Entre terres et eaux
Les sites littoraux de l’âge du Bronze : spécificités et relations avec l’arrière-pays
Actes de la séance de la Société préhistorique française d’Agde (20-21 octobre 2017)
Organisée avec l’Association pour la promotion des recherches sur l’âge de Bronze
Textes publiés sous la direction de
Yves Billaud et Thibault Lachenal
Paris, Société préhistorique française, 2019
(Séances de la Société préhistorique française, 14), p. 355-376
www.prehistoire.org
ISSN : 2263-3847 – ISBN : 2-913745-76-8
Exploitation et utilisation des invertébrés marins
durant l’âge du Bronze sur la façade
Manche-Atlantique française
Caroline Mougne et Catherine Dupont
Résumé : Cet article porte sur l’utilisation et l’exploitation des invertébrés marins (mollusques, crustacés et échinodermes) durant l’âge
du Bronze (2200 à 800 av. J. C.) sur la façade Manche-Atlantique française. Il repose sur l’inventaire de quarante sites ayant livré ce
type de faune. Treize ont fait l’objet d’une étude archéomalacologique par les auteurs. Les résultats obtenus permettent d’aborder des
thématiques variées, comme les environnements exploités, l’économie de subsistance (mode alimentaire et spécificité géographique),
l’artisanat (teinture, parure, matériau de construction) et les pratiques funéraires et cultuelles (dépôt, repas rituels). L’étude des invertébrés marins contribue ainsi à une meilleure compréhension des systèmes socio-économiques et culturels des communautés littorales
et continentales durant l’âge du Bronze.
Mots-clés : âge du Bronze, coquillages, crustacés, oursins, alimentation, parure, pourpre, matériau de construction, funéraire, cultuel
Abstract : This contribution deals with the use and exploitation of marine invertebrates (molluscs, crustaceans and echinoderms)
during the Bronze Age (2200 to 800 BC) in the coastal areas of the Channel and the Atlantic Ocean in France. It relies on the inventory
of 40 sites characterised by the presence of this type of fauna. Archaeomalacological studies have been carried out for thirteen of these
sites by the authors. The results make it possible to cover various issues, for example the environments that were exploited, the subsistence economy (food and geographical variations), the crafts (dyeing, beads, building material) and the funeral and ritual practices
(hoard, ritual meal). The study of marine invertebrates thus contributes to a better understanding of the social, economic and cultural
systems of the coastal and continental communities during the Bronze Age.
Keywords: Bronze Age, shells, crustaceans, sea urchins, food, personal ornaments, purple dye murex, building material, funeral, ritual
INTRODUCTION
L
es résultats présentés dans cet article ont été obtenus
dans le cadre d’un travail doctoral soutenu en février
2015 à l’université de Rennes (1) (Mougne, 2015). Le
thème porte sur l’exploitation et l’utilisation des invertébrés marins (mollusques, crustacés et échinodermes)
durant l’âge du Bronze une période chronologique allant
de 2200 à 800 av. J.-C environ, et ce sur le territoire
continental et littoral Manche-Atlantique français. Ce
sujet a été choisi pour la rareté des études malacologiques
marines dans la recherche archéologique protohistorique
malgré une forte présence de ces faunes marines sur les
sites. Le potentiel informatif de ce type d’études est en
effet conséquent. Elles apportent de nombreuses informations dans la compréhension des systèmes socio-économiques et culturels, passant entre autres par les territoires
de collecte, l’économie de subsistance, dans les activités
artisanales telles que la parure ou la teinture, dans l’architecture mais également dans les pratiques funéraires
et cultuelles.
L’archéomalacologie marine est une discipline en
pleine expansion depuis une quinzaine d’année et fait
l’objet de recherches dynamiques et innovantes que ce
soit en France ou à l’étranger (Serrand, 2001 ; Bar-Yosef Mayer, 2005 ; Milner et al., 2007 ; Dupont, 2006 ;
Gutiérrez Zugasti, 2009 ; Álvarez Fernández et al.,
2010 ; González Gómez de Agüero et al., 2010 ; Çakirlar, 2011 ; Bailey et al., 2013 ; Cuenca Solana, 2013 ;
Caroline Mougne et Catherine Dupont
356
Cantillo et al., 2014 ; Verdùn et Colonese, 2014 ; Szabó
et al., 2014 ; Campbell, 2017 ; Thomas, 2015a et 2015b).
En France, cette discipline s’est engagée à partir des premières études de synthèse sur la parure (Taborin, 1974a et
1974b ; Laporte, 1994 et 2009 ; Rigaud, 2011), puis elle
a intégré peu à peu les recherches sur les différentes utilisations de la coquille (la matière) et du coquillage (l’animal) devenant ainsi une discipline à part entière (Gruet,
1993 ; Chenorkian, 1998), avec la formation de spécialistes (Serrand, 2001 ; Martin, 2004 ; Dupont, 2006 ;
Bardot-Cambot, 2013 ; Mougne, 2015). Avant le début
de ce travail, sur les côtes atlantiques françaises, seules
les périodes du Mésolithique et du Néolithique (Dupont,
2006) et l’époque antique (Bardot-Cambot, 2013) avaient
fait l’objet d’études poussées et de premières synthèses.
Au commencement de la préparation de notre thèse en
2010, l’archéomalacologie marine était peu développée
pour les périodes protohistoriques autant en France qu’à
l’étranger. En effet, pour l’âge du Bronze sur le territoire
français, les études publiées concernaient uniquement le
littoral méditerranéen (Taborin, 1974a et 1974b ; Barge,
1982 ; Brien-Poitevin, 1992 ; Weydert, 1994). Quelques
études européennes étaient aussi consultables pour cette
période (Mc Cormick et al., 1996 ; Prummel, 2002 ;
Minniti, 2005 ; Theodoropoulou, 2007a, 2007b et 2008 ;
Çakirlar, 2009 ; Marlasca Martín, 2010). Depuis 2010, les
références se sont complétées (Theodoropoulou, 2011 ;
Forest, 2012 ; Law, 2012 ; Mougne et al., 2012, 2014 et
2018 ; Large et al., 2015, p. 106-110 ; Dupont et Mougne,
2015 ; Mougne, 2019 ; Mougne et Dupont, 2020) montrant un intérêt certain pour l’approche archéomalacologique au niveau européen.
La période de l’âge du Bronze, entre autres, a été choisie de par les nombreux changements qui s’amorcent à
cette période marquée par l’arrivée de nouveaux métaux,
le cuivre puis le bronze, le développement de réseaux de
communication ou encore l’essor de l’exploitation du sel
marin, marquant un lien fort entre l’Homme et le littoral.
INVENTAIRE
Tout d’abord, un inventaire des occupations de l’âge
du Bronze livrant des invertébrés marins du Nord-Pasde-Calais jusqu’au sud de l’Aquitaine a été effectué afin
d’évaluer la présence de ce type d’écofact sur le territoire
d’étude. Cet inventaire comprend des sites préventifs, des
fouilles programmées, de diagnostics et de prospections.
Quarante sites ont été répertoriés (Mougne, 2015). Cette
première approche a permis d’identifier une présence
importante des invertébrés marins sur les sites archéologiques, particulièrement en contexte littoral. La moitié des sites inventoriés sont localisés en Bretagne. La
Basse-Normandie, les Pays de la Loire et le Poitou-Charentes en possèdent également quelques-uns. La distribution géographique de ces sites est toutefois assez hétérogène. Certaines zones comme dans le Nord-Pas-de-Calais
ou l’Aquitaine sont en effet très peu représentées. L’ab-
sence de sites sur ce territoire d’étude peut s’expliquer
par la disparité des recherches en fonction des régions,
mais aussi par plusieurs facteurs paléo-environnementaux (variation du niveau marin, installation de système
dunaire par exemple). Les facteurs géologiques et les
biais de la conservation différentielle doivent également
avoir un impact dans cette répartition.
Cet inventaire a également permis de constituer un corpus d’étude. Au total treize sites ont été retenus, neuf sites
ont été étudiés spécifiquement dans le cadre de la recherche
doctorale de Caroline Mougne et quatre autres sites auparavant étudiés par Catherine Dupont ont été intégrés
dans la synthèse. Ces treize sites se répartissent de façon
plus ou moins équitable sur quatre régions : Basse-Normandie, Bretagne, Pays de la Loire et Poitou-Charentes
(fig. 1 ; tabl. 1). Pour ce qui est de la nature des sites, ils
sont principalement d’ordre domestique. D’autres sont
d’ordre cultuel ou également funéraire. Le corpus d’étude
établi est ainsi riche et varié, que ce soit par la nature des
sites, par leur implantation en milieu insulaire, côtier ou
continental, ou par la représentation des différentes entités
chronologiques allant du début à la fin de l’âge du Bronze.
MÉTHODE
La grande majorité des lots étudiés résulte d’un tamisage à 4 mm et 2 mm, processus indispensable à une bonne
vision de l’ensemble du spectre faunique. Il évite que certaines espèces de petite taille ou très friables soit sous-estimées et permet d’obtenir des proportions relatives des
espèces plus proches de la réalité qu’un ramassage à vue.
Dans le cadre des problématiques développées, plusieurs
approches méthodologiques novatrices, voire inédites,
ont été mises en œuvre. La majorité porte sur la reconstitution des tailles originelles des invertébrés marins à
partir de fragments afin d’acquérir des résultats sur les
techniques de collecte et plus largement sur les pratiques
économiques. Trois espèces ont fait l’objet de ces reconstitutions, à savoir la moule commune (Mytilus edulis ;
Mougne et Dupont, 2015), l’oursin violet, (Paracentrotus lividus) et le crabe sillonné (Xantho sp. ; fig. 2). Elles
ont été réalisées à partir de fragments de coquilles pour la
moule, des parties dures pour l’oursin et d’une zone de la
pince pour le crabe. Les coefficients de corrélation avoisinent les 0,9 et permettent ainsi une reconstitution fiable.
Ces différentes méthodes ont ainsi contribué grandement à l’enrichissement et à la fiabilité des données exposées ci-dessous.
RÉSULTATS ET DISCUSSION
Quatre thèmes de recherche ont été définis pour mieux
comprendre la relation de l’Homme au littoral durant
l’âge du Bronze. Ces thèmes portent sur les environnements exploités, les pratiques alimentaires et écono-
Exploitation et utilisation des invertébrés marins durant l’âge du Bronze sur la façade Manche-Atlantique française 357
Fig. 1 – Carte des sites composant le corpus d’étude (fond de carte L. Quesnel). 1 : Luc-sur-Mer, les Vallons de Luc (Calvados) ;
2 : Démouville, ZAC du Clos Neuf (Calvados) ; 3 : Mathieu, le Clos des Châtaigniers (Calvados) ; 4 : Ifs, ZAC d’Objec’Ifs Sud (Calvados) ;
Île-Molène, Beg ar Loued (Finistère) ; Ouessant, Mez Notariou (Finistère) ; 7 : Le Conquet, Balanec (Finistère) ; 8 : Landéda, Tariec Vraz
(Finistère) ; 9 : Saint-Vincent-sur-Jard, les Batadières 2 (Vendée) ; 10 : Dolus d’Oléron, 18, Passe de l’Écuissière (Charente-Maritime) ;
11 : Châtelaillon-Plage, Port-Punay (Charente-Maritime) ; 12 : Périgny, la Vaurie (Charente-Maritime) ; 13 : Luxé, le Mas de Champ Redon
(Charente).
Fig. 1 – Map of the sites under study (background map L. Quesnel). 1 : Luc-sur-Mer, les Vallons de Luc (Calvados) ; 2 : Démouville, ZAC
du Clos Neuf (Calvados) ; 3 : Mathieu, le Clos des Châtaigniers (Calvados) ; 4 : Ifs, ZAC d’Objec’Ifs Sud (Calvados) ; Île-Molène, Beg
ar Loued (Finistère) ; Ouessant, Mez Notariou (Finistère) ; 7 : Le Conquet, Balanec (Finistère) ; 8 : Landéda, Tariec Vraz (Finistère) ;
9 : Saint-Vincent-sur-Jard, les Batadières 2 (Vendée) ; 10 : Dolus d’Oléron, 18, Passe de l’Écuissière (Charente-Maritime) ; 11 : Châtelaillon-Plage, Port-Punay (Charente-Maritime) ; 12 : Périgny, la Vaurie (Charente-Maritime) ; 13 : Luxé, le Mas de Champ Redon (Charente).
miques, les activités liées à l’artisanat et à l’architecture
et sur les pratiques funéraires et cultuelles. Les résultats
obtenus se basent sur un total de 63 701 individus.
Données environnementales
Les environnements exploités des littoraux de l’Ouest
de la France durant l’âge du Bronze sont essentiellement
les milieux rocheux de la Normandie aux Pays de la
Loire (fig. 3). Ce type de substrat a pu être choisi du fait
d’une plus grande accessibilité des espèces qui y vivent,
comme la patelle ou la moule commune, dans la mesure
où elles peuvent être repérées directement à la surface du
rocher, contrairement à celles vivant dans un environnement sableux. L’exploitation du milieu sableux semble,
quant à elle, plus importante dans la région Poitou-Charentes en lien notamment à des pratiques funéraires et
cultuelles (dépôts) comme sur le site de la Vaurie (Périgny,
358
Chronologie
Ville
Dpt
Géographie
Distance au trait
de côte actuel
Occupation
BA
BM
BF
Etude archéomalacologique
Responsable
d’opération
N°
Site
1
Les Vallons de Luc
Luc-sur-Mer
14
continent
500 m
domestique
Mougne, 2015
C. Marcigny
2
La ZAC du Clos Neuf
Démouville
14
continent
13 km
funéraire
Mougne, 2015
M. Le Saint Allain
3
Le Clos des Châtaigniers
Mathieu
14
continent
7 km
domestique
Mougne, 2015 ; Mougne et al., 2012 et 2014a
D. Giazzon
4
La ZAC d’Objec’Ifs Sud
Ifs
14
continent
18 km
domestique
Mougne, 2015
E. Le Goff
Basse-Normandie
Bretagne
5
Beg ar Loued
Île-Molène
29
île
50 m
domestique
Mougne, 2015 ; Mougne, 2019
Y. Pailler
6
Mez Notariou
Ouessant
29
île
1 km
domestique / rituel
Mougne, 2015 ; Mougne et Dupont, 2020
J.-P. Le Bihan
7
Balanec
Le Conquet
29
île
50 m
domestique
Mougne, 2015
Y. Pailler
8
Tariec Vraz
Landéda
29
île
50 m
domestique
Dupont, 2008
Y. Pailler
Saint-Vincent-sur-Jard
85
continent
50 m
domestique
Dupont in Large et al., 2015
J.-M. Large
Pays de la Loire
9
Les Batardières 2
Poitou-Charentes
18 Passe de l’Ecuissière
Dolus d’Oléron
17
île
500 m
domestique
Mougne, 2015
M. Laroche
11
Port-Punay
Châtelaillon-Plage
17
continent
500 m
domestique
Dupont, 2004
J. Rousseau
12
La Vaurie
Périgny
17
continent
5 km
domestique /
funeraire / rituel
Dupont et Le Merrer, 2011
S. Vacher
13
Le Mas de Champ Redon
Luxé
16
île
93 km
funeraire
Mougne, 2015
V. Audé
Tabl. 1 – Sites composant le corpus d’étude (BA = Bronze ancien, BM = Bronze moyen, BF = Bronze final).
Table 1 – Sites of the corpus under study (BA = Early Bronze Age, BM = Middle Bronze Age, BF = Late Bronze Age).
Caroline Mougne et Catherine Dupont
10
Exploitation et utilisation des invertébrés marins durant l’âge du Bronze sur la façade Manche-Atlantique française 359
Charente-Maritime) ou à l’utilisation de la coquille comme
matière première dans la confection de parure comme sur
le site du Mas de Champ Redon (Luxé, Charente).
La totalité des espèces consommées présentes sur
les sites a pu être collectée à pied sec, en zone intertidale. L’environnement proche d’un site et les invertébrés
marins disponibles localement ont probablement joué un
rôle important dans les choix des espèces consommées,
indiquant la pratique d’une collecte à pied dans les environs immédiats de l’occupation. Toutefois, le spectre des
espèces découvertes sur les sites archéologiques révèle
généralement une collecte sélective, donc non représentative de l’ensemble de la variété disponible sur place, ce
qui suggère des choix culturels.
Pratiques alimentaires
Invertébrés marins dans l’alimentation :
choix, rythme et usages culinaires
Sur la totalité des sites du corpus, au moins neuf
espèces d’invertébrés marins ont été consommées durant
l’âge du Bronze, à savoir la patelle (Patella sp.), la monodonte (Phorcus lineatus), la moule commune (Mytilus
edulis), la coque commune (Cerastoderma edule), le couteau (Solen marginatus), la scrobiculaire (Scrobicularia
plana), le pouce pied (Pollicipes pollicipes), le crabe sillonné (Xantho sp.) et l’oursin violet (Paracentrotus lividus ; fig. 4). La valeur attribuée aux invertébrés marins
dans l’alimentation pouvait varier. Généralement, les
invertébrés marins ne paraissent pas avoir été consommés
quotidiennement, à part peut-être sur certains sites insulaires bretons. Ils servaient probablement de compléments
alimentaires, permettant de diversifier l’ordinaire, ou alors
de mets particulier lors de repas singulier ou collectifs, en
contexte domestique, cultuel et funéraire. Leur chair pouvait être consommée crue, cuite et même être conservée
pour une utilisation ultérieure. Il est aussi envisageable que
leur chair ait servi à la confection de sauces. Certains stigmates nous permettent de savoir comment ces coquillages
ont été préparés comme pour la patelle par exemple où des
traces de chauffe ont été observées sur l’apex sur le site de
Beg ar Loued (Île-Molène, Finistère), signe d’un contact
direct avec une source de chaleur (fig. 5) (Mougne, 2019).
Pratiques alimentaires selon les régions
Spécificités et identités régionales
L’analyse détaillée des spectres archéomalacologiques des treize sites a été réalisée à partir de tableaux
croisées, d’histogramme de distribution et d’analyses
factorielles des correspondances (Mougne, 2015). La
Basse-Normandie, la Bretagne et le Poitou-Charentes se
caractérisent par des assemblages malacologiques et un
mode de sélection distincts (fig. 6).
En Bretagne, la patelle (Patella sp.) est majoritaire,
atteignant parfois les 100 % des individus consommées
(Dupont et Mougne, 2015 ; Mougne, 2019 ; Mougne et
Dupont, 2020). Les habitants de Balanec et de Tariec
Vraz semblent consommer essentiellement des patelles.
Ceux de Beg ar Loued et de Mez Notariou vont, quant
à eux, vont étendre leur consommation de coquillages à
la monodonte. Les occupants de Mez Notariou collectent
également des oursins violets, des crabes et des poucespieds.
En Basse-Normandie, les habitants consomment
essentiellement des moules communes qui représentent
respectivement 67 % et 75 % du NMI sur les sites des
Vallons de Luc et du Clos des Châtaigniers (Mougne
et al., 2012 et 2014).
Pour ce qui est du Poitou-Charentes, au Bronze ancien,
à l’Écuissière, la coque commune est le coquillage le plus
abondant avec 97 % du NMI. Les résultats obtenus à la
Vaurie, pour la même période, révèlent, quant à eux, une
consommation majoritairement tournée vers la scrobiculaire (64 % du NMI) et la patelle (30 % du NMI).
Enfin, pour les Pays de la Loire, le nombre de sites
est plus restreint, ne permettant pas de montrer une réelle
tendance. Il apparaît toutefois que sur le site des Batardières 2 en Vendée les habitants consomment essentiellement des patelles (Large et al., 2015).
D’un point de vue diachronique, en Basse-Normandie et en Bretagne, les coquillages marins sélectionnés
semblent identiques durant tout l’âge du Bronze.
Existence de spécificités régionales ?
En Bretagne, la patelle est omniprésente. Cependant,
cette dernière est totalement absente de l’alimentation des
occupants de la plaine de Caen, qui consomment essentiellement des moules. Il existe ainsi une différence marquée
entre la plaine de Caen et les côtes bretonnes. Les différents environnements entourant les sites de ces deux zones
géographiques pourraient expliquer en partie ces choix alimentaires distincts. En effet, la moule se collecte en milieu
rocheux légèrement envasé. Elle affectionne également les
endroits abrités tandis que la patelle vit en milieu rocheux
non envasé, ne craignant pas l’agitation des vagues et du
courant. L’environnement des côtes normandes pourrait
donc avoir été plus favorable à l’installation de bancs de
moules et celui des côtes bretonnes à celle de la patelle.
Un facteur d’accessibilité pourrait également entrer en jeu.
La patelle se collecte à pied sec quasi quotidiennement dès
le haut estran. Les moules se ramassent, quant à elles, à
partir du moyen et du bas estran, demandant des coefficients de marée plus importants. Les populations bretonnes
auraient ainsi sélectionné une espèce pouvant être collectée
facilement et quotidiennement, les populations normandes
se reportant elles sur un taxon dont la collecte est moins
aisée et régulière. Cette dernière hypothèse rejoint celle de
la place des coquillages marins dans les repas quotidiens
et exceptionnels. Nous avions en effet souligné que, de par
leur densité et leur position à quelques mètres de l’estran,
les amas bretons pouvaient résulter d’une consommation
quasi quotidienne, contrairement aux amas normands
situés à une plus grande distance de la côte et relevant
d’une consommation plus épisodique. Enfin, des préférences culturelles ne sont pas à sous-estimer, même si leur
influence est difficilement quantifiable.
360
Caroline Mougne et Catherine Dupont
Fig. 2 – Reconstitution des tailles des invertébrés marins à partir de fragments ; a : mesures réalisées sur les coquilles de moule commune, Mytilus edulis (DAO L. Quesnel) ;
b : mesures réalisées sur le test d’oursin violet, Paracentrotus lividus (photo C. Mougne) ;
c : mesures réalisées sur le crabe sillonné, Xantho sp. (photo C. Mougne).
Fig. 2 – Reconstruction of the sizes of the marine invertebrates based on fragments; a: measurements obtained from shells of common mussels, Mytilis edulis (CAD L. Quesnel); b: measurements obtained from the test of purple sea urchin Paracentrotus lividus (photograph C. Mougne);
c: measurements obtained from the furrowed crab, Xanthos sp. (photograph C. Mougne).
Exploitation et utilisation des invertébrés marins durant l’âge du Bronze sur la façade Manche-Atlantique française 361
Fig. 3 – Distribution des substrats d’origine des invertébrés marins utilisés comme aliment
pour les sites du corpus ayant au moins 60 individus (NMI = nombre minimum d’individus).
Fig. 3 – Distribution of the original substrata of the marine invertebrates used for food for the sites
of the corpus under study including at least 60 individuals (MNI = Minimum Number of Individuals).
Caroline Mougne et Catherine Dupont
362
moule commune
monodonte
patelle
coque commune
couteau
scrobiculaire
oursin violet
crabe sillonné
pouce-pied
Fig. 4 – Espèces d’invertébrés marins attestées comme consommées durant l’âge du Bronze sur la façade Manche/Atlantique française. Patelle (Patella sp.) : L = 42 mm ; monodonte (Phorcus lineatus) : L = 19 mm ; moule commune (Mytilus edulis) : L = 58 mm ;
coque commune (Cerastoderma edule) : L = 32 mm ; couteau (Solen marginatus) : L = 45 mm ; scrobiculaire (Scrobicularia plana) :
L = 35 mm ; crabe sillonné (Xantho sp.) : L = 98 mm ; pouce-pied (Pollicipes pollicipes) : L = 90 mm ; oursin violet (Paracentrotus
lividus) : L = 48 mm (photo C. Mougne).
Fig. 4 – Species of marine invertebrates attested as being consumed during the Bronze age on the French coast of the Channel/
Atlantic ocean. Limpet (Patella sp.): L = 42mm; lined top shell (Phorcus lineatus): L = 19mm; common mussel (Mytilus edulis):
L = 58mm; common cockle (Cerastoderma edule): L = 32mm; grooved razor shell (Solen marginatus): L = 45mm ; peppery furrow shell (Scrobicularia plana): L = 35mm; furrowed crab (Xantho sp.): L = 98mm; goose neck barnacle (Pollicipes pollicipes):
L = 90mm; purple sea urchin (Paracentrotus lividus): L = 48mm (photograph C. Mougne).
Pour ce qui est du Poitou-Charentes, le spectre est
différent selon les sites, même pour ceux de la même
période. Il est à noter que les populations protohistoriques de cette région ne semblent pas se focaliser sur
le ramassage d’une seule espèce, à l’inverse des régions
plus septentrionales. Il n’est ainsi pas rare que deux, trois
voire quatre espèces composent 90 % du spectre malacologique des sites du Poitou-Charentes.
Place des invertébrés marins
dans les ressources marines
L’étude des invertébrés marins s’intègre aux
recherches sur l’exploitation des ressources alimentaires
marines sur la façade Manche-Atlantique française. La
biodiversité présente sur le littoral est d’une richesse
extraordinaire autant animale que végétale, pourvoyeuse
de nombreuses ressources alimentaires comme le sel,
les poissons, les mollusques, les crustacés, les oursins,
les mammifères, les oiseaux marins, mais également les
plantes marines et les algues. Les synthèses régionales
sur la zone d’étude montrent que les habitants des territoires étudiés avaient un contact étroit avec le milieu littoral. Globalement, les produits marins identifiés comme
consommés en Basse-Normandie et en Poitou-Charentes
se résument toutefois aux mollusques (Mougne et al.,
2012, 2014 ; Mougne, 2015) et au sel (Carpentier et al.,
2006). L’apparente faible diversité des ressources marines
exploitées dans ces régions peut s’expliquer par la rareté
des assemblages fauniques étudiés pour cette période et
Exploitation et utilisation des invertébrés marins durant l’âge du Bronze sur la façade Manche-Atlantique française 363
Fig. 5 – Patelles avec potentiels stigmates anthropiques sur le site de Beg ar Loued (Île-Molène, Finistère). 1 : patelle (Patella sp.) avec traces de chauffe au niveau de l’apex (L = 40 mm) ;
2 : patelle (Patella sp.) avec traces de chauffe au niveau de l’apex (L = 22 mm) ; 3 : patelle
(Patella sp.) avec traces d’impact de collecte potentiellement anthropique (L = 58 mm ; photo
C. Mougne).
Fig. 5 – Limpets with possible traces of impacts and limpets exhibiting traces stemming from
heating at the Beg ar Loued site (Molène island, Finistère). 1: limpet (Patella sp.) exhibiting
traces stemming from heating at the level of the apex (L = 40mm), 2: limpet (Patella sp.) exhibiting traces stemming from heating at the level of the apex (L = 22mm); 3 : limpet (Patella sp.)
exhibiting impact marks stemming from possible anthropic collecting (L = 58mm; photograph
C. Mougne).
Coque (Cerastoderma edule)
Lavignon (Scrobicularia plana)
Couteau (Solen marginatus)
Monodonte (Phorcus lineatus)
Crabe sillonné (Xantho sp.)
Pouce-pied (Pollicipes pollicipes)
Oursin violet (Paracentrotus lividus)
BF
Patelle (Patella sp.)
BasseNormandi
e
Moule commune (Mytilus edulis)
Clos du Châtaigniers (NMI = 1490)
BM
Mez Notariou (NMI = 33055)
BA
Balanec (NMI = 1428)
BA
Tariec vraz (NMI = 91)
Les Batardières 2 (NMI = 98)
18 passe de l'Ecuissière (NMI = 277)
BA
Pays de la
Loire
Poitou-Charentes
Bretagne
BA
Beg ar Loued (NMI = 12154)
La Vaurie (NMI = 728)
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90% 100%
Fig. 6 – Distribution des invertébrés marins consommés durant l’âge du Bronze sur la façade Manche/Atlantique française
pour les sites du corpus ayant au moins 60 individus (NMI = nombre minimum d’individus).
Fig. 6 – Distribution of consumed marine invertebrates during the Bronze age on the French coast of the Channel/Atlantic ocean
for the sites of the corpus under study including at least 60 individuals (MNI = minimum number of individuals).
Caroline Mougne et Catherine Dupont
364
par l’absence de protocoles de prélèvement et de tamisage fin sur les chantiers archéologiques. En Bretagne,
les populations protohistoriques semblent avoir exploité
pour leur alimentation une plus grande diversité d’espèces fauniques marines, la liste s’élargissant aux crustacés (Mougne, 2015, 2019 ; Mougne et Dupont, 2020),
aux échinodermes (Mougne, 2015 ; Mougne et Dupont,
2020), aux poissons (Clavel, 2010 ; Dréano, 2012 ;
Dréano et al., 2013 ; Méniel et Clavel, 2013), aux oiseaux
(Méniel, 2010) et aux mammifères marins (Méniel et
Clavel, 2013). À cela on peut ajouter le sel (Daire, 2003).
Les habitants de cette dernière région auraient donc eu
un contact plus étroit avec le milieu littoral, exploitant
une plus grande variété de ressources, sur les îles tout au
moins.
Activités artisanales
Outre leur place dans l’alimentation, les invertébrés
marins ont également joué un rôle dans plusieurs activités artisanales au cours de l’âge du Bronze, à savoir les
activités tinctoriales, l’utilisation des coquilles pour la
confection de parures et dans l’architecture. Il est à noter
que la présence de coquilles sur les sites peut également
être le témoin de l’utilisation des algues, comme cela
pourrait être le cas sur le site de Beg ar Loued sur l’île de
Molène (Finistère) (Mougne, 2019).
Teinture
Pour ce qui est de l’utilisation du pourpre dans les
activités tinctoriales, les résultats ont été obtenus grâce
aux recherches réalisées par Catherine Dupont sur cette
thématique sur la façade atlantique française. La couleur
pourpre est extraite de la glande hypobranchiale que possèdent certains gastéropodes. Cette glande, de petite taille,
fait partie du corps du mollusque et se localise sur son
bord ventral et antérieur. Elle livre une substance jaunâtre
qui, exposée ensuite à la lumière du soleil, devient successivement verte puis violacée avant de prendre une
couleur pourpre. Sur la façade atlantique française, deux
gastéropodes possèdent une glande hypobranchiale tinctoriale. Il s’agit du pourpre (Nucella lapillus) et du murex
(Ocenebra erinaceus ; Dupont, 2011 et 2013 ; fig. 7).
Plusieurs critères permettent de démontrer l’usage
tinctorial de ces deux coquillages. Le critère pris systématiquement en compte est le système de cassure des tests,
pour prélever la glande. La première technique consiste
à donner un coup sec sur la coquille, avec un outil type
galet ou un objet métallique, au niveau du dernier tour
de spire (Dupont, 2013). Un morceau de la coquille se
brise à cet endroit et découvre ainsi la partie du corps
du gastéropode comportant la glande tinctoriale. Il reste
ensuite à la prélever du mollusque vivant. La deuxième
technique, plus rapide, consiste à broyer la coquille avec
la chair de l’animal. Dans ce cas, la coquille est entièrement cassée en petits fragments (Cocaign, 1992 ; Dupont,
2013 ; Dupont et Doyen, 2017). Une typologie des restes
de coquilles de pourpre découverts en contexte archéolo-
gique a été développée par Yves Gruet (Gruet, 1993) et
complétée par Catherine Dupont (Dupont, 2011 et 2013)
dans le but d’identifier, entre autres, les fractures de la
coquille dues à l’extraction de la glande hypobranchiale.
D’autres critères existent, comme une concentration en
milieu archéologique de l’une de ces deux espèces de
gastéropodes, l’association du pourpre et du murex sur
un même site et enfin l’existence d’individus de moins
de 20 mm, qui n’ont probablement pas été consommés de
par leur petite taille (Dupont, 2011 et 2013).
Cette utilisation est attestée uniquement en Bretagne
pour l’âge du Bronze sur le site de Tariec Vraz (Finistère). Cette occupation a livré six pourpres dont les tests
présentent des cassures au niveau du dernier tour de
spire, typiques d’un prélèvement de sa glande tinctoriale.
Cette utilisation serait la plus ancienne attestée en France
(Dupont, 2008), ce qui est une information nouvelle pour
l’ouest de la Gaule. En effet cette activité n’était assurée jusqu’à présent qu’après la conquête romaine sur tout
le territoire français. Le choix privilégie du pourpre est
potentiellement dû à un facteur d’accessibilité (fig. 7). En
effet, il peut être collecté relativement facilement dès le
moyen estran, alors que le murex ne se rencontre qu’à
partir du bas estran, donc plus rarement (Fretter et Graham, 1984 ; Poppe et Goto, 1991).
L’importance de cette activité, même si elle semble
attestée, reste toutefois à nuancer. En effet, les quantités
de fragments de pourpre découverts, et donc de colorant
produit, sont faibles comparées par exemple à celles des
murex utilisés en Méditerranée durant l’âge du Bronze
(Reese 1987 ; Aloupi et al., 1990 ; Stieglitz 1994 ; Minniti, 2005 ; Ruscillo 2005 ; Carannante, 2014). Dans le cas
du site de Tariec Vraz, qui possède un petit lot de pourpre,
la glande a pu être utilisée directement pour teindre un
tissu ou la peau. D’après certaines expérimentations
réalisées par Jean-Yves Cocaign, cette technique primitive permettait de garder la teinte après même plusieurs
lavages. La présence de petites quantités de pourpres ou
de murex dans les couches archéologiques pourrait attester de la pratique de cette méthode traditionnelle, facile
à mettre en œuvre et pouvant être réalisée sans l’apport
d’un savoir-faire extérieur (Cocaign, 1997).
Cette activité à cette période semble donc, d’après
les données obtenues, sporadique sur la façade atlantique
française.
Parure
Neuf sites de l’âge du Bronze ayant livré des éléments de parure en coquille marine ont été inventoriés
sur la façade Manche-Atlantique française, dont quatre
ont fait l’objet d’une étude approfondie (fig. 8 ; tabl. 2).
Il s’agit de ZAC du Clos Neuf à Démouville (Calvados), de Mez Notariou à Ouessant (Finistère), du Mas
de Champ Redon à Luxé (Charente) et de la Vaurie à
Périgny (Charente-Maritime). Au total, quatre espèces
de coquilles au moins ont servi de matière première, à
savoir le cyprée (Trivia monacha), la littorine obtuse
(Littorina obtusata), le dentale (Antalis sp.) et la coque
Exploitation et utilisation des invertébrés marins durant l’âge du Bronze sur la façade Manche-Atlantique française 365
Fig. 7 – Espèces de gastéropodes exploitées pour leur propriété tinctoriale (photo C. Mougne).
1 : pourpre (Nucella lapillus ; L = 32 mm) ; 2 : murex (Ocenebra erinaceus ; L = 39 mm).
Fig. 7 – Species of gastropods exploited for their dyeing properties (photograph C. Mougne).
1: dog whelk (Nucella lapillus; L = 32 mm); European sting winkle (Ocenebra erinaceus; L = 39 mm).
(Cerastoderma sp.) La sélection de ces quatre espèces
identifiées en tant que matière première pour réaliser
des perles n’est pas fortuite. Le dentale est en effet bien
adapté à la confection de parure car il possède naturellement deux orifices permettant le passage d’un lien et une
forme effilée. Le choix des tests de coque pour la fabrication des perles discoïdes n’est pas non plus un hasard.
Cette coquille possède une texture moins dure que celle
d’autres bivalves et coquillages marins en général (Ricou
et al., 2009). De plus, la coque fournit une matière première d’une épaisseur suffisante et d’une surface lisse et
peu convexe. C’est probablement pour ces raisons que
la coque et plus largement les espèces de la famille des
Cardiidés sont fréquemment choisies pour la fabrication
de ce type de perles (Taborin 1974a, p. 141). Quant au
cyprée et à la littorine obtuse, il est possible que leur
choix relève de critères esthétiques et d’une préférence
pour les petites tailles.
Les coquilles pouvaient être percées simplement par
abrasion (cyprée, littorine obtuse et coques). Les tronçons
de dentale pouvaient, quant à eux, être écourtés par sciage
ou flexion, pour agrandir les perforations naturelles de
leurs extrémités. Les coquilles de coques pouvaient également être façonnées pour obtenir des perles discoïdes
(Mougne, 2015 ; Mougne et al., 2018).
La petite taille du dentale, du cyprée et de la littorine
obtuse laisse penser que ces coquillages n’ont probablement pas été consommés avant d’être utilisés comme
parure. Le fait que le dentale vit dans la zone subtidale,
constamment immergée (Poppe et Goto, 1993), appuie
l’idée qu’il a été ramassé par les hommes à l’état d’épave
sur l’estran. Cela semble également le cas pour le cyprée
et la littorine obtuse, au vu de leur taille, généralement
inférieures à 10 mm. Pour ce qui est de la coque, elle est
consommée durant l’âge du Bronze et l’âge du Fer. Toutefois, sur plusieurs perles discoïdes du Mas de Champ
Redon, des traces de l’action de vers marins de la famille
des annélides, pouvant faire penser au genre Polydora,
ont été observées. Ces vers creusent des galeries en forme
de virgule, reconnaissables par deux perforations associées au niveau du percement de la surface des coquilles.
Certaines de ces galeries ont percé toute l’épaisseur du
test. Cette observation indique une collecte de coquillesépaves. Les hommes semblent avoir ramassé volontairement certaines espèces de coquilles échouées sur la plage
pour confectionner des éléments de parure. Le recyclage
des tests après consommation du mollusque n’était pas
pratiqué dans ce cas précis. En effet, les taxons utilisés
pour les parures sont très souvent différents de ceux collectés pour l’alimentation. Les communautés protohistoriques dissociaient les espèces de coquilles servant pour
l’ornementation corporelle de celles consommées. Cette
différentiation est d’ailleurs perceptible dès le Mésolithique et au Néolithique sur la façade atlantique française (Dupont, 2006 et 2012).
La collection étudiée se caractérise par son hétérogénéité, autant d’un point de vue géographique, chronologique, contextuel que morphologique. Durant l’âge du
Bronze, on rencontre deux types de parures : l’une, ordinaire, a été utilisée dans la vie quotidienne sur la bande
littorale comme à Mez Notariou (Ouessant, Finistère);
l’autre, plus élaborée, a été découverte en contexte funéraire dans l’arrière-pays comme à Champ Redon (Luxé,
Charente). Il semblerait qu’à l’âge du Bronze la coquille
soit remplacée progressivement par les métaux pour la
confection de la parure. La diminution de l’utilisation des
tests coquilliers pour la fabrication d’éléments de parure
semble liée à l’utilisation des métaux. En effet, le cuivre
et le bronze sont des matériaux plus résistants, qui permettent aussi de créer des formes plus complexes irréalisables à partir de coquilles.
Architecture
Parfois, les restes d’invertébrés marins, particulièrement les coquilles de mollusques, sont aussi utilisés comme matériaux de construction. Sur la façade
atlantique française à l’âge du Bronze, le recyclage de
Caroline Mougne et Catherine Dupont
366
Fig. 8 – Carte de répartition des sites de l’âge du Bronze livrant des parures en test coquillier marin
en lien avec la façade Manche/Atlantique française (photos et carte C. Mougne et C. Dupont).
Fig. 8 – Distribution map of the Bronze age sites that yielded personal ornaments made of marine shell test
related to the French coast of the Channel/Atlantic ocean (photographs and map C. Mougne and C. Dupont).
coquilles consommées en tant que matériaux de construction concerne un taxon principalement, à savoir la patelle.
La réutilisation des coquilles est également due aux propriétés physico-chimiques de ces dernières. Le choix
de la patelle s’explique par son volume et sa résistance
aux pressions mécaniques naturelles ou anthropiques.
De plus, elle permet de drainer les flux d’eau et évite au
cycle de l’eau d’être interrompu car elle laisse le liquide
s’infiltrer dans les intervalles, ce qui prévient contre les
inondations. La coquille est de plus perméable et de par
sa matière calcaire, absorbe l’humidité ambiante souvent
importante en milieu côtier et insulaire, permettant un
meilleur confort sur les chemins, les routes et à l’intérieur
de l’habitat. Leur utilisation dans les aménagements est
proportionnellement liée à l’importance de leur consommation.
Le site de Beg ar Loued à Île-Molène dans le Finistère a livré des coquilles utilisées dans la construction
du bâtiment attribué au Bronze ancien (Mougne, 2019 ;
ici : fig. 9). Il s’agit essentiellement de patelles (Patella
N°
Nom du site
1
2
ZAC du Clos
Neuf
Commune
Dpt
Nature
du site
Type de
structure
Attribution
chronologique
Emplacement
sur le corps
ChausséeTirancourt
Somme
≈ 50 km
funéraire
Démouville
Calvados
≈ 15 km
funéraire
tombe
individuelle
Bronze
au niveau de
la poitrine
Bronze ancien
et moyen
Bronze ancien
sur la poitrine
Finistère
≈ 40 km
funéraire
tombe
individuelle
sous tumulus
Ouessant
Finistère
≈ 4 km
cultuel
fosse
≈ 5 km
domestique
3
Reuniou 1
(Nord)
Berrien
4
Mez Notariou
Etudié
5
Le Palut
Saint-Léger
6
La Vaurie
Périgny
CharenteMaritime
≈ 5 km
cultuel ?
enclos et TP
Campaniforme/
Bronze ancien
7
Champ Redon
Luxé
CharenteMaritime
≈ 100 km
funéraire
tombe
individuelle
Bronze ancien
8
Renardières
Les Pins
Charente
≈ 100 km
funéraire
Bronze ancien
9
Perrats
Agris
Charente
≈ 100 km
funéraire
Bronze ancien
Âge de
l’individu
?
Bronze moyen
CharenteMaritime
Nombre
d’éléments
x
perle
discoïde
dentale
coque
cyprée
littorine
obtuse
x
x
un enfant de
8 ans
?
x
5
x
32 et 7
x
x
x
x
4
x
5
x
Du Chatellier,
1907, p. 192-194 ;
Briard, 1984
Bouchet et al.,
1990
x
x
Opitresco-Dodd
et al., 1978
Mougne, 2015
x
Dupont et
Le Merrer, 2011
x
un adulte et
un enfant
(7/8 ans)
Références
biblio.
Mougne, 2015
x
2
x
indét.
x
?
Campaniforme/
Bronze ancien
Entre le crâne
et l’épaule
6
coquille
percée
Espèces
Mougne, 2015 ;
Mougne et al.,
sous presse
x
x
x
Tabl. 2 – Inventaire des sites de l’âge du Bronze livrant des éléments de parure en test coquillier marin sur la façade Manche-Atlantique française.
Table 2 – Inventory of Bronze Age sites with ornamental elements in marine shell test on the French Channel-Atlantic coast.
Boulestin et
Gomez de Soto,
2003
Laporte, 2009,
p. 526
Exploitation et utilisation des invertébrés marins durant l’âge du Bronze sur la façade Manche-Atlantique française 367
Type
Nombre de km
du trait de côte
actuel environ
Caroline Mougne et Catherine Dupont
368
Fig. 9 – Comblement entre les murs composé presque exclusivement de patelles
sur le site de Beg ar Loued sur (île de Molène, Finistère) daté de l’âge du Bronze ancien (Dupont, 2012).
Fig. 9 – Filling between the walls almost exclusively composed of limpets at the Beg ar Loued site
(Molène island, Finistère) dated to the Early Bronze Age (Dupont, 2012).
sp.), disposées en grand nombre dans le comblement
situé entre les deux parements. Ces coquilles semblent
provenir de déchets de consommation. En effet, des restes
de poissons et de mammifères, des pièces lithiques, des
meules et de la terre étaient associés aux nombreuses
patelles et autres petits fragments d’invertébrés marins.
Exploitation et utilisation des invertébrés marins durant l’âge du Bronze sur la façade Manche-Atlantique française 369
Sur ce site, les habitants ont assuré la gestion de leurs
propres déchets ou d’anciens dépotoirs domestiques, probablement volumineux, en les recyclant en partie dans
l’architecture. Encore aujourd’hui, certains murs sur l’île
de Molène possèdent dans leur comblement des coquilles
marines.
Aussi les coquilles peuvent parfois être utilisées pour
la décoration d’éléments architecturaux, de murs ou de
pavements de sol. Pour exemple, sur le site archéologique
de Mez Notariou sur l’île de Ouessant (Finistère), dans
les niveaux du Bronze moyen du secteur 2, des restes
d’argile cuite (S. 2560) appartenant à une ou plusieurs
voûtes de fours ont été découverts. Ces fragments d’argile sont ornés, sur leur partie externe, par des empreintes
bien marquées de coquilles de patelles et de doigts (Le
Bihan et al., 2010, p. 92-93 ; Le Bihan, 2011). La fonction de ces fours, d’où proviennent les fragments, n’est
néanmoins pas déterminée. Ils auraient pu servir à des
activités artisanales comme la cuisson de céramiques,
ou domestiques. Il est à noter que plusieurs coquilles
de patelles contenant de la terre cuite ont également été
observées dans les niveaux du Bronze moyen (US 249 ;
Le Bihan et al., 2007 ; Le Bihan et al., 2010, p. 156). Il
est fort probable que ces patelles aient été plaquées contre
des parois d’argile crue ornant la paroi des fours avant
de s’en détacher. Malheureusement, ces coquilles n’ont
pas été collectées par les fouilleurs ou ont été perdues.
Leur étude n’a donc pas été réalisée. Les patelles sur les
parois de fours jouaient probablement un rôle décoratif
ou calorifique.
Pratiques funéraires et cultuelles
Les découvertes archéologiques de ces dernières
décennies montrent que les invertébrés marins jouaient
un rôle non négligeable au sein du système de pensée et
de croyances des hommes et des femmes de cette période.
Des restes d’invertébrés marins sont ainsi parfois repérés
en contextes funéraire ou cultuel sous la forme de dépôts
votifs ou d’offrandes alimentaires et de reliefs de repas
rituels ou communautaires. Ils peuvent être découverts
au sein de nécropoles dans, ou à côté, de tombes, dans
des sanctuaires, des habitats ou encore des endroits isolés.
Chaque contexte ne se caractérise pas par un assemblage
spécifique, que ce soit au niveau des espèces choisies
ou des objets associés. Il est ainsi ardu de différencier
ces pratiques, qui correspondent à des manières de faire
et de penser distinctes. Le choix a été fait de regrouper
les témoignages d’ordre funéraire et cultuel au sein d’un
même chapitre. Certains semblent relever de traditions
similaires alors que d’autres diffèrent.
Invertébrés marins dans les dépôts alimentaires
au cours de repas funéraires
Des invertébrés marins ont pu servir de dépôts alimentaires ou être consommés au cours de repas funéraires (tabl. 3).
Durant l’âge du Bronze, de petits amas de coquilles
ont été découverts près ou dans des tumulus, des coffres
et des tombes en pleine terre, notamment en Bretagne
dans le département du Finistère. L’importance des données issues de ce département présentées ci-après s’explique en grande partie par les recherches effectuées dans
le cadre de la base « Bronze funéraire Finistère » (2). Il est
fort probable que les autres départements bretons, aient
aussi connu ce type de pratique.
Plusieurs tumulus à Clohars-Carnoet à Douélan ont
livré des lots de coquilles marines, accompagnés de
restes de poissons et de mammifères (Du Chatellier,
1889, p. 200 et 1907, p. 353). De nombreuses coquilles,
essentiellement de patelles, palourdes et huîtres, ont
également été observées dans des coffres funéraires à
Lestohan à Douarnenez (Du Chatellier, 1907, p. 265).
À Ty Guen à Locquirec, elles étaient associées à des
ossements de mammifères (Briard 1984) et à Primel
Trégastel à Plougasnou où des restes de patelles et de
moules étaient placés dans deux tombes, près de la
tête du défunt pour l’une d’entre elles (Du Chatellier,
1907, p. 81). Aucun de ces lots n’a cependant été étudié.
Découverts lors d’anciennes fouilles, ils n’ont généralement pas été prélevés. Malgré tout, les espèces observées sont consommées à cette période et leur association avec des restes de mammifères et de poissons laisse
penser que ces coquilles marines ont pu être déposées
comme viatique funéraire ou constituent les restes d’un
repas funéraire.
À l’âge du Bronze, des exemples sur les côtes méditerranéennes viennent compléter ce tableau. Il s’agit
de la nécropole de l’îlot des Porros à Santa Margalida
(Majorque), du Bronze final et du début de l’âge du Fer,
où plusieurs squelettes ont été découverts en lien avec
des coquillages marins comme la patelle (Patella spp.),
la gibbule toupie (Phorcus turbinatus), le spondyle piedd’âne (Spondylus gaederopus), le pourpre bouche de sang
(Stramonita haemastoma) et l’amande (Glycymeris spp. ;
Ángel Vicens et al., 2014).
Invertébrés marins en contexte cultuel
La majorité des coquilles marines trouvées au sein de
dépôts cultuels ont soit servi d’offrandes alimentaires,
soit été consommées au cours d’un repas lié à la réalisation même du dépôt.
Invertébrés marins en lien
avec des dépôts métalliques isolés
À l’âge du Bronze, certains dépôts de métal étaient
associés à des coquillages marins (tabl. 3). Aucun de
ces lots de coquilles, issus de découvertes remontant au
milieu du XXe siècle, n’a fait l’objet ni d’une étude ni
même d’un ramassage. Toutefois, les observations indiquées par les inventeurs méritent qu’on s’y intéresse de
plus près. Sur l’île de Penfret dans les Glénans à Fouesnant (Finistère), un dépôt de haches à talon de type
breton du Bronze moyen était accolé à des coquillages
marins (Giot, 1975, p. 530 ; Pennors, 2004, p. 107).
370
Site
Localité
Région
Période
Type de structure
Clohars-Carnoet
Douélan
Bretagne
Bronze
tumulus
x
Lestohan
Douarnenez
Bretagne
Bronze
coffre
x
Ty Guen
Locquirec
Bretagne
Bronze
coffre
x
Primel Tregastel
Plougasnou
Bretagne
Bronze
coffres
x
Ile Penfert (Glénan)
Fouesant
Bretagne
Bronze moyen
dépôt
Lestalia
Plomeur
Bretagne
Bronze final
Lividic
PlouneourTrez
Bretagne
Bronze final
Mez Notariou
Ouessant
Bretagne
Bronze moyen à
l’époque gallo-romaine
La Vaurie
Périgny
PoitouCharentes
Bronze ancien
oursin
crabe
pouce-pied
Ostreidae
Veneridae
Mytilidae
Patellidae
Solenidae
Espèces de coquillages
non précisées
Offrande alimentaire
ou repas funéraire
À Lestalia à Plomeur (Finistère), un dépôt de haches à
douille et de haches à aileron du Bronze final aurait été
trouvé dans un foyer rempli de charbon, d’argile cuite
et de coquilles de patelles (Le Roux et Briard, 1970).
Enfin, à Lividic à Plouneour-Trez (Finistère), un dépôt
métallique du Bronze final, composé entre autres de
bracelets à fermoir décorés, était placé dans une poche
Espèces majoritaires
choisies
Contexte
Références bibliographiques
Contexte funéraire
x
Du Chatellier, 1889, p. 200 et 1907, p. 353
x
x
x
Du Chatellier, 1907, p. 265
x
Briard, 1984
x
x
Du Chatellier, 1907, p. 81
x
x
Pennors, 2004, p. 107 ; Giot, 1975, p. 530
dépôt
x
x
Le Roux, Briard, 1970
dépôt
x
x
Giot, 1967
x
x
Dépôt isolés en lien avec
des objets métalliques
dépôt au sein d’un
cercle
x
x
x
x
x
Mougne, 2015
Vacher, 2011 ; Dupont et Merrer, 2011
Tabl. 3 – Restes coquilliers enregistrés dans l’inventaire comme appartenant à un événement funéraire, cultuel
ou à un dépôt daté de l’âge du Bronze sur la façade Manche-Atlantique française
Table 3 – Shell remains recorded in the inventory as belonging to a funerary or ritual event
or to a Bronze Age deposits on the French Channel-Atlantic coast.
Caroline Mougne et Catherine Dupont
de coquilles de patelles (Giot, 1967). Ces dépôts sont
uniquement localisés dans le Finistère. Cela est certainement dû à l’état de la recherche (3). De par les espèces
mentionnées, ces coquilles pourraient correspondre à
des restes de repas rituels ou à des offrandes alimentaires et seraient directement liées aux pratiques des
dépôts d’objets métalliques.
Contexte cultuel
Exploitation et utilisation des invertébrés marins durant l’âge du Bronze sur la façade Manche-Atlantique française 371
Dépôts en contexte cultuel
En contexte cultuel, deux exemples sont connus pour
l’âge du Bronze sur la façade atlantique française.
Le premier assemblage concerne un dépôt de couteaux (Solen marginatus) découvert sur le site de la
Vaurie à Périgny (Charente-Maritime), dans un enclos
circulaire à vocation probablement cultuelle, daté du
Campaniforme ou du Bronze ancien (fig. 10). Ces couteaux semblent avoir été consommés et, d’après leur disposition, leur consommation a pu être réalisée sur place
dans un laps de temps relativement court, lors d’un seul
et même repas. La composition quasi monospécifique de
ce dépôt est à souligner et seuls de rares restes de scrobiculaire (Scrobicularia plana) ont également été identifiés
dans le même assemblage (Dupont et Le Merrer, 2011).
Les couteaux sont de plus rarement présents en contexte
archéologique et le plus souvent en petit nombre, ce qui
fait de cet assemblage un cas unique à ce jour pour la
Protohistoire sur la façade atlantique française.
Le deuxième assemblage se localise à Mez Notariou à Ouessant (Finistère), où un secteur fréquenté du
Bronze moyen à l’époque romaine a été identifié comme
un espace rituel, de par la sélection et l’organisation des
ossements d’animaux (Le Bihan et al., 2010). De nombreux restes d’invertébrés marins y ont été découverts,
accompagnés d’ossements de mammifères terrestres et
marins, d’oiseaux et de poissons. Les données archéomalacologiques montrent que les restes d’invertébrés marins
proviennent certainement d’une consommation alimentaire, réalisée au cours de repas collectifs à caractère singulier. Les patelles sont très abondantes dans ce secteur,
estimées à 300 000 individus environ (Méniel et Clavel,
2013). À cela s’ajoute la présence de pouces-pieds, d’oursins, de tourteaux et de crabes sillonnés, qui constituent
des mets relativement rares.
Ces deux exemples témoignent de la présence de
restes vraisemblablement issus de repas d’ordre cultuel,
peut-être couplés à des offrandes alimentaires dans le cas
du site de Mez Notariou.
Les espèces d’invertébrés marins intervenant dans les
pratiques funéraires et cultuelles varient en fonction des
régions. Il s’agit le plus souvent de taxons consommés de
manière régulière et faisant partie du régime alimentaire,
comme la patelle en Bretagne. Le couteau est également
consommé à la Vaurie à Périgny. Il est à noter que ce dernier taxon est très rarement découvert en contexte archéologique, ce qui souligne le caractère singulier de ce dépôt.
Les oursins, les pouces-pieds ou les crabes sont, quant à
eux, consommés durant de probables repas collectifs à
Mez Notariou à Ouessant.
Que pouvons-nous appréhender de la religion à travers ces seules manifestations matérielles protohistoriques ? Reconstituer un rite ou son sens est complexe. Il
comprend des objets, des offrandes, des restes de repas,
mais également des paroles et des gestes effectués par les
officiants et autres participants, qui ne laissent aucune
trace (Méniel, 2008). Les événements peuvent être liés à
la célébration d’un succès militaire ou l’assise d’un pouvoir politique. Ils peuvent également être réalisés dans
le but de remédier à des difficultés individuelles ou collectives (conflits, mauvaises récoltes, catastrophes naturelles, etc.). Toute une gamme de pratiques et d’événements est donc à prendre en considération. Les quelques
témoignages exposés ici semblent le plus souvent concerner des repas communautaires ou des dépôts alimentaires. Mais les exemples restent à l’heure actuelle peu
nombreux et demandent à être complétés par de nouvelles
découvertes.
CONCLUSIONS
L’étude des restes coquilliers marins pour l’âge du
Bronze n’en est qu’à ses débuts, et les premières données
obtenues sont prometteuses et innovantes. Malgré l’état
fragmentaire du matériel malacologique, les méthodes
appliquées et développées permettent d’acquérir de nouvelles données sur l’économie de subsistance. Les invertébrés marins sont largement consommés sur la bande
littorale jusqu’à 15 km environ du trait de côte actuel.
Il faudra attendre la fin de l’âge du Fer pour observer
des échanges de produits marins frais dans l’arrière-pays
(Mougne, 2015). Les autres utilisations des invertébrés
marins dans les pratiques funéraires et cultuelles mais
aussi dans les activités artisanales tels que la teinture, la
parure, ou dans l’architecture soulignent les implications
des ces animaux marins dans de nombreux domaines de
la vie des communautés protohistoriques. Cette diversité
d’activités étudiée nous permet d’aborder ainsi des thématiques inédites pour l’âge du Bronze.
NOTES
(1) Soutenance de thèse le 25 février 2015 à l’université de
Rennes 1, devant un jury composé de Jean-Denis Vigne,
(président), Daniella E. Bar-Yosef Mayer (rapporteur),
Patrice Méniel (rapporteur), Marie-Yvane Daire (examinateur), Claude Mordant (examinateur), José Gomez de Soto
(directeur de la thèse) et Catherine Dupont (co-directrice de
la thèse)
(2) Alimentée régulièrement par Muriel Fily, Clément Nicolas
et Yvan Pailler.
(3) En effet, une documentation abondante n’est disponible que
pour ce seul département breton (Fily, 2008).
Caroline Mougne et Catherine Dupont
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Caroline Mougne
UMR 6566 « CReAAH »
Laboratoire Archéosciences, Bât. 24-25
université de Rennes 1 – Campus de Beaulieu
F-35042 RENNES cedex
caroline.mougne@gmail.com
Catherine Dupont
CNRS, UMR 6566 « CReAAH »
Laboratoire Archéosciences, Bât. 24-25
université de Rennes 1 – Campus de Beaulieu
F-35042 Rennes cedex
catherine.dupont@univ-rennes1.fr