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Sullecthum-Salakta et ses environs à l’époque antique et médiévale

2019, « Remarques sur l’apport de l’épigraphie latine pour la connaissance de la société de Sullecthum à l’époque romaine et tardo-antique »

‫جامعة سوسة‬ ‫كلية اآلداب والعلوم اإلنسانية‬ Université de Sousse Faculté des Lettres et des Sciences Humaines ‫قسم التاريخ‬ Département d’Histoire (AnTe SaPer UR-16ES11) UR-16ES11 - ‫وحدة البحث‬ ‫فعاليات الندوة العلم ّية‬ ‫لقصور الساف‬ Actes des journées d’études sur Ksour Essef ‫ رضا كعب ّية‬: ‫جتميع النصوص‬ Textes réunis par Ridha KAABIA ‫الساف‬ ّ ‫بدعم من جمع ّية أح ّباء املكتبة والكتاب بقصور‬ Sousse 2019 Avec le soutien de l’Association des Amis de la Bibliothèque et des Livres- Ksour Essef Sullecthum Salakta et ses environs à l’époque antique et médiévale Le comité d’organisation - Sofien Ben Moussa (Université de Sousse) - Ridha Ghaddhab (Université de Sousse) - Emna Ghith (Université de Sousse) - Ridha Kaabia (Université de Sousse) - Jihène Nacef (Université de Monastir) Le comité scientifique - Lotfi Belahouichet : Directeur de recherche (INP). - Habib Ben Younes : Directeur de recherche (INP). - Faouzi Brahim : Maître de conférences (Université de Sousse) - Michel Bonifay : Directeur de recherche (CNRS)- Professeur (Université d’Aix-Marseille). - Mohamed Hassen : Professeur (Université de Tunis) - Nabil Kallala : Professeur (Université de Tunis). - Ahmed Mcharek : Professeur émérite : (Université de Tunis). Textes réunis & Coordination : Ridha KAABIA © Département d’Histoire (AnTe SaPer UR-16ES11) ISBN 978-9973-962-00-0 / Sousse - 2019 Conception : Taoufik Sassi / Impression : xxxxxxxxxxxxx 2 Sullecthum/ Salakta et ses environs à l’époque antique et médiévale / Sommaire Présentation Ridha KAABIA 7 Fawzi BRAHIM Milieu naturel et ressources à Salakta et sa région. 11 Sofiène BEN MOUSSA Peuplement préhistorique de la région d’El-Alia (Salakta, Ksour Es-Sef). 39 Emna GHITH-HMISSA L’architecture funéraire «autochtone» dans le Sahel méridional. La ligne Salakta / Henchir El-Alia et ses environs. 51 Habib BEN YOUNES Les environs de l’actuelle Salakta à l’époque pré-romaine. 71 Ahmed GADHOUM Le port de Sullecthum (Salakta). 77 Ridha GHADDHAB / Jihen NACEF Sullectha/Salakta sous l’Empire romain : un pôle de production et d’exportation. 93 Jihen NACEF À propos de la vaisselle commune et culinaire produite sur l’atelier de potier à El Maklouba (Région Ksour Essef-Tunisie). 121 Saloua KAROUI Contribution à l’histoire économique et sociale de Sullecthum/Salakta à partir des mosaïques. 137 Ridha KAABIA Remarques sur l’apport de l’épigraphie latine pour la connaissance de la société de Sullecthum à l’époque romaine et tardo-antique. 149 Olfa BEN AÏCHA Les catacombes de Salakta : un monument funéraire d’époque chrétienne ? 165 Sullecthum/ Salakta et ses environs à l’époque antique et médiévale / 5 Présentation Ces travaux sur Salakta et ses environs s’inscrivent dans le cadre d’une série de colloques organisés par le département d’Histoire de la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de l’Université de Sousse sur l’histoire, l’archéologie et le patrimoine des communes tunisiennes, en partenariat avec les associations de la société civile*, en l’occurrence « l’Association des Amateurs de la Bibliothèque et du Livre Ksour Essef». L’objectif de ces rencontres vise essentiellement à ancrer ces recherches dans l’espace en adoptant une approche multidimensionnelle. Le choix de Salakta répond à plusieurs critères dont une documentation riche et variée, une longue histoire, une occupation humaine plurimillénaire dans la région, mais aussi et surtout un emplacement géographique qui a permis à cette cité d’être au centre d’une activité économique dynamique notamment à l’époque romaine. Les présents actes s’introduisent dans la continuité des travaux de l’équipe canadienne** mais adoptent une approche spatiale qui étudie Sullecthum dans son contexte géographique et surtout historique. Les résultats des missions de prospection et des ramassages de céramiques, d’une part , et l’approche pluridisciplinaire des travaux présentés, de l’autre, ont permis de déduire la continuité du peuplement de la région, les moments forts de l’histoire de la cité mais aussi l’évolution de Sulletcthum- Salakta de l’Antiquité au Moyen-âge. Des nouvelles réflexions émises sur le territoire de cette cité ont été mises à contribution pour mieux faire connaître l’histoire et l’archéologie de la région***. De par cet emplacement littoral et ses rapports étroits avec l’hinterland, l’antique Salakta était préposée à jouer un rôle hors-pair dans le Byzacium méridional. Ses deux façades, maritime et continentale, ont forgé son histoire et lui ont procuré par conséquent enracinement dans son milieu géographique et rayonnement méditerranéen. D’approches diverses, les travaux présentés jettent les bases d’une étude monographique sur la région. La ligne conductrice des sujets traités se focalise autour de la nature de l’occupation de la région attestée depuis la préhistoire. Ainsi, les résultats des prospections de S. Ben Moussa placent cette occupation à la fin de l’Epipaléolithique et au début du Néolithique. La population en question semble avoir « un mode de vie nomade à semi-nomade» et pratiquait des techniques de débitage qui démontrent une forte influence capsienne. L’histoire des environs de Salakta devient plus saisissable à l’époque historique comme l’atteste l’importance des monuments funéraires notamment ceux à cercles intérieurs concentriques couverts par des tumuli et ceux à structures composites, dont l’architecture combine deux styles architecturaux attribués aux civilisations libyque et punique, qui s’associent à la présence des dolmens à puits. Identifiés uniquement dans le Sahel méridional, ces structures relèvent du peuplement libyphénicien de la région (E. Gheith). * Certains actes sont publiés ainsi Kalaa Kbira 2015 et 2017, Msaken 2017, d’autres sont en cours ainsi Jemmel, La Chebba et Kalaa Sghira. ** P. Senay (dir.), Sullecthum I, dans Cahiers des études anciennes, 22, 1989. *** R. Ghaddhab, «Centuriation et statut juridique de Sullecthum», DHA, 44/1, 2018, 75-110. Sullecthum/ Salakta et ses environs à l’époque antique et médiévale / 7 L’architecture funéraire préromaine permet en effet d’appréhender les «mutations culturelles» qui ont abouti à la genèse de la culture punique. C’est une transition qui trouve ses origines dans les deux cultures (H. Ben Younes). À l’époque romaine, la société sullectaine s’est trouvée engagée dans le processus de romanisation culturelle et a profité d’un apport démographique en rapport avec l’évolution économique de Sullecthum et son ouverture sur l’Empire et par conséquent la présence des officiales qui veillent sur les intérêts de l’Etat (R. Kaabia). L’économie était pour sa part au centre du processus de l’acculturation comme le démontre l’étude de J. Nacef à partir de la vaisselle culinaire et commune mais aussi des amphores ramassées dans deux dépotoirs d’ateliers de potiers qu’elle a mis au jour à El Maklouba. L’étude de J. Nacef a abouti aussi à des nouveaux résultats qui viennent en effet combler le vide dans la production de la céramique dans la région entre la fin de l’époque punique et le début du IIe siècle. La production des ateliers d’El Maklouba n’a pas connu de rupture et la continuité a été assurée par une production de tradition punique identifiée dans les ateliers de potiers mis au jour à la lisière de la ville de Sullecthum qui était par ailleurs perméable à l’influence romaine. C’est entre le début du second siècle et le règne de Constantin que la cité a connu un développement du potentiel de son territoire et de ses capacités de cité-port qui a pris part dans la dynamique économique méditerranéenne (Ghaddhab, Nacef et Gadhoum). Durant cette époque, Sullecthum est devenu un centre structurant dans la région grâce notamment à la production des salsamenta et du garum, mais aussi grâce à un port important dans les circuits d’échanges à l’échelle de la Méditerranée à partir de la première moitié du second siècle. La dynamique de la cité de Sullethum trouve en fait ses origines dans un ensemble de conditions favorables ainsi : l’emplacement de son port, qui dénote d’une bonne connaissance des caractéristiques du milieu littoral et des données météo-marines, les activités liées à la pêche (F. Brahim) et l’existence d’un réseau routier développé notamment avec la cité voisine de Thysdrus, initialement centre de collecte des céréales puis capitale d’huile, qui a donné une impulsion à la ville portuaire. La cité-port a par ailleurs profité de «la conjonction des intérêts de l’État avec ceux des privés» (R. Ghaddhab et J. Nacef) et l’activité de son port qui pouvait « accueillir de gros porteurs » ne se réduisait pas uniquement à l’exportation d’huile, elle touchait en effet une multitude de produits (A. Gadhoum). Les retombées de cette réussite économique se traduisent par des expressions artistiques à travers des thèmes de mosaïque inspirés de la vie quotidienne essentiellement la pêche. On y trouve une expression de la richesse, de la largesse et de la protection de l’envieux, l’inuidus. La représentation du lion, qui fait la célébrité du musée local, et de la chouette par des riches sullectains vise à « terrasser le regard du spectateur hostile et haineux» (S. Karoui). Or cette dynamique économique connaitra un fléchissement à cause d’un changement des circuits de l’annone et la concentration des convois annonaires à Carthage à partir de Constantin. Ainsi après une période d’intense activité, on assiste à l’amoindrissement de la production des ateliers d’amphores et la cessation de leurs activités d’abord à la fin du IVe siècle puis lors de l’installation des Vandales. De la périphérie de la ville, on assiste, à partir du VIe siècle, à la naissance des nouveaux ateliers dans le territoire de la ville ce qui atteste d’un rôle économique de Sullecthum sous les Byzantins (R. Ghaddhab et J. Nacef). Certes, le port de la cité demeure actif à cette époque comme l’atteste le débarquement d’une famille syrienne dans la ville (R. Kaabia) mais Sullecthum n’est plus un pôle de production et de commerce comme elle le fut à l’époque romaine. 8 Sullecthum/ Salakta et ses environs à l’époque antique et médiévale / La présence chrétienne attestée par quelques épitaphes qui ne sont pas d’un grand secours pour connaitre l’ampleur de la diffusion de la nouvelle religion à Sullecthum. O. Ben Aïcha plaide d’ailleurs en faveur d’une hypothèse selon laquelle, les catacombes de ‘Ghar Edhbaa’, aux environs de Salakta, constitueraient un monument funéraire païen et remet par conséquent en question son identification comme nécropole chrétienne. Les inscriptions graffites et les chapelles ne sont pas des éléments suffisants pour se prononcer sur la chrétienté de ce monument. Or la religion chrétienne à Sullecthum est attestée par des sources littéraires. L’évêque de la cité faisait d’ailleurs partie de l’élite politique de la cité lors de la reconquête byzantine. En dépit de la perte de son rôle de pôle économique, Sullecthum garda une activité économique comme l’atteste son exportation amphorique vers certains ports du bassin occidental de la Méditerranée (R. Ghaddhab et J. Nacef ). Lors de la transition entre l’Antiquité tardive et Moyen-âge, l’occupation humaine dans la région Salakta est toujours bien attestée. M. Hassen (texte en langue arabe) note que la région était impliquée dans les péripéties de la conquête musulmane au VIIe siècle, comme le prouve la mention de Salakta lors de la résistance de la Kahina à El Jem, l’antique Thysdrus. La voie reliant les deux villes a continué son activité, mais non sans évolution, comme le prouve l’apparition des nouveaux sites ou l’arabisation des toponymes anciens le long de cette voie qui connaîtra un ralentissement de son dynamisme avec l’émergence du rôle de la nouvelle capitale, Kairouan. L’époque Aghlabite a connu une nouvelle organisation de l’espace par la mention d’un ‘ksar’, fortin, à Salakta, probablement le même fortin byzantin. Salakta et son arrière pays devinrent alors en partie propriété des notables de l’Etat Aghlabite au même titre qu’El Jem. Le peuplement arabe dans la région se distingue aisément par la présence des noms des familles d’origine yéménite, mais aussi par l’apparition des toponymes arabes. Sous les Fatimides, Salakta a profité de sa proximité de Mahdia et son rôle se consolida dans le domaine du commerce maritime mais aussi dans le système défensif. Sous les Zirides, Salakta, dont le rôle économique se dégrada de nouveau, est devenue un lieu de chasse et de plaisance pour les princes venant de Mahdia, mais conserva son rôle défensif grâce à son fortin qui abritait le quartier général d’un chef militaire responsable de la sécurité dans la région. Salakta perdit graduellement son rôle de ville, notamment avec l’invasion hélalienne et la chute de Mahdia, au profit du village voisin, Ksous Essef, à partir du XIIIe siècle avec un glissement du peuplement vers l’intérieur. Ce volume doit autant à nos partenaires, l’association des Amateurs de la Bibliothèque et du Livre Ksour Essef, notamment à son président monsieur Ajmi Lakhal, et à la Délégation Régionale de la Culture de Mahdia qui ont assumé les frais de la publication. Les membres du comité scientifique, Messieurs Lotfi Belhouichet, Habib ben Younès, Michel Bonifay, Nabil Kallala et Ahmed Mcharek, ont évalué les textes et apporté leurs remarques judicieuses pour l’amélioration de ces travaux, qu’ils soient vivement remerciés pour leur coopération. Leur soutien aux activités scientifiques de la section de l’Antiquité de notre département est sans faille, les membres de cette section leur adressent un hommage respectueux de gratitude et de reconnaissance. Merci aux contributeurs pour leur coopération scientifique et à Ridha Hacen pour avoir présidé des séances scientifiques et animé un débat fructueux. La regrettée Jihene Nacef et Ridha Ghaddhab étaient à l’origine de cette refléxion sur l’histoire et l’archéologie de Salakata, la publication de ces études est une reconnaissance de leur dévouement pour la recherche en histoire et archéologie antiques dans la région du Sahel tunisien. Sullecthum/ Salakta et ses environs à l’époque antique et médiévale / 9 Cette publication a bénéficié du concours de l’unité de recherche Anthropologie, Territoires, Savoirs et Perspectives au Maghreb, en Afrique et en Méditerranée (AnTe SaPer UR-6- E. S.-11). Ridha KAABIA Sousse, avril 2019 10 Sullecthum/ Salakta et ses environs à l’époque antique et médiévale / Ridha Kaabia Unité de recherche Anthropologie, Territoires, Savoirs et Perspectives au Maghreb, en Afrique et en Méditerranée (AnTe SaPer UR-6-E. S.-11). Faculté des Lettres et des Sciences Humaines-Université de Sousse. Remarques sur l’apport de l’épigraphie latine pour la connaissance de la société de Sullecthum à l’époque romaine et tardo-antique La présente étude qui traite de l’onomastique de Sullecthum d’après les inscriptions se veut une contribution à la connaissance de la société de cette cité. Il faut rappeler que le dossier épigraphique de Sullecthum a été déjà constitué par Beaudoin Caron de l’équipe canadienne, mais son travail consistait uniquement à rassembler les inscriptions trouvées sur le site et ses environs sans procéder à l’étude de ces textes1. Les recherches récentes menées par Ridha Ghaddhab2, sur la délimitation du territoire de Sullecthum, ont permis d’intégrer de nouvelles inscriptions trouvées en dehors du chef-lieu et ses environs immédiats. Deux inscriptions provenant de Jaouada et de La Chebba s’ajoutent au lot déjà connu, elles permettent une meilleure connaissance aussi bien des composantes ethniques de la société de Sullecthum que la présence des chrétiens dans la région. De ce lot, nous avons exclu certaines épitaphes très mutilées et qui ne permettent guère de les mettre à profit dans notre étude3. N’a pas été non plus retenue une marque de fabrique tracée en graffite sur une lampe mentionnant les noms des personnes originaires de Bararus4, qui faisait partie initialement du territoire de Sulletum avant d’accéder au statut de municipe, Bararus mun(icipium)5. Il en va de même des sceaux6, des timbres et des marques amphoriques7. Au total, notre dossier épigraphique afférent est modeste car il ne comprend qu’une vingtaine de textes, et de ce fait il ne permet pas d’avoir une idée complète de la société de cette cité. Pour autant, nous pensons qu’il en vaut la peine de par la diversité et la richesse des informations livrées par les épitaphes de cette ville portuaire. Elles font ressortir en effet la vitalité de la cité et de sa société à l’époque impériale et tardo-antique, la diversité ethnique et culturelle, la mobilité des hommes ainsi que l’intégration des habitants dans le processus de romanisation. 1 2 3 4 5 6 7 Caron 1989, 39-44. Ghaddhab 2018. Ainsi CIL VIII, 11108, 11112 et 11113. Sur une lampe, au milieu de deux cercles concentriques en creux, l’inscription est tracée en graffite. AE, 19171918, 48 : Ex istati/one Barar/itana Faustini/ Matius Bolg/mas natu/ [s] Barari. Il convient de rapprocher la signature de cette inscription de celles qui portent : ex officina. Les mots Matius et Bolgimas ne sont pas d’un déchiffrement tout à fait sûr. Voir Merlin 1916, CCXI- CCXII. Table de Peutinger, VI 3 : Bararus mun(icipium). On cite à titre d’exemple, un sceau à la forme d’un rectangle trouvé à Caput Vada au bord de la mer à 100m de Borj Khadija, Cagnat, BCTH, 1918, CCXXIV, T(ito) Hel(uio) Co/mitio. La nature de ce document fort mobile ne permet pas d’établir son appartenance avec le lieu de la découverte. Sur les marques amphoriques de Sullecthum, voir en dernier lieu, Hamrouni, Mani et Mrabet 2014, 629-681 ; Nacef 2015, 108-124. Sullecthum/ Salakta et ses environs à l’époque antique et médiévale / (pp. 149 - 164) 149 Remarques sur l’apport de l’épigraphie latine pour la connaissance de la société de Sullecthum à l’époque romaine et tardo-antique Les propos de notre travail porteront, en premier lieu, sur les textes mentionnant les expatriés vers et à partir de Sullecthum et en second lieu sur ceux qui attestent les fidèles des confessions monothéistes. Une dernière partie sera réservée à l’étude onomastique du reste des épitaphes. I- Les expatriés vers/à partir de Sullecthum La documentation fait état d’expatriation dans les deux sens. Le premier sens, le plus important, est vers Sullecthum, le second, d’une signification non négligeable, à partir de cette ville. Les expatriés à Sullecthum appartiennent à des époques assez lointaines, et les raisons de leur expatriation sont de différentes natures. Ils sont attestés par quatre inscriptions dont trois donnent des origines précises. Deux expatriés appartiennent au milieu militaire. 1) CILVIII, 11107 (Nécropole de Sullecthum, support en marbre): Dis Man(ibus) sac(rum)/ C(aio) Tanusio Luppo/ militi cohortis XIII / Vrbanae stationis[----] C. Tensius Luppus est un soldat de la XIIIe cohorte urbaine, mais dont le lieu de stationnement n’est pas mentionné à cause de la cassure de la pierre. Toutefois, il est connu que cette cohorte fut installée à Carthage lors de la deuxième moitié du règne de Domitien8. Placés sous le commandement du proconsul, les soldats de cette cohorte se chargent d’une activité civile conformément à leur titre prestigieux d’urbaniciani. Par conséquent, un détachement de cette cohorte, composé de soldats et d’officiales, serait placé à Sullecthum pour contrôler les activités commerciales et les convois annonaires de ce portorium9. La documentation fait d’ailleurs état de quelques activités de la XIIIe cohorte en dehors de Carthage, comme par exemple l’établissement des limites entre les cités de Thabbora et de Thimissua10, mais il s’agit ici d’une intervention limitée dans le temps et dans l’espace, alors qu’elle était appelée à avoir à Sullecthum une activité durable compte tenu de l’activité économique importante dans cette ville portuaire. La présence d’un détachement de la XIIIe cohorte urbaine à Sullecthum serait analogue à celle de la première cohorte urbaine, installée dans la ville portuaire voisine de Leptis, (l’actuelle Lemta)11. La deuxième épitaphe est gravée sur un support de marbre et trouvée à Arch Zara, la localité qui abrite la nécropole la plus importante de la région12. La pierre, qui était gravée d’une autre inscription funéraire pour recevoir ultérieurement celle-ci sur l’autre face, semble être ainsi déplacée d’une autre nécropole, peut-être celle des officiales13, vers celle d’Arch Zara pour y être remployée. Mais à quelle date peut-on situer cette épitaphe ? 8 9 10 11 12 13 150 Les recherches de François Bérard ont apporté plus de lumière à l’histoire de cette cohorte urbaine et ont précisé davantage la fourchette chronologique de son transfert à Carthage. L’auteur, 1989, 170, 178, 179 ; id, 1991, 49, place l’installation de la cohorte XIIIe cohorte urbaine dans la métropole africaine dans le courant des années 90. Le même auteur, 1991, 49 émet aussi l’hypothèse consistant à ce que cette cohorte « ait été transférée de Rome à Carthage entre 76 et 90». Voir l’article de Ghaddhab et Nacef dans ce volume. CIL VIII, 23910 = ILPBardo, n° 463. Voir par exemple ILAfr., 52 ; ILTun., 143, 144. De la Blanchère, 1886, 216. Siège d’un détachement militaire, des bureaux de contrôle de l’activité du port, mais aussi station du cursus publicus (Procope, De bello Vandalo, I, 16.12), la cité aurait abrité une nécropole des officiales. Mais seule l’archéologie peut confirmer ou infirmer cette hypothèse. Sullecthum/ Salakta et ses environs à l’époque antique et médiévale / (pp. 149 - 164) Ridha Kaabia Deux points doivent être pris en considération: le début de l’activité du port de Sullecthum qu’il faut placer sous Trajan14, et la forme semi-développée de la formule de l’invocation des dieux Mânes, DIS. MAN. SAC., de l’autre. Comme la cohorte était stationnée initialement à Carthage, il serait logique de suivre la mode sépulcrale pratiquée dans cette ville quant à l’emploi de la formule d’invocation des dieux Mânes. La dessus, J.-M. Lassère a relevé que dans la métropole africaine, l’invocation aux dieux Mânes est souvent développée sur les épitaphes de la période antonine15. En outre, la permutation entre la XIIIe cohorte urbaine de Carthage et la Ière cohorte urbaine de Lyon, qui se place entre le règne de Trajan et l’an 12816, permet de considérer cette fourchette comme un terminus post quem de notre épitaphe. Peut-on déterminer le lieu de provenance du soldat en question. Son épitaphe ne mentionne pas son pays d’origine, mais le gentilice Tanusius, qui est d’ailleurs rare en Afrique, est attesté à Borj Saguiet er Roum à Cirta, en Numidie17. D’origine italique, il est plutôt connu à Rome et au Latium en général par 7 inscriptions et une autre provenant de Mayence, l’antique Mogontiacum en Germanie Supérieure. En plus de ce soldat de la XIIIe cohorte urbaine, les Tanusii ont donné aussi deux soldats appartenant à la VIIe cohorte prétorienne18 et à la XIVe légion Gemina19. Contrairement à l’origine de Tanusius qui est seulement déduite, comme on vient de le voir, celle du second militaire L. Vectimarius Gratus20 a bien été mentionnée. 2) ILAfr., 51 (Merlin, BAC, 1911, CCXXI; CILPBardo, no 109. Plaque de marbre blanc, brisée en trois morceaux, incomplète en haut: Diis Manib[us sacrum]/ L(ucius) Vectimarius, L(ucii) f(ilius), Vol[tinia(tribu),]/R[ei]s, Gratus, pius uixit an/nis XXVIIII militauit an/nis X. Vectimarius/ Frontinnus fratri piissimo/ [fac] iundum cur[aui]t H(ic) s(itus) e(st) Ce militaire qui a passé 10 ans de service est un Gaulois originaire de Reii21 dans la Gaule Narbonnaise, l’actuelle Riez. Il faisait partie, selon M. Le Glay, des légionnaires gaulois de la IIIe légion Auguste morts en Afrique22. On peut par ailleurs s’interroger sur les raisons qui ont fait venir ce soldat dans la région de Sullecthum. L. Vectimarius Gratus appartient probablement à un détachement de la troisième légion Auguste chargé de contrôler l’acheminement du blé produit et collecté dans les régions de l’intérieur du Byzacium vers cette ville portuaire, et ce pour assurer le bon fonctionnement du service de l’annone23. C’est dans cette dynamique que se situera la construction d’un nouveau port à Sullecthum au début du second siècle en rapport avec l’importance prise par cette cité dans le transport du blé. 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 Voir les articles de Ghaddhab, Nacef et de Gaddhoum dans ce volume. Lassère 1976, 62. Bérard 1991, 47, note 34. CIL VIII, 19529= ILAlg., II 1, 865. AE, 2010, 214= AE, 2012, 256. AE, 1940, 113. La restitution de deux premières lignes est celle d’A. Merlin. CIL XII, 3291: Col(onia) Iulia Aug(ust Apollonar(e) Reior(um). Le Glay 1962, note 13. Le nom de ce miles est absent de la liste des nomina des militaires dans la thèse de Y. Le Bohec 1989. Voir l’article de Gaddhoum dans le présent volume. Sullecthum/ Salakta et ses environs à l’époque antique et médiévale / (pp. 149 - 164) 151 Remarques sur l’apport de l’épigraphie latine pour la connaissance de la société de Sullecthum à l’époque romaine et tardo-antique Notons que cette épitaphe ne provient pas de la nécropole d’Arch Zara, il y aurait par conséquent une autre nécropole proche du site de l’antique Sullecthum, probablement celle des officiales. L’épitaphe est faite par le frère du défunt, Vectimarius Frontinnus ou Frontinianus24 qui serait comme lui soldat dans le même détachement et s’est ainsi qu’il s’en serait occupé comme le laisse déduire le verbe curo (avoir soin de, s’occuper, faire payer). C’est dans cette optique qu’il se qualifie de piissimus, très pieux envers le sien. Le support en marbre laisse à penser, quant à lui, à une certaine aisance de ces Vectimarii d’appartenance militaire25. Ce gentilice, inconnu par ailleurs, doit son identification géographique à cet unique texte que J. Gascou date du premier siècle26. Cette datation concorde avec les propos de M. Le Glay qui considère que « le recrutement gaulois de la 3e légion ne se poursuit pas au-delà des Flaviens27». Or, si on plaçait cette épitaphe dans un contexte qui se rapporte à la construction du port de Sullecthum, à l’activité économique qu’il a engendrée et donc à la nécessité de contrôler par des militaires la voie qui relie ce port aux zones de production et de collecte des produits annonaires, il serait possible de décaler cette datation vers le début du règne d’Hadrien comme une date post quem28. 3) CIL VIII, 57 et 11106 (ILT, p. 27). Provenance : Hr. Salakta, sans précision supplémentaire : Hic Iohannes iacet exg/(e)nere probincie Syria Apa/mia fidelis in d(e)o bicxit in/pace menses VIII d(epositus) k(alendas) Ia/nuarias Indictioni[s] VI (Sextae). Le dernier expatrié vers Sullecthum est un bébé, Iohannes. Né à Apamée, dans la province de Syrie, il est décédé à l’âge de 9 mois le premier janvier pendant la sixième indiction sans précision supplémentaire. Plusieurs questions se posent quant à cette épitaphe. Que vient faire la famille de ce défunt en Afrique ? Quel est l’enjeu derrière cette aventure de traverser le bassin orientale de la Méditerranée avec un nouveau-né ? Quelle est la trajectoire du voyage ? Et pourquoi débarquer à Sullecthm. Certains critères permettent de placer cette épitaphe chrétienne à une époque tardive. Il s’agit essentiellement du bêtacisme et de la mention de l’indiction. Le bêtacisme29 est un phénomène bien connu dans les textes tardifs. La fusion concerne l’initiale dans le verbe bixit pour uixit et dans le corps du nom probincia pour prouincia30. Quant à l’indiction, N. Duval note qu’elle « est en Afrique un indice certain d’appartenance à l’époque byzantine31». S’agit-il d’un exode après la prise de la Syrie par les musulmans ? La région d’Apamée est en fait prise par les musulmans entre la fin de 636 et le début de 637. Or cette date ne coïncide pas avec la sixième indiction (celle de 627 ou de 642). 24 25 26 27 28 29 30 31 152 Les éditeurs des ILAfr. proposent la lecture de Frontianus que Z. Benzina Ben Abdallah a adopté1986, n° 109, Gascou 1989, note 9, quant à lui, revient à la proposition de Merlin 1911, CCXXI et lit par conséquent Frontinianus. Le recours au marbre est fréquent dans les épitaphes du milieu militaire. Pour rester dans la région, on peut citer l’épitaphe précédente (voir supra CIL VIII, 11107) et deux provenant de la voisine Lepcis Minor, l’une est faite à un soldat de la première cohorte urbaine (ILTun., 143), et l’autre est faite par un soldat de la même cohorte à son épouse ( ILTun., 144). Gascou 1969, 541, note 1. Voir aussi Ben Abdallah Benzina, 1986, 47. Le Glay 1962, 14. Le Bohec, 1989, 507, conclu que jusqu’à la fin du règne de Trajan, « Les Gaules ont donné un contingent plus important » des soldats de la troisième légion Auguste. C’est une confusion entre la lettre b, une consonne occlusive bilabiale voisée, et la lettre v, une semi voyelle labiovélaire. Dans l’épitaphe de Paulus voir infra note 60, la fusion des deux labiales est dans le corps du mot nobembres. Duval 1975, 484. Sullecthum/ Salakta et ses environs à l’époque antique et médiévale / (pp. 149 - 164) Ridha Kaabia Dans son étude sur l’église d’Afrique pendant l’occupation byzantine, Robert Devreesse place le débarquement de ces Syriens en Afrique à cette époque «en relation avec l’arrivée de l’Islam32». Quand au débarquement à Sullecthum, il doit s’expliquer par l’emplacement de cette ville-port qui constitue le point le plus avancé dans la mer sur la côte méridionale du Byzacium. Le port se trouve en fait au bout du chemin des voyageurs qui dépassent les côtes de la Cyrénaïque dans la direction de l’Ouest33. Le choix de cette ville explique-t-il une précipitation dans l’objectif de mettre pied sur le continent après une longue traversée du bassin oriental de la Méditerranée ? Mais il serait difficile de déduire que la destination finale de cette famille soit Sullecthum, d’autres villes plus importantes seraient attractives. La mort du bébé Iohannes est survenue semble-t-il quelques temps après la prise de contact du pays par la famille. Les raisons économiques seraient probablement à l’origine de l’installation de cette famille en Afrique. Dans ce cas, la ville de Sullecthum ne fut qu’une brève escale ; la destination finale serait un grand centre urbain, peut-être la métropole provinciale en l’occurrence. Carthage a en effet livré une épitaphe bilingue d’un syrien, Porphyrios, qui venait s’établir dans cette ville et qui faisait partie de ces « Syriens (qui) ne craignaient pas de s’expatrier pour essayer de faire fortune dans des centres commerciaux souvent fort éloignés de leur pays » aux dires d’A . H. De Villefosse34. On remarque aussi l’emploi du latin dans cette épitaphe par une famille de culture hellénophone qui vient de débarquer dans cette ville-port du Byzacium35. On ignore la trajectoire empruntée par cette famille, mais à partir d’Apamée elle devait gagner une ville portuaire, peut-être Berytus, le seul port de la province de la Syrie où étaient trouvés des restes d’amphores provenant de Sullecthum36. Ce type de céramique Sullecthum 7 date d’une période haute, IIe et IIIe siècles, bien avant la date tardive de l’épitaphe de Iohannes, mais qu’en est-il des siècles intermédiaires ? Les quelques recherches menées dans la région ne donnent rien pour le VIe siècle ni même pour le Ve siècle où J. Nacef souligne à partir d’un ramassage de céramiques de surface que « les témoignages sur une occupation de Sullecthum au Ve siècle sont, pour l’instant, inexistants37». Il faut aller au VIe siècle pour trouver des indices de son existence et de son activité dans le cadre de la conquête byzantine par le général Bélisaire. Procope écrit que le général byzantin poursuivit sa marche terrestre à partir de Caput Vada, en longeant la cote dans la direction Nord en passant par des cités portuaires telle que Sullecthum qui fut prise sans résistance, d’autant que ses remparts étaient en ruines38. La ville avait donc certes peu d’importance à ce moment là, mais gardait une certaine activité de son port assurément modeste39. Ce ne serait certainement pas la ville qui aurait exercée une attraction pour ceux qui viennent de l’Orient par voie maritime mais plutôt son port comme étape et relais dans la navigation entre l’Orient et la métropole africaine, que facilite son emplacement avancé dans la mer, qui expliquerait le débarquement de la famille de Iohannes à Sullecthum. Par ailleurs, le texte permet de formuler certaines remarques, ainsi : on note une similarité avec les épitaphes chrétiennes de Carthage qui mentionnent fréquemment le formulaire fidelis in 32 33 34 35 36 37 38 39 Devreesse 1940, 156. C’est mon collègue Ahmed M’charek qui est à l’origine de cette idée. Qu’il soit vivement remercié. De Villefosse 1916, 435. Etant donné que Iohannes est décédé le premier janvier à l’âge de 9 mois, il devait être né en avril de l’année précédente. Le voyage serait effectué entre avril et octobre période de l’ouverture de la navigation en Méditerranée. Voir carte de Nacef 2015, 131. Nacef 2015, 9. Procope, De bello Vandalo, I, 16, 2. Bonifay et al. 2005, 128. Sullecthum/ Salakta et ses environs à l’époque antique et médiévale / (pp. 149 - 164) 153 Remarques sur l’apport de l’épigraphie latine pour la connaissance de la société de Sullecthum à l’époque romaine et tardo-antique pace + l’âge + la déposition + l’indiction40. Chronologiquement, cette épitaphe s’apparente à d’autres de l’époque byzantine qui présentent la formule : bixit in pace fidelis41. L’emploi de fidelis pour un enfant mort à bas âge signifie que le défunt n’est pas baptisé. A l’opposé de l’accueil des expatriés, Sullecthum a vu certains de ses enfants s’expatrier outre mer. 4) CIL XIV , 477 = CILVIII, 924 à Ostie (Romanelli, 1960, 68 ; Deledalle 1982, 61 ; Caron 1989, 44, n° 18): D(is) M(anibus) s(acrum)/ P(ublius) Caesellius Felix/ ciuis Sullecthinus/ uixit ann(is) n(umerus) XLVII m(e)n/(sibus) VI Pomponia Lici/nia marito digni/ssimo. C’est le cas de P. Cesellius Felix, ciuis Sullecthinus, mort à Ostie. Le gentilice Caesellius est attesté en Afrique42, mais il est assez fréquent en Campanie et au Latium43. D’origine italique, sa présence en Afrique remonterait à la colonisation de César44. Le défunt serait probablement un naviculaire de Sullecthum ou l’un de ses agents45. Cette expatriation est à rattacher à l’essor du trafic commercial entre Ostie et Sullecthum comme le prouve la mention de cette cité dans la place dite des corporations au port d’Ostie46. Sullecthum fait partie des sept villes (africaines) dont étaient originaires les naviculaires africains et l’un des deux ports de la Byzacène à être mentionnés dans la place des corporations47. Aussi le défunt était-il sans doute l’un des naviculaires qui ravitaillaient Rome, soit en produits en provenance de Sullecthum48, soit d’ailleurs, comme intermédiaire, notamment de la capitale africaine, car nous savons que « les cellae de la place des corporations s’interprètent comme des agences des transporteurs en quête de cargaisons de retour49» comme le note bien A. Tchernia. Sans la mention de l’origo du défunt, il aurait été possible de le considérer originaire d’Ostie ou de ses environs puisque le gentilice Caeselius était fréquent dans cette région50. Pomponia Licina, la veuve de Caesellius qui s’est chargée d’ériger la sépulture, porte un gentilice très répandu dans toutes les régions d’Italie51 et particulièrement à Rome52. En Afrique, la présence de ce nom est liée à la colonisation de Marius puis d’Auguste53. On ne sait pas si l’épouse est 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 52 53 154 Ennabli 1991, 37. Prévot 1984, 83. Il est attesté à Ebba : CIL VIII, 16358 ; à Sullecthum : CIL VIII, 22892 ; à Hadrumetum : CIL VIII, 23020 ; à Mactar : AE, 2008, 1627 ; à Aïn Bou Dyrias : CIL VIII, 27994 d = ILAlg. I, 3817 = ILAfr. 187 = ILTun. 324 ; à Lambèse : CIL VIII, 3501 ; à Thibilis : CIL VIII, 18961 = ILAlg., II, 2, 5035. Lassère, 1977, 173. Id. 1977, 90. Romanelli 1960, 68 ; Nacef 2015, 137. Cette place était aménagée sous Auguste et modifiée à l’époque des Sévères, Romanelli 1960, 64. Les sept cités sont Carthage, Hippo Diarrhytus, Misua, Curubus, Gummi (peut-être Mahdia ?), Sullecthum et Sabratha. Voir Romanelli 1960, 63-65. Nacef 2015, 137. Tchernia 2011, 186. On peut citer à Ostie CIL XIV, 727 : T. Caesellius Saturus ; CIL XIV, 728, Caesellia Specle ; à Fiumicino CIL XIV, 4812 : Caesellia L(ucii) f(ilia) Macrina. Pflaum 1956, 106. Lassère 1977, 124. Lassère 1977, 187, 462 ; voir aussi VM 2, 2006, 447-448 ; Benzina Ben Abdallah, 2013, 157. Sullecthum/ Salakta et ses environs à l’époque antique et médiévale / (pp. 149 - 164) Ridha Kaabia d’origine italique et si elle a conclu un mariage avec P. Caesellius Felix après l’installation de l’époux à Ostie. Une origine africaine n’est toutefois pas à écarter. Les Pomponii sont attestés à Thysdrus dont Sullecthum était le port d’exportation de ses produits ; Pomponia Licina serait issue d’une famille thysdritaine qui assurait une activité commerciale entre cette ville et le port d’Ostie via celui de Sullecthum. De par sa situation entre la côte et les zones de l’intérieur, Thysdrus, centre important de production et de collecte des céréales à ses début, puis d’huile à partir du second siècle, a généré des familles qui développaient leurs activités vers la cité portuaire voisine. La convergence d’intérêt commun entre les commerçants de Thysdrus et les naviculaires de Sullecthum a permis de développer des liens sociaux par le biais du mariage. Le sort de l’une et l’autre cité semble ainsi étroitement lié de par leurs activités économiques. Les Caesellii et les Pomponii seraient issus des premiers immigrants d’origine italique dans la région, ils ont su développer des liens économiques avec le grand port de la capitale de l’Empire. Les cas de déplacements d’hommes révélés par l’épigraphie vers ou à partir Sullecthum sont relatifs essentiellement à l’activité dynamique de son port. Ces cas sont en partie contrôlés par l’Etat, ainsi la présence d’un détachement de la XIIIe cohorte urbaine, ou bien dus à des initiatives privées en rapport avec une activité probablement économique. Ces déplacements ont mis la cité en contact avec les deux bassins de la Méditerranée, le port de la capitale de l’Empire et la province de la Syrie. Ils ont contribué par conséquent à enrichir les données déjà maigres sur la vie religieuse à Sullecthum dans la mesure où en plus des marques religieuses polythéistes, comme l’invocation des dieux Mânes, des formes de cultes monothéistes y sont attestées. II- Les confessions monothéistes à Sullecthum d’après les épitaphes Les deux confessions monothéistes sont attestées à Sullecthum par quatre épitaphes, une juive et trois chrétiennes, dont celle de Iohannes. ILAfr, 50 (Merlin 1911, p. CXCIII-CXCIV ; Le Bohec 1981, 174, 201 ; Caron 1989, 42, n° 12. Dalle en pierre dure ramassée près de la plage de Salakta. (Menorah) / P P/ VIATOR. La présence de la menorah, chandelier à sept branches sur la pierre confirme la confession juive du défunt Viator. L’importance de cette épitaphe réside dans le fait qu’elle constitue le second témoignage que livre l’épigraphie latine sur la religion juive au Byzacium à côté d’un texte provenant de Thaenae54. Nom romain, Viator55 est fréquent aussi bien comme cognomen que comme nom unique. Malheureusement, le texte étant incomplet, il ne permet pas de connaitre les conditions juridiques du défunt. Mais cette seule épitaphe est-elle suffisante à elle seule pour prouver l’existence d’une communauté juive à Sullecthum ? Ne pouvait-il pas s’agir aussi d’un simple passager ? On ne saurait le confirmer, l’épitaphe n’en fournie pas davantage d’informations. Le sens des lettres p p56 avant la mention du nom du défunt reste quant à lui obscur. Mais l’adhésion de ce défunt à la romanité ne fait pas l’objet de doute comme le prouvent son nom et l’emploi du latin dans son épitaphe. Quant à la confession chrétienne, outre l’épitaphe de Iohannes qui venait de la province de Syrie, nous relevons deux autres épitaphes chrétiennes, celles de Castula et de Paulus trouvées respectivement à Arch Zara et à la Chebba. 54 55 56 ILAfr., 36. Lassère 1977, 421. Peut-on penser à p(ater) p(osuit) ? Mais cette formule vient généralement à la fin. Sullecthum/ Salakta et ses environs à l’époque antique et médiévale / (pp. 149 - 164) 155 Remarques sur l’apport de l’épigraphie latine pour la connaissance de la société de Sullecthum à l’époque romaine et tardo-antique CIL VIII, 11111 (support indéterminé) : Redditio/ Castulae s(?)/ III idus iulias Dans le texte de Castula le substantif redditio qui précède le nom de la défunte au génitif est employé pour introduire la date du décès. Rarement attestée en Proconsulaire, cette formule est employée notamment en Numidie, alors qu’à Rome et en Italie on emploie fréquemment le verbe reddidit spiritum ou animam57. La date du décès doit se comprendre comme ante diem tertium idus iulias (le 13 juillet). Le nom Castula est connu dans l’Empire58, mais il est surtout usité en Afrique. Il est difficile de développer le S à la fin de la seconde ligne, il s’agirait peut-être d’un second nom ou d’un adjectif d’ordre moral ou professionnel de la défunte. La seconde, celle de Paulus, est remployée dans un marabout, elle serait apportée d’El-Jem selon les éditeurs59 mais sans preuve tangible. ILTun 103(dalle en marbre dans un marabout) : + Fide[lis]/ Paul[us ?]/ uixit in p(ace) / pl(u)s m(i)n(us) an(nis)/ XVIIII, disc(essit)/ s(u)b d(ie) V id(us)/ nob(embres) in p(a)c(e) Le défunt n’est connu que par un nom unique, usage fréquent à l’époque chrétienne, ce que confirme la présence de la croix et la double mention de l’expression in pace. La mention de l’âge du défunt d’une manière approximative signifierait selon F. Prévot que le défunt avait presque atteint l’âge indiqué, écrivant en effet que la formule plus minus « témoignerait de la proximité de l’anniversaire et non pas de l’ignorance des parents60» ; et comme il est d’usage, l’emploi du verbe discedo introduit la date du décès. Disc(essit) s(u)b d(ie) V id(us) nob(emberes), signifie que la mort est survenue le 9 novembre. Quant à sa date, elle ne doit pas être, selon L. Poinssot, antérieure au Ve siècle61. III- Etude onomastique des autres épitaphes de Sullecthum L’étude des épitaphes suivantes porte essentiellement sur les conditions juridiques et la question d’origine de certains défunts. Seront traitées en premier lieu les épitaphes des citoyens puis celles de ceux qui portent un nom unique. III-1- Les noms des citoyens de Sullecthum Il s’agit de deux personnes, l’une porte le gentilice Caeselius et l’autre celui de Fabius. CILVIII, 22892, nécropole de Sullecthum. Hannezo, 1890, 447. 1890-1891, 290 ; Caron 1989, 41, n° 8. 57 58 59 60 61 156 Prévot 1984, 226. Il est attesté entre autres en Italie, à Rome : ICUR, 1, 1011, ICUR, 7, 18483, ICUR, 9, 24982, à Ostie : CIL XIV, 505, 1488 et en Umbrie : CIL XI, 7829 ; en Germanie supérieure, à Besançon l’antique Vasontio: CIL XIII, 5373. Pour plus de détails voir Kajanto 1965, 252. Merlin 1944, 20 à la suite de Poinssot 1938-1939-1940, 241. Prévot, 1984, 225. Poinssot, 1938-1939-1940, 242. Sullecthum/ Salakta et ses environs à l’époque antique et médiévale / (pp. 149 - 164) Ridha Kaabia D(is) M(anibus) S(acrum Caesellia Nina / uixit annis n(umero) /LXX Eleutheris so/ror piae fecit. La défunte Caesellia Nina et sa sœur Eleutheris, qui lui a érigé une tombe, seraient de la même famille que P. Caesellius Felix qui trouva la mort à Ostie. C’est l’unique gentilice attesté plus d’une fois en rapport avec Sullecthum. Alors que le nom de P. Caesellius Felix n’exclut pas une origine italique étant donné le réseau de naviculaires dans lequel il évoluait, Caeselia Nina serait d’origine africaine comme le laisse entendre son cognomen. La valeur du cognomen comme indication de l’origine ethnique demeure certes fort incertaine, mais de par sa fréquence en Afrique, Nina passe pour un nom d’origine punique62. D’ailleurs l’Afrique Proconsulaire et la région cirtéenne ont le monopole de ce nom attesté souvent comme cognomen63 et parfois comme nom unique64. Rare en Afrique65, Eleutheris est un nom est très répandu parmi les esclaves et les affranchies à Rome. Il ne révèle pas ici la situation juridique et sociale de la personne, mais relève plutôt d’un goût à ce nom d’origine grecque translittéré en latin. Caeselia Nina est de toute évidence issue d’une famille africaine romanisée. On est en mesure de se demander si la famille de Caesellia Nina n’avait pas accédé au droit de la cité par l’entremise des Caeselii de Sullecthum originaire d’Italie. Le poids économique de cette famille des naviculaires lui a certainement valu une place importante dans les milieux administratifs et politiques qui lui aurait permis de tisser des relations parmi les milieux influents. Elite économique de Sullecthum, ces Caeselii s’entouraient certainement des clientes qui veillaient à développer leurs intérêts économiques. C’est dans cette perspective qu’on peut établir des liens entre les différentes branches des Caeselii de Sullecthum comme l’a bien noté J.-M. Lassère qui écrit « il peut en effet arriver que le nouveau citoyen prenne le nom de la notabilité, locale ou de plus grande influence, qui s’est entremise pour transmettre le dossier ou assurer son succès66». Les Caesellii de Sullecthum présentent un cas avéré d’une capacité d’ouverture multiculturelle grecque et punique élaborée dans une forme romaine indissociable d’une certaine aisance sociale comme le prouvent les traces du « tombeau en maçonnerie » de la défunte67. Le second citoyen est [T]i(berius) (?) Fabius Saturninus. CILVIII, 22893= ILT, 130 : [Di]s Ma[nibus sacrum]/ [T]i(berius) Fabius/ Saturni/nus uixit/ an(n)is C(irciter) CVI. Son gentilice est attesté très tôt à Utique, dès la fin du second siècle av. J.-C., son cognomen Saturninus ne peut- être d’aucune aide supplémentaire pour préciser davantage l’origine du défunt. Ce surnom est en effet très répandu en Afrique comme dans le reste de l’Empire. Par ailleurs, la forme développée de l’invocation des dieux Mânes, comme c’est le cas de l’épitaphe de Tensius Luppus, 62 63 64 65 66 67 Pflaum 1959, 118 ; Kajanto 1965, 30 et Jongeling 1994, 113-114, Benzina Ben Abdallah 2013, 380. CIL VIII, 16982 (ILAlg., I, 664) à Bou Atfan, 26991 (MAD, 678), 27309 (MAD,1037), 27593 à Sicca Veneria ; ILAfr., 166 ( ILTun., 487) à Hr. Bouïbet aux environs d’Ammaedara ; AE , 2013, 1814 (Benzina Ben Abdallah, 2013, no 17). AE, 1973, 626 (BCTH , 1971, 320) à Al Hammam (Pr.) ; CIL VIII, 17005 à Bou Atfan (ILAlg., I, 691). On connait un autre texte mentionnant ce nom : CIL VIII, 24625 à Carthage. Lassère 2005, 176. Hannezo 1890, 447 ; Caron 1989, 41, n° 8, le support de cette épitaphe trouvé dans la nécropole de Salakta et dont la nature n’est pas précisée est «Placé à plat sur un appendice préparé à l’extérieur et sur le flanc d’un tombeau en maçonnerie». Sullecthum/ Salakta et ses environs à l’époque antique et médiévale / (pp. 149 - 164) 157 Remarques sur l’apport de l’épigraphie latine pour la connaissance de la société de Sullecthum à l’époque romaine et tardo-antique place l’inscription au premier siècle ap. J.-C. ou au début du second siècle. Son âge de plus 10068 ans fait remonter sa naissance au premier siècle avant J.-C. voire au début de ce siècle J.-C. Lassère a bien démontré que la présence du gentilice Fabius à Utique, Hadrumète et Leptiminus69 s’introduit dans le cadre de la migration italique de l’époque républicaine. A l’instar des cités libres du Byzacium, Sullecthum aurait bénéficié de cet apport démographique. Si cette analogie était bonne, il y aurait de fortes présomptions que le défunt soit descendant d’une souche italique plutôt qu’un Africain romanisé par l’entremise de C. Fabius Hadrianus, propréteur d’Afrique en 82 av. J.-C.70. III-2- Les personnes à un nom unique Dans ce lot figure quatre épitaphes qui mentionnent les noms suivants: Anno, Murena Romana et Vitalis. 1) L’épitaphe d’Anno : CIL VIII, 22889 (Gauckler 1897, 467, n° 322) à Henchir Zouaouda (Jaouada), près d’El-Alia71 : Annonis Annonis (filii) Minthonis (filii) Lup(i)?(filii) annorum LXXV. Le texte est relativement riche en informations onomastiques dans la mesure où il offre une succession de quatre générations. L’épitaphe fait surtout état d’un répertoire onomastique local dont l’usage n’est pas fréquent. Trouvée en dehors du centre de l’antique Sullecthum, cette inscription est «tracée au pinceau sur des tessons d’amphores funéraires »72, et fait état chemin faisant de la pratique de l’incinération en milieu autochtone. Les noms mentionnés sont, outre celui du défunt, ceux de son père et de son grand père qui portent des noms libyques translittérés en latin. Le défunt et son père portent respectivement un idionyme et un patronyme, alors que le grand-père et l’arrière grand-père porte chacun un papponyme. Au génitif, cette épitaphe est à comprendre comme suit: « (épitaphe d’) Anno fils d’Anno, fils de Minthon, fils de Lupus (?) qui a vécu 75 ans»73. Le défunt est un africain de souche par sa filiation74 et par la consonance des noms latinisés. La première vise à insérer l’individu dans une structure familiale et patrilinéaire75 et tend à limiter les confusions engendrées par l’homonymie76. La seconde dévoile la volonté d’acquérir une dénomination à désinence latine qui veille à conserver en même temps les traits locaux du nom77, 68 69 70 71 72 73 74 75 76 77 158 Sur l’indication de l’âge des centenaires cf. Lassère 1977, 472-473) qui écrit que la mention d’un âge dépassant cent relève du « domaine de l’affabulation » (473). Cette opinion fut critiquée par Benzina Ben Abdallah 2013, 51, n 19. En se référant à la mortalité sénile à Dougga, elle considère que l’affirmation de Lassère est « quelques peu excessive» et que la mention du C de c(irciter) qui précède le chiffre C (de centum ) plaide en faveur d’une bonne lecture de l’âge. Piétri 1997, 1418, quant à lui, considère que le terme C(irciter)qui précède l’indication de l’âge suggère que celle-ci soit volontairement arrondie. Id., 1977, 81, 91, 97. Lassère 1977, 91. Il s’agit d’El Alia dans la région de Mahdia et non pas d’El Alia, l’antique Uzalis, dans la région de Bizerte. Gauckler 1897, 467. On peut traduire aussi : (épitaphe d’) Anno fil d’Anno, petit-fils de Minthon, arrière-petit-fils de Lupus (?) Cagnat 1924, 199-204 ; Merlin, ILTun, p. 115 (commentaire de l’inscription n° 651) ; Gascou 1999 ; MAD 80 ; Dondin-Payre 2005, 164. L’expression « filiation africaine » est de Dondin-Payre 2006, 255 ; 2011, 28. Dondin-Payre 2004, 255 ; id 2011, 179. Dondin-Payre 2011, 15. Raepsaet-Charlier 2005, 229 considère qu’il s’agit dans ce type de cas très répandus dans l’Empire de « deux Sullecthum/ Salakta et ses environs à l’époque antique et médiévale / (pp. 149 - 164) Ridha Kaabia ainsi Anno, à deux reprises, et Mintho, et ce en dépit de la translittération ou la transformation latine de ces idionymes d’origine punique78. Dérivant des noms propres ḤNN/ḤN, transcrit en latin en Anno (et en Hanno(n)), ce nom unique est assez répandu79. Formé vraisemblablement sur la racine MNT, celui de Mintho est peu fréquent mais connu essentiellement en Afrique. Ce nom est souvent transformé en gentilice par l’adjonction du suffixe ius pour donner la forme Minthenius/a80. L’un des intérêts de ce texte est d’être le deuxième à livrer le nom Mintho dans la forme d’un idionyme après celui de Makthar81. L’arrière grand père porte un nom, peut-être Lupus(?) qui fait partie des noms à la mode pris par les Africains pérégrins pour se donner une apparence sociale latine, à l’instar de Rufus et Gallus par exemple. La mention de quatre générations dénote d’un fort conservatisme et probablement de l’importance de cette famille, car ce sont surtout les aristocrates qui s’y attachent. Cette épitaphe qui est découverte à Jaouada (Dar Jaouad)82 est bien à l’écart du centre urbain, et fait donc état de la présence sur le territoire de Sullecthum des autochtones perméables à un certain degré de romanisation comme le témoigne la transcription de leurs noms en latin, tout en s’attachant à leurs origines sociales. 2) L’épitaphe de Murena Toujours Jaouada, un autre fragment d’amphore funéraire mentionne le nom d’un homme, Murena. CILVIII, 22890 : Murena / a(nnis) XXVII. D’origine latine83, ce surnom est employé ici comme nom unique (relatif aux animaux aquatiques, des poissons anguilliformes) est peu courant dans les provinces africaines. Il n’est d’ailleurs attesté qu’en Proconsulaire et par quatre autres occurrences seulement en tant que cognomen: trois à Ammaedara - où il pourrait s’agir de la même personne -84, et dans une autre ville côtière, Thaenae85. 78 79 80 81 82 83 84 85 actions concomitantes pour tout à la fois adopter la dénomination dans le sens de la latinisation et de ne pas perdre ses racines». Pour des parallèles voir id, 227-228. Sur la diffusion du nom ḤNN/ḤN dans les inscriptions phéniciennes voir Halff, 111-112 ; Jongeling, 1984, 235 ; pour celui MNT cf Vattioni 1979, 93. CIL VIII, 17978a à Gemella, IRT, 319, 338, 615 à Lepcis Magna ; en dehors de l’Afrique CIL III, 5610 ; CIL V, 4920. Mactar, CIL VIII, 23401, 23420, 23437 ; BCTH, 1951-52, 198 ; Hippone, CIL VIII, 5256 (17406) (ILAlg., 1, 68) ; Cuicul, CIL VIII, 20177 (ILAlg., II 3, 8180). CIL VIII, 11855. Gauckler 1897, 467 mentionne le toponyme Henchir Zouaouda. Pour sa part Dessau dans l’édition du CIL VIII, supplemenum, pars IV, p. 2317 mentionne le nom de Zouada. Ben Younès, 1998, 70 et Nacef 2015, 20 et 21 ont corrigé le toponyme selon la prononciation locale suite à une enquête orale. Selon J. Nacef, la localité Jaouada a donné deux sites archéologiques : Jaouada 1 « au sud de la piste reliant Salakta à la route de Sfax, au nord de Henchir El Mzaouak et à l’ouest d’El Hri 1et 2, et Jaouada 2 « site inédit qui se trouve du côté ouest du bord de la piste reliant le site Jaouada 1 à Henchir El Mzaouak ». Kajanto, 1965, 332. Magnius Murena, fort probablement d’origine italique, a fait une dédicace à Nutrix, une vieille divinité italique (AE, 1966, 521, cf. ILPB, 30) et une autre à Saturne (AE, 1966, 522, cf. ILPB, 31). Il serait connu par une épitaphe qui porte le praenomen L(ucius), voir Benzina Ben Abdallah, 2013, 124. CIL VIII, 22821. Sullecthum/ Salakta et ses environs à l’époque antique et médiévale / (pp. 149 - 164) 159 Remarques sur l’apport de l’épigraphie latine pour la connaissance de la société de Sullecthum à l’époque romaine et tardo-antique Présenté au génitif, à l’instar de celui d’Anno, le présent texte doit être lu aussi ainsi : « (Amphore funéraire ou épitaphe) de Murena qui a vécu 27 ans». Le défunt est présenté par un nom unique qui reflète sa situation de pérégrin. Mais contrairement aux noms latinisés qui figurent dans l’épitaphe d’Anno, celui de Murena est un nom latin. Cette dénomination par un pérégrin reflète à la fois une influence du milieu maritime d’une ville côtière et commerciale nécessairement ouverte, impliquant par conséquent une certaine tendance à la romanisation. On ne sait pas si le texte est complet dans sa partie supérieure. Si tel était le cas, l’absence de la formule DMS permet de dater ce texte de la première moitié du premier siècle. La même datation peut-être donnée à l’épitaphe précédente trouvée à proximité. Cette suggestion rejoint les conclusions de Jihène Nacef qui ont bien mis au jour que la zone de Jaouada abrite un atelier « de la céramique (qui) se rattache à des types précoces typiques de contextes de la fin du Ier-IIe « et que « l’atelier de Jaouada1 est l’un des ateliers précurseur périurbain de l’antique Sullecthum86». 3) l’épitaphe de Ramana CIL VIII, 11109 Trouvée à l’entrée de la catacombe, à l’écart du noyau urbain: Dis Manibus/ Romana uixi[t A(nnis)---]/m(ensibus) VIII dieb[us---]. Se trouve dans un contexte pratiquement similaire à celui de Murena. La défunte, dont l’âge est inconnu à cause de la cassure de la pierre à droite, porte un idionyme latin. Ses conditions de pérégrin ne doivent pas occulter une romanisation culturelle commencée dès le premier siècle à en croire la forme développée de l’invocation aux dieux Mânes. 4) L’épitaphe de Vitalis Une autre épitaphe, mutilée à gauche et à droite, trouvée près de l’entrée de la catacombe dans la nécropole d’Arch Zara, livre le nom unique de Vitalis. CIL VIII, 11110 : D(is) M(anibus)/ III ?Vitalis u(ixit) ?: [A(nnis)---] M(ensibus) ?--L’on sait que Vitalis est utilisé ailleurs comme cognomen, d’ailleurs il est très répandu en Afrique comme partout dans le monde romain. Ce nom est considéré en Afrique comme la traduction du nom punique YHW’LN « il vivifiera » ou ŠMHY’/ŠM «il a fait vivre »87. Toutefois, cela ne doit pas être généralisé. Il faut donc chercher s’il s’agit d’un nom traduit ou importé, car Vitalis est aussi un nom proprement latin. En lui-même, le texte n’apporte rien. Mais la mention de D. M. qui place l’inscription à une date ultérieure au premier siècle, puis celle d’un nom unique, donc d’un pérégrin, ainsi que la provenance de l’épitaphe d’une nécropole située en dehors du centre urbain, pourraient plaider en faveur d’une hypothèse selon laquelle Vitalis serait peut-être un nom punique traduit en latin. Par conséquent, cette épitaphe trahirait, elle aussi, un processus de romanisation culturelle à l’instar d’Anno. 86 87 160 Nacef 2015, 179. Lassère 1977, 454, VM2, 2006, 552, Benzina Ben Abdallah 2013, 373. Voir aussi Halff, 1963-1964, 115, 143. Sullecthum/ Salakta et ses environs à l’époque antique et médiévale / (pp. 149 - 164) Ridha Kaabia Conclusion Bien que peu nombreuses, ces épitaphes apportent un certain éclairage à la connaissance de l’histoire de Sullecthum. De cette étude se déduit l’importance politique et économique de cette cité à l’époque impériale. En effet son port a accueilli à la fois un détachement d’une cohorte urbaine et un autre de la troisième légion Auguste ; à cela s’ajoute le grand dynamisme commercial de ses commerçants, développant ainsi l’activité du transport maritime du port de la cité de Sullecthum. Cela corrobore les résultats des recherches sur la céramique antique de Sullecthum, sur son port actif et sur son activité économique en général. Certaines données permettent de suivre le processus de romanisation culturelle, mais aussi sa complexité de son mécanisme. En effet, du côté de l’onomastique, on note, d’une part, la translittération en latin de certains noms à partir de la langue punique, et, d’autre part, l’adoption des noms latins par des pérégrins. Ce processus s’étend du centre urbain vers les zones périurbaines d’où viennent des épitaphes des pérégrins qui manifestaient une certaine ouverture à la latinité. Ainsi, il semble qu’au cours du premier siècle ap. J.-C., et au début du second siècle, les zones périurbaines de Sullecthum manifestaient une réelle perméabilité à la latinité mais à degrés variables, entre un conservatisme mesuré et une ouverture relative. En fin Sullecthum est une belle illustration de l’ouverture d’une cité côtière à la culture méditerranéenne par l’attestation des confessions monothéistes et par son accueil des éléments issus de la migration. Celle-ci se manifeste par deux sortes de mouvements : le premier, ancien, résulte du processus de la romanisation et du contrôle des intérêts commerciaux de l’Etat, le second, plus tardif, se rapporte à des contextes relatifs à d’autres provinces romaines ainsi la présence d’une famille syrienne à Sullecthum qui aurait constitué une sorte de terre d’accueil comme c’est le cas pour d’autres cités africaines côtières ainsi Carthage et Hadrumète pour ne citer que ces deux exemples. 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