L’anacarde et le développement de la
région du Poro en Côte d’Ivoire
Auteur : DIARASSOUBA MAHAMADOU
Auditeur en Licence 3 de Géographie, Centre de Formation Continue de l’Université Péléforo
Gon Coulibaly de Korhogo.
Résumé
Pays situé en Afrique de l’Ouest, la Côte d’Ivoire depuis son indépendance, a décidé de faire
de l’agriculture le fer de lance de son économie. Ainsi elle table sur les cultures d’exportation
notamment le café et le cacao dans la zone forestière. Pour palier les inégalités en terme de
développement, le pays va instaurer une dynamique de d iversification agricole, ce qui va
conduire à l’introduction des spéculations comme l’anacarde et le coton dans la partie
septentrionale du pays. A l’image donc de toutes les régions du Nord, la région du Poro a
bénéficié de la politique du programme anacardier. Aujourd’hui, le pays est premier
producteur mondial de la noix d cajou. Ce qui dénote de la place que la filière anacarde
occupe dans le pays et particulièrement dans les régions productrices.
L’anacarde et le développement de la région du Poro en CI
Sommaire…………………………………………………………..................................P2
Introduction………………………………………………………......................P3
I-Présentation du cadre d’étude et généralités sur l’anacardier……….........................P4
1- Présentation de la zone d’étude ……………………………….....................P4
2- Généralités sur l’anacardier……………………………….........................P5
II-Atouts favorables à l’essor de la culture d’anacarde dans la région du
poro…………………………………………………………………………..........................P6
1- La région du poro: un potentiel naturel et humain fort intéressant…………….P6
2- Atouts institutionnels dans la mise en œuvre du programme anacardier de la
région du poro………………………………………………………………………P7
III-Mutations liées à l’introduction de la culture d’anacarde dans la région du
poro………………………………………………………………………..............................P9
1- Au plan social……………………………………………………………………….P9
2- Au plan économique………………………………………………………………..P9
3- Au plan industriel…………………………………………………………………P11
IV-Contraintes de mise en place de la politique d’introduction de l’anacarde dans la
région du poro……………………………………………………………………………..P11
1- Contraintes naturelles et foncières……………………………………………….P11
2- Maladies et feux de brousse………………………………………………………P11
3- Contraintes liées à l’instabilité du prix de l’anacarde………………………......P12
4- Contraintes liées à la transformation de l’anacarde…………………………....P12
5- Autres problèmes………………………………………………………………….P13
V-Stratégies de redynamisation de l’anacarde dans la région du poro……………….P13
Conclusion…………………………………………………………………………………P14
Bibliographie……………………………………………………………………………....P15
2
L’anacarde et le développement de la région du Poro en CI
INTRODUCTION
La Côte d’Ivoire est un pays de l’Afrique de l’Ouest dont l’économique reposait
essentiellement sur les cultures du cacao et du café depuis plusieurs décennies. Mais depuis
peu, une politique de diversification des activités économiques a été mise en place pour que
le pays connaisse le développement tant souhaité. Ainsi, le pays étant de tradition agricole
entame une redynamisation des activités agricoles. Cela se matérialise par l’introduction de
plusieurs cultures de rente notamment la culture de l’anacarde dans la partie septentrionale du
pays. A l’instar de toutes les régions du Nord, longtemps caractérisé par une agriculture de
subsistance fondée sur la production céréalière, le pays sénoufo a bénéficié de nombreux
projets porteurs d’innovations agricoles à partir de 1960. Il s’agit entre autres du programme
de vulgarisation de la culture d’anacarde piloté par des sociétés d’encadrement. Cette
initiative stimule le développement d’une économie de rente basée sur des productions
destinées prioritairement à l’exportation. Ce nouveau contexte économique entraîne de ce fait
le développement progressif des plantations d’anacardiers impactant significativement l’essor
de la région. Depuis quelques années, cette culture se présente donc de plus en plus comme la
mamelle de l’économie de la région. Face à l’émergence de cette spéculation dans le Poro, on
est en droit de se demander : Quels sont les impacts de la culture de l’anacardier sur les
populations de la région du Poro ? Autrement dit, quels changements observe-t-on dans la vie
des populations du Poro depuis l’avènement de la culture d’anacarde?
C’est ce que tentera de déterminer ce travail, en s’intéressant d’abord aux généralités sur
l’anacardier et sur les atouts de la région, ensuite l’importance de l’anacarde dans l’essor du
Poro et enfin les contraintes liées à cette spéculation ainsi que les stratégies pour redynamiser
le secteur de l’anacarde.
3
L’anacarde et le développement de la région du Poro en CI
I-
Présentation du cadre d’étude et généralités sur l’anacardier
1- Présentation de la région du Poro
Située à l’extrême Nord de la Côte d’Ivoire, la Région du Poro couvre une superficie totale de
13.400 kilomètres carrés. Elle est limitée au Nord par la République du Mali, au Sud par la
Région du Béré, à l’Est par les Régions du Tchologo et du Hambol et à l’Ouest par la Région
de la Bagoué.
Source : Hamed Tiécoura Coulibaly
Figure 1 : Localisation de la région du Poro
Comme l’illustre la figure 2, la région du Poro compte quatre (04) départements :
Korhogo ;
Sinématiali ;
Dikodougou ;
M’Bengué.
4
L’anacarde et le développement de la région du Poro en CI
Figure 2 :
Source : INS, 2014
2- Généralités sur l’anacardier
L’anacardier (Anacardium occidentale) est une espèce de petit arbre de la famille des
Anacardiaceae, originaire d’Amérique tropicale, et cultivé en zone tropicale pour sa
production de noix de cajou (ou anacarde) et de pomme de cajou. L’anacardier est un arbre
très ramifié, à port retombant, pouvant atteindre à l’âge adulte 10 mètres de haut et 14 mètres
d’envergure (diamètre de la couronne). Il est cultivé pour son fruit. Celui-ci est composé de
deux parties : la pomme cajou ou faux fruit et la noix de cajou dont l’amande est l’objet
essentiel du commerce mondial de l’anacarde. La pomme cajou, juteuse et riche en vitamine
C, est utilisée sous forme de fruit frais, confiture, jus, alcool, vinaigre ou sirop. L’anacardier
est un arbre rustique qui supporte bien le vent. Il est utilisé pour lutter contre l’érosion du sol,
servir de haie vive de protection, de délimitation de parcelles ou de pare-feu. Il sert aussi de
bois de chauffe et comme plante médicinale.
5
L’anacarde et le développement de la région du Poro en CI
Figure 3 : Anacardiers à Korhogo
Figure 4 : Fruits de l’anacardier
La culture de l’anacardier a été introduite dans l'agriculture ivoirienne à partir de 1960 pour
faire face aux contraintes agro-écologiques. En effet, les premières plantations sont introduites
dans le Nord comme couvert végétal pour freiner l’avancée du désert au début des années
1959-1960 par deux sociétés d'Etat : la Société d’Assistance Technique pour la Modernisation
de l’Agriculture en Côte d’Ivoire (SATMACI) et la Société de Développement des Forêts
(SODEFOR) (Gouma, 2003). En 1972, la fonction économique de l’anacarde a pris le
dessus sur la fonction écologique. Selon Gouma (op cit), c’est ainsi que la SODEFOR a
transformé les plantations forestières en plantations fruitières destinées à la production et à la
vente des noix de cajou. De plus, la chute des prix du coton, principal produit de rente du
Nord, et la remontée du prix d’achat de la noix de cajou ont suscité un engouement au sein de
la population pour la culture de l’anacarde. Ainsi, les champs d’anacarde ont remplacé les
jachères de longues durées. La plupart des exploitants de la zone de production cotonnière
possède une plantation d’anacardiers dont la taille varie de quelques pieds à plusieurs
hectares. Suite à l’augmentation du prix bord champ de la noix de cajou les cinq dernières
années allant de (125 fcfa) en 2010 à 410 fcfa en 2015, la filière anacarde connaît aujourd’hui
un développement rapide dans la région du Poro.
I-
Atouts favorables à l’essor de la culture de l’anacarde
dans la région du poro
1- La région du Poro : un potentiel naturel et humain fort
intéressant
1-1- Un potentiel naturel diversifié
A l’image de l’ensemble des régions du Nord de Côte d’Ivoire, la culture d’anacarde dans la
région du Poro se développe dans une zone qui bénéficie d’un climat tropical à deux saisons
avec une pluviométrie moyenne annuelle qui varie de 1 100 mm à 1 200 mm par an. Une
courte saison pluvieuse de 3 à 4 mois qui court de Juin à fin Septembre marquée par deux
maxima pluviométriques, l'un en juin et l'autre en septembre et une longue saison sèche de 8 à
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L’anacarde et le développement de la région du Poro en CI
9 mois allant du début du mois d’Octobre à la fin d u mois de Mai. La végétation de la région
est celle de la savane arborée ou savane ouest soudanienne, selon la classification des
écorégions définie par le World Wide Fund for Nature. Elle se caractérise par des arbres et
arbustes, d'une hauteur comprise entre 8 et 12 m, disséminés avec une densité de couvert de
l'ordre de 25 à 35 %. Aussi la région bénéficie d’un sol ferrugineux propice à la culture de
l’anacarde.
1-2-
Un capital humain indéniable
Tous les peuples de la région du Poro sont foncièrement attachés au travail de la terre et ont
une tradition agricole séculaire. Cette tradition héritée des ancêtres constitue un atout
considérable pour le développement agricole. Avec une population estimée à 763 852
habitants (INS, RGPH 2014), la région du Poro possède un capital humain considérable,
fondé sur la réputation du peuple Senoufo présenté comme un peuple « courageux, laborieux,
et amoureux, passionné de la terre » (M’BRAH, 2013). Cette tradition est un atout inestimable
pour l’essor de la filière anacarde. Ce capital humain constitue pour la région un important
réservoir de main-d’œuvre au service de son développement. De plus, les faibles densités
démographiques offrent de vastes terres à fertiliser pour le développement agricole et donc
des conditions naturelles propices à l’émergence de la filière anacarde dans la région.
2- Atouts institutionnels dans la mise œuvre du programme
anacardier de la région du Poro (les acteurs)
La volonté de l’Etat ivoirien pour renforcer l’assise économique du Nord est un atout
considérable. Avec pour ambition de faire de la Région du Poro un pôle agricole et
économique dynamique, l’Etat pour soutenir cette économie de plantation (anacarde), a mis
en place un éventail de dispositifs institutionnels.
2-1-
Institutions d’encadrement ou de vulgarisation agricole
L’Etat de Côte d’Ivoire pour œuvrer au repositionnement de la Région du Poro comme le
grenier agricole des régions du Nord, crée des structures d’encadrement de tous les acteurs de
la chaîne de production de la filière anacarde. Ces structures avaient pour rôle d’accompagner
la mise en place des politiques d’aménagement et de développement aussi bien de la région du
Poro que les autres régions du Nord du pays. Après les actions peu efficaces de vulgarisation
agricole des sociétés comme la SATMACI et la SODEPRA, l’Etat va entreprendre une
Restructuration. Celle-ci a abouti à la création en septembre 1993 de l'Agence Nationale
d'Appui au Développement Rural (ANADER). La création de l’ANADER a consacré l’ère de
l’approche de vulgarisation unifiée à partir de 1994. L’ANADER est une société d'économie
mixte qui a repris les activités de vulgarisatio n agricole de la SATMACI et de la SODEPRA
dans le Nord de la Côte d’Ivoire. En 1998, cette structure a été transformée en une société
anonyme de type particulier. Sa mission est essentiellement l’encadrement et la vulgarisation
agricole en milieu rural. En outre, pour faire du coton et de l’anacarde des leviers de
développement des régions du Nord, le gouvernement ivoirien, vu le faible niveau de
structuration de la filière anacarde et l’inorganisation des acteurs, va créer à l’image du
conseil café-cacao, une structure dénommée le Conseil du Coton et de l’Anacarde (CCA) en
septembre 2013 en remplacement de L’Autorité de Régulation du Coton et de l’Anacarde
(ARECA). Ce conseil a pour mission la régulation, le suivi et le développement des filières
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L’anacarde et le développement de la région du Poro en CI
coton et anacarde. Aussi avec le Plan National de Développement (PND) 2016-2020, l’Etat
veut passer à un taux de transformation qui avoisinerait les 50% en 2020. Tout cet arsenal
institutionnel permet de convertir l’agriculture de subsistance en une agriculture industrielle
tournée vers l’exportation par l’installation d’unités agro- industrielles, de développer la
culture intensive de produits agricoles destinés essentiellement aux marchés extérieurs à la
région.
2-2-
Coopé ratives et Groupements Informels (GI)
La filière anacarde implique plusieurs acteurs. Cette partie présente les différents intervenants
dans la chaîne de production et le circuit de commercialisation (production, achat et vente) de
l’anacarde. Dans ce maillon, on trouve les producteurs, les coopératives, les acheteurs, les
sociétés d’exportation, les sociétés de transformation etc.
Source : conseil coton-anacarde
S chéma 1 : Ci r c ui t de c ommer c ial i sati on i ntéri eur de l a noix de c ajou
F lux phys ique (noix brutes )
F lux monétai re
Le schéma ci-dessous indique le système du circuit de rencontre des acteurs sur le marché
national de l’anacarde. Ce modèle systémique montre la synergie d’action entre les différents
intervenants. Dans cette chaîne, chaque maillon a un rôle bien précis. Les pisteurs sont les
acteurs intermédiaires entre les acheteurs et les producteurs qui parcourent les différents
villages pour acheter la noix de cajou. Les coopératives telles que la Société Coopérative
Agricole «BADENYA » à Korhogo, sont des associations paysannes qui s’organisent dans le
but de lutter contre les acheteurs véreux et de mieux vendre leurs produits. Les usiniers sont
les acteurs qui transforment la noix de cajou avant d’être exportée. Ces différents acteurs
s’accordent sur la participation au développement de la région.
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L’anacarde et le développement de la région du Poro en CI
II-
Mutations liées à l’introduction de la culture d’anacarde dans la
région du Poro
1- Au plan social
Avec la culture de l’anacarde, la terre qui appartenait autrefois à la famille au sens très large
du terme, devient aujourd’hui la propriété privée d’un individu (celui qui a son champ
d’anacarde). Cette situation vient de là modifier le mode d’accès à la terre. Aussi avec la
prépondérance de la culture pérenne que constitue l’anacarde dans le Poro, les paysans
abandonnent peu à peu la jachère, système agricole qui consistait à laisser une terre labourable
au repos pendant une période donnée avant une nouvelle mise en valeur. C’est dire que
l’anacarde ayant monopolisé les finages des villages, l’on assiste à une recomposition de
l’espace agricole créant ainsi une régression de la production vivrière locale. Cette emprise
spatiale de l’anacarde sur le vivrier et la monopolisation des bras valides, entraînent une
baisse significative des productions vivrières. Ce qui pourrait engendrer une insécurité
alimentaire. La culture de l’anacarde permet in fine d’occuper un grand nombre de personnes
surtout les jeunes. Avec le décorticage de la noix de cajou, la région bénéficie de quelques
usines qui permettent de créer des emplois tout en réduisant le chômage.
2- Au plan économique
La diversification des produits agricoles en milieu rural ivoirien fait partie des principales
stratégies adoptées par les paysans pour faire face aux contraintes alimentaires et agroécologiques (Tuo, 2007). En effet, les producteurs espèrent améliorer leur niveau économique
et social afin de satisfaire leurs besoins alimentaires. L'un des grands intérêts de la culture de
l'anacardier réside dans sa rentabilité économique et la vente de la noix de cajou constitue une
importante source de revenu. Cette culture contribuent à l'amélioration des conditions et du
cadre de vie des producteurs. En ce qui concerne le cadre de vie des populations, on assiste à
une amélioration qui se manifeste de diverses manières. En effet, les populations ont
désormais accès à l’eau potable grâce à la mise à disposition de branchements SODECI,
d’Hydraulique Villageoise Améliorée (HVA) et des pompes villageoises. Avec la culture de
l’anacardier, on passe à la valorisation de l’habitat, car le revenu tiré de l’anacarde permet aux
agriculteurs de construire des habitats de type moderne. Dans les villages, les revenus
agricoles ont permis aux paysans de se construire des maisons modernes à l’aide de briques et
couvertes de tôles ondulées. Généralement ces maisons bénéficient de l’électricité fournie par
la CIE ou par l’énergie solaire et l’accès aux chaînes de télévisions étrangères grâce aux
antennes paraboliques. Enfin, la noix de cajou exportée, permet de faire entrer de l’argent
dans les caisses de l’Etat.
9
L’anacarde et le développement de la région du Poro en CI
Habitat
13 ,24 %
Ta ux de s pr oduc ieurs qui
ont const ruit
Ta ux de s poducte ur s qui
n'ont pas e nc or e c onstr ui t
86 , 76 %
S ource : Adaman Sinan
Figure 5 : Proportion des producteurs ayant des maisons en dur couvertes de tôle et des producteurs
n’ayant pas encore construit.
A l’analyse
valorisation
producteurs
revenus de
moderne.
de ce diagramme circulaire, la culture d’anacardier participe activement à la
de l’habitat avec 86,76% de producteurs ayant déjà construit contre13,24% des
qui n’ont pas encore pu transformer leur cadre de vie. Il montre l’impact des
l’anacarde au niveau de la construction des maisons ou de l’habitat de type
Ensuite, l’augmentation du prix a permis aux producteurs de se prendre eux mêmes en
charge, de subvenir à leurs besoins et de réaliser certains projets comme la connexion
électrique (compteur), l’achat des bœufs pour les travaux champêtres, l’achat des moyens de
déplacements (moto, vélo et même des voitures pour certains). A noter également que la
culture d’anacarde impact sur les charges familiales. Il s’agit des dépenses de scolarité, de
santé, de l’alimentation, de l’habillement, des funérailles, de l’aide aux consanguins, à la
communauté tout court.
En somme, la culture de l’anacarde se présente comme une opportunité de réalisation des
projets de développement comme l’illustre le diagramme ci après.
S ource : Adaman Sinan
Figure 6: Niveau de participation des producteurs dans la réalisation des projets
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L’anacarde et le développement de la région du Poro en CI
3- Au plan industriel
La politique de vulgarisation de la culture d’anacarde initiée dans la région du Poro, vient
booster la relative amorce d’industrialisation de la région. Aujourd’hui même si elle semble
encore primaire, nous constatons une floraison d’usines et d’unités de décorticage. Il s’agit
entre autres dans la région du Poro de COFINI (Niofoin), de Wopinin Woyin (Korhogo).
III- Contraintes de mise en place de la politique d’introduction de
l’anacarde dans la région du Poro
1- Contraintes naturelles et foncières
La pression foncière constitue une contrainte majeure dans la culture de l’anacarde. Les
espaces agricoles se font de plus en plus rares. Les problèmes fonciers sont toujours au cœur
des politiques agricoles créant ainsi des conflits qui détériorent considérablement le climat
social dans le monde rural. Ensuite, la forte dynamique urbaine des départements de la région
crée une consommation accrue des terres arables. Souvent, le lotissement dans les zones
périurbaines entraine l’abattage de certaines plantations d’anacarde. Ce qui n’est pas toujours
du goût de certains agriculteurs. Ces conflits sont d’origine diverse. Ils peuvent être relatifs
aux conflits interlignages qui portent surtout sur les limites parcellaires. Ils peuvent aussi tirer
leur origine de la raréfaction de la ressource foncière et peut dans ce cas raviver des
désaccords concernant d’anciens échanges ou d’alliances et lignages qui se caractér isent par
des antagonismes autre ayant droit, notamment entre anciens (ainés) et nouveaux (jeunes)
(LAVIGNE, 1998). En outre, le dynamisme de la filière anacarde dans la région du Poro se
heurte à l’essor du phénomène de l’élevage créant du coup des conflits répétitifs entre
agriculteurs et éleveurs. De là, le développement de l'anacardier provoque des conflits entre
éleveurs et producteurs. Ces conflits ont tendance à fragiliser la cohésion sociale entre les
communautés (KONAN Kouamé H. et al,) Aussi le développement de l’arboriculture
(anacarde) tel que constaté dans la région du poro, consomme significativement les terres
cultivables, Cette dynamique spatiale se fait souvent au détriment des parcelles de coton. La
régression des surfaces cotonnières au profit de celle de l’anacardier est également constatée
par Kambiré (2012).
2- Maladies et feux de brousse
Dans la région du Poro, le développement de la filière anacarde se heurte à la prolifération de
plusieurs maladies et ravageurs. Les tableaux 1 et 2 ci-dessous nous indiquent respectivement
les principales maladies et les symptômes des attaques pour le premier et les principaux
ravageurs et les symptômes des attaques pour le second.
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L’anacarde et le développement de la région du Poro en CI
Maladies
Conditions favorables
Symptômes
Oïdium
Altitude
Poudre blanche sur les feuilles, les fleurs
Fraîcheur et humidité Prolifération et les fruits
de plantes grasses
Anthracnose Fraîcheur et humidité
Sur les feuilles : plages brunes d’aspect
plus ou moins brillant Sur les pommes :
plages brunes en crevasse qui noircissent
puis pourriture du fruit.
S ource : CNRA
Tableau 1 : Principales maladies de l’anacardier
Ravageurs
Symptômes
Foreurs des tiges
Galeries creusées à l’intérieur des branches et des troncs.
Piqueurs-suceurs
Piqûres sur les jeunes feuilles, sur les fleurs et fruits en
dont Helopeltis
formation qui se dessèchent et meurent sur l’arbre
Chenilles de Lépidoptè res
Sur les fleurs et les fruits
S ource : CNRA
Tableau 2 : Principaux ravageurs de l’anacardier
A ces maladies et ravageurs, s’ajoute le fléau des feux de brousse. L’anacardier est très
sensible au feu qui retarde sa croissance et son développement. Malheureusement ce
phénomène est monnaie courante dans la région du Poro en saison sèche, affectant de la sorte
l’essor de la culture de l’anacarde.
3- Contraintes liées à l’instabilité du prix de l’anacarde
La filière anacarde est confrontée à une fluctuation des prix de la noix de cajou. En effet, le
marché de la noix brute est instable, il se prête à un jeu spéculatif qui ne fait pas le bonheur
des producteurs. En témoigne la désillusion qu’a présentée la compagne 2018-2019 dont le
prix bord champ fixé à 350f n’a pas été suffisamment respecté, brisant ainsi l’espoir des
paysans de jouir pleinement de leur production. Avec cette tendance baissière, dans certaines
localités, il n’est pas rare de voir certains producteurs vendre leurs productions à 100f le
kilogramme au lieu de 350f. Par ailleurs, l’Inde en tant qu’acheteur exclusif, fixe le prix de la
noix en sa faveur. Ce qui impact négativement la stabilité du marché de la noix de cajou.
Alors que la mévente de la noix de cajou affaiblit le pouvoir d’achat des paysans qui
dépendent pour l’essentiel du revenu de l’anacarde. Celle-ci pousse certains producteurs de la
région à exporter illégalement les noix vers les pays voisins notamment le Burkina Faso.
4- Contraintes liées à la transformation de l’anacarde
La filière anacarde dans le Poro connaît un faible niveau de transformation. En effet, le
secteur industriel en ce qui concerne la transformation de l’anacarde, constitue à l’heure
actuelle le maillon faible des potentialités économiques de la région. Ce qui enlève de la
valeur à cette économie de plantation. Selon l’INTERCAJOU, l’Inde qui importait 85% des
noix ivoiriennes, s’est engagée depuis peu dans un vaste programme de plantation qui risque
de la rendre autosuffisante dans quelques années. Ce qui signifie une perte de débouché pour
les noix ivoiriennes. Cet exemple met en relief le déficit de transformation locale. De ce fait,
12
L’anacarde et le développement de la région du Poro en CI
une fois que le marché extérieur instable, les producteurs ivoiriens en pâtissent. Il faut noter
aussi que le marché des noix décortiquées (première étape de la transformation) n’est pas
développé pour sécuriser la production locale.
5- Autres problèmes
Outre les difficultés citées plus haut, la filière anacarde connaît d’autres problèmes
notamment la lutte contre les acheteurs véreux, l’insuffisance d’intrants et leur mauvaise
utilisation, la persistance du changement climatique. Aussi le problème d’insécurité lors de la
campagne où les acheteurs (pisteurs) sont fréquemment agressés et dépouillés de la somme
d’argent dont ils disposent. Toute chose qui fragilise inéluctablement « l’économie
anacardière » à Korhogo.
IV- Stratégies de redynamisation de l’anacarde dans la région du Poro
Au regard de la multitude de contraintes liées à la filière anacarde dans le Poro, il convient
d’œuvrer à la redynamisation de la filière afin que les producteurs tirent davantage profit de
cette spéculation. C’est pourquoi, il faut de prime abord opter pour le bariolage des
exploitations agricoles (l’élaboration de barrière physique autour des champs), comme moyen
de délimitation de la propriété foncière. Le bariolage est une pratique qui consiste à marquer
la limite des champs par des haies vives ou des haies mortes, pour matérialiser un droit de
propriété ou protéger les cultures contre les dégâts des animaux. Pour éviter les litiges
fonciers, il faut rendre opérationnelle l’Agence Foncière Rurale (AFOR) afin d’instaurer la
sécurisation foncière. Ensuite, pour endiguer l’apparition de conflits entre agriculteurs et
éleveurs, des couloirs de transhumance devraient être définis afin d’éviter la divagation des
troupeaux. Par ailleurs, sensibiliser les paysans quant aux conséquences des feux de brousse et
à l’utilisation irrationnelle des pesticides. De même, il faut instaurer une gestion participative
dans la filière en associant les producteurs à la fixation des prix. Aussi le secteur industriel
doit faire l’objet d’une promotion vigoureuse pour exister véritablement en mettant en place
une véritable stratégie de transformation au plan régional et par ricochet encourager la
consommation locale. Comme c’est le cas du projet d’appui à la compétitivité qui prévoit le
développement d’une zone agro- industrielle à Korhogo. Cette promotion de la transformation
locale permettra de stabiliser le prix de la noix de cajou et en conséquence d’accroître les
revenus des producteurs.
13
L’anacarde et le développement de la région du Poro en CI
CONCLUSION
Au terme de notre analyse, il ressort que la culture de l’anacarde est devenue aujourd’hui
l’une des principales cultures de rente de la région Nord en général et celle du Poro en
particulier. Encore appelée « l’or brun » l’anacarde bénéficie d’atouts tant naturels
qu’humains capables de soutenir son essor. C’est dans cette optique que le gouvernement
ivoirien fait des efforts considérables en mettant en place des structures de gestion pour la
promotion de ce secteur qui contribue à hauteur de 8,8% du PIB du pays. De la sorte, cette
spéculation représente un espoir pour les populations de la région et pour le rayonnement du
Poro eu égard aux mutations apportées. Toutefois, la filière anacarde se heurte à de
nombreuses difficultés qui freinent son dynamisme. C’est pourquoi, la mise en place de
stratégies pouvant redynamiser la filière anacarde s’avère incontournable en vue d’une
rentabilité accrue et du développement tant souhaité de la région du Poro.
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L’anacarde et le développement de la région du Poro en CI
BIBLIOGRAPHIE
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