Par F. Talbot et P. Robert, Photo Canigher
Non content d’étre un excellent guitariste doublé
d'un sacré virtuose @ la basse, Bireli Lagrene nous
montre aujourd'hui qu’il n’est pas mal non plus der-
rigre le micro. Sur son dernier album, “Blue Eyes”, il
rend hommage a Frank Sinatra en proposant ses
versions de quelques standards, se montrant aussi
en crooner convaincant a l'occasion.
aa Cc e disque que je
viens d'enregis-
trer ne comporte
que des titres qui ont été
chantés par Frank Sinatra dans
les années soixante. Cest un
vieux projet qui trainait dans
Un tiroir mais il me fallait
trouver le temps pour le mon-
ter. Dans ma famille, comme
chez tous les gitans
manouches, on écoutait ce
genre de musique, ¢a fait par-
tie de notre culture musicale
Hormis Django, on écoutait
beaucoup de musique qui
venait des Etats-Unis. Je me
suis lancé au chant et inter-
préte quatre titres au micro
sans prétention. Crest juste
pour le fun, je n’abandonne
pas la guitare, loin fen faut.
Je pense faire de la scene 4
partir dela rentrée prochaine
avec cet album. J'9i préféré
‘monter un quartette autour
dde Maurice Vander, André
CCeccarelli et Chris Minh Doky
plutot que de réunir un big
band et rejouer quelque chose
de déja entendu. Jai choisi de " re pena
‘me présenter en petite forma- *
tion avec des musiciens que je
connais par ailleurs trés bien.”
Virtuose précoce
“Comme dans toutes les
familles manouches, on vouait
tun cute 4 Django, i fallait,
{quoi qu'il arrive, savoir jouer
son répertoire. ai trés vite
été Fattraction de la commu-
rnauté. On venait me voir jouer 8 'époque. Aujourd’hui tout a cinquante ans. A répoque
le week-end et les gens me bien changé, on voit des dans le jazz Cétaitinconce-
glissaient des billets de cent m6mes de quinze, seize ans __vable. Aujourd'hui je joue
francs dans la guitare | /étais qui jouent monstrueux et stha- avec des musiciens souvent
run des rares jeunes musiciens _illent comme des hommes de plus jeunes que moi, ¢a me
fait dr6le. Ma premiére vraie
‘guitare je 'ai eue vers 'age de
dix ans, c’tait une Jacques
Favino, une copie de Selmer.
Je révais de ce genre de guita-re car jusque-la je ne jouais
que sur des folk. Quand j'ai
regu cette Favino, je me suis
dit, 18 mon pote, il va falloir
que tu y ailles ! C’était une
guitare de taille normale que
Ji jouée pendant quelques
‘années avant de me tourner
vers 82 sur ce que faisaient les
“Américains. 'y al mis les pleds
la premiére fois en 84 pour un
hommage a Django au
Carnegie Hall. Cétait une soi-
rée assez classe, tout le monde
était venu en smoking. Je me
suis pointé en blue jean sans
savoir, ce quia étonné les
‘Américains, mais je crois quills
ont adoré ¢a en fait, d’aprés
les critiques que j'ai lues. I @
beaucoup de fans de jazz qui
avaient entendu parler de moi
et qui attendaient de me voir
J'ai enchainé sur une tournée
de trois semaines. Depuis 'y
suis retourné réguliérement.
Jaurais pu rester la-bas mais je
suis vraiment trés enraciné en
Europe et puis aprés je me suis
marie, /'ai eu des enfants.”
Nous ne sommes donc pas
malheureux de compter enco-
re parmi nous l'un des plus
grands guitaristes de jazz
actuels dont nous abordons le
style ic, Nous vous proposons
le theme de A Foggy Day
extrait de "Blue Eyes”. Bireli
‘commence par paraphraser le
théme de Gershwin dans les
seize premiéres mesures. Ce
procédé consiste a réécrire ou
improviser un theme sur la
grille harmonique d'un stan-
dard en en citant ou non le
theme original. La plus célébre
reste sans doute Dona Lee ,
paraphrase de Cherokee. Au
début, les inflexions du theme
sont conservées (mesure 3 en
comptant I'anacrouse, Mi),
(mes 5, La). Aux mesures
8,9,10 on découvre une belle
phrase sur ce il V len Fa
majeur (Sol min?, Do 7, Fa 7
Maj) typiquement be-bop,
ainsi qu'une phrase trés chro-
pene tte pe
éue 2 os
. —— =
Plan s HVA. igs de "A oogy Day”
coax
bet pats
coass
ee
oan
o
matique & la fin. Nous vous
proposons ensuite quelques
plans & la Bireli tirés encore de
A Foggy Day, puis deHere’s
That Rainy Day , qui n’annon-
cent pas franchement le prin
temps mais permettrons de
‘vous délier les doigts. Ce der:
rier est une citation de Donna
Lee de Charlie Parker. Des
doigtés sont proposés, qui
fonctionnent méme a grande
vitesse, mais d'autres peuvent
étre trouvés. A vos swing !