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LES REPRESENTATIONS DU RITUEL DU COURONNEMENT JUSQU’AU REGNE DE LA REINE HATCHEPSOUT FLORENCE MARUEJOL, (Institut kheops) Je#dédie#cet#article#au#professeur#Paul#Barguet#qui,#dans#le#cadre#de#ses#recherches#sur#le#temple# d’Amon#à#Karnak,#s’était#intéressé#au#rituel#du#couronnement#et#en#particulier#au#parcours#que# suivait#le#souverain,#au#cours#de#la#cérémonie,#dans#la#partie#centrale#du#monument. B IEN QUE LE COURONNEMENT DU PHARAON soit aussi ancien que la royauté elle-même, les attestations en sont rares jusqu’à la XVIIIe dynastie, date à laquelle il apparaît à la fois fréquemment et sous une forme développée. Cet état de fait est sans doute dû au mauvais état de conservation des complexes funéraires royaux et des temples divins qui n’ont livré qu’une documentation fragmentaire jusqu’au Nouvel Empire. Les fouilles archéologiques réservent toutefois d’heureuses surprises. La mission du Metropolitan Museum de New York a ainsi mis au jour dans le complexe funéraire de Sésostris III à Dahchour des blocs provenant de la chaussée montante qui étaient décorés de scènes, aujourd’hui très fragmentaires, du cycle de la naissance divine du pharaon 1. Cette découverte fait remonter de près quatre siècles l’émergence de ce thème iconographique dont le temple d’Hatchepsout à Deir el-Bahari conservait jusque-là la première attestation 2. Or ce récit est étroitement lié au rituel du couronnement qu’il précède et qu’il annonce. Contrairement au cycle de la naissance divine dont les deux versions complètes connues divergent peu, les séquences du rituel du couronnement refusent de se plier à un modèle unique et ne présentent pas un ordre régulier. Les souverains ne retiennent souvent que quelques épisodes qu’ils jugent significatifs ou ils se contentent même d’un seul rite. De l’Ancien Empire à la Deuxième Période intermédiaire La première représentation connue de la cérémonie du couronnement remonte au roi Ounas, à la fin de la Ve dynastie. Encore s’agit-il d’un infime fragment de relief provenant du temple haut de son complexe funéraire 3. Toutefois, les oreilles de Seth et la main qu’il pose sur le pschent, en grande partie disparu, suffisent pour reconnaître l’imposition des couronnes. Le rite, comme beaucoup plus tard dans le temple d’Hatchepsout à Deir el-Bahari, est exécuté par le patron de la Haute-Égypte auquel répondait sans doute, de l’autre côté du roi, Horus représentant la Basse-Égypte. L’absence de contexte empêche de situer la scène dans l’ensemble du rituel. Il faut ensuite attendre trois siècles pour de nouvelles représentations du couronnement sculptées dans la chapelle du ka édifiée par Montouhotep II à Dendara et aujourd’hui exposée au musée du Caire 4. Sur le mur gauche, au registre supérieur, le roi se dresse entre le dieu Horakhty, seigneur d’Héliopolis, qui pose la main sur sa couronne de plumes et la déesse Hathor de Dendérah qui l’allaite. Cette scène forme la première attestation du rite de l’intronisation. Au-dessous, il ne reste que la partie supérieure de la scène. Le roi, coiffé de la !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! 1 2 3 4 OPPENHEIM, 2010, p. 171-188, a notamment identifié la dernière scène du cycle de la naissance figuré à Deir elBahari. NAVILLE E., 1897, pl. XLVI-LV ; BRUNNER, 1986. Aménophis III a également fait représenter la naissance divine dans la salle XIII du temple de Louqsor. Un bloc remployé dans le petit temple de Médinet Habou indique que la naissance faisait aussi partie du décor du Ramesseum. LABROUSSE, LAUER, LECLANT, 1977, p. 95, 97, doc. 47-49, p. 96 fig. 73, pl. XXXIV. HABACHI, 1963, p. 17-28. O’CONNOR, 1999, p. 215-220. 152 FL. MARUEJOL Hommages P. Barguet double couronne, est debout entre Hathor qui l’allaite probablement et Khenemet, une nourrice divine, qui pose une main sur le couvre-chef royal. Étant donné ses attributions, elle ne couronne vraisemblablement pas le roi, mais elle se livre plutôt à un geste protecteur. Dans le temple de Tôd, un bloc montre Montou et la déesse Tanent qui imposent la couronne blanche probablement à Montouhotep II, paré de la barbe divine. Chaque divinité déclare smn(=ỉ) n=k ḫʿw=k « Je fixe pour toi ta couronne », identifiant ainsi explicitement le rite 5. Deux autres blocs de ce monument montraient les mêmes divinités couronnant Montouhotep III Seankhkarê, arborant la couronne de hautes plumes droites et la barbe divine 6. Comment différencier l’intronisation de l’imposition des couronnes, deux rites proches au point de partager le même vocabulaire ? Tous deux utilisent en effet l’expression smn ḫʿw, « installer, fixer la couronne » pour définir l’action. Ils se distinguent d’une part par le nombre de divinités qui interviennent pour poser la couronne au nombre de deux, parfois quatre, voire six pour l’imposition des couronnes 7. Disposées symétriquement et accomplissant le même geste, les divinités sont debout de part et d’autre du roi également debout ou alors elles sont assises comme le souverain lui-même. En revanche, l’intronisation fait, en général, intervenir un seul dieu, le plus souvent Amon-Rê à la XVIIIe dynastie, de préférence assis, souvent assisté d’une déesse debout. Dans la chapelle de Dendara, c’est aussi l’allaitement qui permet d’identifier la remise des couronnes après laquelle il est placé. La même séquence figurait sur le sanctuaire de barque de Thoutmosis III 8 et décore toujours celui de Philippe Arrhidée qui l’a remplacé en recopiant les scènes (fig. 1). Intronisation et allaitement y concluent le rituel du couronnement. Ils forment les deux rites qui consacrent le passage du roi – Montouhotep II à Dendérah et Thoutmosis III à Karnak– de l’état d’homme à celui de roi 9. À Dendérah, ils se combinent pour résumer la cérémonie du couronnement. Montouhotep II qui restaure, non sans quelque difficulté, la royauté affirme son autorité avec une scène qui forme la transition entre l’imposition des couronnes de l’Ancien Empire et l’intronisation de la XVIIIe dynastie. Sur une face d’un pilier d’angle (2s) de la chapelle blanche à Karnak, Sésostris Ier est debout entre Amon et Rê-Horakhty qui pose une main protectrice sur le pschent royal 10. Kate LISZKA y reconnaît une scène d’intronisation qu’elle classe dans un type iconographique figurant le roi agenouillé (!), dos au dieu 11. Elle y reconnaît, par conséquent, la première attestation d’un type de représentation qui n’apparaît qu’au début de la XVIIIe dynastie. Cette scène n’est pas isolée, mais elle répond à un relief du pilier d’angle (2n) où Montou pose ses mains sur les épaules du roi. Les textes des deux scènes indiquent que les trois dieux renouvellent leur souhait de vie et de règne et le don de leur héritage, c’est-à-dire la fonction royale, dans le contexte de la fête Sed. La main posée sur la couronne n’est pas nécessairement liée au couronnement. Elle exprime aussi la protection comme, par exemple, dans le sanctuaire de la chapelle d’Hathor, dans le temple d’Hatchepsout à Deir el-Bahari. Le geste, effectué par la déesse, est défini comme protecteur par la légende : wnn(=)ỉ ḥm ḥr stp sȝ(=ỉ) ʿnḫ wȝs nb snb nb ḥr sȝ.t(=ỉ) n.t ẖ.t(=ỉ) Mȝʿ.t-kȝ-Rʿ, « (Oui, je) déploierai toute (ma) protection, toute vie et tout pouvoir, toute santé sur (ma) fille, de (mon corps), Maâtkarê ». De son côté, Amon-Rê affirme : !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! 5 6 7 8 9 10 11 BISSON DE LA ROQUE, 1937, p. 72-75, fig. 26, pl. XVIII ; WILDUNG, 1984, p. 54, fig. 48 identifie le roi à Montouhotep III. BISSON DE LA ROQUE., op.cit., p. 79-81, fig. 32, pl. XXII ; WILDUNG, op.cit., p. 55, fig. 49. Horus et Seth ainsi que Nekhbet et Ouadjet, les divinités tutélaires de la Haute et de la Basse-Égypte, sont généralement préposés à l’imposition des couronnes. Ils agissent parfois tous les quatre ensemble. À Louqsor, dans la salle XIV, ces quatre divinités sont rejointes par Ha et Soped, les dieux de l’Ouest et de l’Est, PM II, p. 328 (158), III, A. MORET, Photos, 850-853. Les fragments du sanctuaire de barque de Thoutmosis III illustrant le rituel du couronnement se trouvent sur les banquettes aménagées entre le temple d’Amon et le temple de Khonsou. LECLANT, 1960, p. 135-145 et ID., 1951, p. 123-127 traite de l’allaitement comme rite de passage de l’état de roi vivant à l’état de souverain défunt ranimé dans l’au-delà. LACAU, CHEVRIER, 1956, p. 75-77, II, pl. 16 et le site du CFEETK : http://www.cfeetk.cnrs.fr/karnak/?iu=1102. LISZKA, 2007, p. 1152-1153. Kyphi 7, 2015 LES REPRESENTATIONS DU RITUEL DU COURONNEMENT 153 d~n(=ỉ) n=ṯ ḥḥ n.w rnp.wt ḫʿ=tỉ r s.t Ḥr n.t ʿnḫ.w nb.w, « Je t’ai donné des millions d’années alors que tu es apparue sur le trône d’Horus de tous les vivants » 12. À la Deuxième Période intermédiaire, le roi Noubkheperrê Antef VI de la XVIIe dynastie thébaine rappelle son couronnement dans le temple de Coptos. Il y figure l’imposition de la double couronne par Horus de Behedet et Horus Chenou 13 qui lui dit : « Je t’accorde toute vie et stabilité, car tu es apparu sur le trône d’Horus […] ». Du roi Ahmosis à la reine Hatchepsout Dès la fondation de la XVIIIe dynastie, une nouvelle iconographie de l’intronisation se met en place. Elle symbolisera à elle seule l’ensemble du rituel du couronnement. Sur un bracelet en or de la reine Ahhotep Ire 14, deux scènes symétriques montrent le roi Ahmosis, qui arbore la couronne ibès 15 et l’uræus frontal, agenouillé dos au dieu Geb, lui-même coiffé tour à tour de la couronne rouge et de la double couronne. Geb est considéré ici comme l’ancêtre transmettant la fonction royale au souverain. Une main du dieu enserre un bras du roi tandis que l’autre est posée sur son épaule au lieu de toucher sa couronne comme cela deviendra la norme. La présence des Âmes de Pe et de Nekhen faisant le geste de l’acclamation identifie cependant la scène. En effet, ces génies tutélaires assistent à l’intronisation d’Hatchepsout, à Deir elBahari 16 et à Karnak 17 ainsi qu’à celle d’Aménophis III dans le temple de Louqsor 18. Leur présence alterne avec celle de l’Ennéade 19. Dos à Geb, Ahmosis est présenté aux dieux, représentés par les Âmes de Pe et de Nekhen, alors que l’intronisation vient juste d’avoir lieu. Désormais, investi de la fonction royale, il vient d’acquérir une nature divine proclamée à la face du monde. Alors qu’Aménophis Ier n’a pas laissé de témoignage de son couronnement, Thoutmosis Ier le rappelle dans le décret officiel publiant sa titulature 20. Quant à Thoutmosis II, il apparaît couronné à titre posthume dans le monument à niches que lui a consacré Hatchepsout, son épouse qui était alors régente de Thoutmosis III (fig. 2). Durant la période de la régence, la reine se réclame de Thoutmosis II. Après son couronnement, elle prétendra être l’héritière directe de son père Thoutmosis Ier, reléguant son époux au second plan. La scène dont subsiste la partie supérieure montre le souverain entre Isis de Neteret et le dieu Osiris résidant dans Karnak qui posent tous deux une main sur la couronne rouge pour l’installer 21. L’iconographie correspond à l’imposition des couronnes. Isis et Osiris ne font pas partie des dieux participant habituellement au rituel du couronnement. L’événement, qui ne prend pas place ici-bas, vise à renouveler perpétuellement la royauté du souverain. Les salles de l’Akhmenou vouées à Sokar et Osiris conservent une scène similaire. Thoutmosis III s’y tient debout entre Isis, qui impose le pschent, et le même Osiris, résidant à Karnak, qui enserre son !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 BEAUX, 2012, vol. 1, p. 162-166 et vol. 3, pl. 41. Blocs du Petrie Museum à Londres, UC 14492 et 14784, Catalogue d’exposition, Coptos L’Égypte antique aux portes du désert, 2000, notice 12 p. 40-41. VERNIER, 1907, n° 52069, p. 34-35, pl. 9 ; MÜLLER (H.W.), THIEM, 2000, p. 134, fig. 264-267, p. 136-137 ; ALDRED, 1978, fig. 44, p. 119 ; MARUEJOL, 2014, p. 378-379 sur l’identification d’Ahhotep Ire. Signalons ici l’absence de barbe au menton du roi qui est une caractéristique du port de la kheprech ou couronne bleue, le couvre-chef du couronnement par excellence. NAVILLE1898, pl. LIX-LX. LACAU, CHEVRIER, et alii, 1977, p. 62-64, II, 1979, pl. 2-3 ; BURGOS, LARCHE, 2006, p. 153, bloc 154, p. 154, bloc 178. Temple de Louqsor, salle XIII, mur sud : LD III, 75c ; CAMPBELL, 1912, p. 60-61, pl. face p. 60 ; GAYET, 1894, pl. 75, fig. 184 ; MORET, Photos 946-947. Par exemple au Spéos Artemidos : FAIRMANN, GRDSELOFF, JEA 33, 1947, p. 13 ; et dans le temple de Louqsor, salle XI, mur sud, moitié est, 1er reg. : PM II, p. 324 (141) III,1 ; MORET, Photos, 459-460 ; moitié ouest, 1er reg. : PM II, p. 324 (142) ; MORET, Photos, 487-488. Décret figurant sur les stèles de Kouban (Berlin 13725) et de Bouhen (Caire CG 34006), KLUG, 2002, p. 65-70. GABOLDE (L.), 2005, bloc MPA 344 LG r°, couv., p. 133-135., 123/2, pl. XLIa-XLI*a. 154 FL. MARUEJOL Hommages P. Barguet bras et pose une main sur une de ses épaules 22. Après s’être proclamée pharaon en l’an 7 de Thoutmosis III, Hatchepsout s’appuie sur le rituel du couronnement pour justifier sa présence sur un trône déjà occupé 23. Désireuse d’adapter l’idéologie pharaonique à la cohabitation pour le moins inhabituelle de deux pharaons 24, la corégente s’empare des mythes et des rituels qui consacrent le roi et leur donne une nouvelle dimension. Avec le mythe de la naissance, qui occupe le registre inférieur du portique nord de la terrasse intermédiaire de son temple de Deir al-Bahari, elle se présente comme la fille qu’Amon-Rê, travesti en Thoutmosis Ier, a procréée avec la reine Ahmès dans l’unique but de lui confier la fonction royale. Le rituel du couronnement, qui couvre le registre supérieur du même portique, fait suite au récit de la naissance 25. Naissance et couronnement s’intègrent au programme décoratif de l’ensemble du temple. Ainsi, ce n’est pas par hasard que l’expédition de Pount, qui revient avec de l’encens de la Terre du dieu, précède la naissance et le couronnement sur le portique sud de la terrasse intermédiaire du temple. Peu importe la chronologie des événements, au retour de ses envoyés, la reine s’enduit le corps de la précieuse substance au pouvoir divinisateur 26. Le rituel du couronnement, figuré sur la terrasse intermédiaire, a malheureusement beaucoup souffert des martelages ordonnés contre la reine par Thoutmosis III et contre les dieux – à l’exception du dieu solaire – par Aménophis IV/Akhénaton. Ces destructions ont laissé une lacune longue de huit ou neuf mètres où les agents de Séthi Ier n’ont pu restaurer les divinités comme ils l’ont fait ailleurs. Atypique par rapport à l’ensemble de la documentation de la XVIIIe dynastie, le rituel comporte ici des scènes qui se réclament de la plus lointaine antiquité et qui ne sont reproduites nulle part ailleurs. Cet archaïsme, manifeste aussi dans les textes qui commentent longuement certaines scènes, est volontaire. Le rituel, qui compte encore dix-sept scènes identifiables 27, s’ouvre par la purification d’Hatchepsout par Amon et Rê-Horakhty (sc. 1). Amon présente ensuite sa fille, sous la forme d’un enfant debout sur ses genoux, aux dieux de la Haute et de la Basse-Égypte répartis en deux groupes de trois dieux (sc. 2). Incarnation de l’ensemble du panthéon, ils reconnaissent en Hatchepsout la fille d’Amon et le futur pharaon. Le rituel fait ensuite sa première incursion dans le monde réel en insérant la visite de Thoutmosis Ier et d’Hatchepsout aux dieux de la BasseÉgypte (sc. 3). La reine marche en tête suivie de la déesse Hathor, de Khnoum et d’une autre divinité, sans doute Ouadjet. Elle fait face à un dieu qui ne peut être qu’Amon martelé, suivi d’Atoum et d’un dieu coiffé d’un disque solaire qui est probablement Montou. Les légendes mentionnant les divinités qui escortaient le roi et sa fille, permettent d’identifier les dieux éradiqués. Le long texte qui commente le voyage indique qu’il a Thèbes pour point de départ et qu’il a eu lieu plus d’une fois. Il signale que tous les dieux du pays se portent à la rencontre de Thoutmosis Ier et de sa fille dont la nature divine est rappelée avec insistance. Reconnaissant la jeune femme comme l’héritière du trône, ils lui confèrent les dons habituels de vie, de santé ainsi que le pouvoir sur tout le pays. La visite de la Basse-Égypte, même fictive, rappelle que Thèbes reste encore la capitale politique du pays qui ne sera transférée à Memphis que sous le règne autonome de Thoutmosis III. La récente réunification du pays sous le règne d’Ahmosis, le !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! 22 23 24 25 26 27 Il s’agit de la salle SK6 dont la paroi nord est décorée de rites de la fête Sed, BARGUET, 1962, p. 190, photo dans l’éd. Electronique ; GABOLDE (L.), 2005, p. 134, 201 photo 18. MARUEJOL, 2014, p. 38-49. L’idée de la corégence est désormais largement battue en brèche. Ainsi OBSOMER, 1995, p. 35-145 a démontré que les corégences entre Amenemhat Ier et Sésostris Ier et Sésostris Ier et Amenemhat II n’ont pas eu lieu. La corégence d’Hatchepsout et de Thoutmosis III dont l’existence est incontestable, et qui est peut-être la seule de toute l’histoire pharaonique, a été niée, après la mort de la reine, par le corégent. Thoutmosis III a fait effacer les images et les noms d’Hatchepsout pharaon de manière souvent radicale, mais il a épargné la parente en ne touchant pas à sa tombe et à sa renaissance : MARUEJOL, 2008a, p. 287-295. Thoutmosis III rétablit l’idéologie pharaonique qui considère la fonction royale comme une et indivisible. NAVILLE, 1897, pl. XLVI-LV. BARBOTIN, 2004, p. 9-14. NAVILLE, 1898, pl. LVI-LXIV. Kyphi 7, 2015 LES REPRESENTATIONS DU RITUEL DU COURONNEMENT 155 fondateur de la XVIIIe dynastie, nécessite sans doute encore des efforts de la part de la royauté pour imposer pleinement son autorité au nord du pays. Après le voyage s’ouvre la longue lacune. Le premier personnage conservé après cet intervalle est la déesse Séchat 28 qui, d’après une colonne de texte, fixe les années d’éternité. Devant elle, les bribes de texte 29 et les faibles traces des scènes très détruites, révèlent la présence des deux maîtres, Horus et Seth, à qui Nekhbet et Ouadjet apportent les deux couronnes à placer sur la tête d’Hatchepsout, de l’Ennéade ainsi que de deux dieux assis l’un au-dessus de l’autre face à un personnage, debout, sans signe distinctif (sc. 4). Il est aussi fait mention de la rédaction du nom des Deux Maîtresses, Ouadjet-renpout. Il y avait là, semble-t-il, une première imposition de la couronne blanche et de la couronne rouge et le début de l’élaboration de la titulature royale. Deux divinités, l’une tenant la palme des années, l’autre le sceptre ouas, se dirigent ensuite vers Horus et Seth qui accomplissent l’imposition des deux couronnes du Sud et du Nord (sc. 5). Ensuite prend place le rite du séma-taouy qui se déroule devant l’Ennéade représentée par trois rangées de deux dieux (sc. 6). Puis Thot et Séchat, assis l’un au-dessus de l’autre, achèvent la rédaction de la titulature de la reine (sc. 7) 30. La déesse écrit sur un rouleau de papyrus le nom d’Horus d’or, Netjeryt-khaou, tandis que Thot consigne le nom de roi de Haute et Basse-Égypte, Maâtkarê. Cette séquence forme le prélude à une double série de scènes qui forme le point culminant du rituel : l’une a pour cadre la sphère divine, l’autre le monde terrestre. Amon-Rê et Hatchepsout puis Thoutmosis Ier et la reine sont tournés vers la droite et non vers la gauche, le sens du rituel. C’est une manière de marquer une rupture avec les rites qui précèdent et ceux qui suivent. Amon-Rê procède à l’intronisation d’Hatchepsout en présence du dieu Iounmoutef, régulièrement acteur du rite, et des génies tutélaires (sc. 8) 31. La reine, debout face à Amon-Rê assis, est coiffée de la double couronne. Les Âmes de Pe et de Nekhen font le geste de l’acclamation. Thot et Séchat interviennent à nouveau pour consigner l’événement par écrit et rappeler à Hatchepsout que le dieu Amon-Rê a placé (smn) les couronnes sur sa tête (sc. 9) 32. En parallèle, Thoutmosis Ier effectue la transmission de sa fonction au cours d’une session royale (sc. 10) 33. Hatchepsout est coiffée de la couronne bleue. Le père et la fille font face aux grands du royaume qui se répartissent en trois rangées et qui répondent aux Âmes de Pe et de Nekhen de la scène précédente. Un texte de 37 lignes, en écriture rétrograde, rapporte la séance. Thoutmosis Ier annonce qu’il a pris la décision de léguer son trône à sa fille. Les grands approuvent son choix et adressent à la reine force louanges. Pour conclure, le roi fait rédiger la titulature d’Hatchepsout par des prêtres-lecteurs. Le texte concernant la rédaction de la titulature d’Amenemhat III, gravé sur des blocs conservés au musée de Berlin 34, a longtemps été considéré comme la source à laquelle Hatchepsout avait puisé le récit de l’investiture par son père, à Deir el-Bahari. Or, Matthias MÜLLER vient de démontrer que ce n’était pas le cas et que le texte de la reine remontait bien au début de la XVIIIe dynastie 35. Le rituel reprend avec une nouvelle séquence de scènes. Le Iounmoutef, sous l’aspect d’un dieu chargé de la purification du per our, conduit la reine vers ce lieu qui n’est autre que le sanctuaire archaïque de la Haute-Égypte, pour y être purifiée (sc. 11) 36. Le texte mentionne la date idéale du couronnement, de l’Union des Deux-Terres, de la Course autour du mur et de la !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! 28 29 30 31 32 33 34 35 36 La publication de NAVILLE, 1898, ne reproduit pas les vestiges des scènes qui se trouvent dans la grande lacune. Elle s’interrompt après Atoum, pl. LVIII et ne reprend qu’avec la deuxième intervention de Séchat, pl. LIX. Urk. IV, 250, 10-252,7. C’est là que reprend la publication de NAVILLE, 1898, pl. LIX. NAVILLE, ibid., pl. LIX-LX ; KARKOWSKI, 2001a, p. 90-93. Sur le dieu Iounmoutef, voir désormais l’étude de Ute RUMMEL, 2010. NAVILLE, 1898, pl. LX. NAVILLE, ibid., pl. LX-LXII ; KARKOWSKI, 2001a, p. 93-95. ROEDER, 1913, p. 138, 15801-15804, p. 268 mis en parallèle avec NAVILLE, 1898, pl. LXI-LXIII. MÜLLER (M.), 2014, p. 187-202, pl. 11-12. NAVILLE, 1898, pl. LXIII ; KARKOWSKI, 2001a, p. 95-97. 156 FL. MARUEJOL Hommages P. Barguet fête du diadème célébrés le premier mois de la saison akhet, le jour du Nouvel An. La purification est réalisée ensuite par le dieu Ha, (sc. 12) 37. Une fois le rite accompli, le dieu Horus conduit la reine à nouveau vers le per our. Cette montée royale (sc. 13) 38 aboutit au sanctuaire où Horus et Seth effectuent l’imposition de la couronne blanche (sc. 14) 39 (fig. 3). La reine, qui apparaît debout hors du per our et coiffée de la couronne blanche qu’elle vient de recevoir, se soumet aux rites de l’Union des Deux-Terres, de la Course autour du mur et du rite d’ « Entourer à partir du côté Est » qui sont mentionnés par les textes sans être figurés (sc. 15) 40. L’imposition des couronnes est renouvelée également à l’intérieur du per neser, l’antique sanctuaire de la Basse-Égypte, pour la remise de la couronne rouge du Nord (sc. 16) 41. La reine quitte le pavillon pour pénétrer dans la cour de la fête du diadème (sc. 17) 42. Elle a revêtu le manteau caractéristique de la fête Sed, au cours de laquelle a lieu le renouvellement du pouvoir royal. Dans les deux scènes d’imposition des couronnes, Horus et Seth formulent le même souhait que Montou imposant la couronne à Montouhotep III Seankhkarê, sur le bloc du temple de Tôd : sšm=k ʿnḫ.wnbw mỉ Rʿ ḏ.t « Puisses-tu guider tous les vivants comme Rê à jamais ! » 43. L’imposition des couronnes dans le per our et le per neser, la rédaction de la titulature, les mentions des rites ancestraux comme la fête du diadème ou la course autour du mur et les tournures archaïques ancrent la cérémonie dans la plus ancienne tradition. Contrairement aux autres représentations du couronnement à la XVIIIe dynastie, ce n’est pas l’intronisation effectuée par Amon-Rê qui conclut ici le rituel, mais l’imposition des couronnes par les dieux tutélaires, attestée depuis le roi Ounas. Sur le mur sud du vestibule de la chapelle d’Hathor, érigée à l’extrémité du portique sud de la deuxième terrasse du temple de Deir al-Bahari, Hatchepsout était intronisée par Amon et Ouret-hékaou, en présence de la grande Ennéade de Karnak composée de quinze divinités 44. La scène remaniée montre aujourd’hui Ouret-hékaou, directement face à Amon à qui elle tend le collier-menat qui entoure son cou. La reine, qui était debout entre les deux divinités et face à Amon, a presque complètement disparu. Le texte qui n’a pas été récrit, à l’exception des cartouches attribués à Thoutmosis II et des noms restaurés des divinités, ne laisse aucun doute sur la nature du relief d’origine. Ouret-hékaou posait sa main sur la couronne de la reine tout en affirmant : wnn(=ỉ) ḥm ḫʿ=k(w) m ḥȝ.t=t mỉ wḏt~n ỉt=ṯ Ỉmn « Oui, j’apparaîtrai à ton front comme l’a ordonné ton père Amon ». Quant à Amon, il déclare : smn(=ỉ) ḫʿ(w)=s m n(y)-sw.t bỉty ḥr ns.wt nt(y.w) ʿb ʿnḫ.w m ny-sw.t Šmʿw Mḥw « J’établis sa couronne en tant que roi de Haute et Basse-Égypte sur les trônes de l’assemblée des vivants comme royauté du pays du Sud et du pays du Nord ». L’uræus, incarnation de la fille et de l’œil brûlant de Rê, qui vient se placer sur la tête du roi lors de la remise des couronnes, prend l’aspect d’Ouret-hékaou, c’est-àdire la Grande de Magie. C’est pourquoi elle est la déesse qui est le plus souvent préposée à l’intronisation avec Amon-Rê 45. Le rituel du couronnement accompagne la montée de la reine vers la cour de fêtes, sur la troisième terrasse, point d’arrivée de la procession de la Belle fête de la Vallée, et vers les sanctuaires de la barque et d’Amon, situés dans l’axe central du temple. Comme la fête d’Opet célébrée dans le sanctuaire de Louqsor, la Belle fête de la Vallée, qui a pour théâtre les Châteaux de millions d’années de la rive gauche de Thèbes, vise à renouveler la fonction royale !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! 37 38 39 40 41 42 43 44 45 NAVILLE, ibid. NAVILLE, ibid. NAVILLE, 1898, pl. LXIV. NAVILLE, ibid. NAVILLE, ibid. NAVILLE, ibid. BISSON DE LA ROQUE, 1937, p. 80 ; NAVILLE, 1898, pl. LXIV. NAVILLE, ibid. IV, pl. CI ; BEAUX, 2012, 1, p. 29-37 ; 2, pl. 7, 8a-8b. Ainsi sur les sept scènes d’intronisation conservées au 7e registre de la chapelle rouge, qui font intervenir une déesse, Ouret-hékaou est la seule à être présente plus d’une fois. Elle répète le geste à trois reprises. En outre, elle ouvre et elle ferme la séquence des scènes d’intronisation, sur les faces est et ouest du monument. Voir ci-dessous p. 14. Kyphi 7, 2015 LES REPRESENTATIONS DU RITUEL DU COURONNEMENT 157 et la divinité du pharaon et à régénérer en même temps les capacités créatrices du dieu Amon. Le portique de la troisième terrasse portait un texte de 110 lignes qui commençait du côté nord et dont la partie supérieure a disparu. Thoutmosis III a fait graver par dessus un texte relatant le couronnement de Thoutmosis Ier qui rend sa lecture difficile 46 (fig. 4). Il s’agit d’une version de l’inscription qui occupe le deuxième registre de la chapelle rouge d’Hatchepsout à Karnak. Malheureusement, là aussi l’inscription est incomplète à cause des blocs manquants. Elle évoque des processions au cours desquelles le dieu Amon fait des signes prodigieux en faveur d’Hatchepsout, rapporte des proclamations d’Amon et des discours de la reine de même qu’elle annonce l’intronisation de la souveraine et la rédaction de sa titulature 47. Les scènes figurées qui complètent le texte font écho au rituel représenté sur le portique nord de la deuxième terrasse 48. Du côté nord du portique, la reine rend visite au sanctuaire de la BasseÉgypte où siège Amon-Rê en compagnie d’autres dieux et dans lequel Ouret-hékaou l’introduit. Du côté sud du portique, Hatchepsout visite le sanctuaire de la Haute-Égypte avant d’être intronisée par Amon-Rê 49. Le portique donne accès à la cour des fêtes qui accueillait, lors de la Belle fête de la Vallée, la barque d’Amon partie de Karnak et son escorte de statues royales figurée sur le mur nord. Un peu plus loin, sur la même paroi, au-dessus de la porte donnant accès à la chapelle nord d’Amon, figure une scène d’intronisation (fig. 5). Le souverain non martelé, mais dont manque la partie supérieure, est Thoutmosis III. L’intronisation, effectuée par Geb, se déroule en présence du Iounmoutef et des Âmes de Pe et de Nekhen qui font l’acclamation tout en écoutant le discours de Thot. Au sud de la troisième terrasse, les salles consacrées au culte royal conservent aussi, semble-t-il, un témoignage du couronnement. Sur un assemblage de blocs attribués au vestibule précédant le sanctuaire d’Hatchepsout et celui de son père Thoutmosis Ier, on peut lire Ḥr Stḫ smn=sn sḫm.ty m tp=ṯ « Horus et Seth, ils fixent la double couronne sur ta tête » 50. Le texte désigne l’imposition des couronnes par Horus et Seth telle qu’elle est représentée au portique nord de la deuxième terrasse. Le Metropolitan Museum of Art à New York conserve un bloc qui provient du complexe d’Hatchepsout à Deir el-Bahari et qui illustre l’intronisation de la souveraine par Atoum 51. Sur la rive est de Thèbes, le programme d’Hatchepsout dans le temple de Karnak répond à celui de Deir el-Bahari. Au cœur d’Ipet-Sout, le sanctuaire de barque en quartzite, ou chapelle rouge, comporte non seulement la longue inscription du couronnement du deuxième registre, mais aussi des scènes du rituel du couronnement au 7e registre 52. Il est présenté cette fois sous une forme plus « normalisée » qu’à Deir el-Bahari, se rapprochant de la séquence retenue par Thoutmosis III sur son sanctuaire de barque, à savoir : la purification, l’imposition des couronnes, la montée royale du souverain accueilli par Thot, l’intronisation par Amon et l’allaitement par Amonet du roi enfant. Sur la chapelle rouge, le rituel débute par une scène perdue, qui était peut-être la purification. La première scène conservée est la montée royale. Amon-Rê et Atoum conduisent la reine vers le per our et le per neser, « le jour de la fête [du diadème] et de l’Union des DeuxTerres », comme à Deir el-Bahari. Mais là, Amon-Rê s’arroge le rôle d’Horus et Seth tandis que l’imposition des couronnes cède la place à l’intronisation. Amon-Rê répète ce rite autant de fois !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! 46 47 48 49 50 51 52 MÜLLER (M.), 2005, p. 197-211. LACAU, CHEVRIER et alii, 1977, p. 92-153 ; BURGOS, LARCHE, 2006, p. 153-154, pl. 30-42. KARKOWSKI, 2001b, p. 122. KARKOWSKI, ibid., p. 122-123. BIALOSTOCKA, 2010, p. 18. Le fragment (inv. 36.3.271) a été découvert dans l’Assassif : Catalogue d’exposition, Hatshepsut from Queen to Pharaoh, 2005, notice 81, p. 153. Pour l’ensemble des scènes du 7e registre, LACAU, CHEVRIER et alii, 1977, p. 234-256 ; BURGOS, LARCHE, 2006, pl. 75, 78-84, pl. 124-127, 138-141, 153 bl. 154, pl. 154. 158 FL. MARUEJOL Hommages P. Barguet qu’il y a de couronnes, autrement dit à dix reprises si l’on en croit Aménophis II qui énumère, sur une stèle de Giza, les couvre-chefs reçus lors du couronnement 53. Aujourd’hui, les blocs de la chapelle rouge conservent sept des couronnes posées par Amon avec l’assistance de différentes déesses. On reconnaît le némès (posé par Ouret-hékaou, fig. 6), la couronne bleue ou kheprech à deux reprises (fixée une fois par Amonet, une fois par Ouret-hékaou), l’ibès (installée par Mout), la couronne rouge (associée à Ouadjet), la couronne atef (confiée à Hathor de Thèbes), la hénou (placée par Hathor de Dendérah), la couronne composite rassemblant le némès et l’atef (posée à nouveau par Ouret-hékaou). Il manque donc la couronne blanche, le pschent et le diadème-seched. Sur les petits côtés du 7e registre, les Âmes de Pe et de Nekhen font l’acclamation devant le Iounmoutef. Thoutmosis III qui achève le décor de la chapelle fait représenter son propre couronnement au 8e registre. Il se limite à la montée royale entre Atoum et Montou et à l’intronisation avec la kheprech par Amon-Rê et Ouret-hékaou. Sur les quatre faces du pyramidion de ses quatre obélisques, ceux de l’Est et ceux du Ve pylône, Hatchepsout, agenouillée dos au dieu et coiffée de la couronne kheprech, était intronisée par Amon-Rê. Érigés à grand-peine dans la salle hypostyle comprise entre les IVe et Ve pylônes de son père Thoutmosis Ier, les obélisques sont au cœur de l’idéologie élaborée par Hatchepsout et concrétisée dans la pierre 54. Sur les pyramidions des obélisques de l’Est, deux guéridons garnis de lotus sont venus remplacer l’image d’Hatchepsout intronisée par le dieu 55 (fig. 7). Au VIIIe pylône de Karnak, également érigé par la reine, les scènes de couronnement ont été modifiées par Thoutmosis III qui a remplacé sa tante par Thoutmosis II, puis martelées par Akhénaton qui a éliminé les dieux. Elles ont finalement été restaurées par Séthi Ier qui les récupérées à son profit. La séquence s’ouvrait par la montée royale de la reine prise par la main par Montou, se poursuivait par l’inscription des années et des annales par Thot (fig. 8) et s’achevait avec l’intronisation par Amon-Rê et Ouret-hékaou (fig. 9). Alors que la reine était agenouillée devant Amon, Séthi Ier est debout face au dieu. Khonsou, absent du rituel sous la XVIIIe dynastie, a été ajouté par Séthi Ier derrière Amon. Hatchepsout fait reproduire le couronnement au spéos Artémidos, au débouché d’un ouadi proche de la nécropole de Béni Hassan. Thot s’adresse à la grande « Ennéade » — la « Corporation Divine » de Karnak comme le formulait P. Barguet —, composée ici de douze dieux (fig. 10), qui assiste à l’intronisation par Amon-Rê et Ouret-hékaou-Pakhet (fig. 11). Là aussi, Séthi Ier a rétabli et transformé le décor 56. Au Sud, en Nubie, dans le temple de Bouhen, un dieu, impossible désormais à identifier, intronise Hatchepsout en présence du Iounmoutef et des Âmes de Pe et de Nekhen 57. Enfin, le décor de la tombe d’Imenhotep (TT 73), intendant de la reine et successeur de Senenmout à cette fonction, reproduit des statues figurant le couronnement royal 58. L’une d’elles montre Hatchepsout intronisée par Amon et Ouret-hékaou, une deuxième la même cérémonie à laquelle se joint Thot et une troisième qui montrait Hatchepsout agenouillée, intronisée par Amon-Rê auquel elle tourne le dos et par Atoum. Avec le cycle de la naissance et le rituel du couronnement, Hatchepsout élabore une nouvelle conception de la royauté qui dépasse la question de la légitimité. À la fin de la XVIIIe dynastie, Aménophis III est, après Hatchepsout, le pharaon qui recourt le plus au rituel du couronnement et qui adopte aussi le mythe de la naissance divine. Le souverain qui n’a nul !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! 53 54 55 56 57 58 ZIVIE-COCHE, 1976, p. 66, 70, l. 6-7 ; KLUG, 2002, p. 226. MARUEJOL, 2008b, p. 187-191. 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Geb intronisant Thoutmosis III en présence du Iounmoutef et des Âmes de Pe et de Nekhen, temple d’Hatchepsout à Deir el-Bahari, cour de la troisième terrasse, mur nord. Fig. 6. Hatchepsout intronisée par Amon-Rê et Ouret-hékaou en présence du Iounmoutef et des Âmes de Pe et de Nekhen, chapelle rouge, façade est, moitié nord. Kyphi 7, 2015 LES REPRESENTATIONS DU RITUEL DU COURONNEMENT Fig. 7. Guéridons remplaçant Hatchepsout sur le pyramidion de l’obélisque sud jadis dressé à l’est du temple d’Amon à Karnak, aujourd’hui au pied de la façade du musée du Caire. 165 166 FL. MARUEJOL Hommages P. Barguet ! Fig. 8. Montée royale d’Hatchepsout remplacé par Séthi Ier, Karnak, VIIIe pylône, face sud, moitié est. Fig. 9. Thot inscrit les années de la reine devant Ouret-hékaou et Amon-Rê qui intronisaient Hatchepsout, remplacé par Séthi Ier, Karnak, VIIIe pylône, face sud, moitié est. Kyphi 7, 2015 LES REPRESENTATIONS DU RITUEL DU COURONNEMENT 167 Fig. 10. Spéos Artémidos. Thot s’adresse à la grande « Ennéade » qui assiste à l’intronisation par Amon-Rê et Ouret-hékaou-Pakhet. Séthi Ier a rétabli et transformé le décor. Fig. 11. Spéos Artémidos. Thot s’adresse à la grande « Ennéade » qui assiste à l’intronisation par Amon-Rê et Ouret-hékaou-Pakhet. Séthi Ier a rétabli et transformé le décor.