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Bufo bufo

Famille : Bufonidae


Texte © Dr. Edoardo Di Russo

 

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Traduction en français par Michel Olivié

 

Bufo bufo, Bufonidae, Crapaud commun

Présent dans presque toute l’Europe le Crapaud commun (Bufo bufo) atteint en Asie la Mongolie et a colonisé les côtes du Maroc et de l’Algérie © Giuseppe Mazza

Le Crapaud commun (Bufo bufo Linnaeus, 1758) appartient à la classe des Amphibia, les vertébrés qui passent au moins une partie du cycle de leur existence dans le monde aquatique, à l’ordre des Anura, les amphibiens dépourvus de queue, et à la famille des Bufonidae. Cette espèce est inscrite dans l’Appendice III de la Convention de Berne de 1979 pour la conservation de la vie sauvage et des biotopes en Europe. L’IUCN Red List a attribué à cette espèce le statut de “Risque minimal” (LC) alors que le Comité italien de l’IUCN l’a classée en tant qu’espèce “Vulnérable” (VU).

Le nom du genre Bufo vient du latin vulgaire “bufo”, lui-même issu du grec “βάτραχος” (vátrachos) = batracien, un terme sous lequel on désignait dans d’anciennes classifications zoologiques les amphibiens, en particulier les anoures communément appelés grenouilles et crapauds.

Zoogéographie

Le Crapaud commun est présent en Afrique du Nord (Maroc, Algérie et Tunisie), de l’Est de la Sibérie au Kazakhstan et au Moyen-Orient (Turquie, Syrie et Liban).

Bufo bufo, Bufonidae, Crapaud commun

Il chasse surtout la nuit et se cache le jour dans des cavités rocheuses ou sous une végétation épaisse telle que la litière des bois © Giuseppe Mazza

En Europe on le rencontre partout sauf dans certaines îles telles que l’Irlande, les Baléares, Malte, la Crête, la Corse et la Sardaigne. Avec le Bufotes viridis il est le principal représentant de la famille des Bufonidae.

Écologie-Habitat

Vu qu’il s’agit d’une espèce capable de s’adapter à divers milieux on peut le rencontrer dans une vaste gamme d’habitats. Son besoin de milieux humides se manifeste surtout pendant la période de reproduction où il fréquente les lacs, les rivières, les étangs, les fossés et les marais, des zones caractérisées par des eaux dormantes ou dont le courant est faible et peu profondes et où leurs larves peuvent grandir.

Il vit principalement dans les bois de feuillus et de conifères comportant des zones marécageuses ou humides mais on le trouve souvent aussi dans des agro-systèmes, des potagers et des jardins. On peut même l’observer dans des milieux dépourvus d’eau tels que des zones arides et incultes et des bois du maquis méditerranéen. Il évite les espaces ouverts à cause des risques de prédation. C’est un animal essentiellement nocturne. Pendant les heures de jour il se réfugie dans des cavités rocheuses ou sous de la végétation épaisse. Il vit depuis le niveau de la mer jusqu’à 2000 m d’altitude bien qu’on l’ait observé jusqu’à 3000 m.

Bufo bufo, Bufonidae, Crapaud commun

Il se poste, immobile et assis, sur les lieux de passage et capture tout qui est à la portée de sa langue protractile : insectes, mollusques, arachnides et petits vertébrés © Giuseppe Mazza

Morphophysiologie

Il a un corps très trapu et robuste. Son museau est court et arrondi. Sa peau, rugueuse et sèche, comporte de nombreuses pustules réparties sur tout le corps. Sa couleur, variable, va du marron foncé au rouge sombre ou au gris jaunâtre suivant son état physiologique, le taux d’humidité du milieu et la saison. Des taches foncées plus ou moins nettes peuvent exister sur sa partie supérieure et former des bandes longitudinales irrégulières.

Ses yeux ont une pupille elliptique horizontale. L’iris est de couleur dorée/cuivrée. Derrière les yeux se trouvent de grandes glandes parotoïdes dont les pores, quand ils sont soumis à une forte pression, exsudent une substance blanche et venimeuse qui provoque une irritation des yeux, du nez et de la bouche et qui, d’autre part, si elle est injectée dans les vaisseaux sanguins, a des effets toxiques.

Bufo bufo, Bufonidae, Crapaud commun

Il est la proie des Natrix, des rapaces et des corvidés. Quand il est en danger il se soulève sur ses pattes et gonfle son corps tout en baissant sa tête pour paraître plus grand © Giuseppe Mazza

Les pattes postérieures ont 5 doigts alors que les pattes antérieures en ont 4. Toutes présentent des callosités sur la face inférieure de la paume. L’animal mesure environ 20 cm, non compris les pattes postérieures. Le dimorphisme sexuel est peu marqué. Les mâles sont en général plus petits et plus élancés que les femelles (10 cm environ) et ont des membres postérieurs plus longs proportionnellement à leur corps. Pendant la période de reproduction les mâles ont 3 callosités nuptiales sur les trois premiers doigts et une callosité carpienne. Celles-ci servent aux mâles à agripper les femelles sous les aisselles. Leur type d’étreinte (complexus) est de ce fait appelé “axillaire”.

Éthologie- Biologie reproductive

Les adultes se nourrissent surtout à terre. Leur régime alimentaire comprend des invertébrés tels que des fourmis, des mollusques, des insectes et des arachnides et parfois de petits vertébrés. Leur méthode de chasse est qualifiée de “sit and wait” et consiste à rester immobile jusqu’à ce que la proie soit suffisamment proche pour qu’ils puissent la capturer à l’aide de leur langue.

Bufo bufo, Bufonidae, Crapaud commun

Pour rejoindre les zones de frayère où il se reproduit régulièrement chaque année entre mars à juin quand la température atteint 12 °C il effectue souvent des migrations de masse vers des emplacements situés jusqu’à 1 km de distance. Les mâles, 7 fois plus nombreux que les femelles, les étreignent au moyen d’une solide prise axillaire © Giuseppe Mazza

Quand un crapaud se sent menacé ou est en danger il gonfle son corps tout en baissant sa tête et en se soulevant sur ses pattes de façon à paraître plus grand. Les principaux prédateurs des crapauds adultes sont des ophidiens du genre Natrix ce qui s’explique par le fait qu’ils sont immunisés contre les sécrétions vénéneuses produites par les crapauds. Beaucoup de rapaces et de corvidés qui se nourrissent des crapauds les pèlent d’abord avec leur bec pour éviter les substances vénéneuses contenues dans la peau et mangent les tissus internes. Parmi les parasitoïdes qui ont choisi pour hôte le Crapaud commun on recense la Lucilia bufonivora, un diptère de la famille des Calliphoridae,  qui pond ses oeufs sur les cavités nasales du crapaud.Après leur naissance les larves se nourrissent des yeux, de la cervelle et des autres tissus de leur hôte.

Les larves ont un véritable comportement social. Elles se nourrissent de matières végétales telles que des algues, des plantes, du plancton et des débris organiques qu’elles récoltent en quantité tout au long des bords de leur bassin. Quand elles doivent changer de zone de pâture elles se déplacent en formant un banc compact avec un large front ou bien sous forme de procession.

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Les femelles pondent sous forme de cordons gélatineux plusieurs milliers d’oeufs © Giuseppe Mazza

La socialité de leur comportement se manifeste de façon évidente lorsqu’un des têtards est blessé : celui-ci relâche un composé chimique qui avertit tous les autres du danger et les pousse à fuir vers le fond. Ils se dispersent alors dans toutes les directions. Cette particularité n’est pas propre à tous les Anoures.

Les principaux prédateurs des têtards sont les tritons, des invertébrés aquatiques tels que les larves d’odonates et des scorpions aquatiques ainsi que des crustacés comme le Prokambarus clarkii. Ils ne semblent pas qu’ils soient mangés par les poissons peut-être à cause de leur goût désagréable.

La période de reproduction du Crapaud commun dépend de la température du milieu qui doit être d’environ 12 °C. Suivant les altitudes et les latitudes elle varie de mars à juin.

Les groupes utilisent chaque année les mêmes sites pour la ponte appelés zones de frayère. Ce sont des points d’eau peu profonds, temporaires ou permanents. Cela permet aussi d’effectuer le suivi du déclin ou de l’extinction des populations dans le cas où l’on n’enregistrerait plus de naissances sur le site.

Pour rejoindre ces sites ils organisent de véritables migrations qui parfois peuvent s’étendre sur une distance d’un millier de mètres. Cette marche s’effectue avec la participation de centaines d’individus chaque soir après le coucher du soleil lors des jours de pluie et se poursuit tant que la température ne descend pas au-dessous de la valeur limite de 5 °C.

Pendant la migration les crapauds commencent déjà à s’accoupler. Étant donné le rapport nettement en faveur des mâles (de 7 à 1) existant dans les populations ceux-ci se précipitent et s’agrippent indifféremment à n’importe quel objet qui se déplace et qui a les dimensions des femelles et par conséquent aussi à d’autres compagnons mâles.

Les crapauds mâles ont un sac vocal presque atrophié et ne parviennent donc pas à émettre des cris susceptibles d’attirer les femelles. La formation des couples survient uniquement après des tentatives et des erreurs des mâles qui s’agrippent les uns aux autres.

Si un mâle réussit à “prendre” une femelle et que celle-ci n’est pas disposée à s’accoupler il réagit en “toussant” sans émettre de son. Si la femelle est consentante elle reste tranquille jusqu’à ce que le mâle l’étreigne au niveau des aisselles puis se dirige vers la zone de frayère en le transportant sur son dos.

Il n’y a pas de copulation, la fécondation étant en effet externe : la femelle pond plusieurs milliers d’œufs que le mâle féconde lors de leur expulsion.

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Les têtards font preuve d’un véritable comportement social. Ils se nourrissent d’algues, plantes, plancton et débris organiques. Quand ils doivent changer de zone de pâture ils se déplacent en formant un bloc compact. Si une larve est blessée elle libère un composé chimique qui avertit de suite toutes les autres du danger © Francesco Cervoni

Le couple une fois arrivé à la zone de frayère gagne le fond du plan d’eau et passe là plusieurs jours parmi la végétation. L’ovulation de la femelle est stimulée par la présence d’eau permanente et la lumière du soleil et commence habituellement après 6 à 14 jours. Une fois commencée l’ovulation le couple se déplace vers des rebords où la femelle pourra ensuite pondre et fixer ses œufs tels que des roseaux, des branches en surplomb ou des plantes.

Pour pondre la femelle étire ses membres postérieurs vers l’arrière en position parallèle tout en cambrant son dos et expulse ses œufs sous la forme de deux cordons gélatineux. C’est aussi la posture qui signale au mâle qu’il peut commencer à émettre son sperme. Les œufs ne sortent pas tous ensemble mais sur une longueur d’environ 20 cm à la fois. L’opération dure de 5 à 10 heures. Le mâle n’aide pas sa compagne durant la ponte. En fait le processus peut même s’effectuer en son absence (en ce cas évidemment les œufs ne sont pas fécondés).

Les œufs sont enfermés les uns derrière les autres à l’intérieur d’un seul cordon gélatineux long d’environ 2 m qui est laissé sur le fond ou enroulé autour de plantes ou d’objets trouvés en chemin.

Bufo bufo, Bufonidae, Crapaud commun

Jeune crapaud sur une fraise à la fin de sa métamorphose. 2 à 4 mois se sont écoulés depuis sa naissance suivant la température de l’eau et les ressources disponibles © Giuseppe Mazza

L’incubation dure de 5 jours à 3 semaines suivant la température de l’eau. Les larves, communément appelées têtards, sont foncées et de couleur gris/noir. Elles ont une queue courte et une membrane caudale peu étendue sur le dos. À la naissance elles mesurent de 3 à 5 mm. Avant leur métamorphose elles atteignent 40 mm.

Les têtards se rassemblent habituellement en formant des groupes sur les bords de leur plan d’eau et s’installent dans les zones peu profondes pour faciliter leur exposition au rayonnement solaire et favoriser leur développement. Celui-ci, qui dépend de leurs ressources alimentaires et de la température, dure 2 à 4 mois. Les têtards effectuent alors leur métamorphose et prennent l’aspect des adultes.

Les jeunes crapauds mâles deviennent sexuellement matures à l’âge d’environ trois ans et les femelles à quatre ans. L’espérance de vie moyenne du Bufo bufo est de 12 ans pour les mâles et de 9 ans pour les femelles.

Synonymes

Rana bufo Linnaeus, 1758.

 

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