UN JANISSAIRE À PARIS OU UN FRANÇAIS AU CAIRE ?
LE RISÂLATU FAWÂ’IDI L-MULÛK, BNF SUPPL. TURC 221
Marinos SARIYANNIS*
Dans le catalogue des manuscrits turcs de la Bibliothèque nationale
de France, rédigé par Edgard Blochet, on lit la notice suivante sur le
MS. Suppl. turc 221 :
Kitâbu fawâ’idi l-mulûk1. Description de la France et de la ville de Paris,
rédigée, sans nom d’auteur, sous la forme d’un dialogue qui se tint en Égypte
entre un haut fonctionnaire du Diwan, nommé Ahmed Agha, et un personnage
nommé Soleïman, qui avait été prisonnier chez les Chrétiens. Manuscrit de
luxe, orné d’un sarloh.
Neskhi turc, écrit dans un encadrement en or, dans la seconde moitié du
XVIIe siècle. 46 feuillets. 20 sur 14 centimètres. Reliure turque, en cuir fauve,
estampé et doré. — (Renaudot ; Saint-Germain-des-Prés, 322.)
Malgré son caractère unique2, ce manuscrit n’a pas encore été sérieusement étudié. Gündüz Akıncı lui a consacré quatre pages dans son ouvrage
sur les relations franco-turques publié en 1973, en citant maintes parties
du manuscrit3 ; plus récemment, dans un important article publié en
1989 sur les récits ottomans à la première personne, Cemal Kafadar a lui
* University of Crete & Institute for Mediterranean Studies/FO.R.T.H.
Je tiens à remercier : la Prof. Jane Hathaway, le Prof. Géraud Poumarède, Mlle Sophia
Zoumboulaki, et tout particulièrement le Dr. Güneş Işıksel pour leur aide ; mes amis
Maria Mavragani et Nikos Sarantakos ; Elisabetta Borromeo, Frédéric Hitzel et Benjamin
Lellouch qui m’ont invité à participer à ce volume ; enfin le personnel toujours gentil de
la Bibliothèque Nationale de France. J’ai mené l’étude du manuscrit dont il est question
ici au cours du séjour que j’ai pu effectuer à Paris au printemps 2017 grâce à l’invitation
généreuse de Nicolas Vatin ; et ce n'est ni la seule, ni la plus grande chose que je lui dois,
pendant toutes ces années où il m’a honoré de son amitié.
1
Le titre est écrit en caractères arabes, comme toujours dans l’ouvrage de Blochet.
Cependant, le titre original du manuscrit est Risâlatu fawâ’idi l-mulûk.
2
Pour les descriptions ottomanes de la France, voir Akıncı, Türk-Fransız Kültür
İlişkileri ; Asıltürk, Osmanlı Seyyahlarının Gözüyle Avrupa ; Bacqué-Grammont, La première histoire de France ; Veinstein, « L’image de l’Europe » ; Vatin, « Vision ottomane
de la France ».
3
Akıncı, Türk-Fransız Kültür İlişkileri, p. 8-12.
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aussi décrit le contenu du manuscrit, le considérant comme la tentative
d’un auteur de critiquer indirectement la société ottomane :
A similar but unevaluated work is an Egyptian Janissary’s record of his experiences in French captivity towards the end of the seventeenth century. This
soldier’s account is much more theoretical than the other captivity memoirs,
in the sense that its author seriously attempts to compare the morals, political
system and social life of France with those of the Ottoman Empire. He writes
mostly about military organization (displaying great curiosity in military
material culture such as colors and patterns in banners and soldiers’ clothes),
but also manages to describe the rules of succession in France, the Louvre, the
streets of Paris, and the ease with which French women can be had. Praising
various aspects of life in France, the author is severely critical of his own
society, which he also explicitly blames for its bigotry against the infidels. As
an unexpectedly early example of changing attitudes towards Europe and emanating from outside the courtly circles in Istanbul, this work requires much
closer attention4.
Datation et contenu du manuscrit
Il s’agit en effet d’un texte singulier, bien qu’aujourd’hui on estime souvent que le changement des attitudes ottomanes envers l’Europe a commencé
depuis les années 1650, comme en témoigne l’œuvre de Kâtip Çelebi5.
Commençons par essayer de dater le manuscrit qui, heureusement, contient
de nombreuses références à des événements connus de l’histoire de France.
Dans une description de la dynastie (fol. 43b), nous apprenons la mort de
Marie-Anne de Bavière, belle-fille de Louis XIV, tandis que son mari Louis
de France, fils du Roi-Soleil, est mentionné comme étant encore vivant :
« Conformément à leurs rites, le roi de France ne prend pas plus d’une
épouse et, une fois marié, ne peut pas divorcer de sa femme. Aujourd’hui,
le roi de France n’a pas d’épouse. Depuis que sa femme est morte6, il ne
s’est pas remarié. De cette union était né un prince, qu’il a fait marier. Ce
dernier a eu trois princes à son tour7 ; sa femme aussi est morte.8 »
4
Kafadar, « Self and Others », p. 132.
Voir par exemple Hagen, Ein osmanischer Geograph ; Faroqhi, The Ottoman Empire,
p. 194-200 et passim ; Eksigil, « Ottoman Visions of the West » ; Sariyannis, A History of
Ottoman Political Thought, p. 286-287, 399-402; Yılmaz, « From Serbestiyet to Hürriyet »,
en particulier p. 208-211.
6
Il s’agit de Marie-Thérèse d’Autriche (1638-1683).
7
Louis de France (1682-1712), Philippe de France (1683-1746), Charles de France
(1686-1746).
8
« Ayinleri üzere França padişahının bir karıdan ziyade olmaz ve onı dahi bir kerre
nikâh edüp sonra boşaldup terk edemez. Hala şimdi França padişahı olanın karısı yokdur.
5
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Connaissant les dates de décès de ces personnages, nous pouvons établir l’année 1690 comme terminus post quem et 1711 comme terminus
ante quem. En outre, le narrateur nous précise que dans « les guerres du
présent » (bu seferlerde), l’Espagne, l’Angleterre, les Provinces-Unies et
l’Autriche sont alliées contre la France (fol. 33a ; v. aussi fol. 7b) : il fait
ici référence à la guerre de la Ligue d’Augsbourg (également appelée guerre
de Neuf Ans), qui se déroula de 1688 à 1697. Dans ce même passage il est
précisé qu’ « il y a six ans, ils [les membres de cette alliance] n’ont pas pu
arrêter [les Français] » (altı senedir men’ine kadir olmadılar), ce qui nous
permet d’établir la date de ca. 16949.
Intitulé en arabe Risâlatu favâ’idi l-mulûk, « Traité sur les avantages
des rois », le manuscrit raconte un dialogue entre un fonctionnaire ottoman, Ahmed Ağa, et un janissaire égyptien nommé Süleyman, qui aurait
été fait prisonnier par les Français. Ce dernier décrit Paris et sa région,
ainsi que les mœurs, la vie sociale, le système politique et militaire de la
France. Après une sorte de préface, dans laquelle Süleyman est introduit
par un autre ancien prisonnier des Européens, Mustafa Ağa, le janissaire
prévient ses interlocuteurs qu’on l’a souvent blâmé pour avoir fait l’éloge
des infidèles (f. 3b-4a) :
Ahmed Ağa dit : « Tu es resté au pays de France un certain temps et tu as
appris beaucoup de choses. Mustafa Ağa nous en a raconté quelques-unes,
dis-nous avec sincérité si ces informations sont correctes. Nous voulons
apprendre de vraies nouvelles par toi ».
Süleyman dit : « C’est vous qui donnez les ordres et nous obéissons ; cependant, il est très difficile pour moi de dire des choses contraires à nos coutumes. Car vous direz qu’il fait éloge de son pays et que lui aussi est encore
un infidèle. ».
Ahmed Ağa répondit ainsi : « Non, ne nous juge pas ainsi. Nous ne sommes
pas de ces musulmans qui par obstination n’acceptent pas la vérité, afin de
déclarer qu’il n’y a pas d’homme savant et intelligent parmi les autres religions ; si notre religion est différente, Dieu est un10.
Karısı öleli bir gayrisin almadı. Ol karıdan bir şehzadesi hasıl oldı. Ol şehzadeyi evlendirmiş
idi. Anın dahi üç şehzadesi olup onun dahi hatunı ölmüşdür. »
9
Gündüz Akıncı arrive lui aussi à cette conclusion en utilisant à peu près les mêmes
données : Akıncı, Türk-Fransız Kültür İlişkileri, p. 9.
10
« Ahmed Ağa dedi ki França diyarında bir müddet karar eylemişsin ve niçe şeylere
vukuf-ı tahsil etmişsin Mustafa Ağa bize ba’z-ı şeyler nakl eyledi, ol ahval gerçek midir
doğrusın söyle senden sıhhatı üzre haberin almak murad ederiz dediler. Süleyman eyitdi emr
sizden ita’at bizden ancak şöyle ki bizim adetimize muhalif şeyleri şimdi lisana getürüp
beyan eylesek gayet müşkildir zira vilayetinin medhin eder bu dahi henüz kâfirdir dersiz
dedi. Ahmed Ağa eyitdi hayır sen öyle kıyas etme biz öyle ‘inad edici hakka razı olmaz
müsülmanlardan değilüz kim gayri milletde ma’rifet ve iz’ân sahibi yokdur diyelim; dinimiz ayrı ise tanrımız birdir deyü cevap eyledi. »
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Son histoire est présentée sous la forme de questions (de la part d’Ahmed Ağa) et réponses, avec de petits interludes narratifs pour introduire
des changements de décor (f. 21b, 31b-32a). Süleyman explique qu’il fut
fait prisonnier dix ans auparavant, à l’occasion d’une campagne ottomane
menée contre les Habsbourg et plus précisément lors de la prise du château
de Neuhäusel (attaqué par le duc Charles de Lorraine, général des Impériaux, juste après le second siège de Vienne)11. Il fut placé au service d’un
jeune aristocrate français pendant huit années ; son maître, qui n’est pas
nommé, était un architecte de Louis XIV (5a-b) : « Parmi les aristocrates
autrichiens, il y avait un jeune Français qui était attiré par le désir de voir
la guerre ; on m’a offert à lui, il m’a pris et emmené au pays de France.
Je l’ai servi pendant huit années, il ne m’a jamais fait des peines afin
de me faire quitter ma religion […] Mon maître [ağa] était au service du
padişah de France comme architecte, et il l’accompagnait à toutes les forteresses que le padişah visitait12. »
Dans un autre passage, Süleyman insiste sur l’hospitalité des Français,
et notamment des Françaises, comme l’a d’ailleurs relevé Cemal Kafadar
(f. 5b-6a) :
Ahmed Ağa dit avec surprise : « Moi, j’imaginais que dans les pays infidèles
on opprime les musulmans. »
Süleyman répondit : « Je ne sais pas si on les tyrannise dans les autres pays
infidèles, mais la bonté qu’on montre aux étrangers au pays de France, on ne
la voit dans nul autre pays. Quand on comprend que quelqu’un vient, on lui
montre de la compassion et on essaie de l’aider. Il n’y a aucune limite à l’aide
qu’ils m’ont apportée, si bien que même les grandes dames m’invitaient en
disant : « Tu dois assurément venir chez nous chaque jour. »
Ahmed Ağa dit : « Mais comment se fait-il qu’une femme puisse inviter
quelqu’un comme ça, en disant ‘viens chez nous’ ?13 »
11
Après un siège qui dura cinquante jours, Neuhäusel (Uyvar) fut prise le 19 août 1685 :
Danişmend, Osmanlı Tarihi Kronolojisi, vol. 3, p. 460 ; Setton, Venice, Austria, and the
Turks, p. 276.
12
« Nemse beğzadelerinin arasında bir genç Fransız cengi seyr etmek sevdasına zahıb
olup onların içinde bulunmağla beni ona verdiler; ol beni alup França diyarına getürdi; ve
ona sekiz sene kadar hizmet etdim ve beni dinimden çevirmek içün asla cevr etmedi […]
ve benim ağam França padişahının mi’marlık hizmetinde idi. Padişah kangi kal’aya
revâne olsa anunla ma’an gider idi. »
13
« Ahmed Ağa buna ta’accub edüp dedi ki: ben kıyas ederdim kâfir vilayetinde
müslümâna rencide ederler. Süleyman dedi ki: sair küffâr diyarında incidirler ise bilmem
lîkin França diyarında gariblere etdükleri ri’ayeti asla bir diyarda etmezler, senin garib
olduğuna gayet acırlar ve çok eyilik etmeğe kasd ederler. Fi’l-vaki’ bana etdükleri eyilik
haddı yokdur ve gücle büyük hatunlar elbetde her gün bizim evimize gel deyü ibram
ederler idi. Ahmed Ağa dedi ki: Bu nasıl sözdür bir karı elbetde siz bizim evimize gel
deyü ibram ede. »
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Süleyman fait l’éloge de l’importance des territoires et de la population de la France et, plus particulièrement, de Paris (f. 6b-7a) :
La population de Paris, le chef-lieu du pays de France, correspond à trois fois
celle du Caire. Cette ville de Paris est deux fois plus grande [en superficie] que
celle du Caire ; il n’y a pas d’étangs comme au Caire, et ses bâtiments ont six
ou sept étages ; et le revenu du padişah de France tiré de cette ville est quatre
fois le revenu de l’Égypte. De telle manière que si l’on prend les salaires de
l’armée ici, les dépenses de l’illustre Kaaba et les revenus [égyptiens] envoyés
au Seuil [de Félicité], le revenu annuel du padişah de France est quatre fois
plus grand14.
Ensuite le texte commence à décrire de manière détaillée l’armée
française : ses effectifs, sa supériorité par rapport à l’armée autrichienne
(f. 8a), la division de ses régiments en infanterie, en cavalerie et en dragons, ses officiers, la volonté des soldats et des officiers de se battre afin
de gagner les honneurs (f. 10a), la perfection des manœuvres (f. 11ab), les uniformes et les moyens de promotion (f. 12b, 25a-26a, 28a-b),
les exercices, etc. Il met particulièrement l’accent sur la composition de
l’armée, notamment sur le rôle des aristocrates : contrairement à l’usage
ottoman, les soldats ne peuvent pas envoyer leurs serviteurs à la guerre
(f. 13a-15a) :
Le padişah de France a ordonné douze drapeaux de l’armée aux douze
forteresses des frontières ; chaque drapeau représente 500 soldats. Chaque
soldat est un fils de bey […]. Les hommes d’État, si puissants qu’ils soient,
envoient leurs fils sous ces drapeaux, pour être ordonnés à être en sentinelle
aux coins de la forteresse, armés avec des fusils et d’autres armes comme
les autres soldats […]. Même le fils du padişah de France, à l’âge de neuf
ans, est entraîné au maniement des fusils et des sabres comme les autres
soldats15.
14
« França vilayetinde Parıs dedükleri baş şehrin içinde olan halk Mısr’ın üç halkı kadar
kıyas olunur. Ve ol Paris şehri Mısr’ın iki misli kadar büyükdür ve içinde Mısr gibi birkeleri
yokdur ve ol şehrin evleri altı yedi tabakadır; ve ol şehirden França padişahına tahsil olunan
hazinesi dört Mısır hazinesi kadar mal tahsil olur. Şöyle ki bunda asker ulufesi ve Ka’ba-i
şerife sarf olan ve Asitane’ye giden mal cümlenin dört misli kadar hazine be-her sene
França padişahına tahsil olur. » Cette discussion rappelle l’analyse de Thevenot, qui maintient que Le Caire (en comprenant le Vieux-Caire et Būlāq) n’est absolument pas aussi
grand que Paris : Thevenot, Relation d’un voyage, p. 237-38.
15
« França padışahı on iki bayrak askeri serhatda olan on iki kal’aya ta’yin eylemişdir
ve her bir bayrak beşyüz askerdir. Bunun her bir neferi bir beğzâdedir […] Ve ne kadar
büyük devletlü ademler var ise evladların ol bayraklar altına gönderüp sa’ir neferat gibi
tüfeng ve alet-i harb-ile kal’anın her köşesin beklemeğe ta’yin ederler […] Ve França
padışahının oğlı evladı olan dokuz yaşında iken França padişahı olsa sa’ir nefer gibi kılıc
ve tüfeng kullanmağa ta’lim ederler. »
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Cette remarque est intéressante, d’autant plus que l’égalité et la possibilité d’ascension sociale, ainsi que l’absence d’aristocratie dans le
monde ottoman, ont été considérées par maints auteurs européens comme
des atouts face à l’Europe chrétienne16. On notera qu’il n’y a pas d’autre
texte ottoman connu qui relève cette réalité des armées européennes. En
revanche, les observations qui suivent s’inscrivent très bien dans la pensée
politique ottomane : Süleyman note que l’armée française est inspectée
souvent et régulièrement, afin que le roi ait connaissance et garde un contrôle
complet sur son armée ; il souligne que les salaires militaires sont versés
régulièrement selon une méthode bien rodée. Les soldats, ainsi que les officiers, ne sont pas autorisés à vendre quoi que ce soit (f. 18b) ni à commettre
des actes d’injustice envers les paysans (f. 20b-21a) ; ils font régulièrement
des exercices militaires et s’entrainent dans des combats simulés (f. 27a).
Le roi exerce un contrôle direct et absolu sur le réseau des garnisons et des
forteresses, grâce au système organisé des estafettes (f. 19b). Une grande
partie du texte fait l’éloge de la flotte française (f. 22a-24b), ainsi que du
système défensif de Vauban, sans le nommer (f. 35b-36a) :
Il n’y a pas une forteresse que le padişah n’ait pas inspectée pendant ses tournées des forteresses des frontières. Il connait toutes les sciences et sait tout. Il
a personnellement veillé aux réparations de ces forteresses, de leurs douves et
de leurs bâtiments. De plus, il a dessiné et bâti jusqu’à dix villes ; et il a fait
inscrire son nom sur les murailles de ces villes. En outre, il a fait réparer les
douves et les autres places (fortes) de 200 villes ; il a aussi fait bâtir et rénover
plus de 250 forteresses, qui sont très solides et puissantes, au point qu’elles
sont impossibles à conquérir par les armes. La plus petite de ces forteresses
est plus puissante que celle de Vienne. Il est impossible de décrire et de louer
suffisamment les villes et les forteresses de France17.
En ce qui concerne l’administration royale, Süleyman insiste sur l’impartialité de la justice. Il fait remarquer qu’en France la seule protection
(himayet) possible est celle qui vient du roi (f. 18b-19a) ; à un réseau très
efficace de messagers (f. 30a-31a), le roi tient un contrôle absolu sur la
16
Forster éd., The Turkish Letters of Ogier Ghiselin de Busbecq, par exemple p. 5961 ; Yapp, « Europe in the Turkish Mirror », p. 148-149.
17
« Padişah kendi ikliminde serhatda olan kal’alarında yoklayup keşf olunmadığı bir
kal’ası yokdur. Ve her ‘ilme vukufdur ve her şey bilür. Ol kal’aların yerlerin ve hendeklerin
ve sa’ir meremmatın kendüsi ta’mir ve termim eylemişdir. Bundan ma’ada on kadar şehir
resm edüp bina eylemişdir; ve ol şehirlerin divarlarına kendü ismin yazdırmışdır. Ve bundan
ma’ada ikiyüz kadar şehrin hendeklerin ve sa’ir yerlerin meremmat etmişdir. Ve ikiyüz elli
kal’adan ziyade bina edüp ihya eylemişdir. Amma gayet metin ve kavi kal’alardır; asla ceng
ile alınması mümkün değildir. En küçük kal’ası Peç kal’asından metin ve kavidir. França
diyarında olan şehirleri ve kal’aları medh eylemek lazım gelse beyan etmek mümkün değildir. »
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justice (f. 29a) et l’administration. Sa clémence est réputée, et Süleyman
ajoute l’existence des provisions spéciales donnant des libertés aux juges
(f. 40b-42b ; notons ici que le terme « charia » (şeri’at) est utilisé comme
synonyme de « justice »). Süleyman parle aussi des marchands français,
qui sont désireux d’explorer des terres nouvelles (f. 26b-27a) et jouissent
d’une sécurité totale lors de leurs déplacements en France (f. 31b). Il loue
également l’hospitalité française (f. 38a-b) :
Ahmed Ağa dit : « Alors, au pays de France il y a tant de richesses et d’habitants que même si cent mille sujets quittaient le pays avec leurs biens, on
n’éprouverait nul besoin. Alors en temps de paix que font ces sujets ? »
Süleyman répondit : « Cette nation aime voyager. Ceux qui en ont la chance
et la capacité vont en Espagne, en Autriche, ainsi que dans les pays ottomans
ou persans. Et comme ils prennent note de toute chose étrange et merveilleuse qu’ils voient dans ces pays, même les serviteurs les plus humbles en
France connaissent tout ce qu’il y a à l’étranger. À tel point qu’ils connaissent
même l’Égypte mieux que nous. » […] Ils n’ont pas besoin de caravanes,
parce qu’il n’y a pas de brigands ou de bandits sur leurs routes et dans leurs
villes. Celles-ci sont aussi sûres que leurs maisons18.
Toutes les remarques de Süleyman semblent sous-entendre que le vrai
secret du pouvoir du roi de France réside dans le contrôle absolu sur son
royaume : comme son interlocuteur le fait remarquer, Louis est le vizir de
lui-même (f. 33a-35b). Quant aux princes, Süleyman décrit leur éducation
en détail, en insistant plus particulièrement sur son contenu moral, pour
lequel il utilise maints lieux communs de la moralité islamique traditionnelle (f. 39a-40b, 42b-43a).
Notons enfin que le texte rapporte quelques informations historiques,
par exemple l’édit de Fontainebleau de 1685 : « Un jour le padişah de
France fit proclamer l’ordre : “que celui qui ne suit pas ma religion parte
et quitte mes territoires” ; à la suite de quoi, tous ceux qui ne suivaient pas
sa religion prirent leurs biens et des vivres et quittèrent le pays, soit pour
l’Angleterre, soit pour les Pays-Bas, soit pour l’Autriche »19 (f. 26a). Il
18
« Ahmed Ağa dedi ki: Böyle olunca França diyarında çok mal ve gayet ma’mur
olmak vardır ki içinden yüz bin re’aya mali ile çıkup gitse haceti olmıya. Barışık olduğı
zaman ol re’aya ne işler? Süleyman dedi ki: Ol ta’ife gezmeğe ma’ildir. Devletlüsi ve
kudreti olanlar kimisi İspanya diyarına ve kimi Nemse diyarına ve kimi Osmanlı ve Acem
diyarına giderler. Ve ol diyarlarda gördükleri ‘aca’ib ve garâ’ib şeyleri seyr edüp França
diyarında en küçük uşaklar diyar-ı gurbetde olan her şey bilüp vukuf (!) olurlar. Hatta
Mısır’ın ahvalin onlar bizden çok bilürler […] Onlara kervan lazim değildir. Zira yollarda
ve şehirlerde haramzade ve şakı yokdur. Kendi evleri gibi emindir. »
19
« Bir gün França padişahı emr eyledi ki her kim benim dinime tapmaz ise benim
vilayetimden çıksun gitsün deyü nida etdirdi. Ba’dehü anın dinine tapmayanlar emval ve
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insiste sur le soleil comme symbole du pouvoir de Louis (f. 32a-33a ; avec
une allusion remarquable à la cité égyptienne ancienne d’Héliopolis, sur
laquelle nous reviendrons plus bas), et donne des informations précises sur
la structure de la dynastie royale française (43a-45b), ainsi qu’une description du palais de Versailles (f. 36a-38a) :
En particulier, il y a un palais du padişah près de la cité dite Paris, nommé
Versailles. C’est un palais si vaste et si luxueux qu’on ne peut le décrire […]
130 000 bourses d’aspres ont été dépensées pour la construction de ce palais.
Les écuries pour les chevaux du padişah sont si grandes que même le notable
le plus puissant n’a pas de palais comparable à celles-ci. Un seul escalier de
ce palais a coûté 400 000 piastres ; on a dépensé 25 000 000 aspres pour
les tuyaux d’eau souterrains en plomb […] Dans ce palais il y a de la place
pour plus de 20 000 hommes, et on fait difficilement le tour des jardins en
deux jours… En outre, les jets d’eau de ces jardins sont si merveilleux qu’on
ne peut pas les décrire […] Dans les chambres privées du padişah il y a des
choses si précieuses et si raffinées que ceux qui les regardent en ont la vue
troublée ; elles sont décorées avec des miroirs en argent et d’autres choses
précieuses similaires. Quelques-unes de ces chambres sont ornées avec des
rubis, des saphirs, des émeraudes et des diamants. Il y a aussi des sculptures
de marbre, telles qu’on ne peut les décrire20.
Une authenticité douteuse
Contrairement à l’impression donnée par Kafadar, le texte n’émet aucune
critique à l’égard de la société ottomane mais admire sans réserve le pouvoir
de la France et, tout particulièrement, du Roi-Soleil. Si le texte est authentique, il serait un spécimen très singulier dans la littérature ottomane :
d’abord, dans sa structure interne, puisqu’il se présente sous la forme d’un
dialogue au discours direct, forme étrange pour l’époque. On retrouvera
erzakların alup diyarından gitdiler; kimi Engülüz’e ve kimi Felemenk’e ve kimi Nemse’ye
gitdiler. »
20
« Hususa büyük Paris dedükleri şehre yakın padişahın bir has saray vardır, anın
ismine Versal derler. Şol mertebe azim ve mükellef saraydır ki ta’bir olunmaz [...] Zira ol
sarayın i’marına yüz otuz bin kise akçe gitmişdir. Padışahın atı bağlanan ahurları öyle
mükellefdir ki en büyük devletlü öyle bir saraya malik değildir. Ve bu sarayın bir nerdübanı
dört yüz bin guruşa olmuşdur. Ve yer altında olan kurşun su yollarına yeğirmi beş milyon
akçe sarf olunmuşdur [...] Ve içinde yeğirmi bin ademden ziyade sığar ve bağçesinin etrafını
bir adem güç ile iki günde dolaşur [...] Ve bundan ma’ada ol bağçenin fıskiyyeleri ol mertebe aca’ibdir ki beyanı mümkün değildir [...] Padışahın has odalarında mu’teber ve
zi-kıymet şeyler vardır ki adem bakduğı zaman gözleri kamaşur. Şöyledir ki gümüş ayineler
ile zeyn olmuş ve sa’ir buna benzer tefarik şeyler ile donanmışdır. Ve ba’z-ı odalarında la’l
ve yakut ve zümrüd ve elmas ile donanmışdır. Ve onda mermerden nakş olunmuş suretler
bir vechledir ki vasf olunmaz. »
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une structure analogue dans un texte politique assez connu qui reconstruit
un dialogue entre un officier chrétien et un Ottoman pendant les négociations pour le traité de Passarowitz, écrit après 171821 ; un autre texte
comparable, plus contemporain, est le dialogue entre Vani Efendi et
Panayioti Nikoussios, l’interprète grec du vizir, écrit en grec et traduit en
français par Pétis de La Croix en 169522. Contrairement à ce que laissent
supposer la belle écriture et la reliure luxueuse du manuscrit, le langage du
texte est assez simple, voire maladroit, dépourvu de toutes les lourdeurs
grammaticales ou syntaxiques qui rendent complexe la « haute » langue
ottomane23. Notons d’ailleurs parmi les artifices littéraires, les changements de décors et de temps qui enchevêtrent assez gracieusement le
dialogue dans un style que l’on ne retrouve absolument pas dans la littérature ottomane de cette époque (f. 1b-2b, 31b) :
On raconte que, suivant la coutume ancienne qui a cours au Caire, tous les
mercredis et les samedis les beys, les aghas, les notables du pays et d’autres
gens épicuriens montent sur leurs chevaux et se rassemblent avec leurs gens
aux lieux de promenade, au coin d’un jardin ou au bord de l’eau… Ce jourlà ils sont arrivés tous à une place du jardin et s’y sont assis. Ils ont contemplé les arbres du jardin, leurs fruits doux et la crue du Nil béni … Puis on
a apporté à manger ; ensuite ils se sont assis dans une chambre [un belvédère, sans doute], d’où l’on pouvait voir l’endroit anciennement nommé
Héliopolis24.
Nous avons déjà remarqué que les idées énoncées dans le récit, à savoir
tout l’éloge du caractère aristocratique de l’armée française (ainsi que la
21
Unat, « Ahmet III Devrine Ait »; Yılmazer éd., Vak‘a-nüvîs Es‘ad Efendi Tarihi,
p. 586–606 ; voir aussi Berkes, The Development of Secularism, p. 30-33; Schaendlinger,
« Reformtraktate und -vorschläge », p. 241-242 et 246-250 ; Sariyannis, A History of
Ottoman Political Thought, p. 389 sq.
22
Sieur de La Croix, La Turquie chretienne, p. 381-401 ; Koutzakiotis et Sariyannis,
« Panagiotes Nikousios » ; Zervos, « À la recherche des origines du phanariotisme » ;
Kermeli-Ünal, « 17. Yüzyılda Bir Kültürel Rastlaşma ».
23
Étant donné l’origine diverse des auteurs ottomans, les erreurs de langue ne constituent pas un argument décisif ; pour un texte écrit dans un turc encore plus maladroit, voir
par exemple Adıyeke, « Hikâyet-i azimet-i sefer-i Kandiye », un texte à peu près
contemporain de notre manuscrit.
24
« Nakl olunur ki mahruse-i Mısr’da kadimi adet olan yevm-i erba’a ve yevm alsabat beğler ve ağalar ve ayan-ı vilayet ve sair ehl-i zevk olan kimseler atlarına binüp her
biri tevabi’ ve levahiki ile bir bağçe köşesinde veyahud bir su kenarına ve baz-ı seyrangâh
yerlerde varup... Ol gün bağçede cümle bir yerde karar edüp oturdılar. Ol bağçenin cemiz
(!) ağa<ç>ların ve sair eşçarların ve nazik meyvelerin ve Nil-i mübarek izdiyad bulup
geldüğin seyr ü temaşa kıldılar... Ol mahalde ni’met gelüp yenüp andan sonra bir odaya
geçüp oturdılar ki sabıka İlyapolis dedükleri yer görünür idi. » Notons cependant que ces
rencontres militaires étaient une réalité à cette époque (voir infra).
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remarque qu’en France « il n’y a point d’esclave » (França diyarında
esir yokdur, padişahdan gayri kimsede esir olmaz, f. 5a-b), ne sont pas en
accord avec la pensée politique et militaire ottomane. De même lorsque
Ahmed Ağa fait observer à ceux qui reprochent à Süleyman ses éloges
pour l’infidèle : on a du mal à croire qu’un officier ottoman de l’époque
puisse déclarer « si notre religion est différente, Dieu est un » (dinimiz ayrı
ise tanrımız birdir, f. 4a). De même, l’usage du mot « million » (milyon ;
l’auteur rapporte que le revenu annuel de Paris est de 20 000 000, et celui
de la France entière, 200 000 00025) paraît assez précoce, bien qu’on le
rencontre aussi dans le Seyahatnâme d’Evliya Çelebi26. Et si cela ne suffit
pas à nous convaincre que, derrière ce récit se cache certainement un
auteur français plutôt qu’ottoman, on notera la description d’un personnage comme her vechle etrafı ma’mur (f. 2b). L’auteur cherche apparemment à traduire le terme français « cultivé », en utilisant le mot ottoman
« ma’mur », qui signifie « cultivé » ou « habité », mais qui d'ordinaire
s'applique uniquement aux terres ou aux villes27.
D’ailleurs, notre manuscrit est très original si on le compare à d’autres
textes ottomans de contenu similaire. Le plus célèbre d’entre eux, et certainement le plus proche dans sa forme est la chronique d’Osman Ağa de
Temeşvar, officier de cavalerie turque qui fut capturé par les Autrichiens
en juin 1688 et retenu contre son gré pendant onze longues années en
Hongrie et en Autriche.28 On notera que ces textes, auxquels nous pouvons
ajouter le Seyahatnâme d’Evliya Çelebi, ont tous un caractère autobiographique prononcé ; Osman Ağa, par exemple, tout en racontant avec
maints détails ses aventures à travers la Croatie et Vienne, ne donne aucune
description des paysages, ni ne fait de commentaire sur la vie sociale ou
les mœurs des Autrichiens : « Je vis des choses merveilleuses et remarquables tout au long de ce voyage », lisons-nous, et c’est tout29. Quant à
l’artifice littéraire employé dans ces récits il peut exister (surtout dans
25
F. 7a : « Ma’lum ola ki Paris dedükleri şehirden be-her sene yeğirmi milyon hazine
França padişahına tahsil olur ve bütün França diyarından França padişahına be-her sene
iki yüz milyon hazine tahsil olur. »
26
« Validesine kırk milyon mal ve kırk bin asker verüp », voir https://www.nisanyansozluk.com/?k=milyon (accès janvier 2019). Meninski, en tout cas, ne connait pas le mot
en 1680.
27
Meninski, Thesaurus, vol. 3, p. 4781-82 : « Cultus, habitatus, amoenus, frequentatus =
Coltivato, habitato, fabricato, popolato, ameno, allegro ». On pourrait aussi ajouter des néologismes comme Osmanlı vilayeti (f. 20b, signalé par Güneş Işıksel).
28
Osman Agha, Prisonnier des infidèles. Pour d’autres exemples voir l’avant-propos
de Frédéric Hitzel ibid., p. 21-23 ; Kafadar, « Self and others », p. 131-134.
29
Osman Agha, Prisonnier des infidèles, p. 114.
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des œuvres de fiction30), mais non pas comme dans notre texte, où un
narrateur omniscient et anonyme met en scène deux interlocuteurs dont
les questions et réponses créent la ligne narrative. À ma connaissance,
le seul texte en turc ottoman proche chronologiquement et dont la structure se rapproche de notre manuscrit est le « dialogue entre un officier
chrétien et un Ottoman », dont nous avons déjà parlé. Or, là encore il n’y
a pas de changements de temps et de lieu si caractéristiques du manuscrit étudié, tandis que l’accent est mis sur le conseil politique, militaire et
diplomatique, et non pas sur une description quasi autobiographique d’un
pays étranger.
En revanche, la connaissance aussi détaillée de la famille royale française, des guerres de Louis XIV, de même que le nom exact de la forteresse de Neuhäusel/ Érsekújvár (f. 4a : Nusel dimekle ma’rûf kal’a ; on
sait bien qu’un Ottoman écrirait Uyvar) où le héros aurait été fait prisonnier31, laissent penser que nous sommes en présence d’un auteur français.
L’allusion à Héliopolis, pour laquelle l’auteur utilise le nom grec ancien
(f. 31b : sabıka İlyapolis dedükleri yer) est quant à elle une indication sûre
de la provenance européenne du manuscrit. Bien que les géographes arabes,
ainsi que la tradition locale aient conservé le lien entre le site ancien et
le culte du soleil (le site porte le nom arabe d’‘Ayn Chams ou « source du
soleil », et maints auteurs arabes depuis al-Kindi soutiennent qu’il s’agissait du temple du soleil bâti par Pharaon), le nom Héliopolis n’apparait
dans aucune source musulmane. Seuls les voyageurs européens connaissent
l’appellation grecque et l’identifient avec les ruines de la cité depuis le
milieu du XVIIe siècle (le premier étant le prêtre franciscain belge Antonius
Gonzales en 1665). De plus, toutes les descriptions des voyageurs indiquent
des ruines au milieu du désert, tandis que notre auteur parle de ruines que
l’on peut voir depuis un belvédère où se tient la conversation32.
Un auteur français, mais qui ? Et pourquoi ?
Quelle conclusion pouvons-nous proposer quant à l’origine et au but
de ce texte ? Il est bien sûr impossible de retracer avec certitude l’itiné30
Voir par exemple Tietze, « Die Geschichte von Kerkermeister-Kapitän » ; Sariyannis,
« Images of the Mediterranean » ; Idem, « Images of Piracy in Ottoman Literature » ;
Ambros – Schmidt, « A Cossack Adopted by the Forty Saints ».
31
Evliya, par exemple, semble ignorer le nom allemand : Evliya Çelebi, Seyahatname,
vol. 6 et 7, index s.v. « Uyvar ».
32
el-Banna, Le voyage à Héliopolis, en particulier p. 37-124 (témoignages arabes),
147 (Antonius Gonzales), 172 (localisation du site dans le désert).
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raire parcouru par ce manuscrit conservé en France. Comme le précise
la notice d’Edgard Blochet, il faisait partie de la bibliothèque d’Eusèbe
Renaudot, le célèbre théologien et orientaliste. Mort en 1720, Renaudot
semble n’avoir jamais mis les pieds dans les territoires ottomans33 ; on
ne peut donc formuler que des hypothèses sur les voies par lesquelles ce
manuscrit est arrivé entre ses mains. Réputé grand collectionneur, il pouvait l’avoir acquis par le biais d’intermédiaires orientaux. Une hypothèse
plausible serait que nous sommes en présence d’un exercice de style, peutêtre composé par un élève issu de l’École des Jeunes de langues, laquelle
fut créée en 1669 par Colbert pour la formation des futurs interprètes en
langues orientales34. Cette hypothèse permettrait également d’expliquer
pourquoi ce manuscrit se serait trouvé dans la collection de Renaudot.
Une autre hypothèse est à envisager, probablement plus fascinante si
elle s’avérait vraie : nous serions en présence d’une œuvre composée par
les services de la politique extérieure française. Cela expliquerait pourquoi
l’auteur loue avec autant d’exagération aussi bien le système administratif
et militaire de Louis XIV que le roi lui-même. Il s’agirait alors d’un artifice habile pour faire connaître à des lecteurs orientaux haut placés la
puissance de la France et, bien sûr, l’intérêt que pourrait en tirer la Porte
ottomane si celle-ci obtenait le soutien de ce précieux allié. Notons que
le manuscrit est luxueux et donc destiné à la bibliothèque d’une personne
d’influence. Autrement dit, il n’est pas impossible que derrière cet artifice
se cachent les services diplomatiques français. Un tel manuscrit de propagande n’encourageait-il pas à une alliance avec la France ? Si la date de
1694 doit être retenue, il est à noter qu’il s’agit d’une période au cours de
laquelle les relations franco-ottomanes étaient relativement bonnes, malgré
la crise provoquée par les bombardements d’Alger et de Tripoli (mais aussi
de Chios/Scio, en mer Égée) par la flotte française dans les années 168035.
Non seulement Louis XIV avait refusé de participer à la Sainte Ligue,
malgré l’invitation du pape Innocent XI, mais il avait aussi profité de
la situation pour attaquer l’Empire des Habsbourg, permettant ainsi aux
33
Niceron, Mémoires pour servir à l’histoire, p. 25-41.
Suggestion du Prof. Géraud Poumarède (communication personnelle, 25 avril 2018 :
« Un exercice de style, une sorte de pastiche, produit par un orientaliste, un drogman, un
traducteur. À usage français, d’où la louange de Louis XIV, la belle reliure... »). Pour en
savoir plus, voir Hitzel, Istanbul et les langues orientales.
35
En 1687, il y avait des plans français pour conquérir l’Égypte ou même Istanbul :
Bilici, Louis XIV et son projet de conquête ; Idem ,« Les projets de croisade français ». Pourtant, une « atmosphère favorable » dominait les relations franco-ottomanes depuis l’échec
des Ottomans à Vienne (Mantran, « Monsieur de Guilleragues », p. 72).
34
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Ottomans de mener une contre-offensive victorieuse36. Cela dit, cette hypothèse n’a rien de certain : après tout, rien dans la documentation n’indique
que le sultan ou les cercles dirigeants de l’Empire ottoman avaient des
réserves face à l’alliance française. De même, il n’est pas certain que la
diplomatie française ait voulu une alliance plus poussée avec le sultan, alors
que les relations franco-ottomanes dans les années 1690 étaient meilleures
que dans la décennie précédente37. Nous savons que l’ambassade de Pierre
de Castagnères de Chateauneuf, ambassadeur de France à Istanbul jusqu’en
1699, « n’a été sujette à aucun inconvénient de la part des Turcs, et qu’elle
s’est passée avec beaucoup plus d’agrément et de distinction qu’aucune des
précédentes »38. Cependant, les instructions données par le roi à de Chateauneuf en 1689 lui prescrivirent de faire obstacle à une paix entre Habsbourgs
et Ottomans en insistant sur le fait que la guerre entre la France et l’Empereur
serait longue :
Il [l’ambassadeur] fera connoistre [au Grand Visir] qu’encore que la pluspart
des estats de l’Europe se soient joints à la maison d’Autriche par la jalousie
qu’ils ont tous de la grande puissance de Sa Majesté et qu’ils fassent cette
campagne leurs plus grands efforts pour l’attaquer de toutes parts, néantmoins elle prétend leur imposer de si grandes forces, tant par mer que par
terre, qu’il y a lieu d’espérer qu’ils n’auront que la confusion d’avoir fait une
si grande ligue sans aucun succès et d’avoir encore éprouvé à leur dommage la puissance toujours si victorieuse de Sa Majesté ; […] que, comme
Sa Majesté aura plus de trois cent mil combattants, tant par mer que par terre,
elle seroit assez puissante par ses propres forces pour soutenir la guerre pendant dix années, quand mesme le nombre de ses ennemis augmenteroit ; […]
que ses nouvelles conquestes sont si bien pourvues de toutes choses et soutenues de corps de troupes si considérables qu’elles sont capables de faire périr
les plus fortes armées de l’empire39…
Tout cela conforte notre hypothèse sur la possible fabrication de notre
manuscrit ; en outre, les louanges faites sur le commerce et les marchands
français pourraient être conçues comme un moyen de renforcer les efforts
de l’ambassadeur pour ouvrir aux Français le commerce de la mer Rouge
et de la mer Noire :
36
Caron, « Le tournant de l’année 1688 ».
Caron, « Le tournant de l’année 1688 » ; Bérenger, « La politique ottomane » ;
Idem, « Les vicissitudes de l’alliance militaire » ; Idem, « Alliances de revers et coopération militaire » ; Setton, Venice, Austria, and the Turks, p. 389.
38
de Bonnac, Mémoire historique, p. 43. Sur l’ambassade de Chateauneuf, voir ibid.,
p. 42-48 ; Bacqué-Grammont, Kuneralp, Hitzel, Représentants permanents, p. 26. Son mémoire
au roi à son retour de l’ambassade est publié par de Bonnac, Mémoire historique, p. 90-113.
39
Duparc éd., Recueil des instructions, t. XXIX, p. 133-142 et surtout p. 135-136.
37
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Et en dernier lieu le sieur Girardin [l’ambassadeur précédent] proffitant de
la crainte que les Turcs ont pour la puissance de Sa Majesté, a obtenu des
choses très avantageuses au commerce des François […] Ledit sieur Girardin
avoit encore fait des propositions pour ouvrir aux François le commerce de
la Mer Noire et enfin il avoit commancé de faire connoistre aux Turcs que
trouvant leur avantage dans l’usage des marchandises des François, ils pourroient se passer du commerce des autres nations de l’Europe qui seroit aisément remplacé par la nation française. Sa Magesté, qui avoit approuvé touttes
ces pensées, veut que ledit sieur ambassadeur les suive40.
En effet, dans le mémoire que de Chateauneuf adressa au roi après son
retour, il est question d’un épisode qui pourrait vraisemblablement offrir
un contexte favorable à la composition du manuscrit :
J’eus encore la douleur de voir éloigné bientôt […] par un nouveau vizir,
Moustafa Pacha, beau-frère du grand Seigneur, que les ministres ennemis de
Votre Majesté avoient mis dans leur intérêts […] N’ayant donc plus pour moi
ni le chef de la loi, ni celui de la milice, je fus obligé de recourir à de nouveaux ressorts. Je n’en trouvai point de meilleur que de me tourner du côté
des eunuques du Sérail […] et ce fut par eux que je fis avertir le sultan […]
intéressant sa gloire par les honteuses conditions auxquelles en le vouloit faire
consentir, et l’encourageant par l’exemple de Votre Majesté et par les avantages qu’elle remportoit sur l’ennemi commun […].
Votre Majesté voit que le seul récit de ses victoires et des forces qu’Elle
opposoit aux Allemands y a suppléé malgré les intrigues des ambassadeurs
anglois et hollandois, et des émissaires de l’Empereur qui ne cessoient d’inspirer aux Turcs de prévenir Votre Majesté par une prompte paix41.
Mustafa Paşa est Bozoklu Mustafa Paşa, grand vizir de 1693 à 1694
(de Chateauneuf indique qu’il avait succédé à [Çalık] Ali Paşa) ; nous
trouvons aussi une référence à la mort du sultan Ahmed II (r. 1691-1695).
L’ambassadeur de Chateauneuf mena alors sa politique à une date qui est
très proche de celle de la composition de notre manuscrit, lequel pourrait
avoir été destiné à un des eunuques du Palais. Notons que, en 1692, les
instructions remises au Sieur de Ferriol, qui succède à de Chateauneuf en
qualité d’ambassadeur, sont similaires à celles de son prédécesseur : le but
est toujours d’empêcher une paix entre le sultan et l’Empereur, afin de ne
pas laisser ce dernier démobiliser les troupes de la Hongrie massées sur le
front du Rhin ; il faut assurer les Ottomans que les armées du roi de France
« sont mieux disciplinées et plus aguerries que celles de ses ennemis42 ».
40
Ibid., p. 144-145.
de Bonnac, Mémoire historique, p. 96 et 98.
42
Duparc éd., Recueil des instructions, t. XXIX, p. 151-155. Sur l’ambassade de Ferriol, marquée par un épisode célèbre provoqué par son mépris du protocole ottoman, voir
41
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Il y avait ainsi de nombreuses raisons pour que la diplomatie française ait
intérêt à fabriquer un document si favorable, glorifiant la puissance de son
roi, Louis XIV.
Enfin, une dernière hypothèse est proposée par Güneş Işıksel43 : sans nier
la provenance constantinopolitaine du manuscrit, on pourrait imaginer un
texte destiné à être lu (à haute voix peut-être) devant une audience plutôt
égyptienne, ce qui expliquerait le contexte cairote. L’auteur pourrait être
Benoît de Maillet, consul de France en Égypte de 1692 à 1708 et initiateur
d’un projet ambitieux pour construire un canal entre la Méditerranée et
la mer Rouge. L’objectif du texte aurait été de convaincre la cour du pacha
d’Égypte et ses janissaires (lesquels ne sont pas critiqués, tandis que l’auteur semble n’avoir aucune estime pour l’administration centrale ottomane)
que la France avait les capacités financières et militaires de construire ce
canal et de le défendre — ou même convaincre cette élite « égyptienne »
de passer sous le protectorat français44. En effet, quelques éléments tendent
à rendre cette hypothèse plausible; le mémoire de Maillet contient des
références que l’on retrouve dans notre manuscrit45. Cependant, le fait que
ce dernier ait été rédigé avant les premiers mémoires écrits par Benoît de
Maillet, laisse supposer que notre première hypothèse, celle d’une composition du texte à Istanbul, est la plus vraisemblable.
Conclusion
À l’issue de notre enquête, il ne fait pas de doute, comme nous avons
cherché à le démontrer, que notre manuscrit a été composé par un auteur
français se dissimulant sous la forme autobiographique d’un janissaire
— probablement fictif car on ne peut totalement exclure la possibilité d’un
personnage réel — qui, par un artifice littéraire chercha à séduire un public
appartenant à la haute administration ottomane en vantant la richesse de
la France et la puissance de son roi. Selon toute vraisemblance, l’auteur a
vécu au Caire et possède une bonne connaissance de l’Égypte : au-delà de
Bacqué-Grammont, Kuneralp et Hitzel, Représentants permanents, p. 26-27 ; de Bonnac,
Mémoire historique, p. 48-60 ; Bóka, « Le marquis Charles de Ferriol ».
43
Communication personnelle, 10 janvier 2019.
44
Pour le projet suggéré par Maillet, voir de Caix de Saint-Aymour, La France en
Éthiopie, p. 72-84. Pour l’option de protectorat envisagée par la diplomatie française, voir
supra, note 35.
45
Par exemple l’allusion à « Héliopolis, ou ville du Soleil, à qui ce lieu était particulièrement consacré » (de Maillet, Description de l’Égypte, p. 107 ; cf. el-Banna, Le voyage à
Héliopolis, p. 154) ; v. aussi infra, note 46.
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ses références à Héliopolis et à Neuhäusel, qui montrent une fois de plus
que nous sommes en présence d’un auteur européen, il y a dans le texte
des détails précis sur les lieux comme la description des exercices que faisaient régulièrement au Qasr al-‘Ayni les soldats égyptiens (1b),46 ou la désignation des pyramides comme Ahram dağları (f. 2b)47. L’écriture, elle aussi,
semble peut-être trop belle et trop soignée pour être celle d’une main européenne : on en a le sentiment en la comparant avec les écritures les plus
belles que l’on connaisse des manuscrits ottomans écrits par des Européens48.
Il est possible que le texte original ait été écrit en français puis traduit et
copié en turc ottoman par l’intermédiaire d’un habile calligraphe, peut-être
rémunéré par l’ambassade de France d’Istanbul49. On ne saura probablement
jamais comment et par quel intermédiaire ce manuscrit finit par arriver à
Paris et par rejoindre la bibliothèque privée d’Eusèbe Renaudot ; on ne saura
pas si le texte est jamais parvenu à son destinataire.
Pour arriver à une conclusion plus définitive, une étude beaucoup plus
approfondie de la correspondance diplomatique française des années 169050
(ainsi qu’une étude détaillée du manuscrit d’un point de vue codicologique)
serait nécessaire. En tout cas, une chose est sûre : comme nous avons cherché à le montrer, ce manuscrit ottoman ne doit pas être pris au pied de
la lettre et ne peut pas être présenté comme le témoignage d’une curiosité
ottomane à l’égard du Frengistan.
Bibliographie
Adıyeke (Nuri), « Hikâyet-i azimet-i sefer-i Kandiye », thèse de licence non
publiée, université Ege, Izmir, 1988.
46
Hathaway, « Bilateral Factionalism and Violence », p. 147-151. Une description
de tels exercices (à une occasion différente) peut aussi se trouver dans Thevenot, Relation
d’un voyage fait au Levant, p. 470. La description du mercredi et samedi comme des « jours
destinés à la promenade » se trouve aussi dans le mémoire de de Maillet (Description de
l’Égypte, p. 168).
47
L’expression est inconnue de Meninski, Thesaurus, vol. 1, p. 564, mais connue
d’Evliya Çelebi : Seyahatname, vol. 10, index s.v. « Ehrâm dağları/cebeli », « Heremeyn
cebeli/dağları ».
48
Voir par exemple des manuscrits de deux des rares Français qui pouvaient écrire un texte
ottoman à l’époque : Antoine Galland (Bibliothèque nationale de France, MS. turc 214, 217,
suppl. turc 1200) et François Pétis de la Croix (Bibliothèque nationale de France, MS. arabe
4343 ou 6605). Je dois cette remarque, ainsi que l’hypothèse qui la suit, à Güneş Işıksel.
49
Comme me le signale Güneş Işıksel, la main d’écriture est très semblable à celle du
scribe musulman-ottoman de la chancellerie de l’ambassade.
50
Je n’ai trouvé aucun élément dans l’inventaire de la correspondance du consulat de
Constantinople (Zaïmova – Henrat, Affaires étrangères).
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