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L'affichage de la parenté : le cas d'Antiochos I er de Commagène (v . 70-v . 36 av. J.-C.)

2021, Pallas

PALLAS, 115, 2020, PP. 265-287 L’affichage de la parenté : le cas d’Antiochos Ier de Commagène (v . 70-v . 36) Charlotte lerouge-cohen Université de Paris Nanterre Antiochos Ier de Commagène est le souverain qui, entre 70 et 36 av. J.-C., dirigea la Commagène, petit royaume situé dans la boucle de l’Euphrate. Ce royaume apparut vers 163 lorsque Ptolemaios, l’homme qui, à l’époque, dirigeait la Commagène pour le compte des Séleucides, fit sécession et « prit le pouvoir sur la région »1 . Ptolemaios adopta ensuite le titre royal. On ignore quelle était exactement l’identité de ce Ptolemaios. On sait en revanche que lui succéda son fils Samos (v. 130-v. 100), puis le fils de ce dernier, Mithridate Ier Kallinikos (v. 100-v. 70), qui épousa la princesse séleucide Laodice Thea Philadelphe, fille d’Antiochos VIII Grypos (126/125 av. J.-C.-96 av. J.-C.). Antiochos Ier, qui en 70 succéda à son père, est le fruit de cette union. Il entre dans l’amitié romaine dès 69, à la suite de la victoire de Tigranocerte remportée par Lucullus sur le roi d’Arménie Tigrane, allié de Mithridate du Pont2 ; dès lors, Antiochos est un roi « ami et allié » des Romains. En se soumettant à Rome, Antiochos se débarrasse d’une autre soumission, celle dans laquelle son royaume, depuis le règne de Mithridate Kallinikos, se trouvait par rapport à l’Arménie de Tigrane le Grand3 . Si Antiochos Ier est le plus célèbre des rois de Commagène, ce n’est certes pas à cause des sources littéraires, qui ne mentionnent son nom que de façon très occasionnelle4, mais plutôt en raison des vestiges archéologiques et des multiples inscriptions royales qu’a livrés son règne . Cette abondance documentaire forme un contraste saisissant avec la maigreur 1 2 3 4 Diodore de Sicile 31, F. 19a. Dion Cassius 36, 2, 5. Tigrane, monté sur le trône d’Arménie vers 95, conquiert rapidement les régions adjacentes à son royaume (Médie Atropatène, Gordyène et Adiabène en Haute-Mésopotamie, Commagène ; voir Strabon 11, 14, 15). En vérité Strabon n’évoque pas la Commagène parmi les conquêtes de Tigrane, mais plusieurs signes indiquent que le royaume tomba sous domination arménienne : le fait, notamment, qu’il ait été allié de Tigrane face à Lucullus en 69. Voir Cicéron, qui dans une lettre à son frère désigne Antiochos comme un « ignobilem regem », un roi « obscur » ! (Ad Quintum fratrem 2, 10, 2 (= lettre 132), 54 av. J.-C.) 266 Charlotte lerouge-cohen des sources issues des règnes de ses prédécesseurs, qui se réduisent à quelques témoignages archéologiques datant de l’époque de son père Mithridate Ier Kallinikos5 . Antiochos Ier, en effet, fonda dans son royaume un nombre important de sanctuaires, qui ont livré vestiges et, surtout, inscriptions6. Ces sanctuaires, pour reprendre la terminologie propre au royaume telle que l’attestent les inscriptions, se divisent en deux catégories : les hierothesia et les téménè7 . Le hierothesion (terme propre au royaume de Commagène) était un sanctuaire de taille importante qui contenait également un tombeau princier8 . À l’époque d’Antiochos Ier il n’y en avait que trois dans le royaume, tous les trois situés au nord-est du territoire9. Le sanctuaire du Nemrud-Dag, (dont on ignore le nom antique), créé par Antiochos Ier et voué à recueillir sa dépouille, est le plus connu. Juché au sommet d’une montagne de plus de 2000 m sur laquelle avait été aménagé un tumulus de 50 mètres, il était organisé en deux terrasses, situées l’une à l’est, l’autre à l’ouest du tumulus, qui toutes deux étaient ornées de statues colossales ainsi que d’une multitude de stèles sur lesquelles étaient gravés des bas-reliefs et des inscriptions (voir plus bas). On n’a pas retrouvé de chambre funéraire sous le tumulus et on ne sait donc pas où Antiochos Ier était enterré (ni même s’il y fut enterré). Outre le sanctuaire du Nemrud-Dag des hierothesia étaient également implantés à Arsamée-de-l’Euphrate (moderne Gerger) et à Arsamée-du-Nymphée. Il s’agissait là, en réalité, de re-fondations d’Antiochos Ier : le hierothesion d’Arsamée-du-Nymphée aurait en effet été fondé par Mithridate Ier Kallinikos, le père du souverain, pour y installer son tombeau10, cependant qu’Arsamée-de-l’Euphrate accueillait les dépouilles des ancêtres de la 5 De l’époque de Mithridate Ier Kallinikos datent 1) les fondations du palais qu’il avait fait bâtir à Samosate, la capitale du royaume commagénien, dont la datation est assurée par la trouvaille d’une monnaie ; on a trouvé également quelques-unes des mosaïques qui l’ornaient ainsi que des éléments décoratifs. Le palais a été englouti sous les eaux de l’Euphrate, comme tout le site de Samosate, dans les années 1990 (voir Zoroğlu, 2012) ; 2) une partie des constructions du site d’Arsamée-duNymphée, où le roi avait installé son tombeau (voir Brijder, 2014, p. 279-295, contra Hoepfner, 2012, qui date tout le site de l’époque d’Antiochos Ier). 6 Les inscriptions commagéniennes sont traditionnellement désignées par des lettres reprenant l’initiale du nom antique ou moderne du site dont elles proviennent : c’est de cette façon que je les citerai dans cet article ; voir en fin d’article la liste des abréviations utilisées. 7 Pour une présentation synthétique des sanctuaires de Commagène voir Facella, 2006, p. 250-285. Voir également Wagner, 2012, Brijder, 2014 et Versluys, 2017 p. 52-81 (qui se concentre sur les hierothesia). Sur le Nemrud-Dag en particulier, voir Sanders, 1996. 8 Schlumberger, 1960, p. 41 : le « hierothesion » désigne « un tombeau princier en même temps qu’un sanctuaire où se déroulent des cérémonies en l’honneur des ancêtres et parents du roi, du roi luimême, et de diverses divinités » ; cette définition devenue classique a été reprise par Facella, 2006, p. 251. 9 Pour situer les implantations des sanctuaires voir la carte reproduite à la fin de cet article (Brijder, 2014, p. 39, fig. 15). Le fils d’Antiochos, Mithradate II, fonda également un hierothesion, à Karakuş, pour accueillir les dépouilles de sa mère, de ses deux sœurs et de sa fille (inscriptions Ka et Kb ; voir Facella, 2006 et Wagner, 2012a). Il en reste quelques colonnes, une stèle de dexiosis et deux inscriptions permettant d’identifier les destinataires du sanctuaire. Rien ne permet de penser que des fêtes s’y déroulaient comme dans les hierothesia d’Antiochos Ier : Karakuş n’était probablement qu’un lieu d’inhumation . 10 Voir les inscriptions retrouvées sur le site : A lignes 28-35 (« ce hierothesion, le roi Mithradate L’affichage de la parenté : le cas d’Antiochos Ier de Commagène 267 dynastie, depuis le règne d’Arsamès semble-t-il11 . Sur les sites de ces hierothesia, situés au sommet d’éminences rocheuses d’accès difficile, on a bien retrouvé des chambres funéraires creusées dans le roc12 . Les téménè (au moins dix connus) étaient d’importance plus modeste, et n’accueillaient pas de tombeau. Ils sont tous situés dans la partie orientale du royaume, à une journée de marche au plus de la capitale du royaume, Samosate, qui comptait au moins trois téménè13 . Dans chacun des sanctuaires, hierothesia et téménè, on a trouvé au moins une stèle contenant une inscription cultuelle14 rédigée par Antiochos Ier lui-même, qui rappelait les raisons pour lesquelles le souverain avait fondé un sanctuaire dans ce lieu, puis réglait les principaux aspects du culte qui y était célébré – partie qu’Antiochos désigne dans l’inscription comme le nomos15 . Ces nomoi, similaires les uns aux autres dans leur contenu pour ce qui concerne la célébration du culte, indiquent que les sanctuaires commagéniens étaient tous voués au même culte, le culte officiel qui, outre un certain nombre de dieux et les ancêtres du roi, impliquait avant tout la propre personne du roi ; les fêtes qui y étaient célébrées étaient strictement identiques : elles avaient lieu le jour de la naissance d’Antiochos (le 16 Audnaios) et le jour de son accession au trône (le 10 Loos), et étaient célébrées non seulement annuellement mais également mensuellement (les 16 et les 10 de chaque mois). Si Antiochos avait fondé sur son territoire un si grand nombre de téménè, c’était d’ailleurs pour que ses sujets puissent facilement accomplir les actes du culte officiel, sans devoir se déplacer 11 12 13 14 15 Kallinikos, mon père (πατὴρ ἐμός), ayant déterminé le plus bel endroit du lieu, l’a consacré dans les faubourgs d’Arsamée pour sa propre dépouille et (…) il conduisit la nature immortelle de son âme vers la maison éternelle des Bienheureux ») ; voir aussi Ar ligne15 et ligne18. Sur Arsamès, roi arménien qui régna au iiie s., voir plus bas. Inscription : G lignes 6-7 (nomos d’Arsamée-de-l’Euphrate) : le roi Antiochos… « a consacré ce lieu [aux daimones de ses ancêtres (δαίμοσιν προγονικοῖς) ] » (l’expression est restituée d’après des parallèles : G ligne 49) ; G. lignes 13-14 : « mon ancêtre Arsamès (…) fonda des hierothesia pour accueillir les dépouilles royales en ce lieu » . Malheureusement elles étaient vides… Sur les fouilles d’Arsamée-du-Nymphée voir Dörner, Goell, 1963. Photos des tombes d’Arsamée-de-l’Euphrate : Brijder, 2014, fig. 24 et fig. 143 a-b ; des tombes d’Arsamée-du-Nymphée : Brijder, 2014, fig. 25 et Hoepfner, 2012, en particulier fig. 98. La dépouille de Mithridate Ier n’a pas été retrouvée ; H. Brijder (p. 83) suppose qu’Antiochos Ier la déplaça pour l’installer soit dans un mausolée monumental construit au sommet de la colline, soit auprès de lui au Nemrud-Dag (ce qui n’est qu’une hypothèse). Voir Brijder, p. 161. À Arsamée-du-Nymphée il y avait deux inscriptions cultuelles, de même qu’au Nemrud-Dag. On trouve dans Waldmann, 1973 les nomoi d’Antiochos Ier qui avaient été découverts à cette date, avec traduction allemande. Les inscriptions du Nemrud-Dag sont par ailleurs toutes rassemblées, éditées, traduites et commentées par F. K. Dörner dans Sanders, 1996 (Dörner, Young 1996). Voir aussi Petzl, 2012 (sur l’inscription du téménos de Sofraz-Köy, découverte en 1976) et Crowther, Facella, 2012 (sur l’inscription de Séleucie-sur-l’Euphrate/Zeugma, découverte en 2000). Pour une synthèse complète et récente sur les inscriptions de Commagène hors Nemrud-Dag, on peut se référer à Brijder, 2014 p. 132-160. 268 Charlotte lerouge-cohen nécessairement dans l’un des hierothesia, ces derniers étant plus difficiles à atteindre vu leur situation géographique et leur implantation au sommet de collines élevées16 . Dans le travail qui suit, nous allons étudier la façon dont Antiochos Ier, dans les inscriptions cultuelles qui ont été retrouvées dans les sanctuaires et qui sont aussi des inscriptions royales, choisit d’afficher sa parenté. Nous aborderons cette question sous deux angles différents. D’abord, nous analyserons la façon dont le souverain rappelle sa filiation directe au sein de sa titulature : toutes les inscriptions d’Antiochos Ier commencent, comme il est normal, par l’énoncé de sa titulature ; le souverain, outre ses titres, mentionne ses patronyme et matronyme, mais également, dans un certain nombre de cas, l’un de ses papponymes : ce dernier usage n’est pas courant dans les monarchies hellénistiques et nous tâcherons de le comprendre . Ensuite, nous aborderons la question du choix des ancêtres auquel Antiochos Ier rend hommage dans les hierothesia. Dans ces sanctuaires, qui pour deux d’entre eux sont de fondation ancienne, le souverain affiche en effet une volonté d’honorer ses ancêtres (et donc, la dynastie à laquelle il appartient) que l’on ne trouve pas dans les téménè . Cette volonté prend toutefois des formes différentes si l’on considère les sanctuaires des Arsamées d’une part, celui du Nemrud-Dag d’autre part : dans ce dernier seul, en particulier, on trouve ces alignements de stèles que les savants ont désignés comme « galeries des ancêtres » (voir plus bas). Si les stèles de ces « galeries » ont suscité de nombreuses analyses, on s’intéresse moins, en général, à l’évolution dont elles témoignent, tant en termes de rapport au passé qu’en termes d’affichage de la parenté, par rapport aux hierothesia d’Arsamée-du-Nymphée et d’Arsamée-de-l’Euphrate. C’est cette évolution que, dans cette étude, nous tenterons de souligner . Les inscriptions royales commagéniennes retrouvées dans les sanctuaires commagéniens, qui constituent la quasi-totalité des inscriptions contemporaines du règne d’Antiochos Ier17, sont de deux types . 1) D’abord les inscriptions cultuelles, que j’ai déjà mentionnées et qu’on a retrouvées dans chacun des sanctuaires – il s’agit même souvent, en l’absence de vestiges archéologiques, du seul élément qui permette d’identifier un sanctuaire à tel ou tel endroit. Ces nomoi sont édictés par le roi et commencent tous par son nom. Au Nemrud-Dag, en plus des nomoi réglant le culte, deux stèles rappelant la nécessité d’être en état de pureté et proférant des imprécations contre ceux qui pénètreraient dans le sanctuaire sans respecter cette règle, rédigées par le souverain également, étaient affichées sur la voie menant aux terrasses où se déroulait le culte18 . 2) Ensuite, les inscriptions qui visent à donner l’identité d’un dieu ou d’un personnage représenté, et donc honoré, par Antiochos Ier dans l’un de ses sanctuaires (il s’agit en réalité d’un type d’inscription honorifique). Ces inscriptions, très simples, se présentent toutes de 16 Voir le nomos du Nemrud Dag lignes 89-105, où Antiochos explique qu’il a fait en sorte que tous les sujets du royaume puissent participer aux fêtes dans les lieux sacrés les plus proches, faisant allusion à la fondation de multiples sanctuaires dans le royaume. 17 Les exceptions sont constituées par deux inscriptions en l’honneur du roi, émanant pour l’une des Éphésiens, pour l’autre d’un dignitaire commagénien (voir notes no 34 et 35). 18 Npo et Npw (voir Dörner, Young, 1996, p. 176-182) L’affichage de la parenté : le cas d’Antiochos Ier de Commagène 269 la même façon : le nom du roi au nominatif, suivi de celui de la personne ou du dieu honoré à l’accusatif. À Arsamée-de-l’Euphrate, hierothesion dédié aux ancêtres d’Antiochos19, un immense relief représentant Samos, le grand-père du roi, gravé sur la paroi de la falaise située en contrebas du sanctuaire, était accompagné d’une inscription de ce type20 . La grande majorité de ces inscriptions se trouvaient toutefois dans le sanctuaire du Nemrud-Dag . Chacune des deux terrasses du sanctuaire était ornée en effet, pour commencer, de nombreuses stèles dites de dexiosis, sur lesquelles étaient gravés des reliefs représentant le roi en train de serrer la main à un dieu – Arsamée-du-Nymphée a également livré quelques exemplaires de ce type de stèles21 : le dieu y était identifié au moyen d’une inscription. Par ailleurs, s’y élevaient des statues colossales de dieux et déesses (cinq statues par terrasse, dix statues en tout) – le nomos du sanctuaire étant gravé, de façon continue, au dos des piédestaux qui accueillaient ces statues22. Enfin, sur chacune des deux terrasses s’alignaient ce qu’il est devenu usuel d’appeler, bien que l’expression soit impropre, les « galeries des ancêtres »23, disposition propre au Nemrud-Dag et dont on ne connaît nul équivalent, sous cette forme, dans le monde antique24 : il s’agit d’alignements de stèles ornées de reliefs représentant non seulement des ancêtres mais également des personnages remarquables de la famille à laquelle appartient Antiochos Ier 25 . Chacune des deux « galeries » regroupait une série de stèles consacrées aux ancêtres du roi en ligne paternelle (15 stèles) et une série consacrée aux ancêtres en ligne maternelle (17 stèles). Les ancêtres y étaient identifiés par leur nom au dos de la stèle. Les 19 Voir note no 11 . 20 Brijder, 2014, p. 55, fig. 29 a-b et c-d. 21 Stèles de dexiosis du Nemrud-Dag : voir Dörner, Young, 1996 p. 224-252. Arsamée-du-Nymphée : mise au point récente par Brijder, 2014, p. 238-260 ; on a trouvé dans le sanctuaire une stèle de dexiosis entre Antiochos Ier et Mithra-Helios Apollon-Hermès accompagnée d’une inscription identifiant le dieu (At). 22 Les statues représentent Zeus Oromasdès, Apollon-Mithra-Hélios-Hermès, Artagnès-HéraclèsArès, la déesse Tychè-Commagène et Antiochos lui-même ; Antiochos les identifie dans le nomos gravé au dos des socles (derrière le socle de la statue d’Apollon : voir N lignes 53-58 : « … j’ai érigé ces images divines de Zeus Oromasdès, Apollon Mithra Hélios Hermès, Artagnès Héraclès Arès, et de ma patrie nourricière de tous, la Commagène ») 23 « Die Ahnengalerie » en allemand (v. par ex. Messerschmidt, 2012), « the Ancestors’s Gallery » en anglais . 24 Ce qui ne signifie pas qu’il n’existait nulle part ailleurs de « galerie d’ancêtres », comme le rappelle M. J. Versluys : on pense par ex. à Philippe II qui après Chéronée consacra à Olympie une tholos contenant cinq statues de membres de sa famille, à Antigone Gonatas qui offrit à Délos un portique orné d’une vingtaine de statues de ses progonoi, ou, dans un autre ordre d’idée, aux imagines de leurs ancêtres qui ornaient les maisons des membres de la nobilitas romaine (voir les références, ainsi que d’autres exemples, dans Versluys, 2017, p. 130-132). 25 Si, du côté paternel, les personnages honorés semblent bien s’organiser selon une logique globalement généalogique et masculine, du côté maternel en revanche la situation est moins claire : les stèles 14 à 17, par exemple, semblent être consacrées à des femmes et la stèle 16 était celle d’Isias Philostorgos, l’épouse d’Antiochos Ier (sur cette identification voir Dörner, Young, 1996, p . 348 ; Facella, 2006, p. 272-274) : comme le dit F. K. Dörner on se trouve en fait davantage face à une « Seleucid royal gallery » que face à un arbre généalogique, ce qui rend impropre l’expression de « galerie des ancêtres » (Dörner, Young, 1996, p. 339). 270 Charlotte lerouge-cohen galeries paternelle et maternelle sont disposées perpendiculairement l’une à l’autre sur la terrasse occidentale, alors que sur la terrasse orientale elles se font face,26 . Les stèles étant très rapprochées l’une de l’autre, chacune des galeries, comme le signale J. M. Versluys, devait donner l’impression d’un mur sculpté27 . Dans la quasi-totalité de ces inscriptions (nomoi et inscriptions honorifiques/ d’identification), le souverain décline ainsi ses titres : « Le Grand Roi Antiochos Theos Dikaios Épiphane Philorhomaios et Philhellène » (βασιλεὺς μέγας Ἀντίοχος θεὸς δίκαιος ἐπιφανὴς φιλορώμαιος καὶ φιλέλλην). Un seul téménos fait exception, celui de Sofraz-Köy dont il est admis qu’il a été fondé au début du règne d’Antiochos Ier : au début du nomos retrouvé dans ce sanctuaire, Antiochos est simplement « Roi », et non « Grand Roi » 28 . Pour ce qui concerne la mention de sa filiation, la situation est plus variée29 . Au début du nomos du téménos de Sofraz-Koÿ, le roi se présente simplement comme « fils du roi Mithradate Kallinikos » (ὁ ἐκ βασιλέως Μιθραδάτου Καλλινίκου) Sur les stèles de la « galerie des ancêtres » paternels de la terrasse occidentale du NemrudDag ainsi que sur les stèles de dexiosis de cette même terrasse, le roi se présente comme « fils du roi Mithradate Kallinikos et de la reine Laodice Thea Philadelphe » (ὁ ἐκ βασιλέως Μιθραδάτου Καλλινίκου καὶ βασιλίσσης Λαοδ[ίκ]ης θεᾶς Φιλαδέλφου) (patronyme et matronyme). Dans toutes les autres inscriptions sans exception (nomoi, relief de Samos à Arsamée-del’Euphrate, stèles de la « galerie des ancêtres » paternels de la terrasse orientale du NemrudDag, stèles de la « galerie des ancêtres » maternels des terrasses orientale et occidentale du Nemrud-Dag, lois de pureté du Nemrud-Dag), le roi décline son patronyme, son matronyme, et son papponyme maternel, se désignant comme « fils du roi Mithradate Kallinikos et de la reine Laodice Thea Philadelphe fille du roi Antiochos Epiphane Philometor Kallinikos » (il s’agit du Séleucide Antiochos VIII, 126/125-96 av. J.-C.) (ὁ ἐκ βασιλέως Μιθραδάτου Καλλινίκου καὶ βασιλίσσης Λαοδίκης θεᾶς Φιλαδέλφου τῆς ἐκ βασιλέως Ἀντιόχου Ἐπιφανοῦς Φιλομήτορος Καλλινίκου). Ce dernier usage, le plus courant dans la documentation royale commagénienne, n’est pas usuel dans le monde hellénistique : les rois se désignaient ou étaient désignés par leur patronyme simple ou par leur patronyme et leur matronyme30, mais jamais en mentionnant 26 Versluys, 2017, fig. 2.17 (terrasse occidentale) et fig. 2.7 (terrasse orientale). 27 Versluys, 2017, p. 58. 28 Inscription cultuelle (nomos) de Sofraz-Köy : Petzl, Wagner, 1976 ; voir aussi Crowther, Facella, 2003 et Petzl, 2012. 29 Sur les différences, selon les inscriptions, dans les mentions de la filiation au sein de la titulature royale, voir le tableau récapitulatif placé en annexe (annexe 2). 30 Voir par exemple les consécrations faites à Délos par les rois ou en l’honneur de rois ou de dignitaires royaux de différentes dynasties . La pratique la plus courante est d’indiquer uniquement le patronyme du roi, mais ce dernier peut aussi être accompagné du matronyme ; l’usage peut varier pour un même souverain (voir en particulier le beau-père d’Antiochos Ier de Commagène, Antiochos Épiphane Philometor Kallinikos : honoré avec son patronyme et son matronyme par l’un de ses dignitaires dans ID 1549 ; fait figurer son patronyme et son matronyme dans une inscription en L’affichage de la parenté : le cas d’Antiochos Ier de Commagène 271 leur papponyme . L’usage adopté par Antiochos est d’autant plus étonnant que le roi ne mentionne pas le patronyme de son père, ce qui crée une dissymétrie dans la présentation de ses parents . Ce choix, de toute évidence, manifeste la volonté du roi de souligner ses liens avec la dynastie séleucide, visible également au Nemrud Dag où l’une des deux « galeries des ancêtres » était consacrée aux ancêtres maternels, donc séleucides, du roi. Bien que la dynastie séleucide ait été évincée du pouvoir par les Romains dès les premières années du règne d’Antiochos et qu’il n’existe plus, dès lors, de royaume séleucide, il semble bien que l’ascendance séleucide soit considérée par ce roi, tout au long de sa vie, comme une source de prestige et de fierté – de la même façon, en 88, Mithridate Eupator, dans un discours à ses soldats réunis avant la première guerre contre Rome, se vanta de descendre d’un côté des rois perses, de l’autre d’« Alexandre et Séleucos Nicator »31 : à cette époque déjà, la dynastie séleucide, déchirée en branches rivales, ne contrôle plus que la Syrie et ne constitue donc plus une puissance ; être d’ascendance séleucide n’en constitue pas moins, encore, un sujet de fierté – peut-être parce que, si l’on en croit les exemples de Mithridate Eupator et d’Antiochos Ier, s’était imposée l’idée selon laquelle la dynastie descendait d’Alexandre le Grand. Quant au fait que dans la « galerie des ancêtres » paternels de la terrasse occidentale du Nemrud-Dag ainsi que dans les stèles de dexiosis de cette même terrasse, Antiochos ne mentionne que son patronyme et son matronyme, il s’explique assez simplement : d’une manière générale, la terrasse occidentale semble avoir été considérée comme moins prestigieuse que la terrasse orientale, plus grande et qui comprenait une structure interprétée généralement comme un autel32. Il n’est pas étonnant que le roi, sur les stèles de cette terrasse, témoigne également d’une plus grande simplicité dans la façon dont il se présente (même si sur les stèles consacrées à ses ancêtres maternels, il fait bien figurer son papponyme maternel). À titre de parallèle, l’un des ancêtres paternels d’Antiochos, Aroandès (sur ce personnage, voir plus bas), est présenté sur la stèle 6 de la terrasse orientale comme « Aroandès fils d’Artasoura, qui épousa la reine Rhodogune fille du grand Roi des Rois Artaxerxès [dit aussi Arsès] (Ἀροάνδην Ἀρτασούρ[α τὸν] γαμήσαντα βασίλισσα[ν] [Ῥο]δ[ο] γoύνην τὴν βασ[ιλέως] [βα]σιλέων μεγά[λου Ἀρτα]ξέρξου τοῦ κ[αὶ Ἂρσου] θυγατέρα) », alors que, du côté occidental, il est simplement « Aroandès fils d’Artasoura qui épousa la reine Rhodogune, fille d’Artaxerxès »33 . La titulature d’Artaxerxès ainsi que son deuxième nom ont été escamotés sur la terrasse occidentale, au profit d’une inscription plus brève. La diversité d’usage qu’on peut observer au Nemrud-Dag dans la mention de la filiation du roi (patronyme et matronyme, ou patronyme, matronyme et papponyme maternel) se retrouve dans les deux seules inscriptions en l’honneur d’Antiochos Ier que l’on connaisse . L’une de l’honneur d’un consul romain dans ID 1550 ; honoré avec son patronyme seul par les Laodicéens de Phénicie dans ID 1551). 31 Justin 38, 7, 1 (voir plus bas pour une analyse de ce passage). 32 Sanders, 1996, p. 114-116. 33 Voir Dörner, Young, 1996, p. 261-263 et p. 294-295 ainsi que Facella, 2006, p. 95-96. La précision sur le deuxième nom d’Artaxerxès que l’on trouve sur la stèle de la terrasse orientale est à mettre en lien avec la coutume achéménide de la métonomasie. La restitution du second nom est incertaine ; la restitution « κ[αὶ Ἂρσου] » est proposée par Facella, 2006, p. 105-106. 272 Charlotte lerouge-cohen ces inscriptions émane des Éphésiens et honore le « roi Antiochos Theos Dikaios Epiphane Philorhomaios et Philhellène, fils du roi Mithradate Kallinikos et de la reine Laodice Thea Philadelphe fille du roi Antiochos Épiphane Philometor Kallinikos »34 . L’autre provient de Commagène et a été gravée par un dignitaire commagénien, Apollas fils d’Apollas, l’un « des Amis du premier rang et très honorés », eklogiste et stratège ; il honore « le roi Antiochos Theos Dikaios Épiphane Philorhomaios et Philhellène, fils du roi Mithradate Kallinikos et de la reine Laodice Thea Philadelphe »35 . Dans ces deux inscriptions Antiochos est dépourvu de son titre de « Grand Roi », ce qui incite les historiens à supposer que l’une et l’autre, comme le nomos de Sofraz-Köy dans lequel Antiochos est simplement désigné comme « Roi », datent du début du règne, avant que le souverain n’ait adopté le titre qui ensuite se trouve de façon systématique dans la documentation36. Les Éphésiens toutefois mentionnent le patronyme du roi, son matronyme et son papponyme maternel, alors qu’Apollas se contente du patronyme et du matronyme du roi. Doit-on en tirer une quelconque conclusion ? Probablement pas ; rien n’indique que les auteurs d’inscriptions honorifiques devaient suivre un usage strictement imposé par le roi lorsqu’ils mentionnaient la filiation du souverain et Apollas, lorsqu’il se contente de citer le patronyme et le matronyme d’Antiochos Ier, ne fait après tout que se comporter comme le fait le roi lui-même sur les stèles de la « galerie des ancêtres » de la terrasse occidentale du Nemrud-Dag. Si la filiation indiquant le patronyme de la mère se trouve de façon privilégiée en Commagène, il était donc possible également d’utiliser une formulation plus courante dans le monde hellénistique . Il est sans doute plus significatif de noter qu’au début du nomos du sanctuaire de SofrazKoÿ, le roi ne fait état que de son patronyme. Cette particularité peut sans doute être associée à d’autres particularités de ce nomos. D’abord, le fait que le souverain ne se donne que le titre de « Roi », alors que partout ailleurs il est « Grand Roi ». Ensuite et surtout, le fait qu’après avoir mentionné son patronyme, Antiochos s’y présente comme « fondateur et bienfaiteur, le premier à avoir pris la kitaris » (ὁ κτίστης καὶ εὐεργετης καὶ πρῶτος ἀναλαβὼν τὴν κίταριν). Cette notation est propre à Sofraz-Koÿ et on ne la retrouve dans aucune autre des inscriptions commagéniennes . La kitaris est la coiffe emblématique du pouvoir royal arménien, telle qu’on peut l’observer en particulier sur les monnaies de Tigrane le Grand (il s’agit d’une tiare en métal à cinq pointes, richement orné, munie d’un couvre-nuque et de bandes latérales en cuir). Sur les reliefs du Nemrud-Dag, de fait, Antiochos se fait représenter 34 Dittenberger, 1905, n0 405 = Bürker, Merkelbach 1979, n0 203 ; l’inscription est reproduite dans Fraser, 1978 ; il s’agit d’une inscription du peuple des Éphésiens en l’honneur du roi pour le remercier des dispositions pieuses dont il a témoigné envers la déesse (= Artémis) ainsi que de sa vertu et de sa bienveillance envers le peuple . 35 Inscription d’Apollas : voir Savalli-Lestrade, 1998, p. 201 ; pour une description de la stèle et un rappel de l’histoire de sa découverte voir Brijder, 2014, p. 148-149 (avec photo). L’inscription a été découverte dans la région de Samosate, à Kιlafιk Hüyük, en 1930 et a été publiée par Dörner, Naumann, 1939. Elle était accompagnée d’un relief représentant Antiochos Ier en train de faire une libation. La stèle, qui avait été déposée dans un musée non loin d’Ankara, a cependant été perdue : voir Wagner, 2012, p. 241. 36 Sur ce point voir Facella, 2006, p. 281 avec les références note 218. L’affichage de la parenté : le cas d’Antiochos Ier de Commagène 273 avec cette coiffe arménienne, alors que ses ancêtres portent un couvre-chef différent37 . La Commagène s’étant libérée de la tutelle arménienne au moment où Antiochos montait sur le trône, on peut supposer que l’adoption par ce dernier de la kitaris arménienne a pour but de marquer cette émancipation. Le souverain, à Sofraz-Koÿ, chercherait donc à souligner la rupture que représente son règne par rapport à ceux de ses prédécesseurs : il se présente comme le « fondateur » de son royaume, parce qu’il lui a donné l’autonomie dont il était privé, au bénéfice de l’Arménie artaxiade, depuis le règne de Mithridate Kallinnikos. On peut donc penser que le roi, au début de son règne, chercha à mettre en avant ses qualités politiques bien plus que ses origines familiales : s’il rappelle qu’il a pris la kitaris, il ne juge pas nécessaire de mentionner son matronyme, qui rappelle ses origines séleucides. L’attitude consistant, pour Antiochos Ier, à souligner ses origines séleucides au travers de la mention de son papponyme maternel, attitude dont on a vu qu’elle ne trouvait pas de parallèle dans le monde hellénistique, ne s’est donc probablement pas imposée dès le début du règne. Elle est le fruit d’un développement ultérieur au cours duquel la filiation prit le pas, dans les inscriptions et plus généralement dans le discours royal, sur l’évocation des qualités qu’Antiochos Ier pouvait revendiquer dans son action de souverain . L’affichage de la parenté ne passe toutefois pas uniquement, en Commagène, par la mention de la filiation royale, qui ne remonte jamais au-delà du grand-père maternel. Dans les trois hierothesia du royaume le souvenir des ancêtres de la dynastie jouait un rôle important . L’identité de ceux qui étaient mis à l’honneur et la façon dont ils l’étaient diffèrent toutefois selon que l’on est à Arsamée-de-l’Euphrate et Arsamée-du-Nymphée d’une part, ou au Nemrud-Dag de l’autre. Nous allons, pour commencer, analyser le cas des deux premiers hierothesia, qui présentent entre eux d’importants points communs. Dans l’un comme dans l’autre sanctuaire, ce sont les débuts des lois cultuelles qui nous intéressent. Antiochos, avant d’énoncer les règles présidant aux fêtes organisées dans le sanctuaire, y rappelle les origines de ce dernier et les raisons pour lesquelles il a souhaité le refonder. Son but, explique-t-il dans l’un et l’autre cas en utilisant les mêmes formulations, était d’honorer la mémoire des souverains qui l’ont précédé : « Moi, tous les monuments laissés par mes ancêtres (πάντα μὲν προγόνων ἐμῶν ἀναθημάτα), j’ai décidé pour leur rendre un juste honneur de les laisser plus beaux et plus grands que je ne les ai reçus »38 . Dans le nomos d’Arsamée-du-Nymphée il ajoute : « Tout ce qui, en raison des circonstances, est négligé, ou tout ce que le temps a détruit, tout cela, par ma prévoyance, je l’ai fondé, réparé, agrandi, exécuté. Grâce à mes efforts, j’ai rénové les constructions d’une famille ancienne et disparue (Παλαιοῦ τε γένους καὶ μεθεστῶτος κτίσματα νέα φροντίσιν ἡμετέραις ἐποιησάμην). » 39 37 Les ancêtres d’Antiochos portent une coiffe de cuir pointue, ceinte du diadème, munie également de protège-nuque et de bandes latérales. Sur les « tiares » commagéniennes voir Young, 1964. Samos à Gerger est représenté muni d’une telle coiffe (Brijder, 2014, p. 55 fig. 29d), ainsi que Mithridate Kallinikos au Nemrud-Dag (stèle 15) ; voir également les monnaies frappées par ces mêmes souverains (Alram, 1986, no 240-246). 38 G lignes 14-17 ; la formulation est la même dans A. lignes 35-39. 39 A lignes 42-45. 274 Charlotte lerouge-cohen L’existence à Arsamée-de-l’Euphrate du relief gigantesque représentant Samos, identifié par une inscription d’Antiochos Ier comme son grand-père, atteste, de fait, cette dimension du sanctuaire comme lieu de célébration des ancêtres de la dynastie . Parmi eux toutefois, un seul, à Arsamée-de-l’Euphrate, est nommé dans l’inscription cultuelle : il s’agit du roi Arsamès, celui qui a donné son nom aux lieux. Ainsi Antiochos proclame : « Cette Arsamée située près du fleuve de l’Euphrate, mon ancêtre Arsamès (πρόγονος ἐμὸς Ἀρσάμης) l’avait fondée (…). Par ses efforts et ses dépenses, il en fit une forteresse inexpugnable pour la patrie, il établit pour nos vies, en cas de guerre, un foyer inviolable, et il fonda des hierothesia pour les dépouilles royales en ce lieu (ἱεροθέσιά τε σώμασιν βασιλικοῖς ἐν τόπωι τούτωι καθείδρυσεν). » On retrouve des propos similaires dans l’inscription cultuelle du hierothesion d’Arsaméedu-Nymphée40 : si Antiochos n’y attribue pas à Arsamès la fondation du hierothesion (attribuée à son père Mithridate)41, il prête à cet ancêtre la fondation d’une véritable cité, que le roi se targue d’avoir davantage ornée, fortifiée et équipée en fontaines42 . Au-delà de la révérence qu’il porte à ses ancêtres en général, ce que font apparaître de façon très claire les nomoi des hierothesia d’Arsamée-de-l’Euphrate et d’Arsamée-duNymphée, c’est donc la place centrale que le roi y accorde à l’un d’entre eux, Arsamès. Cette importance donnée à Arsamès n’est probablement pas une innovation d’Antiochos Ier : on peut penser en effet que si Mithridate Kallinikos choisit d’installer son tombeau dans un lieu évoquant, par son nom, le souvenir d’Arsamès, c’est parce qu’il considérait déjà ce dernier comme l’ancêtre le plus remarquable de la dynastie . Or ce choix, de la part de la dynastie commagénienne, est très instructif. Il exista bien un roi portant le nom d’Arsamès : il régnait en 227 en Sophène43, cette région située au nord de la Commagène qui s’était détachée au iiie s . de l’Arménie orontide pour s’ériger en royaume indépendant, sous la houlette d’un Orontide (existèrent alors une branche arménienne et une branche sophénienne des Orontides)44 . L’existence en Commagène de deux établissements appelés « Arsamée » permet de supposer avec vraisemblance qu’Arsamès régnait également sur la Commagène ; les fouilles menées à Arsamée-du-Nymphée ont fait apparaître, de fait, 40 A . lignes 13-26 . 41 Voir note 10 . 42 Voir A. lignes 13-16 ; lignes 39-41 : « J’ai une double ambition, envers la cité (εἳς τὴν πόλιν) et envers le hierothesion, ayant décidé de redresser tant les honneurs dus à mes ancêtres que ceux dus à mon père (προγονικὰς ἃμα καὶ πατρώιας τιμὰς) » ; lignes 48-53 (« La cité, grâce à de nouveaux travaux dans les résidences royales et les remparts, d’une part je l’ai davantage fortifiée, d’autre part je l’ai ornée davantage ; pour l’usage de l’eau, à la place d’un accès profond et très éloigné, j’ai créé, à partir des nombreuses sources, des fontaines accessibles et proches. »). 43 Polyen 4, 17. 44 Sur Arsamès et plus largement sur l’histoire de l’Arménie et de la Sophène au iiie siècle, voir Facella, 2006, p. 175-198, dont je reprends les conclusions : l’ancienne satrapie achéménide d’Arménie passa, sous les Diadoques, à un personnage nommé Orontès, auquel succédèrent ses descendants (qui ne prirent jamais, semble-t-il, le titre royal). Au cours du iiie s., la Sophène se détache de l’Arménie orontide. En Sophène, Arsamès fonda probablement la cité d’ « Arsamosate », « Joie d’Arsamès », dont le nom apparaît dans les sources littéraires. L’affichage de la parenté : le cas d’Antiochos Ier de Commagène 275 des traces d’occupation remontant au milieu du iiie s., contemporaines, par conséquent, du règne d’Arsamée. Ces traces d’occupation, absentes à Arsamée-de-l’Euphrate, sont très modestes, et de toute façon aucun des deux sites n’eut jamais l’importance que leur prête Antiochos dans les nomoi : on n’y a trouvé nulle trace de fortification et on peut assurer, a fortiori, qu’aucune polis ne s’éleva jamais à Arsamée-du-Nymphée (ni à Arsamée-del’Euphrate) 45. Arsamès n’en laissa pas moins, si l’on en croit nos nomoi, un vif souvenir en Commagène . Or, il est important de souligner qu’Arsamès ne peut pas être considéré comme un ancêtre de la dynastie commagénienne au sens « biologique » du terme . Une rupture s’opère en effet dans l’histoire de l’Arménie et de la Sophène au tout début du iiie s. lorsqu’Antiochos III, pour des raisons mal connues, opère une reprise en main de la région : après avoir mis à mort le roi de Sophène, Xerxès, en 202, puis déposé le dernier Orontide d’Arménie, Orontès IV, Antiochos III, vers 200, installe à leur place des officiers royaux (Artaxias en Arménie, Zariadris en Sophène)46 . À cette occasion il détache la Commagène de la Sophène et place l’un de ses hommes (au nom inconnu) à la tête de l’entité indépendante ainsi créée47 . L’histoire du royaume de Commagène commence lorsque le successeur de cet homme qui agissait pour le compte des Séleucides, Ptolemaios, se libère de cette tutelle et prend le titre royal, vers 163 av. J.-C. On ne connaît rien de l’identité de ce Ptolemaios, qui porte un nom typiquement macédonien . Dans le hierothesion d’Arsamée-de-l’Euphrate son nom, avec le titre de roi, est mentionné en tant que patronyme de Samos sur le relief consacré à ce dernier48 ; il occupe également la stèle 13 dans les galeries des ancêtres paternels du Nemrud-Dag ; son patronyme toutefois est effacé de l’inscription qui permet de l’identifier et qui se résume en fait aux quatre lettres -αῖον49. Était-il un dignitaire macédonien dirigeant la Commagène ? Appartenait-il à une grande famille sophénienne ou commagénienne ? On n’en a pas la moindre idée. On ne saurait même affirmer que ce Ptolemaios était le fils de l’homme qu’Antiochos III en 200 avait installé en Commagène : peut-être était-il simplement son successeur, sans lien de filiation avec lui. Antiochos Ier en tout cas, qui descend de cet homme, ne saurait avoir pour ancêtre Arsamès de Sophène, comme il l’affirme au début des nomoi d’Arsamée-de-l’Euphrate et d’Arsaméedu-Nymphée . La filiation dans laquelle s’inscrivent les rois de Commagène, à partir au moins du règne de Mithridate Ier Kallinikos (et peut-être même plus tôt), nous informe donc plus sur l’image que la dynastie veut donner d’elle-même que sur son histoire propre. Les rois de Commagène, 45 Arsamée-du-Nymphée : voir Hoepfner, 2012, p. 118 et Versluys, 2017, p. 277 ; Arsamée-del’Euphrate : Brijder, 2014, p. 222-228. Il est vrai que, comme le dit W. Hoepfner (ibidem), l’aspect escarpé de la montagne sur laquelle étaient situés les sanctuaires rendait probablement superflue la construction de murs . 46 Strabon 11, 14, 15. 47 Facella, 2006, p. 199-200. 48 Gf : (Antiochos honore) " son grand-père le roi Samos Théosebès Dikaios, fils du roi Ptolémaios ». 49 Seule la stèle de la terrasse orientale a été retrouvée. L’identification de Ptolémaios sur cette stèle remonte à Th. Reinach : voir Reinach, 1890. 276 Charlotte lerouge-cohen loin de faire de la prise d’indépendance de Ptolemaios en 163 l’événement fondateur de leur dynastie, se présentaient comme descendants d’un souverain qui régnait sur la Sophène et la Commagène à une époque où cette dernière n’avait pas d’existence propre. Antiochos, reflétant les conceptions qui étaient déjà en cours avant lui, ne fonde pas sa légitimité ni celle de sa famille sur un acte de libération par rapport à une domination étrangère (celle des Séleucides), mais il cherche au contraire à l’inscrire dans un passé lointain, ancré localement, ignorant les ruptures qui eurent lieu par la suite dans l’histoire de la région. Le choix d’Arsamès témoigne de l’importance, dans l’histoire de la Commagène, de la période pendant laquelle cette région constitua une partie du royaume de Sophène ; les souverains de la Commagène indépendante se réapproprièrent le souvenir du roi arménien qui dirigeait la région à cette époque. Le sanctuaire du Nemrud-Dag, fondé par Antiochos Ier tard dans son règne, sur un site qui n’avait encore jamais été occupé, présente un visage très différent de celui des deux sanctuaires que nous venons d’évoquer . Il est le seul dans lequel on a retrouvé les « galeries des ancêtres » . Le discours dont témoignent ces galeries sur les origines de la dynastie se distingue également de celui que l’on trouve dans les deux autres hierothesia . Au NemrudDag, l’élément qu’Antiochos cherche à mettre le plus ostensiblement en valeur est en effet la double ascendance, achéménide et séleucide, de sa famille : la galerie des ancêtres paternels regroupe ainsi les ancêtres descendant de Darius et compte quatre rois perses (stèles 2 à 5), tandis que la galerie des ancêtres maternels regroupe les ancêtres qui descendent d’Alexandre (stèle 1) et de Séleucos Ier (stèle 2). La dualité de ses origines est par ailleurs explicitement évoquée au début du nomos . S’il n’y rend pas explicitement hommage à tel ou tel de ses ascendants, Antiochos Ier y proclame avoir voulu faire de son royaume un « lieu de vie commun à tous les dieux » (κοινὴν θεῶν ἁπάντων (…) δίαιταν) et l’avoir orné « de représentations de leur apparence, selon l’ancienne tradition des Perses et des Grecs, racine très fortunée de (sa) famille… » (μορφῆς μὲν ἰκόνας καθ’ ἃ παλαιὸς λόγος Περσῶν τε καὶ Ἑλλήνων –ἐμοῦ γένους εὐτυχεστάτη ῥίζα –παραδέδωκε…)50 . Cette volonté de représenter les dieux selon la double tradition des Perses et des Grecs se lit, de fait, sur les stèles permettant d’identifier les dieux et déesses dont les statues colossales ornent les terrasses est et ouest du sanctuaire : trois d’entre elles portent plusieurs noms parmi lesquels figurent un nom grec ainsi que le nom d’un dieu iranien censé correspondre au dieu grec (Zeus Oromasdès, Apollon-Mithra-Hélios-Hermès, Artagnès-Héraclès-Arès ; les deux autres divinités représentées sont la déesse Tychè-Commagène ainsi qu’Antiochos luimême). Au Nemrud-Dag, sanctuaire fondé ex nihilo par Antiochos Ier, est donc mis en scène de façon spectaculaire un discours centré sur la dualité des origines du souverain, dont on ne trouve pas trace à Arsamée-de-l’Euphrate et Arsamée-du-Nymphée. Dans ces deux derniers hierothesia, Antiochos semble tributaire d’un discours dynastique hérité de son père, et fortement enraciné dans l’histoire locale de la Commagène ; au Nemrud-Dag il construit un discours qui lui est propre, et qui intègre sa famille dans une histoire à la fois plus ancienne 50 Nomos du Nemrud-Dag lignes 27-31 (voir Dörner, Young, 1996, p. 208 et Waldmann, 1973, p. 63). L’affichage de la parenté : le cas d’Antiochos Ier de Commagène 277 et moins centrée sur la Commagène que dans les autres sanctuaires . Ce qui importe au roi semble plus le fait d’être lié à des ancêtres prestigieux et connus de tous, que de descendre de personnages ayant joué un rôle important à l’échelle du royaume. Cette tendance se retrouve si l’on observe d’un peu plus près la « galerie des ancêtres » paternels du Nemrud-Dag – la famille paternelle étant celle qui a donné des rois à la Commagène51. On y retrouve, certes, Arsamès (stèle 11), Samos (stèle 14) et Ptolemaios (stèle 13), présents également dans les autres hierothesia . La stèle d’Arsamès, dont on a vu la place qu’il occupait à Arsamée-du-Nymphée et à Gerger, ne présente toutefois au Nemrud-Dag aucun caractère d’importance particulier : il n’est qu’un ancêtre parmi d’autres, que rien ne permet de distinguer. Arsamès n’est pas cité non plus dans la partie « historique » du nomos. En vérité, si on ne disposait que de la documentation issue du Nemrud-Dag, on ne pourrait pas deviner qu’Arsamès était considéré en Commagène comme l’un des ancêtres les plus importants de la dynastie . La « galerie des ancêtres » paternels donne en revanche une importance particulière à un autre personnage, un homme appelé « Aroandès », absent des autres hierothesia, et dont la stèle, au Nemrud-Dag, occupe la sixième position, venant juste après les cinq stèles des rois achéménides . Les quelques fragments restant du relief qui ornait cette stèle indiquent qu’Aroandès est le premier des ancêtres à porter le costume que l’on désigne généralement comme costume « commagénien » (car tous ceux qui viennent après lui dans la « galerie des ancêtres » le portent) : alors que les rois perses des cinq premières stèles portent un long manteau fermé sur la poitrine par une broche (la kandys), Aroandès est vêtu d’une robe sur laquelle est jetée, au niveau des épaules, une longue pièce de tissu dont les pans retombent dans le dos, presque jusqu’aux pieds52. Le port de ce type de costume, qui distingue les ancêtres commagéniens des ancêtres perses, désigne implicitement Aroandès comme le fondateur de la dynastie commagénienne. Aroandès est par ailleurs le seul ancêtre qui, sur la stèle qui l’identifie, soit désigné autrement que par son simple nom accompagné d’un patronyme : sur la terrasse occidentale il apparaît comme « Aroandès fils d’Artasoura qui épousa la reine Rhodogune, fille d’Artaxerxès », sur la terrasse orientale comme « … Aroandès fils d’Artasura, qui épousa la reine Rhodogune fille du Grand Roi des Rois Artaxerxès dit aussi [Arsès] »53 . Cette indication permet de reconnaître en lui, comme en Arsamès, un personnage historique important attesté par les sources : il s’agit du célèbre satrape d’Arménie connu des auteurs grecs sous le nom d’« Orontès », qui épousa la fille d’Artaxerxès en 401 av. J.-C. et joue ensuite un rôle important dans la « révolte des satrapes » en 36254 . De cet homme 51 Sur les ancêtres paternels présentés dans ces « galeries », voir le tableau récapitulatif placé en annexe 3 . 52 Les fragments proviennent de la stèle de la galerie occidentale . Voir l’analyse de ces fragments par Sanders, Young, 1996 p. 293-294 et fig. 401-405 de Sanders 1996. J. H. Young (Sanders, 1996, p. 381) donne le nom de sash à la pièce de tissu drapant les épaules d’Orontès et de ses successeurs. 53 Voir plus haut et note 33 . 54 Xénophon, Anabase 2, 4, 8 ; ibidem 3, 4, 13 ; Plutarque, Artaxerxès 27, 7 ; « Chronique de Pergame » (OGIS 264). Orontès jouera un rôle important dans la révolte des satrapes en 362. Sur sa carrière voir Facella, 2006, p. 95-135. Le nom du personnage est également attesté sur des monnaies (ibidem p. 120). 278 Charlotte lerouge-cohen descendent probablement la dynastie des Orontides qui contrôlait l’Arménie pour le compte des Achéménides en 331 et conserva le pouvoir dans la région jusqu’en 200 av . J .-C .55, ainsi que la branche sophénienne de cette dynastie, à laquelle appartenait Arsamès, dont les rois de Commagène affirmaient descendre. On remarque toutefois que, si Aroandès est mis en valeur au Nemrud-Dag, c’est surtout, en l’occurrence, parce qu’il est celui qui, par son mariage, a fait entrer la famille achéménide dans la famille des Orontides : sans lui, il aurait été impossible de faire figurer Darius et les quatre rois perses qui lui succèdent dans la branche paternelle des ancêtres d’Antiochos . Cette présence perse se fait d’ailleurs au détriment de la logique généalogique qui prévaut en général dans la galerie des ancêtres paternels, où le fils succède au père (même si l’observation de la galerie des ancêtres maternels indique qu’Antiochos ne considérait pas cette logique de façon trop stricte) : Aroandès, que sa stèle présente de fait explicitement comme « fils d’Artasura », n’est pas le fils mais le gendre d’Artaxerxès, qui le précède à la stèle 556 . Si l’on accepte les restitutions plausibles proposées par K.F. Dörner, Artaxerxès était d’ailleurs luimême présenté, à la ligne 7 de la stèle 5, comme « beau-père d’Aroandès » ([πενθερὸ]ν το[ῦ Ἀρο]άνδου)57 : là encore, la stèle d’Artaxerxès est la seule stèle sur laquelle serait précisé le lien que le destinataire du relief entretient avec celui qui le suit dans la galerie . Les particularités que présentent les stèles d’Aroandès/Orontès et d’Artaxerxès indiquent combien il était important pour Antiochos Ier de faire figurer les Achéménides dans sa galerie d’ancêtres paternels, et d’expliciter très précisément les liens qui unissaient le satrape aux rois perses . Au Nemrud-Dag, le thème, très ostensiblement exprimé, de la double ascendance de la dynastie, a donc supplanté le discours centré sur Arsamès, un souverain lié à l’histoire même de la Commagène, tel qu’on peut le trouver au début des nomoi des Arsamées : au Nemrud-Dag, Arsamès n’est plus qu’un ancêtre parmi d’autres. Le fondateur de la dynastie orontide, Aroandès, qu’on ne voit pas exalté dans les nomoi des deux autres hierothesia, prend au contraire un relief particulier dans ce sanctuaire, en raison de son mariage avec la fille d’Artaxerxès. C’est en effet grâce à lui que les souverains de Commagène pouvaient être présentés par Antiochos Ier comme descendant également des Achéménides . Il ne s’agit pas de dire qu’Antiochos oublia l’histoire de ses ancêtres commagéniens : ils figurent dans la « galerie des ancêtres » paternels, et leur présence crée une indéniable unité entre le Nemrud55 Arrien 3, 8, 5 (à Gaugamèles en 331, les Arméniens étaient dirigés par deux chefs, dont l’un s’appelait Orontès). En 317, on retrouve un Orontès, probablement le même, à la tête de l’Arménie (Diodore de Sicile 19, 23, 2-3.) 56 Il est vrai qu’avant les restitutions proposées par K. F. Dörner (Dörner, 1967), on restituait sur la stèle 5, réduite à de petits fragments, non pas le nom d’Artaxerxès mais celui d’Artasura (les lettres A et P qu’on peut lire sur un des fragments permettant l’une et l’autre restitutions) : voir encore, par exemple, Young, 1964, p. 29. K. F. Dörner a montré toutefois que le personnage de la stèle 5 portait le même vêtement que les rois perses des autres stèles, ce qui n’aurait pas été possible pour Artasura, un inconnu. Il indique également qu’Artasura, n’entretenant aucun lien avec les rois perses, n’avait pas de raison de figurer dans la galerie après eux : voir sur ces points Facella, 2006, p . 92-94 . Son raisonnement a emporté la conviction et chez M. Facella comme chez Messerschmidt, 2012, ce sont les restitutions de K.F. Dörner qui sont prises en compte. 57 Facella, 2006, p. 91-94. L’affichage de la parenté : le cas d’Antiochos Ier de Commagène 279 Dag et les deux autres hierothesia du royaume . Au Nemrud-Dag ces ancêtres sont toutefois intégrés dans une série d’ancêtres plus longue . Ils ne font pas l’objet non plus d’un discours élogieux au début du nomos, Antiochos exaltant la « racine très fortunée de sa famille » sans citer de nom d’ancêtre particulier . Les raisons pour lesquelles Antiochos de Commagène choisit ainsi d’exalter ses racines duelles, séleucides et achéménides, alors que ses prédécesseurs, visiblement, ne le faisaient pas, ne peuvent être que supposées. Il faut rappeler, pour commencer, qu’il existe un précédent récent à cette attitude : Mithridate Eupator, roi du Pont, en 88, expliqua en effet à ses soldats que si les Romains lui étaient tellement hostiles, c’est parce qu’ils étaient jaloux de ses origines royales, lui qui « faisait remonter ses ancêtres, du côté paternel, jusqu’à Cyrus et Darius, fondateurs de l’empire perse et, du côté maternel, jusqu’à Alexandre le Grand et Séleucos Nicator, fondateurs de l’empire macédonien » (qui paternos maiores suos a Cyro Darioque, conditoribus Persici regni, maternos a magno Alexandro ac Nicatore Seleuco, conditoribus imperii Macedonici, referat)58 Mithridate Eupator est le premier souverain, à notre connaissance, qui se targua d’une double origine (même si rien ne lui permettait, pas plus qu’à Antiochos, de se présenter comme descendant de rois perses) : on peut supposer qu’Antiochos Ier s’inspira du précédent mithridatique pour développer son discours généalogique . On doit aussitôt souligner, toutefois, qu’il n’en fait pas le même usage. Si Eupator exaltait sa double origine royale, c’était pour mieux faire apparaître la bassesse de ses ennemis romains, qu’il décrit comme « un flot boueux d’étrangers venus de partout… » (conluuie conuenarum). Antiochos Ier est un souverain étroitement lié aux Romains, que Pompée maintint sur le trône de Commagène en 69 en échange de sa soumission . Sa volonté d’ancrer son pouvoir dans un passé lointain et glorieux pourrait avec vraisemblance être comprise comme un moyen, pour lui, de préserver sa fierté et de gommer ce fait qu’il ne devait son trône qu’à la volonté romaine : exalter des origines liées à deux grandes familles royales apparaît alors comme un moyen de faire oublier la situation de sujétion dans laquelle se trouve en réalité la dynastie . L’attitude d’Antiochos ne saurait toutefois en aucune façon être vue comme s’accompagnant d’une forme d’hostilité ou de résistance « identitaire » à Rome : le fait qu’Antiochos Ier porte très ostensiblement, dans sa titulature, le titre de « Philorhomaios » (φιλορώμαιος) suffit à décourager toute tentative d’interprétation dans ce sens . L’idée s’est imposée dans l’historiographie que le discours généalogique d’Antiochos (comme celui d’Eupator avant lui) répondrait en réalité à des nécessités de politique intérieure : Antiochos aurait cherché à séduire et unifier deux segments différents de la population de son royaume : les Grecs (ou les cercles profondément hellénisés) d’une part, les descendants des familles perses (ou les indigènes iranisés) d’autre part. Ces groupes en effet, explique 58 Justin 38, 7, 1. Voir aussi Appien, Guerre de Mithridate 296 : en 74, « devant ses soldats, Mithridate parla avec beaucoup de fierté de ses ancêtres » (ἐδημηγόρησε τῷ στρατῷ περί τε τῶν προγόνων μάλα σεμνολόγως ). Si on peut douter de l’exactitude des propos que Trogue Pompée mettait dans la bouche de Mithridate, on peut affirmer que l’exaltation de ses origines était visiblement un passage obligé des discours de Mithridate à l’armée. 280 Charlotte lerouge-cohen par exemple B. Jacobs, exerçaient entre eux une concurrence et le fait de créer une religion commune organisée autour du roi pouvait contribuer à les rassembler59 . Cette idée est en réalité très contestable . S’il est vrai que le royaume comptait des sujets grecs ou macédoniens, ne serait-ce que parce que Pompée en 64 donna à Antiochos la cité de Zeugma, qui réunit les deux cités jumelles d’Apamée et de Séleucie-sur-l’Euphrate fondées par Séleucos I60, on ignore quelle était la part de l’élément « perse » dans le royaume de Commagène. À vrai dire, si l’on ne disposait pas des inscriptions d’Antiochos Ier, on ne penserait même pas qu’y vivaient des descendants de Perses, car aucune source n’atteste leur présence. On n’a donc a fortiori aucun moyen de savoir s’il existait réellement une concurrence entre Perses et Grecs en Commagène. Et on peut se demander, en outre, pourquoi les rivalités entre ces deux communautés se manifesteraient tout à coup sous le règne d’Antiochos Ier alors qu’on n’en a pas de trace plus tôt . Plutôt que pour des raisons de type communautaire, je crois que l’attitude d’Antiochos Ier témoigne avant tout de sa volonté, au Nemrud-Dag, d’ancrer son règne dans un passé glorieux, en puisant à deux sources de prestige qui, loin d’être en concurrence, s’additionnent l’une et l’autre : la source séleucide, justifiée par le fait que sa mère est une princesse séleucide ; la source achéménide, fictive certes, mais dont se réclamèrent avant lui plusieurs royaumes hellénistiques tels que la Cappadoce et le Pont, et peut-être également l’Arménie artaxiade. Tout se passe en réalité comme si, dans le royaume d’Antiochos Ier, co-existèrent deux types de discours généalogiques qui répondaient chacun à une nécessité différente. Le premier est hérité des prédécesseurs du roi et exalte la mémoire d’Arsamès, une figure royale profondément enracinée dans l’histoire de la Commagène . Ce discours a pour fonction de conférer à la dynastie commagénienne une ancienneté et une légitimité qu’elle ne tirait pas de ses origines réelles, mais qui lui étaient nécessaires pour régner – rappelons que la fondation de la dynastie ne remonte guère plus haut que 163 av. J.-C., et qu’elle est le fait d’un homme qui était peut-être un officier séleucide. Le second, visible au Nemrud-Dag et associant ancêtres achéménides et ancêtres séleucides, constitue une innovation d’Antiochos ; il ne lui donne pas de légitimité particulière pour régner sur le territoire de la Commagène, ou plus précisément lui confère une forme de légitimité telle qu’elle est détachée de son strict et modeste ancrage géographique commagénien et pourrait également fonctionner en d’autres lieux – partout où les Perses et les Séleucides ont régné, en réalité. D’ailleurs, l’exemple de Mithridate Eupator indique qu’on le trouvait dans un autre royaume. Ce discours, moins légitimant, est en revanche générateur d’un prestige bien supérieur à celui que confère le premier, à l’intérieur comme à l’extérieur de la Commagène61 : il est évident en effet qu’Arsamès, en dehors du royaume, est bien moins célèbre que Darius ou Alexandre . 59 Pour Eupator voir McGing, 1986, p. 107-109 ; pour Antiochos Ier de Commagène Facella, 1999, p. 385 (le roi chercha à unir autour de lui « the main ethnic groups of Commagene » et Facella, 2006, p. 295-296 (le roi chercha à séduire d’une part la population hellénisée, de l’autre les sujets restés attachés à la tradition iranienne) ; Jacobs, 2012, p. 107-108. 60 Sur l’histoire de Zeugma, voir la mise au point de Facella, 2006, p. 232-234. 61 On ignore, faute de sources, si les Romains connaissaient le discours généalogique d’Antiochos Ier de Commagène . L’affichage de la parenté : le cas d’Antiochos Ier de Commagène 281 Antiochos Ier étant le premier roi commagénien « ami des Romains », on peut supposer que c’est la soumission à Rome qui entraîna dans le royaume le développement d’un discours généalogique qui visait davantage, semble-t-il, à justifier le choix romain de tel candidat au trône (qu’il y soit nommé ou maintenu) qu’à conférer au roi-ami une légitimité au sein de son royaume . On peut tracer ici un parallèle avec un autre souverain, un peu plus jeune qu’Antiochos : il s’agit d’Archélaos, qu’Antoine reconnut roi de Cappadoce en 36. Ce personnage, issu d’une ancienne famille du Pont passée du côté romain dès 83, n’avait aucun autre titre à régner en Cappadoce que son amitié avec Rome ; il s’attribua néanmoins une généalogie qui faisait de lui le descendant de Téménos, le premier roi d’Argos, à l’instar des Argéades de Macédoine62 . Peut-être s’appuya-t-il également au sein de son royaume, comme le faisait Antiochos, sur un autre type de discours, davantage lié à l’histoire de la région, et dont nous n’avons pas gardé la trace ; même si c’était le cas toutefois, il est notable qu’il ait éprouvé le besoin de se donner également des origines procurant ancienneté et prestige, sans être liées au territoire spécifique de la Cappadoce. Les rois-amis de Rome ont besoin de prouver qu’ils appartiennent à de très vieilles familles royales, comme pour confirmer qu’ils sont dignes du choix que les Romains ont fait en leur donnant un royaume. Ils ne renoncent pas à un discours généalogique local facteur de légitimité, comme l’indique l’exemple d’Antiochos, mais lui superposent un autre type de discours, davantage tourné vers l’extérieur et les associant à des personnages et des familles connus de tous leurs contemporains. Ainsi, au moment où la Commagène devient un royaume-ami étroitement contrôlé par Rome, Antiochos s’insère dans une histoire dépassant les frontières de son territoire, commune même à tout le monde hellénistique. Pour traiter de la question de l’affichage de la parenté, nous avons donc privilégié deux axes. Le premier consiste à analyser la façon dont Antiochos Ier décline sa filiation, dans les multiples inscriptions royales qu’a livrées la Commagène. Le souverain, contrairement aux habitudes épigraphiques des rois hellénistiques, mentionne dans la plus grande partie de ses inscriptions, outre ses patronyme et matronyme, son papponyme maternel. Bien que cet usage ne soit pas systématique, il témoigne d’une volonté d’Antiochos de mettre en avant la part séleucide de ses origines, malgré l’effacement de la dynastie séleucide au moment où il exerce le pouvoir. Dans la mesure où, après Sofraz-Köy, Antiochos ne fait plus jamais état de ses qualités de souverain au début de ses inscriptions, il semble bien qu’au cours de son règne, la part prise par l’exaltation de ses origines ait pris la première place au sein de l’idéologie royale. Ce souci accordé aux origines, on le retrouve dans les trois hierothesia, où les ancêtres d’Antiochos occupent une place centrale, bien qu’elle se manifeste de façon différente au Nemrud-Dag d’une part, dans les deux Arsamées d’autre part, le sanctuaire du Nemrud-Dag étant le seul à contenir des « galeries des ancêtres ». Malgré tout, deux discours semblent avoir cohabité au cours du règne d’Antiochos. Le premier, le plus ancien également, 62 Flavius Josèphe, Guerre Juive 1, 476. Sur les Argéades voir Hérodote 8, 137-139 ; Thucydide 2, 99 ; Trogue-Pompée 30, 3, 9-10. Ballesteros Pastor, 2013, p. 274 signale que cette revendication par Archélaos d’un lien avec Téménos pourrait s’expliquer par le fait que le fils de Téménos, dans le mythe, s’appelle Archélaos. 282 Charlotte lerouge-cohen était centré sur la figure du roi de Sophène Arsamès, visiblement considéré en Commagène comme un des souverains les plus mémorables de la région . Le second exalte la dualité d’origines d’Antiochos Ier, opérant un remaniement au sein des ancêtres paternels du roi et donnant à Aroandès, au détriment d’Arsamès, une place qu’il n’occupait vraisemblablement pas par le passé . Cette évolution témoigne de l’insertion du royaume dans un monde dominé par Rome, au sein duquel il est plus nécessaire pour un souverain de prouver sa dignité que sa légitimité à régner sur un territoire en particulier. Bibliographie alram, M., 1986, Iranisches Personennamenbuch, Vienne. 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Ar : fragment de l’autre nomos du hierothesion d’Arsamée-du-Nymphée, gravé à l’arrière de la stèle du socle I (Waldmann, 1973, p. 98-100). At : inscription du hierothesion d’Arsamée-du-Nymphée identifiant Mithra-Helios ApollonHermès à l’arrière de la stèle de dexiosis du socle II (Dörner-Goell, 1963, p. 98 ; Waldmann, 1973, p. 109). BEc : nomos du téménos de Séleucie-de-l’Euphrate/Zeugma gravé à l’arrière d’une stèle de dexiosis avec Apollon-Hélios-Mithra-Hermès (Crowther-Facella, 2003, p. 44-53). D : fragment du nomos du téménos de Doliche (Dülük), gravé sur une stèle (Crowther-Facella, 2003, no 2, p. 71). 284 Charlotte lerouge-cohen G : nomos du hierothesion d’Arsamée-sur-l’Euphrate (Gerger) gravé sur une paroi rocheuse (Waldmann, 1973, p. 124-130). Gf : inscription du hierothesion d’Arsamée-sur-l’Euphrate (Gerger) identifiant Samos au pied du relief consacré à ce dernier (Dittenberger, 1905, no 402 ; Waldmann, 1973, p. 141). N : nomos du hierothesion du Nemrud-Dag gravé en double exemplaire sur les terrasses occidentale et orientale du sanctuaire (Dittenberger 1905 no 383 ; Waldmann, 1973, p. 62-69 ; Dörner, 1996). Npo : loi de pureté de la « voie des Propylées » du Nemrud-Dag, terrasse orientale (Waldmann, 1973, p. 70 et suiv. ; Dörner, 1996, p. 176-182). Npw : loi de pureté de la « voie des Propylées » du Nemrud-Dag, terrasse occidentale (Waldmann, 1973, p. 70 et suiv. ; Dörner, 1996, p. 176-182). SO : nomos du téménos de Sofraz-Köy, gravé à l’arrière d’une stèle de dexiosis avec ApollonHélios-Mithra-Hermès (Wagner-Petzl, 1976 ; Crowther-Facella, 2003, no 3, p. 71-74). Sx : nomos du téménos de Samosate, gravé à l’arrière d’une stèle de dexiosis avec ApollonHélios-Mithra-Hermès (Waldmann, 1973, p. 17 ; Crowther-Facella, 2003, no 1, p. 69-71) Annexe 2 Filiation exprimée par Antiochos Ier dans les inscriptions faisant apparaître la titulature royale L’affichage de la parenté : le cas d’Antiochos Ier de Commagène 285 Dans ce tableau apparaissent toutes les inscriptions royales retrouvées en Commagène pour lesquelles les lignes du début, comportant la titulature royale et la filiation exprimée par Antiochos Ier, ont été conservées. 286 Charlotte lerouge-cohen Annexe 3 Les ancêtres paternels d’Antiochos Ier d’après les inscriptions du Nemrud-Dag Ce tableau fait apparaître la liste des ancêtres paternels qu’Antiochos Ier honore au Nemrud Dag dans les « galeries des ancêtres » des terrasses occidentale et orientale . Lorsque les noms sont restitués, je l’indique dans le tableau. Pour les noms, entièrement restitués, des rois perse (à l’exception de celui de Darius Ier), je me fonde sur les restitutions acceptées depuis longtemps dans la littérature scientifique relative à la Commagène, qui de fait sont très vraisemblables . D’autres restitutions sont incontestables : c’est le cas lorsqu’un nom d’ancêtre n’est plus lisible sur la stèle, mais se retrouve comme patronyme de la stèle suivante (stèles 7, 10, 14). Je les ai donc adoptées. Je n’ai pas pris en compte, en revanche, les restitutions contestables et pris le parti de laisser des blancs dans la généalogie qu’Antiochos Ier s’attribue au Nemrud Dag . J’ai par ailleurs mentionné dans la colonne « commentaires » du tableau les attestations d’ancêtres paternels que l’on trouve dans les inscriptions royales retrouvées en dehors du Nemrud Dag (à Arsamée-du-Nymphée et Arsamée-de-l’Euphrate). L’affichage de la parenté : le cas d’Antiochos Ier de Commagène 287 Fig. 1. La Commagène (en gris sur la carte) au ier s . apr . J .-C . Les hierothesia sont marqués par des triangles noirs ; les téménè sont marqués par des points blancs cerclés de noir . La zone dans laquelle le plus grand nombre de téménè ont été découverts est marquée par des hachures grises . Source : Brijder, 2014 p. 39 fig. 15.