Je te hais. Voici ma première lettre, et c'est tout ce que je veux te dire. Je te hais. Ma rage et mon désir de vengeance ne se sont pas atténués, bien au contraire. Le temps ne les a pas guéris, il a soufflé sur les braises.
Les visages et les corps ne manquaient jamais de la fasciner. Les milliers de variations dans les traits qui rendaient chacune d’elles unique. Elle ne percevait que des bribes de leur conversation, une autre conséquence de sa décrépitude croissante, mais la façon dont elles bougeaient, dont elles occupaient l’espace autour de la table, lui en apprenait plus que les paroles qu’elles échangeaient. L’essentiel de la communication était non verbale. Meg aimait décrypter le langage corporel.
Je te hais. Voici ma première lettre, et c’est tout ce que je veux dire. Je te hais. Mais ces trois mots peuvent difficilement traduire l’étendue et la profondeur de cette haine galopante. Presque quatre ans, et j’ai été stupéfaite de constater que ces sentiments, ma rage et mon désir de vengeance, ne se sont pas atténués, bien au contraire. Le temps ne les a pas guéris, il a soufflé sur les braises.
"Les femmes n'étaient pas les bienvenues là-bas (mosquée). Il devait en être ainsi. Il avait senti la colère monter en lui : ses parents se disaient musulmans, mais ne priaient jamais. Ils s'étaient perdus. S'étaient laissé séduire par les biens matériels et la vie facile, fermant les yeux sur les injustices dont étaient victimes leurs frères musulmans."
La violence n’est-elle pas le résultat d’une personne qui perd le contrôle de ses nerfs ?
— Pas du tout. La maltraitance est planifiée, préparée. L’agresseur n’a généralement aucune difficulté à se maîtriser au travail ou, disons, avec des amis.
Les mots, ce sont toute ma vie, les mots, les livres, les histoires, la lecture. D’accord, peut-être pas toute ma vie, mais une grande partie, et à présent, ils me font défaut. Ils sont inadaptés, pâles, faibles, en dessous de tout.
L’interprétation du Coran, selon de grands érudits et imams, comme Sayyid Qutb, leader des Frères musulmans dans les années 1950 et 1960, qui défendait l’idée que l’avant-garde révolutionnaire devait se servir à la fois de la prédication et du djihad pour répandre l’islam partout dans le monde. Ou Abul A’la Maududi, qui prônait la charia et un islam fort, par opposition à la laïcité et à la prétendue émancipation des femmes. Elles n’étaient pas les égales des hommes, et ne le seraient jamais. Ces philosophies sacrées étaient propagées par les grands prédicateurs d’aujourd’hui, comme Anjem Choudary et Mizanur Rahman.
Il était important de ne laisser paraître aucun signe d’angoisse. Il suffisait d’un islamophobe un peu zélé pour repérer un musulman avec un sac à dos et un air tendu, et tout pourrait dégénérer. Il n’avait jamais ressenti ça auparavant, cette impression de parfaite limpidité, de totale appartenance, de justesse, de pouvoir. Il comprenait qu’il n’était qu’un instrument, un minuscule rouage dans un projet beaucoup plus vaste, mais à côté de ça, tout le reste lui paraissait vide, insignifiant, minable. Il n’avait pas de plus grande raison d’être que tout ceci.
Toute guerre avait besoin d’éclaireurs, de snipers, d’opérations clandestines. Et Saheel était de ceux qui avaient la perspicacité et le courage, la détermination nécessaires pour agir seul. Sa cible, soigneusement choisie, ferait la une dans la presse, ce serait spectaculaire. Après des décennies d’oppression, l’Occident autorisant Netanyahou à poursuivre sa politique de génocide, d’apartheid contre les Palestiniens, après les massacres en Irak et en Afghanistan, le grand califat s’était dressé, et devenait plus fort de jour en jour.
Le temps se déploie tel un territoire étranger, dénué de tout repère familier, pays inconnu où je me suis égarée. Je n’en parle pas la langue, ne sais pourquoi je suis ici, ni ce que je dois faire.