Alimentation, santé globale 5 min
Aurélien Boisson-Dernier, quand tous les signaux sont au vert
Scientifique de longue expérience, Aurélien Boisson-Dernier est un jeune directeur de recherche INRAE. Recruté en septembre 2021 à l’Institut Sophia Agrobiotech, il travaille sur l’implication des programmes de développement des plantes dans la sensibilité aux pathogènes et l’établissement des maladies. Il est aussi détenteur d’une chaire d’excellence portée par l’Initiative d’excellence de l’université Côte d’Azur. Rencontre.
Publié le 29 mars 2023
Au sein de l’équipe Interactions plantes-oomycètes* de l’Institut Sophia Agrobiotech, les travaux d’Aurélien Boisson-Dernier concernent l’implication des programmes de développement des plantes dans la sensibilité aux agents pathogènes et l’établissement des maladies.
* Ni champignons ni bactéries ni végétaux, les oomycètes, sont des microorganismes eucaryotes filamenteux pathogènes des plantes.
Mieux comprendre l’adaptation des plantes aux agents pathogènes, un défi pour l’agriculture de demain
Les cellules végétales sont entourées d’une paroi rigide qui les protège de leur environnement et notamment de leurs bioagresseurs. Par moment, cette paroi doit également être plastique pour permettre l’expansion ou la croissance des cellules. Elle joue donc un rôle essentiel et complexe dans le développement des plantes et dans l’interaction de celles-ci avec leur environnement. « L’intégrité de la paroi végétale est soumise à rude épreuve », résume Aurélien Boisson-Dernier.
Un vaste sujet que celui des interactions plantes-pathogènes : ces derniers utilisent certains gènes de leurs hôtes, dits gènes de sensibilité aux pathogènes, dont une partie contrôle l’intégrité de la paroi végétale ; ils les détournent à leur profit pour atténuer voire éviter l’activation des défenses de la plante et promouvoir la maladie. C’est également un projet interdisciplinaire captivant, combinant génétique et biologie moléculaire, cellulaire et évolutive dans lequel Aurélien se focalise sur le transfert de signaux, de la paroi vers l’intérieur des cellules.
De Paris à Sophia Antipolis… un tour du monde en 18 ans
Au sortir du lycée, Aurélien Boisson-Dernier choisit la biologie. Un stage étudiant dans un laboratoire INRAE en région francilienne sera déterminant pour la suite de sa carrière puisqu’il choisit la recherche publique.
Et de poursuivre en thèse à INRAE, région Occitanie-Toulouse. Ses travaux portent sur la plante modèle Medicago truncatula et ses interactions avec des bactéries du sol, les Rhizobia. Aurélien Boisson-Dernier s’intéresse à la façon dont ces bactéries induisent à distance des gènes de la plante-hôte en secrétant des molécules de signalisation appelées facteurs Nod (Nod pour nodulation). « Nous savions que les facteurs Nod étaient produits par les bactéries et qu’ils induisaient directement les gènes de la plante-hôte lors de l’infection bactérienne mais nous ne savions pas comment ça se passait », précise-t-il. L’occasion notamment de développer un système performant de transformation de M. truncatula qui permet par la suite de cloner les premiers récepteurs des facteurs Nod de Rhizobia chez cette plante. Et c’est un succès ! Ce système sera utilisé dans de nombreux laboratoires à travers le monde et l’est encore beaucoup aujourd’hui.
Un peu de vocabulaire
Les bactéries du genre Rhizobium présentent la capacité d’entrer en symbiose avec des plantes de la famille des Fabacées en formant des nodules ou nodosités.
Cette association à bénéfices réciproques permet aux bactéries de bénéficier d’un habitat favorable et d’un apport en substrats carbonés issus de la photosynthèse réalisée par la plante hôte. La plante hôte bénéficie ainsi de l’azote atmosphérique que celle-ci ne peut utiliser initialement mais que la bactérie fixe et réduit en une forme qu’elle est capable d’assimiler.
Aurélien Boisson-Dernier enchaîne ensuite plusieurs séjours postdoctoraux.
De la complexité des voies de signalisation que les plantes ont élaborées pour rester connecter à leur environnement.
Aux États-Unis, il jette son dévolu sur une autre plante modèle, Arabidopsis thaliana. Son génome vient d’être séquencé et de nombreux outils génétiques sont dorénavant disponibles pour décortiquer les voies de signalisation liées à son activité (croissance, division, différenciation, mort...).
En Suisse, il se consacre à la croissance du tube pollinique. Émis par le grain de pollen, le tube pollinique conduit les gamètes mâles jusqu’au gamète femelle situé au niveau du pistil. Un financement européen conséquent lui permet de développer son propre programme de recherche. Il met en évidence que les mécanismes de signalisation de l’intégrité de la paroi cellulaire du tube pollinique sont contrôlés par des récepteurs kinases transmembranaires dont il caractérise la fonction pour la première fois à l’échelle d’une cellule végétale. L’histoire montrera ensuite que les récepteurs de cette famille orchestrent un grand nombre de fonctions clés chez les plantes.
Aurélien Boisson-Dernier aime bien l’image de la formule 1 : « Comme les voyants indicateurs sur le tableau de bord de la voiture, les plantes ont également des systèmes de senseurs qui s’éclairent pour émettre des signaux d’alarme. Les cellules savent ainsi comment répondre s’il n’y a plus assez d’eau, si elles rencontrent un obstacle ou si la température change. »
En 2014, direction l’Allemagne. Graal suprême, Aurélien Boisson-Dernier va diriger sa propre équipe de recherche. Son sujet, encore et toujours, les mécanismes d’intégrité de la paroi cellulaire tandis qu’il étend son système d’étude à d’autres cellules végétales qui croissent rapidement comme les poils absorbants racinaires… qui ne sont pas sans présenter des similarités avec les tubes polliniques. « Ce fut une très bonne expérience, souligne Aurélien. L’occasion aussi de recruter ma première doctorante. »
Aurélien Boisson-Dernier mesure bien toute l’importance de la transmission, conscient que « l’enseignement et la formation de la prochaine génération de scientifiques sont aussi satisfaisants et précieux que l’obtention de bons résultats de recherche ». Au pays des Helvètes, déjà, il avait créé avec quelques collègues le « Plant Sex Club » dont l’objectif était de proposer soutien, aide et échanges aux étudiants de troisième cycle travaillant sur la reproduction sexuée des plantes. Outre-Rhin, il dispensera de nombreux cours.
Des échanges impromptus avec Harald Keller, directeur de recherche INRAE de l’Institut Sophia Agrobiotech, le ramèneront en France. Détenteur d’une chaire d’excellence au service de la recherche et de la formation, il se consacre désormais à mieux comprendre les interactions plantes-organismes pathogènes pour lutter de manière spécifique et sélective contre les bioagresseurs et créer de nouvelles formes de résistance chez la plante.
Mini CV
46 ans
- Parcours professionnel
Depuis septembre 2021 : Directeur de recherche, Institut Sophia Agrobiotech (INRAE, CNRS, univ. Côte d’Azur) et chaire d’excellence, univ. Côte d’Azur
2014-2021 : Chercheur, responsable d’équipe, Institut des sciences des plantes, univ. de Cologne (DE)
2008-2014 : Stage postdoctoral, Institut de biologie des plantes, univ. de Zürich (CH)
2003-2008 : Stage postdoctoral, univ. de Californie, San Diego (USA). - Formation
2020 : Habilitation à diriger des recherches, spécialité botanique, univ. de Cologne
2003 : Doctorat, spécialité biologie cellulaire et moléculaire des plantes, univ. Paul Sabatier Toulouse III
1999 : Master ès sciences, spécialité biologie moléculaire et cellulaire des plantes, univ. Paul-Sabatier Toulouse III
1998 : Diplôme d’ingénieur agronome, École nationale supérieure agronomique de Toulouse.