’elle est ; si nous nous arrangeons, je vous la loue ; si elle
ne vous convient pas, je n’ai pas l’habitude d’impatienter mes clients
et de leur casser la tête…
Ces propos, il les dégoisait d’une gorge grasse, écarquillant ses
doigts qu’il secouait par saccades, et gonflé d’une satisfaction niaise,
outrecuidante. Pauline eut grande envie de leur montrer la porte.
Cependant, une aide dans le ménage lui était nécessaire, et au plus
tôt. Elle répondit simplement qu’elle n’envoyait personne à la messe,
puisqu’elle n’appartenait à aucune confession. La fille, lorsqu’elle
l’eut fait parler, sembla moins sotte que le père ; et sur-le-champ elle
la retint.
— Comment vous appelez-vous ? lui demanda-t-elle.
— Égalité Lacroix.
— Égalité ? Ce prénom-là n’est pas dans mon calendrier. Notre
dernière bonne s’appelait Marie ; je vous nommerai comme elle,
Marie.
Elle apprit, en reconduisant Lacroix, qu’il était bûcheron, natif du
Morvan, qu’il avait quitté tout jeune ce pays de misère « où les
nobles voulaient tenir les petits ».
— Moi, déclara-t-il, j’étais majeur à sept ans ; j’étais maître à
douze ans de ce que je gagnais. Je suis un fils naturel non reconnu !
Il articula ce titre de gloire avec une grotesque vantardise, devant
sa fille impassible, et, rejetant son feutre en arrière, il continua :
— J’ai battu bien des grosses villes, j’ai fait le maraîcher, j’ai roulé
la vie de Paris. Là où je suis, j’y resterai six ans et, après, j’irai
ailleurs. J’ai été marié deux fois, je suis veuf de ma seconde femme.
Elle avait eu d’un autre un gars avant notre mariage, je l’ai reconnu
— ici, il baissa la voix — ; j’ai essayé là une boule que je ne sais
pas si elle réussira. Le gamin n’est pas fort ; s’il meurt, c’est à ma
fille que l’argent revient, l’argent des grands-parents ; ils ne sont pas
malheureux…
Pauline le poussa presque dehors ; sans quoi il n’eût jamais fini.
Cet homme lui révélait une espèce déplaisante, le nomade sans feu
ni lieu, cynique, n’ayant pris de ses ancêtres paysans que la
tortuosité des calculs, un chétif anarchiste aigri contre tout ce qui
l’humiliait. Pour elle, un seul mérite corrigeait ces tares : affranchi
des errements superstitieux, Lacroix suivait jusqu’au bout la logique
de son incroyance. Elle aurait, dans la personne de Marie-Égalité,
une servante façonnée, par un endroit capital, à son image.
M. Ardel, rentré pour midi, ratifia le choix de Pauline ; il ne la
blâma point d’avoir baptisé d’un prénom usuel et commode la
nouvelle venue ; « Égalité » choquait ses préjugés de caste, plus
forts que son irréligion.
Après le repas, vers la fin du dessert, comme il méditait dans la
vapeur d’une tasse de café et allumait sa cigarette, quelqu’un sonna.
Égalité alla ouvrir, puis revint, la mine ahurie.
— Monsieur, c’est un Monsieur le Curé qui vous demande, vous
ou Mademoiselle.
— Un curé ! Vous ne pouviez pas dire qu’il n’y a personne ! tança
le professeur en levant les bras au ciel. Ce doit être pour une quête ;
vas-y, commanda-t-il à Pauline, expédie-le un peu sec.
Elle obtempéra sans empressement, et, pendant qu’elle gagnait
par la cour le vestibule, préparait une phrase de refus. Mais une
surprise la confondit : le prêtre qui attendait était celui de la route.
Elle n’avait pas oublié son cou maigre, les lignes anguleuses de sa
figure italienne. Pâle, maladif d’aspect, il se présentait dans une
contenance douce et modeste ; digne pourtant, point embarrassé ; il
vint au-devant d’elle avec un sourire cordial, mais douloureux :
— Pauline, dit-il d’une voix qui ressemblait à celle de Victorien, je
suis votre oncle Jacques ; voulez-vous prévenir votre père ?
Le visage de Pauline se fit dur comme un marbre. Le griefs de
l’oncle Hippolyte résonnaient encore à ses oreilles, et l’arrivée de ce
prêtre dans la maison contractait tout son corps d’un malaise
insurmontable. Elle avait beau savoir qu’il était son proche, la
violence de ses préventions suffoquait l’instinct du sang. Une parole
lui brûla les lèvres : « C’est inutile ; mon père ne veut pas vous voir. »
Mais l’abbé la pressait d’un regard humble et impérieux ; il la
dominait par la force, difficile à éluder, du faible qui s’appuie sur une
Toute-Puissance invisible. Dans la salle à manger il avait perçu un
dialogue, il se disait : « Mon frère est là », et s’avançait vers le seuil.
Pauline n’osa rien répondre que ces mots, d’une froide politesse :
— Veuillez entrer, monsieur.
Elle s’effaça devant lui et, sans pénétrer à sa suite, referma la
porte ; toutefois elle resta derrière pour écouter. Le tressaut de deux
chaises reculées brusquement signifia que Victorien et l’oncle
Hippolyte, comme à l’approche d’un spectre, s’étaient levés en émoi.
Elle entendit M. Ardel qui s’exclamait :
— Toi ! Jacques ! Est-ce possible ? Que viens-tu faire par ici ?
— Victorien, expliqua la voix du prêtre, incisive et néanmoins
tremblante, j’ai dû quitter le diocèse de Lyon, je te dirai plus tard
pourquoi, et je suis, depuis septembre, curé d’une petite paroisse,
tout près de Sens, à Druzy. Hier seulement, j’ai appris que nous
étions voisins. Tu ne peux te faire une idée de ma joie. Enfin je te
retrouve ; il y avait treize ans que je fatiguais Dieu de cette prière…
— Tu n’es pas encore exaucé, coupa M. Ardel sarcastique et
brutal ; tu sais tout ce qui nous sépare.
— Quand on s’est conduit comme toi, appuya l’oncle Hippolyte,
je m’étonne qu’on ait le front de se présenter chez les gens, après
avoir tout fait pour les mettre sur la paille !
L’abbé devait avoir prévu cet accueil ; car la véhémence de
l’attaque ne parut qu’affermir sa riposte.
— Mon oncle, commença-t-il, je suis bien aise que vous abordiez
si nettement la question. Le legs de la tante, jamais je ne m’en suis
mêlé. C’était à moi qu’elle comptait donner les cent mille francs. Elle
m’a écrit ses intentions ; j’ai répondu que je refusais, je l’ai suppliée
de penser à vous. Cela, je te l’ai dit une fois : Victorien, tu t’es buté à
ne pas me croire, sans réfléchir que si j’avais ensorcelé, comme tu
le prétendais, la pauvre tante, j’eusse travaillé d’abord à mon profit.
Or, je n’ai hérité d’elle qu’une miniature et son secrétaire Empire à
plaques de cuivre ; et, dans son secrétaire, vendredi, par une
rencontre miraculeuse, j’ai retrouvé la lettre où j’opposais mon refus.
Elle avait glissé entre deux tiroirs. Tiens, lis-la ; l’enveloppe est
encore timbrée, datée…
Tout se tut un instant ; ce silence anxieux exaspéra la curiosité de
Pauline. Les révélations qu’elle venait d’entendre la bouleversaient :
l’oncle, dont elle se faisait un monstre, elle le sentait un homme, un
homme souffrant, bon, et envers qui on était apparemment injuste.
Chez elle, la haine de l’injustice tendait à s’exagérer, pour
compenser l’indigence d’autres notions morales. Une honte brusque
la prit d’écouter à la porte, comme une petite fille indiscrète, et elle
entra résolument.
L’abbé, debout près de la table, épiait sur le visage de son frère,
tandis qu’il lisait la lettre, l’aveu d’une immédiate conviction. Victorien
persistait en sa rigueur, et tirait des bouffées de sa cigarette ou en
appuyait le bout sur le cendrier. Lorsqu’il eut fini, il remit le pli dans
l’enveloppe, et, la tendant à Jacques :
— Ce n’est pas ce qui s’appelle un document probant. Enfin…
assieds-toi.
Ce langage et le geste dont il l’alourdissait énonçaient une
condescendance tellement blessante que Pauline songea : « Si
j’étais lui, je m’en irais. » Mais, voulant réparer l’aigreur de son père,
elle rapprocha une chaise, insista :
— Asseyez-vous, mon oncle.
L’abbé avait rougi, s’était mordu les lèvres ; sa fierté lui
commandait de partir ; malgré tout, allait-il, dès le premier choc,
consentir à une défaite ? Il était venu chercher son frère, s’humilier
devant lui en justifiant ses actes ; maintenant, il le tenait presque, il
espérait, bientôt, pouvoir l’étreindre dans ses bras, et, plus tard, lui
rouvrir ceux du Père pitoyable aux cœurs aimants. Son affection
l’emporta ; il s’assit donc et dit à Pauline :
— Vous aviez à peine quatre ans, la dernière fois que je vous ai
vue, chez l’oncle Jérôme. Je me souviens d’une poupée habillée de
rouge, dont vous pleuriez la tête toute fendue. Vous l’avez mise sur
mes genoux, je vous ai demandé : « Que veux-tu que je lui fasse, à
ta poupée ? » Et vous m’avez répondu : « Elle est bien malade,
guéris-la. »
Nul de ces détails ne surnageait dans la mémoire de Pauline ;
mais, à mesure que l’abbé parlait, il cessait d’être pour elle un
étranger.
Ce n’était pas seulement sa voix qui sonnait le son des Ardel. Il
avait la même façon que Victorien de lever et de baisser les
paupières sur des pupilles sombres, tour à tour fulgurantes et
lasses. La moue dédaigneuse de la lèvre renflée s’atténuait d’une
compassion meurtrie. La contrainte d’une discipline ascétique
épurait sa maigreur, faisait son nez plus mince et son menton plus
ovale ; une âme qui avait beaucoup souffert modelait en son visage
quelque chose de la beauté des Saints.
Pauline se laissait subjuguer par une vénération ; cependant, elle
ne s’accoutumait pas encore au costume de son oncle : la funèbre
soutane, le chapeau singulier, les mains gantées de noir hors des
manches de la douillette la repoussaient par un vague effroi, comme
si de cet extérieur émanait une autorité inquiétante, un pouvoir de
vie et de mort sur les hommes.
L’oncle Hippolyte, dès qu’il vit l’abbé s’asseoir, sortit au fond par
la cuisine en grommelant assez haut pour être entendu :
— Tout à l’heure ils s’embrasseront. Ah ! c’est du propre !
M. Ardel avait allumé une autre cigarette ; il allait et revenait, à
pas allongés, entre la table et le grand poêle de faïence que
décorait, en haut, un buste de Stendhal :
— Je soupçonnais, fit-il, que tu gîtais dans ces parages. Hier soir,
tu as passé devant nous au bas de Saint-Martin, tu t’es arrêté près
d’un ivrogne. Mais par quelle lubie as-tu lâché Lyon pour t’échouer
au fond d’une misérable campagne ?
— Une aventure, répondit l’abbé, comme il n’en arrive qu’aux
Ardel. J’ai souffleté publiquement un jeune faquin de journaliste qui
tenait en ma présence un propos indigne. La presse a mené quelque
vacarme autour de l’incident ; l’archevêché s’est ému. Bref, j’ai
compris qu’à Lyon j’étais flambé. Tu le sais aussi bien que moi, par
expérience : dans la vie sociale il est irréparable d’avoir trahi qu’on
est violent… Ici, je connaissais un des vicaires généraux ; les prêtres
manquent, on m’a donné de suite une paroisse.
— Et tu es heureux ?
L’abbé crut inutile d’initier Victorien à toutes ses douleurs
sacerdotales. Druzy, depuis un demi-siècle, végétait dans la plus
sinistre indifférence, sauf trois ou quatre vieilles femmes, les
villageois entraient à l’église tout juste pour les mariages et les
sépultures. Ils y pénétraient, le chapeau sur la tête et la pipe à la
bouche. Son prédécesseur avait achevé de les perdre. On le trouvait
quelquefois, au moment des offices, ivre-mort en sa cave. Il laissait
dans les burettes pourrir des cadavres de mouches noyées. Les
gens l’invitaient par dérision à des enterrements civils. Le clergeon
qui lui servait sa messe n’y consentait que s’il empochait, avant
l’Introït, ses deux sous de salaire, et, quand le curé oubliait de
fermer à clef la porte, il se sauvait pendant la Consécration.
L’archevêque avait suspendu le prêtre impuissant et méprisé.
L’église était demeurée close huit mois, quand l’abbé Ardel
accepta, pour le ressusciter, ce pays de mécréants. D’abord, il avait
pleuré amèrement, mais sans perdre confiance ; à présent, ses
espoirs se confirmaient, et ce fut de l’œuvre commencée qu’il
entretint son frère :
— Au début, dit-il, j’eus la tristesse d’un vigneron qu’on charge de
façonner une vigne morte ; j’ai prié seul dans le sanctuaire et j’ai
attendu. Le premier dimanche, il est venu deux femmes et une
petite ; j’ai chanté la grand’messe, tour à tour à l’autel et à
l’harmonium, bien que ce ne soit pas très liturgique ; je leur ai parlé,
elles ont été contentes. Le dimanche suivant, elles étaient cinq ;
nous arrivons à neuf aujourd’hui. J’ai pu mettre la main sur un vieux
chantre et deux enfants de chœur, je les forme au chant grégorien.
J’atteindrai certainement quelques jeunes filles ; il y a toujours, dans
une paroisse, des malades, des pauvres, des abandonnés ; je vais
les voir, ils me reçoivent bien. Ne fût-ce pas des lépreux, des
paralytiques et des aveugles qui écoutèrent les premiers l’Évangile ?
— Ça ne te mènera jamais loin, contesta M. Ardel. C’est honteux
qu’on relègue en un trou un garçon de ton mérite ! Tu devrais
comprendre que les religions ont fait leur temps et chercher ailleurs.
Hier, à l’heure des vêpres, nous avons visité la cathédrale : elle était
vide. D’après ce que j’entends dire, tes confrères ici ne pensent qu’à
se chamailler ; vous n’avez même plus l’énergie du ralliement contre
l’adversaire. Vos cloches ont bien raison de sonner leur glas
monotone, le glas de Rome et du Christ, le glas des songes qui ne
recommenceront plus !
L’abbé serra fortement son chapeau entre ses doigts ; mais, sans
trop d’impatience, l’œil tendu sur Victorien, il rédargua :
— Attends à demain, mon pauvre ami, et tu seras confus d’avoir
si mal prophétisé. L’Église n’est pas une chose qui, étant née tel
jour, finira tel autre ; l’Église est, elle est dans le Christ éternel. Elle a
terrestrement ses traverses d’angoisse, mais ce sont des veilles de
triomphe. Le précédent siècle fut plus religieux que son aîné, le
vingtième présage une ère de foi splendide ; ce sera un grand siècle
eucharistique. Toi qui es historien, dis-moi donc si jamais, depuis le
moyen âge, la Papauté fut plus haute qu’aujourd’hui. Il fallait que le
monde épuisât l’expérience de l’erreur. Maintenant, c’est fait ; la
libre-pensée a vidé le fond de son sac ; sur tout ce qu’il importe aux
hommes de savoir, vous n’offrez que des ignorances et des
abstractions. Vous avez l’air de soldats sans pain mordant leurs
cartouches pour tromper leur faim. Cela, tu ne te l’avouerais pas, ou
tu le sens moins que d’autres, parce que tu as de la moelle
chrétienne plein les os ; mais si tu voyais, comme moi, chez mes
paysans, la bestialité plate et sordide, des foyers sans enfants, et en
tout l’abjecte médiocrité, ta conclusion loyale serait un cri d’effroi…
L’abbé s’échauffait dans son éloquence, lorsqu’il discerna sur la
mine de Victorien une maussaderie croissante ; il se leva,
s’approcha de lui :
— Je compte, fit-il, changeant de propos, qu’un de ces jeudis
vous arriverez me surprendre ; vous partagerez mon repas d’ermite.
C’est moi qui suis mon cuisinier ; Pauline me donnera des conseils…
Voyons, quel jour viendrez-vous ?
— Écoute, objecta M. Ardel en se croisant les bras, j’aime mieux
te parler tout rond. Des rapports durables sont-ils possibles entre
nous, alors que nous n’avons plus une idée commune ?
— Et le sang, qu’en fais-tu ? s’écria l’abbé. Mon père est pourtant
le tien !
Il montrait contre la tapisserie le portrait au crayon d’un vieillard à
la barbe foisonnante, dont le front se gonflait de rides sinueuses,
avec d’épais sourcils, des joues creusées, une gravité morose,
comme le Léonard de Vinci dessiné par lui-même en ses derniers
ans.
— Je le revois, dans cette alcôve du quai des Célestins, mort, et
si beau que les femmes du voisinage amenaient leurs enfants pour
le contempler. Avant de mourir, tu te souviens, il nous avait dit : Mes
fils, aimez-vous ; soyez fidèles à Dieu et à votre nom…
— Je le sais, répliqua M. Ardel, sourdement irrité. Mais ne t’en
prends qu’à toi si entre nous deux se dressent d’enfantins concepts
théologiques que tu mets au-dessus de la famille, au-dessus de tout.
Périsse la nature humaine plutôt qu’un dogme, voilà votre principe à
vous autres prêtres. Vous faites, en sens adverse, comme nos
primaires férus de leur morale laïque. Vous n’êtes que des cuistres
enjuponnés.
L’abbé, d’une moue railleuse, rétorqua sur l’agrégé cette épithète
de cuistre ; il n’en sentit pas moins l’intention méprisante, et, plus vif,
répliqua :
— Si j’étais un cuistre, tu ne me verrais pas chez toi. Je suis ton
frère qui t’aime, qui ai voulu te le dire, malgré ta dureté et tes
injustices. Quand vous serez dans la peine, vous saurez où me
trouver. Ma cuistrerie à moi, c’est de bénir !
Ici, par une faute trop explicable, il abandonna la partie au
moment où il allait peut-être la gagner. S’il avait insisté dix minutes
de plus, Victorien, affamé de tendresse en dépit de ses allures
grincheuses, sentimental sous ses raideurs de positiviste bourru,
serait aisément parti d’un sanglot et lui eût ouvert ses bras. Mais
l’abbé jugea contraire à sa dignité d’essuyer de nouveaux affronts ;
en prolongeant sa visite, il courait le risque d’une brouille sans
retour ; ses nerfs que, jusque-là, il avait pu maîtriser, frémissaient
d’être surtendus. Il mit sa main dans celle de son frère qui la prit
assez froidement ; il la tendit aussi à Pauline ; elle donna la sienne
avec une bonne grâce attendrie.
— Au revoir, Victorien, dit-il de son air affable, comme sûr, malgré
tout, de l’avenir.
— Adieu, Jacques ; rappelle-toi que de ta moelle chrétienne,
dans mes os, il n’y a plus rien, rien !
Pauline ouvrit la porte de la rue ; déjà dehors, l’abbé retourna la
tête vers sa nièce, lui envoya, de ses longs doigts, un salut
affectueux ; une larme avivait ses yeux brûlants ; il s’éloigna d’un pas
pressé. Deux heures, au même instant, sonnèrent à la cathédrale ;
M. Ardel sursauta :
— Deux heures ! Un peu plus, il me faisait manquer ma classe !
III