ZÄS 139 (2012)
S. Bis ton- Mouli n: La transformation des épithètes nfr Xpr(.w)
19
SEBASTIEN BISTON-MOULIN
Remarques sur la transformation des épithètes nfr Xpr(.w) dans les
*
cartouches du nom de naissance de Thoutmosis III
Hierzu Tafel I–VI
En raison du critère de datation qu’elles constituent, les variantes de titulature de Thoutmosis III font depuis longtemps l’objet de discussions quant à leurs périodes d’utilisation. Ces
variantes, qui affectent l’ensemble de la titulature
du roi, prennent la forme d’épithètes dans le
cartouche contenant son nom de naissance. La
plus anciennement attestée, et de loin la plus
répandue de ces épithètes, est nfr Xpr qui connaît
1
une graphie nfr Xpr.w . Si elle semble être la seule
en usage durant la régence et la corégence avec
2
la reine Hatchepsout , son utilisation se poursuit
*
CNRS, USR 3172 – CFEETK. Il m’est agréable de
remercier MM. Mansour Boraik et Christophe Thiers,
co-directeurs du Centre Franco-Égyptien d’Étude des
Temples de Karnak (Ministère d’État des Antiquités de
l’Égypte/USR 3172 du Cnrs), ainsi que M. Ibrahim
Soliman, directeur du site de Karnak, pour les facilités
de travail qu’ils m’ont accordées. Ma reconnaissance va
également à Luc Gabolde, Bernard Mathieu et Marc
Gabolde pour les nombreuses discussions que nous
avons eues concernant ce problème et leur relecture
attentive de cet article. Pour la nomenclature des monuments de Karnak en usage au Cfeetk, on se reportera
à M. Az im, Karnak et sa topographie, Paris, 1998.
1
GLdR II, p. 253– 270; J. von Be ck er a th, Handbuch der ägyptischen Köngisnamen, MÄS 49, 1999,
E6° et E7 p. 139. S’il ne s’agit pas uniquement de
graphies différentes, la distinction sémantique entre
nfr Xpr et nfr Xpr.w ne semble pas pouvoir être établie
(R.O. Cami nos, The New Kingdom Temples of Buhen, ASE 33, 1974, p. 15; D. Labo ur y, La statuaire de
Thoutmosis III, AegLoed 5, 1997, p. 66).
2
Deux attestations de nfr Xpr.w sont présentes dans
le Netjery-Menou à Karnak: L. G abold e, Monuments
décorés en bas relief aux noms de Thoutmosis II et
Hatchepsout à Karnak, MIFAO 123, 2005, p. 87,
pl. XXVIII–XXVIII* et p. 90, pl. XXXI– XXXI*. Sur
la régence, voir désormais P. F. Dor man, «The Early
Reign of Thutmose III: An Unorthodox Mantle of
Coregency», dans E. H. Cline, D. O’Connor (éd.),
jusqu’à la fin du règne autonome de Thoutmosis III en parallèle avec une série d’épithètes
nouvelles apparues après la disparition de la
3
reine .
En dehors de ces variations, un second phénomène affecte le nom de fils de Rê de Thoutmosis III, les épithètes nfr Xpr(.w) présentent
fréquemment des traces d’altérations, voire des
4
martelages . Ces transformations non systémati-
Thutmose III, A New Biography, 2005, p. 39 – 68;
L. Ga bold e, op. cit., p. 164 – 170.
3
GLdR II, loc. cit.; D. Labour y, op. cit., p. 67;
J. v on Beck er ath, op. cit., p. 139, E8 – E13. La liste
n’est pas exhaustive, un catalogue de ces variantes fait
toujours défaut. Pour les attestations originales de
sm# Xpr.w, voir infra. Pour les attestations originales de
l’épithète Hq# m#o(.t), on se reportera à S. BistonMouli n, «L’épithète Hq# m#o(.t) et l’activité architecturale du début du règne autonome de Thoutmosis III»,
dans A. Gass e, Fr. Ser v a jean, Chr. Thier s (éds.), Et
in Ægypto et ad Ægyptum, Recueil d’études dédiées à
Jean-Claude Grenier, CENiM 5, 2012, p. 81–102, à
paraître.
4
Le phénomène a déjà été signalé: P. Bar gu et,
«Tôd: Rapport de fouilles de la saison février-avril
1950», BIFAO 51, 1952, p. 92 et pl. V; A. Varille,
«Description sommaire du sanctuaire oriental d’AmonRê à Karnak», ASAE 50, 1950, p. 148, n. 2; P. Bar guet, Le temple d’Amon-Rê à Karnak. Essai d’exégèse,
RAPH 21, 1962, p. 101, n. 3; R. O. Cam inos, op. cit.,
p. 15 –16 et n. 5; J. Wier c insk a, «La titulature royale
au temple de Thotmès III à Deir el Bahari», Rocznick
Muzeum narodowego w Warszawie, 30, 1986, p. 389;
L. Ga bold e, «La chronologie du règne de Thoutmosis II, ses conséquences sur la datation des momies
royales et leurs répercussions sur l’histoire du développement de la Vallée du Rois», SAK 14, 1987, p. 68
n. 60; D. La bour y , op. cit, p. 66 n. 344; J.-Fr. Pecoi l,
L’Akh-menou de Thoutmosis III à Karnak, 2000, p. 9 –
20; E. Ar na ud iès-Mon téli mar d , «L’arche en granit
de Thoutmosis III et l’avant-porte du VIe pylône»,
Karnak 12/1, 2007, p. 149– 150, en part. p. 149 n. 337;
20
S. Bis ton- Mouli n: La transformation des épithètes nfr Xpr(.w)
ZÄS 139 (2012)
ques se font principalement au profit des formes
o# Xpr(.w) et sm# Xpr(.w). Des cas beaucoup plus
limités de transformations matérialisées par une
gravure en creux sur l’élément nfr ou sur les
deux éléments au profit de Hq# m#o(.t) ou d’autres
épithètes peu ou pas attestées dans des cartouches non modifiés sont connus. Le faible nombre d’attestations de ces transformations interdit
toute généralisation, et si elles participent vraisemblablement du même phénomène, elles
semblent néanmoins répondre à des critères
différents de ceux que nous allons décrire; elles
seront donc abordées séparément.
La transformation de la barre transversale du
signe nfr en creux pour un sm# (Tf. I, fig. 1a) ne
nécessite en effet que l’élargissement de la partie
supérieure et un léger évasement du corps du
signe nfr, alors que la transformation d’un nfr en
relief pour un sm# demanderait une regravure
7
complète du signe (Tf. I, fig. 2b) . De même, la
transformation d’un signe nfr en relief pour un o#
(Tf. I, fig. 1b) ne nécessite qu’un léger lissage de
la partie supérieure et un évidemment du corps
du signe alors que la transformation d’un nfr en
relief demanderait également une regravure
8
complète (Tf. I, fig. 2a) .
Nature de la transformation de
nfr en sm# et o#
21], inédit, Cfeetk 129226 et 129234); Akh-menou,
Heret-ib, J.-Fr. Peco il, op. cit., pl. 23, 2.e, nord, pl. 27,
3.e, nord, pl. 31, 4.e, nord, pl. 34, 5.o, est, pl. 40, 6.e, est,
pl. 42, 7.o, est, pl. 48, 9.o, est, pl. 51, 10.o, nord, pl. 57,
11.e, sud-nord, pl. 62, 12.e, ouest, pl. 63, 13.o, nord,
pl. 65, 13.e, sud, pl. 69, 14.e, nord, pl. 77, 16.e, sud et
nord, pl. 89, ab 10.o, pl. 90, ab 4.e, pl. 91, ab 13.e,
pl. 102, ah 23.o, pl. 103, ah 2.e, pl. 106, ah 7.e, pl. 108,
ah 23.e; Magasins sud de l’Akh-menou, MS.11, jambages extérieurs du MS.1 (PM II2, p. 114, [357 a– b]), partie est du linteau extérieur du MS.2 (PM II2, p. 114 [358]),
jambages extérieurs du MS.3 (PM II2, p. 114 [359a– b]),
linteau extérieur MS.6 (PM II2, p. 115 [363]); Cour nord
du VIe pylône, chapelle CR6.n.1, jambages, CR6.n.2,
jambage est, CR6.n.3, jambage ouest (PM II2, p. 93
[chapel 1 – 4), CR6.n.Pt.e, jambage sud, PM II2, p. 93
(chapel 5). Le bloc qui masquait le texte est aujourd’hui
posé sur le mur extérieur ouest des salles nord du Palais
de Maât. Cour sud du VIe pylône, chapelle CR6.s.1,
jambage ouest, chapelle CR6.s.2, jambage est, chapelle
CR6.s.3, jambages, CR6.s.4, jambages et linteau,
CR6.s.5, jambages, (PM II2, p. 96 [chapel 9 – 13]).
7
Deux exemples de ce type de transformation sont
présents dans l’Akh-menou, sanctuaire caché d’Amon,
linteau de la quatrième niche nord ouest (JB.2.ni4.o;
PM II2, p. 122). Les niches de ce sanctuaire ont subi un
réaménagement postérieur au règne de Thoutmosis III,
bien qu’il n’existe pas d’éléments épigraphiques spécifiques (en dehors de la transformation du cartouche), la
technique d’exécution invite à dater ce réaménagement
de l’époque ramesside (N. Beaux , Le cabinet de curiosités de Thoutmosis III, OLA 36, 1990, p. 22 – 27, en
part. p. 26, fig. 7C, 9 [transformation non signalée sur le
fac-similé]; id ., «L’architecture des niches du sanctuaire
d’Amon dans le temple de l’Akh-menou à Karnak»,
Karnak 9, 1993, p. 101– 108; J.-Fr. Car lotti, L’Akhmenou de Thoutmosis à Karnak, Paris, 2001, p. 131–
142 et p. 241). On notera que les épithètes nfr Xpr(.w)
présentes sur les autres linteaux préservés ne montrent
pas de traces d’altération.
8
Un exemple de transformation d’un nfr en creux en
o# est présent sur la porte est de l’encastrement de
l’obélisque d’Hatchepsout dans la Ouadjyt nord, jam-
La plupart des palimpsestes se faisant au profit de sm# Xpr(.w) et o# Xpr(.w), on peut légitimement s’interroger sur les critères qui ont présidé
au choix entre o# et sm#. L’examen de ces transformations permet de constater que les motivations de ce choix semblent répondre à des critères très pragmatiques. De manière quasi systématique, le signe nfr a été transformé en sm#
5
dans les cartouches gravés en creux , alors qu’il a
été transformé en o# dans les cartouches gravés
6
en relief .
The Epigraphic Survey, Medinet Habou IX, The
Eighteenth Dynasty Temple Part 1, The Inner Sanctuaries, OIP 136, 2009, p. xxxiii et p. 21.
5
Temple de Ptah, mur nord de la cour, jambages de
la porte nord (inédit, Cfeetk 129180); colonnes sud et
nord de la cour (PM II2, p. 200, inédit, Cfeetk 129200
et 129202); Akh-menou, J.-Fr. Pecoil, L’Akh-menou
de Thoutmosis III à Karnak, 2000, pl. 16, col. 9, ouest;
pl. 109, ah 14.e; Cour nord du VIe pylône, chapelle
DB1.n.4, jambages et linteau (PM II2, p. 93 [chapel 8]);
Cour sud du VIe pylône, texte de la jeunesse, col. 14
(Urk. IV 161, 12, PM II2, p. 106 [328], sur ce texte voir
infra). Chapelle Rouge, porte C réutilisée comme porte
d’accès aux salles nord du Palais de Maât, linteau (corps
des signes nfr élargi et partie supérieure agrandi, PM II2,
p. 102 [299]; Fr. Bur gos, Fr. Lar ché, La chapelle
Rouge d’Hatshepsout 1, 2006, p. 267 [non signalé sur le
fac-similé]).
6
Temple de Ptah, mur nord de la cour, niche ouest,
jambage ouest (PM II2, p. 199 –200 [15], inédit, Cfeetk
129210), mur sud, niches est et ouest, jambages,
(PM II2, p. 200, inédit, Cfeetk 129218 et 129220), mur
est, niches sud et nord, jambages (PM II2, p. 200 [20 –
ZÄS 139 (2012)
S. Bis ton- Mouli n: La transformation des épithètes nfr Xpr(.w)
On observera également que si des signes Xpr
peuvent exceptionnellement être touchés (Tf. I,
fig. 3c), les signes nfr sont spécifiquement l’objet
des martelages ou des transformations. En dehors de l’épithète nfr Xpr(.w), les signes nfr ne
sont jamais touchés, à une exception près dont il
sera question plus loin. Mise à part l’altération
elle-même, les cartouches transformés ne présentent pas d’autres traces d’interventions.
Ce constat permet d’établir que les transformations ne se sont pas faites au profit de
sm# Xpr(.w) – très peu attesté dans des cartou9
ches non modifiés –, ou de o# Xpr(.w) – jamais
attesté dans des cartouches non modifiés –, mais
afin d’éliminer le groupe nfr Xpr(.w). Les signes
nfr présentant des traces de lissage (Tf. I, fig. 3a)
10
ou de martelage (Tf. I, fig. 3b–c) abondent
également dans ce sens.
bage ouest, face sud (CR4.1.Pt.n; PM II2, p. 207 [c]) et,
avec ajout des trois traits du pluriel, sur la porte sud de
la cour nord du Ve pylône, jambage ouest, face sud
(PM II2, p. 87 [232]; E. Ar naud iès-M ontéli mar d ,
Karnak 12, pl. XXVc) ainsi que sur le jambage en grès
sud, face est, de l’avant porte du VIe pylône (PM II2,
p. 87 [230], E. Arnaudiès-Montélimard, op. cit.,
pl. XVIII, XXVd, et XXVIII). Le cartouche de la porte
du VIIIe pylône, môle est, face nord (PM II2, p. 175
[520]), présente également une transformation d’un nfr
en creux en o#, néanmoins, sur la face sud, le signe nfr,
pour autant qu’on puisse en juger en raison de
l’affaissement de la stèle d’Amenhotep II sur le pylône,
est intact. Il peut sembler étonnant que la transformation ne soit présente qu’au nord, laissant sur la face sud,
entrée méridionale du temple, une épithète nfr Xpr intacte, néanmoins, le cartouche n’était sans doute plus
visible, partiellement caché par le cintre de la stèle
d’Amenhotep II depuis son installation.
9
Pour les attestations originales de l’épithète
sm# Xpr(.w), on citera le montant en granite sud, face est,
de l’avant porte du VIe pylône (PM II2, p. 87 [230];
E. Arnaudiès-Montélimard, op. cit., pl. XIV et
XVIII), l’obélisque du Latran (PM VII, p. 409 [1]), le
mur est de la cour sud du VIe pylône (PM II2, p. 95 –96
[277], Urk. IV 869, 5), la porte A de la Chapelle Rouge
(Fr. Bur gos, Fr. Larché, op. cit., p. 264), les deux jambages de la niche nord du passage du VIIe pylône (PM
II2, p. 498), l’architrave extérieure de la Heret-ib de
l’Akh-menou (J.-Fr. Peco il, L’Akh-menou, pl. 109, ah
14.e).
10
Karnak: AKM.SF.2 (J. Pecoil, Akh-menou, pl. 1),
AKM.SF.9 (PM II2, p. 123, J. Pecoil, op. cit., pl. 115),
SX.2, mur nord et porte sud, jambage est, PM II2,
p. 118 (386), JB1 col.1, PM II2, p. 121, SB.Db.n.Md,
Mur des annales, cartouche de Thoutmosis III dans la
21
La date des transformations
de nfr en sm# et o#
Thoutmosis III est généralement considéré
11
comme l’auteur de ces transformations . Au
cours de son règne autonome, le souverain aurait décidé de faire modifier certains de ses cartouches au profit des épithètes nouvelles apparues après la disparition d’Hatchepsout.
Plusieurs éléments invitent néanmoins à remettre en question cette interprétation. Comme
nous l’avons vu, il s’agit essentiellement de critères pragmatiques qui ont présidé au choix entre
sm# et o#. Ces transformations qui vont jusqu’au
martelage ont donc pour but la proscription de
nfr Xpr(.w) et non l’introduction de nouvelles
représentation de l’obélisque (PM II2, p. 97 [282]), Magasins nord de Thoutmosis III, MN.5, jambage est
(PM II2, p. 125 [449]), MN.6, jambages (PM II2, p. 124
[444]); CAE.na, jambage nord du naos en calcite,
(PM II2, p. 216 [18– 19]), CAE.2, jambage extérieur sud,
(PM II2, p. 217 [20]), colosse ouest de la porte nord du
VIIe pylône, (PM II2, p. 168 A, D. L ab our y, op. cit.,
p. 124– 127, C21), statue provenant de Karnak, aujourd’hui au Musée du Caire (CG 1226, PM II2, p. 281,
D. La bour y , op. cit., p. 220 –221, C64). Médinet Habou: intérieur du sanctuaire, Med. Habu IX, pl. 15 –16,
jambages; pl. 17–18, jambages; pl. 57–58, jambage
ouest, linteau ouest; pl. 82– 82, jambage sud, linteau
sud, extérieur du sanctuaire mur sud du reposoir, scènes
2 et 5 (PM II2, p. 468 [41]), mur nord du reposoir, scènes 3 et 4, (PM II2, p. 468 [42]), face ouest, jambage sud,
PM II2, p. 468 (44), piliers A, face sud, E, face est, F,
face est et M, face sud PM II2, p. 467. Dendera: Le
cartouche du linteau retrouvé près de Dendera réutilisé
en meule présente, après examen de l’original, les traces
d’un signe nfr «effacé» à droite du signe ms légèrement
visible sur la photographie publiée (L. Gabold e, «Un
linteau tentyrite de Thoutmosis III dédié à Amon»,
BIFAO 99, 1999, p. 196). Deir el-Bahari: Temple funéraire de Thoutmosis III, J. Wier cinsk a, op. cit., p. 380
fig. 1, p. 392 fig. 7 et fig. 8. Éléphantine: W. Kaiser et
al., «Stadt und Tempel von Elephantine. Achter Grabungsbericht», MDAIK 36, 1980, pl. 59, scène 50, salle
D. Karnak Nord: Montant de porte généralement attribué à Thoutmosis Ier (PM II2, p. 16 G, M. Azim ,
G. Réveillac, Karnak dans l’objectif de Georges Legrain, 2004, 4 – 13/4), sur la partie supérieure du
cartouche du jambage droit, le signe nfr présente des
traces de piquetage, ce bloc à aujourd’hui disparu, sur
cette porte voir S. Bisto n-Mo ulin, «À propos de la
table d’offrandes de Thoutmosis III Caire JE 88803»,
Karnak 13, 2010, p. 33, n. 26.
11
J. Wier cinsk a, op. cit.; p. 394, L. Gabo ld e,
SAK 14, p. 68 n. 60; D. La bour y , op. cit., p. 66.
S. Bis ton- Mouli n: La transformation des épithètes nfr Xpr(.w)
22
variantes. Dans ce cas, nfr Xpr(.w) aurait également dû cesser d’être utilisé au profit des variantes nouvelles; or, cette épithète est présente sur
des documents datés de l’ensemble du règne de
Thoutmosis III dont ceux de ses dernières dé12
cennies , dans son temple funéraire du Djeser
13
Akhet à Deir el-Bahari et dans son tombeau de
la Vallée des Rois, où l’ensemble des épithètes
présentes dans le cartouche du nom de naissance est du type nfr Xpr.w, sans qu’aucune
14
d’elles ne présente de transformations , sur son
15
sarcophage et jusque sur le linceul consacré par
16
Amenhotep II à son père . Comment imaginer
dès lors, que la nécessité de faire disparaître
nfr Xpr(.w), qui a poussé au martelage, qui bien
que limité au signe nfr, n’en reste pas moins une
atteinte au nom de Thoutmosis III, n’ait pas été
jugée utile dans sa demeure d’éternité?
L’hypothèse d’une transformation contemporaine de Thoutmosis III semble donc difficilement tenable. Mais si nous excluons ce roi, à qui
attribuer les transformations? Plusieurs indices
présents dans le temple d’Amon-Rê à Karnak
permettent de préciser la date de ces altérations.
Deux des chapelles situées au nord du Palais de
Maât ont en effet été transformées en cryptes
avant le règne d’Akhenaton échappant ainsi aux
17
martelages amarniens . Or, les épithètes
12
Par exemple sur la stèle JE 65830 de l’an 47
(A. R ad wan, «Zwei Stelen aus dem 47. Jahre Thutmosis’ III.», MDAIK 37, 1981, p. 405 –406 et pl. 61b), ou
du Gebel Barkal (Urk. IV 1228, 11), également de l’an
47 que sur la stèle d’El-Lessiya (Urk. IV 811, 6) de l’an
51 ou encore dans le temple d’Amada achevé sous le
règne d’Amenhotep II (P. Bar g uet, et al., Le temple
d’Amada, III, CEDAE, 1967, B12, F21, G9, H12, M2,
M3, N6).
13
J. Wier cinsk a, op. cit., p. 394.
14
KV 34; PM I/2, 551 – 553; P. Bucher , Les textes
des tombes de Thoutmosis III et d’Aménophis II,
MIFAO 60, 1932, pl. I, IV, VII, VIII, XI, XII, XVIII,
XXIV.
15 PM I/2, p. 553; W. C. Ha yes, Royal Sarcophagi
of the XVIII Dynasty, 1935, p. 184 – 204 et pl. VIII-XI;
Une variante Hq# m#o(.t), originale, est présente sur le
revers de la cuve du sarcophage.
16
E. Naville, Das Ägyptische Todtenbuch, Einleitung, Berlin, 1886, p. 77 –78; G. Nagel , «Le linceul de
Thoutmès III», ASAE 49, 1949, p. 318– 319.
17
DB1.n.2 –3, PM II2, p. 93 (chapel 6 – 7), J.-Fr.
Car lotti, L. Gab old e, «Les cryptes du temple
d’Amon-Rê à Karnak», CRIPEL 24, 2004, p. 105 – 114.
ZÄS 139 (2012)
nfr Xpr(.w) présentes à l’intérieur de ces deux
chapelles et sur les jambages de la chapelle
orientale (DB1.n.3) – visibles aujourd’hui en
raison de la disparition partielle du mur – sont
intactes, alors que les épithètes présentes sur les
jambages de la chapelle voisine (DB1.n.4) –
accessible durant la période amarnienne – portent des traces de martelage du nom d’Amon et
de transformation des signes nfr en sm# (Tf. II,
Fig. 4).
Les épithètes nfr Xpr intactes sur les parties
murées avant le règne d’Akhenaton, et transformées en sm# Xpr sur les parties présentant des
traces de martelages amarniens permettent
d’établir que la transformation du nom de
Thoutmosis III est postérieure à la transformation de ces chapelles en cryptes.
La porte du chemisage de l’obélisque dans la
Ouadjyt sud (CR4.2.Pt.s), jambage est, face sud
a également été partiellement cachée par un mur
18
avant la période amarnienne . En raison de la
disparition des assises supérieures de ce mur, le
cartouche du nom de naissance de Thoutmosis III, resté intact, est visible (Tf. II, Fig. 5a–b).
Les cartouches de la Chapelle de calcite de
Thoutmosis III, démontée sous le règne
d’Amenhotep III puisqu’en grande partie entre19
posée dans le IIIe pylône , tout comme les cartouches du type nfr Xpr présents sur la Chapelle
20
Rouge , n’ont pas été concernés par ces transformations. Le linteau de la porte C de la Chapelle Rouge, réutilisée pour l’entrée des Salles
nord du Palais de Maât, présente des traces
d’altérations de nfr en sm# (élargissement du
corps du signe et agrandissement de la partie
21
supérieure du nfr) . Le montant intérieur ouest,
PM II2, p. 81 (208); les noms d’Amon masqués par
ce mur n’ont pas subi d’altération, alors que ceux qui
étaient accessibles ont été systématiquement martelés.
19
Si les blocs de cette chapelle accessibles durant la
période amarnienne ont bien fait l’objet des mesures
iconoclastes, ils ne présentent pas de traces d’altérations
des épithètes de Thoutmosis III (E. Arnaud i èsMont élima r d , «Un reposoir de barque en calcite
édifié par Thoutmosis III dans le temple d’Amon-Rê à
Karnak», Karnak 11, 2003, pl. III, V et XIIa).
20
Blocs 169b, 233, 308, 239, 238, 191, 180, 253, 232,
206, 188.
21
Fr. Bur gos, Fr. Larché, op. cit., p. 267 (non signalé sur le fac-similé).
18
ZÄS 139 (2012)
S. Bis ton- Mouli n: La transformation des épithètes nfr Xpr(.w)
caché par un mur en grès, aujourd’hui partielle22
ment disparu, est, lui, intact , tout comme la
porte B, démontée et entreposée en partie dans
le troisième pylône, qui ne présente ni martela23
ges amarniens, ni altération de nfr Xpr .
Si le responsable de ces transformations est
donc sans doute à chercher après le règne
d’Amenhotep III, les campagnes iconoclastes
d’Akhenaton ne semblent pas pour autant pouvoir être mises en cause. À la différence des
martelages méthodiques du nom d’Amon présents dans l’ensemble du temple de Karnak, la
modification des épithètes nfr Xpr(.w) n’est pas
systématique sur une même paroi où les registres
supérieurs sont généralement épargnés, et se
limite globalement, comme nous le verrons plus
loin, aux parties les plus accessibles des sanctuaires. Les mêmes remarques s’appliquent aux
campagnes de restaurations initiées après la période amarnienne qui ne semblent pas pouvoir
24
être directement mises en cause puisqu’à la
différence des altérations plutôt erratiques de
nfr Xpr(.w), les travaux de restauration ont
concerné l’ensemble des secteurs touchés par les
mesures iconoclastes.
Pour les périodes plus récentes, l’épithète nfr
Xpr(.w) est de nouveau employée, à titre posthume, pour le nom de fils de Rê du roi, elle est
22
Id., p. 270.
Id., p. 274– 275, sur cette porte P. Lac au ,
H. Ch ev r ier , Une chapelle d’Hatshepsout à Karnak,
p. 395–396, § 708. Pour la porte A, voir infra. On ajoutera encore que sur deux des faces de l’obélisque de
Thoutmosis III, dressé sous le règne de Thoutmosis IV
à l’est de Karnak et aujourd’hui au Latran (PM VII,
p. 409 [1]; Urk. IV 1550, 3– 8), des variantes nfr Xpr(.w)
intactes sont présentes.
24
Malgré plusieurs examens de la stèle du VIIe pylône de Thoutmosis III (CG 34011, PM II2, p. 171), il
est difficile d’établir si l’épithète sm# Xpr présente à la
sixième ligne est originale ou si elle résulte d’une regravure (le signe est donné nfr dans G. Legr ain, «Rapport
sur les travaux exécutés à Karnak du 31 octobre 1902
au 15 mai 1903», ASAE 5, 1904, p. 18, mais sm# en
Urk. IV 621, 13 et P. Lac a u, Stèles du Nouvel Empire,
I, 1926, p. 23). La stèle a été en grande partie regravée
par Sethi Ier (A. Kl ug, Königliche Stelen in der Zeit
von Ahmose bis Amenophis III, MonAeg 8, 2002,
p. 131, n. 1046; P. Br and , The Monuments of Seti I,
PdÄ 16, 2000, p. 67– 68), s’il s’agit bien d’un sm# résultant de l’altération d’un nfr, cette stèle permettrait de
dater la transformation.
23
23
en effet utilisée pour les titulatures des textes
commémoratifs de Thoutmosis III dans le tem25
ple de la XVIIIe dynastie à Médinet Habou .
Sous le règne d’Alexandre le Grand, cette variante est utilisée sur la façade du sanctuaire res26
tauré en son nom dans l’Akh-menou et sur la
paroi extérieure sud du sanctuaire qui forme la
paroi nord du magasin SK.4 (espace non
concerné par les transformations), copié à
27
l’identique avec la variante nfr Xpr . Cette épithète est encore présente dans le sanctuaire de la
e
barque du temple de la XVIII dynastie de Médinet Habou dont les inscriptions ont été co28
piées à l’identique sous les Ptolémées .
La répartition des transformations
À la différence de la damnatio memoriæ
d’Hatchepsout ou des martelages amarniens
dont le but est clairement défini, la présence de
transformations non systématiques sur une
même paroi semble au premier abord totalement
29
aléatoire . Plusieurs éléments permettent néanmoins de mieux cerner les zones et secteurs
concernés.
On constate tout d’abord une très grande
proportion de transformations ou de martelages
sur les registres inférieurs des monuments, les
registres supérieurs – même lorsque les cartouches sont présents dans un espace où l’ensemble
des parties basses a subi des transformations –
30
sont en effet généralement intacts . Si nous
25
Cl. Tr aune c k er , Fr. Le Saout, O. Masson, La
Chapelle d’Achôris à Karnak, II, 1981, p. 108 –116.
26
PM II2, p. 119 (394, II, 2). Sur cette restauration on
consultera, Ph. Mar t inez, «À propos de la décoration
du sanctuaire d’Alexandre à Karnak: réflexions sur la
politique architecturale et religieuse des premiers souverains lagides», BSEG 13, 1989, p. 107– 116 et J.-Fr.
Car lo tti, L’Akh-menou, p. 122-126.
27
PM II2, p. 117 (379, II, 3), Cfeetk 62636.
28
PM II2, p. 469 (46, I, 2). Les cartouches de Ptolémée VIII Évergète II sont présents sur ce monument.
29
Med. Habu IX, p. xxxiii et p. 21.
30
Pour ne prendre que quelques exemples, dans le
temple de Ptah à Karnak, l’ensemble des cartouches
accessibles dans la première cour est transformé alors
que les scènes du registre supérieur sont toutes intactes
(PM II2, p. 199 – 200 [15, 19, et 20). Dans le temple de la
XVIIIe dynastie à Médinet Habou, les cartouches des
24
S. Bis ton- Mouli n: La transformation des épithètes nfr Xpr(.w)
reportons sur le plan des édifices les zones
concernées par les transformations et que nous
matérialisons des portes closes entre les espaces
intacts et les espaces touchés, nous observons,
au gré de la conservation des monuments, que le
31
cœur des sanctuaires et les «magasins» sont
généralement intacts, alors que les espaces de
circulation, cours, couloirs, salles hypostyles
sont affectés (Tf. III, fig. 6, Tf. IV, fig. 7–8).
Les autres types de transformations
Des cas beaucoup plus limités de transformations matérialisées par une gravure en creux sur
l’élément nfr ou sur les deux éléments au profit
32
de Hq# m#o(.t) sont connus . La porte nord du
piliers et des parois extérieurs du sanctuaire sont altérés
alors que les architraves sont toutes intactes (PM II2,
p. 467). Karnak, Salles sud du Palais de Maât (HS.1:
PM II2, p. 104 [314], HS.2: PM II2, p. 105, [320] et PM
II2, p. 105 [316]); magasins sud de l’Akh-menou, bandeau de dédicace au-dessus des portes dans le couloir
MS.11 (PM II2, p. 114) à la différence notable de la
Heret-ib où les transformations concernent également
les architraves, voir supra.
31
Le sanctuaire caché d’Amon (JB.2) présente
comme nous l’avons vu les traces d’une altération d’un
nfr en relief au profit d’un sm# (voir supra), néanmoins
cette altération, liée à l’élargissement de la niche si elle
participe vraisemblablement du même phénomène,
n’est pas de même nature que les transformations évoquées ici. La colonne orientale du jardin botanique de
l’Akh-menou (JB.1.cl4) présente, comme signalé plus
haut, des traces de martelages par piquetage du signe
nfr, néanmoins les autres cartouches sont intacts
(N. Be aux , OLA 36, p. 21 [Martelage non signalé sur le
fac-similé]). Aucun cartouche n’est conservé dans le
sanctuaire axial de l’Akh-menou (SX.3), néanmoins sur
les fragments du socle en calcite découverts dans cette
pièce une épithète nfr Xpr.w intacte est présente
(N. Be aux , op. cit., p. 11, fig. 1a; sur ce socle, J.-Fr.
Car lo tti, L’Akh-menou, p. 119). Les épithètes présentes dans les cartouches des sanctuaires du temple de
Ptah sont elles toutes intactes, comme pour le temple
de la XVIIIe dynastie de Médinet Habou.
32
D. La bour y , loc. cit. L. G abold e, loc. cit. C’est
également le cas du linteau de la porte en granite donnant accès aux salles sud du Palais de Maât où l’épithète
2
Hq# m#o(.t) a été gravée sur un nfr encore visible (PM II ,
p. 104 [313]), de la cour sud du VIe pylône, mur est,
cartouche accompagnant la représentation sud du roi, le
cartouche nord est trop dégradé pour être lisible
(PM II2, p. 95 [276], Ch. Van Siclen , «Additional
Notes on the blue Amun», VA 6, 1990, p. 172, fig. 2
ZÄS 139 (2012)
chemisage de l’obélisque d’Hatchepsout dans la
Ouadjyt nord (CR4.1.Pt.n) présente des traces
d’altérations du cartouche de fils de Rê de
Thoutmosis III. Les trois colonnes de texte de
cette paroi ont été regravées, l’inscription primitive, aux noms de Thoutmosis III, a été remplacée par une inscription, également aux noms de
Thoutmosis III, identique au texte original à
l’exception de la variante nfr Xpr transformée en
Hq# m#o(.t) et du nom de Nebty, o# Sfy.t, en w#H
33
nsy.t (Tf. V, Fig. 9a–b).
Ce palimpseste n’est pas daté, néanmoins la
restauration du nom d’Amon située sur la première colonne intérieure est du même type que
l’ensemble du texte. La regravure de cette paroi
est contemporaine de la regravure du nom
d’Amon, le commanditaire est donc postérieur à
la période amarnienne.
et p. 175, fig. 5). De nombreux blocs provenant
d’Éléphantine présentent également cette altération,
W. Ka iser et al., «Stadt und Tempel von Elephantine.
Erster Grabungsbericht», MDAIK 26, 1970, pl. XLII,
a– b; W. Ka iser et al., «Stadt und Tempel von Elephantine. Achter Grabungsbericht», MDAIK 36, 1980,
pl. 58, scène 8, salle A; W. Kais er et al., «Stadt und
Tempel von Elephantine. Neunter/Zehnter Grabungsbericht», MDAIK 38, 1982, pl. 75, salle C, W. Kaise r
et al., «Stadt und Tempel von Elephantine. 13./
14. Grabungsbericht», MDAIK 43, 1987, pl. 9, W. Ka iser et al., «Stadt und Tempel von Elephantine.
25./26./27. Grabungsbericht», MDAIK 55, 1999,
pl. 24c; E. Ber nha uer , «Details zur Rekonstruktion
der Hathorpfeiler vom Satet-Tempel auf der Insel
Elephantine», MDAIK 58, 2002, pl. 12a, pilier hathorique, ainsi que les blocs provenant de ce temple, aujourd’hui conservés au Musée du Louvre (B65, B66).
Un linteau découvert à Éléphantine montre en outre un
cartouche d’Hatchepsout, une première fois transformé
en celui de Thoutmosis III lors de la proscription de la
reine, puis l’épithète nfr Xpr – elle-même palimpseste –
supprimée au profit de Hq# m#o(.t), L. Ha bachi , «Two
Graffiti at Sehêl from the Reign of Queen Hatshepsut»,
JNES 16, 1957, pl. XVI, A. On notera à cette occasion
la prédilection d’Horemheb pour cette épithète,
M. Azim, Cl. Tr au neck e r , «Un mât du IXe pylône au
nom d’Horemheb», Karnak 7, 1982, p. 89, M. Ga bold e, «Des travailleurs en vadrouilles», Hommages à
Jean-Claude Goyon, BdE 143, 2008, p. 184 – 185, n. k.
33
PM II2, p. 80 – 81 (207), P. Bar gue t, Karnak,
p. 101, n. 3; J.-Fr. Car lott i, L. Gabo ld e, «Nouvelles
données sur la Ouadjyt», Karnak 11, 2003, p. 292 – 293
et pl. XIX a– b.
ZÄS 139 (2012)
S. Bis ton- Mouli n: La transformation des épithètes nfr Xpr(.w)
Sur la face extérieure du linteau de la porte F
du temple de Ptah à Karnak, l’épithète nfr Xpr.w
a également été transformée en Hq# m#o(.t) (Tf. V,
Fig. 10).
Les réfections effectuées sur les différents
éléments de la titulature de Thoutmosis III sur
ce linteau laissent penser que la gravure de Hq#
m#o(.t) est contemporaine de la restauration du
nom d’Amon effectuée après la période amarnienne. Des dédicaces de restauration aux noms
er
de Ramsès III, Takelot, Ptolémée III Évergète I
et de Ptolémée IV Philopator sont présentes sur
34
cette porte .
De nombreuses autres variantes, généralement non attestées en dehors de cartouches
modifiés, sont utilisées. Le montant nord du
e
passage du VI pylône présente les traces d’une
transformation de l’épithète nfr Xpr en […] w#s
35
(Tf. V, Fig. 11) ; le jambage est d’une des chapelles au sud du Palais de Maât (DB1.s.6) a été
36
transformé en […] mj Ro (Tf. V, Fig. 12) ;
l’épithète nfr Xpr présente sur le reposoir de barque de Thoutmosis III à Tôd a été changée en
37
Hq# W#s.t (Tf. V, Fig. 13) ; neufs attestations de
modification de nfr Xpr(.w) au profit de Xo Xpr.w
sont présentes dans le temple de Bouhen (Tf. V,
38
o
Fig. 14) ; sur le bloc épars n 114 des banquettes
34
PM II2, p. 198–199 (12). Édifice en cours d’étude
par le Centre franco-égyptien d’étude des temples de
Karnak, CSA/USR 3172 du Cnrs. Pour un état des
travaux on consultera Chr. Thier s, P. Z ignani ,
«The temple of Ptah at Karnak», EA 38, 2011, p. 20 –24
ainsi que les rapports disponibles à l’adresse
http://www.cfeetk.cnrs.fr.
35
PM II2, p. 88– 89 (239c). L’examen de l’original
montre qu’il s’agit bien d’un signe w#s et non de W#s.t.
36
L’épithète, non attestée dans un cartouche non
modifié, n’est pas sans rappeler le nom de naissance de
Thoutmosis Ier EHwty-ms Xo mj Ro (GLdR II, p. 212–
224, J. v on Bec k er at h, op. cit., p. 135, E2),
l’attribution à Thoutmosis III ne fait néanmoins pas de
doute en raison de la présence d’un signe Xpr dans la
partie inférieure du nom de couronnement partiellement conservé.
37
P. Bar guet, BIFAO 51, p. 92 et pl. V = J.-P.
Ad am , G. Pier r at-Bo n nefoi s, «La chapelle de
Thoutmosis III à Tôd», Karnak 11, 2003, p. 87, fig. 23.
38
Cette épithète n’est pas attestée en dehors de cartouches modifiés et ce type de transformation n’est
présent que dans le temple de Bouhen (R.O. Caminos , Buhen, I, p. 15 –16, n. 5; pl. 15 fig. 3, pl. 17
fig. 2, pl. 19 fig. 2, pl. 47 fig. 2, pl. 67, pl. 74 fig. 2, pl. 75
25
sud de Karnak, le groupe nfr Xpr a été piqueté et
39
transformé en Xo W#s.t (?) (Tf. VI, Fig 15) ; enfin, sur le montant est de la porte de granite
donnant accès à la troisième terrasse du temple
d’Hatchepsout à Deir el-Bahari, le corps arrondi
du signe nfr est toujours visible sous la regravure
40
de tj.t Ro (Tf. VI, Fig. 16) .
Le revers de la porte A de la Chapelle Rouge
présente quant à lui un cartouche eHwty-ms nfr
Xo qui n’est pas sans rappeler l’épithète nfr Xo.w
41
de Thoutmosis II . Réutilisée comme porte
e
nord de la cour sud du VI pylône, elle montre
des traces de martelages amarniens et de regravures des noms d’Amon. Un examen attentif du
cartouche de Thoutmosis III permet d’établir
que la surface entourant le signe a été lissée et
que le signe n’est pas original, mais qu’il est gravé sur un dont la partie supérieure est encore
partiellement visible (Tf. VI, Fig. 17).
Le sens des transformations:
une hypothèse
Un indice supplémentaire concernant les
auteurs de ces altérations nous est fourni par
une transformation singulière de l’épithète
nfr Xpr(.w). Les signes nfr présents dans la construction nfr Xpr(.w) sont en effet les seuls concernés, les autres sont laissés intacts à l’ex-
fig. 1 –2, pl. 89 fig. 1– 2; II, pl. 18). On notera que seule
la cour péristyle et la façade du sanctuaire sont concernées, les variantes présentes à l’intérieur du temple sont
intactes.
39
Une attestation originale de cette épithète est gravé
sur la colonne la plus au sud de la cour nord du VIe
pylône (CR6.n.cl1.o).
40
PM II2, p. 356–357 (78a–b); E. Naville, The
Temple of Deir el-Bahari 5, 1906, pl. cxx. Les traces
d’un signe vertical avec un corps arrondi sont visibles
sous le signe tj.t. Le reste de la titulature de cette partie
du linteau est original de Thoutmosis III, la partie gauche et les jambages étaient aux noms d’Hatchepsout.
41
Fr. Bur gos, Fr. Lar ché, op. cit., p. 265 (non signalé sur le fac-similé). J. v on Beck e r ath, MÄS 49,
p. 135 (E1°); GLdR II, p. 227 –236. Cette épithète peut
être écrite sans la marque du pluriel, voir par exemple la
porte des Salles nord du Palais de Maât, jambage nord,
(HN.7.Pt; Cfeetk 113391). Cette épithète est également
attestée pour Thoutmosis Ier (GLdR II, p. 215 et 217;
J. von Beckerath, op. cit., p. 135, E3).
26
S. Bis ton- Mouli n: La transformation des épithètes nfr Xpr(.w)
ception notable du passage du Texte de la jeunesse de Thoutmosis III consacré à la signification de la titulature royale où nous lisons pour le
nom fils de Rê:
/
/
jnk s#=f pr Xnty=f twt msw.t mj %nty Osr.t s[nfr]/
<sm#>~n=f Xpr.w=j nb.w m rn pwy n(y) s#-Ro ½EHwtyms [nfr]/<sm#> Xpr.w¿ onX D.t nHH
«Je suis son fils issu de lui dont la naissance est belle
comme (celle) de Celui-qui-préside-à-Heseret (i.e. Thot).
Il a [rendu parfait]/<réuni> l’ensemble de mes
manifestations, grâce à ce nom de fils de Rê qui est le
mien, Thoutmosis-dont-les-manifestations-sont-[parfaites]/
42
<unifiées> puisse-t-il vivre pour toujours et à jamais!» .
La transformation de ce passage – seul exemple d’une modification de la séquence nfr Xpr(.w)
hors cartouche – atteste du niveau d’érudition
du «correcteur» qui a pris la peine d’adapter la
glose consacrée au nom de naissance de Thoutmosis III avec le cartouche modifié en transformant le verbe snfr «parfaire, embellir» en sm#
«unifier, réunir».
Comment expliquer alors que cette épithète
plus que fréquente dans le nom de fils de Rê de
Thoutmosis III soit devenue à ce point intolérable deux siècles après son règne?
Lorsqu’on s’interroge sur l’événement qui aurait pu modifier aussi drastiquement la vision
que les égyptiens avaient de cette épithète, on
pense immanquablement à la période amarnienne. Force est en effet de constater la grande
proximité du groupe nfr Xpr(.w), présent dans
le cartouche
, avec le nom de couron(Nfr-Xpr.w-Ro
nement d’Akhenaton
43
wo-n(y)-Ro) . Bien qu’il n’y ait pas d’équivoque
42
PM II2, p. 106 (328); Urk. IV 161, 9 – 12 corrigé
d’après l’original.
43
GLdR II, p. 343– 355; J. von Be ck er a th, Handbuch der ägyptischen Königsnamen, MÄS 49, 1999,
p. 143. Je remercie Marc Gabolde de m’avoir signalé à
ce propos la confusion, récente celle-ci, entre le nom de
couronnement d’Akhenaton et l’épithète du nom de
naissance de Thoutmosis III (J. P. Allen, «Further
Evidence for the Coregency of Amenhotep III and
IV?», GM 140, 1994, p. 7 – 8), promptement corrigée
ZÄS 139 (2012)
sur le pharaon mentionné puisque jamais EHwtyms n’a été touché, l’image d’Amenhotep IVAkhenaton liée à cette épithète aurait conduit
aux transformations, voire aux martelages, afin
d’éloigner du roi Thoutmosis III le souvenir de
44
l’«ennemi» associé à l’épithète nfr Xpr(.w) négativement connotée au lendemain du retour à
l’orthodoxie.
Laissant de côté les transformations peu attestées pour ne considérer que les altérations en
sm# et o# Xpr(.w), on ne peut s’empêcher de penser que ces interventions réduites, globalement
limitées aux espaces de circulation qui, à la différence des mesures iconoclastes d’Akhenaton ou
des restaurations subséquentes, n’ont pas fait
l’objet d’une campagne organisée, sont plutôt
l’œuvre sporadique de membres du personnel du
temple, constamment confrontés, dans leur activité quotidienne, à l’évocation – devenue intolérable – d’Amenhotep IV-Akhenaton.
Summary
Reconsideration of the question of recarving (or
erasing) the epithet nfr Xpr in the name of son of Re
of Tuthmosis III. It was suggested that these
alterations could be the work of Thutmose III him-
par son auteur (id., «Addendum», AmLett 3, 1994,
p. 152).
44
Akhenaton est qualifié de sbj dans la lettre du
P. Berlin 3040 A (A. H. Ga r d iner , «A Later Allusion
to Akhenaten», JEA 24, 1938, p. 124) et, comme me l’a
signalé Bernard Mathieu, auquel je suis redevable de ces
références issues de ses recherches consacrées aux
traces du «traumatisme» amarnien dans les inscriptions
ramessides, Xrw dans l’inscription de Mès, (KRI III, 43;
12, A. H. Ga r d iner , The Inscription of Mes. A Contribution to the Study of Egyptian Judicial Procedure
(Leipzig, 1905), Hildesheim, 1964, p. 11, 23, n. 82 et 54
(S 14); G. A. Gabal la, The Memphite Tomb-Chapel
of Mose, Warminster, 1978, p. 25 et pl. LXIII;
W. J. Mur nane, Texts from the Amarna Period in
Egypt, Atlanta, 1995, p. 240– 241; D. B. R ed for d ,
Pharaonic King-Lists, Annals and Day-Books, 1986,
p. 252). On notera également que le groupe nfr Xpr n’est
plus utilisé par la suite dans les titulatures royales à
l’exception de EHwty-m-H#.t contemporain la XXIVe
dynastie (?) dont le nom de couronnement est (Nfr Xpr
Ro Xo Xo(.w)) (GLdR III, p. 401; J. v on Beck e r ath ,
op. cit., p. 205 c; P. A. Spe ncer , A. J. Spenc e r , «Notes on Late Libyan Egypt», JEA 72, 1986, p. 198– 199).
ZÄS 139 (2012)
S. Bis ton- Mouli n: La transformation des épithètes nfr Xpr(.w)
self. Several evidences from the temple of Amun-Ra
at Karnak shows however that this hypothesis must
be rejected. The changes have occurred after the
Amarna period. Based on these observations a new
hypothesis related to the close resemblance of the
epithet with the praenomen of Amenhotep IV –
Akhenaten is raised regarding the nature and distri-
27
bution of these changes rather erratic in a temple or
even on a single wall.
Keywords
Akhenaten – Karnak – Medinet Habu – names,
erasure of – Thutmosis III.
TAFEL I
Fig. 1a. Temple de Ptah, transformation d’un nfr
en creux en smA © Cnrs-Cfeetk 129181 / J.-Fr. Gout
(zu Biston-Moulin, La transformation des épithètes
nfr xpr(.w)).
Fig. 2a. Ouadjyt nord (CR4.1.Pt.n)
(zu Biston-Moulin, La transformation
des épithètes nfr xpr(.w)).
Fig. 3a. Lissage
(zu Biston-Moulin,
La transformation
des épithètes
nfr xpr(.w)).
Fig. 1b. Temple de Ptah, transformation
d’un nfr en relief en aA © Cnrs-Cfeetk
129227 / J.-Fr. Gout (zu Biston-Moulin,
La transformation des épithètes nfr xpr(.w)).
Fig. 2b. Akh-menou, Sanctuaire caché d’Amon
(JB.2.ni4.o) (zu Biston-Moulin, La transformation
des épithètes nfr xpr(.w)).
Fig. 3b. Martelage par
piquetage du signe
(zu Biston-Moulin, La transformation des épithètes
nfr xpr(.w)).
Fig. 3c. Martelage
(zu Biston-Moulin,
La transformation
des épithètes
nfr xpr(.w)).
TAFEL II
Fig. 4. Jambages des chapelles DB1.n.3 et DB1.n.4 au nord du Palais de Maât. À gauche jambage autrefois
recouvert: Amon intact et nfr non modifié. À droite jambage accessible pendant la période amarnienne et les
restaurations subséquentes: noms et titres d’Amon-Rê regravés, nfr transformé en smA (zu Biston-Moulin,
La transformation des épithètes nfr xpr(.w)).
Fig. 5a. CR4.2.Pt.s (zu Biston-Moulin, La transformation
des épithètes nfr xpr(.w)).
Fig. 5b. Détail du cartouche
(zu Biston-Moulin, La transformation des
épithètes nfr xpr(.w)).
TAFEL III
Transformé
Intact
Non concerné
Fig. 6. Schéma de répartition des transformations dans le cœur du temple de Karnak (d’après le plan clé du
Cfeetk) (zu Biston-Moulin, La transformation des épithètes nfr xpr(.w)).
TAFEL IV
Fig. 7. Schéma de répartition des transformations dans le temple de Ptah à Karnak (d’après relevés Cfeetk)
(zu Biston-Moulin, La transformation des épithètes nfr xpr(.w)).
Fig. 8. Schéma de répartition des transformations dans le temple de la XVIIIe dynastie de Médinet Habou
(d’après T h e Ep ig r ap h ic Sur ve y, Medinet Habou IX, The Eighteenth Dynasty Temple Part 1, The Inner
Sanctuaries, OIP 136, 2009, p. xxviii) (zu Biston-Moulin, La transformation des épithètes nfr xpr(.w)).
TAFEL V
Fig. 9a. © Cnrs-Cfeetk 88664 / A. Chéné
(zu Biston-Moulin, La transformation
des épithètes nfr xpr(.w)).
Fig. 9b. Détail du cartouche
(zu Biston-Moulin, La transformation
des épithètes nfr xpr(.w)).
Fig. 10. Linteau extérieur de la porte F du temple de Ptah à Karnak. © Cnrs-Cfeetk 129125 / J.-Fr. Gout
(zu Biston-Moulin, La transformation des épithètes nfr xpr(.w)).
Fig. 11. Passage du
VIe pylône, montant
nord (zu Biston-Moulin,
La transformation
des épithètes
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Fig. 12. Chapelle sud
du Palais de Maât
(DB1.s.6)
(zu Biston-Moulin,
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Fig. 13. Tôd, reposoir
de barque
de Thoutmosis III.
(zu Biston-Moulin,
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Fig. 14. R.O. Caminos,
Buhen, pl. 89
(zu Biston-Moulin,
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TAFEL VI
Fig. 15. Bloc 114 des banquettes sud
de Karnak (zu Biston-Moulin,
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Fig. 16. Deir el-Bahari, porte en granite de
la troisième terrasse (zu Biston-Moulin,
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Fig. 17. Porte A de la Chapelle Rouge, revers, détail du cartouche (zu Biston-Moulin, La transformation
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