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Mémoire de synthèse en vue de l’Habilitation à Diriger des Recherches Relations hommes-animaux et rationalités du risque Présenté par Frédéric Keck Chargé de recherches au CNRS (Laboratoire d’anthropologie sociale) Directeur du département de la recherche et de l’enseignement Supérieur au musée du quai Branly soutenu le 27 avril 2017 à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales Jury : Philippe Descola (Professeur d’anthropologie de la nature au Collège de France, Directeur d’études à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Laboratoire d’anthropologie sociale, Garant) Didier Fassin (Professeur de sciences sociales à l’Institut d’Etudes Avancées de Princeton, Directeur d’études à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux) Jean-Paul Gaudillière (Directeur d’études à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Institut francilien recherche innovation société, Rapporteur) Yves Goudineau (Directeur de l’Ecole Française d’Extrême-Orient, Centre Asie du Sud-Est) Sophie Houdart (Directrice de recherche au CNRS, Laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative) Annemarie Mol (Professeure d’anthropologie du corps à l’Université d’Amsterdam) Anne-Marie Moulin (Directrice de recherche au CNRS, Sciences Philosophie Histoire) 1 Sommaire Introduction : la demande anthropologique p. 3 I Histoire de l’anthropologie, histoire de la philosophie 1. Lucien Lévy-Bruhl et la causalité mentale p. 7 2. Claude Lévi-Strauss et la contradiction logique p. 12 3. Henri Bergson, Michel Foucault et la biopolitique p. 19 II Ethnographie des zoonoses 1. Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments p. 26 2. Centre Pasteur et Société des observateurs d’oiseaux à Hong Kong p. 32 3. Projet européen Antigone p. 37 4. Projet Axa p. 41 III Anthropologie au musée 1. Musée du quai Branly p. 43 2. Ecologie des collections patrimoniales p. 47 3. Projet Microbiome et la question des restes humains p. 50 4. Projet d’exposition « Petits êtres » p. 53 IV Présentation du manuscrit inédit 1. Préparation, imagination, planification p. 54 2. Sentinelle et sacrifice p. 58 3. Simulation et rituel p. 61 4. Stockage et échange p. 63 Conclusion p. 66 Références p. 69 Curriculum Vitae p. 76 Liste des publications p. 90 Remerciements p. 105 2 Introduction : la demande anthropologique La formation philosophique est une des spécificités des anthropologues français, même si chacun la prolonge de façon singulière. Dans mon cas, le rapport entre philosophie et anthropologie n’a pas pris la forme d’une rupture, à travers la mise à l’épreuve des constructions théoriques par la pratique du terrain, ni d’un accompagnement, comme lorsque le discours philosophique prend pour objet les modèles et les textes des anthropologues. En effectuant une thèse de philosophie sur un des fondateurs de l’anthropologie française, puis en étant recruté dans la 35e section du CNRS (plutôt consacrée à des recherches philosophiques) pour mener des enquêtes ethnographiques, enfin en prenant des responsabilités administratives dans une institution muséale, j’ai trouvé des lieux où j’ai pu identifier et partiellement répondre à ce que l’on peut appeler, en détournant une formule de Jacques Bouveresse (1996), « la demande anthropologique ». A la différence de la philosophie, dont l’offre en termes de publication et d’enseignement est importante face à une demande massive due à la position de cette discipline dans les programmes pédagogiques, l’anthropologie est effectivement pratiquée par un nombre réduit de chercheurs, alors que le besoin est souvent exprimé d’un discours rigoureux sur la condition humaine dans la diversité des environnements où elle se réalise. Tout le problème est alors, comme l’a souligné Bouveresse pour la philosophie, de maintenir cette rigueur face à la multiplicité des attentes envers la discipline. En recevant cette demande depuis plusieurs institutions où l’anthropologie est en contact avec un plus large public, j’ai mis mon travail au service de ce que Claude Lévi-Strauss définit comme une « technique de dépaysement », pour valoriser les résultats que cette technique peut effectivement produire1. 1 J’ai notamment publié plus de 60 recensions d’ouvrages de philosophie ou d’anthropologie dans des journaux (Le Monde), des revues littéraires (Critique, Esprit), des revues scientifiques (Revue d’histoire des sciences humaines, L’Homme, Gradhiva, Journal of the Royal Anthropological Institute, Revue d’Etudes en Agriculture et Environnement,) ou des sites Internet (la viedesidees.fr, nonfiction.fr, somatosphere.net). Je coordonne avec Julien Bondaz la refonte des articles d’anthropologie dans l’Encyclopedia Universalis. 3 Dans les trois lieux où j’ai été conduit à défendre et illustrer l’anthropologie, j’ai en effet découvert des attentes différentes envers cette discipline. A travers la figure de Lucien Lévy-Bruhl, j’ai pu voir que l’anthropologie répondait à une demande de justice sociale dans le cadre colonial, lorsqu’elle expliquait « comment les indigènes pensent » à partir de situations controversées exposées dans des procès (Keck 2008, chp 2). En travaillant sur la gestion des maladies animales par les institutions de santé publique, j’ai reçu la demande de « savoirs locaux » sur la « nature » de la part d’experts urbains engagés dans la « santé globale ». En pilotant la recherche dans un musée d’artefacts non-européens, je me suis placé sous le devise du « dialogue des cultures » dans la mondialisation. Tous ces termes – mentalité primitive, ethnoscience, culture – devaient être soumis à une critique philosophique pour dégager les résultats d’une observation participante rigoureusement menée. Ni savoir de la nature ni dialogue des cultures, je définirais volontiers l’anthropologie comme cette discipline intellectuelle stimulée par les scandales logiques et moraux découverts dans des situations controversées où le cours des choses ne va plus de soi, et où quelque chose d’étrange apparaît. Cet espace entre philosophie et anthropologie s’est ouvert pour moi de façon singulière lorsqu’à l’issue de mon agrégation de philosophie, en 1999, Claude Imbert m’a fait bénéficier d’un accord entre l’Ecole Normale Supérieure et l’Université de Berkeley pour étudier pendant un an au département d’anthropologie avec Paul Rabinow. Claude Imbert a elle-même beaucoup œuvré pour que l’anthropologie produise des effets dans la philosophie en lui dérobant le sol naturel sur lequel elle cherche à construire des fondements, et en fournissant des « prises de réel » à partir desquelles il devient possible d’inventer de nouvelles syntaxes (Imbert 2000, 2005). Son séminaire « Art création cognition » est un des lieux où j’ai appris ce qui m’a permis de décrire les différents objets que j’ai eus ensuite sous les yeux. Paul Rabinow s’est défini comme un « anthropologue orienté philosophiquement », et occupe une place à part dans le paysage de l’anthropologie culturelle américaine du fait de son lien avec la « French Theory ». Son anthropologie de la raison contemporaine m’a rendu attentif aux diverses formes qu’elle prend dans la science, l’art et la politique (Rabinow 1995). Alors que l’anthropologie était en cours de redéfinition du fait des nouveaux terrains qu’elle rencontrait et des nouvelles demandes qu’elle recevait, la philosophie a été le lieu où j’ai pu réfléchir à cette recomposition en cours. 4 Le travail de doctorat que j’ai consacré à Lucien Lévy-Bruhl m’a permis de donner consistance à un tel lieu. Professeur à la Sorbonne, Lévy-Bruhl pratiquait l’histoire de la philosophie à la manière d’un anthropologue, en décrivant les conditions sociales d’un système de pensée, puis il étudia les sociétés dont s’occupaient les ethnologues du point de vue de leur « mentalité », sans qu’il n’y ait pour lui de discontinuité entre ces deux activités intellectuelles. Alors que l’histoire de l’anthropologie a pu être pratiquée par les anthropologues eux-mêmes comme un retour réflexif sur un terrain déjà effectué, ou au contraire un travail de terrain nouveau avec ses propres modes de preuves empiriques, la lecture de l’auteur de La mentalité primitive a été pour moi le point de départ d’un travail de terrain entièrement différent sur les maladies animales puis dans les musées d’artefacts non-européens. La formule qui a tant intrigué Lucien Lévy-Bruhl, « Les Bororo sont des Araras », continue en effet à informer mon travail, en relançant cette question simple : comment des hommes peuvent-ils s’identifier à des oiseaux ? J’ai étudié l’histoire de cet énoncé à travers des traditions anthropologiques différentes, la façon dont il circule en prenant des sens différents et en défiant les formes classiques de l’ontologie. J’ai montré l’actualité de cette question lorsque des hommes s’identifient empathiquement à des oiseaux infectés par un virus potentiellement pandémique. J’ai observé comment des musées conservaient des objets à plumes dans lesquels se fabriquaient des identités rituelles. Sans que ces trois activités de recherche se traduisent par un nombre égal de publications, j’y vois différentes façons de pratiquer l’anthropologie en rapport à un même objet : les relations que les humains établissent avec les non-humains dans un monde où ils partagent des vulnérabilités. Le travail que je présente sous la forme d’un manuscrit intitulé Avian preparedness soulève en effet le problème suivant : comment inclure les non-humains dans nos formes de prévision de l’avenir ? En quoi la préparation aux catastrophes se distingue-t-elle d’autres formes de prévision des risques, d’une façon qui paraît irrationnelle puisqu’elle permet à des humains d’agir avec des non-humains ? Cette question a mobilisé le travail à la fois ethnographique et conceptuel que j’ai mené au cours des quinze dernières années, et m’a conduit à assumer un nouveau « grand partage » entre des « mentalités » - ou, en termes plus contemporains, entre des « rationalités du risque ». Je propose en effet l’hypothèse selon laquelle la distinction 5 entre préparation et prévention dans l’anticipation du futur recoupe celle que faisait Lévy-Bruhl entre « mentalité primitive » et « mentalité civilisée ». Au fur et à mesure que cette hypothèse se précisait, elle a modifié ma façon de pratiquer l’histoire de la philosophie et l’enquête ethnographique, chacune de ces activités irriguant l’autre de façon indissociable sans que l’une n’en vienne à remplacer l’autre – de la même façon que Lévy-Bruhl a continué à pratiquer l’histoire de la philosophie tout en rédigeant des ouvrages considérés comme ethnologiques. Une telle méthode soulève en effet deux objections inverses : elle risque de projeter des conceptions abstraites sur des pratiques hétérogènes, ou au contraire de simplifier des travaux intellectuels complexes en les éclairant par des questions contemporaines suscitées par des techniques nouvelles. Mais la relecture des auteurs du passé par les problèmes du présent m’a permis d’introduire en anthropologie des objets inédits. Si la brièveté des courts circuits que j’ai employés pour les construire m’a parfois écarté de la rigueur philosophique ou ethnographique, j’espère avoir ouvert de nouvelles pistes de recherche qui seront explorées par d’autres. Mon travail ethnographique se situe au croisement de deux domaines de recherche constitués au cours des vingt dernières années : la sociologie des risques et l’anthropologie de la nature. Je cherche à montrer que la nouveauté de la préparation aux catastrophes comme rationalité du risque peut être saisie à partir des relations entre humains et non-humains qu’elle a transformées. Il me semble qu’au-delà de sa nécessité pour mon propre objet, ce croisement entre deux courants particulièrement féconds des sciences sociales qui se sont développés parallèlement au cours des vingt dernières années compense leurs limitations respectives. On a pu reprocher en effet à la sociologie des risques de suivre de près les pratiques des acteurs dans les réseaux qu’ils constituent, sans décrire les asymétries et les coupures ontologiques qu’ils présupposent. D’un autre côté, l’anthropologie de la nature, en prenant davantage une position de surplomb, étudie les êtres apparaissant dans les relations entre humains et non-humains et les collectifs qu’ils forment, mais peut sembler ne pas suffisamment les inscrire dans des formes d’action. Les travaux les plus intéressants en sciences sociales tentent de résoudre cette difficulté en se situant au niveau des schèmes de perception par lesquels les vivants établissent des rapports de proximité et de distance pour gérer les incertitudes de leurs interactions. 6 Dans mes propres travaux, j’ai réfléchi à cette question du schématisme à travers une philosophie de l’esprit éclairant les concepts de causalité et de contradiction. Il s’agissait en effet d’expliquer comment des êtres apparemment contradictoires (notamment en ce qu’ils transgressent l’opposition établie en Occident entre nature et culture) permettent d’agir dans des circonstances déterminées par une forme de causalité spécifique. Du fait que les êtres qui apparaissent dans l’action prennent une forme contradictoire, la causalité par laquelle les hommes agissent se dédouble en une multiplicité de niveaux. Cette conception de la causalité m’a permis d’aborder de façon critique la notion de biopouvoir, en dégageant la pluralité des modes d’être et des modalités d’action qu’elle fait tenir ensemble. L’assemblage apparemment hétéroclite de travaux plus philologiques et d’autres plus ethnographiques que je présente aujourd’hui prend sens à partir de cette démarche générale, et permet d’éclairer ce paradoxe contemporain : que les hommes puissent se préparer aux catastrophes en pensant avec les oiseaux, dans un rapport toujours ambivalent de proximité et de distance. I Histoire de l’anthropologie, histoire de la philosophie 1. Lucien Lévy-Bruhl et la causalité mentale Mon intérêt pour l’œuvre de Lucien Lévy-Bruhl vient d’une double rencontre. A l’occasion d’un cours d’introduction à l’anthropologie donné par Benoît de l’Estoile à l’Ecole Normale Supérieure, j’ai découvert des textes de Lévy-Bruhl et Evans-Pritchard montrant comment les individus recourent à un langage mystique pour expliquer les accidents de la vie ordinaire par des forces invisibles. Je prenais alors des cours de chinois à l’Ecole Normale Supérieure tout en suivant les séminaires de François Jullien au Collège International de Philosophie, et je fus frappé par la remarque de Lévy-Bruhl devant la Société Française de Philosophie en 1922 selon laquelle son étude de la « mentalité primitive » a commencé par la lecture d’histoires chinoises présentées par Edouard Chavannes, dont sa formation philosophique ne lui permettait pas de comprendre la logique. J’ai donc cherché à interroger la comparaison radicale entre des modes de penser par un sinologue contemporain à la lumière des travaux d’un 7 anthropologue passé 2 . Comment les sociétés chinoises perçoivent-elles les forces invisibles qui expliquent les accidents ? Cette question pouvait déjà orienter mon ethnographie des virus de grippe aviaire, mais je l’ai d’abord traitée par les moyens de l’histoire de la philosophie et de l’anthropologie. En France, l’histoire de l’anthropologie s’est nettement développée au cours des trente dernières années, particulièrement à partir des travaux de Jean Jamin (1988) et de la revue Gradhiva. Relayant les travaux de George Stocking aux Etats-Unis mais avec une orientation plus réflexive et inventive dont on trouve des échos dans les travaux de James Clifford (1982), elle portait sur les archives, notamment photographiques, et les institutions, notamment muséales, à travers lesquelles l’enquête ethnographique est devenue le support d’un savoir disciplinaire. Elle participait ainsi d’une histoire des sciences humaines qui se méfie des héros épistémiques et redonne leur place à des figures intellectuellement mineures mais institutionnellement centrales. Ainsi Jean Jamin et Jean Copans (1979) ont-ils montré le rôle de la Société des Observateurs de l’Homme formée par les Idéologues au lendemain de la Révolution Française, tandis que Claude Blanckaert (2009) a souligné l’importance de la Société Française d’anthropologie dirigée par Broca à la fin du dix-neuvième siècle3. Parallèlement, l’histoire de la philosophie, notamment dans les travaux de Pierre Macherey (1999) et Bruno Karsenti (2013), a décrit le mouvement par lequel les sciences sociales se sont détachées de la philosophie pour constituer le « social » en champ de phénomènes autonome, reformulant ainsi les problèmes de la philosophie politique. L’articulation entre le social et le mental, objet de la psychologie et de la sociologie du début du vingtième siècle, apparaissait comme le lieu où se joue l’engagement des individus dans la vie collective, notamment à travers les émotions. 2 Voir mon article « Une querelle sinologique et ses implications. À propos du Contre François Jullien de Jean-François Billeter », Esprit, 352, 2009, p. 61-81, et ma recension d’un ensemble d’ouvrages de et autour de François Jullien dans Le Monde des livres du 3 mars 2011. Mon intervention extérieure dans la controverse entre François Jullien et Jean-François Billeter m’a valu des reproches des deux côtés de la controverse, ce qui explique que je n’ai pas reproduit cet article dans le dossier de publications. Les auteurs contemporains que j’aborde dans le dossier de publications sont ceux avec lesquels j’ai un accord de fond. 3 J’ai participé aux débats sur cette reconfiguration en participant depuis 2001 au comité éditorial de la Revue d’histoire des sciences humaines, successivement dirigée par Laurent Mucchielli et Olivier Martin, puis Claude Blanckaert et Jean-Christophe Marcel, enfin Olivier Orain et Wolf Feuerhahn. J’ai également participé au comité de rédaction de Gradhiva entre 2007 et 2008 sous la direction d’Erwan Dianteill, puis au comité de direction de cette revue. Mon premier article sur Lévy-Bruhl a été publié par Jean Jamin et Françoise Zonabend dans Gradhiva en 2000. 8 Reprenant les analyses de Georges Canguilhem, ces travaux dégageaient le social comme une nouvelle forme de normativité irréductible à celle du vital, du fait de sa plus grande capacité à la variation et à l’institutionnalisation rendue possible par l’inventivité de l’esprit humain. Mon travail sur Lucien Lévy-Bruhl se situait au croisement de ces deux lignes de recherche, notamment en proposant une généalogie de la notion de « mentalité primitive ». Après avoir soutenu la sociologie de Durkheim dans l’institution philosophique, Lévy-Bruhl fonda avec Mauss et Rivet l’Institut d’ethnologie de l’Université de Paris en 1925. Ce travail institutionnel était concomitant d’une réflexion philosophique sur la participation, c’est-à-dire l’engagement affectif des individus dans la vie sociale. Sans choisir entre une lecture interne et externe de cette œuvre, j’ai donc cherché à dégager la cohérence et l’actualité de la réflexion de Lévy-Bruhl non seulement à travers ses six ouvrages d’ethnologie, mais aussi à travers ses livres d’histoires de la philosophie et un certain nombre de publications annexes. En lien avec les relectures récentes de la sociologie durkheimienne (Rawls 1996, Descombes 1995, 1996), j’ai montré que la participation devait se comprendre non comme une confusion originaire mais comme une forme de causalité, c’est-à-dire une modalité d’action socialement orientée. La thèse de Lévy-Bruhl sur « l’idée de responsabilité » en 1882 mobilise en effet la philosophie morale de Renouvier dans un débat épistémologique avec la criminologie (Keck 2008, chp 1). Contre la raison statistique mobilisée par les criminologues, qui fait d’une action le résultat de probabilités objectives d’agrégation entre des phénomènes naturels (comme la forme du crâne ou la propension au crime), Lévy-Bruhl, dans le sillage de Cournot, dégage des probabilités subjectives prenant la forme de croyances. Tout son travail anthropologique vise dès lors à comprendre comment la croyance en des forces invisibles fait agir de façon déterminée, quoique variable selon les sociétés. En multipliant les données ethnologiques, en « laissant parler les faits », Lévy-Bruhl rend perceptible un mode d’action dans lequel les corps, loin d’agir mécaniquement les uns sur les autres, participent à une puissance supérieure qui résulte de leur agrégation. Ressaisie à partir de la question de la causalité, la pensée de Lévy-Bruhl offrait une alternative à celles, plus complexes, avec lesquelles elle était souvent confondue. S’il emprunte à Durkheim la description de cette agrégation des actions individuelles 9 sous la forme de l’obligation, Lévy-Bruhl refuse la notion de représentation collective, qui suppose un sujet représentant, pour s’en tenir au niveau des émotions et des « préliaisons » qu’elles opèrent entre les choses. Il se retrouve ainsi proche de Bergson en qualifiant cette causalité de « mystique » plutôt que « sacrée », mais il refuse les notions de durée pure et de moi profond. Entre Durkheim et Bergson, qui alternent objectivisme et subjectivisme dans la reprise de la conception cartésienne de la représentation, j’ai montré que Lévy-Bruhl reprenait l’occasionnalisme de Malebranche, ce qui le rapproche de Loisy dans le champ de la sociologie des religions (Keck 2008 chp. 3 ; DP4 : 5sq. et 72sq.). Les individus voient les choses à travers les catégories collectives qui émergent de leurs interactions (comme Malebranche dit que nous voyons les choses en Dieu), mais ces catégories restent affectives et ne peuvent être saisies en ellesmêmes. C’est seulement à l’occasion d’accidents qu’elles font percevoir les choses dans un ordre surnaturel ou moral (au sens où pour Malebranche nous voyons « en Dieu » mais non Dieu lui-même). J’explique ainsi que Lévy-Bruhl ait suscité un grand intérêt chez des lecteurs de Durkheim et Bergson comme Halbwachs, Levinas ou MerleauPonty (Keck 2008 chp. 4 ; DP : 45sq.) : la participation est un mode d’être qui échappe aux cadres de la représentation, parce qu’elle mobilise des schèmes de perception socialement orientés. J’ai également montré que la pensée de Lévy-Bruhl devait être distinguée de l’usage qu’en ont fait ses lecteurs les plus proches. Maurice Leenhardt l’orienta vers une phénoménologie religieuse de la parole kanak, mais il remplaça « mystique » par « mythique » : j’ai éclairé ce changement par des pratiques pédagogiques différentes de celles que supposait Lévy-Bruhl, la conversion missionnaire remplaçant le cadre de l’éducation laïque (DP : 23sq.). Emile Meyerson appliqua ses analyses à l’activité spéculative des physiciens de son temps, mais il parlait d’identification plutôt que de participation, car il lui manquait le cadre social nécessaire à une véritable histoire des sciences (DP : 35sq.). C’est finalement dans le travail ethnographique d’EvansPritchard sur la sorcellerie (1937) que j’ai trouvé les analyses les plus proches de celles de Lévy-Bruhl sur les « habitudes mentales » qui font passer des inférences ordinaires à un « idiome mystique » transmis par la tradition à l’occasion d’accidents. 4 Je renvoie ici au dossier de publications (DP). Dans ce dossier, j’ai sélectionné 36 publications sur la centaine que l’on trouvera dans la liste complète des publications à la fin de ce mémoire. Je les ai classées dans l’ordre de présentation de ce mémoire, qui est davantage logique que chronologique. 10 La signification politique du travail de Lévy-Bruhl m’est apparue plus clairement lorsque j’ai étudié ses archives à l’IMEC pour un article demandé par les Cahiers Jean Jaurès (DP : 58sq.). Lévy-Bruhl a en effet présidé la Société des amis de Jaurès après l’assassinat de celui-ci, ce qui le conduisit à entreprendre un grand nombre de voyages en Asie et en Amérique dans les années 1920 pour défendre le réseau des Alliances françaises fondé par Jaurès. S’il partage ainsi l’universalisme pacifique et le réformisme colonial de Jaurès avec leurs ambiguïtés, c’est aussi parce que celui-ci a été son allié dans l’Affaire Dreyfus. Cousin par alliance du capitaine Dreyfus, Lévy-Bruhl fut le premier à témoigner de son innocence lors du premier procès de celui-ci, alors que le Bureau de la statistique dirigé par Bertillon accumulait des preuves contre lui. LévyBruhl initia donc le mouvement collectif des intellectuels visant à rassembler des preuves subjectives contre les preuves apparemment objectives des statistiques, et dont Jaurès fut un puissant moteur. La sociologie dite « pragmatique », que j’ai découverte en étant affecté par le CNRS au Groupe de sociologie politique et morale entre 2005 et 2010, a montré comme la forme « affaire » a produit des formes inédites de mobilisation, en engageant des individus à disputer par des arguments dans des situations controversées dont l’issue reste jusqu’au bout incertaine (Boltanski et al. 2007). Elle a notamment repris les travaux de Henri Lévy-Bruhl, fils de Lucien, sur la façon dont les preuves judiciaires s’inscrivent dans des formes de « pré-droit », comme les ordalies à travers lesquels sont invoquées des puissances mystiques pour départager des cas indiscernables (Chateauraynaud 1991). Elle a également montré que les statistiques font partie des outils qui permettent de trancher des controverses, par exemple à travers la création de l’Institut National des Statistiques auquel participa Raymond Lévy-Bruhl, petits-fils de Lucien, après avoir ramené des Etats-Unis de nouveaux outils de représentation des collectifs (Desrosières 2000, 2014 ; Didier 2009). En reprenant les méthodes de cette sociologie, je voudrais, dans un ouvrage à venir, montrer qu’en parallèle à la généalogie épistémologique et morale que j’ai reconstituée dans mes travaux (entre Durkheim, Bergson et Jaurès), on peut reconstituer une généalogie institutionnelle et politique qui articule les différents membres de la famille et les instituts qu’ils ont fondés (ethnologie, droit, statistique) à partir du souvenir de l’Affaire Dreyfus. 11 La causalité est donc pour Lévy-Bruhl une notion indissociablement épistémologique et morale : elle engage les individus dans une cause parce qu’elle leur fait percevoir les choses de façon nouvelle. C’est pourquoi elle est de nature mentale, et repose sur les formes de la preuve : les choses restent telles qu’elles sont ordinairement, mais elles sont perçues autrement du fait d’être arrangées en vue d’expliquer un événement. Le terme d’ « affaire » est adéquat pour décrire la façon dont les individus s’engagent dans un cours d’action dont l’issue leur paraît indéterminée, en fonction d’un idéal de justice qui s’exprime par des émotions collectives. J’ai pu ainsi comparer la notion de mentalité chez Lévy-Bruhl à celle de cité ou de topique dans la sociologie pragmatique, décrivant les arguments normatifs par lesquels les affects sont orientés en situation de dispute, et les épreuves par lesquels ils doivent passer pour se grandir, du « vécu » individuel jusqu’au test institutionnel (Boltanski et Thévenot 1990). C’est donc depuis une sociologie de l’action plutôt qu’une philosophie de l’esprit que j’ai lu l’œuvre de Lévy-Bruhl ; mais il restait à aborder le problème de la contradiction, qui appartient davantage à l’analyse philosophique. 2. Claude Lévi-Strauss et la contradiction logique Alors que la phénoménologie et la philosophie analytique avaient le plus nettement discuté et réfuté les thèses de Lévy-Bruhl sur la contradiction, c’est singulièrement dans l’anthropologie structurale que j’ai trouvé les outils pour les comprendre. Ressaisie à partir du concept de causalité, la pensée de Lucien Lévy-Bruhl apparaissait en effet moins éloignée que je ne le croyais initialement de celle de Claude Lévi-Strauss. Sans doute Lévi-Strauss a-t-il critiqué en termes sévères ce « prétendu principe de participation (…) empâté de métaphysique » (2008 : 599) souvent invoqué par la phénoménologie de la religion dans l’après-guerre. Mais en empruntant la notion de structure à la linguistique pour décrire le jeu des identités et des différences entre les signes, Lévi-Strauss a également cherché un principe de causalité appuyé sur une physique des signes, ou sémiotique. Philippe Descola rappelle que lorsque Lévi-Strauss distingue des modèles mécaniques pour les petites sociétés dont s’occupe l’ethnologie et des modèles statistiques pour les sociétés complexes dont traitent l’histoire et la sociologie, cette opposition empruntée aux sciences de la nature lui permet d’affirmer 12 un principe explicatif unique : lorsqu’elle s’est « saisie sans retenue du langage de la causalité », « l’anthropologie affirme sans ambiguïtés ses origines philosophiques : l’universel est son domaine et la différence son objet. » (Descola 1988 : 56). C’est sans doute par cette ambition philosophique que Lévi-Strauss a séduit une nouvelle génération de lecteurs à laquelle j’appartiens, alors que ses hypothèses anthropologiques étaient abandonnées par les chercheurs de cette discipline. J’ai donc cherché à comprendre en quoi la causalité structurale répondait au problème résolu par Lévy-Bruhl à travers la distinction entre causalité première ou « mystique » et causalité seconde ou « ordinaire ». Ici le critère logique de la contradiction prenait un rôle central. En affirmant que le principe de participation s’écartait du principe de contradiction, Lévy-Bruhl reprenait une objection adressée par Charles Renouvier au monisme de Victor Cousin selon laquelle la causalité naturelle appliquée aux faits de conscience ignorait la responsabilité morale. Le débat sur l’ignorance de la contradiction dans la « mentalité primitive », qui fut au cœur de la philosophie analytique au vingtième siècle, s’inscrit ainsi dans la réception française de la philosophie de Hegel. En reprenant la méthode de Jocelyn Benoist (2001, 2003), selon laquelle le structuralisme, la philosophie analytique et la phénoménologie apparaissent au début du vingtième siècle à partir de problèmes communs avant de diverger comme des programmes incompatibles, j’ai donc montré, dans ma thèse soutenue en 2003 et surtout dans l’ouvrage qui en est issu en 2008, que Lévi-Strauss fournit une réponse philosophiquement consistante au problème de la contradiction logique posé par Lévy-Bruhl. Alors que la philosophie analytique et la phénoménologie partent de contradictions entre des énoncés dans la conscience individuelle, le structuralisme place ces contradictions dans les relations entre les hommes et leur environnement. Là où Lévy-Bruhl repère une contradiction entre deux énoncés, « Les Bororo sont des hommes » et « Les Bororo sont des oiseaux », Lévi-Strauss y voit des oppositions entre des aspects du monde qu’il appelle « nature » et « culture ». Cette opposition empruntée à Franz Boas tient plus profondément à la formation philosophique et politique de LéviStrauss dans le marxisme. Si le monde apparaît à travers des aspects contradictoires, c’est parce que l’humanité y travaille pour produire des moyens de subsistance et de reproduction. Louis Althusser, s’appuyant sur l’anthropologie de Claude Lévi-Strauss, a 13 repéré dans les écrits de Marx une causalité expressive hiérarchisée en plusieurs niveaux qui rompt avec la conception hégélienne de la représentation (Descola 1988 : 47). Dans cette perspective, une contradiction n’est pas dépassée dans une représentation englobante, comme chez Louis Dumont, mais déplacée à un niveau supérieur d’une structure feuilletée entre rapports de production et rapports de reproduction (ce que Marx appelait l’infrastructure et la superstructure). L’efficacité de la structure, ce qui fait qu’elle agit dans des pratiques données, tient à un décrochage local perçu comme une contradiction par les acteurs, qui la transforment en d’autres contradictions au sein de ce qu’Althusser appelait une conjoncture. Lévy-Bruhl a donné des éléments qui vont dans le sens de sa reprise structuraliste à travers son intérêt pour la logique stoïcienne. Selon cette logique, deux éléments qui semblent contradictoires s’ils sont pris comme des représentations par un sujet cessent de l’être s’ils sont perçus comme des événements qui arrivent à des corps. Ainsi on ne considérera pas la contradiction entre les prédicats « homme » et « animal » dans l’énoncé « Les Bororo sont des Arara », mais on analysera des événements comme : un Bororo est malade, un Bororo devient rouge comme un Arara - et éventuellement guérit. Lévi-Strauss a bien indiqué que l’opposition entre nature et culture, dont il soulignait le caractère méthodologique et non ontologique, devait servir à analyser un gradient de perceptions organisé par des signes, comme les noms de couleurs ou de personnes. La filiation stoïcienne dans les sciences sociales françaises qui a été soulignée par Claude Imbert et Thomas Bénatouïl (2006), remonte à Emile Bréhier - élève de Lévy-Bruhl et auteur d’un livre sur la théorie des incorporels très cité par Gilles Deleuze dans Logique du sens - et à Octave Hamelin - ami de Durkheim, auteur d’un des premiers articles en France sur la logique des stoïciens, et auquel LéviStrauss m’a dit avoir emprunté sa conception de la dialectique. Cette généalogie stoïcienne apparaît comme une alternative à la conception aristotélicienne et organiciste du social, car elle est plus attentive aux formes de sympathie entre des éléments apparemment contradictoires de la réalité (DP 229sq.). Dans cette conception, le langage joue un rôle fondamental : les signes linguistiques font partie de ces incorporels qui arrivent à des corps et produisent des événements. J’ai ainsi souligné que les derniers travaux de Lévy-Bruhl s’orientent vers l’analyse de ce que Saussure appelait la vie sociale des signes à travers la linguistique 14 de Meillet, tout en évitant prudemment l’hypothèse d’un inconscient symbolique dans lequel ces signes seraient mis en réserve, hypothèse que Lévy-Bruhl connaissait à travers la psychanalyse de Freud. J’ai été fortement influencé par la démonstration de Patrice Maniglier (2006) selon laquelle la conception saussurienne du signe comme union arbitraire d’un signifié et d’un signifiant constitue une métaphysique aussi consistante que la métaphysique classique, puisqu’elle permet de comprendre comment ces entités en elles-mêmes vides font agir les individus en produisant des systèmes de valeur variables. Le problème de la contradiction logique trouve ainsi sa solution dans une métaphysique des signes et dans une politique de la vigilance, comprise comme une attention aux signes de la nature qui permettent de prévoir l’avenir. L’intérêt croissant de Lévy-Bruhl pour les pratiques de divination au détriment des questions cognitives qui étaient au centre de son premier livre d’ethnologie, Les fonctions mentales dans les sociétés inférieures (1910), m’a paru s’expliquer par son engagement politique au sein du réseau socialiste du Ministère de l’Armement pendant la Première Guerre Mondiale, dont il résume ainsi le principe dans une note que j’ai découverte à l’IMEC : « S’attendre à l’imprévu, et tout préparer pour le canaliser et le diriger ». Des travaux récents (Jeanpierre 2004 ; Loyer 2015) ont également rappelé que l’analyse structurale des systèmes de parenté s’inscrivait dans la participation de Lévi-Strauss au mouvement de reconstruction politique à New York pendant la Seconde Guerre Mondiale. L’opposition métaphysique entre Lévy-Bruhl et Lévi-Strauss sur les rapports entre affects et concepts était donc sous-tendue par leur participation commune à une politique républicaine des signes. Je pouvais alors lire La mentalité primitive et La pensée sauvage à travers la thèse suivante : le langage est un des outils par lesquels l’esprit humain rend les événements prévisibles, d’une façon qui paraît contradictoire pour la logique classique. Là où Jack Goody (1977) avait réuni ces deux ouvrages dans l’affirmation commune d’un « grand partage » entre des formes de pensée incommensurables au détriment de l’analyse des techniques d’inscription, j’y voyais au contraire la recherche d’un mode de prévision qui échappe à la raison statistique, en ce qu’elle ne part pas de cas séparés mais de formes d’action agrégées. C’est ce que Pierre Bourdieu (1980) a appelé, à la suite de ses travaux ethnographiques en Algérie, une logique pratique, qui ne 15 s’embarrasse pas des contradictions inacceptables pour la logique théorique, et permet d’agir en l’absence d’un plan de prévision de tous les cas possibles. La piste que j’avais initialement suivie dans ma thèse de doctorat, sur le conseil de Pierre Macherey, consistait à suivre le thème de la « logique des émotions » de l’analyse du fétichisme chez Auguste Comte jusqu’aux travaux ethnologiques de LévyBruhl et Lévi-Strauss, pour comprendre en quoi la philosophie avait besoin de l’anthropologie en vue d’analyser cet autre de la rationalité. Cette piste m’a permis de comprendre comment les hommes prévoient l’avenir par des relations entre des signes qui restent déroutantes pour la logique classique. La formule de Comte « Science d’où prévoyance, prévoyance d’où action » ne vaut pas seulement pour les savants de l’état positif mais aussi pour ceux qu’il appelle les « philosophes primitifs » de « l’état théologique ». L’activité scientifique permet selon Comte de sortir du cercle de l’observation et de la spéculation en posant une première hypothèse, selon laquelle les objets sont animés d’intentions analogues à celles que connaissent spontanément les humains. Le fétichisme, comme l’a bien vu Bruno Latour (1996), est un usage des fictions commun à la science et à la religion, ouvrant à une métaphysique des signes5. Lucien Lévy-Bruhl est un des premiers commentateurs de Comte, puisque le livre qu’il lui consacre en 1900 l’introduit dans l’enseignement philosophique. Claude Lévi-Strauss, qui avait enseigné le Cours de philosophie positive au Brésil en 1934, redécouvrit l’auteur du Système de politique positive dans les années 1990, et modifia en conséquences les pages où il est mentionné dans La pensée sauvage pour l’édition parue dans la « Bibliothèque de la Pléiade » en 2008. Après avoir consacré trois livres pédagogiques à l’œuvre de Claude Lévi-Strauss (sur la pensée sauvage d’abord, puis sur l’anthropologie structurale, et enfin sur sa biographie), j’ai eu la chance de travailler avec lui sur la genèse de cette œuvre, et de voir ainsi confirmées par lui certaines pistes de lecture dont j’avais eu progressivement l’intuition. L’hypothèse que j’ai proposée dans les notes et la notice de ce volume de la Pléiade pour expliquer cette réhabilitation de Comte est la suivante : le structuralisme comme le positivisme doivent résoudre une crise par l’étude d’un mode de pensée 5 La différence principale entre mon approche et celle de Bruno Latour réside donc dans l’écart entre la sémiotique de Saussure, à laquelle je continue de m’attacher en lien avec les travaux de Patrice Maniglier, et celle de Greimas. Il reste à en tirer les conséquences quant à la question de savoir si les microbes et les animaux sont des « actants » au même sens que les humains. 16 supposé originaire ou primitif, mais dont le statut fictionnel est assumé (DP 135 sq.). Cette crise vient de la séparation entre deux états sociaux par la Révolution Française pour Comte, par la révolution néolithique et la conquête du Nouveau Monde pour LéviStrauss. Il faut donc à nouveau rendre le monde prévisible alors qu’il a cessé de se présenter comme unifié du fait d’une catastrophe, donc refaire de la continuité après l’expérience d’une discontinuité. En reprenant ce programme, le structuralisme se distingue du fonctionnalisme, car l’unité ainsi reconstituée n’est pas une totalité mais une multiplicité de discontinuités. J’ai ainsi comparé la façon dont Claude Lévi-Strauss et Mary Douglas reprennent la question lévy-bruhlienne de la contradiction avec des outils différents, le mythe et le rite, conçus comme des formes de classification permettant de contenir l’incertitude de l’événement (DP : 117sq.). Alors que pour Douglas l’événement se présente comme un danger, qu’il faut limiter par des formes d’imputation comme la rationalité moderne des risques, pour Lévi-Strauss il se présente comme une catastrophe, que la pensée classificatrice peut seulement découper pour la mettre en rapport avec d’autres dualités, si bien que la rationalité des risques se présente elle-même comme multiple. J’introduisais ainsi Lévi-Strauss dans la sociologie des risques lancée par Douglas avec son collègue Wildavsky (1982), mais en l’interprétant depuis une anthropologie de la nature, c’est-à-dire une étude des continuités et discontinuités entre humains et non-humains et des coupures qui séparent ces modes de classification. Les textes de Claude Lévi-Strauss sur la crise de la « vache folle » m’ont permis de mettre à l’épreuve d’un premier cas empirique cette hypothèse théorique (DP 145 sq.). En éclairant le diagnostic porté par Lévi-Strauss en 1996 à l’aide des nombreux textes qu’il a consacrés au cannibalisme, j’ai montré que cette crise révélait pour lui une contradiction logique dans cette situation limite de communication avec autrui qu’est l’alimentation : comment puis-je manger ce qui me ressemble sans me manger moimême ? Lévi-Strauss résout cette contradiction en reprenant une « utopie » proposée par Auguste Comte selon laquelle les vaches carnivores pourraient devenir les « serviteurs de l’humanité » en contribuant à la surveillance du reste du troupeau demeuré herbivore et revenu à l’état sauvage. Alors que ce texte célèbre de Claude Lévi-Strauss était souvent lu comme défendant une thèse animaliste (la crise de la vache folle oblige à renoncer à l’alimentation carnée), j’ai montré que la référence à la fiction comtienne 17 introduit le point de vue des sociétés d’Amazonie et de Nouvelle-Guinée sur l’alimentation (perçue comme une forme de communication avec les non-humains). Alors que certains anthropologues proposaient d’éclairer les abattages massifs de bovins par la raison sacrificielle (Kilani 2002), Lévi-Strauss analyse la crise de la vache folle et les logiques scientifiques qui la sous-tendent à travers une ontologie de la prédation, c’est-à-dire de la relation entre le chasseur et sa proie. Les débats au Laboratoire d’anthropologie sociale, où j’ai été affecté par le CNRS en 2010, m’ont permis d’actualiser cette hypothèse théorique. Eduardo Viveiros de Castro propose d’éclairer les pratiques cannibales qu’il a pu observer chez les Arawété du groupe Tupi au Brésil à partir des lignes d’identification entre hommes et animaux plutôt que des systèmes de classification. Il suggère ainsi qu’après avoir construit l’anthropologie « du côté de chez Lévi-Strauss » - c’est-à-dire la grande filiation Durkheim/Mauss/Lévi-Strauss – il faudrait « ré-explorer le côté de chez LévyBruhl » (Viveiros 2009 :49). J’ai été séduit par l’idée selon laquelle le cannibalisme consiste à prendre le point de vue de l’ennemi pour se voir soi-même en tant qu’animal bon à manger6. Lorsque Viveiros relit La pensée sauvage à partir des analyses de Gilles Deleuze et Félix Guattari, qui décrivent le sacrifice animal comme une « synthèse disjonctive » permettant de passer à la limite des classifications totémiques, il ne me semble cependant pas rendre justice des contradictions logiques rencontrées par les sociétés humaines lorsqu’elles doivent penser leurs rapports aux animaux. J’ai été convaincu par la démonstration de Philippe Descola (reprenant celle de Tim Ingold) selon laquelle il n’y a pas de sacrifice dans les sociétés de chasseurs. Les modes d’identification aux animaux distingués par Descola (animisme, totémisme, analogisme et naturalisme) se présentent comme des formes de causalité structurale, puisqu’ils permettent d’expliquer pourquoi telle institution est liée à tel schème de perception et pas à tel autre (DP : 206sq). L’analyse des formes de rationalité à travers lesquelles sont gérées les maladies animales devait me conduire à distinguer deux façons de résoudre la contradiction des « vaches cannibales » : celle de la prévision, qui détruit les vaches malades pour rétablir un troupeau sain (selon une logique sacrificielle), et celle de la 6 Voir ma recension de Métaphysiques cannibales dans Critique en 2011 « L’anthropologie intensifiée par la métaphysique ». J’y discute également la lecture d’Etienne Souriau par Bruno Latour et son orientation vers une métaphysique des modes d’existence (en dialogue avec Isabelle Stengers). 18 préparation, qui surveille le troupeau pour détecter les cas à l’avance (mobilisant ainsi des schèmes de prédation). A partir de ce texte de Lévi-Strauss sur les vaches folles et de ses reprises dans l’anthropologie de la nature, la prédation est devenue centrale dans ma réflexion sur la sociologie des risques. Partir de l’identification incertaine avec l’animal chassé, c’était repérer une contradiction dans les relations entre hommes et animaux dont les autres modes de relation pouvaient être décrits comme des transformations. Interroger la causalité mentale qui relie cette perception à des institutions, c’était décrire le type d’efficacité ou de pouvoir qui lui permet d’agir sur les choses. La notion de prédation me permettait ainsi d’élargir l’ensemble de phénomènes qui avaient été rassemblés sous le terme de biopolitique pour décrire l’action que les humains exercent sur le vivant. 3) Henri Bergson, Michel Foucault et la biopolitique Mon travail d’histoire de la philosophie a débouché sur l’édition de trois livres : La mentalité primitive de Lucien Lévy-Bruhl, paru en 1922, La pensée sauvage de Claude Lévi-Strauss, paru en 1962, et Les deux sources de la morale et de la religion d’Henri Bergson, paru en 1932. Quelle place tient ce troisième livre dans la généalogie que j’ai reconstruite entre les deux autres, dont les titres se répondent directement ? Tous trois répondent au grand livre d’Emile Durkheim, Les formes élémentaires de la vie religieuse, paru en 19127. Ces quatre livres forment une sorte de matrice des problèmes qui se posent entre philosophie et anthropologie, et dont les débats contemporains en anthropologie de la nature montrent l’actualité. Cette matrice m’a permis en effet d’interroger de façon critique la notion de biopolitique, qui est devenue centrale dans l’anthropologie contemporaine. Si on considère souvent Bergson comme un philosophe de la vie, au double sens du vivant et du vécu, et si on lui reproche parfois un certain vitalisme, en le ramenant à une doctrine de « l’élan vital », les travaux récents menés autour de Frédéric Worms (2004), reprenant des indications de Georges Canguilhem et Gilles Deleuze, montrent que Bergson introduit une méthode pour critiquer les mixtes dont l’intelligence a besoin pour agir sur le vivant. J’ai suggéré que la biopolitique est un de ces mixtes mal analysés. 7 Outre le petit livre que j’ai rédigé avec Mélanie Plouviez sur Durkheim, j’ai organisé avec Perig Pitrou un colloque au Collège de France pour le centenaire des Formes élémentaires de la vie religieuse. 19 Michel Foucault (1976) a introduit ce terme en philosophie pour mettre en contraste deux formes de pouvoir : d’une part, celui qui porte sur des sujets de droit, que le souverain peut sacrifier (« pouvoir de faire mourir et laisser vivre »), d’autre part, celui qui porte sur des corps individuels, dressés par des disciplines et des populations vivant sur des territoires (« pouvoir de faire vivre et laisser mourir ») . Pour éviter la thèse selon laquelle le pouvoir moderne aurait soudainement découvert la vie, Foucault retrouve une généalogie plus longue du biopouvoir à travers ce qu’il appelle le pouvoir pastoral, ensemble de techniques par lesquelles un collectif est gouverné de façon singularisante sous la conduite bienveillante d’un « pasteur ». Il est étonnant que Foucault n’ait jamais mentionné Haudricourt dans ses analyses du pouvoir pastoral – ce qui m’a été confirmé par Jean-François Bert, spécialiste des archives des deux auteurs – alors que l’anthropologue distinguait les formes d’action « directes » dans les sociétés pastorales méditerranéennes et les formes d’action « indirectes » dans les sociétés asiatiques pratiquant le jardinage et la cueillette. Plus récemment, Grégoire Chamayou (2010) a proposé d’ajouter au pouvoir pastoral analysé par Foucault un « pouvoir cynégétique » qui repose moins sur la hiérarchie entre un pasteur et son troupeau connu dans sa totalité singulière sous la forme de la vérité, que sur la relation asymétrique et réversible entre un chasseur et sa proie par lesquelles ceux-ci communiquent au moyen de signaux. Chamayou, en analysant par cette grille l’expérimentation sur les sujets médicaux appelés « corps vils » et les nouvelles techniques de guerre utilisant des drones, ne cite pas les travaux des anthropologues sur les sociétés de chasseurs, et voit dans ces techniques des formes de déshumanisation des humains. L’ignorance de Foucault et de ceux qui travaillent à sa suite pour les techniques de chasse ou de cueillette, et pour les formes de communication positive qu’elles produisent avec les non-humains, tient selon moi au caractère trop général de la notion philosophique de vie, entendue le plus souvent comme vie humaine source de ses propres valeurs. On trouve au contraire chez Bergson une véritable attention aux techniques de chasse qui, comme l’a remarqué Roger Bastide (1935), le distingue dans l’ensemble de la sociologie durkheimienne, alors même que le modèle cynégétique oriente fortement les pratiques de collecte de l’ethnologie naissante (Bondaz 2011). Le geste de Bergson, dans Les deux sources de la morale et de la religion, consiste à introduire dans la notion de religion, analysée par Durkheim à travers les données ethnologiques sur le 20 totémisme, une distinction entre religion statique régie par l’obligation et religion dynamique régie par l’appel. Si la première est illustrée par les techniques des chasseurs communiquant avec les animaux, la seconde correspond aux discours des mystiques s’adressant à une population – que l’on pourrait traduire par le terme de pasteurs, même si Bergson ne l’emploie pas. Alors que Lévy-Bruhl décrivait comme mystiques les pratiques primitives de divination pour les opposer aux formes de prévoyance de la science moderne, Bergson distingue nettement la chasse de la mystique comme deux façons d’atténuer l’incertitude dans l’action humaine. Le chasseur, selon Bergson, se représente la possibilité que sa flèche manque sa cible, et invoque l’esprit de sa proie pour compenser cette représentation déprimante, de la même façon que le mystique rencontre Dieu après un long parcours traversé de négativité. Mais la personnalisation de l’animal par le chasseur, écrit Bergson, n’est que partielle et fantomatique, alors que la personnalité divine est pour le mystique à la fois totale et singulière. La distinction entre les deux religions que Bergson appelle statique et dynamique passe donc entre deux modalités de gestion de l’incertitude ou d’assurance contre la crainte, le pouvoir pastoral et le pouvoir cynégétique. La différence entre des degrés de confiance dans l’action humaine produit ainsi une différence de nature entre les entités perçues (DP 84sq.). Cette dissolution par Bergson du totémisme durkheimien éclaire la lecture positive qu’en faisait Lévi-Strauss dans La pensée sauvage. Bergson est le premier à remarquer, selon Lévi-Strauss, que les relations entre parents de même sang sont conçues comme des relations entre espèces animales ou végétales, car il décrit le travail de l’intelligence comme une activité de codage au moyen de signes (2008 : 536-538). Il faudrait davantage explorer les analogies entre instinct virtuel et fonction fabulatrice chez Bergson d’une part, inconscient structural et fonction symbolique chez LéviStrauss d’autre part, pour comprendre les modalités à travers lesquelles le langage permet d’explorer les discontinuités que le corps interpose entre lui et les choses. LéviStrauss retrouve des spéculations bergsoniennes lorsqu’il analyse les rituels par lesquels les Hidatsa invoquent le carcajou, animal qui ne se fait jamais prendre au piège, parce qu’ils doivent se placer dans un trou pour attraper des aigles (2008 : 611). Dans sa discussion avec Sartre, Lévi-Strauss décrit, là encore de façon bergsonienne, l’effort de la pensée sauvage pour « lancer (une passerelle) au-dessus d’un gouffre dont elle 21 n’aperçoit pas l’autre bord tout en sachant qu’il existe ». (2008 : 823) Sans doute la distinction que fait Lévi-Strauss entre pensée sauvage et pensée domestiquée ne recoupe-t-elle pas entièrement celle que fait Bergson entre religion statique et religion dynamique, car la pensée sauvage est d’emblée totalisante alors que pour Bergson comme pour Sartre, la totalisation vient d’un sujet conscient. Mais elle conduit aux mêmes effets critiques à l’égard du concept de totémisme. J’ai en effet proposé l’hypothèse selon laquelle la notion foucaldienne de biopolitique a connu, un siècle après, le même destin que celle de totémisme (DP 156 sq., DP 178sq.). Dans les années 1990, elle était en effet écartelée entre deux lectures apparemment contradictoires : celle d’Antonio Negri, qui y voit la critique de l’appropriation par l’Empire du pouvoir intellectuel de la multitude, et celle de Giorgio Agamben, qui y découvre l’exposition de la vie nue au sacrifice du pouvoir souverain. J’ai donc proposé de repartir du problème posé par Bergson et Lévi-Strauss : que fait l’intelligence quand elle agit sur du vivant ? Dans La pensée sauvage, Lévi-Strauss montre que les relations entre espèces constituent un schème privilégié permettant à l’intelligence de passer du concret à l’abstrait, selon deux axes, de la nature à la culture et du particulier à l’universel. L’ensemble feuilleté de ces schèmes est écrasé lorsqu’on le réduit à l’unité d’une institution comme le totémisme (sur l’axe horizontal natureculture) ou à la simplicité d’un rituel comme le sacrifice (sur l’axe vertical particulieruniversel). Il faut donc distinguer différentes modalités d’action sur le vivant, qui restent indéterminées dans les formules comme « faire vivre » et « laisser vivre ». La notion de biopolitique a joué un rôle important dans la sociologie des risques, car elle permettait d’analyser le type de société dans laquelle le risque devient une modalité de rationalisation de l’action ; mais elle y a introduit des confusions similaires (DP 99sq.). Ulrich Beck a parlé de société du risque pour décrire une forme de solidarité fondée non sur la répartition équitable des productions mais sur la prévision des effets indésirables de l’action technique. François Ewald (1986) montre que les risques, que Beck définit comme « réels et irréels à la fois » (2001 : 61), prennent une consistance ontologique à travers des techniques assurantielles qui permettent de les calculer et de les mutualiser. En transférant la responsabilité de l’individu vers le collectif, l’assurance semble rendre toute action prévisible dans le cadre de l’Etat-Providence mis en place à la fin du dix-neuvième siècle. Mais Ewald note que de nouvelles menaces sanitaires, 22 environnementales ou technologiques apparues dans les années 1970 conduisent à maximiser un risque incalculable, et à distinguer la prévision de la précaution. De nombreuses discussions ont porté sur ce principe de précaution inscrit dans la Constitution française, pour savoir s’il était favorable ou défavorable à l’activité scientifique (Kourilsky et Viney 2000). La sociologie des sciences a montré qu’il favorisait une diffusion de la vigilance dans la société à travers des forums hybrides (Callon, Lascoumes, Barthe 2001) et des lanceurs d’alerte (Chateauraynaud et Torny 1999). D’un autre côté, Jean-Pierre Dupuy (2002) y voit un sacrifice de la raison moderne à l’activité technique, car il introduit un possible incalculable que la raison doit laisser en-dehors d’elle pour continuer son travail. Si la prévention apparaissait comme une forme rationnelle de la prévoyance à travers le calcul des risques, la précaution est souvent dénoncée comme un principe irrationnel, puisqu’elle affirme un possible impossible et maximise le risque en catastrophe. Jean-Pierre Dupuy résout ce paradoxe en recourant à la métaphysique des mondes possibles pour affirmer que la catastrophe est réelle dans un autre monde possible bien qu’elle reste virtuelle dans ce monde. Il me semble que ces discussions sur le principe de précaution reprennent les oppositions du débat sur la biopolitique, entre diffusion de l’intelligence collective et raison sacrificielle. J’ai donc proposé, en utilisant la méthode bergsonienne, de considérer le principe de précaution comme un mixte impur entre deux rationalités du risque, la prévention et la préparation, que j’ai rapportées à la distinction entre pouvoir pastoral et pouvoir cynégétique – celle-ci reformulant, en des termes plus précis intégrant les techniques de pouvoir, la distinction entre mentalité civilisée et mentalité primitive. Dupuy reprend la comparaison que fait Bergson dans le troisième chapitre des Deux sources de la morale et de la religion entre le récit du tremblement de terre de 1906 à San Francisco par William James et son souvenir de la déclaration de guerre en 1914. « La guerre apparaissait, écrit Bergson, tout à la fois comme probable et comme impossible, idée complexe et contradictoire qui persista jusqu’à la date fatale. » (2009 : 166) Mais Dupuy ne remarque pas que cette idée fantomatique ou virtuelle apparaissant aux marges de l’action, qui est centrale dans la psychologie de Bergson, est déjà mobilisée pour analyser les pratiques cynégétiques au deuxième chapitre. La simulation des mouvements de l’animal prépare à l’incertitude de la chasse, en mobilisant des schèmes qui atténuent cette incertitude. Le hasard invoqué par le joueur à la roulette 23 n’est pas radicalement différent de l’intention que le chasseur prête à l’animal d’accepter la mise à mort : c’est « « une intention qui s’est vidée de son contenu » (2009 : 155). De même que Roberte Hamayon (2012) a exploré le vaste champ sémantique de la chance dans les sociétés de chasseurs d’Asie septentrionale, on peut analyser le hasard comme un « signifiant flottant » qui se combine avec d’autres signifiants pour constituer des formes de prévoyance. Les nouveaux risques se présentant comme incalculables dans la logique assurantielle, les sociétés biopolitiques retrouvent les raisonnements des chasseurs prêtant des intentions aux entités vivantes qui peuplent leur environnement. Ma réflexion sur la biopolitique et la sociologie des risques a été initiée par Paul Rabinow, dont j’ai traduit en français le livre sur « l’ADN français » (Rabinow 2000). Dans cette ethnographie d’un laboratoire de génomique en région parisienne, Paul Rabinow décrit une controverse entre des scientifiques au sujet de la collaboration avec une start-up américaine, et montre que les arguments sur le caractère sacré et patrimonial du matériel génétique sont mobilisés par certains acteurs pour faire échouer cette collaboration. Contre les descriptions faisant du biopouvoir une époque historique, Rabinow forge le concept de « biosocialité » pour décrire la façon dont le matériel génétique issu de familles atteintes de la myopathie circule et est approprié par un grand nombre d’acteurs sur la scène française (DP 219sq.). Reprenant l’analyse lévistraussienne du bricolage, Rabinow considère la génomique comme un langage appris par les individus pour gérer les incertitudes qui affectent leur existence, et qui leur permet de monter en généralité depuis des formes singulières d’attachement. De la relation entre un père et son fils atteint de la chorée de Huntington, qui le conduit à s’identifier à une maladie à venir, jusqu’à un article du Canard enchaîné dénonçant la vente de « l’ADN français », la génomique mobilise des affects, des concepts et des êtres à des échelles différentes. Comme tout langage, il n’y a pas besoin d’en connaître tous les mots mais seulement la grammaire qui permet de faire de nouveaux énoncés, et ainsi de produire de nouveaux événements. Dans un ensemble de publications avec Stephen Collier et Andrew Lakoff, Paul Rabinow a interrogé une transformation de la biopolitique après la fin de la guerre froide à travers le nouvel impératif de biosécurité. On désigne ainsi le contrôle de la circulation du matériel biologique à partir de l’imagination de son potentiel 24 catastrophique – par exemple un attentat terroriste avec un virus pandémique. Alors que ce problème avait été posé dans le cadre français sous le principe de précaution, qui conduisait à refuser la sortie de « l’ADN français » du territoire au nom d’une atteinte à la personne humaine, il se pose dans le cadre des Etats-Unis à travers des techniques de préparation, permettant de se préparer à une attaque bioterroriste sans en connaître la probabilité. Après avoir écrit une histoire des formes de prévention en France à travers les projets des réformateurs sociaux pour aménager l’environnement urbain, où l’œuvre de Lévy-Bruhl permettait de penser l’espace colonial, Paul Rabinow remarquait que pour la France des années 1990, « le principe de précaution fut la seule expression nouvelle apparue dans le registre de la rationalité politique » (2006 : 577). Rabinow suggère que le principe de précaution, en mobilisant la rationalité durkheimienne selon laquelle « le sacré, c’est la société », empêche d’analyser les pratiques de préparation qui émergent comme de nouvelles techniques de gestion des risques dans les années 2000. J’ai repris cette analyse en relisant Bergson et Lévi-Strauss et en rapportant ces techniques de préparation aux sociétés de chasseurs. Si je compare nos deux généalogies de la pensée sociale française, Paul Rabinow a cherché une nouvelle forme d’écriture sur les normes émergeant de l’environnement social, alors que j’ai plutôt cherché des concepts pour décrire de nouvelles pratiques de prévoyance. Au cours des dernières années, Paul Rabinow a proposé d’abandonner la méthode d’observation participante pour entrer dans une nouvelle forme de collaboration entre biologistes et anthropologues, entre sciences de la nature et sciences de la culture. En réactualisant le concept lévy-bruhlien de participation comme un certain mode ontologique de causalité mentale, j’ai plutôt cherché à revaloriser l’observation participante, en ce qu’elle fait voir des contradictions entre humains et non-humains. Le détour par les concepts de l’histoire de l’anthropologie m’a permis de préciser ce que je pouvais attendre d’une ethnographie des maladies animales et des virus émergents dans les pratiques de biosécurité. 25 II Ethnographie des zoonoses 1) L’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments Entre 2005 et 2007, tout juste entré au CNRS, j’ai mené des enquêtes à l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments située à Maisons-Alfort. J’avais été invité à participer à ses comités d’experts par son directeur, Martin Hirsch, qui voulait construire une réflexion philosophique et sociologique sur le principe de précaution après s’être engagé contre les conflits d’intérêt dans l’affaire du sang contaminé (Hirsch 2002). L’AFSSA avait été créée par la loi de sécurité sanitaire de 1998 au lendemain de la crise « de la vache folle » pour donner des avis indépendants et transparents sur les risques alimentaires. Elle prenait le relais du Centre National d’Etudes Vétérinaires et Alimentaires (CNEVA), ensemble de laboratoires rattachés au Ministère de l’Agriculture, auquel elle ajoutait un ensemble de dix comités d’experts et la tutelle du Ministère de la Santé et du Ministère de la Consommation (DP 241sq.). Après les abattages massifs consécutifs à la découverte de cas de la maladie de Creutzfeldt-Jakob chez des bovins et des humains (Encéphalopathie Spongiforme Bovine ou ESB) en Angleterre et en France, le CNEVA était soupçonné par le Ministère de la Santé de défendre le point de vue des éleveurs de bovins en limitant la portée des abattages. Les vétérinaires de l’AFSSA me prenaient à témoin de leurs récits sur les coûts économiques et moraux de l’abattage, et me recommandaient d’aller faire des enquêtes auprès des éleveurs. Je me trouvais donc pris entre deux demandes différentes : les médecins qui dirigeaient l’Agence discutaient avec moi de la philosophie de la précaution, alors que les vétérinaires me demandaient une sociologie de l’abattage sanitaire. J’ai choisi de faire une anthropologie du conflit entre ces deux perspectives, c’est-à-dire de la division entre santé animale et santé humaine dans la réorganisation de la santé publique par les crises sanitaires. La sociologie des organisations a décrit les nouvelles agences sanitaires créées dans les années 1990 comme une réduction du champ de l’expertise au profit d’un techno-pouvoir (Benamouzig et Besançon 2005) ; mais en commentant leurs productions administratives, elle n’entrait pas dans ces agences. J’ai adopté la méthode de l’ethnographie des laboratoires pour suivre le type d’êtres qui est mobilisé de façon 26 controversée dans les discussions des comités d’experts (Latour et Woolgar, 1988 ; Houdart, 2008). J’ai aussi repris la méthode de l’anthropologie de l’écriture pour retracer la genèse d’un avis ouvertement contradictoire (Pontille 2004). Un grand nombre d’entretiens revenaient sur un avis publié en 2004 sur la fièvre Q, une maladie transmise des ovins aux humains en 2002 dans les Alpes et connue pour son potentiel usage bioterroriste. Alors que les comités en santé animale et en microbiologie recommandaient la circonscription du foyer pour éviter la propagation de la maladie par l’air, la direction de l’Agence, composée essentiellement de médecins, a recommandé un contrôle du lait produit par les éleveurs de moutons. Une tension entre deux groupes professionnels différents (Abbott 1988) prenait alors la forme d’une contradiction entre deux avis différents publiés sous une même signature scientifique, mettant en doute l’autorité de l’agence. Comme la décision revenait aux ministères de tutelle, selon un principe de séparation de l’évaluation et de la gestion du risque, l’agence pouvait rendre visible cette contradiction, mais seule une description ethnographique pouvait en saisir la genèse (DP 250 sq.). Les microbiologistes jouaient un rôle intermédiaire entre les médecins et les vétérinaires, et atténuaient le conflit entre ces deux groupes qui défendaient les points de vue des consommateurs et des éleveurs. Ils pouvaient en effet, avec l’aide des microbiologistes, suivre les voies de circulation (air ou lait) du pathogène causant la fièvre Q des moutons aux humains. Ces maladies qui se transmettent des animaux aux humains (et vice-versa) sont appelées zoonoses, par distinction avec les épizooties qui affectent seulement les animaux et les épidémies qui affectent seulement les humains. J’ai donc étudié l’ontologie instable d’une zoonose à travers les différents points de vue prise sur cette maladie (Mol 2002). J’ai effectué cette enquête dans le cadre du Groupe de sociologie politique et morale, qui avait alors développé un programme général de sociologie de la critique, étudiant les situations dans lesquelles les acteurs mettent en question le cours des choses en se référant à des principes de justice différents. Ainsi une crise sanitaire pouvait être analysée comme l’occasion de confronter des conceptions variables, et potentiellement contradictoires, de la santé à partir d’un cas dont le traitement ne fait pas consensus. Le conflit que j’ai observé entre vétérinaires et médecins engageait des conceptions différentes de la santé publique, entre santé animale et santé humaine, et des épreuves 27 différentes de qualification d’un être vivant, entre le soin apporté à un patient à l’hôpital et le soin d’un animal sous le regard d’un éleveur. Du fait de l’incertitude sur les conditions de transmission de l’agent infectieux (le prion) des animaux aux humains, les épreuves de qualification des animaux et des humains pouvaient être mises en tension de façon indécidable. La déclaration de conflit d’intérêt, importée de la médecine humaine dans le traitement de la santé animale, n’était pas considérée comme une épreuve significative par les vétérinaires, qui préféraient recourir à des raisonnements écologiques pour évaluer la pertinence d’une mesure sanitaire. Plutôt que de décrire ce conflit comme opposant des professions différentes dans une institution de la santé publique, j’ai choisi de montrer comment une crise sanitaire fait apparaître de nouvelles normes d’évaluation de la santé qui conduisent à critiquer les normes présentées comme allant de soi. Ceci conduisait à définir la crise sanitaire par le fait que de multiples acteurs aux intérêts potentiellement contradictoires se trouvent rassemblés en collectif sous une même exigence de santé publique. J’ai notamment repris la façon dont Nicolas Dodier (2003) montrait, dans le cas de l’épidémie de sida, que les différents acteurs visent la santé publique comme bien en soi avec des formes d’engagement différentes, ou dont Luc Boltanski (2005) étudiait les contradictions rencontrées par les femmes lorsqu’elles décident d’engendrer ou d’avorter, c’est-à-dire de faire entrer des êtres vivants dans un collectif (DP 189 sq.). Il s’agissait dans les deux cas d’observer les compétences critiques qui se forment dans la biopolitique, c’est-à-dire dans des situations où des normes potentiellement contradictoires visent à atténuer l’incertitude sur le vivant. L’un des enjeux de la notion de crise était d’articuler l’approche phénoménologique de la perception des choses avec l’approche structuraliste de leur organisation en institutions, en suivant les processus par lesquels elles se transforment en valeurs tout en maintenant une incertitude sur l’issue de ces processus. Nous avons eu l’occasion de discuter du rapport entre crise, normativité et critique lors de rencontres entre le Groupe de sociologie politique et morale avec l’Institut für Sozial Forschung de Francfort d’une part, avec la New School for Social Research d’autre part. Janet Roitman, qui était alors membre du Groupe de sociologie politique et morale et qui commençait alors une généalogie de la notion de crise (2013), fut ma collaboratrice dans l’organisation de ces rencontres internationales. 28 J’ai présenté lors de cette deuxième rencontre une analyse de la façon dont la grippe aviaire avait transformé à nouveau le monde de la sécurité sanitaire, après les crises du sang contaminé et de la vache folle, en introduisant une nouvelle norme dite de « biosécurité », portée par de nouveaux acteurs (DP 265 sq.). Des cas de virus H5N1 ayant été découverts sur des oiseaux en France en février 2006, j’ai pu suivre la formation d’un groupe d’évaluation collective en urgence à l’AFSSA autour de cette nouvelle zoonose. Outre les compétences mobilisées ordinairement par l’Agence (médecins, vétérinaires, microbiologistes, épidémiologistes), des ornithologues avaient été invités pour retracer les voies de transmission du virus sur les oiseaux migrateurs d’Asie vers l’Europe. Mais cette fois les vétérinaires étaient divisés entre ceux qui préconisaient des mesures de prévention classique (circonscription des foyers par abattage et confinement des fermes infectées) et ceux qui recommandaient des mesures de biosécurité (vaccination et surveillance des volailles non infectées). La vache folle et la grippe aviaire introduisaient tous deux des raisonnements catastrophistes dans l’évaluation des risques, du fait de l’incertitude sur le comportement de l’agent pathogène lorsqu’il se transmet des animaux aux humains. Mais alors que la vache folle était restée dans le cadre du principe de précaution, mobilisant l’Etat et ses agences dans la transparence sur la chaîne alimentaire, la grippe aviaire faisait basculer dans le cadre de la préparation, transférant aux individus la responsabilité d’imaginer la catastrophe sanitaire. Il fallait défendre le caractère indemne du troupeau français face aux risques d’infection lente par le prion, alors que le virus H5N1 était d’emblée global puisqu’il se diffusait rapidement par voie aérienne. J’ai découvert à cette occasion l’importante littérature sur les maladies infectieuses émergentes depuis les années 1970, qui conduisit à un changement d’organisation de la santé publique au niveau mondial, puisqu’il ne s’agit plus selon cette littérature d’éradiquer les maladies endémiques dans une population mais d’anticiper l’émergence de nouvelles maladies depuis des réservoirs de mutation des pathogènes comme les animaux sauvages ou domestiques - on y lit ainsi souvent que 75% des maladies infectieuses émergentes sont des zoonoses. Patrick Zylberman (2013), qui a étudié ces reconfiguration de la santé publique en France puis dans le monde, a montré que les maladies infectieuses émergentes étaient traitées aux EtatsUnis comme un problème de bioterrorisme, en Europe comme un problème de sécurité 29 alimentaire (au sens de la food safety ou protection du consommateur) et en Asie comme un problème de contrôle des frontières (plus proche de la food security ou défense de l’autarcie alimentaire). En Europe et en Australie, la notion de biosécurité a été plus mobilisée par les autorités en charge de l’agriculture, notamment autour des plantes invasives (Hinchliffe et Bingham 2008), que par les autorités en charge de la lutte contre le terrorisme. Je me suis alors demandé comment la grippe aviaire pouvait être perçue en Asie en mêlant techniques de prévention et de préparation sans passer par le principe de précaution qui était constamment invoqué en Europe. J’ai bénéficié d’un financement d’un an de la Fondation Fyssen pour entreprendre une anthropologie comparée de la grippe aviaire. Il s’agissait de décrire avec un groupe de chercheurs comment cette zoonose était perçue dans les différents pays où elle infectait des animaux et/ou des humains : France (Vanessa Manceron), Egypte (Matthieu Fintz), Vietnam (Annick Guénel) et Chine (moi-même). L’hypothèse sous-jacente à ce projet était la suivante : les acteurs en charge de la grippe aviaire gèrent la contradiction entre deux représentations de l’animal (l’animal qu’on protège et l’animal dont on se protège, l’animal de compagnie et l’animal de rente) en se répartissant entre les deux pôles de la production et de la consommation d’animaux. Les médias jouent sur ces contradictions en mobilisant des images de vaches cannibales ou de poulets terroristes, et saisissent les crises sanitaires suscitées par l’émergence de zoonoses pour révéler les conditions dans lesquelles vivent les animaux, comme l’élevage industriel ou les migrations d’oiseaux sauvages. Le projet de ce groupe était donc d’articuler des représentations médiatiques et des acteurs ordinaires de la grippe aviaire, pour comprendre comment une crise globale avait modifié les relations locales entre humains et non-humains (non seulement oiseaux mais aussi cochons ou ressources aquatiques…) En parallèle de mes enquêtes auprès des experts en sécurité alimentaire, j’ai moimême mené des entretiens avec des journalistes du Monde sur leur perception de l’arrivée en France de la grippe aviaire (DP 290 sq.). A partir de la lecture de deux-cents articles parus en France entre octobre 2005 et février 2006, j’ai pu suivre le transfert de la métaphore de la contagion depuis les émeutes de banlieue jusqu’aux premiers cas de H5N1. Alors que les journalistes de presse, au-delà du caractère spectaculaire de l’analogie entre voitures et fermes brûlées, étaient attentifs à la nouveauté des formes de 30 communication de la virulence ou de la violence et à l’incertitude qu’elles produisent, les forums télévisés cherchaient à les contenir dans une participation au bien public. J’ai donc opposé des journalistes de presse pratiquant une forme de préparation (c’est-à-dire détectant les signaux permettant de percevoir et imaginer la catastrophe) à des journalistes télévisuels mobilisant le principe de précaution dans la représentation des maladies animales. Une autre enquête m’a conduit à étudier les mécanismes d’apparition et de diffusion de rumeurs concernant la vaccination (DP 305 sq.). La campagne de vaccination contre le virus pandémique H1N1 en 2009 s’est en effet heurtée à une forte résistance de la population française, et en particulier du personnel médical. J’ai fait des entretiens dans le centre de médecine du travail d’un grand hôpital parisien pour retracer les délibérations au terme desquelles des médecins prennent par eux-mêmes un vaccin dont les effets secondaires sont incertains. En parallèle, je suivais les discussions entre des éleveurs du Larzac sur la vaccination obligatoire contre une maladie dont j’avais vu l’émergence lorsque je travaillais à l’AFSSA : la Fièvre Catarrhale Ovine. Dans les deux cas, une vaccination contre une maladie infectieuse nouvelle suscitait des rumeurs sur la façon dont elle affectait des corps humains ou animaux. Ces rumeurs mettaient en question le rôle de l’Etat qui déclarait obligatoire la vaccination des animaux (pour retrouver le statut de pays exportateur) et facultative la vaccination des humains (pour éviter les accusations en cas d’effets secondaires). La contradiction entre des professions du soin passait ainsi dans le rapport entre l’Etat et sa population, puisque la décision de vaccination est déléguée aux humains en situation d’informations multiples, tandis qu’elle est imposée aux animaux considérés comme des marchandises pour l’exportation. En partant d’une anthropologie des maladies animales, j’ai ainsi effectué des incursions dans la sociologie des médias ou dans l’histoire des rumeurs. Il devenait possible de suivre l’émergence d’une rumeur en retraçant les potentialités d’interaction qu’elle révélait (Bonhomme 2009), puis de montrer comment cette rumeur était relayée par le travail journalistique en fonction des contraintes propres aux différents formats d’expression publique (Lemieux 2000). Je pouvais alors développer les diverses formes de communication autour des pathogènes zoonotiques, depuis les controverses qu’ils suscitent entre experts jusqu’aux images mobilisées par les journalistes. Mais il me 31 manquait alors une forme de communication : celle qui se produit entre les pathogènes eux-mêmes et les cellules d’un organisme. En m’élevant d’un niveau national à un niveau global par une enquête sur la genèse du H5N1 à Hong Kong, je pouvais aussi descendre du niveau politique vers le niveau biologique, en me formant à la virologie. Il s’agissait alors de suivre la contradiction de départ à ces différents niveaux. 2) Le Centre Pasteur et la Société des observateurs d’oiseaux à Hong Kong Entre 2007 et 2009, j’ai été accueilli en tant que chercheur détaché au Centre Français d’Etudes de la Chine contemporaine (CEFC) et au Centre Pasteur de l’Université de Hong Kong. Ces deux institutions m’ont permis de comprendre la genèse de l’alerte globale à la pandémie de grippe aviaire aux niveaux à la fois politique et biologique. Arrivant à Hong Kong dix ans après la rétrocession de l’ancienne colonie britannique à la Chine populaire, j’ai pu entendre au CEFC l’écho des inquiétudes grandissantes que suscitait la formule de Deng Xiaoping « un pays, deux systèmes ». Hong Kong allait-il pouvoir se protéger longtemps des menaces politiques, économiques, environnementales et sanitaires venues de Chine continentale ? L’émergence du virus H5N1 en février 1997 a permis aux autorités de santé publique de Hong Kong de lancer l’alerte sur une épidémie qui restait incontrôlée en Chine. Cette alerte a été ensuite confirmée par les crises du sang contaminé par le sida, du lait teinté à la mélamine et surtout du SRAS en 2003, un nouveau virus venu des chauve-souris et passant par les civettes consommées dans la médecine chinoise traditionnelle. Il y avait donc à Hong Kong une opinion publique formée par des crises sanitaires et politiques différentes de celles qui avaient structuré la perception des zoonoses en France. Le Centre Pasteur de l’Université de Hong Kong, créé en 1999 pour faire de la génomique bactérienne, avait été réorienté après 2003 vers les maladies infectieuses émergentes, notamment la grippe, le SRAS et la dengue. Il travaillait ainsi étroitement avec les chercheurs du département de microbiologie de l’Université de Hong Kong, fondé dans les années 1970 pour communiquer à l’Organisation Mondiale de la Santé les informations sur les pathogènes émergeant du sud de la Chine. Son fondateur, Kennedy Shortridge, avait proposé l’hypothèse selon laquelle le sud de la Chine était un des « épicentres » de la grippe pandémique du fait de la proximité entre oiseaux 32 sauvages, volailles domestiques, cochons et humains. En 2003, au lendemain de la crise du SRAS, il publiait un article avec Malik Peiris, futur directeur scientifique du Centre Pasteur, dans lequel il écrivait que Hong Kong, du fait de sa position de « sentinelle » à proximité du sud de la Chine, avait les moyens de « faire de la préparation au niveau aviaire » (Shortridge, Peiris et Guan 2003). Le Centre Pasteur développait cette idée en faisant de Hong Kong un point nodal dans le réseau des instituts Pasteur d’Asie, pour lesquels l’alerte pandémique était une préoccupation centrale (DP 354 sq.). C’était la première fois que je rencontrais cette notion, mais j’ai ensuite découvert qu’elle désignait l’usage d’animaux contrôlés en laboratoire comme signaux d’alerte précoces pour des menaces bioterroristes (Rabinowitz 2006) ou environnementales (Gramaglia et Sampaia da Silva 2011). Dans les fermes de Hong Kong, où j’ai pu brièvement travailler, elle désignait des volailles non-vaccinées qui meurent les premières à l’approche du virus, joliment appelées en chinois shaobingji (poulets soldats siffleurs). La notion de sentinelle permettait donc de décrire des êtres vivants transformés en artefacts dans des laboratoires ou des fermes pour envoyer des signaux de catastrophes avant qu’elles n’affectent les humains. J’ai également appris, en travaillant au laboratoire du Centre Pasteur, que les cellules dendritiques en forme de synapse constituant la première ligne du système immunitaire sont appelées sentinelles. Une des hypothèses expliquant la forte létalité du H5N1 suppose qu’il contourne cette barrière en leurrant ses récepteurs pour entrer plus avant dans l’organisme et s’y reproduire, déclenchant ainsi une inflammation immunitaire (DP 409 sq.). On pouvait voir une analogie entre ces cellules sentinelles étendant leurs bras pour capter l’information des nouveaux virus et la position de Hong Kong à l’interface entre la Chine et le reste du monde, les oiseaux-sentinelles circulant entre ces deux niveaux de généralité ainsi qu’entre les pôles naturel et artificiel. Retrouvé ainsi la description de la pensée sauvage par Lévi-Strauss, j’ai considéré les oiseaux-sentinelles comme des « opérateurs totémiques ». Il s’agissait de comprendre comment les citoyens hongkongais pouvaient s’identifier aux oiseaux malades qui traversaient la frontière avec la Chine, ainsi que l’attestaient les images du cinéma hongkongais. Cependant, je résistais à décrire cette identification comme analogiste, au sens que Philippe Descola donne à ce terme pour décrire les grands Empires d’Amérique et d’Asie. Il était possible de dire que les citoyens hongkongais s’identifient aux volailles 33 régulièrement abattues au centre du territoire pour éradiquer le virus de la grippe aviaire, en faisant notamment référence au souvenir récurrent du massacre des étudiants par l’armée chinoise sur la place Tian’anmen en 1989. Mais à la thèse d’un sacrifice des oiseaux pour protéger les humains dans des moments d’incertitude politique (le terme chinois geming désignant à la fois la révolution et le changement de dynastie), je préférais l’idée selon laquelle les sentinelles peuvent être leurrées par les virus dont elles doivent capter l’information. Si les hommes s’identifient aux oiseaux-sentinelles, c’est justement parce qu’à chacun de ces niveaux, ils peuvent être trompés sur les signes de la menace. J’ai retrouvé ici la description de l’animisme comme identification à des ennemis dont faut prendre le point de vue pour les chasser. Le chasseur ne sait jamais si l’animal qu’il chasse, en fonction des êtres invisibles avec lesquels il est connecté, est un ami ou un ennemi. La contradiction entre le point de vue animal et le point de vue humain, visible dans les avis d’experts en santé publique écrits pour l’Etat, apparaît, dans les pratiques des microbiologistes et dans les récits oraux qu’ils en font, beaucoup plus proches du leurre, de la feintise et du détournement. Cette hypothèse fut confirmée par ma rencontre avec la Société des observateurs d’oiseaux de Hong Kong (HKBWS). Ceux-ci me parlèrent d’une controverse dans laquelle ils avaient été engagés avec le gouvernement et les microbiologistes au sujet des lâchers d’oiseaux par des groupes bouddhistes. Cette pratique rituelle avait connu un large développement profane (au sens où elle est littéralement sortie du temple pour entrer dans l’espace ordinaire) lorsque des oiseaux d’ornement furent relâchés dans des parcs naturels à l’occasion d’anniversaires, ou plus ordinairement pour faire le bien en accumulant des « mérites ». Les observateurs d’oiseaux, en s’appuyant sur les microbiologistes, montrèrent que ces oiseaux mouraient en grand nombre, certains portant parfois le virus de la grippe ; ils demandèrent par conséquent au gouvernement d’encadrer ce commerce d’oiseaux sauvages. J’ai montré que ce « laisser vivre » - un aspect de la biopolitique sur lequel aucun commentateur de Foucault ne s’était penché – articulait deux ontologies différentes : celle du gouvernement et des bouddhistes qui régulent la circulation des corps et des âmes des oiseaux autour d’un sacrifice – l’abattage des oiseaux et leur critique par les bouddhistes apparaissant comme les deux faces d’un même analogisme – et celle des observateurs d’oiseaux et des microbiologistes qui suivent les oiseaux à 34 travers les signes de menaces à venir – les pathogènes définissant une intériorité commune aux hommes et aux animaux d’une façon que l’on peut qualifier d’animiste (DP 388 sq.). Je me suis alors intéressé à la façon dont les birdwatchers – un terme difficile à traduire car il est plus large que celui d’ornithologue - relâchent des oiseaux pour suivre leurs mouvements à travers des bases de données, que j’ai comparées à celles par lesquelles les microbiologistes retracent les mutations des virus de grippe au travers des franchissements de barrières d’espèces. Si la sociologie des sciences a mis l’accent sur la démocratisation de formes d’observation et d’inscription des oiseaux à travers les livres d’observation (field guides) ou les opérations de comptage (Law and Lynch 1988), une approche plus socio-technique souligne davantage l’incertitude des birdwatchers quand ils interagissent avec les oiseaux par des dispositifs comme le baguage ou le GPS (Benson 2010). J’ai voulu faire une histoire de la Société des observateurs d’oiseaux de Hong Kong à travers cette double approche, en la comparant avec une association similaire qui lui sert souvent de modèle à Taiwan (DP 455 sq.). Il y avait là deux modèles de démocratisation socio-technique de pratiques naturalistes profondément enracinées dans la tradition chinoise, à travers une influence britannique dans le premier cas, japonaise et américaine dans le second. J’ai notamment découvert à l’occasion de cette enquête que l’armée américaine avait organisé dans les années 1960 un vaste programme de surveillance de l’encéphalite japonaise sur les oiseaux asiatiques entre Tokyo et Bangkok, dont le centre de collecte des données était situé à Hong Kong, et qui fut l’occasion de former les premiers birdwatchers chinois à Taiwan. Cette comparaison entre Hong Kong et Taiwan m’a permis de donner un sens plus large à la notion de sentinelle, tout en gardant l’alliance étrange entre sécurité militaire et santé environnementale qui en fait tout l’intérêt. Une sentinelle n’alerte pas seulement sur une menace imminente, comme un attentat terroriste ou une infection pandémique, mais sur des menaces plus longues : une pollution par des radiations nucléaire ou des produits chimiques (comme dans les cas de Tchernobyl, Fukushima ou la région des Grands Lacs contaminée par des perturbateurs endocriniens), le réchauffement climatique ou l’extinction d’espèces. C’est l’ensemble de ces cas que j’ai rassemblé dans un numéro spécial de la revue Limn édité avec Andrew Lakoff, en mettant en contraste la sentinelle avec des figures plus anciennes d’anticipation de 35 l’avenir comme le prophète, l’oracle ou le héraut. À la façon du lanceur d’alerte (Chateauraynaud et Torny 1999), dont elle effectue une extension aux non-humains, la figure de la sentinelle permet de suivre l’incertitude d’une mobilisation autour d’un risque depuis la perception de ses premiers signaux. Car les birdwatchers constitués en sentinelle peuvent être leurrés, comme je l’ai vu à Taiwan dans le cas du village de Huben, lorsqu’ils défendent une espèce emblématique qui se révèle moins menacée que prévue. Il est dès lors judicieux de définir comme sentinelle non pas une espèce choisie pour des propriétés spécifiques qui la rendent plus vulnérable ou plus exposée à une menace, mais un territoire tout entier qui travaille à se rendre attentif à un grand nombre de signaux d’alerte. Une sentinelle peut se définir alors comme une frontière qui constitue sa propre intériorité ou une réponse à une question qui n’a pas encore été posée, par contraste avec le cobaye, organisme répondant à la question qui lui a été posé en laboratoire (Jobin). En ce sens, mon enquête sur la grippe aviaire à Hong Kong m’a permis de m’intéresser plus largement aux territoires qui peuvent être définis comme des sentinelles de la santé environnementale en Asie du fait de leur capacité à capter l’information sur les signaux d’alerte précoce : Taiwan, Singapour, Fukushima… Dans les années à venir, je souhaite ainsi faire une ethnographie de l’île de Kinmen, qui appartient à Taiwan bien qu’elle se situe sur la côte du Fujian en face de la ville de Xiamen. Cette île fut utilisée par Tchang Kai-Shek après 1949 comme base militaire pour l’invasion de la Chine populaire, puis reconvertie dans les années 1990 en zone touristique du fait de la richesse de son patrimoine naturel et culturel : nombreux musées d’histoire de l’armée, artisanat du couteau et de la liqueur, maisons Qing et pagodes Ming... Il s’agirait ainsi de comprendre en quoi la préparation à une attaque militaire constitue un horizon d’attente pour les habitants de l’île leur permettant de percevoir les menaces environnementales venues de Chine. Le rôle de Kinmen comme sentinelle environnementale m’a été signalé par l’association des observateurs d’oiseaux de Xiamen qui se rendent sur l’île pour observer les oiseaux qu’ils ne peuvent plus voir en Chine populaire, et qui s’opposent au projet de construction d’un pont entre l’île et le continent. Comme dans le cas de Hong Kong, les mobilisations environnementales autour des oiseaux révèlent ici des tensions entre des populations chinoises dans l’anticipation d’un futur catastrophique. 36 3) Le projet européen Antigone A mon retour de Hong Kong, j’ai été impliqué dans un consortium de laboratoires financé par la Commission Européenne entre 2012 et 2016 intitulé ANTIGONE (ANTIcipating the Global Onset of New Epidemics). Ce consortium rassemblait des laboratoires de virologie qui travaillaient depuis la crise du SRAS avec le département de microbiologie de l’Université de Hong Kong : le Centre médical Erasme de Rotterdam (pilote du projet), l’Institut de virologie de Bonn et le département de zoologie de Cambridge. A ceux-ci s’ajoutaient des laboratoires de bactériologie comme l’Institut Friedrich-Loeffle en Allemagne et l’Institut de recherche sur les ressources cynégétiques (IREC) en Espagne. L’association de virologues et de bactériologistes répondait à la crise sanitaire causée par la bactérie Escherichia coli entéro-hémorragique (ECEH) résistante aux antibiotiques, qui infecta plus de 3000 personnes dont 43 décédèrent en Allemagne au printemps 2011, conduisant à la destruction erronée de millions de tonnes de concombres en Espagne, la cause de la transmission étant finalement découverte dans des graines germées cultivées en Egypte à proximité d’élevages bovins (DP 327 sq.). L’objectif de ce consortium était d’identifier les mécanismes qui permettaient aux pathogènes de franchir les barrières d’espèces, aux niveaux cellulaire, comportemental ou environnemental. J’étais le seul membre d’un laboratoire d’anthropologie à côté de treize laboratoires de microbiologie, ce qui me confrontait à une nouvelle demande : identifier les comportements à risque dans les relations de proximité entre humains et animaux. La participation à ce consortium m’a permis de découvrir de nouveaux pathogènes émergents, de mieux comprendre les différences entre les virus et les bactéries, mais aussi de saisir comment les scientifiques européens préparent les autorités sanitaires aux épidémies à venir. J’ai en effet pu suivre de l’intérieur une controverse internationale concernant les risques de la recherche biologique sur les agents pathogènes potentiellement pandémiques. Ron Fouchier, chercheur au Centre médical Erasme, avait isolé un virus de grippe aviaire H5N1 « mutant », transmissible par voie aérienne comme le H1N1 pandémique, en le faisant passer par dix générations de furets. Ces résultats, qui convergeaient avec ceux de Yoshi Kawaoka bien qu’ils soient menés avec une méthode différente, firent l’objet d’un moratoire de la part du Conseil Scientifique National pour 37 la Biosécurité aux Etats-Unis (NSABB) au motif qu’ils pourraient fournir des informations pour la fabrication d’armes biologiques. La controverse entre biologistes sur l’opportunité de faire et de publier cette recherche se doubla d’une discussion entre anthropologues, car les chercheurs qui travaillaient sur la biosécurité avaient des diagnostics différents sur le H5N1 mutant en fonction des interlocuteurs avec lesquels ils avaient travaillé. J’ai défendu le point de vue de Ron Fouchier selon lequel cette recherche permettait de se préparer à l’émergence de nouveaux virus de grippe aviaire en Chine, mais j’ai voulu expliquer pourquoi ce point de vue échouait à convaincre, en reprenant les critiques émises par d’autres membres du consortium selon lesquelles cette recherche était une « fausse piste » ou un « red herring ». Contre le diagnostic de Carlo Caduff (2015) selon lequel la pandémie de grippe fait l’objet d’énoncés prophétiques contradictoires sur l’avenir, j’ai défendu la thèse selon laquelle elle fait l’objet de pratiques chamaniques d’identification incertaine aux animaux (DP 333 sq.). En travaillant avec les virologistes du Centre médical Erasme et leurs partenaires européens, j’ai en effet recueilli de nombreux récits sur le prélèvement de phoques en mer du Nord, l’observation des oiseaux en Asie, la collecte de chauve-souris en Afrique ou l’élevage de furets à des fins d’expérimentation en Scandinavie. Dans ces différents récits, la question est de savoir comment attraper les animaux sans leur porter atteinte, mesurer leur infectiosité sans être infectés par eux, les relâcher ou les euthanasier dans des conditions respectueuses de leur bien-être. Les virologistes savent mettre en scène leurs relations aux animaux sous la forme d’enquêtes sur les réservoirs des virus ou de simulations à partir de bases de données génétiques. Ron Fouchier, en partant du furet comme cobaye ou modèle d’expérimentation pour la grippe, a selon moi échoué à le transformer en sentinelle, c’est-à-dire à en donner une image consistante en lien avec d’autres formes d’alerte sur les menaces environnementales8. Le projet Antigone m’a également permis d’interroger la différence entre les virus et les bactéries, et les conditions dans lesquelles des bactéries deviennent 8 Ce diagnostic critique m’a conduit à être exclu du consortium entre 2014 et 2016, du fait du caractère trop sensible de la controverse à laquelle j’ai ainsi participé malgré moi par la publication de mon article. Cependant, j’ai pu négocier avec le pilote du consortium, Thijs Kuiken, que le Laboratoire d’anthropologie sociale soit toujours membre du consortium à travers ma collègue Carole Ferret. Paul Rabinow et Anthony Stavrianakis (2013) ont analysé ce type d’échec dans la participation à un consortium entre biologistes et anthropologues, mais ils n’ont pas analysé la façon dont les « demandes » adressées aux anthropologues peuvent être reformulées pour parvenir à un nouveau compromis, une fois constaté l’écart entre ces deux professions. 38 « virulentes ». Alors qu’un virus n’a pas de mécanismes génétiques pour se répliquer mais doit infecter une cellule en se faisant reconnaître par ses récepteurs, une bactérie peut se reproduire par elle-même mais elle devient toxique en fonction des organismes avec lesquels elle entre en relation de commensalité. Si les nouvelles conditions écologiques (élevage intensif, déforestation, changement climatique…) ont multiplié les occasions pour les virus de se faire reconnaître par les récepteurs de nouvelles cellules, et ainsi de franchir les barrières d’espèces, l’augmentation de la consommation d’antibiotiques a aussi créé des niches évolutionnaires pour de nouvelles bactéries, dont le comportement dans l’organisme humain reste incertain. Le passage des virus aux bactéries (après avoir commencé par le prion, plus petite entité pathogène connue, cause de l’ESB) m’a permis d’élargir mon champ de recherche. Avec Nicolas Auray, sociologue des communautés numériques, j’ai étudié à travers un numéro de la revue Terrain l’effet de ces différences de taille dans les pathologies de la circulation de l’information, puisque les spams, bugs et vers circulent entre ordinateurs comme les virus et les bactéries circulent entre les corps. Avec Nicolas Fortané, sociologue des professions sanitaires, j’ai rassemblé des études sur la surveillance de la santé animale impliquant virologistes et bactériologistes pour la Revue d’anthropologie des connaissances. Grâce à Philippe Sansonetti, professeur de microbiologie au Collège de France, spécialiste des entérobactéries, j’ai fait discuter les membres du projet Antigone avec des anthropologues français lors d’un colloque sur les zoonoses en 2014. Un autre colloque organisé avec Christos Lynteris, anthropologue à l’Université de Cambridge, a réuni un an après des anthropologues internationaux au Collège de France sur le même sujet, et donnera lieu à la publication prochaine d’un numéro de Medical Anthropology Theory. Le projet Antigone avait pour visée d’identifier dans une approche pluridisciplinaire les émergences de pathogènes à l’interface entre les humains et les animaux qui pouvaient menacer l’Europe. Il y eut peu de cas de grippe aviaire en Europe pendant cette période, et les enquêtes que j’ai fait réaliser dans la Bresse ou que j’ai menées moi-même dans le Loiret ne montraient rien de nouveau par rapport à ce qu’avait observé Vanessa Manceron dans la Dombes en 2006, c’est-à-dire une forte défiance des éleveurs de volailles à l’égard des mesures sanitaires qui s’ajoutaient à des coûts de régulation déjà contraignants (Manceron 2008). L’épidémie d’Ebola qui a 39 causé plus de 11 000 morts entre 2014 et 2015, si elle révéla l’effondrement des systèmes de santé publique en Afrique de l’Ouest comme un effet secondaire de l’investissement dans la préparation (Nguyen 2014), concerna peu l’Europe, et les voies de transmission d’Afrique Centrale vers l’Afrique de l’Ouest par les chauve-souris restent peu connues, de même que les conséquences de cette crise sanitaire sur la réorganisation de la chaîne alimentaire. Si j’ai pu retracer à cette occasion l’imaginaire du chasseur de viande de brousse comme facteur d’émergence (DP : 496sq.), il me semble difficile de faire une enquête ethnologique sur ces pratiques. Malgré l’effort de virologistes comme Nathan Wolfe (2012) pour faire de ces chasseurs des sentinelles, je ne vois pas quel équipement pourrait permettre à des ethnologues de les suivre. J’ai en revanche pu monter grâce au projet Antigone une collaboration avec les autorités sanitaires du Qatar autour de l’émergence du coronavirus causant le MERS (Middle East Respiratory Syndrome). Cette maladie respiratoire a infecté environ 300 personnes, causant environ 100 décès, dans la péninsule arabique entre 2014 et 2015, avec un second foyer en Corée du Sud de 180 cas et 30 décès. Si la transmission de ce virus par les chauves-souris est plausible mais non attestée, les études sérologiques ont trouvé des anticorps marquant la présence de ce virus chez les chameaux élevés entre le Sahel et l’Asie centrale. Sarah Cabalion, après avoir fait sa thèse sur la domestication du chameau au Niger, a effectué plusieurs séjours au Qatar en 2014 et 2016 où elle a pu observer les pratiques des éleveurs de chameaux dans les champs de course où ils sont rassemblés. On peut en effet supposer que l’interdiction par les autorités du Qatar de la libre pâture des chameaux et leur concentration dans des marchés, des abattoirs et des champs de course où ils sont pris en charge par des travailleurs immigrés, est un facteur de transmission de nouveaux pathogènes. Le Qatar peut être défini comme une sentinelle sanitaire à la fois du fait de ses transformations économiques récentes et de sa volonté de jouer un rôle dans la nouvelle économie mondiale de l’information. La découverte de réserves de gaz dans les années 1990 a en effet permis à ce petit royaume de s’urbaniser et de prendre ses distances avec son allié saoudien, selon un modèle comparable à la relation entre Hong Kong et la Chine. Je compte poursuivre ces recherches sur le Qatar, où j’ai pu me rendre brièvement en janvier 2016, en comparant sa nouvelle position dans l’économie globale de circulation des chameaux - un tiers des 40 chameaux abattus pour la viande au Qatar viennent d’Australie - à l’investissement des monarchies arabes dans la construction de musées universels. 4) Le projet Axa Entre 2013 et 2016, le Fonds Axa pour la recherche a soutenu un projet que je dirigeais au Laboratoire d’anthropologie sociale sur les représentations sociales des pathogènes aux frontières entre les espèces. Ce projet comparait la gestion des zoonoses dans trois régions d’Asie-Pacifique : la Mongolie, le Laos et l’Australie. Plutôt que de répondre aux questions de santé publique sur une alerte en cours, comme cela avait été le cas dans le cadre du projet soutenu par la Fondation Fyssen sur la grippe aviaire, il s’agissait de tester l’hypothèse théorique de Philippe Descola sur les ontologies dominantes dans ces trois régions (animisme, analogisme et totémisme) en prenant une maladie animale comme point d’entrée sur un terrain déjà connu. C’est pourquoi le projet portait sur la représentation des pathogènes plutôt que sur la perception des risques : l’alerte globale sur les pathogènes potentiellement pandémiques était considérée comme une représentation parmi d’autres, pouvant entrer en conflit ou en résonance avec d’autres représentations tout aussi consistantes. Si les enquêtes menées par les membres du projet n’ont pas retrouvé les contours nets des trois ontologies supposées, cette recherche d’alternatives à la santé globale a cependant permis de valoriser les formes d’attention locales à la santé des animaux. Les membres du projet avaient construit un questionnaire commun pour interroger des acteurs vivant au contact des animaux. Les questions étaient les suivantes : 1) les maladies peuvent-elles se transmettre des animaux aux humains ? une maladie animale révèle-t-elle une intériorité commune aux hommes et aux animaux, ou les symptômes restent-ils extérieurs ? 2) y a-t-il une différence entre les animaux sauvages et domestiques dans le traitement des zoonoses ? 3) les carcasses des animaux malades sont-elles mangées ou détruites ? Ces questions étaient posées sur des terrains où les ethnographes étaient familiers des relations entre humains et animaux, de façon à éviter les formes du questionnaire de santé publique qui auraient biaisé les réponses. Sandrine Ruhlmann a étudié la représentation de la brucellose, de l’anthrax et de la fièvre aphteuse chez les éleveurs de bétail en Mongolie. Elle a montré que ces 41 éleveurs distinguent ces virus par leurs symptômes et leurs capacités de transmission, mais aussi par la façon dont ils se reproduisent dans le « sol ». Méfiants à l’égard des techniques d’abattage massif du gouvernement, qui s’étendent aux espèces sauvages, les éleveurs mongols développent leurs propres techniques d’abattage sans faire couler de sang pour respecter « l’esprit des animaux ». Arnaud Morvan a étudié la lutte contre le virus Hendra en Australie, un virus très létal qui se transmet des chauves-souris aux humains en passant par les chevaux. Il a montré que les Aborigènes sont exclus de ce dispositif de biosécurité, alors qu’ils ont développé une coévolution millénaire avec ces animaux, dont ils font un usage culinaire et médicinal. Arnaud Morvan a proposé l’hypothèse selon laquelle la conception totémique des maladies aurait permis aux Aborigènes de partager avec les chauves-souris des propriétés dans l’occupation du territoire et leur immunité à l’égard des virus émergents. Nicolas Lainé a étudié la mobilisation des autorités sanitaires autour de la tuberculose des éléphants, qui se transmet des humains aux pachydermes en faisant peser une menace sur cette espèce en voie d’extinction. La lutte contre cette menace par les associations en charge de la conservation laisse cependant de côté le savoir des mahouts, issu d’une relation de travail avec les éléphants, et effectué par des rituels d’apaisement des esprits (DP : 524sq.). Leurs recherches ont été exposées au cours du séminaire que j’organise avec Carole Ferret au Laboratoire d’anthropologie sociale depuis 2010 sur le thème « Relations hommes/animaux : questions contemporaines ». Ces trois recherches ethnographiques montrent de façons différentes que la gestion des maladies animales implique des formes de conservation patrimoniales : en Mongolie, le savoir pastoral des éleveurs est mis en valeur par le gouvernement au titre de « Patrimoine Universel de l’Humanité » ; en Australie, la protection des chauvesouris recourt à des formes artistiques dans les communautés aborigènes ; au Laos, la conservation des éléphants est liée à un site patrimonial comme la ville de Luang Prabang. La représentation des animaux dans l’ambivalence entre les protéger et s’en protéger s’exprime donc par des formes esthétiques, artistiques ou patrimoniales, qui sont devenues centrales dans mes recherches actuelles. 42 III Anthropologie au musée 1) Le musée du quai Branly, entre recherche et patrimoine Depuis 2014, je travaille au musée du quai Branly comme directeur du département de la recherche. J’ai accepté de prendre cette responsabilité parce qu’il me devenait difficile d’être présent sur les nombreux terrains où les experts en microbiologie me sollicitaient. Les crises sanitaires causées par des zoonoses se multiplient à une telle allure qu’il est plus efficace de constituer des équipes pour répondre aux demandes d’expertise ethnographique. En outre, l’enquête microbiologique et épidémiologique a toujours une longueur d’avance sur l’enquête ethnographique, qui exige plus de temps pour se familiariser avec les acteurs locaux. Alors que le travail en équipe sur projets tend à se diffuser des sciences de la vie vers les sciences humaines, j’ai voulu réfléchir à ce qu’impliquait une recherche collaborative sur les zoonoses depuis un lieu déjà organisé pour ce type de collaboration. En prenant un poste dans un musée, j’ai retrouvé une des sources du travail anthropologique, puisque la plus grande partie de l’anthropologie au dix-neuvième siècle s’effectuait dans les musées européens. C’était un argument pour mieux collaborer avec les microbiologistes sur les zoonoses au niveau européen : de même qu’ils fondaient leurs recherches sur des collections de microbes conservés dans leurs laboratoires, je pouvais m’appuyer sur des collections d’objets rassemblés dans les musées pour la recherche anthropologique. Cependant celle-ci ne s’effectue plus directement sur les objets, dont l’inventaire et le renseignement sont effectués par des conservateurs. De même que microbiologistes et épidémiologistes ont séparé le travail qu’ils font à l’occasion des grandes épidémies mobilisant les autorités sanitaires, de même les conservateurs et les anthropologues se partagent la recherche sur les objets ethnographiques que l’Etat met en scène à l’occasion de grandes expositions. Cette comparaison n’est pas seulement formelle, car elle m’a permis de comprendre la situation du musée du quai Branly à partir de mon travail sur les zoonoses, et ainsi de lui donner un prolongement depuis ce nouveau site. Le musée du quai Branly a été créé au même moment que l’Agence Française de Sécurité Sanitaire 43 des Aliments, dans un contexte de cohabitation politique qui accentuait les clivages professionnels. De même que l’AFSSA opposait vétérinaires et médecins dans la perception d’un animal malade, les premiers le voyant depuis le pôle producteur et les seconds depuis le pôle consommateur, de même le musée du quai Branly opposait ethnologues et conservateurs dans la perception d’un objet ethnographique, les premiers le voyant depuis la société qui l’a produit et les seconds depuis le visiteur qui en apprécie la beauté. On peut pousser la comparaison structurale jusqu’à y voir l’opposition entre le premier ministre de gauche Lionel Jospin et le président de droite Jacques Chirac. Le musée du quai Branly a été créé en même temps que l’Institut d’histoire de l’art et l’Institut national d’archéologie préventive à la fin des années 1990 pour faire travailler anthropologues, historiens de l’art et archéologues sur le processus par lequel des objets sont fabriqués, utilisés, échangés, collectés jusqu’à entrer dans le patrimoine des musées. Le mouvement par lequel j’ai essayé de sortir les zoonoses de la discussion sur les risques et le principe de précaution, en suivant les transformations des relations entre humains et non-humains de la production à la consommation, est donc parallèle à celui par lequel l’anthropologie est sortie de la discussion sur le contexte social ou culturel des objets ethnographiques et de la sacralisation patrimoniale, pour les suivre dans la diversité de leurs usages et de leurs qualifications. Une seconde comparaison permet de préciser ma position au sein du musée. Le musée du quai Branly a été un des premiers musées à numériser entièrement sa collection, opérant un tournant vers le « musée virtuel » qui est appelé à se généraliser. Le chantier du transfert des collections du Musée de l’Homme et du Musée des Arts d’Afrique, d’Amérique et d’Océanie vers les nouvelles réserves construites sous le bâtiment de Jean Nouvel fut en effet l’occasion d’un inventaire utilisant les technologies numériques les plus avancées. La base de données constituée selon les standards internationaux du TMS – The Museum System – fait du musée du quai Branly un outil de recherche ouvert au monde entier (Beltrame 2012). Mais parallèlement, le musée du quai Branly est allé le plus loin dans la sécurisation de ses réserves d’objets, dont la fragilité entraîne des mesures de conservation et de restauration coûteuses (Roustan 2016). Les conservateurs du musée du quai Branly se trouvent donc dans la situation paradoxale d’avoir accès à une large information sur 44 les collections dont ils ont la charge, mais non à leur matérialité, qu’ils ne perçoivent que lorsqu’ils les acquièrent auprès de marchands d’art en France ou par des collectes à l’étranger, ou bien encore lorsqu’ils participent à des exercices d’évacuation des objets pour se préparer à une crue de la Seine. Cet écart entre le virtuel et le réel dans la perception de la matérialité d’un objet est un des sujets sur lesquels des anthropologues peuvent travailler avec des sociologues, des économistes ou des philosophes. Il me semble comparable à l’écart, pour un microbiologiste, entre le virus dont il télécharge la séquence sur une base de données accessible à tous et le pathogène qu’il manipule en laboratoire dans de hautes conditions de biosécurité, parcequ’il cause des épidémies hors du laboratoire (DP 429 sq.). Une crise sanitaire et une exposition culturelle peuvent alors être conçues comme deux événements comparables. J’ai découvert en travaillant au musée du quai Branly qu’une des grandes révolutions dans la culture d’après-guerre est d’intégrer la forme de l’exposition – d’abord conçue comme une manifestation populaire, à la différence du salon d’artistes – dans la vie économique du musée, c’est-à-dire d’organiser la circulation des objets entre les musées autour de la préparation d’une exposition, comme l’ont montré les museum studies (Karp et Lavine 1991). De même, une des grandes transformations dans la santé publique d’après-guerre est de saisir les crises sanitaires comme l’occasion de collecter du matériel biologique en vue d’anticiper la prochaine épidémie et de s’y préparer, ce qui ouvre aux global health studies. Le Conseil International des Musées (ICOM) et l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) se sont mis en place dans cette période pour encadrer par des standards internationaux la circulation globale du matériel culturel ou biologique. Dans les deux cas, l’exposition et la crise sanitaire font l’objet d’un travail critique, au sens où un public examine les conditions dans lesquels ce matériel circule pour le dénoncer ou l’apprécier, car l’exposition comme la crise sanitaire en révèlent des aspects jusque-là inconnus. Mais en dehors de ces moments de forte exposition critique (en jouant sur les deux sens de chacun des mots en anglais, exhibition et exposure pour le premier, critical et critique pour le second), ce matériel fait l’objet d’un travail ordinaire de classement, d’inventaire et de conservation. Cette réflexion m’a conduit à insister sur deux aspects de la préparation aux événements, la simulation et le stockage, et aux croisements qui s’y opèrent entre le 45 virtuel et le réel. Alors que la sentinelle produit des identifications contradictoires entre humains et non-humains au moyen de signaux d’alerte, et donc des émotions de peur ou d’attachement, la simulation et le stockage brouillent les frontières entre le virtuel et le réel, et suscitent donc des formes de critique en dévoilant la façon dont ils construisent de la valeur. Par la comparaison quasi-systématique de ces trois formes dans les laboratoires de microbiologie et dans les musées d’ethnographie, je voudrais confirmer une hypothèse anthropologique : les objets stockés (biologiques ou culturels) deviennent des signes lorsqu’ils sont perçus à travers la contradiction entre l’humain et le non-humain, et des valeurs lorsqu’ils circulent à travers des chaînes de don et de collecte. Tout le problème de la préparation (aux expositions comme aux crises sanitaires) est de transformer ces signes en valeur sans fabriquer des leurres. Cette approche prolonge celle qui a été menée dans le cadre de l’anthropologie de l’art : décrire la façon dont les objets d’art agissent sur ceux qui les regardent, en les plongeant dans ce qu’Alfred Gell (1998) appelait des « pièges à pensée » ou des intentionnalités enchevêtrées. L’hypothèse de Gell, que j’ai découverte tardivement, m’a paru confirmer ce que je cherchais à décrire avec Bergson comme « causalité intentionnelle » ou « pouvoir cynégétique » : l’esprit humain surmonte une contradiction entre l’humain et le non-humain, décourageante pour l’action, par une entité virtuelle qui se surajoute aux entités réellement perçues. Dans cette perspective, l’opposition entre l’ethnologue et le conservateur (entre société et beauté, ou science et art) est moins forte que la similitude entre collection, collecte et prédation. La collection comme la prédation comblent un manque en transformant un objet de signe du manque en valeur d’échange. Si les analogies entre la collecte et la chasse ont été souvent soulignées (Griffiths 1996), elles deviennent particulièrement frappantes pour cet objet anthropologique par excellence qu’est le crâne, puisque la fascination pour les chasseurs de tête a trouvé son prolongement dans la constitution de collections de crânes dans les musées d’anthropologie (Roque 2010). Ainsi formulé dans sa généralité, le problème de la préparation m’a permis d’orienter les recherches du musée du quai Branly à partir des bases solides que lui avait données Anne-Christine Taylor (2008). En suivant les recommandations du Haut Commissariat à l’Evaluation de la Recherche Scientifique, qui a évalué le département de la recherche du musée en 2015, j’ai proposé de définir une offre scientifique plus 46 précise pour les doctorants et post-doctorants auxquels le musée offre chaque année une résidence d’un an. Ces chercheurs en résidence travailleront chaque année autour d’un thème en recevant des cours d’un professeur invité et en organisant une journée d’étude qui pourra être publiée dans la revue Gradhiva. Le thème choisi pour l’année 20162017, « Valeurs et matérialités », prolonge le séminaire que j’ai animé en 2014-2015 au musée du quai Branly avec Luc Boltanski et Arnaud Esquerre sur « La valeur des choses » et celui qu’anime Patrice Maniglier au musée sur « Valeur et prix ». Il a permis d’accueillir Joel Robbins, professeur à Cambridge et spécialiste de Papouasie-Nouvelle Guinée, qui a fait un cours sur l’anthropologie des valeurs dans la perspective de Louis Dumont et réalisé une installation intitulée « Transformations de la valeur en Mélanésie ». Les chercheurs en résidence peuvent également assister à un programme d’enseignements accueillis au musée, notamment le séminaire « Anthropologie de l’imagination » animé par Carlo Severi et Giovanni da Col avec le soutien de la revue Hau. Journal of Ethnographic Theory. Les chercheurs en résidence peuvent également participer à la dizaine de colloques que le département de la recherche organise chaque année. Ces colloques peuvent porter sur les thèmes des expositions du musée (« Arts des Indiens des plaines », « Matérialités des sociétés du Sepik »), sur des grandes figures de l’anthropologie (Georges Balandier, Michel Leiris, Emmanuel Terray, Nathan Wachtel) ou sur des questions de recherche novatrices (« Etres vivants et artefacts », « Mondes miniatures », « Réflexivité rituelle », « Matérialités religieuses », « Domestication et communautés hybrides »). Un colloque est organisé en septembre 2016 pour revenir sur les dix ans du musée sous le titre « Un musée à imaginer », répondant au colloque « Le dialogue des cultures » qui avait marqué son ouverture en 2006. 2) Ecologie des collections patrimoniales J’ai reçu le soutien des Laboratoires d’excellence « Création Art Patrimoine » et « Patrima » pour un projet intitulé « Ecologie des collections patrimoniales » en 20162018. Ce projet consiste à étudier avec les méthodes de la sociologie des sciences et de l’anthropologie des techniques les pratiques par lesquelles les personnels de musée prennent soin des objets dont ils ont la charge. Il propose donc d’entrer dans les 47 coulisses des musées, selon une tendance de plus en plus suivie par les musées euxmêmes dans leurs expositions, répondant ainsi à une curiosité du public. L’enjeu théorique plus large de ce projet est de penser le musée comme un environnement pour les objets qui y sont conservés, les conservateurs qui y travaillent et les visiteurs qui y passent. Ce projet donnera lieu à des enquêtes menées par Yaël Kreplak et Tiziana Beltrame aux Archives Nationales et au Centre Pompidou, mais pourra être élargi à des pratiques de conservation étudiées dans des musées d’histoire naturelle ou des réserves zoologiques, pour considérer ce qu’on appelle les « collections mixtes » ou les « collections vivantes », c’est-à-dire des formes patrimoniales mêlant l’organique et l’inorganique. Il fera l’objet d’un séminaire et de journées d’études au musée du quai Branly, comme par exemple sur « les insectes au musée ». Ce projet testera mon hypothèse selon laquelle les techniques de préparation aux catastrophes sont aujourd’hui appliquées aux musées du fait de la vulnérabilité de leurs collections. Certains objets du musée peuvent ainsi être considérés comme des sentinelles (hotspots) parce qu’ils sont particulièrement exposés aux risques d’infestation par les insectes ou de dégradation par l’humidité, du fait de leur situation sur le plateau d’exposition ou de leur composition matérielle. Le musée organise par ailleurs des exercices de simulation pour l’évacuation des objets en cas de crue de la Seine, basés sur des plans de protection contre les risques d’inondation qui classent les objets en fonction de leur vulnérabilité face à ce risque. Enfin, les pratiques de stockage peuvent faire l’objet de comparaisons entre les musées et d’autres institutions en charge de la conservation. La singularité du musée du quai Branly est sans doute l’usage de chambres d’anoxie dans lesquelles sont placés les objets qui entrent dans les réserves afin de tuer les insectes qu’ils contiennent, pratique comparable à la mise en quarantaine ou à la décontamination dans le domaine de la santé publique. J’ai par ailleurs suivi avec attention trois projets dans lesquels le musée est considéré comme un environnement moins pour la conservation des objets que pour la médiation avec le public. Le premier porte sur un robot appelé « Berenson », du nom d’un célèbre critique d’art américain ; il consiste à tester les capacités d’apprentissage esthétique d’une machine (Vidal et Gaussier 2014). Ce projet est présenté par les roboticiens de l’Université de Cergy-Pontoise et soutenu par le Laboratoire d’excellence Patrima. Il consiste à « lâcher » le robot dans les lieux d’exposition du 48 musée du quai Branly de telle façon qu’il imite et mémorise les regards des visiteurs sur les objets ethnographiques. L’interaction entre le robot, les visiteurs et les objets du musée sont riches d’enseignement sur les relations entre humains et non-humains qui se nouent dans cet environnement. J’ai notamment suivi la recherche de Joffrey Becker, post-doctorant au musée en 2015-2016, sur les enregistrements de ces interactions. De ce point de vue, le musée est un environnement plus riche qu’un laboratoire mais plus sécurisé qu’un espace urbain (par contraste avec le rêve de Nam June Paik de lâcher des robots dans la rue). Le robot Berenson m’apparaît comme une sentinelle au sens où j’ai appliqué ce terme à des oiseaux relâchés avec des GPS, c’està-dire qu’il capte des signes de relations entre humains et non-humains et les transforme en valeurs esthétiques. Le second projet qui a retenu mon attention porte sur la rédaction d’un scénario pour un « jeu sérieux » enrichissant la perception des objets par la réalité augmentée. Ce projet intitulé CULTE (Cultural Urban Learning Technologies) est soutenu par l’Agence Nationale de la Rercherche et porté par le musée du quai Branly, en partenariat avec la Cité des Sciences et le Conservatoire des Arts et Métiers. Le scénario rédigé pour ce projet fait parler les objets ethnographiques de leur histoire, en les reliant les uns aux autres par un ensemble d’énigmes. J’ai suivi la recherche de Julien Wacquez, qui rédige une thèse de sociologie sur le réalisme dans la sciencefiction, et qui a observé les discussions sur le réalisme du scénario au musée du quai Branly. J’ai vu dans ce projet une simulation, au sens où le savoir virtuel accumulé dans les bases de données du musée plonge le visiteur dans une expérience d’immersion avec les objets ethnographiques. Le troisième projet porte sur l’usage des archives musicales du musée pour constituer des environnements sonores. J’entretiens depuis longtemps un intérêt pour les rapports entre musique et anthropologie, et j’ai fait quelques publications sur ce que Lévi-Strauss considérait comme « le suprême mystère des sciences humaines ». Le musée du quai Branly a organisé en 2015 un colloque avec des ethnomusicologues et des acousticiens sur les environnements sonores des lieux de culte (« Worship Soundscapes »). Je participe à un projet soutenu par le Labex Création Art Patrimoine sur les pratiques collaboratives en musique électronique (« Musique et hacking »), prolongeant certaines interrogations d’un numéro de Gradhiva intitulé « La musique 49 n’a pas d’auteur ». Il s’agira notamment dans ce cadre d’étudier la façon dont des artistes utilisent les fonds sonores hérités du Musée de l’Homme pour créer de nouvelles performances musicales (dites « siestes électroniques »), qui sont ensuite enregistrées par le musée du quai Branly et disponibles sur son site. La musique et la photographie sont les seuls arts pour lesquels le musée du quai Branly fait venir des artistes contemporains en vue de travailler avec les collections et les augmenter de créations contemporaines, par contraste avec les arts plastiques (peinture et sculpture). Les réserves d’instruments de musique sont par ailleurs les seules réserves visibles par le visiteur à l’entrée du musée. Il y a là un sujet à analyser pour étudier les différents sens, réel et virtuel, du stockage. 3) Le projet Microbiome et la question des restes humains Je participe en tant que Research fellow au projet « Humans and the Microbiome » soutenu par le Fond Canadien pour la Recherche (CIFAR). Ce projet vise à étudier la signification anthropologique des recherches biologiques menées sur les microbes qui co-évoluent avec les humains. Le séquençage à haut débit ayant permis de cartographier la diversité des flores microbiologiques dans le corps humain en laboratoire, il reste à étudier les variations de ces flores dans des populations actuelles et passées. Les microbes servent ici de marqueurs pour de grandes transformations historiques dans les pratiques alimentaires ou sanitaires. Ce programme implique des microbiologistes et des anthropologues d’Europe et d’Amérique du Nord, et doit mettre en place des méthodes d’enquête commune. Avec Philippe Sansonetti, professeur de microbiologie au Collège de France, et Tamara Giles-Vernick, anthropologue à l’Institut Pasteur, nous avons défini une recherche sur le microbiome disponible dans les restes humains conservés par les musées d’anthropologie. En accord avec Alain Froment, directeur des collections du musée de l’Homme, et Ibrahima Thiaw, archéologue à l’Institut Fondamental d’Afrique Noire, nous avons identifié deux collections de crânes permettant d’étudier, à l’aide de prélèvements de tarte dentaire, le microbiome de populations antérieures à la colonisation française : les Serer-Siné (collection Guy Thilmans) et les Toucouleur. 50 Ces crânes ne portent pas de noms individuels, et ne peuvent donc faire l’objet de demandes de restitution. L’enjeu de ces recherches microbiologiques est de contribuer à enrichir la connaissance de ces collections, dont la conservation est souvent mise en question. L’usage de méthodes non invasives permet d’accéder à « l’intérieur » de ces crânes (la flore microbienne dont ils ont gardé la trace) sans les endommager, puisqu’une très faible quantité de tartre dentaire est prélevée. Le musée du quai Branly a accueilli en 2008 un colloque sur la place des restes humains dans les musées, interrogeant leur statut ontologique et juridique entre bien culturel et ressource biologique, à la suite duquel il a restitué des têtes maories au musée Te-Papa de Nouvelle-Zélande. En décembre 2016, un colloque organisé avec l’Institut Frobenius de Francfort sur les savoirs et collections africanistes dans les espaces francophones et germanophones soulèvera à nouveau cette question, très sensible aujourd’hui en Allemagne après la reconnaissance par le Bundestag du génocide des Herrero, dont les collections allemandes contiennent encore des crânes. Les recherches contemporaines sur le microbiome font ici entrer dans l’histoire des guerres de conquête coloniale, des campagnes d’hygiène et des collectes ethnologiques. J’ai pu discuter du statut de ces collections controversées avec Clementine Deliss, chercheuse au Wissenschaftskolleg de Berlin et ancienne directrice du Weltkulturen Museum de Francfort dans un entretien paru dans la revue de la Documenta, South, et dans un article écrit en commun pour la revue Hau. Nous avons pris l’exemple de la statue Songye du Congo présentée dans l’exposition « L’anatomie des chefs d’œuvre » au musée du quai Branly, et dont l’imagerie médicale a révélé la présence d’un tube digestif contenant des charges magiques à usage rituel, sans doute scellé au moment de la vente. Comment un visiteur perçoit-il l’intérieur de cet objet par des techniques habituellement appliquées aux corps des patients, et comment cette perception contraste-t-elle avec celle qui est impliquée dans son usage rituel ? Cette question me semble ouvrir un programme de recherche à partir d’une exposition sur les techniques de conservation. Clementine Deliss et moi-même avons repris à Paul Rabinow le terme de « remédiation » pour décrire le travail collaboratif qui doit être fait autour des collections ethnographiques pour problématiser leur potentiel « toxique » ou « contaminé », c’est-à-dire l’histoire des violences dont elles sont 51 porteuses. En réponse à la demande de restitution, toujours délicate en l’absence de preuves juridiques, nous avons proposé d’ « occuper les collections » pour en faire un nouvel espace de recherche interdisciplinaire (DP 504sq.). Dans la continuité du projet Microbiome, j’ai déposé un projet au Conseil Européen de la Recherche intitulé « Avian Repositories : Anthropological Researches in Art and Science », retrouvant ainsi par un acronyme, ARARAS, mon problème de départ (DP 509sq.). Il s’agissait de comparer les collections par lesquelles les oiseaux sont transformés en artefacts dans quatre sites : les musées ethnographiques, les musées d’histoire naturelles, les laboratoire de microbiologie et les réserves naturelles. Ce projet combinait l’histoire des sciences, pour étudier la constitution de ces collections, et la microbiologie, pour étudier les microbes comme marqueurs des relations entre humains et oiseaux. Ce projet n’a pas été retenu par le Conseil Européen de la Recherche, mais je vais travailler à le consolider dans les années à venir. La matérialité des plumes pose en effet des questions de conservation et de valorisation - un colloque a été organisé en 2014 par le musée du quai Branly sur « Préserver et exposer les plumes » - comparables à celles qui sont soulevées pour les restes humains, mais aussi des questions de restitution, puisqu’en 2000 des représentant des Tupinamba ont demandé au musée de Copenhague la restitution d’un manteau de plumes à usage rituel. Nous avons eu l’occasion d’étudier les techniques et les rituels impliquant des objets à plumes avec une délégation d’Indiens Wayana venus de Guyane française au musée du quai Branly en septembre 2016, dans une forme de restitution et d’échange de savoir. Je projette d’organiser un colloque avec Nicolas Garnier, conservateur en charge de la collection Océanie, sur le thème « Oiseaux menacés, oiseaux menaçants ». Il s’agira de partir de l’ambivalence des oiseaux révélée par une crise récente comme la grippe aviaire pour explorer les représentations des oiseaux dans diverses sociétés et différentes périodes historiques. Les musées d’anthropologie sont donc des lieux permettant de voir comment des humains s’identifient à des oiseaux sur fond de vulnérabilité partagée. 4) Le projet d’exposition « Petits êtres » 52 Depuis son ouverture, le musée du quai Branly a mis à disposition des chercheurs en sciences humaines la mezzanine Ouest pour des expositions portant sur des questions transversales plus que sur des thèmes d’histoire de l’art ou des aires culturelles, comme les expositions « Qu’est-ce qu’un corps ? », « Planète métisse », « La fabrique des images » ou « Persona ». Le musée du quai Branly a accepté que j’organise une exposition pour 2021 avec Sophie Houdart, Tiziana Beltrame et Christine Jungen sur le thème « Petits êtres ». Plus que sur la question de la miniature ou de l’échelle, souvent traitée en histoire de l’art, cette exposition portera sur les êtres qui suscitent des troubles chez les humains par leur taille, et qui demandent un travail pour entrer en relation avec eux. Une recherche menée dans les collections du musée du quai Branly a déjà révélé un grand nombre d’objets comme des cages d’insectes, des poudres magiques ou des sacs de graines, que l’on mettra en regard d’œuvres contemporaines sur les microbes ou les particules radioactives. Cette exposition présentera donc des modalités alternatives de représentation du microscopique sur fond d’une crise écologique qui rend les petits êtres plus insistants. Cinq modalités de représentation des « petites êtres » seront présentées : rendre visible, interagir, cultiver, cartographier et inventorier. On montrera ainsi que l’inventaire est seulement une des modalités pour contenir la prolifération des « petits êtres », et peut éventuellement être débordé par eux. Mon travail au musée du quai Branly m’a ainsi permis de confirmer mon hypothèse selon laquelle les microbes révèlent des vulnérabilités communes aux humains et aux non-humains, en orientant la demande d’expertise reçue lors de crises sanitaires vers une médiation plus générale de l’anthropologie envers un large public. A la différences d’expositions de sciences, qui montrent ce que nous savons des relations entre les hommes et les microbes pour orienter vers les comportements qui s’en déduisent, une exposition d’anthropologie a plutôt pour but de faire réfléchir aux incertitudes des relations entre les humains et les êtres qui les entourent, et utilise des images pour susciter un trouble dans la façon dont ces êtres apparaissent. Ainsi la logique des images est la plus à même de saisir les contradictions dans les relations entre humains et non-humains qui s’expriment au grand jour dans les représentations médiatiques des zoonoses. L’exposition est donc un médium de présentation du travail anthropologique aussi efficace que la rédaction d’un livre, et complémentaire avec lui. 53 IV Présentation du manuscrit inédit L’ouvrage que je présente pour mon Habilitation à Diriger des Recherches sous le titre Avian Preparedness. An Anthropology of Virus Hunters and Birdwatchers développe mes enquêtes ethnographiques sous l’angle d’une nouvelle hypothèse théorique. Le livre que j’avais publié en 2010 chez Flammarion sous le titre Un monde grippé se présentait plutôt comme l’ouverture d’un champ de recherche : au terme d’un parcours de formation qui m’avait conduit de l’Amérique du Nord à l’Asie, je voulais présenter à un public français la façon dont on pouvait se saisir anthropologiquement d’un objet comme la grippe aviaire. Rédigé au retour de mon enquête à Hong Kong, il prenait l’occasion de la pandémie de grippe H1N1 en 2009 pour donner une signification historique et anthropologique à ce qui avait pu apparaître comme un événement irrationnel : une commande de vaccination massive par l’Etat français pour un nouveau virus finalement moins dangereux que prévu. Même si je me suis réclamé du modèle de Tristes tropiques pour la réflexion sur les rapports entre sens et non-sens – culminant au milieu de l’ouvrage dans une méditation au temple d’Angkor – je suivais davantage l’enseignement de Paul Rabinow dont j’avais traduit French DNA : il me fallait saisir une crise sanitaire dans le monde des maladies animales en déployant un gradient d’acteurs critiques, avant qu’une autre crise ne le configure autrement. D’où la composition délicate entre vitesse et lenteur dans l’écriture du livre : je cherchais à rendre accessible à un large public français un ensemble de recherches menées pendant des années, qui était catalysé par l’événement de la pandémie de 2009. L’ouvrage que je présente aujourd’hui s’inscrit davantage dans un débat de long terme avec mes collègues étrangers autour des techniques de préparation aux catastrophes. Il vise à présenter à un public anglophone les inflexions que l’anthropologie française peut apporter à ce sujet, par la façon dont elle analyse et compare les relations entre humains et non-humains. Il cherche aussi à montrer comment les études sur la « santé globale » - la recomposition de la santé publique par des techniques d’anticipation et des modes d’intervention qui contournent le niveau de l’Etat-nation – peuvent être mises en rapport avec la problématique de la conservation 54 telle que je l’ai observée dans les musées. L’hypothèse théorique qui rassemble ces différents objectifs est la suivante : les techniques de préparation aux catastrophes mobilisent dans les sociétés contemporaines des compétences qui ont été développées par les chasseurs pour gérer l’incertitude de leurs relations avec les non-humains. Alors que Un monde grippé analysait la pandémie comme un mythe au sens où elle fait tenir ensemble un grand nombre d’acteurs en transformant les contradictions de leurs relations d’un contexte à un autre – la notion de « monde » étant prise au au sens de la sociologie interactionniste plus qu’au sens des études globales - Avian preparedness porte sur les dispositifs pratiques par lesquels se construisent ces relations dans trois contextes bien définis : Hong Kong, Taiwan et Singapour. Un monde grippé se concluait sur le mythe de la grève générale selon Georges Sorel, pour comprendre pourquoi l’économie globale se prépare à un arrêt de son activité d’échange du fait des inégalités qu’elle produit. Avian preparedness se conclut par les pratiques des conservateurs et des collectionneurs en les comparant à celles des chasseurs pour comprendre quelles modalités de communication avec les non-humains sont rendues possibles par la préparation à une pandémie. Dans les deux cas, en me référant au mythe de la grève générale ou aux techniques des chasseurs, je conteste le caractère contemporain et émergent de la préparation pour en faire un rapport archaïque des hommes à leur environnement. 1) Préparation, imagination, planification J’emprunte le terme « techniques de préparation » à Andrew Lakoff. Celui-ci a mené avec Stephen Collier une enquête généalogique sur l’émergence aux Etats-Unis pendant la guerre froide d’une nouvelle rationalité qui ne repose plus sur l’établissement de statistiques permettant de mutualiser les risques par l’assurance, mais sur l’anticipation d’un événement dont la probabilité est inconnue et dont les effets sont perçus comme catastrophiques. Cette rationalité permet de gérer comme des menaces analogues des phénomènes aussi divers qu’un attentat terroriste, une épidémie, un ouragan ou une inondation, puisque les mêmes techniques sont appliquées à ces événements en vue de s’y préparer. « Alors que les techniques de préparation sont aujourd’hui appliquées à une variété de désastres potentiels, écrit 55 Lakoff, elles étaient initialement assemblées dans les Etats-Unis de la guerre froide, en réponse à une attaque surprise de l’Union Soviétique. » (2007 : 255) De même que la rationalité de l’assurance trouve son origine dans les chartes par lesquelles les compagnies de bateaux calculaient les chances de succès des grands voyages de conquête, de même la rationalité de la préparation trouverait, selon Lakoff, son point de départ dans les exercices par lesquels l’Etat militaire imaginait les effets de la guerre nucléaire. La préparation vise à produire un certain état de tension (« a continuous state of readiness ») par un travail de l’imagination (« imaginary enactment »). Les exercices de préparation conduisent à voir les sociétés à travers les failles ou les vulnérabilités de les « infrastructures critiques » – par exemple les voies de communication ou les systèmes de paiement. La préparation ne vise pas à sécuriser un Etat souverain ou une population mais ce que Lakoff et Collier appellent des « systèmes vitaux » (vital systems security). Ce diagnostic pose ainsi une question anthropologique classique : comment les acteurs de la préparation construisent-ils du social à partir de l’imagination du vital ? Andrew Lakoff ne pose pas cette question parce qu’il assigne à la préparation une origine historique et un caractère systématique. En se réclamant de la méthode d’ontologie historique de Ian Hacking, il repère la nouveauté des techniques de préparation pour les mettre en contraste avec les techniques plus anciennes de prévention. Il propose ainsi la liste suivante : les simulations basées sur des scénarios, les systèmes d’alerte précoce, le stockage (stockpiling) de ressources pour le sauvetage et les plans de coordination des réponses entre différentes entités. Cette liste prend pour point de départ les scénarios d’anticipation et les oriente vers les plans de coordination, minorant ainsi le travail des sentinelles. Sans doute du fait de son enquête ethnographique sur l’industrie pharmaceutique en Argentine, Andrew Lakoff insiste davantage dans sa généalogie de la préparation sur la planification des infrastructures que sur les techniques mobilisées réellement par les acteurs. Dans mes propres enquêtes, cependant, j’ai été conduit à mettre au premier plan les sentinelles, qui m’ont frappé moins par leur caractère systématique que par leur caractère sémiotique (ce qu’Andrew Lakoff a reconnu en coordonnant avec moi le numéro de Limn qu’il a proposé d’intituler « Sentinel devices »). J’ai donc choisi de 56 partir des sentinelles pour décrire le type de fonctionnement mental qu’elles supposaient. Les sentinelles sont moins des systèmes d’alerte précoce que des signaux d’alerte précoce, en sorte qu’il faut tout un travail pour interpréter ces signes et les déplacer d’un niveau à un autre des infrastructures. Ce travail se heurte à des échecs parce qu’il est ouvert à la possibilité du leurre, comme dans la vaccination de la grippe porcine en 1978 à laquelle revient l’analyse des épidémies par Lakoff. J’ai voulu partir non des critiques adressées à ceux qui planifient les pandémies par des commandes de vaccins, mais des difficultés techniques rencontrées par ceux qui mettent en place des dispositifs d’alerte précoce lorsqu’ils doivent interagir avec des microbes et des animaux en situation d’incertitude. J’ai été conduit ainsi à laisser de côté le caractère trop américano-centré de la préparation, en m’appuyant sur les travaux d’anthropologues et d’historiens travaillant dans l’espace post-soviétique. Stephen Collier, dans la généalogie des techniques de préparation qu’il a menée avec Andrew Lakoff, a analysé la façon dont les réformes néo-libérales en Russie rendent visible la société à partir de ses infrastructures vitales conçues comme points de rupture possibles9. À la suite de Aiwah Ong, Collier (2004) propose le concept d’assemblage pour décrire l’hétérogénéité des pratiques de modernisation et ainsi expliquer leurs échecs. Mais en se situant ainsi dans une histoire longue du projet modernisateur en Russie, il laisse de côté les rationalités qui contestent ce projet et qui servent de ressources face à ses échecs. Des chercheurs de l’Université de Cambridge ont, à la suite de Caroline Humphrey (2002), souligné le rôle de ces rationalités dans la gestion de l’incertitude. Morten Pedersen (2011) montre ainsi que le retrait de l’Etat planificateur en Mongolie a conduit au retour de formes de « quasi-chamanisme » dans la vie quotidienne, tandis que Christos Lynteris (2013) retrace la façon dont les médecins russes et chinois expliquaient la transmission de la peste bubonique en Mandchourie en 1920 par l’oubli des savoirs des chasseurs de marmottes. J’ai donc proposé de décrire comment les techniques de préparation mêlent la perspective des chasseurs avec celle des planificateurs, en inversant ainsi la généalogie établie par Collier et Lakoff. 9 Voir ma recension de son livre dans Cahiers du monde russe, 53/4, 2013. 57 Partir des sentinelles, c’était en effet chercher une origine non pas historique mais logique de la préparation dans le pouvoir cynégétique, avant qu’elle ne se mêle à des formes de planification relevant de ce que Foucault appelle le pouvoir pastoral. J’ai emprunté à Claude Lévi-Strauss l’idée selon laquelle la sentinelle serait une forme mythologique de la préparation, c’est-à-dire qu’elle opère une identification entre humains et non-humains sur plusieurs niveaux, avant d’être réduite par les nécessités pratiques à deux niveaux, le réel et le virtuel. La simulation et le stockage pouvaient alors être étudiés en utilisant les concepts de l’anthropologie du rituel et de l’échange. Pour chacune des techniques de préparation, j’ai cherché en quoi l’anthropologie des sociétés de chasseurs pouvait l’éclairer. J’ai donc considéré ces trois termes commençant par la même lettre – sentinelle, simulation, stockage – comme des formes élémentaires de la préparation, qui s’enchaîneraient logiquement comme le mythe, le rite et l’échange dans l’anthropologie lévi-straussienne. La préparation aux pandémies commence par l’identification affective entre humains et non-humains produite ponctuellement par les sentinelles, avant de se développer et de s’uniformiser à travers les techniques de la simulation et du stockage, qui mobilisent davantage des compétences planificatrices et pastorales. Suivant une méthode empruntée à LévyBruhl, j’ai cherché à analyser les pratiques cynégétiques des sentinelles sans projeter sur elles les formes pastorales qui en résultent logiquement, et qui sont le plus souvent utilisées pour critiquer leurs erreurs. Il s’agissait donc de comprendre comment les « chasseurs de virus » se critiquent entre eux dans leurs usages de leurres pour communiquer avec les non-humains, plutôt que de les critiquer à partir d’une mauvaise gestion évidente de la population des vivants. 2) Sentinelle et sacrifice La notion de sentinelle permet de résoudre une difficulté anthropologique : l’identification des humains aux non-humains implique-t-elle un sacrifice ? Robertson Smith et Durkheim ont introduit ce terme en anthropologie pour décrire la façon dont un non-humain porteur de qualités contradictoires (pur et impur) permettait de réorganiser la société en se préparant à sa mise à mort. La notion de sacrifice revenait souvent pour décrire les abattages massifs des animaux malades (Kilani 2002), comme si se préparer 58 à une pandémie impliquait de réorganiser la société autour d’une coupure entre animaux sains et animaux infectés. Mais les biologistes affirmaient au contraire qu’une bonne surveillance devrait permettre d’éviter ces abattages massifs en détectant les signaux d’alerte précoce d’une zoonose. Se préparer à une catastrophe, ce n’est pas voir toutes choses sous l’angle de la catastrophe, comme si celle-ci révélait une ambivalence fondamentale des choses, mais organiser les signes pour différer la catastrophe. La catastrophe peut bien polariser l’expérience des choses en révélant une incertitude dans la prise qu’elles offrent, mais elle ne la totalise pas comme une démarcation absolue. J’ai trouvé une telle conception de la sentinelle chez l’ornithologue israëlien Amotz Zahavi. Celui-ci a construit avec son épouse une théorie des signaux coûteux par lesquels les animaux communiquent en situation de prédation. Il part de l’observation d’oiseaux qu’il qualifie de sentinelles, au sens où ils se concurrencent entre eux pour signaler la présence d’un prédateur. Zahavi refuse d’expliquer ces comportements par un sacrifice altruiste, ainsi que le propose la biologie néo-darwinienne, mais l’éclaire par le comportement de cellules qui communiquent entre elles en présence d’un pathogène. Selon Zahavi, ces comportements sont excessifs du point de vue d’une logique utilitaire, pour lesquels ils constituent une sorte de dépense de signes, mais ils font sens dans une logique esthétique de communication. Par la communication – avec le prédateur qui la menace ou avec les autres oiseaux qui la regardent – la sentinelle transforme ses signaux d’alerte en signes de sa valeur. Mais ces signaux sont toujours incertains, car la sentinelle peut leurrer ceux avec lesquels elle communique sur sa valeur. Je connaissais les travaux d’Amotz Zahavi à travers les commentaires très différents qu’en avaient donnés Vinciane Despret (1996) et Jean-Marie Schaeffer (2015). J’ai eu l’occasion de l’entendre lorsqu’il a reçu le prix de la Fondation Fyssen à Paris en 2011, puis je l’ai rencontré lorsque je suis allé présenter mon travail à l’Université de Tel-Aviv en 2015. J’étais invité par le centre de bioéthique pour un atelier sur la question de la conservation en biotechnologies, et mon article sur les observateurs d’oiseaux à Hong Kong et Taiwan fut discuté par un élève de Zahavi, Yossi Leshem. Celui-ci m’expliqua que l’ornithologie en Israël était liée à la question sécuritaire, car l’armée finance des études sur les collisions entre les avions et les oiseaux visant à anticiper les trajectoires des espèces migratrices. L’observation 59 d’oiseaux est aussi largement pratiquée sur la frontière, où les habitations humaines sont plus rares et où Palestiniens et Israëliens peuvent participer à un objectif commun de conservation de leur environnement. L’ornithologie de Zahavi n’est donc pas seulement une théorie des signaux abstraits : elle s’enracine dans une pratique de sécurité sur un territoire et une frontière qu’elle transforme en espace de communication. J’ai souligné ce point dans un commentaire à un article de Limor SamimianDarash paru dans Current Anthropology sur les simulations de catastrophe en Israël. A la suite de son travail avec Paul Rabinow, et en s’appuyant sur les analyses de Gilles Deleuze, Samimian-Darash (2009) étudie les scénarios de catastrophes rédigés par des experts israëliens qui explorent des situations possibles à travers des technologies du virtuel. Mais elle n’étudie pas les situations réelles dont les scénarios offrent des variations, et qui, pour Israël, viennent directement de l’expérience des attentats terroristes. Dans un ouvrage collectif édité par Rabinow et Samimian-Darash sur les modes d’incertitude, j’ai défendu la thèse selon laquelle les sentinelles introduisent des relations de prédation dans les techniques de préparation, et permettent de décrire l’incertitude dans les relations avec les non-humains. J’espère pouvoir encadrer des recherches sur les techniques de préparation en Israël, car ces techniques sont de plus en plus importées en Europe dans le cadre de la gestion des menaces terroristes. L’atelier auquel j’ai participé en 2011 à l’Université de Tel-Aviv a également suscité mon intérêt pour les techniques de gestion du vivant dans les musées d’histoire naturelle et les parcs animaliers, où les experts israëliens sont particulièrement actifs et innovants. Cet atelier m’a confirmé qu’Israël joue le rôle de sentinelle pour l’Europe aussi bien pour les populations d’humains que de non-humains, en sorte qu’une enquête ethnographique permet d’y voir des dispositifs qui vont progressivement s’étendre au reste du continent européen, pour le meilleur ou pour le pire. 3) Simulation et rituel Le chapitre sur la simulation vise à poser les problèmes de l’anthropologie du rituel. C’est en effet une question classique, depuis la description de la possession dans le zar éthiopien par Michel Leiris, de savoir si le rituel est une simulation, c’est-à-dire 60 un jeu permettant à l’acteur de faire comme s’il était un autre. Les analyses de LévyBruhl sont au cœur de cette discussion, puisque ce rapport entre le soi et l’autre ne doit pas être compris selon lui comme une imitation (mimesis) mais comme une participation (metexis) à une forme collective. Or dans les simulations de désastre naturel, la forme est donnée à travers le scénario rapportant les actions des participants à un événement considéré comme une catastrophe possible. La question se pose donc de savoir comment le scénario fait passer d’une série d’actions ordinaires à une séquence d’actions rituelles. La rédaction de ce chapitre a été possible grâce à un projet mené avec Sandrine Revet et Marc Elie sur les simulations de désastre à Sciences Po en 2013-2015. Nous avons étudié en commun l’abondante littérature sur les simulations dans les science studies, qui interrogent les rapports entre le virtuel et le réel dans la modélisation et la mise-en-scène des catastrophes : accident nucléaire, krach boursier, attentat terroriste, inondation, coulée de boue, tremblement de terre, réchauffement climatique…La référence commune de ces travaux est souvent le livre de Peter Galison (1997), Image and Logic, sur l’invention dans l’entre-deux guerres d’un langage commun aux physiciens et aux informaticiens dans la modélisation des trajectoires des particules nucléaires. La simulation est en effet intermédiaire entre le modèle scientifique et l’expérimentation car elle produit une image pour des phénomènes trop complexes pour être expérimentées. Galison montre ainsi comment l’image surgit de la collaboration entre des professions scientifiques séparées et tranche une controverse. Cette hypothèse a été reprise par les anthropologues étudiant les simulations d’explosions nucléaires comme Hugh Gusterson (1996) à Livermore ou Joseph Masco (2006) à Los Alamos. Elle est également citée par Andrew Lakoff pour appuyer son diagnostic selon lequel la préparation comme une technique mobilisation l’imagination commence avec la Guerre Froide. Pour autant, notre groupe de travail a mis en balance ce livre important de Galison avec un ouvrage moins cité de Tracy Davis (2007), Stages of Emergency, qui montre comment les milieux de la défense civile aux Etats-Unis dans l’après-guerre mobilisent des professions venues du théâtre. Il s’agit en effet pour ces experts de mettre en scène une attaque nucléaire de façon réaliste en utilisant du maquillage, des accessoires et des scénarios. Les simulations de désastre peuvent alors être critiquées 61 par les acteurs ou les observateurs au motif qu’elles ne sont pas réalistes ou au contraire qu’elles sont trop réalistes (Revet 2013). Le rapport entre le virtuel (modélisation) et le réel (performance) est donc devenu central dans les travaux de ce groupe. Les simulations que nous observions se répartissaient en effet entre deux groupes selon qu’elles se déroulaient à l’intérieur avec des ordinateurs (desktop exercise en anglais, simulacion en espagnol) ou bien à l’extérieur avec des acteurs (real-ground exercise en anglais, simulacro en espagnol). Les mêmes scénarios déroulant la série des actions possibles pouvaient être utilisés dans les deux types d’exercice. En nous appuyant sur la sociologie pragmatique, nous avons étudié comment la rédaction des scénarios visait à produire des modalités diverses d’engagement et à lever des formes de résistance critique. Mais il fallait aussi décrire des enchevêtrements complexes entre le réel et le virtuel, comme lorsqu’une simulation de tremblement de terre produit une véritable famine chez un groupe isolé de tous contacts, ou lorsque des acteurs simulant une épidémie sur ordinateur sont évacués dans le cadre d’un autre exercice « réel ». Je me suis servi de l’anthropologie du rituel pour montrer que ces exercices mobilisent non seulement la frontière entre le virtuel et le réel mais aussi celle qui passe entre l’humain et le non-humain. Les simulations d’épidémie que j’ai pu observer à Hong Kong et les récits que j’ai pu collecter à Taiwan et Singapour sur des exercices similaire mettent en scène aussi bien des accessoires (casquettes, cartes d’identification, mannequins) que des animaux : volailles abattues, animaux de compagnie évacués, oiseaux sauvages relâchés après avoir été vaccinés. Si les simulations peuvent être décrites comme des rituels, ce n’est pas seulement au sens où elles mettent de l’ordre après un désordre, mais surtout parce qu’elles opèrent des identifications réversibles entre humains, animaux et objets : des secouristes deviennent patients et s’identifient aux mannequins qu’ils manipulent à l’entraînement ; la figure du patient récalcitrant peut être jouée par un homme ou par un animal de compagnie.. J’ai donc repris la thèse de Michael Houseman (2002) selon laquelle un rituel vise moins à dissimuler un secret ainsi que l’affirme Hugh Gusterson dans son analyse des simulations d’explosion nucléaire à Livermore - qu’à inscrire une action dans des boucles d’actions réflexives. Cette analyse m’a également permis de confirmer la thèse de Roberte Hamayon (2012) selon laquelle le rituel des chamanes consiste à imiter les mouvements des 62 animaux non pas en eux-mêmes mais en les déplaçant sur un autre plan où ils sont fictionnalisés. Le rituel permet ainsi de jouer avec l’incertitude de la chasse en simulant la rencontre entre le chasseur et l’animal. Les exercices de préparation à la grippe aviaire, dans cette perspective, permettent de suivre les mouvements des oiseaux à travers les signaux d’alerte qui en émanent. J’ai pu ainsi rapprocher de ces exercices les recherches faites par des virologistes visant à retracer par des techniques bioinformatiques l’évolution des virus et leurs franchissements de barrières d’espèce, en y voyant un jeu analogue à celui des traders qui suivent des séries de nombres pour anticiper leurs mouvements continus et les discontinuités des krachs boursiers. La simulation comme technique de préparation aux catastrophes s’inscrit ainsi dans un vaste champ d’action allant du jeu au rituel en passant par la performance, impliquant toute une sémantique de la chance et toute une sémiotique de l’alerte. 4) Stockage et échange Le chapitre sur la simulation m’a conduit à ajouter aux virologistes et aux observateurs d’oiseaux les autorités de santé publique qui organisent ces exercices. En passant au stockage de médicament (stockpiling), il fallait ajouter un acteur plus difficile encore à décrire : les entreprises pharmaceutiques. Autant il était aisé de rencontrer des autorités de santé au sujet des exercices de simulation, car le caractère public de ces exercices les définissait comme des outils de communication, autant l’accès aux entreprises pharmaceutiques qui fabriquent les vaccins était malaisé, car le stockage de ces outils de protection est géré par le secret. Les microbiologistes avec lesquels je travaillais étaient soucieux d’éviter ces questions en affirmant le caractère fondamental de leurs recherches. Les congrès de virologie laissaient place aux entreprises pharmaceutiques dans des sessions séparées sur la préparation où l’on posait des questions au-delà du domaine scientifique : quel sera le prochain virus pandémique, et disposons-nous d’assez de vaccins ? J’ai choisi d’aborder ces questions sous un angle différent en partant des ressources de la langue anglaise dans laquelle ces questions sont le plus souvent abordées. Ce qui peut se traduire par un seul terme en français, stockage, relève de deux termes différents en anglais : stockpiling pour les biens utilisés en situation d’urgence, 63 storage pour les biens ordinaires. Les virologues, s’ils ne stockent pas des vaccins pour limiter les effets d’une pandémie, stockent des virus sous forme réelle ou virtuelle dans des congélateurs ou des bases de données pour identifier un nouveau virus pandémique. Je me suis donc intéressé aux pratiques d’accumulation du vivant en général pour comprendre comment l’orientation par un événement produit leur valeur. Je croisais ainsi les réflexions d’anthropologues étudiant comment le « biocapital » produit une nouvelle forme de valeur en exploitant le potentiel du vivant par une économie de la promesse (Sunder Rajan 2012), notamment dans le domaine des cellules-souches et des produits pharmaceutiques. L’exemple le plus souvent donné dans les études sur les pandémies est la controverse sur la « souveraineté virale » suscitée par le gouvernement indonésien lorsqu’il conditionna le don à l’OMS des souches virales prélevées sur des patients atteints du H5N1 potentiellement pandémique à l’accès gratuit aux vaccins produits à partir de ces souches. Cependant, l’analyse en terme de biocapital n’entre pas dans le détail de la fabrication des vaccins, en particulier la nécessité d’utiliser des œufs de poules domestiques pour atténuer ces souches et des adjuvants pour augmenter la réponse immunitaire. Elle ignore ainsi les contradictions du biocapital, et notamment le fait qu’il oppose des humains et des non-humains dans la transmission de pathogènes. Une troisième notion intraduisible en français m’a alors fourni une hypothèse : celle de livestock. Jared Diamond (1997) parle du « lethal gift of livestock » pour décrire les pathogènes transmis par les animaux domestiques introduits par les Européens en Amérique. Cette expression peut être rapprochée de l’hypothèse proposée par Catherine et Raphaël Larrère (1997) selon laquelle les zoonoses révèlent une trahison du « contrat domestique » par lequel les hommes et les animaux échangent des biens de consommation contre du soin. La transformation des animaux en bétail (traduction souvent utilisée pour livestock) aurait produit des nouveaux maux (les pathogènes) alors qu’elle devrait être un échange de biens. La vaccination apparaît alors comme une inversion de cette tendance, puisqu’elle fait passer les pathogènes par les animaux pour produire une protection chez les humains. Dans sa remarquable étude sur la globalisation du mouton britannique, Sarah Franklin (2007) a proposé une généalogie du concept de livestock, en soulignant que le terme de stock désigne aussi bien une souche de parenté qu’une action en bourse. En reliant ainsi les transformations de 64 l’élevage à celles du capitalisme, on peut donner aux virus pandémiques un rôle analogue aux produits toxiques révélant les contradictions du monde financier. J’ai finalement proposé dans ce chapitre sur les diverses pratiques de stockage d’étudier les façons dont les virus sont échangés et gagnent de la valeur (au sens de leur potentiel pandémique) par leur circulation ou leur conservation. J’ai présenté pour la première fois cette hypothèse dans un atelier organisé à l’Université de Sydney par Joanna Radin et Emma Kowal sur la « cryopolitique ». Il s’agissait d’étudier les pratiques par lesquelles les êtres vivants sont conservés à basse température pour un futur encore indéterminé. La crypolitique révèle ainsi ce que Radin (2013) appelle une « vie latente », c’est-à-dire des potentialités du vivant non encore exploitées au moment de la congélation. Par exemple, le virus de la grippe espagnole de 1918 est resté dans les tissus gelés de soldats américains jusqu’à ce que l’équipe de Jeffery Taubenberger parvienne à le reconstituer et à le séquencer en 1997. Le virus de la variole est aujourd’hui conservé dans deux laboratoires au monde pour fabriquer des vaccins en cas d’usage terroriste de ce virus aujourd’hui éradiqué de la population humaine. Je suis parti d’une observation ethnographique simple : seuls quelques degrés séparent la conservation des virus et des vaccins, mais cette différence de degré produit une discontinuité dans l’économie de la conservation. Alors que les virus sont stockés pour donner sens à n’importe quelle mutation virale, les vaccins sont stockés pour une souche définie comme pandémique. En comparant cette distinction à celle que faisait Lévi-Strauss entre sociétés froides et sociétés chaudes, ou entre pensée sauvage et pensée domestiquée, je revenais à l’hypothèse selon laquelle les virologistes se préparent aux pandémies comme des chasseurs de virus. Alors que les entreprises pharmaceutiques stockent des virus à des fins de profit, sous la forme à la fois atténuée et augmentée du vaccin, les virologues le font pour donner sens à une émergence à partir d’une réserve de classifications. Leur pratique est semblable à celle de ceux qu’Alain Testart (1982) appelle des chasseurs-stockeurs : leurs stocks ne sont pas liés à une propriété mais restent compatible avec un mode de vie nomade. On peut les appeler des collecteurs de virus pour les distinguer des accumulateurs de vaccins. En décrivant les virologistes comme des collecteurs, au sens où Warwick Anderson (2008) a appliqué ce terme aux recherches de Carlton Gajdusek auprès des Foré de Nouvelle-Guinée, je propose d’étudier les laboratoires de microbiologie comme 65 des lieux de stockage et de conservation comparable aux musées. L’ensemble des pratiques par lesquels les virus sont collectés, desséchés, atténués et séquencés peut faire l’objet d’une description aussi fine que celle que l’on consacre aux objets culturels. Ces virus peuvent en effet être échangés entre laboratoires, et gagnent de la valeur en fonction des crises sanitaires qui requalifient leur position dans les classifications. Les virus deviennent signaux d’alerte lorsqu’ils passent des animaux aux humains, puis des valeurs lorsqu’ils sont stockés comme des armes de protection contre les futures émergences. Je souhaite étudier avec Warwick Anderson la constitution de réserves virales en Australie par les élèves de Franck MacFarlane Burnet comme Robert Webster, considéré aujourd’hui comme le « pape » des recherches sur la grippe, en fonction de la position de l’Australie comme sentinelle ou poste avancé de l’Occident en Asie. Toute la question est alors de savoir ce que le stockpiling, au sens d’une pratique d’accumulation en urgence visant à limiter les effets d’une catastrophe à venir, transforme dans ces pratiques ordinaires de storage, qu’elles orientent vers d’autres formes de valorisation que celles qui les constituent initialement. Alors que la notion de sentinelle décrit une position de frontière entre l’humain et le non-humain, les différentes formes de stockage produisent ainsi de la valeur à partir des relations de don et contre-don entre humain et non-humains. Entre les deux, la simulation permet aux humains et aux non-humains d’échanger leurs perspectives dans l’imagination d’une catastrophe qui les affecte en commun. Ces trois techniques font voir les biens qui circulent à travers leur potentiel réversible de produire des maux. J’ai donc cherché à montrer que les normes de biosécurité produisent des collectifs cohérents en les préparant à des catastrophes qui font sens en fonction de leur environnement, tout en restant attentif aux potentialités de leurres et de critiques qui ouvrent ces collectifs à l’incertitude. 66 Conclusion Mon travail de recherche s’inscrit dans le renouvellement au cours des dix dernières années de l’anthropologie de la valeur (Graeber 2002). L’opposition faite par Lévy-Bruhl entre affectivité et rationalité est levée par une analyse des valeurs collectives qui stabilisent les émotions, comme l’ont remarqué Durkheim dans son article « Jugements de valeur et jugements de réalité » ou Evans-Pritchard dans son analyse de l’orientation de l’attention par des valeurs. De même, les techniques de préparation que j’ai observées dans les laboratoires de microbiologie et les musées d’anthropologie cessent de paraître irrationnelles si elles sont analysées comme des façons de fabriquer de la valeur en percevant du matériel biologique à travers une catastrophe potentielle qui le rend vulnérable. En complétant les analyses de Stephen Collier et Andrew Lakoff sur la préparation comme nouvelle rationalité du risque par les relations entre humains et non-humains qu’elle engage et transforme, j’ai voulu montrer que cette rationalité s’inscrit dans une nouvelle économie et dans une nouvelle écologie des valeurs. Se préparer aux catastrophes implique de fabriquer des valeurs avec les non-humains qui partagent nos vulnérabilités. Paul Rabinow (2000 : 243), en conclusion de son livre sur « l’ADN français », propose d’inscrire les conflits de valeurs dans l’émergence de formes qui les rendent possibles : alors que les valeurs sont abondantes et multiples, écrit-il à la suite de Michel Foucault, les formes sont rares. En suivant cette méthode, j’ai rattaché les conflits de valeurs sur la santé des animaux ou la beauté des objets ethnographiques aux transformations des laboratoires et des musées. La forme qui est devenue centrale dans mon travail est celle de la sentinelle, au sens d’un poste avancé qui perçoit des signaux d’alerte précoce pour l’ensemble du vivant – par contraste avec la forme du purgatoire que Paul Rabinow a mise au centre de son analyse des débats éthiques sur les biotechnologies (DP 371 sq.). La sentinelle permet de suivre, à travers les autres techniques de préparation qu’elle engendre comme la simulation et le stockage, des signaux d’alerte transformés en valeurs pour orienter l’attention des acteurs. Elle permet aussi de refaire de l’observation participante dans des territoires où ces signaux deviennent particulièrement intenses – par contraste avec le renoncement à la participation pour la contemplation des formes chez Paul Rabinow. 67 Les sentinelles sont des formes qui produisent des valeurs en orientant la perception des signes. Formes, signes, valeurs : il ne s’agit pas de retrouver là les étages de l’analyse marxiste entre infrastructure et superstructure, mais bien de suivre des processus asymétriques et souvent irréversibles de production de valeur dans un horizon catastrophique. Eduardo Kohn (2013), dans un livre qui m’a beaucoup marqué car il relie l’anthropologie que j’ai apprise à Berkeley avec l’anthropologie plus classique de Lévy-Bruhl et Lévi-Strauss, montre qu’en-dessous du niveau des signes qui constitue la vie sociale, il y a celui des formes qui implique les contraintes de la matière. On peut dire alors que « les forêts pensent » parce qu’elles hébergent des relations de prédation entre humains et non-humains et parce qu’elles encadrent les échanges commerciaux. Alors que les entités prolifèrent qui nous alertent sur le désastre écologique, la rigueur de la méthode anthropologique consiste à décrire les différents niveaux où ces entités se développent, pour apprendre à vivre avec elles. 68 Références : Abbott A. 1988 The System of Professions. An Essay on the Division of Expert Labour, Chicago et Londres, University of Chicago Press. Anderson W. 2008 The Collectors of Lost Souls: Kuru, Moral Peril, and the Creation of Value in Science. 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Fonctions 1994-1999 : Élève fonctionnaire-stagiaire à l’Ecole Normale Supérieure de la rue d’Ulm 1999-2005 : Enseignant (AMN puis ATER) à l’UFR de philosophie de l’Université Charles de Gaulle Lille III 2005-2010 : Chargé de recherche deuxième classe au CNRS, affecté au Groupe de Sociologie Politique et Morale (EHESS) 2010-2014 : Chargé de recherche première classe au CNRS, affecté au Laboratoire d’anthropologie sociale (EHESS-Collège de France) 2014 : Directeur du département de la recherche du Musée du quai Branly 2. Titres et projets 1992 : Baccalauréat, Section C, Mention Très bien. Deuxième Accessit au Concours Général de Philosophie 1994 : Admission à l’Ecole Normale Supérieure de la rue d’Ulm 1995 : Licences d’histoire et de philosophie à l’Université Paris I-Sorbonne 1996 : Maîtrise de philosophie à l’Université Paris I-Sorbonne sous la direction de J. Colette sur « La notion d’intérêt chez Kant ». 1997 : Agrégation de Philosophie 1999 : DEA de philosophie à l’Université Paris X-Nanterre sous la direction de C. Imbert sur « La notion de mentalité primitive chez Lévy-Bruhl ». 2003 : Thèse de doctorat en philosophie sur « Le problème de la mentalité primitive. Lévy-Bruhl, entre philosophie et anthropologie » à l’Université Lille III. Jury : P. Macherey (dir.), C. Imbert, B. Karsenti, P. Rabinow, F. Worms. 2007 : Lauréat de la Fondation Fyssen pour le projet de recherche collectif « Les hommes malades des animaux. Anthropologie comparée de la grippe aviaire » 2011 : Médaille de Bronze du CNRS 2012 : Membre du projet « Anticipating the Global Onset of New Epidemics » financé par la Commission Européenne (FP7) 76 2013 : Pilotage du projet « Social Representations of Pathogens at the Border Between Species » financé par le fonds Axa pour la recherche 2015 : Fellow du Canadian Institute for Advanced Research pour le projet « Microbiome and Human Evolution » 2016 : Membre du bureau du Labex « Création Arts Patrimoine » 3. Participation à des comités de rédaction de revues scientifiques Revue d’Histoire des Sciences Humaines (depuis 2003) Cahiers d’anthropologie sociale (depuis 2010) Revue d’Etudes en Agriculture et Environnement (depuis 2011) Gradhiva. Revue d’anthropologie et d’histoire des arts (entre 2007 et 2008 et depuis 2014) In Situ. Revue des patrimoines (depuis 2016) 4. Séjours d’études à l’étranger 1998-1999 : Année d’études au département d’Anthropologie de l’Université de Californie de Berkeley (Etats-Unis) en qualité de First-Year Graduate Student. 2007 (septembre et décembre) : Chercheur attaché au Centre d’Etudes Françaises sur la Chine contemporaine (CEFC) à Hong Kong pour une mission sur la grippe aviaire 2008-2009 : Mis à disposition au CEFC à Hong Kong 2010 (novembre) : cycle de conférences au Japon (Universités Rikyo, Ritsumeikan et Fukuoka) 4. Langues Anglais (lu, parlé), allemand (lu, parlé), espagnol (lu, parlé), italien (lu), portugais (lu), chinois (parlé) 5. Participation à des colloques a) En France 18- 21 octobre 2000 : Colloque « Le moment 1900 en philosophie », l'Université Lille III. Intervention sur « Le débat autour de La morale et la science des mœurs de Lévy-Bruhl ». 12-13 février 2002 : Colloque « Droit international et humanitaire, entre 77 philosophie et sciences humaines » à l'Université de Montpellier III. Intervention sur “ La souffrance à distance de L. Boltanski, une sociologie du sentiment d'injustice ” 4-6 septembre 2003 : Colloque « La culture scolaire », Université Paris 1 Panthéon Sorbonne. Intervention sur « L’éducation morale entre lettres et sciences : le moment Durkheim ». 11-12 mars 2004 : Colloque « Association et associationnisme », Université de Picardie-Jules Verne. Intervention sur « La critique de l’associationnisme dans l’école de sociologie durkheimienne ». 13-14 mars 2006 : Colloque « Lucien Lévy-Bruhl » à l’IMEC (Caen). Intervention sur « De la responsabilité subjective à la participation collective. Hypothèses sur l’unité de la pensée de Lévy-Bruhl ». 16-17 mars 2006 : Colloque « Nouvelles théories de la critique sociale. Rencontres avec Axel Honneth » à l’EHESS (Paris). Discussion du papier de Martin Hartmann, « Orders of Recognition – Orders of Justification: A Comparison » 27-28 avril 2006 : Colloque « Lévinas dans la philosophie contemporaine » à l’Ecole Normale Supérieure (Paris). Intervention sur « Lévinas et Lévy-Bruhl : le problème de la responsabilité, entre phénoménologie et sciences de l’homme » 23-30 juin 2007 : Décade de Cerisy « Exercices de métaphysique empirique. Autour du travail de Bruno Latour ». Intervention sur « La métaphysique du fétichisme chez Bruno Latour et Auguste Comte ». 27-28 mars 2008 : Colloque « Penser le sauvage » à l’Université Michel de Montaigne-Bordeaux III. Intervention sur « L’anthropologie de la nature, au croisement d’une anthropologie des modes de penser et d’une politique de la nature ». 22-23 mai 2008 : Colloque « Les guerres du XXe siècle et la mystique » au Collège International de Philosophie. Intervention sur « Les sociologues de la religion et la mystique entre les deux guerres, une inversion structurale. Durkheim, Lévy-Bruhl, Bataille, Lévi-Strauss » 13-15 novembre 2009 : Colloque « Qui sont les bêtes ? » organisé par Le Monde au Forum des cultures du Mans. Intervention sur « Qu’est-ce qu’une maladie animale ? » 13-14 janvier 2010 : Colloque « Lire Bergson » à l’Université Lille III. Intervention sur « Bergson dans la société du risque » 78 28-29 janvier 2010 : Colloque « Enjeux philosophiques des approches empiriques des religions » à l’Ecole Normale Supérieure de Lyon. Intervention sur « Science et religion face aux risques émergents » 14 avril 2010 : Journée de la Recherche « Biodiversité et société » à l’Université Paris Est-Créteil. Intervention sur « Biodiversité et pensée sauvage chez Lévi-Strauss » 2 juin 2010 : Colloque « Maladies émergentes et franchissement de barrières d’espèces » à la Faculté de Médecine de Paris. Intervention sur « Hong Kong sentinelle sanitaire contre les pandémies grippales ». 17-18 juin 2010 : Colloque « Risques et catastrophes : de l’empirique à la critique » au CERI-Sciences Po. Intervention sur « La grippe aviaire entre risques alimentaires et catastrophes sanitaires ». 26 novembre 2010 : Journée d’études « The Knowledge of Life and the Question of Human Nature » à l’Université Paris I. Intervention sur « Risk as an operator of anthropisation in Lévi-Strauss and Gehlen » 1er- 2 mars 2011 : Colloque « Bases de données » au Musée du Quai Branly. Intervention sur « Bioinformatique et biosécurité. Compter et nourrir les virus » 3-5 mars 2011 : Colloque « Les usages de Foucault » à l’Université Bordeaux 3. Intervention sur « La biopolitique aujourd’hui. Foucault et Lévi-Strauss » 13-14 juin 2011 : Atelier « France/Taiwan Frontiers of Science » organisé par le CNRS à Nice. Intervention sur « Trust and Social Sciences » 24-26 aout 2011 : Colloque « After 1918 : The History of Flu in the 20th and 21st centuries » à l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (Rennes). Intervention sur « How Hong Kong became a Sentinel for Avian Flu » 21-24 septembre 2011 : Congrès de l’Association Française des Ethnologues et des Anthropologues à l’EHESS (Paris). Intervention sur « Les oiseaux sentinelles à Hong Kong. Une identification catastrophiste ? » 3-4 novembre 2011 : Colloque « Durkheim et ses usages dans les sciences sociales » à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Intervention sur « Contagion et participation autour de Durkheim » 22 et 26 novembre 2011 : Journées d’étude à l’Université de Dijon et à l’Ecole Normale Supérieure (Paris) sur le thème de l’agrégation « L’animal ». Intervention sur « Les relations hommes/animaux chez Lévi-Strauss » 13-14 décembre 2011 : Colloque « Claude Imbert : questions contemporaines ouvertes » à l’Ecole Normale Supérieure (Paris). Intervention sur « La 79 participation, de la logique à l’anthropologie ». 24-25 janvier 2012 : Colloque « Leurrer la nature » au Collège de France. Intervention sur « Sentinelles leurrées et signaux coûteux ». 15-16 mars 2012 : Colloque « 1913. La recomposition des sciences de l’homme » au Museum National d’Histoire Naturelle. Intervention sur « LévyBruhl, Jaurès et la guerre ». 10-13 juillet 2012 : Congrès de l’European Association for Social Anthropology à l’Université de Paris X-Nanterre. Intervention sur « Sentinels for the Environment : the case of birdwatchers in Hong Kong » 15-18 août 2012 : Décade « Le moment du vivant » à Cerisy-la-Salle. Intervention sur « Biopolitique des sentinelles » 19-21 novembre 2012 : Colloque « Tri, triage, sélection. Logiques et pratiques » à l’Université Paris 7-Diderot. Intervention sur « Simulation de grippe et triage des patients pandémiques à Hong Kong » 31 janvier-01 février 2013 : Colloque “Société ouverte, société close, de Bergson à nos jours” à l’Université Jean Moulin-Lyon 3. Intervention sur « L’ignorance du hasard. Bergson, Lévy-Bruhl et Cournot » 24-28 juin 2013 : Ecole thématique du CNRS « Pensée normative, représentation et situations vécues ». Intervention sur « Une anthropologie de la grippe aviaire » 27 juillet-2 aout 2013 : Décade « Métaphysiques comparées. La philosophie à l’épreuve de l’anthropologie » à Cerisy-la-Salle. Intervention sur « Les frontières d’espèces comme problème métaphysique » 10-13 septembre 2013 : Colloque « Produire des savoirs, gouverner des populations » à l’Ecole Normale Supérieure/Lettres Sciences Humaines de Lyon. Intervention sur « Samples as Sentinels » 6-8 novembre 2013 : Réunion annuelle du projet Antigone à l’Institut Pasteur de Paris. 25-26 mars 2014 : Colloque « Repenser l’anthropologie aujourd’hui avec Emmanuel Terray ». Intervention sur « Anthropologie de la pensée conservatrice ». 15 septembre 2014 : Journée du Labex IBEID à l’Institut Pasteur de Paris « Can One Anticipate the Next Emerging Infectious Disease in Europe ». Intervention sur « Hong Kong as a Sentinel Post for Pandemic Flu » 27-28 octobre 2014 : Colloque « Santé et biodiversité » à l’Ecole Nationale 80 Vétérinaire de Lyon. Intervention sur « Maladies infectieuses émergentes. La peur au ventre » 3-4 novembre 2014 : Colloque « Spécimens de collection » à l’Ecole du Louvre et l’Institut National d’Histoire de l’Art. Intervention sur « Les musées à l’ère de la biosécurité. » 14 novembre 2014 : Journée d’étude « Impending doom » à l’Université Paris 7. Intervention sur « Se préparer aux pandémies : sentinelles, simulations, stockage » 26-27 mars 2015 : Colloque « Henri Lévy-Bruhl (1884-1964) juriste sociologue » à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne. Intervention sur « Ethnologie, droit et statistiques dans la famille Lévy-Bruhl » 11-12 mai 2015 : Colloque « Francis Affergan. Penser l’exotisme, l’altérité et la pluralité des mondes » à l’Institut d’Etudes Avancées de Paris. Intervention sur « Lévy-Bruhl et l’altérité en anthropologie ». 1-2 juin 2015 : Workshop « Vital Mobilizations. Care and Surveillance in the Age of Global Connectivity » à la Maison Suger (FMSH). Intervention sur « Sentinels for the environment : birdwatchers in Taiwan and Hong Kong » 29 juin-2 juillet 2015 : Congrès de l’Association Française d’Ethnologie et d’Anthropologie à l’Université Jean Jaurès-Toulouse. Intervention sur « Hong Kong sentinelle de la grippe aviaire : les mesures de l’immunité » 5-6 novembre 2015 : Colloque « Comment penser l'anthropocène ? Anthropologues, philosophes et sociologues face au changement climatique » au Collège de France. Intervention sur « Les sentinelles du contemporain, entre maladies infectieuses émergentes et changement climatique » b) À l'étranger 24-25 mars 2001 : Congrès de l’American Ethnological Society à Tampa (Floride, Etats-Unis). Intervention sur « History of Anthropology as a Form of Reflexivity ». 21-22 juin 2001 : Congrès Cheiron, Society for the History of Social and Behavioral Sciences, Université de Bloomington (Indiana, Etats-Unis). Intervention sur « The Integration of German Kulturwissenschaften into French Psychology by Lucien Lévy-Bruhl » 20-21 septembre 2002 : Congrès « Claude Lévi-Strauss. Interdisciplinary Perspectives », Université de Durham (Angleterre). Intervention sur « Human Mind and Primitive Mentality : A Story of the Great Divide » 81 7 et 8 avril 2005 : Colloque « Bergson in time », Université de Berkeley (Californie, Etats-Unis). Intervention sur « The virtual and the symbolic in Bergsoninan Philosophy and Durkheimian Sociology ». 18-21 septembre 2006 : Congrès de l’European Association for Social Anthropology (EASA) à Bristol (Angleterre). Intervention sur « Food Safety as a Moral Dilemma : Conflicts of Interest and the Biopolitics of Sovereignty » 1-2 décembre 2006 : Colloque « Bergson et la religion » à la Faculté de Théologie de Genève (Suisse). Intervention sur « Religion statique et religion dynamique, deux régimes d’assurance : une lecture sociologique des Deux sources de la morale et de la religion » 2-3 novembre 2006 : Colloque « Théories du changement social », Institut für Sozialforschung (Francfort, Allemagne). Intervention sur « Phenomenological and Structuralist Approaches to Contradiction » 6-7 avril 2007 : Atelier « The Problem of Biosecurity » au Social Science Research Council (New York, Etats-Unis). Intervention sur « From Mad Cow Disease to Bird Flu. Transformations of Food Safety in France ». 9-10 mai 2007 : Colloque « Phénoménologie et sciences humaines » à l’Université de Liège (Belgique). Intervention sur « L’opposition du monde vécu et du monde technique dans la relation aux animaux d’élevage » 8-10 mai 2008 : Colloque « Claude Lévi-Strauss nel centenario della nascita », Istituto Italiano per gli Studi Filosofici (Naples, Italie). Intervention sur « La pensée sauvage aujourd’hui : d’Auguste Comte à Claude Lévi-Strauss » 13-14 mai 2008 : Atelier « New Perspectives on Critiques : Project for a Transatlantic Collaboration » à la New School for Social Research (New York, Etats-Unis) 15 novembre 2008 : Colloque « Lévi-Strauss et Merleau Ponty. Symbole et société » à l’Université Tongji de Shanghaï (Chine). Intervention sur « Les oiseaux peuvent-ils être des symboles de la société ? » 6 décembre 2008 : Colloque « Lévi-Strauss » à la Maison Franco-Japonaise de Tokyo (Japon). Intervention sur « Dissolution du sujet et catastrophe écologique chez Lévi-Strauss » 23-24 avril 2009 : Colloque « Passages de Roger Caillois » à l’Université de Buenos Aires. Intervention sur « Bataille, Caillois et le sacrifice » 9-11 décembre 2009 : Colloque « Imperial Contagions: Medicine and Cultures of Planning in Asia, 1880-1949 » au Center for the History of Medicine de l’Université de Hong Kong. Discutant. 82 27-29 avril 2010 : Congrès « Influenza and other Emerging Zoonotic Diseases at the Human Animal Interface » organisé par l’OMS, la FAO et l’OIE à Vérone. Discutant. 17-18 novembre 2010 : Colloque « Social Critique and Mobilization », Academia Sinica, Taipei. Intervention sur « Can animals disobey ? The engagement of birdwatchers as sentinels ». 31 mars - 1er avril 2011 : Colloque « Controverses scientifiques » à l’Université de Liège. Intervention sur « Faire mourir et laisser vivre. Réactions bouddhistes et taoïstes à la grippe aviaire » 18-19 avril 2011 : Colloque « Crime and Disease » Center for the History of Medicine de l’Université de Hong Kong. Intervention sur « Violence and Virulence. Avian Flu and Suburban Riots in the French Media in 2005 » 10-11 juin 2011 : Colloque « Biopower Today » à l’Université de Zurich. Intervention sur « Faire mourir et laisser vivre : rituals of Avian Flu in Hong Kong » 13-15 octobre 2011 : Atelier « Ethnography and Theory : Uncertain Paradigms » à l’Université de Princeton (Etats-Unis). Intervention sur « Animal Surveillance after Avian Flu in South China : Building the Concept of Sentinel » 23-26 novembre 2011 : Congrès de l’Association of American Anthropologists à Montréal. Intervention sur « Les poulets grippés. Avian Flu and Suburban Riots in France in 2005 » 9-10 février 2012 : Atelier de lancement du programme Antigone à Rotterdam. Intervention sur « From Risk Behavior to Sentinel Systems. Contribution of social anthropology to research on human/animal interface in zoonoses » 12 octobre 2012 : Colloque « Civic Disobedience or Engagement » à l’Institut de Sociologie de Taipei (Taiwan). Intervention sur « Can animals disobey ? The engagement of birdwatchers in Hong Kong » 14-18 octobre 2012 : Colloque « Bergson dans la philosophie française du 19e siècle » à l’Université Hosei (Tokyo) et Kyoto. Intervention sur « L’ignorance du hasard. Bergson, Lévy-Bruhl et Cournot » 29-31 octobre 2012 : Second Sino-French Symposium on Transdisciplinary Infectious Diseases à Wuhan (Chine). Intervention sur « Pathogens Crossing Species Barriers in the Wild and in the Lab » 13-17 novembre 2012 : Congrès de l’American Association for Social Anthropology à San Francisco. Intervention sur « What is a Sentinel ? » 21-22 juin 2013 : Colloque « On the Border: Epidemic Crisis as Event and Process » à l’Université de Cambridge (CRASSH). Intervention sur « From the 83 Purgatory to the Sentinel : Form/Events in the field of Zoonoses » 15-17 juillet 2013 : Congrès de l’Asia-Pacific Science and Technology Studies Network à Singapour. Intervention sur « Data Banks as Sentinels » 13-15 novembre 2013 : Colloque « Visions du monde animal » à l’Université Laval de Québec (Canada). Intervention sur « La souffrance animale à distance » 16-17 décembre 2013 : Atelier « Defrost: New Perspectives on Time, Temperature, and Survival » à l’Université de Melbourne (Australie). Intervention sur « Stockpiling Viruses as a Technique of Preparedness » 6 janvier 2014 : Atelier « Microbiome : Perspectives on Human Evolution and Development » à l’Université de Colombie-Britannique de Vancouver (Canada) 2 avril 2014 : Conférence au département d’anthropologie de l’Université de Californie à Berkeley « Animal Surveillance in the context of Avian Flu in Hong Kong » 23 mai 2014 : Journée d’étude « The inside and the outside (body, mind, species, territories). Anthropological issues » à la Maison Française d’Oxford. Intervention sur « Sentinel devices. Managing Uncertainty in Species Barriers Zones » 7 juin 2014 : Conférence au département de sociologie de l’université d’Helsinki sur « Sentinel devices. Managing Uncertainty in Species Barriers Zones » 24-25 juillet 2014 : Colloque « Epidemic entanglements: Exploring the interrelation between cities and infectious disease » à l’Université Goethe de Francfort. Intervention sur « Hong Kong as a Sentinel for Pandemic Flu » 21 novembre 2014 : Conférence au département d’anthropologie de l’Université d’Oxford sur « Biosecurity practices in labs and museums » 3-7 décembre 2014 : Congrès de l’Association Américaine d’Anthropologie à Washington DC. Intervention sur « Red herring. On the logical fallacies of virus hunters » 23-25 mars 2015 : Colloque « Silent, Slow Moving, Invisible Catastrophes » à l’Université Ritsumeikan de Kyoto. Intervention sur « Biosecurity practices in labs and museums. Sentinels, simulation, stockpiling » 27-28 avril 2015 : Conférences à l’Institute for Genetics and Society de UCLA et à l’Institute for Visual Studies de UCSC (Los Angeles) sur « Biosecurity practices in labs and museums. Sentinels, simulation, stockpiling » 84 8-10 juin 2015 : Colloque « Loss and Preservation in Biotechnologies and the Life Sciences » au Edmund J. Safra Centre for Ethics de l’Université de Tel Aviv. Intervention sur « Sentinels for the environment : birdwatchers in Taiwan and Hong Kong » 18-19 septembre 2015. Colloque « Always in Crisis? Questions of Representation in Museums for Non-European Arts and Cultures », Ethnologisches Museum Berlin. Discutant. 1-4 octobre 2015 : congrès de l’Asia-Pacific Science and Technology Studies Network à Kaohsiung (Taiwan). Intervention sur « Hong Kong as a Sentinel Post for Avian Influenza ». 16-18 octobre 2015. Colloque « Comparative Study of Disasters and Upheavals » à la Southwest University for Nationalities Chengdu, (Chine). Intervention sur « Avian Preparedness: How Avian Influenza Has Transformed Relations to Birds in China » 26-27 octobre 2015 : Colloque « Museum Temporalities. Time, History and the Ethnographic Museum », Research Center for Material Culture, National Museum of World Cultures (NMVW), Pays-Bas. Intervention sur « Stockpiling the Past for an Unpredictable Future: Techniques of Preparedness in labs and museums. » 18-19 avril 2016 : Colloque « Veterinary Anthropology » à l’Université d’Edimbourg. Intervention sur « Biosecurity interventions and veterinary perceptions of Avian Influenza in Hong Kong ». 26-27 mai 2016 : Colloque « After the end of disease » à la Royal Society of Medicine à Londres. Intervention sur « Stockpiling as a technique of preparedness. Managing the shortcuts and bottlenecks of flu epidemics ». 8-9 septembre 2016 : Colloque « Homo Logicus. Logic at the edges of Humanity » à l’ European University Institute de Florence. Intervention sur « Humans are birds. A logical enigma and its anthropological solutions. » 6. Organisation de colloques, journées d'études et séminaires de recherche 12 mai 2001 : Journée d’études « Le fou, le primitif, le mystique et l'enfant entre philosophie, littérature et sciences humaines en France de 1900 à 1940 », Université Lille III. 14 décembre 2002 : Journée d’études « Vie et pouvoir à partir de Foucault », Université Lille III. 21 mars 2008 : Journée d’études « La pensée sauvage dans le moment philosophique des années 60 », Ecole Normale Supérieure de Paris. 85 2006-2007 : Séminaire sur « La philosophie et les sciences sociales à l’épreuve des objets moraux » à l’EHESS (avec Marie Gaille) 2007-2008 : Séminaire sur « Politisation et moralisation de la nature » à l’EHESS (avec Marie Gaille). 22-23 mars 2009 : Colloque « Avian Flu : Social and Anthropological Perspectives », Université de Hong Kong 26 mai 2009 : Journée d’études « Les hommes malades des animaux. Zoonoses et zoolâtrie », Collège de France. 22-24 juin 2011 : Colloque « Un tournant animaliste en anthropologie ? », Collège de France (avec Noëlie Vialles et Vanessa Manceron) 2010-2016 : Séminaire de l’équipe « Relations hommes/animaux : questions contemporaines » au Laboratoire d’anthropologie sociale du Collège de France (avec Carole Ferret) 2011-2012 : Séminaire « Catastrophes, risques et sciences sociales » au CERI à Sciences Po (avec Sandrine Revet et Marc Elie) 27 janvier 2012 : Journée d’étude « Le sacrifice aujourd’hui. Girard et LéviStrauss ». Intervention sur « Girard et Lévi-Strauss face aux maladies infectieuses émergentes » 15-16 mai 2012 : Atelier « Simulation de catastrophes » au CERI à Sciences Po (avec Sandrine Revet et Marc Elie) 6-8 juin 2012 : Colloque « Les Formes élémentaires de la vie religieuse (19122012) : Perspectives pour l’anthropologie » (avec Perig Pitrou) au Collège de France. Intervention sur « Contagion et participation autour de Durkheim ». 10-11 juin 2013 : Colloque « Zoonoses and emerging infectious diseases : Anthropologists meet biologists » (avec Brett Finlay et Philippe Sansonetti) au Collège de France. 25-26 mars 2014 : Colloque « Repenser l’anthropologie aujourd’hui avec Emmanuel Terray » (avec Laurent Berger) au musée du quai Branly. 26-27 février 2015 : Colloque « Anthropology of zoonoses » au Collège de France (avec Christos Lynteris) 2014-2015 : Séminaire « La valeur des choses. Collection, sélection, préservation » au musée du quai Branly (avec L. Boltanski et A. Esquerre) 2014-2016 : Séminaire « Santé mondiale : anticipation, infrastructure, savoirs » à l’EHESS (avec C. Beaudevin, J.-P. Gaudillière, G. Lachenal, C. Lefève, V.-K. Nguyen, L. Pordié et E. Sanabria) 2016-2017 : Séminaire « Ecologie des collections » au musée du quai Branly (avec T. Beltrame et Y. Kreplak) 86 7. Activités d’enseignement 1999-2005 : Enseignement de la philosophie (UFR de philosophie et de psychologie) à l’Université Lille III 2006-2008 : Enseignement sur « Sociologie et Anthropologie » (Master de sociologie) à l’EHESS Avril 2009 : Enseignement sur « La biopolitique aujourd’hui : Foucault et LéviStrauss » au Centre d’Etudes Franco-Argentin (Buenos Aires) 2009-2011 : Organisation de l’Université Populaire du Quai Branly (avec C. Clément) 2010-2011 : Initiation à l’anthropologie à l’Ecole Normale Supérieure de Paris (avec F. Weber) Juillet et septembre 2012 : Enseignement dans le cadre des cours de virologie du Centre Pasteur de l’Université de Hong Kong et du Centre Médical Erasme à Rotterdam. Janvier-avril 2013 : Enseignement sur « Anthropology of Health and Environment » dans le cadre du master de Sciences-Po Paris. 8. Encadrement de recherches 12 février 2009 : Participation au jury de thèse de Stanislas Deprez « De la mentalité primitive à la mentalité rationnelle. Une lecture de Lucien LévyBruhl » à l’Université de Louvain-La-Neuve 25 novembre 2011 : Participation au jury de thèse de Pierre Charbonnier « Les rapports collectifs à l’environnement naturel : un enjeu anthropologique et philosophique » à l’Université de Franche-Comté 30 novembre 2011 : Participation au jury de thèse de Hélène Artaud « La poïetique des flots. Ouvrir, construire et refermer la mer dans le Banc d’Arguin (Mauritanie) » à l’EHESS. 27 mars 2015 : Participation au jury de thèse d’Ana Aranzazu, « Le réseau de surveillance de la grippe de l'OMS : circulation, innovation et santé publique » à l’EHESS 4 décembre 2015 : Participation au jury de thèse de Sandrine Dupé, « Séparer les moustiques des humains à la Réunion. Co-production d’un ordre socio-naturel en contexte post-colonial » au Museum National d’Histoire Naturelle. 9. Participation à des jurys de recrutement 25 mai 2010 : poste de MCF en philosophie de l’environnement à l’Université 87 Paris-X Nanterre 30 mai 2011 : poste de MCF en anthropologie à l’Ecole Normale Supérieure de Paris 25 mai 2012 : post-doctorants d’anthropologie sociale du Labex TransferS au Laboratoire 25-26 novembre 2013 : post-doctorants pour le projet ERC « Visual Representations of the Third Plague Pandemic » à l’Université de Cambridge. 2014-2016 : comité d’évaluation des bourses de recherche, des bourses des collections et des bourses Martine Aublet au musée du quai Branly ; comité d’évaluation des post-doctorants du Labex Création Art Patrimoine 10. Emissions de radio et de télévision 15 mai 2008 : Emission d’Arnaud Laporte, Tout arrive, France Culture, sur les Œuvres de Lévi-Strauss en Pléiade 11 juin 2008 : Emission de Pascal Paradou, Culture vive, Radio France International, sur es Œuvres de Lévi-Strauss en Pléiade 28 novembre 2008 : Emission de Pierre-André Boutang, Claude Lévi-Strauss par lui-même, Arte, rediffusée le 4 novembre 2009), éditée sous le titre Penser avec Lévi-Strauss, DVD réalisé par le SCEREN-CNDP 1er septembre 2009 : Emission de Catherine Clément, Culture de soi, Culture des autres, France Culture, « Le monde grippé » 4 novembre 2009 : Emission de Mathieu Vidard, La tête au carré, France Inter, « Claude Lévi-Strauss et l’anthropologie » 14 février 2010 : Emission d’Alain Finkielkraut, Répliques, France Culture, « L’héritage de Claude Lévi-Strauss » 14 octobre 2010 : Emission de Mathieu Vidard, La tête au carré, France Inter, « Un monde grippé » (avec B. Dufour) 20 octobre 2010 : Emission de Catherine Clément, Culture de soi, Culture des autres, France Culture, « Des maladies tropicales aux maladies émergentes » 1er décembre 2010 : Emission d’Elisabeth de Fontenay, Vivre avec les bêtes, « Un monde grippé » 88 24 février 2011 : Emission de Jacques Munier, A plus d'un titre, « Un monde grippé » 10 mars 2011 : Emission de Philippe Petit, La fabrique de l’humain, « Humains, non-humains. Repeupler les sciences sociales » (avec S. Houdart et O. Thiery) 14 avril 2011 : Emission de Philippe Petit, La fabrique de l’humain, « Le moment philosophique des années 1960 en France. Un moment épistémologique » (avec P. Maniglier et D. Rabouin) 12 septembre 2014 : Emission de Jean Lebrun, La marche de l’histoire, France Inter, « Un anthropologue à l’épreuve des pandémies » 22 septembre 2014 : Emission d’Adèle Van Reeth, Les Nouveaux chemins de la connaissance, France Culture, « Les épidémies » 10 et 17 novembre 2015 : Emission de Mathieu Vidard, La tête au carré, France Inter, « Claude Lévi-Strauss ». 24 juin 2016 : Emission de Mathieu Vidard, La tête au carré, France Inter, « Les dix ans du musée du quai Branly » 89 Liste des publications 1. Publications dans des revues scientifiques à comité de lecture a) Articles évalués anonymement 2000 « Les Carnets de Lévy-Bruhl. Entre philosophie et anthropologie, l’expérience de l’altérité », Gradhiva. Revue d’histoire et d’archives de l’anthropologie, n°27, p. 27-38. 2002 « Le problème de la magie dans les traditions anthropologiques française et anglaise », Methodos, Savoirs et textes, n°2, p. 183-201. 2003 « Le primitif et le mystique chez Lévy-Bruhl, Bergson et Bataille », Methodos, Savoirs et textes, n°3, p. 137-157 2003 « L’esprit humain chez Lévi-Strauss. De la parenté aux mythes, de la théorie à la pratique », Archives de philosophie, n°66, p. 9-32. 2004 « Une ethnographie de l’esprit est-elle possible ? Anthropologie et sciences cognitives », Critique, numéro spécial « Frontières de l’anthropologie », n°680681, p. 89-101. 2004 « Individu et événement dans La pensée sauvage de C. Lévi-Strauss », Les temps modernes, n°628, p. 37-57 2005 « L’aventure de l’ordinaire chez Sartre et Lévi-Strauss. La nausée et Tristes tropiques, une lecture croisée », Les temps modernes, n° 632-633-634, p. 181-192. 2005 « Causalité mentale et perception de l’invisible. Le concept de participation chez Lévy-Bruhl », Revue philosophique, n°3, p. 303-322. 2005 « Fiction, folie, fétichisme. Claude Lévi-Strauss, entre Comte et la Comédie Humaine », L’Homme. Revue française d’anthropologie, n°175-176, 203-218. 2005 « Vie sociale et genre de vie chez Maurice Halbwachs », Revue d’histoire des sciences humaines, n°13, p. 33-50. 2005 « The Virtual, the Symbolic and the Actual in Bergsonian Philosophy and Durkheimian Sociology », MLN, vol. 120, n°5, 1133-1145. 90 2006 « Comment les foetus sont devenus visibles. Approches phénoménologiques et structuralistes des contradictions biopolitiques. A propos de La condition fœtale de Luc Boltanski », Annales, Histoire Sciences Sociales, n°2, p. 505-520. 2006 (avec N. Donin) « Lévi-Strauss et "la musique". Dissonances dans le structuralisme », Revue d’histoire des sciences humaines, n°14, p. 101-137. 2006 « De la responsabilité subjective à la participation collective. Hypothèses sur l’unité de la pensée de Lévy-Bruhl », Anamnèse, n°2, p. 107-118. 2008 « Beauvoir lectrice de Lévi-Strauss. Les relations hommes/femmes, entre existentialisme et structuralisme », Les temps modernes, n° 647-648, p. 242-255. 2008 « Les usages du biopolitique », d’anthropologie, n°187-188, p. 295-314. L’Homme, Revue française 2008 « Risques alimentaires et maladies animales. L’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments, de la vache folle à la grippe aviaire », Médecine/Sciences, n°1, vol. 24, p. 81-85 2008 « Lévi-Strauss et l’Asie. L’anthropologie structurale out of America », Echogeo, 7, http://echogeo.revues.org/index9593.html 2009 « Conflits d’experts. Les zoonoses, entre santé animale et santé publique », Ethnologie française, 1, p. 79-88. 2009 « La participation au sacrifice comme moment originaire de la vie sociale. Robertson Smith, Durkheim, Lévy-Bruhl », Alter. Revue de phénoménologie, 17, p. 137-152. 2010 « Une sentinelle sanitaire aux frontières du vivant. Les experts de la grippe aviaire à Hong Kong », Terrain, n°54, p. 26-41. 2010 « Le problème de la causalité chez Lucien Lévy-Bruhl et Emile Meyerson », Corpus, n°58, p. 173-186. 2011 « The Ruins of Participation: Claude Imbert’s Anthropology of Logic », Paragraph, n°34-2, p. 266-278. 2012 « Nourrir les virus. La biosécurité dans les fermes et les laboratoires », Réseaux, 171, p. 21-44. 2012 « Des virus émergents aux bactéries résistantes. Une crise sanitaire et ses effets », Médecine/Sciences, 28, p. 534-537. 2012 « Lévy-Bruhl, Jaurès et la guerre », Cahiers Jaurès, 204, p. 37-53. 91 2012 « Goffman, Durkheim et les rites de la vie quotidienne », Archives de philosophie, 75, 3, p. 471-492 (à paraître en allemand dans Hans Joas et Andreas Pettenkofer, Oxford Handbook of Emile Durkheim, 2018). 2013 « Les relations hommes/animaux chez Lévi-Strauss », Europe, 1005-1006, p. 122-133 (traduit en portugais dans Revista de Antropologia da UFSCAR, 7(1), 2015, p. 97-107). 2013 « Dissolution du sujet et catastrophe écologique chez Lévi-Strauss », Archives de philosophie, 76, 3, p. 375-392 2013 « Le sacrifice des insectes. Caillois entre Lévi-Strauss et Bataille », Littérature, 170, p. 21-32. 2013 « Hong Kong as a Sentinel Post », Limn, 3, p. 38-40. 2013 « Vaccinés comme des bêtes. Rumeurs autour de la grippe A/H1N1 et la fièvre catarrhale ovine en France en 2009 », Genèses, 91, p. 96-117. 2013 « Compter les virus, observer les oiseaux. Des bases de données pour la grippe aviaire », Revue d’anthropologie des connaissances, vol. 7, n°4, p. 857883. 2013 « Santé animale et santé globale : la grippe aviaire en Asie », Revue Tiers Monde, 215, p. 35-52. 2014 « From Purgatory to Sentinel. ‘Forms/Events’ in the Field of Zoonoses », Cambridge Anthropology 32(1), p. 47–61. 2014 (avec C. Gortazar, L. Reperant, T. Kuiken et al.) « Crossing the Interspecies Barrier: Opening the Door to Zoonotic Pathogens », PLOS Pathogens, 10, 6, p. 1-5. 2015 « L’alarme d’Antigone. Les chimères des chasseurs de virus », Terrain, 64, p. 50-67. 2015 « Liberating Sick Birds: Post-structuralist Perspectives on the Biopolitics of Avian Influenza, Cultural Anthropology, 30, 2, p. 224-235. 2015 « Feeding Sentinels : Logics of Care and Biosecurity in Farms and Labs », BioSocieties, 10, 2, 162-176. 2015 (avec M. Ticktin) « La souffrance animale à distance. Des vétérinaires dans l’action humanitaire », Anthropologie et Sociétés, 39, 1-2 : 145-163. 2015 « Sentinels for the environment : birdwatchers in Taiwan and Hong Kong », China Perspectives, 2, p. 41-50 (trad.fr. « Des sentinelles pour l'environnement : 92 les observateurs d'oiseaux à Taiwan et Hong Kong », Perspectives chinoises, 2, p. 43-54). 2015 « Prévention, précaution, préparation : rationalités dans la gestion des maladies animales », Raison Présente, « L’anthropologie et ses raisons », 195, p. 73-81. 2015 « Ebola, entre science et fiction », Anthropologie & Santé 11 http://anthropologiesante.revues.org/1870 b) Notes, commentaires et introductions parus dans des revues scientifiques 2003 « Des biotechnologies au biopouvoir, de la bioéthique à la biopolitique », Multitudes, n°12, p. 180-187. 2003 « La subjectivité révolutionnaire. A propos d’Empire de Michael Hardt et Toni Negri » Actuel Marx, n°33, p. 157-166. 2004 « Que sont nos philosophes devenus ? A propos de French Theory de F. Cusset », Critique, n°683, p. 347-362. 2005 « Foucault aujourd’hui : icône ou mythe ? », Critique, n° 692, p. 1-11. 2009 « L’affaire du lait contaminé », Perspectives chinoises, 1, p. 96-101. 2009 « Les hommes malades des animaux » in Critique, numéro spécial « Libérer les animaux ? », p. 796-808. 2010 « Musique et sciences humaines : nouvelles rencontres », Revue d'Histoire des Sciences Humaines, 2010, 22, 221-227. 2010 Traduction et présentation de Paul Rabinow « L’artifice et les lumières. De la sociobiologie à la biosocialité », Politix, vol. 23, n°90, p. 21-46. 2011 « L’anthropologie intensifiée par la métaphysique. A propos d’E. Viveiros de Castro, Métaphysiques cannibales », Critique, 774, p. 910-926. 2013 « L’OMS et ses sentinelles. De la grippe pandémique à la grippe aviaire », Sciences sociales et santé, 31, p. 65-71. 2013 (avec A. 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L’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments, de la vache folle à la grippe aviaire », Esprit, n° 343, p. 36-50. 2008 (avec Pierre Encrevé) « 1968 De nouveaux penseurs dans l'espace public, 2008 Les savoirs sont-ils transmissibles? », Libération, 19 avril. 2008 (avec M. Foessel, J.-C. Monod, G. Vigarello et P. Zaoui) « Théorie, concepts et politique, avant et après 68 », Esprit, 5, p. 131-166. 103 2008 (avec Vincent Debaene) « Une grande œuvre pour comprendre le millénaire qui s'ouvre à la lumière des millénaires qui le précèdent », nonfiction.fr 2008 « Lévi-Strauss a anticipé les crises du capitalisme », Regards, n° 56, 25 novembre 2008 « Wie Lévi-Strauss zum Klassiker aufstieg », Die Welt, 28 novembre 2009 « Entretien », Magphilo, Spécial Claude Lévi-Strauss, http://www.sceren.fr/magphilo/philo23/entretien.htm 2009 « Une querelle sinologique et ses implications. À propos du Contre François Jullien de Jean-François Billeter », Esprit, 352, p. 61-81. 2009 « Le centenaire de Claude Lévi-Strauss », Esprit, 2, p. 208-210. 2009 « Les métamorphoses de la grippe », Esprit, 6, p. 155-157. 2009 « La grippe porcine est-elle d’origine américaine ou asiatique ? », Esprit, 10, p. 161-162. 2010 « Un échec du catastrophisme » (sur la campagne de vaccination H1N1), Le Monde, 8 janvier 2010 « La grippe révèle l’imaginaire de nos sociétés », Le Monde Magazine, 16 octobre 2010 « La grippe pandémique est-elle une maladie post-coloniale ? », Libération, 21 octobre. 2010 « L’échec global et national de la vaccination H1N1 », Esprit, 2, p. 158-161. 2011 « L’écologie négative de Claude Lévi-Strauss », Esprit, 8-9, p. 65-76. 2011 « Le Nom des gens, une anthropologie de la grippe aviaire », Esprit, 2, p. 183-187. 2011 « Expertise et choix politique : retour sur la grippe pandémique », Esprit, 3, p. 168-177. 2011 « Space Invader rencontre King of Kowloon », Esprit, 8, p. 175-178. 2016 « La grippe aviaire, entre attaque terroriste et réchauffement climatique », Esprit, 1, p. 174. 2016 « Occupy Collections ! », Conversation between Clementine Deliss and Frédéric Keck, South as a State of Mind, 7, p. 49-58. 104 Remerciements Je remercie Philippe Descola d’avoir bien voulu se porter garant de ce travail, dont il a accompagné toutes les étapes depuis mon entrée au CNRS, en particulier en m’accueillant au Laboratoire d’anthropologie sociale en 2010. Au delà de l’admiration et de la fidélité que ce travail manifeste pour son œuvre, je voudrais aussi lui témoigner ma gratitude pour l’exemple qu’il m’a donné d’une vie académique unissant l’exigence scientifique et intellectuelle à la responsabilité administrative et politique. Je remercie Didier Fassin, Jean-Paul Gaudillière, Yves Goudineau, Sophie Houdart, Annemarie Mol et Anne-Marie Moulin d’avoir accepté de lire et de discuter mon travail, prolongeant ainsi les dialogues que nous avons déjà eus à des degrés divers sur les questions engageant l’histoire des sciences, la philosophie de la médecine et l’anthropologie de la biopolitique. C’est un honneur et un plaisir de les réunir autour d’une même table pour débattre de mes analyses sur les techniques de préparation. Je remercie Stéphane Martin, président du musée du quai Branly, de la confiance qu’il m’a témoignée en me faisant venir au département de la recherche de ce musée en 2014. Si la responsabilité de succéder à Anne-Christine Taylor à la direction du département qu’elle a quasiment créé était lourde, elle a donné à mes recherches une accélération inattendue, comme un hors-bord qui, une fois découvert le fonctionnement du moteur, permet d’aller plus vite vers de nouvelles directions. Dans cette traversée parfois périlleuse et toujours mouvementée, l’équipe du département de la recherche a été un soutien constant : je remercie Julien Clément, Marine Degli, Esthel Desverchère, Jessica De Largy Healy, Myrlande Jeanpierre, Anna Laban, Maïra Muchnik pour le plaisir de travailler avec eux au quotidien. Mes collègues du Laboratoire d’anthropologie sociale ont accueilli avec bienveillance et curiosité mes histoires de poulets grippés. Je pense en particulier à Laurent Berger, Julien Bonhomme, Carole Ferret, Perig Pitrou et Charles Stépanoff, avec lesquels j’ai partagé des discussions, des séminaires ou des colloques, et qui 105 montrent quotidiennement que l’anthropologie française peut se renouveler. Le Laboratoire d’anthropologie sociale a également accueilli trois projets dont j’étais porteur : « Des hommes malades des animaux. Anthropologie comparée de la grippe aviaire » avec Matthieu Fintz, Annick Guénel, Vanessa Manceron et Noëlie Vialles, soutenu par la Fondation Fyssen, « Représentations sociales des pathogènes aux frontières entre les espèces » avec Nicolas Lainé, Arnaud Morvan et Sandrine Ruhlmann, soutenu par le Fonds Axa pour la recherche, et « Anticipating the Global Onset of New Epidemics » avec Sarah Cabalion, soutenu par le Conseil Européen de la Recherche. Je remercie ces institutions pour le financement de ces projets, ces chercheurs pour avoir bien voulu me suivre sur ces nouveaux terrains un peu risqués, et Patricia Rigole pour la coordination des aspects budgétaires et administratifs. Je remercie enfin Philippe Sansonetti, professeur de microbiologie au Collège de France, pour avoir lancé plusieurs projets impliquant à la fois le Laboratoire d’anthropologie sociale et l’Institut Pasteur, dans lesquels j’ai eu le plaisir de travailler avec Tamara Giles-Vernick. Le Centre d’Etudes Français sur la Chine Contemporaine a accueilli mes recherches de terrain à Hong Kong et Taiwan, en me procurant des informations de première qualité sur la société chinoise et un réseau d’amitiés et de connaissances permettant d’y accéder. Je remercie en particulier David Bartel, Sébastien Billioud, Stéphane Corcuff, Guillaume Dutournier, Nicolas Douay, Jean-François Huchet, Frank Muyard, Paul Jobin et Sebastian Veg. Au Centre Pasteur de l’Université de Hong Kong, je tiens à remercier Roberto Bruzzone et Malik Peiris, qui m’ont permis de me former à la meilleure virologie, et à Isabelle Dutry, François Kien, Huiling Yen et Jean Millet, qui furent des interlocuteurs privilégiés. Je remercie mes collègues étrangers qui m’ont invité à partager mes recherches dans leurs universités : Eduardo Kohn et Tobias Rees à l’Université Mac Gill, Laurence Monnais à l’Université de Montréal, Brett Finlay au Peter Walls Institute de l’Université de Vancouver, Anand Pandian à l’Université Johns Hopkins, Miriam Ticktin à la New School for Social Research, Joanna Radin à l’Université de Yale, John Borneman à l’Université de Princeton, Stefania Pandolfo à l’Université de Berkeley, 106 Hannah Landecker et Christopher Kelty à l’Université de Los Angeles, Christos Lynteris à l’Université de Cambridge, Ann Kelly à l’Université d’Exeter, Javier Lezaun à l’Université d’Oxford, Ludovic Coupaye à University College de Londres, Carlo Caduff au King’s College de Londres, Rebecca Marsland à l’Université d’Edimbourg, Meike Wolf à l’Université Goethe de Francfort, Tanja Bogusz à l’Université Humboldt de Berlin, Hansjorg Dilger à l’Université Libre de Berlin, Emma Kowal à l’Université de Melbourne, Warwick Anderson à l’Université de Sydney, Lyle Fearnley et Jerome Whitington à l’Université de Singapour, Hisashi Fujita à l’Université de Fukuoka, Paul Dumouchel et Kozo Watanabé à l’Université Ritsumeikan de Kyoto, Shin Abiko à l’Université Hosei de Tokyo, Cai Hua à l’Université de Pékin, Wang Liping à l’Université du Zhejiang à Hangzhou, Tang Yun à l’Université des Minorités du SudOuest à Chengdu. J’adresse une pensée particulière à Andrew Lakoff, dont la fraternité attentive et bienveillante m’a permis de tracer ma propre filiation intellectuelle à l’égard de Paul Rabinow. Sans que je l’aie jamais rencontrée, Anitra Grisales a édité depuis la Californie le livre que je présente ici en anglais. Je la remercie pour ce minutieux travail. Les dettes intellectuelles et affectives sont trop larges pour être toutes reconnues, mais je souhaite nommer Luc Boltanski, Vincent Debaene, Emmanuel Didier, Nicolas Dodier, Marie Gaille, Isabelle Kalinowski, Guillaume Lachenal, Patrice Maniglier et Vinh-Kim Nguyen pour les nombreuses discussions que nous avons eues, et qui ont infléchi ou confirmé le cours de ma pensée. Joëlle a assisté, toujours ferme et aimante, à mes orientations et désorientations, accompagnant ce travail jusqu’à ce résultat provisoire. Nos enfants, Sylvia et Rafael, me donnent l’humilité de penser qu’il y a autre chose dans la vie que l’anthropologie. Qu’ils en soient du fond du cœur remerciés. 107