Décriée par certain, encensée par d’autres, la furtivité est pourtant dans le domaine de l’aéronautique militaire un marqueur fort du dernier quart du 20e siècle ainsi que du premier du 21e. La réduction des signatures radars a été, et est toujours, au cœur des ambitions des designers et ingénieurs qui pensent les avions d’aujourd’hui et de demain. Pendant longtemps le concept même d’avion furtif était la chasse gardée absolue des États-Unis. Cependant après les années 2000 cela changea avec l’émergence de tels programmes ailleurs, et notamment chez les adversaires de l’Amérique. Le premier avion de combat non américain disposant d’une telle technologie à entrer en service fut chinois : le Chengdu J-20.
Au début de la seconde moitié des années 1990 la république populaire de Chine lança un vaste programme destiné à doter son aviation de deux modèles d’avions de combat dits furtifs. N’ayant aucune expérience dans ce domaine elle décida de scinder le programme alors connu comme J-XX. Certaines publications le présentent également comme XJJ, voire comme J-X ou XJ.
À l’époque elle n’avait pas vraiment de concurrent. La Russie ex-soviétique était empêtrée dans des problèmes économiques majeurs pendant que les Européens (mais aussi les Français) se focalisaient plus sur la capacité multi-rôle que sur la furtivité. La Chine était donc seule à affronter l’Amérique. Très tôt d’ailleurs cette dernière eut vent du programme J-XX auquel la CIA attribua le surnom de Black Eagle.
Le projet patinait. Il connut un coup de main surprenant de la part de la Serbie. Le 27 mars 1999 dans la soirée la DCA serbe réussit à descendre un avion d’attaque au sol Lockheed F-117A Nighthawk sans totalement le détruire. Les éléments de l’avion furtif furent rapidement récupérés par les forces spéciales serbes qui commencèrent à les proposer aux plus offrants. Chine et Russie furent les principaux clients de ces éléments considérés comme hautement confidentiels aux États-Unis. Cette technologie issu du génie des femmes et des hommes des Skunk Works allait relancer le programme J-XX.
En fait deux avions étaient alors en cours de développement : un chasseur de supériorité aérienne sous l’égide de Chengdu et un chasseur léger multi-rôle sous celle de Shenyang.
C’est le premier d’entre eux deux qui nous intéresse ici.
Quand les premières indiscrétions filtrèrent de Chine, sans doute avec l’accord des services de contre-espionnage locaux, tout laissait à supposer que l’avion se présenterait comme une sorte de copie locale du Lockheed-Martin F-22A Raptor. Pourtant quelques points laissaient à supposer que l’avion ne soit pas aussi novateur qu’espéré. Les années 2000 furent synonymes de rumeurs, de vues d’artistes plus ou moins convaincantes, et d’informations distribuées au compte-gouttes. C’est d’ailleurs à cette époque là que la désignation de l’avion fut enfin connue : J-20. Le patronyme de Wēilóng, soit en français le «puissant dragon», fut alors annoncé. La propagande chinoise le présentait comme supérieur à tous les autres chasseurs dans le monde.
De premières images, assez floues reconnaissons-le, apparurent en 2010 montrant les premiers essais de roulage du Chengdu J-20. Et l’avion tenait autant du F-22A Raptor que du Mikoyan MiG-1.42 expérimental soviétique. Ce qui intrigua au premier coup d’œil les experts occidentaux n’étaient pas les énormes plans canard mais bien les deux turboréacteurs Saturn AL-31F de facture russe, les mêmes qui équipaient alors le Sukhoi Su-27 Flanker. La Chine semblait en 2010 toujours incapable de produire efficacement de tels moteurs.
Et c’est logiquement dans cette configuration que le premier vol du prototype intervint le 11 janvier 2011 entre les mains du pilote d’essai Li Gang. L’avion portait le serial 2001. Ce vol inaugural ne dura que quinze minutes durant lesquels la rétractation du train d’atterrissage ne fut pas possible.
Pour autant la propagande chinoise annonça l’évènement comme capital.
Dès lors le Chengdu J-20 Wēilóng était connu de la plus part des spécialistes aéronautique de la planète. Pékin n’hésita pas à annoncer que trois cents exemplaires seraient en service en 2015 ! Dans le même temps les équipes d’essais enchaînaient les vols.
La réalité du développement de l’avion rattrapa les autorités chinoises qui en 2014 se reprirent en annonçant que vingt avions seraient opérationnels trois ans plus tard et sans doute trois cents à l’horizon 2025-2027. Dans le même temps beaucoup en Amérique du nord et en Europe étaient circonspects quant aux réalités opérationnelles de cette machine.
Extérieurement le Chengdu J-20 se présente sous la forme d’un monoplan à aile médiane construit intégralement en métal et disposant d’un train d’atterrissage tricycle escamotable. En outre ce chasseur possède deux plans canard et un empennage double dérive très espacé. La propulsion est assurée par deux réacteurs russes Saturn AL-31F d’une poussée unitaire de 14969 kilogrammes avec post-combustion.
Comme sur le F-22A Raptor l’armement du J-20 se compose majoritairement de missiles air-air intégrés dans une soute ventrale afin de ne pas perdre en furtivité. Il s’agit majoritairement de missiles PL-12 à moyenne portée et PL-15 à longue portée. Le PL-10 à courte portée, considéré comme l’équivalent chinois de l’AIM-9 Sidewinder américain, peut aussi l’être même s’il ne semble pas faire partie de l’arsenal habituel de ce chasseur. En outre le J-20 a été pensé pour mettre à terme en service le missile air-air à très longue portée PL-21. Le chasseur furtif chinois n’a pas été pensé pour accueillir un canon-mitrailleur.
Officiellement c’est en mars 2017 que le Chengdu J-20 entra en service. Assez étrangement le nom de Wēilóng disparut à ce moment là. Quelques semaines plus tard l’OTAN lui attribua le code de Firefang. L’avion chinois devenait ainsi le troisième chasseur furtif à entrer en service dans le monde, après les Lockheed-Martin F-22 Raptor et F-35 Lightning II américains.
Cette entrée en service ne dissipa nullement les doutes quand à la qualité de l’avion. Lors des fréquentes incursions de chasseurs chinois au-dessus du détroit de Formose les Dassault Aviation Mirage 2000-5 et General Dynamics F-16 Fighting Falcon de la chasse taïwanaise n’ont jamais eu affaire à, ne serait-ce, qu’un seul Chengdu J-20 Firefang. Des Chengdu J-10 Firebird et des Shenyang J-16 Flanker G+ bien sûr, et même fréquemment mais pas l’ombre d’un chasseur furtif ! Dans le même ordre d’idée quand les Dassault Aviation Rafale EH/DH indiens ont été approché par la chasse chinoise en zone Himalaya il s’agissait là encore de chasseurs non furtifs.
On pourrait presque en venir à croire que Pékin n’ose pas engager ses chasseurs de dernière génération face à des avions de combat qu’elle prétend pourtant inférieurs.
En janvier 2019 l’avionneur Chengdu a reconnu avoir des difficultés dans le développement des simulateurs de vol pour le J-20. Résultat il entreprit de construire un biplace de transformation opérationnelle de présérie afin de valider son emploi dans les années à venir. Cet avion a volé en août 2020. Depuis il se dit que ce biplace pourrait remplacer le monoplace dans les missions de supériorité aérienne.
Bien que Pékin déclara encore récemment que 150 exemplaires seraient en service fin 2021 il semble bien qu’à l’été de cette même année seuls quarante Chengdu J-20 Firefang soient réellement en service actif. Et tous seraient des monoplaces. Même si Pékin affirme qu’un turboréacteur de facture locale existe toutes les images montre l’avion furtif avec ses moteurs russes d’origine.
Cet avion a l’air impressionnant, c’est indéniable ! Pourtant il fait de plus en plus penser au fameux Heinkel He 100 allemand de l’époque hitlérienne : un pur chasseur de propagande.
Le J-20 n’a évidemment pas encore été vendu à l’export.
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