Englouti en quelques heures, ce récit est effectivement un tourbillon très immersif et évocateur, qui peut prendre aux tripes. Qui m'a profondément émue.
Les pensées de la narratrice sont construites un peu come une navigation sur internet, par association d'idées, esprit d'escalier, et à travers cette pensée en arborescence on se retrouve vite à des endroits imprévus.
J'ai adoré. Pas tant pour l'intrigue que pour la richesse des réflexions et interrogations soulevées tout au long du roman, qui sonne comme un témoignage. Pas tant pour le récit que pour ces idées qui l'accompagnent et en découlent et qui occupent finalement la majeure partie de l'ouvrage. Et qui constituent, à mon sens, l'intérêt principal, d'autant plus que certaines notions abordées sont documentées, et la source de l'émotion qui s'en dégage
Ca a parlé à la femme, à la mère, à la littéraire, à la fille, à l'amoureuse qui sont toutes en moi, multiples et unique, comme elles sont inscrites dans la narratrice. Cela a trouvé de l'écho.
Le cheminement de pensée m'a paru familier, les interrogations sur les notions de féminisme, les préoccupations sociétales, les relations amoureuses, la manière et l'inquiétude d'être parent, les jugements de valeurs que l'on porte malgré soi…
L'affection mélancolique pour l'enfant et ado que la narratrice a été revient à plusieurs reprises dans le récit, elle est très touchante.
La question sur les traces épistolaires qu'il restera de nous à l'ère de messenger et whatsapp, mon dieu, oui, moi aussi je me pose cette question. Que seraient devenues les échanges de Maria Casares et
Albert Camus dans notre monde ? Rien, non ?
Les rapports humains qui se noient dans le cyberespace, les personnalités qui plongent dans ses abimes, la nausée et le vertige à songer à l'étirement des possibles dans cet infini virtuel et dématérialisé, où tout le monde est déshumanisé. Où chacun joue un rôle, en endosse un autre. Harceleur, harcelé, violeur, violé, voyeur ou exhibitionniste. Seuls avec du monde autour.
Et toujours ce fil rouge des addictions, des différentes manières d'être dépendant à des pratiques ou des produits, pas seulement sur les écrans, mais tout ce qui rend accro, à tout ce qui est produit, conçu, pour nous rendre accros. Accros et malheureux, insomniaques continuellement inassouvis, insatisfaits, en suspens.
Bouleversant. Je m'y suis plongée, noyée et reconnue. le chapitre où la narratrice fait passer le film de sa vie, comme dans un effet stroboscopique (pp. 197-204), quelle intensité, ça m'a touchée au coeur.