Les grands essartages du XIIe s. dans le domaine royal et la formation d'un paysage
médiéval, étude archéogéographique de Villeneuve-sur-Verberie (Oise, Hauts-deFrance)
La période qui s’étend du troisième quart du XII e siècle aux années 1280, c’est-à-dire le siècle
correspondant au Moyen Age classique, se caractérise dans le Bassin Parisien par un essor économique
prodigieux. Ce développement est commun à toute l’Europe du Nord-Ouest, et pour l’expliquer, on met
de plus en plus souvent en avant des raisons climatiques. « L’Europe occidentale, par une régularité
thermique fraîche, nécessaire à sa production céréalière comme à celle des herbages, a connu un
gonflement démographique... La Picardie est apparue durant le Moyen Age comme un lieu de
convergence, à la fois des intérêts politiques et des convoitises économiques, surtout quand se furent
définies, à son pourtour, trois aires de puissance et de coutumes originales, qui tentèrent de contrôler ces
terres riches en hommes et en grains : la Flandre [...] la Normandie [...] la « France » [...] On comptait en
Picardie au XIII e siècle environ 2 millions d’habitants [...]. Peu de régions de France ont offert, aussi tôt
et aussi complètement, l’aspect d’une campagne humanisée »1. En fait, R. Fossier date le principal essor
démographique et économique des années 1175 à 1225 environ. La période suivante, de 1225 à 1275 est
selon lui davantage une période de stabilisation économique et de saturation démographique.
Précédant de peu cet essor économique, la décennie 1150-1160 paraît marquer le début de la colonisation
en grand du sol dans le Senlissois2. Un léger retard semble cependant caractériser la région, déjà très exploitée. Ce
grand mouvement d’essartages commence en effet dans les années 1130 en région parisienne3 comme en
Picardie4. D’après Ph. Thuillot, le premier grand contrat d’essartage ne date que de 1152, il concerne 80 arpents
vers Chaâlis, mais il n’est suivi d’effet qu’en 1161. Toujours dans la région de Senlis, les derniers essarts sont
mentionnés en 1273 à Glaignes5.
La création de villages neufs dans la région de Senlis, comme ailleurs, répond à des motifs avant tout
économiques et politiques. Nous sommes dans le domaine royal, et les implantations humaines créées soit
directement par le roi soit par les monastères comme Saint-Nicolas d’Acy ou Saint-Corneille de Compiègne
renforcent le poids de l’autorité du monarque et de ses officiers (les Bouteillers par exemple) face aux puissants
vassaux comme les seigneurs de Crépy.
Dans le périmètre de ce qui deviendra le département de l’Oise, la toponymie nous livre 19 neuvilles,
neufchelles (nova casa) ou villeneuves6. Dans la région de Senlis, les seules villeneuves connues sont Villeneuvelès-Auger (citée vers 1095), La Villeneuve-sous-Thury (1202) et la villeneuve avortée de la Houatte, près de
Rully (vers 1160). Quelques actes prévoient la création de villeneuves : à Boasnes en 1180, Guy le Bouteiller
envisage de bâtir des masures. Lorsque l’on étudie le plan de ces villeneuves (voir figure 1 ), on est frappé par leur
manque évident de régularité. A t-il existé un plan préconçu et a t-il disparu ? On remarque parfois des ruelles qui
forment des angles droits sans raison apparente comme à La Neuville-Saint-Pierre, La Neuville-Vault, La
Neuville-sur-Auneuil ou La Neuville-Garnier, mais on ne peut pas vraiment parler de plan orthonormé. Trois
villeneuves présentent tout de même une ébauche de plan régulier : La Neuville-en-Hez, créée par le comte Raoul
de Clermont en 1187 offre, de part et d’autre d’un axe central, plusieurs ruelles orientées à 45°. La Neuville-Roy,
créée et fortifiée par Philippe Auguste, montre un rectangle de 200 m par 400 m traversé de ruelles se croisant à
angles droits (figure 2). Enfin, Villeneuve-les-Sablons présente le plan le plus achevé : de part et d’autre d’un axe
central, des ruelles formant des angles droits délimitent 4 lots transversaux et un lot longitudinal de tailles
approximativement identiques (≈ 70 m de large pour ≈ 400 m de long soit ≈ 28000 m²). Mais aucune de ces
villeneuves ne montre un plan aussi régulier que celui de Villeneuve-sur-Verberie (figure 3).
En plus de ce plan régulier, le cas de Villeneuve-sur-Verberie présente plusieurs centres d’intérêt : d'abord
parce qu’il s’agit d’une réussite (La Villeneuve de Cires-les-Mello, Villeneuve-les-Auger, Neuvillette et d’autres
1
FOSSIER (R.), dir., Histoire de la Picardie, Toulouse, 1974.
THUILLOT (Ph.), « Défrichements de villeneuves, l’occupation du sol en région senlisienne au Moyen Age »,
Mémoires de la Société Historique et Archéologique de Senlis, 1990/1991, p. 233-244.
3
HIGOUNET (Ch.) Défrichements et villeneuves du Bassin Parisien, Paris, 1990, p. 47.
4
FOSSIER (R.), La terre et les hommes en Picardie jusqu’au XIIIème siècle, Louvain-Paris, 1968.
5
« Le chapitre cathédral de Senlis achète la dîme de 180 arpents de terre in territorio de Glana...in loco que les
essars vulgariter nuncupatur » (Thuillot, op. cit. )
6
Villeneuve-sur-Verberie, La Villeneuve (Cires-lès-Mello), Villeneuve-lès-Auger (Auger-Saint-Vincent),
Villeneuve-les-Sablons, La Villeneuve-sous-Thury, Neufchelles, Neuville-Bosc, La Neuville-d’Aumont, La
Neuville-en-Hez, La Neuville-Garnier, La Neuville-Moliens (Moliens), La Neuville-Roy, La Neuville-Saint-Pierre,
La Neuville-sur-Auneuil (Auneuil), La Neuville-sur-Oudeuil, La Neuville-sur-Ressons, Neuvillette (Fleury), La
Neuville-Vaux et Novillers-les-Cailloux.
2
1
sont aujourd’hui d’infimes hameaux), ensuite parce que les villeneuves sont rares dans la région de Senlis, et que
le rôle politique de Villeneuve-sur-Verberie est important, c’est une des seules à exister dans le domaine royal,
enfin parce cette fondation entraîne la mise en place d’un paysage médiéval planifié à la périphérie d’un terroir
organisé depuis longtemps, le terroir du Rouanne. Nous verrons également que les essartages semblent ici
particulièrement précoces.
Il est nécessaire en premier lieu de déterminer quand a été créée cette villeneuve, puis nous tenterons de
comprendre comment s’est formé le plan de la partie bâtie, le réseau viaire et le paysage rural qui l’entoure. Il
faudra ensuite comprendre les raisons, politiques ou autres, qui ont fait choisir le site de Villeneuve avant de
replacer la fondation de la villeneuve dans le mouvement d’essartages qui touche la région à cette époque. Enfin,
il faudra déterminer le rôle joué par le roi dans cette implantation.
Présentation géographique.
Le territoire de Villeneuve-sur-Verberie sur Verberie, dans ses limites du XVIII e siècle (c’est-à-dire sans
les paroisses de Noël-Saint-Martin et d’Yvillers) est tout entier placé sur le plateau du Valois, composé ici de
sables et grès de Beauchamp (Bartonien inférieur) et dominant la vallée de l’Oise. Epais d’une vingtaine de
mètres, ces sables sont intensément exploités aujourd’hui pour l’industrie électronique (silicone) et la verrerie
(carrière de Villeneuve, du Haut-Montel...). Ce plateau, d’une altitude moyenne de 110 m, est pourvu
d’entablements gréseux et, sur sa partie nord, d’un important plaquage loessique favorable aux labours. Audessous, les argiles de Villeneuve-sur-Verberie (Bartonien inférieur), épaisses de moins de 5 m, ont été exploitées
au XIXe siècle. Villeneuve est encadrée par trois buttes témoins calcaires du Bartonien moyen (Haut-Montel, 152
m), du Stampien (Margamin, 203 m) et du Stampien supérieur (Mont Pagnotte, 222 m). Le réseau
hydrographique est absent, seules des mares ont existé dans et au-dessus du village et une fontaine SaintBarthélémy, située au sommet des argiles vertes du Stampien inférieur (Mont Pagnotte), a dû alimenter les
habitations situées en contrebas.
La toponymie, l’architecture, la prospection, l’archéologie laissent penser
qu’une villeneuve a été créée aux confins du domaine royal.
La question se pose tout d’abord de savoir à quelle époque cette villeneuve a été édifiée. « Les villeneuves
médiévales ont retenu depuis longtemps l’attention des historiens. Elles marquent dans les textes et souvent dans
les paysages, l’étape essentielle de l’occupation du sol que sont les grands défrichements des XIe-XIIIe siècles. »7.
Si plusieurs sites d’habitats gallo-romains ont été localisés en prospection aux alentours de Villeneuve8 (La
Couture, Au Dessus-du-Presbytère, Le Chemin-Blanc, Le Buisson-aux-Anes, La Fosse-Bouteillère...), il
semblerait qu’aucun habitat du haut Moyen Age n’existe aux abords du site de Villeneuve (figure 4). Les
mentions relevées par Emile Lambert 9 (Villa nova en 872 et 902) dans des actes de Charles le Chauve et de
Charles le Simple ne semblent pas s’appliquer à Villeneuve-sur-Verberie. Les mentions de 87210 situent une Villa
nova in pago Tornecensi (Tournaisis) et l’autre près de Teodaxio (Thiais). Dans le deuxième cas, il s’agit sans
doute de la villeneuve royale de Villeneuve-Saint-Georges. Quant à la mention de 902, elle n’apparaît pas dans les
actes de Charles le Simple11, on ne rencontre que « actum Villa nova » dans un acte du 31 octobre 901, ce qui
laisse croire à la présence d’un palais royal en ce lieu. Il semblerait que là encore, Emile Lambert ait confondu
avec Villeneuve-Saint-Georges où un palatium est connu.
De la même manière, la titulature de l’église à saint Barthélémy, n’est pas très ancienne, ce patronage ne
semble pas remonter avant l’an mil dans notre région, même si une église funéraire Saint-Barthélémy est bâtie au
VIIe siècle à proximité de Saint-Denis, près de Paris. De même, aucune partie de l’église ne semble remonter
avant le XIIe siècle. Aucune étude exhaustive n’a jusqu’à présent été faite sur cette église, contrairement à Rhuis
et Noël-Saint-Martin. Toutefois D. Vermand12 la présente brièvement :
7
ABBE (J.-L.) « Formation d’un paysage médiéval dans le bassin parisien : Villeneuve-l’Archevêque (Yonne) »,
Archéologie Médiévale, XXIII 1993.
8
POPINEAU (J.-M.) et RACINET (Ph.), « Le Bassin du Rouanne », Rapports de prospections S.R.A Picardie
1995 à 1998.
9
LAMBERT (E.), Dictionnaire topographique du département de l’Oise, Amiens, 1982.
10
TESSIER (G.), Recueil des actes de Charles II le Chauve, roi de France (F. Lot dir.), Paris 1944.
11
LAUER (Ph.), Recueil des actes de Charles III le Simple, roi de France (F. Lot dir.), Paris 1944.
12
VERMAND (D.), Eglises de l’Oise, t II, Paris, 1985, p. 30.
2
« ...Saint-Barthélémy apparaît comme un édifice homogène et de construction soignée de la seconde moitié
du XIIe siècle. A la nef, à l’origine unique, fait suite un choeur à chevet plat de deux travées, la première servant
de base au clocher. Les voûtes d’ogives fortement bombées du choeur et les chapiteaux autorisent des
rapprochements avec les parties contemporaines de la cathédrale de Senlis : le chapiteau recevant à gauche l’arc
doubleau de la première voûte du choeur est même pratiquement interchangeable avec une petite série de
chapiteaux de la nef de la cathédrale de Senlis datés des années 1170/75 [...] ».
Le maître d’oeuvre de l’église semble donc s’être inspiré de la cathédrale de Senlis, et les sculptures sont
d’un type connu dans le Soissonnais. En estimant que quelques années ont dû s’écouler entre la construction de la
cathédrale et celle de l’église, on peut estimer que les travaux de cette dernière ont été effectués dans les années
1180/1185. Ici, contrairement à ce qui s’est passé dans les paroisses voisines de Rhuis et de Noël-Saint-Martin,
plus novatrices, la technique utilisée est déjà éprouvée depuis longtemps : la silhouette extérieure est romane, et
les voûtes d’ogive utilisées pour le choeur ont été expérimentées un demi-siècle plus tôt dans les deux églises
voisines.
E. Muller13 semble très renseigné lorsqu’il écrit « l’église de Villeneuve appartient à l’époque dite de
transition (1185). » Cela ne semble cependant pas contradictoire avec l’analyse architecturale. E. Lambert14
mentionne « in ecclesia de nova villa en 1182 (bulle du pape Luce III) » et le chanoine Afforty 15 a relevé « ...
adjunxit ecclesiam de Nova Villa cum minutis decimis » dans une charte non datée écrite entre 1175 et 1217.
M. Durand16 a eu l’occasion d’étudier une tombe construite à cuve céphalique, recouverte de dalles
calcaires brutes, non jointives, mise à jour en 1976 à proximité immédiate de l’église de Villeneuve, dans le
cimetière. M. Durand indique par ailleurs17 que cette forme de tombe parait courante dans la région On en a
trouvé lors de la fouille de l’église de l’ancien prieuré de Champlieu (Oise) et « des sépultures de même type ont
été fouillées à l’abbaye de Lieu-Restauré (Oise), distante d’une vingtaine de kilomètres. Elles sont datées fin XIe,
début XIIe siècle ».
On peut donc penser que l’église de Villeneuve, dans son état actuel, date de 1185 environ. En revanche, il
reste possible qu’un édifice ait précédé l’église, comme dans les paroisse voisines, et qu’aucun vestige ne nous
soit connu. La présence d’une tombe construite peut en tout état de cause être un indice de l’existence d’un
habitat avant la construction de l’église actuelle.
L’examen du cadastre montre à l’évidence une volonté de créer un parcellaire plus ou moins orthogonal.
Alors que de nombreux villages neufs restent inorganisés, faute de peuplement substantiel, le plan urbain qui
prévaut ici est la marque d’une planification précédant l’essor démographique.
Formation d’un paysage médiéval aux confins du domaine royal :
La route principale (aujourd’hui route de Flandres, C.D. 932) de ce village-rue typique forme un axe rigide
mais loin d’être parfaitement rectiligne, d’orientation nord-est/sud-ouest. Il est longé de part et d’autre par deux
rues secondaires qui forment deux parallèles à moins de 100 m de l’axe principal. Ces deux rues sont elles mêmes
bordées parallèlement, également à moins de 100 m, par les limites des jardins. La photographie aérienne
(campagne I.G.N. de 1969, figure 5) laisse deviner un linéament (ancien chemin ?) plus clair, parallèle à
l’orientation générale de la villeneuve, mais situé à environ 380 m de l’axe principal au nord-ouest, et un autre,
plus foncé que les champs, à environ 320m au sud-est. Ce dernier aboutit à l’ancienne « Croix des Trois
Evêques ». Ces axes grossièrement parallèles sont reliés entre eux par de courtes transversales formées par des
ruelles ou des chemins de communications entre villages voisins. Peut-on retrouver un plan prédéfini et des
13
MULLER (E.), Senlis et ses environs, Senlis, 1887, réed 1981
LAMBERT (E.) op. cit.
15
AFFORTY (Chanoine), Collectanea Silvanectensia, manuscrit en 25 vol, Bibliothèque Municipale de Senlis
16
DURAND M. « Les tombes construites médiévales à cuve céphalique du sud-est de l’Oise », Revue
Archéologique de l’Oise, n°13, 1978, p. 41.
17
DURAND (M.), « L’église de Noël-Saint-Martin , Oise », Revue archéologique de l’Oise, n° 9 1-2, 1977, p
13-48.
14
3
valeurs constantes dans ce parcellaire? Il faut étudier tout d’abord la partie bâtie du parcellaire avant d’en étudier
sa partie rurale.
Les limites de la partie urbaine de Villeneuve
Il est possible de retrouver la limite entre la « ville » et la « campagne » de Villeneuve en compilant cartes
et plans anciens. Tous s’accordent pour placer cette limite sur les deux chemins latéraux à l’axe principal, et
perpendiculairement à celui-ci aux deux extrémités situées à 950 m environ l’une de l’autre (figure 6 ). La limite
est matérialisée sur une carte de 171118 et sur une autre de ca 172019 par un graphisme évoquant une haie. Sur le
terrain, on remarque que la rue limitant la ville au sud-est surplombe les terrains avoisinants de part et d’autre
d’environ 1,50 m, tandis que son prolongement vers le nord-est, traversant un pré, montre un talus de plus de
deux mètres de hauteur, la partie urbaine surplombant la partie rurale. De la même manière, le cimetière et les
parcelles avoisinantes surplombent la rue limitant la ville au nord-ouest. Sommes-nous en présence des vestiges de
fossés et de talus entourant la villeneuve à l’origine ? Cette disposition se rencontre à Villeneuve-l’Archevêque
(Yonne ), où « un fossé et un talus épousent la forme quadrangulaire de l’agglomération surmontés par des murs
faisant office de remparts20». Ces « remparts » sont aménagés aujourd’hui en promenades. De même, La NeuvilleRoy (Oise) a été fortifiée lors de sa création sous Philippe Auguste, certaines parties de ses remparts (porte
d’Enfer) existaient encore au XIXe siècle. A Villeneuve-sur-Verberie, on pourrait avoir la même disposition, avec
un talus partiellement réaménagé en rue. D’autres portions sont encore recouvertes de longs murs en pierres, mais
leur ancienneté reste à prouver. Le lieu-dit où se voit encore le talus de 2 m se nomme « Le Courtinois ». Ce
terme, inconnu dans la toponymie régionale, peut être une déformation de courtine, mur joignant les flans de
deux bastions voisins. C’est au niveau de ce lieu-dit que la limite de la ville forme un angle brusque pour rejoindre
l’autre rue qui limite la villeneuve au nord-ouest.
Les limites de la ville ainsi définies forment un vaste rectangle irrégulier de 950 m de long sur 160 m de
large, pour un développement total de 2300 m et une superficie de 13 hectares environ. Ce plan rappelle celui de
La Neuville-Moliens, formé d’un rectangle de 1000 m de long sur 140 m de large, soit 14 ha. Mais ce dernier plan
n’est constitué en fait que d’un axe longitudinal sans autres limites ou ruelles.
La superficie de Villeneuve-sur-Verberie est assez moyenne par rapport aux villeneuves étudiées dans
l’Yonne21: La superficie de Flagy est de 10,5 ha, mais celle de Villeneuve-le-Comte est de 16,8 ha, celle de
Villeneuve-sur-Yonne de 22,8 ha et celle de Villeneuve-l’Archevêque de 22,8 ha... . Dans l’Oise, La Neuville-enHez possède une superficie de 30 ha, Villeneuve-les-Sablons de 20 ha, mais La Neuville-Roy est plus réduite (8
ha). Villeneuve-sur-Verberie est donc une fondation assez modeste. En se fondant sur la superficie des villeneuves
de Flagy et de Villeneuve-le-Comte (10,5 et 16,8 ha), J. Hubert cité par J.-L. Abbé avance une population
comprise entre 400 et 800 habitants au XIII e siècle chiffre qui pourrait donc correspondre également à la
population de Villeneuve-sur-Verberie dont la superficie se situe dans la même fourchette.
Le plan de la partie bâtie de la villeneuve
Le « lotissement » de Villeneuve
Le plan cadastral dressé par Boquet en 1826 22 nous montre une villeneuve au plan grossièrement
orthogonal. Chaque « lot » est délimité par deux rues orientées nord-est / sud-ouest et par deux ruelles orientées
nord-ouest / sud-est. Pour plus de commodité, nous les nommerons selon leur position par une lettre et un chiffre.
En voici les surfaces :
1
2
3
4
B
22350 m²
10200 m²
18395 m²
14400 m²
C
18060 m²
14700 m²
14000m²
18400 m²
18
« Carte généralle de la Capitainerie Royalle d’Hallate », par Matis, 1711, collection privée, Roberval.
Plan de la région sud-ouest de Verberie, ca 1720, A.N. N III OISE 87.
20
ABBE (J.-L.), op. cit , p. 62.
21
ABBE (J.-L.), op. cit , p. 67
22
Cadastre de la commune de Villeneuve-sur-Verberie, sections B du Vieux Moulin et C de l’Eglise, par Boquet,
1826, Archives Cadastrales, Saint-Germain-en-Laye.
19
4
La taille des lots est donc relativement irrégulière et on a du mal à y voir une constante. La taille moyenne
est de 16313 m². De la même manière, on peut relever la longueur des façades de chacun de ses lots :
1
2
3
4
B
298 m
150 m
283 m
200 m
C
258 m
210 m
200 m
230 m
Là aussi , les longueurs varient beaucoup, la longueur moyenne d’une façade étant de 229 m soit 118
toises de 1,95 m. 23 Enfin, nous pouvons relever la profondeur moyenne de chaque lot :
1
2
3
4
B
65 m
75 ± 5 m
68 ± 2 m
72 ± 3 m
C
70 m
70 ± 5 m
80 ± 10 m
70 ± 5 m
La moyenne des profondeurs est de 71,7 m, soit 36 toises environ. Toutes ces mesures sont assez inégales.
Peut-on y retrouver des constantes ?
Tout d’abord, un réseau viaire existait sans doute avant l’implantation de la villeneuve. Il a donc fallu que
ses concepteurs s’adaptent aux chemins lors de la cadastration. C’est le cas du chemin de Pont, de celui de Saint
Pierre et des deux chemins de Raray. Ainsi, si l’on omet par exemple le chemin du Mergamin (séparant les lots B2
et B3), on obtient un vaste lot de 28395 m², soit deux fois 14198 m². Ce chiffre est très proche de la surface des
lots B4, C2 et C3. De même, la façade de ce vaste lot mesurerait 432 m, soit 216 m, ce qui se rapproche
également des façades des lots B4, C2 et C3. On obtient ainsi un lot moyen de 216 m sur 71 m soit 14200 m².
L’arpent de Villeneuve représentant 3500 m², la surface moyenne d’un lot est donc approximativement égale à
quatre arpents. Est-il possible d’affiner davantage les résultats ?
En observant le plan cadastral, on remarque tout de suite que certaines parcelles contiguës à la zone bâtie
de la villeneuve semblent reprendre les mesures avancées ci-dessus. On a ainsi sept lots supplémentaires que nous
numéroterons suivant le même principe que les lots bâtis et que nous définirons comme lots « périurbains ». Un
lieu-dit mentionné sur une carte de 178224 parle de « Clozeaux » en ce lieu, ces lots étaient probablement dévolus
aux jardins clos, à moins qu’il ne faille y voir une extension ancienne (ou jamais réalisée) de la zone bâtie. Si on
mesure leurs aires, on obtient :
1
A
B
C
D
22350 m²
18060 m²
2
8160 m²
10200 m²
14700 m²
20250 m²
3
17225 m²
18395 m²
14000 m²
10850 m²
4
15000m²
14400 m²
18400 m²
16150 m²
5
19500 m²
La moyenne globale des lots descend ainsi à 14 493 m², car les lots périurbains sont plus petits (12412 m²)
que les lots urbains. Ces 14493 m² se rapprochent beaucoup des surfaces des lots B4, C2 et C3 et des surfaces
corrigées des lots B2 et B3 (moyenne : 14299 m²). Il semblerait que l’on soit en présence d’une surface
approximative de 4 arpents par lot (4,14 exactement). Les lots périphériques (B1, C1, B5, D2) sont plus vastes.
Même remarque si l’on mesure les façades : on obtient une moyenne globale de 220 m par façade (211 m pour les
lots périurbains, 229 m pour les lots urbains). On se rapproche davantage d’un multiple de la toise (113,05 toises
de 1,95 m). Comme nous l’avons vu plus haut, certains lots très irréguliers se rapprochent de la moyenne si on
néglige les chemins préexistants : A2 et A 3, qui mesurent au total 401 m en façade, peuvent représenter deux lots
de 200 m de large. De même, D2 et D3 mesurent au total 425 m, soit deux fois 213 m. Nous obtenons les mêmes
résultats avec les profondeurs des lots : la profondeur moyenne est de 71,7 m, soit environ un tiers de la longueur
de façade.
En conclusion, on peut avancer que la villeneuve a bénéficié d’un plan préconçu, avec des lots de 72 m sur
220 m environ représentant certainement 4 arpents. Un dernier détail vient peut-être corroborer cette hypothèse :
le lieu-dit situé immédiatement à l’est de la villeneuve se nomme « Les Cartelots ». Ce microtoponyme est
inconnu dans la région, mais la surface du lieu-dit, mesurée sur le cadastre de 1826, se monte à 59200 m². Or, si
l’on divise cette surface par la surface moyenne d’un lot, on obtient 4,08. De là, on peut avancer que ces
« Cartelots » représentent peut-être « quatre lots », soit 16 arpents. On notera que la superficie des lots de
Villeneuve-les-Sablons ( ≈ 28000 m²) représente 2 fois 14000m², ce qui correspond au module de Villeneuve-sur23
THOREL (J.-B.), Comparateur de l’Oise, Formerie, 1845.
« Modification de la route royale de Senlis à Compiègne », par Trudaine et Perronet, ca 1752, A.N. F 14 bis
8443.
24
5
Verberie. Autre comparaison possible : les lots de Villeneuve-le-Comte (Seine et Marne) mesurent en moyenne
72,2 m de large25 à comparer aux 71,7 m de Villeneuve-sur-Verberie.
Un réseau viaire organisé
Le réseau viaire de Villeneuve-sur-Verberie suit également une certaine logique : les rues et ruelles
présentent des largeurs variant du simple au quadruple, sans doute selon la fréquentation (figure 3). On peut les
classer en trois catégories : l’axe principal, la route de Flandres, mesure 16 m ± 2 m. C’est autour de lui que
s’ordonne tout le plan de la villeneuve, il est normal qu’il soit si large, même si à l’origine, il ne servait qu’aux
relations entre les villages voisins d’Yvillers et de Noël-Saint-Martin. D’ailleurs, sont prolongement vers ce
dernier village, la « voirie du Chemin aux Anes » (nom de 1752), ne mesure que 7 m de large.
Un deuxième groupe de voies mesure 8 ou 9 m de large. Il s’agit de la rue des Jardins, de la ruelle d’en
Haut, de la rue des Jonquilles dans ses deux tronçons urbains et périurbains, du chemin du Chêne à Lifu, de la
voirie du chemin aux Anes, de la ruelle disparue de Roberval et de la partie périurbaine de la rue des Sablons
(« ruelle de Beaumont » en 1782). La rue des Jardins et la ruelle d’en Haut forment limites de ville (et peut-être
talus de protections), il est normal qu’elles soient assez larges. Quant à la rue des Jonquilles, au chemin du Chêne
à Lifu, au chemin aux Anes, à la ruelle de Roberval et à la ruelle de Beaumont, elles permettaient les relations de
Villeneuve avec Pont-Sainte-Maxence vers le nord-ouest avec Brasseuse vers le sud, avec Noël-Saint-Martin vers
le nord-est, avec Roberval vers le nord et avec Raray (et Crépy-en-Valois) vers le sud-ouest. Le terme Beaumont
est obscur. Correspond-il à un autre nom du Mont-Pagnotte, cette dernière appellation datant en effet du XVII e
siècle seulement ?
Le troisième groupe de voies rassemble les plus étroites d’entre elles, elles ne mesurent que 4 à 6 m de
large. Entrent dans cette catégorie la rue des Champs, une ruelle urbaine anonyme, la rue des Sablons dans sa
partie urbaine, la rue d’Halatte dans ses parties urbaines et périurbaines et la rue des Prés. Les voies les plus
étroites sont donc les ruelles urbaines. Le cadastre de 1826 présente même en pointillés un chemin anonyme
prolongeant le chemin du Mergamin vers le sud, et rejoignant le chemin de Raray. Ce chemin, présent sur la carte
de 178226 (figure 6), ne mesure que 2 m de large en 1826, mais il correspond probablement à l’ancien tracé du
chemin Raray Pont-Sainte-Maxence par l’église de Villeneuve. Ce chemin a perdu de son importance au profit de
la « rue des Jonquilles », plus conforme au tracé orthogonal du cadastre, mais moins directe.
Nous obtenons donc le schéma suivant : l’axe longitudinal principal est très large (≈16 m, 8 toises), les
deux axes longitudinaux secondaires et les chemins de communications avec les villages voisins sont deux fois
moins larges (≈8 m, 4 toises) et les ruelles transversales sont encore deux fois moins larges (≈4 m, 2
toises). L’imprécision de la largeur des chemins ne permet pas de retrouver une mesure-étalon très précise.
Si les axes longitudinaux sont à peu près rectilignes, on est tout de suite frappé par l’absence de continuité
des axes transversaux. Pourquoi les concepteurs de la villeneuve n’ont-ils pas tracé des ruelles rectilignes ou
presque, comme cela se voit dans le plan d’autres villeneuves médiévales ? Après une observation plus attentive,
on remarque certaines anomalies : le chemin du Chêne-à-Lifu provenant de Rully et Brasseuse opère un virage à
angle droit vers la droite au moment de rentrer dans la partie urbaine de la villeneuve, et se confond avec la rue
des Jardins pendant 70 m avant de repartir à angle droit vers la gauche (rue des Champs). Arrivé sur l’axe
principal, le chemin opère une nouvelle fois un virage à angle droit vers la droite, se confondant cette fois-ci avec
la route de Flandres pendant 50 m avant de tourner à angle droit vers la gauche (ruelle de Beaumont) et de filer
vers Pont-Sainte-Maxence. Ce tracé en baïonnette, ou plutôt en « marches d’escalier », est pour le moins
surprenant.
De plus, il ne semble pas que ce schéma soit arbitraire : on retrouve la même disposition 430 m au nord
(figure 3). On est bien sûr frappé par la similitude du plan et des mesures. Cela ne peut relever du hasard et il y a
sans doute une volonté délibérée de « briser » les transversales. On peut reconstituer d’autres « marches
d’escalier » dans le plan de la villeneuve, si, comme on le suggère plus haut, les lots irréguliers, sont en fait des
lots de 213 m de façade, On obtient l’emplacement possible de ruelles transversales, disparues ou jamais réalisées
(figure 3).
On peut s’interroger sur les raisons qui ont poussé les concepteurs de la villeneuve à créer ces « marches
d’escalier » : volonté de briser les courants d’air sur ce plateau exposé ? (mais les vents dominants ne sont pas
orientés dans cette direction), prévention du ravinement ? (mais les pentes, si elles sont orientées ainsi, sont peu
importantes), volonté de faire correspondre à tout prix le réseau routier avec les lots de 4 arpents ? On peut
multiplier les hypothèses, aucune n’est vraiment satisfaisante.
25
LEGE (D.), « Le parcellaire de Villeneuve-le-Comte (Seine et Marne) : textes et analyses des formes », in Les
formes du paysage, t III, Chouquer (G.) dir., p.161.
26
« Plan du territoire de Villeneuve-sur-Verberie », par Delaître, 1782, A.D. de l’Oise, C 277.
6
Peut-on retrouver les témoins d’un découpage cadastral médiéval dans la partie rurale
de la villeneuve ?
Il est nécessaire de définir la nature des relations entre la structure urbaine et périurbaine présentée cidessus et le parcellaire rural qui l’environne. Pour cela, nous devons chercher si l’analyse morphologique du
parcellaire permet de retrouver la trace d’une éventuelle planification volontaire de l’espace rural.
Hormis les lots urbains et les lots périurbains, le tracé des parcelles du terroir de Villeneuve ne semble
pas à première vue répondre à un plan précis, les parcelles, de taille irrégulière, sont orientées de façon aléatoire
d’un bloc de parcelles à l’autre. Cependant, les limites entre les communes de Roberval et de Villeneuve sont très
rectilignes, constituées de segments de droites s’articulant à angle droit, phénomène unique dans le terroir. La
frontière est constituée à l’est d’une droite de 1400 m partant de la Croix des Trois Evêques en direction de
l’ouest-nord-ouest. Elle coupe en deux parties égales (750 m de part et d’autre) le plateau situé entre les villages
de Noël-Saint-Remy et Villeneuve. La limite oblique ensuite à 90° vers la gauche puis change encore 5 fois de
direction à angle droit avant de rejoindre la forêt royale d’Halatte. J.-L. Abbé note pour Villeneuve-l’Archevêque
(Yonne) « la rectitude du tracé, le peu d’aspérités, le caractère tout à fait géométrique [des limites], conduisent à
concevoir une délimitation réalisée pour l’essentiel en une fois, au moment de la création. »27
Le long du chemin Pontois, on mesure 1144 m entre le centre du chemin aux Anes, axe principal de la
villeneuve et le premier angle formé par la limite communale. Cette distance correspond à 16 modules de 71.50
m, ce qui nous rapproche beaucoup des 71,7 m définis lors de l’étude de la partie urbaine. De même, la limite
communale, après avoir opéré son virage à 90°, court tout droit sur 250 m (3 modules et demi de 71,42 m). Audelà, en se rapprochant de la forêt, les distances ne sont plus des multiples du module de base. En revanche, en
revenant vers Villeneuve par le sud ouest, on retrouve des segments de frontières rectilignes, respectivement de
140 m (2 modules de 70 m), de 70 m ( 1 module) et de 430 m (2 modules de 71,66 m) avant de rejoindre la
partie urbaine. Il est difficile de conclure à une opération de cadastration, mais on remarque que les mesures
multiples du module sont situées près de la villeneuve, et qu’elles disparaissent vers la zone inculte de la forêt
d’Halatte.
Quelques blocs de parcelles semblent présenter une certaine régularité par rapport à la villeneuve. Le
premier, situé au nord-ouest du village (« Au-dessus du Presbytère ») est découpé en lanières dont les extrémités
nord et sud sont parallèles à l’axe de la villeneuve et les bords au chemin du Mergamin. Les extrémités nord
apparaissent en blanc sur la photo aérienne I.G.N. 1969 (figure 3). Le bloc de parcelle mesure 335 m de façade et
215 m de profondeur en moyenne ( soit 3 modules de 71,66 m en moyenne). Le bloc est divisé en 19 parcelles de
18 m de large en moyenne. La surface du bloc est de 72025 m², soit 5 modules de 14405 m² (à rapprocher des
14493 m² des lots de la villeneuve urbaine).
Un deuxième bloc de parcelles apparaît au lieu-dit « La Couture ». Les parcelles en lanières
perpendiculaires à l’axe de la villeneuve, large de 256 m s’enfoncent de 217 m ( 3 modules de 72,33 m).
Un troisième bloc de parcelle régulier est situé dans le même lieu-dit, composé de parcelles en lanières
perpendiculaires au chemin Pontois. Le bloc mesure 256 m de façade, comme le précédent, et 215 m de
profondeur (3 modules de 71,66 m).
Ces blocs de parcelles semblent répondre à un module prédéfini, mais ils sont peu nombreux dans le
terroir rural de Villeneuve, et on ne peut pas parler de plan concerté à grande échelle. Remarquons cependant
qu’ils sont tous rassemblés aux abords nord de la villeneuve. D’autres observations peuvent être faites en
mesurant la surface des lieux-dits portés sur les plans cadastraux de 1826. On a vu en effet que le lieu-dit « Les
Cartelots » correspondait à 4 lots de 14800 m². On remarque que 14 lieux-dits présentent des aires multiples du
module général. La moyenne des modules de ces lieux-dits est de 14632 m² (à rapprocher des 14493 m² de la
partie urbaine). En revanche, les autres lieux-dits se caractérisent par des superficies beaucoup plus aléatoires. En
replaçant ces lieux-dits sur une carte, on remarque que les 14 premiers sont tous situés à moins de 1000 m du
clocher de Villeneuve tandis que les 8 autres sont tous situés au-delà, soit en bordure de la forêt d’Halatte, soit
sur le « dîmage du Theil », probable ancien terroir d’une paroisse disparue ultérieurement. Une seule exception :
« Le Pont du Thille » qui, bien que situé sur le terroir du Theil, présente une surface conforme au module de
Villeneuve. Il peut s’agir d’un simple hasard, à moins que les mentions « cette partie est en contestation..., terroir
en commun avec celui de Roberval... » relevés en ce lieu sur une carte de 177828 ne traduisent une grande
variabilité des limites dans le secteur de la paroisse disparue du Theil.
Bien sûr, il faut prendre ces résultats avec la plus grande précaution, on peut faire dire ce que l’on veut aux
chiffres et les limites de parcelles ont pu varier depuis le XIIe siècle. Nous pouvons cependant avancer, grâce à ces
observations, que le terroir originel de Villeneuve s’interrompait aux premières frondaisons de la forêt d’Halatte
27
ABBE ( J.-L)., op. cit. p. 61.
« Plan figuratif du dîmage de Noël-Saint-Martin », par Lemoine, 1778, A.D. Oise H 2635.
28
7
et à l’ancien terroir du Theil, et qu’il avançait jusqu’au chemin Pontois au nord, et au bois du Haut Montel au sud.
Lors d’une campagne de prospection terrestre systématique29, un jeton émis à Tournai au XVe siècle a été récolté
au « Fond-des-Veaux », donc en lisière de forêt d’Halatte, mais sur le tracé d’un chemin disparu qui reliait NoëlSaint-Remy à Yvillers en évitant Villeneuve (la « Cavée Martine »). On y reconnaît à l’avers trois lys dans un écu
et au revers une croix fleurdelisée dans un quadrilobe. M. Bompaire indique que Mitchiner attribue ce type ( n°
443) qui porte le plus souvent une légende AVE MARIA GRACIA PLENA, AVE à l’époque de Charles VI
puisqu’il s’inspire du blanc à l’écu guénar frappé depuis 1385. Cette découverte peut laisser penser que ce
chemin, qui évitait Villeneuve, était fréquenté au XVe siècle.
Les autres parcelles situées au nord de Villeneuve sont vierges de toutes traces d’occupation médiévale.
Le terroir ainsi délimité mesure approximativement 168 hectares, ce qui place Villeneuve-sur-Verberie parmi les
plus petites villeneuves de l’Oise et du Bassin Parisien 30. Implantée en périphérie d’un terroir déjà très exploité, la
création royale a dû s’insérer entre les villages préexistants de Noël-Saint-Remy, Noël-Saint-Martin, Yvillers et
peut-être Le Theil et partager la place disponible avec la création nouvelle et « privée » de Brasseuse au sud.
Le choix de l’implantation.
Il faut d’abord noter que Villeneuve se trouve en périphérie du domaine royal, non loin du comté de
Valois. « Raffermir les frontières d’une principauté est l’une des fonctions attachées à de nombreuses
villeneuves31 ». Il est possible que le roi cherche à renforcer ses positions à la frontière de son domaine. Ce cas de
figure se rencontre par exemple à Villeneuve-l’Archevêque (Yonne) où le domaine royal est enclavé dans les
possessions des comtes de Blois et de Champagne, ou à La Neuville-Roy (Oise), où Philippe Auguste bâtit une
fortification face au comté de Clermont qu’il n’annexera qu’en 121832. Nous savons que cette préoccupation
existait déjà au XIe siècle, lorsque Robert le Pieux, pour faire face au Valois, bâtit son castrum à Béthisy, au
détriment de Verberie. Depuis le mariage du frère du roi Philippe Ier avec Hildebrante de Crépy en 1077, le
domaine royal est pris en tenailles entre Vermandois et Valois. D’abord fidèle au roi, le Valois passe bientôt sous
la domination du comte de Flandre, Philippe d’Alsace, lorsque celui ci se marie en 1167 avec Isabelle de
Vermandois, dame du Valois.
C. Carlier33 indique « Philippe d’Alsace [...] fit embellir et réparer [la voie Flandreuse] en plusieurs
endroits, surtout dans la prairie qu’on traverse pour aller de Saint-Arnoult34 au chemin Pontois, et dans les marais
de Roberval et de Noé-Saint-Martin. Le comte levait des droits sur cette chaussée ».
On connaît35 l’importance de cette voie, reliant directement Meaux à Bapaume, pour le terroir et la région
de Villeneuve (figure 4) et on n’est pas surpris que Philippe d’Alsace cherche à renforcer les communications
entre ses possessions de Flandre, d’Artois, du Vermandois et du Valois. Il est certain que, dans son esprit, cette
route possède une valeur stratégique primordiale par rapport au domaine royal. Or, pour faire venir rapidement à
Crépy des troupes de Flandres, il faut utiliser un pont pour franchir l’Oise. Il est possible de franchir l’Oise à
Verberie, à Pont-Sainte-Maxence ou à Compiègne, mais le passage de troupes y serait assez peu discret. En
revanche, le pont de Rouanne par lequel la voie Flandreuse franchit l’Oise, est situé en zone rurale. Philippe
d’Alsace a certainement en tête de l’utiliser, ainsi que la voie Flandreuse. On retrouvera cet usage militaire
particulier du pont lorsqu’en 1411, le duc d’Orléans l’empruntera pour aller prendre à revers les troupes du roi
Charles VI. On s’étonne que le comte de Valois s’occupe d’entretenir une voie en plein domaine royal. Cela
29
POPINEAU (J.-M.) et RACINET (Ph.), « Le Bassin du Rouanne », Rapports de prospections S.R.A Picardie
1997.
30
Surfaces actuelles des terroirs en hectares (pour les villeneuves qui ne sont pas des communes, nous avons
estimé la surface) : La Villeneuve de Cires, 121, Neuvillette, 168, Villeneuve-les-Auger, 250, La Neuville-surAuneuil, 360, La Neuville-sur-Oudeuil, 370, Villeneuve-le-Comte (Seine-et-Marne), 400, La Neuville-SaintPierre, 411, La Villeneuve-sous-Thury, 432, Villeneuve-les-Sablons, 443, La Neuville-Vault, 452 , La Neuvilled’Aumont, 475, Novillers-les-Cailloux, 479, Neufchelles, 646, La Neuville-Garnier, 785, Neuville-Bosc, 889, La
Neuville-Moliens, 900, La Neuville-Roy, 1249 et La Neuville-en-Hez, 2842.
31
DUBY (G.) L’économie rurale et la vie des campagnes dans l’occident médiéval, Paris, 1975
32
LAUNAY (A.) et alii, Essai d’histoire régionale, Beauvais, 1925, p. 60 et 66 : « Philippe Auguste, en 1190, ordonne
de fortifier les villes du royaume et en particulier celles de la frontière de Picardie. C’est pourquoi [...] Senlis, La Neuville-Roy [...] réparent ou
construisent leur enceinte à cette époque [...] Donjon hexagonal du XIIe, sorte de camp retranché de 500 m de long ».
33
CARLIER (C.), Histoire du duché de Valois., Paris, 1764. p. 530
Saint-Arnoult est un monastère fondé au XI e siècle (mais il existait une collégiale dès le X e s.) à la sortie nord de
Crépy-en-Valois.
35
POPINEAU (J.-M.) Histoire du peuplement et de l’organisation d’une zone frontière et de passage : le terroir
du Rouanne (Oise), mémoire de D.E.A. non publié, Racinet (Ph.) dir., Université de Picardie.
34
8
semble indiquer qu’elle était irrégulièrement entretenue et que le roi s’en désintéressait, malgré la présence
théorique de ses Bouteillers dans le terroir.
Les hostilités commencent en 1183, lorsque Philippe d’Alsace, s’oppose à sa femme, Elisabeth de
Vermandois parce qu’il refuse de restituer les seigneuries de Valois et de Vermandois à Aliénor, soeur
d’Elisabeth. Le comte de Clermont, vassal du roi, enlève le château de Breteuil qui appartient à Philippe d’Alsace.
En représailles, le comte de Flandre envoie Helin, gouverneur de Crépy, ravager la région de Clermont. Philippe
Auguste et Philippe d’Alsace lèvent des armées. En 1183, une armée flamande, qui a sans doute emprunté sans
encombre le pont de Rouanne et la voie Flandreuse, met le siège devant le castrum de Béthisy. Celui-ci, défendu
par le châtelain, est rapidement libéré par le roi. Les deux armées se retrouvent en présence dans la plaine du
Valois, entre Crépy et Senlis. Après deux jours d’observation, une trêve et un arrangement sont signés dans la
villeneuve de la Houatte dont nous avons parlé plus haut. Le traité de Boves est ensuite ratifié, en 1185. Il prévoit
le rattachement des comtés d’Amiens et du Valois et de la châtellenie de Thourotte au domaine royal à la mort
d’Aliénor de Valois. Celle-ci surviendra en 1214, date officielle du rattachement du Valois à la couronne.
On peut donc replacer la fondation de Villeneuve-sur-Verberie sur la frontière (imprécise) entre le domaine
royal et le Valois dans ce contexte politique. Nous sommes en période d’expansion du domaine royal dans la
région, face aux puissants vassaux comme le comte de Flandre-Valois-Vermandois et quelle meilleure façon
d’asseoir sa propriété que d’y installer des colons ? En revanche, on ne peut que supposer l’existence, comme à
Villeneuve-l’Archevêque ou à La Neuville-Roy, de fortifications qui ajouteraient un intérêt militaire à Villeneuvesur-Verberie.
La question se pose ensuite de savoir comment a été choisi précisément le site de Villeneuve. A l’examen
des cartes routières, on voit que l’axe principal est occupé aujourd’hui par le C.D. 932 qui correspond à
l’ancienne voie royale n°32 de Paris à Saint-Quentin, construite vers 1715, selon L. Graves. L’ancien tracé passait
plus au sud. Il est donc impossible que cet axe moderne ait servi à dessiner le cadastre de Villeneuve. En
revanche, on remarque deux chemins intéressants (figure 4). Le premier part des environs de l’église d’Yvillers et
rejoint l’axe principal de Villeneuve presque sans dévier. L’autre chemin, nommé Chemin aux Anes sur la carte de
1752, prolonge l’axe de Villeneuve vers le nord-est pour aboutir au village de Noël-Saint-Martin. Compte tenu de
l’ancienneté de ces deux villages, on peut supposer que le site de Villeneuve a été implanté sur un chemin ancien
reliant deux paroisses au Moyen Age. En observant le plan d’intendance (1782, figure 6), on distingue également
parfaitement que l’église de Villeneuve est placée sur un chemin ancien reliant Raray (donc la voie Flandreuse) et
Saint-Pierre de Pontpoint d’une part, Pont-Sainte-Maxence d’autre part. Ce chemin porte en 1782 les noms de
chemin de Raray au sud, chemin du Mergamin vers Saint-Pierre et chemin de Beaumont vers Pont, via le MontPagnotte, au nord. Il est peu probable que ce diverticule de la voie Flandreuse vers Pont soit très important, il ne
dessert que Raray et, après le XIIe, Villeneuve, et doit franchir des dénivelés importants (plus de 100 m) comme
au mont Pagnotte.
Le site de la Villeneuve est donc placé à l’intersection du chemin Noël-Saint-Martin/Yvillers et du chemin
Raray/Pontpoint/Pont. Il semble en revanche à l’écart des autres liaisons médiévales entre villages : le chemin
Roberval/Raray passe à 900 m à l’est de l’église, le chemin Roberval/Yvillers passe à 1000 m à l’ouest. Seuls les
chemins desservant un village de création médiévale (Brasseuse/Noël-Saint-Remy, Brasseuse/Noël-Saint-Martin,
Brasseuse/Roberval) ou moderne (Raray/Fond-Maillet) passent par Villeneuve. Villeneuve est aussi à l’écart des
grands axes antiques et médiévaux : le chemin Pontois (qui relie Crépy à Pont) passe à 700 m au nord, la voie
Flandreuse passe à 900 m à l’est et la chaussée Brunehaut (Senlis-Soissons) passe à 2700 m au sud. Même la
route royale Senlis/Compiègne, qui emprunte aujourd’hui la grand’ rue de Villeneuve, passait à 500 m au sud,
formant d’ailleurs limite communale sur 700 m entre Villeneuve et Brasseuse. Ce tracé est donc antérieur à la
délimitation du territoire de Villeneuve. Il a été retrouvé lors de la campagne de prospection terrestre de 1998,
son tracé est visible dans les labours grâce à la présence d’une terre noire et de débris de toutes sortes 36.
Villeneuve-sur-Verberie semble donc situé complètement à l’écart des axes de communication médiévaux, et il
faut chercher ailleurs que dans l’intérêt commercial le choix qui a présidé à son implantation. Il semble bien que,
outre les raisons politiques exposées plus haut, il faille chercher une volonté royale d’étendre l’oekoumène 37 et de
s’assurer des revenus, comme à Villeneuve-le-Comte (Seine-et-Marne), où « les perspectives offertes par
l’exploitation du droit de ban...sont sans doute déterminantes »38. Villeneuve-sur-Verberie semble donc répondre à
deux impératifs distincts, d’ordre politique et d’ordre agricole. Peut-on replacer la création de la villeneuve dans
le mouvement d’essartage qui touche le nord du Bassin Parisien ?
36
POPINEAU (J.-M.) et RACINET (Ph.), « Le Bassin du Rouanne », Rapports de prospections S.R.A Picardie
1998.
37
« Partie habitée de la surface terrestre ».
38
LEGE (D.) op. cit. p. 160.
9
A quel moment se place la fondation de Villeneuve-sur-Verberie par rapport
aux essartages connus dans la région?
Les limites du terroir de Villeneuve.
Vers 1143, le cartulaire de Saint-Nicolas-d’Acy mentionne un certain Gui Petit qui donne au prieuré SaintNicolas des biens à Senlis et des hôtes à Villeneuve. On sait que la présence d’hôtes est souvent l’indice de
l’existence d’essartages. Ceux ci auraient donc été effectués autour de Villeneuve avant 1143, soit presque un
demi-siècle au moins avant la date supposée de la construction de l’église actuelle. De même, en 1166, l’évêque
de Senlis confirme à Saint-Nicolas d’Acy la possession de six hôtes et de quarante arpents (une quinzaine
d’hectares) à Villeneuve39 (« ... Iterum sex hospites cum quadraginta arpennis terre apud villam novam que sita
est in territorio de Valleis quos tenent monachi ab antecessoribus Guidonis parvi »). Ces éléments confirment
qu’il y a bien une villeneuve avant 1185, tout au moins à partir de 1143. L’expression « territorio de Valleis » est
assez étonnante. On retrouve aussi en 1130 (voir plus loin) « in territorio quod dicitur de Vallibus». Il s’agit
visiblement d’un déterminant de la ville neuve destiné à ne pas la confondre avec les autres villes neuves de la
région. La commune s’appelle aujourd’hui Villeneuve-sur-Verberie. Faut-il voir dans ce Valleis le nom du comté
voisin, le Valois (noté Valeys au XIIIe 40) ou plus simplement le latin vallis, désignant un « territoire des Vallées ?
On aurait ainsi l’équivalent d’un « *Villeneuve-en-Valois » ou « *Villeneuve-en-Vaux » qui aurait précédé le
toponyme « Villeneuve-sur-Verberie », qui n’apparaît qu’en 1247.
Il semble donc que les essartages ont été plus précoces ici que dans le reste de la région où il faut attendre
la décennie suivante pour voir commencer les défrichements. Est-il possible de retrouver les limites du terroir
défriché par les hôtes de cette villeneuve ? Peut-on y reconnaître des traces d’occupation ancienne ou au contraire
existe-t-il des indices d’un défrichement médiéval ?
Tout d’abord, le terroir de Villeneuve est limité à l’est par le terroir supposé du Theil (voir plus haut) cité
dès 1130. De plus, on sait également qu’en 1029, deux charruées de terres cultivées, dépendant de la collégiale
Saint-Corneille, s’étendaient un peu plus au sud, le long du bois du Haut-Montel41. Cette zone est donc cultivée
de longue date. Le terroir de Villeneuve est limité au sud-ouest par la paroisse d’Yvillers, existant déjà à l’époque
carolingienne comme le laisse entendre la toponymie42. La dédicace de l’église à Sainte Maxence, dont le martyre
aurait eu lieu à Pont-Sainte-Maxence à la fin du Ve siècle, peut également laisser penser à une création du haut
Moyen Age, peut-être par démembrement de la paroisse de Pont-Sainte-Maxence. Enfin, l’étude architecturale de
l’église, qui semble avoir été totalement rebâtie au XVIII e siècle permet de distinguer sur le mur ouest du clocher
des éléments remployés. Il s’agit de deux figures grimaçantes de style roman (modillons ?) et de trois éléments de
voussures à tores pouvant provenir d’un portail.
L. Graves43 indique que la chapelle d’Yvillers est donnée en 1129 par le roi Louis VI à l’abbaye de Saint
Vincent de Senlis. Dans l’acte, l’église d’Yvillers est dite « capella regis dicitur » et Yvillers est qualifié d’alleu
royal. On peut donc supposer, avec ce qui précède, qu’Yvillers est une paroisse existant au haut Moyen Age,
située sur les premières pentes du massif du Mont Pagnotte, donc en limite de l’oekoumène. D’abord alleu royal
dépendant peut-être du fisc de Pont (Fécamp), la paroisse et sa « chapelle royale » sont données par le roi Louis
VI à l’abbaye Saint-Vincent de Senlis au XII e siècle. Il est possible que des défrichements soient pratiqués par
Saint-Vincent sur le terroir de Yvillers au XIIe siècle, mais les environs étaient déjà cultivés depuis longtemps.
Au nord-ouest de Villeneuve, les pentes sablonneuses et argileuses du Mont Pagnotte (222m), sont
impropres à la culture. On trouve les mêmes types de sols au sud-est, avec la butte-témoin du Haut Montel
(152m). Ces zones n’ont probablement jamais été cultivées, trop pauvres, dépourvues de loess, et aux pentes trop
fortes, elles sont d’ailleurs déjà recouvertes de bois sur les cartes de 1711 et 1725 (La Queue-Renard au nordouest et Bois-de-Raray au sud-est).
Le site de Villeneuve se présente donc au XIIe siècle comme cerné à l’est et au sud-ouest par des terres
anciennement cultivées et au nord-ouest et sud-est par des sols incultivables. Les seules zones susceptibles d’être
39
VATTIER (A.M.) « Cartulaire du prieuré de Saint-Nicolas-d’Acy », Bulletin du Comité Archéologique de
Senlis, 1886, p. 50 à 80.
40
LAMBERT (E.) op. cit.
41
MOREL (E.), Cartulaire de l’abbaye de Saint Corneille de Compiègne, 3 vol., Compiègne-Paris, 1904
42
Ivonis villare en 940, composé, selon E. Lambert, du prénom Yves, donc d’origine germanique et de villare,
hameau, en suivant la grammaire germanique déterminant-déterminé.
43
GRAVES ( L.) Précis statistique du canton de Pont-Sainte-Maxence, Saint Leu, 1834 réed 1987, p. 120.
10
essartées au Moyen Age sont situées au sud-ouest et au nord de Villeneuve. La partie sud-ouest du terroir, vers
Brasseuse semble avoir fait l’objet d’une vaste campagne de défrichements au Moyen Age.
La fin de la « Vasta Braii sylva »
Un certain nombre d’indices ont amené M. Durand44 à conclure à une grande opération d’essartage sur le
terroir de Brasseuse au XIIe siècle, sur l’initiative de Gui III le Bouteiller, seigneur, entre autres, de Bray. Gui III
offre au prieuré de Saint-Nicolas d’Acy en 1152, à l’occasion de son mariage, « la dîme de tous les bois que Gui a
donné ou donnera à Brasseuse et à l’environ, aux cultivateurs, à défricher et à mettre en culture et la dîme, la
paille exceptée, de tout ce qui sera défriché à Brasseuse45 ». Il y a donc là une volonté délibérée de défrichement
et de mise en culture, initiée par le Bouteiller pour son profit et celui de Saint-Nicolas à partir de la mi XIIe siècle.
En 1171, Henri, évêque de Senlis, confirme au prieuré la possession des « novalibus nemoris de Braisilva »46. Le
microtoponyme vasta Braii silva relevé dans le cartulaire de Saint-Nicolas d’Acy doit être issu de vastus,
« désert, inculte », de Bray, village situé à 2500 m au sud de Brasseuse, et de silva, forêt. Cette expression a
donné plus tard « Brasseuse » alors que la graphie correcte serait plutôt *Brasseuve. Le village de Bray, situé à
plus de deux kilomètres au sud de Brasseuse, dans la vallée de l’Aunette, existait au haut Moyen Age (présence
d’une nécropole).
On peut donc conclure des hypothèses précédentes que le territoire concédé à la villeneuve au XII e siècle
était composé d’une part d’un terroir nouvellement défriché sur l’initiative de la famille des Bouteillers (le nord de
la « forêt de Bray ») et d’autre part des franges incultes du terroir de Noël-Saint-Remy. Ce terroir très petit
comme nous l’avait laissé entrevoir l’étude métrologique du cadastre (voir plus haut), est encadré par les terroirs
depuis longtemps cultivés (?) du Theil (diocèse de Senlis) à l’est, de Noël-Saint-Martin (diocèse de Soissons),
d’Yvillers (diocèse de Beauvais) à l’ouest, et de Noël-Saint-Remy, (diocèse de Beauvais) au nord. La villeneuve
est limitée au sud par le terroir nouvellement défriché de Brasseuse (diocèse de Senlis) et ses limites nord-ouest et
sud-est ne seront jamais vraiment défrichées en raison de la nature des sols. Il est probable que le terroir du Theil,
aujourd’hui en partie annexé par Villeneuve, ne l’a pas été immédiatement. Le Theil a disparu au XVe siècle, et
c’est sans doute à cette date que les deux terroirs ont fusionné, consécutivement à une forte baisse de la
population locale.
Villeneuve : une fondation royale ?
L’histoire de Villeneuve-sur-Verberie est particulièrement mal éclairée par les textes, la naissance de la
villeneuve est une période obscure de l’histoire locale. Il est bien difficile de cerner les premiers maîtres du sol.
Les Bouteillers ne semblent intervenir que dans le défrichement de la forêt de Bray. Le roi de France a t-il été à
l’origine de la création de la ville neuve ? Quelques renseignements nous sont tout de même livrés par les textes et
les historiens.
L. Graves indique47 que la cure de Villeneuve, sous l’invocation de saint Barthélémy et de saint Louis, était
à la nomination de l’abbé de Saint-Symphorien de Beauvais à qui elle fut donnée, vers 1140, par Eudes Percebot,
de Pont. On trouve en fait dans Afforty48 la copie d’une lettre sans date (mais qu’Afforty situe entre 1180 et 1202)
de Philippe de Dreux, évêque de Beauvais de 1175 à 1217 contenant la confirmation des donations faites au
prieuré Saint-Symphorien de Pont par Eudes Percebot 49. L’abbaye Saint-Symphorien de Beauvais et Eudes
Percebot de Pont avaient « fondé » en 1140 le prieuré Saint-Symphorien de Pont en transformant l’église SainteMaxence de Pont en prieuré-cure et en lui faisant desservir aussi l’église de Saint-Gervais de Pontpoint et les
44
DURAND (M.), « L’église de Noël-Saint-Martin », op. cit.
VATTIER (A.M.) « Notes historiques sur le prieuré de Saint-Nicolas-d’Acy », Bulletin du Comité
Archéologique de Senlis, 1882-83, p. 244.
46
AFFORTY (Ch.) op. cit. t XIV p. 426,
47
GRAVES (L.) op. cit. p. 120.
48
AFFORTY (Ch.) op. cit. t XIV p. 561/616.
49
« ... notificamus Odonensi Percebot de Ponte de disse in Elemosinam monasterio Sancti Symphoriani et
monachis Ibidem deo servientibus ecclesiam sanctae Maxentie de Ponte et ecclesiam sancti Gervasii de
Pomponio cum omnibus ad easdem ecclesias pestinentibus et in territorio quod dicitur de Vallibus Decimam
tam in terris quam in vineis. Huic autem donationi adjunxit ecclesiam de Nova Villa cum minutis Decimis
trium parrochiarum scilicet sancti Gervasii, Sti Petri et preDicte Nove Ville. »
45
11
dépendances50. Le pouillé de 1320 confirme le patronage de l’ « abbas Sancti Symphorian ». Eudes Percebot,
riche donateur, sera inhumé dans le prieuré Saint-Nicolas d’Acy. L’acte de confirmation, plus ancienne mention
de Villeneuve, nous apprend que le prieuré Saint-Symphorien de Pont a reçu également la dîme sur les terres et
les vignes du territoire « des Vallées ». Si on peut assimiler ce territorio quod dicitur de Vallibus au territorio de
Valleis auquel appartient Villeneuve en 1166, on peut en conclure que son terroir est utilisé en labours et en
vignes dès 1140 et que sa dîme appartient déjà à Saint Symphorien. On apprend aussi que plus tard (entre 1140 et
1202 ?) le prieuré Saint Symphorien reçoit, toujours grâce à Eudes Percebot, l’église de Villeneuve (qui a donc
peut-être été construite entre-temps) avec les petites dîmes des trois paroisses de Saint-Gervais de Pontpoint,
Saint Pierre de Pontpoint et Villeneuve.
On a aussi vu plus haut que vers 1143, le cartulaire de Saint-Nicolas mentionne un certain Gui Petit qui
donne au prieuré Saint-Nicolas des biens à Senlis et des hôtes à Villeneuve, il doit s’agir des six hôtes et 40
arpents de terre qui appartiennent au prieuré Saint-Nicolas-d’Acy en 1166. Les défrichements ont commencé à
Villeneuve et quelques propriétaires abandonnent rapidement leurs terres au prieuré Saint-Nicolas d’Acy qui ne
semble donc pas à l’origine du mouvement. Le cartulaire de Notre Dame de Senlis51 ajoute qu’en 1194, « l’évêque
Geoffroi confirme la paix qui a été faite entre Ermentrude d’Auger, qui reconnaît humblement ses torts, et le
chapitre, au sujet d’une part de la dîme de Villeneuve. En 1202, Philippe de Béthisy abandonne après procès une
partie des droits qu’il possédait dans la dîme de Villeneuve (et de Pontpoint) à l’évêque de Beauvais52. En mars
1257, Jean de Saint-Germain, en désaccord avec l’Abbé de Saint-Corneille au sujet de la dîme qu’il percevait, en
commun avec l’Abbé, au-delà de l’Oise et de l’Automne, sous Saint-Germain, sur la « Montagne de Verberie » et
« ou terroir de la ville neuve et en tous les autres lieux où je avoie communité » se décide à abandonner aux
religieux la part qui lui revient dans cette dîme. moyennant une redevance annuelle53. C’est à cette époque que D.
Vermand54 place la construction d’une chapelle au nord du choeur de l’église de Villeneuve. Faut-il y voir un
rapport avec le renforcement local de l’abbaye Saint-Corneille, comme cela a été noté pour le XIe siècle?
Les rôles des assises de la commune de Senlis, conservés pour la période s’étendant d’août à novembre
130655, nous rappellent trois procès concernant une villeneuve des environs de Senlis, sans plus de précision. La
première affaire montre le boucher de Villeneuve prouvant sa bonne foi (probation) dans une affaire de vente d’un
porc contestée par le vendeur. Celui-ci, Roucel, marchand de porcs, fait appel à Guillaume le Tioulais pour qu’il
lui serve de caution (pleige). La deuxième affaire indique que Pierre de Villeneuve est condamné après une plainte
renouvelée auprès du tribunal, à payer 19 livres de dommages à Renaut le Fournier. La troisième affaire
condamne Thibaut de Villeneuve à payer 15 sous 7 deniers à Odyon la Bonarde, à raison de 12 deniers par
semaine à partir du dimanche suivant. Dans les trois cas, il semble probable que les affaires concernent des
habitants de Villeneuve-sur-Verberie, les autres villeneuves étant trop éloignées de Senlis. C’est du moins l’avis
de M. Carolus-Barré. Si le premier justiciable est boucher, on ignore si les deux autres sont seigneurs de
Villeneuve, villageois aisés ou simples paysans. Si la première amende est assez considérable (une livre équivaut à
4.90 grammes d’or fin vers 1300, l’amende représente donc près de 100 grammes d’or), la deuxième, bien que
plus légère, est assortie de « facilités de payement » qui dénotent l’origine modeste du condamné.
La mention d’un « Pierre de le Nueve Ville le Roy » dans ces rôles d’assises et deux mentions relevées par
E. Lambert (Villa nova regis en 1340 dans un titre terrier et Villeneuve le roi sur Verberie en 1460) nous amènent
à nous interroger sur le rôle des rois de France dans l’aménagement de ce terroir. La création de la villeneuve
peut-elle leur être imputable? (cf. La Neuville-Roy).Il est bien difficile de se prononcer compte tenu de l’absence
de documents explicites, mais la présence royale est souvent mentionnée dans les villages voisins. Saint-Corneil,
Saint-Germain, une partie de Noël-Saint-Martin, Noël-Saint-Remy, appartiennent depuis le haut Moyen Age au
moins au fisc du palais de Verberie. Le domaine royal s’étend aussi durablement sur la partie nord du massif de
Halatte56jusqu’au hameau actuel du Fond-Maillet, recouvrant sensiblement l’actuelle forêt domaniale. L. CarolusBarré57 démontre, grâce aux comptes royaux et aux actes de juridiction (toujours intitulés aux noms de prévôts ou
gardes du scel établis « de par le roi ») que la châtellenie de Verberie-Béthisy faisait encore partie du domaine
royal en 1290, Tous ceci montre qu’une forte présence royale caractérise le terroir du Rouanne. Mais il manque
des preuves irréfutables de la présence d’un domaine royal à Villeneuve. Deux pièces peuvent nous les apporter :
50
ROBLIN (M.) « L’habitat ancien dans la région de Pont-Sainte-Maxence », in mélanges d’archéologie offerts
à A. Pigagnol, édité par R. Chevallier, SEVPEN, Paris, 1966, p. 1087/1110. et MULLER (E.) 29 chartes
originales concernant l’abbaye de Chaâlis, Senlis, 1892.
51
MULLER (E.), « Cartulaire de N.-D. de Senlis », Bulletin du Comité Archéologique de Senlis, n° 123, 1904.
52
CARLIER (C.). op. cit. , t 2, p. 58.
53
MOREL (E.) op. cit.
54
VERMAND (D.), op. cit., p.30
55
CAROLUS-BARRE (L.) Etudes et documents sur l’Île de France et la Picardie, Compiègne 1996. p. 121154)
56
GUILLEMOT (J.) « Les forêts de Senlis », Mémoires de la Société historique de Paris et d’Île de France,
XXXII, 1905, p.89-319.
57
CAROLUS-BARRE op. cit. p. 284.
12
Une charte 58de Gui III de Senlis (Guido Buticularius), bouteiller du Roi, datée de 1171, contient l’accord
entre le bouteiller et l’abbaye de Chaâlis à propos des donations faites à cette abbaye par Guillaume le Loup, père
de Gui. Parmi les signataires de cette charte, outre Ludovici regis, on relève Sigillum Rogerii prepositi de Nova
villa. Cette Villeneuve, à l’évidence située près de Senlis, ne peut être que Villeneuve-sur-Verberie. Un prévôt,
représentant le roi dans la paroisse, existe d’ailleurs à la même époque à La Neuville-Roy. On pourrait donc
envisager une propriété royale à Villeneuve-sur-Verberie, bien qu’il puisse aussi s’agir d’un prévôt seigneurial.
La deuxième preuve irréfutable de l’appartenance de Villeneuve au domaine royal nous est apportée par le
« Rapport de Jean Blondel, bailli de Senlis, sur les aliénations du domaine royal effectuées dans l’étendue dudit
bailliage, depuis le temps de Philippe le Bel »59. Ce rapport, établi en 1321 à la demande du roi Philippe le Long,
était destiné à recenser toutes les aliénations récentes du domaine royal, afin d’en vérifier le bien fondé. On peut
lire sous la rubrique « En la chastelenie de Senliz » : « Li roi souloit avoir la Villeneve sus Verberie et toutes les
appartenences, avecques ce la ville de Noisi, Lanllon et partie de Coie, en la prevosté de Biaumont, les queles
villes, avecques toutes les rentes li rois Phelippes qui morut en Arragon a l’encontre eschangea de certanne terre
que mons. Geuffroy le Boutillier avoit a Milli, laquele fu donnee a mons. Hue de Boville, si comme l’an dit ».
Ce texte, un peu tardif, est cependant essentiel car il nous apprend que le roi Philippe III le Hardi (mort en
1285 à Perpignan) a échangé avec Geoffroy le Bouteiller sa villeneuve et d’autres villages contre lesquels il a reçu
des terres à Milly (près de Rantigny ou de Marseille-en-Beauvaisis ?). On peut donc conclure que Villeneuve et
ses « appartenences » appartient au domaine royal jusque vers 1280 et qu’elles sont ensuite cédées à Geoffroy le
Bouteiller. Le même rapport mentionne d’autres biens royaux aliénés auparavant, et situés dans la châtellenie de
Pont (fiefs à Beaurepaire, Soltemont, Brenouille, vignes à Pontpoint, au Moncel...). On note au passage la
mention de la prévôté de Beaumont. Peut-on y voir une explication du nom de la « ruelle de Beaumont » dont
nous avons parlé plus haut ?
Tout ce qui précède nous amène à conclure qu’avant 1143, en bordure du domaine royal, en
lisière de la forêt d’Halatte, un essartage est pratiqué à partir d’une villeneuve peuplée d’hôtes et
implantée à la croisée de chemins secondaires reliant Noël-Saint-Martin à Yvillers et Raray à Saint-Pierre
de Pontpoint. Le site choisi pour la construction de la villeneuve est placé sur un interfluve, à l’écart de
toutes les grandes voies de communication médiévales, mais aux marges du domaine royal et en lisière de
forêt royale. La villeneuve possède un plan en village-rue avec un parcellaire grossièrement orthogonal,
présentant des lots d’environ 14000 m².
Pourvue d’une nécropole précoce, la villeneuve sera peut-être dotée d’une église avant 1140. Le
terroir est désigné à cette époque par le terme de territorio de Valleis ou territorio quod dicitur vallibus,
le déterminant juxta Verberiam n’apparaîtra qu’un siècle plus tard. Des hôtes et des terres sont possédés
très tôt par un certain Gui Petit qui préfère les céder rapidement aux moines de Saint-Nicolas d’Acy.
Ces essartages sont réalisés autour de Villeneuve, en particulier au nord, entre Villeneuve et NoëlSaint-Remy, là où s’étendait la « Queue-Renards », prolongement de la forêt royale d’Halatte. Un
parcellaire régulier est dessiné à cette occasion. En revanche, aucun essartage n’a sans doute été effectué
vers les zones peu fertiles du Mont Pagnotte (nord-ouest) et du Haut Montel (sud est). Pas de
défrichement non plus vers l’ouest où la paroisse d’Yvillers est déjà cultivée, ni vers l’est où le village du
Theil existe sans doute aussi déjà.
Ces essartages effectués dans le domaine royal sont quasiment contemporains de ceux pratiqués
un peu plus au sud, dans le comté de Senlis, par les bouteillers du roi. C’est en effet vers 1152 que sont
défrichés les 1000 hectares de la « forêt de Bray » et que le village de Brasseuse est crée. On remarquera
que dans ce dernier cas, aucun plan prédéterminé ne semble avoir présidé à l’établissement du village.
Villeneuve, propriété royale, est dirigée, peut-être pour le roi, par un prévôt, Roger de Neuville
en 1171.
Après une cinquantaine d’années, une église, dotée d’un haut clocher et de sculptures soignées
s’inspirant de la cathédrale de Senlis, est (re)bâtie, sans doute vers 1185. Ces derniers travaux ont peutêtre été effectués sur l’initiative de l’abbaye Saint-Symphorien de Beauvais. La cure est à la présentation
de cette abbaye, mais la dîme est répartie entre elle et de nombreux bénéficiaires laïques ( Ermentrude
d’Auger jusqu’en 1194, Philippe de Béthisy jusqu’en 1202, Jehan de Saint-Germain jusqu’en 1257) ou
religieux (chapitre Notre-Dame de Senlis, évêque de Beauvais, Saint-Corneille de Compiègne...)
Enfin, à l’époque où le comté de Crépy passe dans le domaine royal (1214), Villeneuve a perdu
son intérêt stratégique de frontière entre le domaine royal et le comté du Valois et les défrichements sont
achevés. Le roi Philippe III échange alors ce domaine contre une terre plus intéressante, vers 1280. Ce
sont encore une fois les bouteillers qui bénéficient des démembrements du domaine royal.
58
59
AFFORTY, op. cit., t. XIV, p. 422/476
CAROLUS-BARRE op. cit. p. 164
13
Ainsi, à partir d’une villeneuve, l’homme a essarté la partie sud-ouest du terroir qui s’articule
autour du ru de Rouanne, très certainement sur les confins de la paroisse de Noël-Saint-Remy. Cette
dernière paroisse connaît-elle des répercussions positives de ce développement agricole et des essartages
similaires sont-ils entrepris ? Quelques éléments de réponses pourront être apportés en croisant diverses
disciplines comme l’histoire, l’archéologie, l’archéologie monumentale, la prospection, la toponymie, la
cartographie... Ils devront faire l’objet d’une prochaine étude.
Table des matières
Les grands essartages du XIIe s. dans le domaine royal et la formation d'un paysage médiéval, étude
archéogéographique de Villeneuve-sur-Verberie (Oise, Hauts-de-France), ..................................................1
Présentation géographique..............................................................................................................................2
La toponymie, l’architecture, la prospection, l’archéologie laissent penser qu’une villeneuve a été
créée aux confins du domaine royal...............................................................................................................2
Formation d’un paysage médiéval aux confins du domaine royal :..........................................................3
Les limites de la partie urbaine de Villeneuve........................................................................................4
Le plan de la partie bâtie de la villeneuve ..............................................................................................4
Peut-on retrouver les témoins d’un découpage cadastral médiéval dans la partie rurale de la
villeneuve ?...................................................................................................................................................7
Le choix de l’implantation...............................................................................................................................8
A quel moment se place la fondation de Villeneuve-sur-Verberie par rapport aux essartages connus
dans la région?.................................................................................................................................................10
Les limites du terroir de Villeneuve........................................................................................................10
La fin de la « Vasta Braii sylva ».............................................................................................................11
Villeneuve : une fondation royale ?..............................................................................................................11
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