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Bulletin Monumental

Bulletin Monumental Jérôme Baschet, L’iconographie médiévale Yves Christe Citer ce document / Cite this document : Christe Yves. Jérôme Baschet, L’iconographie médiévale. In: Bulletin Monumental, tome 167, n°4, année 2009. pp. 382384; http://www.persee.fr/doc/bulmo_0007-473x_2009_num_167_4_7367_t30_0382_0000_3 Document généré le 07/11/2016 Bibliographie couvent des dominicaines strasbourgeoises de Saint-Nicolas-aux-Ondes (Archives de l’Église d’Alsace, 1975), a étudié cette dévotion dominicaine. Elle a conduit le prédicateur et prieur du couvent dominicain de Strasbourg, Hugo van Ehenheim, à organiser en 1437 une procession solennelle pour l’arrivée d’une statue de l’Enfant qu’il ramenait de Venise (Arch. Mun., 1MR2, 79 v°). Elle est également responsable de la création de la curieuse statue d’albâtre de Vilingen (n° 39). Quelque trente années plus tard, elle suscitera des images gravées de l’Enfant par le Maître E.S. et une admirable statue, récemment apparue, de l’Enfant à la grappe de raisin, due probablement au Maître de la Madone de Dangolsheim et conservée maintenant au Bayerisches Nationalmuseum, à Munich. 382 Ces indications permettent également de proposer une identification des trois saintes représentées avec celles qui faisaient l’objet d’un culte à Sélestat : Catherine présentant le psalterion à l’Enfant comme pour suggérer son mariage mystique, Madeleine puisant de l’eau, en allusion lointaine au soins apportés aux pieds du Christ et Agnès cueillant des cerises, annonce de l’offrande de son martyre, à moins que ce ne soit en même temps ou seulement une manière de signature du peintre qui, à Strasbourg, habitait la maison Zu dem Kirsboum, au cerisier. Il était parfaitement justifié d’évoquer à côté des ces travaux picturaux le chantier de la cathédrale. D. Borlée renouvelle l’étude du beffroi et surtout de son décor sculpté : la mise en valeur des moulages des élus et des damnés qui bordaient les pignons qui surmontent ses deux grandes baies est intéressante, même s’il s’agit de travaux d’atelier assez médiocres. D. Sandron donne une étude fine et sensible de l’élévation de la flèche par les deux architectes successifs, Ulrich d’Ensingen et Jean Hültz, tous deux étrangers à Strasbourg mais créateurs du chef d’œuvre de la ville. Dans l’exposition, la présentation du dessin de l’élévation de cette tour conservée à Berne était très impressionnante, bien que ses proportions (4,57m de haut) ne permettaient pratiquement pas d’en examiner les détails. Dans une des dernières salles, C. Dupeux avait présenté deux figures remarquables d’un empereur et d’un clerc, les deux seules réalisées d’un programme probable de seize destiné à meubler les pinacles à la hauteur de la plateforme de l’octogone de la tour nord. Leurs visages ont une vigueur réaliste remarquable et leurs vêtements présentent des plis lourds dont les sinuosités abandonnent la préciosité du début du siècle au profit de chutes plus naturelles. Elles étaient environnées par les petites figures posées sur les balustrades de la plateforme du même octogone qui relèvent du même style. Cette nouvelle orientation de la sculpture n’est pas sans offrir un certain parallèle avec la tendance du Maître du Paradiesgärtlein à échapper au style international par des formes plus pleines. Trois tapisseries évoquaient par de fort beaux exemples la production tenue pour strasbourgeoise. Leurs rapports avec la production picturale étaient toutefois assez lointains. C’est un autre monde que celui de ces tissages, soit que les cartons aient été demandés à des artistes de culture très différentes, soit encore que les liciers aient eu une grande liberté d’interprétation. Même si les deux figures de la Visitation d’une importante tenture du Museum für Kunshandwerk de Francfort (n° 15) sont sensiblement identiques à celles d’un petit panneau du Maître du Paradiesgärtlein (n° 26), leur inscription dans les motifs floraux et décoratifs leur donne un tout autre caractère. Il n’est donc pas impossible que les cartons picturaux, s’il y en a eu, se soient limités aux figures et que les artisans tapissiers aient créé les fonds d’après leurs propres répertoires. La proposition de rattacher aux « belles madones », quelques sculptures de Vierge à l’Enfant autour de celle de l’église de Marienthal (n° 41), ne semble pas vraiment s’imposer et présente un groupe d’œuvres qui n’appartient pas aux créations les plus significatives et les plus remarquables de la ville, si tant est qu’il est possible d’assurer qu’elles en soient issues. On pouvait aisément être surpris de trouver exposées deux des cartes à jouer de la célèbre série du Würtembergisches Landesmeuseum présentées sous le libellé de « cartier strasbourgeois ( ?) ». C’est la reprise de l’idée de F. Koreny qui trouvait une parenté de ces figures précieuses avec le Paradiesgärtlein (que lui, toutefois, tenait pour bâlois) : pourtant, ni les couleurs, ni les types humains ne présentent de caractères susceptibles de l’autoriser, comme l’exposition permettait de le constater. Quant à attribuer à un cartier une production aussi raffinée, c’est supposer la présence dans ce domaine artisanal, d’artistes de très haut rang. Le problème de l’origine de ces cartes précieuses, devrait être abordé par leur destination possible qui devrait être celle d’un milieu de cour. La présence d’un filigrane de Ratisbonne sur l’une d’entre elles, peut faire penser à un prince voisin de cette ville, Louis le barbu, duc de Bavière-Ingolstadt, frère d’Isabeau de Bavière (vers 1368 - 1447) dont les goûts avaient été marqués par ses longs séjours à la cour française. Encore faudrait-il étudier à quel peintre remarquable aurait pu faire appel ce prince distingué qui n’avait pas hésité à recourir au service du sculpteur Hans Multscher de Ulm. Ce serait une piste de recherche plus crédible que celle du milieu strasbourgeois, ou même celle, moins précise, du Rhin supérieur. En résumé, une très belle exposition réunissant des œuvres importantes, servie par un catalogue très bien illustré faisant le point utilement sur de nombreuses questions, même si l’on pouvait attendre quelques conclusions plus précises sur certains points. On peut en regretter le titre qui n’est pas sans rappeler un certain « campanilisme » d’un autre temps. « Strasbourg et l’art du Rhin supérieur vers 1400 » aurait été à la fois plus justifié et plus franc. Il aurait évité d’attribuer à une ville qui est certes un pôle de centralité, des créations faites ailleurs dans la région et de minimiser l’importance de Bâle. Il aurait suggéré éventuellement quelques confrontations complémentaires comme celle des panneaux du retable dit de Tennenbach dont la situation par rapport à la création dite strasbourgeoise aurait été intéressante à préciser. Albert Châtelet J é r ô m e B A S C H E T , L’ i c o n o g ra p h i e médiévale, Paris, Gallimard, 2008, 17 cm, 468 p., fig., index. - ISBN : 978-2-07034514-4, 9,90 €. (Folio histoire) Est-il indécent, mesquin, voire infâmant d’aborder l’examen d’un livre qui affiche de l’ambition par son enveloppe savante, je veux dire ses notes et ses indices ? J’avoue avoir usé de ce procédé depuis de très nombreuses années, avec profit, souvent aussi avec plaisir. Le dernier livre de J. Baschet me donne l’occasion d’en éprouver les avantages. Son index est bien conçu, complet, précis. Il est d’autant plus utile qu’il comporte la liste des auteurs modernes dont s’est inspiré Baschet. Un premier constat : les noms de lieux – qui renvoient au domicile des images – sont les parents pauvres de ce copieux index (p. 446-463) : aucune entrée locative pour les lettres D et E, à part Égypte ; rien non plus pour la lettre J, à part Jérusalem. Il est très rare que les noms de lieux occupent un petit tiers de la page, le plus souvent c’est moins d’un dixième. Quelques noms d’artistes italiens du Trecento n’ajoutent rien au bilan. Ces chiffres sont révélateurs. Pour un travail centré sur l’art du Moyen Âge central, ils montrent que les images sont souvent absentes ou laissées sur le bord de la route. Dans l’index nominum, honneur oblige ! Christ, évidemment Jésus, se détache nettement en tête : 9 lignes. Le Christ a pourtant ses quatre évangélistes : Baschet, 7 lignes, Bonne, L’ouvrage est intitulé L’iconographie médiévale. Ce titre est usurpé, car tout ce qui touche à Byzance est laissé de côté. Il en est de même du haut Moyen Âge occidental, carolingien ou ottonien, à peine évoqué. L’iconographie de la fin de l’Antiquité, qui souvent sert d’assise à l’imagerie médiévale, est ignorée. La réflexion ne porte guère que sur des aspects restreints de l’iconographie occidentale du Moyen Âge central et tardif, sur un petit choix de monuments, un échantillonnage si petitement réduit qu’il n’a plus rien de significatif. De très longues digressions sur les travaux de Panofsky et de Meyer-Schapiro, sur l’antique querelle, désormais stérile, entre iconographie et iconologie ne comblent pas les lacunes documentaires, le silence des images dans un livre qui leur est pourtant dédié. La partie documentaire de l’ouvrage se résume à 4 chapitres intercalaires – chapitre 2, la voûte de Saint-Savin ; chapitre 3, le boustrophedon de San Gimignano ; chapitre 5, le chef d’œuvre de Souillac et chapitre 6, le portail méconnu de Bourg-Argental – qui sont des reprises d’articles antérieurs plus ou moins remaniés, comme d’ailleurs la plupart des autres, des traductions ou des remake frileusement signalés dans les notes, jamais en tête. Le chapitre 1 reproduit même un texte qui, dans sa version originale, est encore en attente de parution dans un volume d’actes aux éditions Brepols. Idem pour le chapitre 5. Ce simple constat m’amène à poser une insidieuse question : peut-on faire un livre cohérent avec un assemblage disparate, ainsi cette addition anthropologique du chapitre 9 : « Une série ample : Ève est-elle jamais née », p. 299-341, qui n’a d’ample que le nombre de ses pages ? Ce texte a cependant un avantage ; à l’inverse des autres chapitres, il comporte de nombreux renvois à un corpus d’images, celui réuni par J. Zahlten, Creatio Mundi (Stuttgart, 1979), absent de la bibliographie, cité en catimini, p. 440, note 42. Si on en revient à sa partie réellement documentaire, la moitié du livre ou presque est donc occupée par quatre monuments seulement, autant dire que l’auteur aura consacré plus de temps à en commenter les secrets que les artistes à les exécuter. Dans un volume où l’on recherche le sens des images – au propre comme au figuré – ceci a-t-il encore un sens ? Les chapitres 2 et 3 – Saint-Savin et San Gimignano – de que le chapitre 1 qui introduit cette première section : « L’image en son lieu », ressortissent à un genre mis à la mode par le livre phare de M. A. Lavin, The Place of Narrative (Chicago, 1990), réprimandé p. 392, note 4, mais encore une fois absent de la bibliographie générale. Je me contenterai de ces quelques remarques sur la reprise par l’auteur de l’examen du cycle de la Genèse et de l’Exode de Saint-Savin. Qu’apportent de neuf ces quelque 25 pages ? Rien ! La nouvelle lecture de Baschet ne prend en compte que les épisodes les plus connus et les mieux conservés. Elle ne diffère en rien de celle déjà ancienne de Y. Labande-Maillefert. Pour les épisodes conservés à l’état de fragments, on ne nous dit rien ; rien par exemple de l’extraordinaire vision de Dieu dans le buisson ardent qui précède la donation de la Loi. On ne conserve de cette scène que sa partie inférieure, suffisamment pourtant pour restituer une image du Christ debout dans une mandorle, comme dans la donation de la Loi, avec à sa base des flammes qui ont viré au noir. Une interprétation aussi peu habituelle aurait mérité pour le moins quelques lignes. La scène suivante, Moïse et peut-être Aaron devant Pharaon, n’est pas mentionnée. Rien non plus à propos du cycle d’Abraham, sur l’épisode dit de la remise de troupeaux par le patriarche à son neveu Lot. « Abraham » est ici un souverain, une figure identique à celle de Pharaon dans le cycle de Joseph. Et même si le sceptre qu’il arborait est une addition de T. Cue, auteur encore de la barbe d’Eve qui en a abusé plus d’un, Abraham n’est probablement ici que Pharaon ou Abimélech à qui le patriarche avait cédé sa femme Sarah pour en faire leur favorite. G. Henderson avait en son temps proposé cette solution, solution d’autant plus plausible qu’une scène analogue, certes postérieure d’un peu plus d’un demi-siècle, est conservée dans ce qui subsiste de la vitrerie de la cathédrale de Poitiers. On s’étonnera aussi de l’absence dans cette « nouvelle » lecture des conclusions pertinentes contenues dans la thèse de M.-D. Gauthier-Walter (L’histoire de Joseph. Les fondements d’une iconographie…, Berne, 2003). Plutôt que de s’intéresser à d’aussi triviales interrogations, l’auteur a préféré s’étendre sur l’image de la croix que formeraient la bande axiale, repeinte à maintes reprises, et le faux doubleau orné de douze médaillons. Il avoue néanmoins que « son interprétation est fragile, invérifiable sans doute et assurément risquée ? ». On ne peut qu’acquiescer. On ne s’attardera pas sur la très longue analyse du trumeau et du relief de Théophile de Souillac, datés très tôt, car la recherche de leur « cohérence structurale », en l’absence des deux tiers d’un portail qui aurait dû avoir l’allure de celui de Moissac, ne peut être qu’une marche à tâtons. De l’analyse du portail de Bourg-Argental, on retiendra surtout celle de la statue d’ébrasement aujourd’hui acéphale qui fait pendant à droite à une Luxure. L’auteur y reconnaît une femme, une figure de la Charité doublant celle, assise, du chapiteau qui la somme. Ce personnage a les mains croisées contre sa poitrine ; il ne tient donc pas le « voile » où sont représentées trois âmes, vêtues et assises. Ce voile pourrait être une vasque. Le vêtement porté sur la tunique à manches assez larges de cette Charité est assez curieux. Il ressemble à la chasuble d’un prêtre. Même si l’auteur a cru reconnaître sur place la trace d’un voile sur ses épaules et sur son cou, le doute reste permis. Dans cet immense réservoir d’images rarement exploitées que constituent les Bibles moralisées, les représentations de porteurs d’âmes sont très diverses, ainsi dans la Bible française de Vienne : 14r G4, des apôtres ; 26v D4, de simples laïcs ; 65r D2, la Philosophie païenne (sic). J. Baschet, qui n’a de cesse de condamner l’idée d’une iconographie médiévale stéréotypée et surveillée par l’Eglise, trouvera là d’intéressants arguments en faveur de la liberté, de l’extrême inventivité des images médiévales, thème développé à la suite de ce chapitre, p. 250, 251 et suiv., en réaction aux théories d’E. Mâle. On l’a dit, A. Grabar, l’un des maîtres de l’iconographie médiévale, est le grand absent de ce livre. C’est pourtant lui, déjà dans son discours d’investiture à l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres (1962), qui avait remis en cause l’approche trop doctrinale d’E. Mâle. C’est lui aussi, bien avant Barbu, cité p. 422, n. 15, qui, le premier avait su marquer la différence entre la conception byzantine de l’image et celle de l’Occident, surtout à partir du XIe siècle. Il était même allé plus loin en relevant à propos du programme sculpté de Bibliographie 7, Schmitt, 5, et last but not least, Wirth, 4. Pour compléter ce nouveau canon des Écritures, on ajoutera l’apôtre des Gentils, en l’occurrence H. Kessler, 4 lignes, et quelques auteurs d’épîtres : Damisch, Didi-Hubermann, A. et A. Gerreau et le regretté M. Camille, 2 à 3 lignes pour chacun. Je crois n’avoir oublié personne parmi les favoris du réseau, les élus qui font ressortir les exclus, les absents, les maltraités, comme A. Grabar, gratifié de 3 entrées seulement pour avoir mal compris la nature du cycle de Saint-Savin. K. Weitzmann, autre grand nom de l’iconographie médiévale, est éloquemment absent ! Kitzinger est à peine mieux loti avec une seule entrée. Faut-il dès lors s’étonner de l’absence de J. Lowden, dont les travaux déterminants sur les Octateuques byzantins d’une part, sur les Bibles moralisées d’autre part, sont pourtant étroitement liés à l’histoire de l’illustration biblique, tant en Orient qu’en Occident, c’est-à-dire au plus grand corpus d’images jamais réalisées par l’art chrétien, qui plus est, pour les Bibles moralisées, à un corpus de plus de 5 000 images pour la seule Bible de saint Louis, littérales et symboliques, avec en regard des « légendes » explicatives, paraphrases bibliques parfois fautives, gloses morales ou typologiques « collant » bien ou mal avec l’image adjacente, sans compter dans les Bibles en un seul volume des adjonctions midrashiques qui auraient pu irriter bien les puristes et réjouir tous ceux qui, comme l’auteur, sont amateurs d’inventivité, de diversité, d’entorses à l’orthodoxie. 383 Bibliographie la cathédrale de Chartres des redondances et des incohérences. W. Schlink, dans sa critique de la façade occidentale d’Amiens, ne dit pas autre chose (voir R. Recht, éd., Le monde des cathédrales, Paris 2003, p. 13 et suiv.). Dans son chapitre 7 (« Invention et sérialité des images médiévales »), J. Baschet semble complètement l’ignorer. Dans sa critique d’E. Mâle, il enfonce des portes ouvertes. Quant à la thématique développée ici : « construire des séries », « déployer une gamme sérielle », « étude des hyperthèmes », etc., elle ne fait que théoriser en français précieux, en des termes abscons, une démarche euristique que Grabar a pratiquée toute sa vie avec des mots du langage commun, selon un mode que l’on pourrait comparer au structuralisme, toujours avec une abondance d’images – les images expliquant les images. 384 qui intéressent plus directement l’histoire de l’art ? Le corpus de l’étude, à cet égard, n’est pas spécifiquement la peinture de visions, d’apparitions et d’extases, comme celui de V. Stoichita dans son ouvrage de référence sur les rapports entre peinture et mystique, Visionary experience in the Golden Age of Spanish art (Londres, 1995) ; sa visée est la peinture religieuse en général. (Art et société) À cette fin, l’auteur nous propose un itinéraire inédit, riche, approfondi en chacune de ses étapes très progressivement définies. Une longue analyse de la conception et de la place de l’image mentale dans les pratiques spirituelles cède la place à un examen du statut des images gravées insérées dans les traités d’oraison, au demeurant peu nombreuses. Le chapitre suivant s’attache au cas particulier mais extrêmement éclairant des « tableaux de la foi », estampes de manuels invitant à une pratique d’oraison dans les églises, parallèlement à la célébration liturgique de la messe, pour lesquelles l’auteur élabore un véritable protocole d’analyse. L’étude constitue ainsi une contribution notable au discours sur la gravure religieuse, trop souvent reléguée au rang de l’imagerie, et à celui sur l’estampe d’illustration, usuellement trop exclusivement regardée à l’aune de la confrontation entre le texte et l’image. Elle l’est encore au commentaire de tableau, par la riche étude inaugurale de la Pentecôte de Le Brun, illuminée du témoignage de Nivelon sur sa « consommation mystique » par Jean-Jacques Olier. Le cheminement de l’auteur est aussi stimulant que parfois imprévu, mais on croirait à tort à des digressions. Le propos est toujours amplement documenté et argumenté. Parmi les nombreuses fonctions que l’ère post-tridentine a dévolues aux images, celle d’encourager les pratiques d’oraison des dévots et de pouvoir servir à la contemplation n’est évidemment ni la principale, ni la plus importante. F. Cousinié n’entend toutefois pas écrire l’histoire marginale d’un objet secondaire ; il tente de montrer comment la conception de l’image, telle qu’elle se laisse saisir dans l’abondante littérature mystique du Grand Siècle, est essentielle pour analyser en historien les tableaux d’autel, c’est-à-dire en s’attachant à reconstituer les manières dont ces objets étaient perçus, reçus et utilisés par leurs contemporains. Se confrontant à la question majeure des voies d’appropriation des œuvres d’art par les fidèles, l’auteur a souhaité éprouver le modèle spirituel aux fins de construire un regard sur la peinture religieuse : en quelle mesure les modes de lecture et d’appréciation des images mentales esquissés dans les traités d’oraison peuvent-ils être transposés vers les images matérielles produites par les artistes, Quelques éclairages chronologiques, pour mettre notamment en évidence l’évolution de la place de la mystique dans les sensibilités religieuses au fil du siècle, n’auraient sans doute pas été inutiles, mais tel n’était pas, on l’aura compris, le projet de l’auteur. On s’en tiendra dès lors à discuter son seul pari, dont il faut ici saluer l’ambition, celui de partir de la pratique de l’oraison pour aboutir à un renouvellement du regard sur la peinture sacrée. Le lecteur à cet égard se laisse volontiers séduire, et convaincre, par le propos très inventif de l’ouvrage, et en vient à regretter que l’auteur n’aie pas mené son étude plus loin encore. Ainsi, F. Cousinié conduit, à partir d’une excellente analyse de l’espace et des points de vue dans les estampes de Sébastien Leclerc qui représentent des chœurs et maître-autels imaginaires (p. 125129), une réflexion novatrice sur la manière dont le fidèle pouvait appréhender les œuvres d’art suivant leur disposition dans l’espace ecclésial et suivant le déroulement de la cérémonie liturgique ; la transposition demeure toutefois un peu générale et n’aboutit finalement pas à une lecture critique des dispositions On aura compris, L’iconographie médiévale de J. Baschet m’a agacé plus que convaincu. Ce livre est d’autant plus décevant que dans ses travaux précédents, Les justices de l’au-delà,… 1993 ou Le Sein du père Abraham,… 2000, il était resté un serviteur loyal des images, attitude atypique d’autant plus courageuse dans un milieu où le Verbe porté au pinacle peine à se faire chair. On ne peut que le regretter. Yves Christe Frédéric COUSINIÉ, Images et méditation au XVIIe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2007, 25 cm, 240 p., 59 fig .en n. et bl., index. ISBN : 978-2-7535-0514-8, 22 €. des tableaux dans des espaces ecclésiaux connus. Il est vrai que des exemples célèbres, tels les Carmélites de la rue Saint-Jacques ou même le chœur de Saint-Gervais-Saint-Protais semblent résister à l’interprétation. Mais on ne doute pas que l’auteur, dans un prochain travail, fasse aboutir sa promesse la plus séduisante et rende ses apports pour l’analyse des tableaux d’autels aussi nets qu’ils le sont déjà pour l’estampe d’illustration. L’ouvrage s’offre au demeurant comme une introduction dans un domaine encore peu exploré en histoire de l’art (p. 22). F. Cousinié a de fait l’indéniable qualité de rompre ici avec les lectures iconographiques traditionnelles et avec l’approche dominante de la peinture sacrée comme « théologie muette », ce qui rappelle indirectement que le texte sacré ne saurait constituer la valeur de référence unique de toute peinture religieuse. Marianne Cojannot-Le Blanc Architecture Daniel MOUTON, Mottes castrales en Provence. Les origines de la fortification privée au Moyen Âge, Paris, Maison des sciences de l’Homme, 2008, 29,5, 148 p., 107 fig. et ill. en n. et bl., 2 pl. en coul., cartes, schémas, tabl., index des noms de lieux et de personnes. ISBN : 2-7351-11202, 34 €. (DAF. Documents n° 102) d’archéologie française, À l’instar de M. Fixot, qui a préfacé le livre, on salue l’aboutissement d’une recherche longue, entamée à l’époque où M. de Boüard avait lancé, avec M. Debord, un vaste programme d’inventaire et de fouilles systématiques des « fortifications de terre », ainsi que le fameux colloque de Caen de 1980, publié dans Archéologie Médiévale en 1981. Fameux pour ceux qui ont vécu cette époque pionnière ; sans doute l’est-il moins aujourd’hui, où ces grands programmes qui visaient à comprendre en profondeur le phénomène de l’apparition de la fortification privée dans sa composante la moins monumentale, la motte, l’enceinte de terre et le fossé, ont marqué le pas et laissé place à d’autres problématiques. Aussi est-ce avec un réel plaisir que l’on découvre l’ouvrage de D. Mouton, qui vient, enfin, apporter ses réponses aux problèmes posés alors – certes dans un cadre régional, qui ne peut être étendu sans dangers, mais d’une façon assez exhaustive pour penser qu’il a cerné ce sujet en Provence, parti qu’il était de la vallée de la Durance moyenne.