RAPPORTS
Octobre 2011 & DOCUMENTS
Les aides publiques
dommageables à la biodiversité
Développement durable
Rapport de la mission présidée par Guillaume Sainteny
www.strategie.gouv.fr
Les aides publiques
dommageables
à la biodiversité
Guillaume Sainteny
Président
Jean-Michel Salles
Vice-président
Peggy Duboucher, Géraldine Ducos,
Vincent Marcus, Erwan Paul
Rapporteurs
Dominique Auverlot, Jean-Luc Pujol
Coordinateurs
Octobre 2011
Avant-propos
Le débat public a parfois eu tendance à assimiler la préservation
de la biodiversité au sort emblématique de certaines espèces
en voie d’extinction. Nous savons désormais que c’est
l’ensemble de la faune et de la flore qu’il importe de protéger,
non seulement dans quelques « points chauds » du globe
mais jusque dans nos prairies et nos pelouses. L’enjeu, c’est
bien sûr la variété des espèces – et avec elle le patrimoine
génétique de la planète –, mais aussi la richesse de leurs
interactions (par pollinisation, prédation, symbiose) et toute
l’ampleur des « services rendus » à l’homme.
Car même s’il n’en a pas toujours conscience, l’homme
bénéficie d’immenses services gracieusement fournis par les
écosystèmes. Il y puise sa nourriture mais aussi des combustibles et des matériaux de construction. Au-delà de ces biens
« appropriables », la biodiversité assure la purification de l’eau,
la stabilisation et la modération du climat, la régulation des
inondations, des sécheresses ou des épidémies. En un mot, la
biodiversité nous est vitale. Or, partout dans le monde, on
constate qu’elle décline à un rythme accéléré depuis plusieurs
dizaines d’années, ce qui fait redouter de profonds bouleversements de notre environnement.
Victime potentielle de ce déclin de la biodiversité, l’homme en
est aussi le premier responsable. Les principaux facteurs de la
dégradation des habitats naturels sont d’origine anthropique :
l’artificialisation croissante des sols, que les routes, parkings,
aéroports couvrent de revêtements imperméables ; la fragmentation des habitats terrestres causée par les infrastructures de
transport et par l’intensification des pratiques agricoles ; la
surexploitation des ressources naturelles renouvelables, au
premier rang desquelles les stocks halieutiques et l’eau
douce ; la pollution par les nitrates, les pesticides et autres
métaux lourds ; l’introduction d’espèces exotiques envahissantes et le changement climatique…
Autant de pressions qui réduisent peu à peu la biodiversité.
Tous les secteurs ou presque de notre économie sont
concernés : l’industrie, l’agriculture, les activités de forage et
de carrière, le transport, le tourisme, le logement, les activités
récréatives de proximité, etc. Alors que tous ont d’ores et déjà
entrepris des efforts notables pour réduire les émissions de
gaz à effet de serre, leurs actions en matière de préservation
de la biodiversité demeurent en retrait.
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Les aides publiques dommageables à la biodiversité
Les pouvoirs publics ont le devoir de contribuer à combler ce retard. Or ils disposent
d’un champ d’investigation encore peu exploré : par souci de vertu autant que
d’efficacité, ils peuvent scruter à la loupe toutes les aides publiques qui, par leurs
effets secondaires ou pervers, pourraient se révéler préjudiciables au maintien de la
biodiversité. Une telle révision a été jugée prioritaire par la Convention sur la diversité
biologique, qui s’est tenue à Nagoya en 2010. La Commission européenne, dans sa
communication du 20 septembre 2011, demande également que d’ici 2020, on
supprime « les subventions dommageables à l’environnement, en tenant dûment
compte des incidences sur les personnes les plus démunies ». Au niveau national, cet
objectif figure parmi les engagements pris lors du Grenelle de l’environnement et dans
la Stratégie nationale pour la biodiversité présentée le 19 mai 2011 par la ministre de
l’Écologie.
Les travaux du groupe de travail présidé par Guillaume Sainteny s’inscrivent dans ce
contexte. Les experts réunis ont reçu pour mission d’inventorier les aides dont le lien
de causalité avec le déclin de la biodiversité est démontré, et de proposer des pistes
de réforme.
Je tiens à remercier chaleureusement le président et tous les membres de la mission,
qui ont pris à bras-le-corps cette tâche aussi vaste que complexe. D’abord parce que
les aides publiques sont d’origines multiples – elles proviennent de l’État, des
collectivités territoriales, de l’Europe – mais aussi de nature diverse – il peut s’agir de
subventions, de dépenses fiscales, d’une exonération ou d’une application partielle de
la réglementation… Ensuite, et surtout, parce que l’impact sur la biodiversité n’est pas
toujours aisé à prouver, encore moins à évaluer.
Le groupe de travail a le mérite d’ouvrir de très nombreuses pistes de réforme, qu’il
s’agisse d’orientations générales ou de recommandations concrètes, réalisables à
court terme. Chacune oblige les décideurs publics à modifier leur regard, et chacune
pose la question de la difficile conciliation entre la défense de la biodiversité et les
exigences économiques et sociales. Gageons donc que ce travail, qui s’inscrit dans la
lignée du rapport de référence de Bernard Chevassus-au-Louis sur la valeur de la
1
biodiversité , fournira matière à de nombreux débats et réformes ces prochaines
années.
.
(1) Centre d’analyse stratégique (2009), L’approche économique de la biodiversité et des services
liés aux écosystèmes, rapport de la mission présidée par Bernard Chevassus-au-Louis, Paris,
La Documentation française, 400 p.
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Sommaire
Avant-propos ___________________________________________________________ 3
Introduction _____________________________________________________________ 7
Synthèse ______________________________________________________________ 15
Recommandations ______________________________________________________ 27
Chapitre 1 – Définitions, méthodes, limites _____________________________ 95
1 Définitions __________________________________________________________ 95
2 Éléments méthodologiques __________________________________________ 103
3 Tentative de caractérisation du lien de causalité entre aides publiques
et biodiversité _____________________________________________________ 106
4 L’approche retenue _________________________________________________ 123
Chapitre 2 – Les cinq principales causes d’érosion de la biodiversité
en France ______________________________________________ 125
1 Un capital exceptionnel mais menacé _________________________________
2 La destruction et la détérioration des habitats : un impact prépondérant
et multiforme ______________________________________________________
3 La surexploitation des ressources naturelles renouvelables :
une situation alarmante pour certaines ________________________________
4 Les pollutions : une pression qui touche tous les milieux ________________
5 Les espèces exotiques envahissantes : un facteur d’érosion
de la biodiversité mal connu mais croissant ___________________________
6 Les changements climatiques : des effets directs et indirects
via les autres pressions _____________________________________________
125
133
134
136
139
141
Chapitre 3 – Les aides publiques qui favorisent la destruction
et la dégradation des habitats ____________________________ 145
1
2
3
4
L’artificialisation des habitats ________________________________________
La semi-artificialisation des habitats __________________________________
La fragmentation des habitats _______________________________________
Une illustration d’une combinaison de facteurs liés à la détérioration
d’un habitat : la raréfaction du grand hamster d’Alsace _________________
145
164
173
190
Chapitre 4 – Les aides publiques qui favorisent la surexploitation
des ressources naturelles renouvelables ___________________ 193
1 Les sols ___________________________________________________________ 193
2 Les ressources halieutiques _________________________________________ 210
3 L’eau _____________________________________________________________ 232
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Les aides publiques dommageables à la biodiversité
Chapitre 5 – Les aides publiques qui favorisent les pollutions ____________ 245
1 L’air ______________________________________________________________ 245
2 Les sols ___________________________________________________________ 266
3 L’eau _____________________________________________________________ 272
Chapitre 6 – Les aides publiques qui favorisent l’introduction
et la dissémination des espèces exotiques envahissantes ____ 289
1 Les activités préjudiciables __________________________________________ 289
2 Les aides publiques identifiées_______________________________________ 293
3 Une tentative de quantification des impacts
pour les cas les mieux connus _______________________________________ 303
ANNEXES
Annexe 1 – Saisine _____________________________________________________ 311
Annexe 2 – Liste des membres __________________________________________ 313
Annexe 3 – Personnes auditionnées______________________________________ 317
Annexe 4 – Sigles et acronymes _________________________________________ 319
Bibliographie __________________________________________________________ 323
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Octobre 2011
Introduction
Par lettre du 27 juillet 2010, annexée à ce rapport, la secrétaire d’État chargée de
l’Écologie a demandé à la secrétaire d’État chargée de la Prospective et du
Développement de l’économie numérique :
•
de « dresser une liste exhaustive des subventions et autres aides d’origine non
fiscale ayant un impact sur l’environnement ;
•
d’analyser pour chacune de ces mesures, de façon qualitative et lorsque cela est
possible quantitative, les dommages éventuels causés à la biodiversité ;
•
de proposer des pistes d’évolution et de réforme de ces subventions afin de
réduire, voire d’annuler, l’impact dommageable sur l’environnement ».
En septembre 2010, le champ de la saisine a été simultanément étendu aux dépenses
fiscales et recentré sur la biodiversité.
Pour répondre à cette demande, le Centre d’analyse stratégique a mis en place un
groupe de travail présidé par Guillaume Sainteny, assisté de Jean-Michel Salles, et
réunissant des experts de la biodiversité, des économistes, des représentants des
secteurs professionnels, des syndicats, des associations de protection de
l’environnement et de l’administration. Sa composition précise figure en annexe. Le
groupe a été installé le 17 novembre 2010, en présence de la ministre de l’Écologie,
du Développement durable, des Transports et du Logement, signe de l’importance
accordée à sa mission.
Il s’est naturellement inspiré des travaux déjà menés par le Centre d’analyse
stratégique, sous la présidence de Bernard Chevassus-au-Louis, afin de définir une
1
approche économique de la biodiversité et des services liés aux écosystèmes .
Le contexte dans lequel le groupe a accompli sa tâche présente à la fois des éléments
favorables et d’autres défavorables qu’il semble utile de rappeler.
Une préoccupation récurrente et croissante au plan international
Depuis une trentaine d’années, l’impact des subventions publiques et dépenses
fiscales sur l’environnement a fait l’objet d’une attention croissante au sein
d’organisations internationales telles que l’OCDE, l’Agence internationale de l’Énergie,
la Banque mondiale, la FAO, le Programme des Nations unies pour l’environnement, le
G20, l’Agence européenne de l’environnement, la Commission européenne, ainsi que
dans les pays anglo-saxons.
(1) Centre d’analyse stratégique (2009), L’approche économique de la biodiversité et des services
liés aux écosystèmes, rapport de la mission présidée par Bernard Chevassus-au-Louis,
Paris, La Documentation française, 400 p. ; www.strategie.gouv.fr/content/rapport-biodiversite%C2%AB-l%E2%80%99approche-economique-de-la-biodiversite-et-des-services-lies-aux-eco.
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Les aides publiques dommageables à la biodiversité
La nécessité d’une réforme des subventions, aides et dispositifs fiscaux défavorables
au développement durable est mentionnée, de manière récurrente, dans plusieurs
textes internationaux.
Le programme Agenda 21 adopté lors de la Conférence de Rio en 1992 indique dans
son article 8.32 que les pays signataires devraient « supprimer ou réduire les
subventions qui ne favorisent pas les objectifs d’un développement durable », tout
comme ils devraient « réformer ou refondre la structure actuelle des incitations
économiques et fiscales en fonction des objectifs en matière d’environnement et de
développement »1.
« La restructuration de la fiscalité et l’élimination progressive d’éventuelles subventions
compte tenu de leurs effets néfastes sur l’environnement » se retrouvent également
dans le Plan de mise en œuvre du Sommet mondial pour le développement durable,
2
adopté à Johannesburg en 2002 . La Commission européenne a mentionné ce sujet
3
dans son Livre vert de 2007 .
Plus récemment, cette préoccupation a visé spécifiquement les soutiens publics
dommageables à la biodiversité. La Conférence des Parties de la Convention sur la
diversité biologique (CDB) a adopté, en 2010, à Nagoya, un plan stratégique pour
limiter la perte de la biodiversité mondiale d’ici à 2020. L’un des principaux objectifs
est la réforme, la suppression ou la réduction des incitations et subventions
dommageables : « D’ici à 2020 au plus tard, les incitations, y compris les subventions
néfastes pour la diversité biologique, sont éliminées, réduites progressivement ou
réformées, afin de réduire au minimum ou d’éviter les impacts défavorables, et des
incitations positives en faveur de la conservation et de l’utilisation durable de la
diversité biologique sont élaborées et appliquées, d’une manière compatible et en
harmonie avec les dispositions de la Convention et les obligations internationales en
vigueur, en tenant compte des conditions socioéconomiques nationales ».
L’adoption de ce plan d’action, le succès global de la Conférence de Nagoya et la
4
publication finale du rapport TEEB , quelques jours avant le début des travaux du
groupe de travail, ont conféré une légitimité et une actualité accrues à son rôle et à la
question dont il était saisi.
La Stratégie communautaire en faveur de la diversité biologique recommandait, dès
1998, « l’élimination des incitations ayant des effets préjudiciables sur la conservation
et l’utilisation durable de la diversité biologique »5. Cette volonté se précise dans la
nouvelle stratégie pour la biodiversité de 2011. La Commission européenne se fixe
(1) « 8.32. À court terme, les gouvernements devraient, en mettant davantage à profit leur
expérience des instruments économiques et des mécanismes de marché, réorienter leurs
politiques, sans perdre de vue leurs plans, priorités et objectifs nationaux, de manière à :
a) combiner efficacement des mesures économiques, réglementaires et autorégulatrices ; b)
supprimer ou réduire les subventions qui ne favorisent pas les objectifs d’un développement
durable ; c) réformer ou refondre la structure actuelle des incitations économiques et fiscales en
fonction des objectifs en matière d’environnement et de développement. »
(2) Voir 20/p et 20/q.
(3) Commission européenne (2007), Livre vert sur les instruments économiques en matière
d’environnement.
(4) TEEB (2010), L’Économie des écosystèmes et de la biodiversité : intégration de l’Économie de la
nature, Une synthèse de l’approche, des conclusions et des recommandations de la TEEB, 46 p.
(5) Commission européenne (1998), « Communication du 4 février 1998 concernant une stratégie
communautaire en faveur de la diversité biologique », COM(1998) 42.
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parmi ses objectifs (17 c) de « fournir les signaux de marché appropriés pour la
conservation de la biodiversité, y compris en réformant, réduisant et éliminant les
subventions dommageables aussi bien au niveau de l’UE qu’à celui des États
membres »1.
Une question peu étudiée et une prise de conscience récente en France
La France est signataire, partie prenante ou concernée par la totalité des textes
internationaux mentionnés ci-dessus. Néanmoins, cette montée en puissance de la
question des subventions dommageables à l’environnement semble l’avoir longtemps
laissée indifférente et passive. Elle a tardé à la prendre en compte, apparemment peu
perméable à cette approche.
Pourtant, l’importance des subventions publiques et des dépenses fiscales
concernant de nombreux secteurs est une donnée de l’économie française en
général. Leurs effets se sont accrus ces dernières années, contribuant à la
détérioration des finances publiques, à la diminution des marges de manœuvre de la
politique budgétaire et du pilotage macro-économique, à l’endettement du pays, à la
difficulté de redéployer des moyens pour les politiques publiques prioritaires, etc.
Mais, curieusement, cette situation d’ensemble était abordée, jusqu’à il y a peu, sans
articulation avec les politiques qui concourent au développement durable. Peut-être
cela est-il dû à la prédominance, en France, de politiques publiques d’environnement
ayant recours très fortement aux instruments règlementaires, éventuellement assortis
de subventions publiques. Pourtant, un développement durable doit s’effectuer, au
nom de l’équité intergénérationnelle, sans que la génération précédente constitue de
dette excessive au détriment des générations futures.
Depuis le milieu des années 2000, la France paraît prendre conscience des effets
potentiellement dommageables sur l’environnement de certains soutiens publics.
Plusieurs facteurs, d’importance inégale, semblent à l’origine de ce réveil : le poids
croissant des dépenses publiques et des déficits publics, le développement des
préoccupations environnementales aux niveaux international, européen et national, le
lancement de la Révision générale des politiques publiques (RGPP), la mobilisation
autour du Grenelle de l’environnement, la pression croissante et récurrente que
constituent les recommandations internationales renouvelées sur ce sujet, etc.
La protection de la biodiversité a constitué l’une des priorités du Grenelle de
l’environnement. Dans son discours de clôture de cette manifestation, le président de
la République a pris l’engagement selon lequel « toutes les décisions publiques
devront tenir compte de leur coût en matière de biodiversité ».
Par ailleurs, la RGPP et la Révision générale des prélèvements obligatoires (RGPO)
ont inscrit, dès 2007, une mesure de ce type dans leurs textes : « Les orientations
pour le MEDAD dès la première phase de la RGPP sont donc les suivantes […] veiller
à ce que les dépenses fiscales soient favorables à l’environnement […] Les dépenses
fiscales sont passées au crible dans le cadre du chantier de la RGPP, dans le souci de
(1) Commission européenne (2011), « Our life insurance, our natural capital: An EU biodiversity
strategy to 2020 », Communication from the Commission to the European Parliament, the Council,
the economic and Social Committee and the Committee of the Regions, COM(2011) 244 final.
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Les aides publiques dommageables à la biodiversité
revenir sur des dépenses fiscales ayant un impact environnemental négatif ou
insuffisant »1.
Cette volonté de réforme des dispositifs fiscaux dommageables à l’environnement se
2
retrouve dans les engagements du Grenelle et dans la loi n° 2009-967 du 3 août 2009
de programmation relative à sa mise en œuvre, dite « loi Grenelle 1 », qui vise
expressément les dépenses fiscales dommageables à la biodiversité.
L’article 48 précise ainsi : « Le Gouvernement présente au Parlement une évaluation
de l’impact environnemental des aides publiques à caractère budgétaire ou fiscal. Les
aides publiques seront progressivement revues de façon à s’assurer qu’elles n’incitent
pas aux atteintes à l’environnement. L’État veillera à ce que les programmes d’aide au
développement qu’il finance ou auxquels il participe soient respectueux de
l’environnement des pays bénéficiaires et soucieux de la préservation de leur
biodiversité et, pour partie, spécifiquement dédiés à ces finalités ».
L’article 26 indique que « l’État, sur la base d’un audit, fera un état des mesures
fiscales défavorables à la biodiversité et proposera de nouveaux outils permettant un
basculement progressif vers une fiscalité mieux adaptée aux enjeux environnementaux ».
Ces deux articles ont été à l’origine de la saisine ministérielle. Mais la loi Grenelle 1
contient d’autres dispositions qui ne sont pas sans lien avec l’objet de la saisine. Elle
précise que la France soutiendra l’instauration d’un taux réduit de TVA sur les produits
à faible impact sur la biodiversité (art. 54). Elle confirme le doublement du crédit
d’impôt en faveur de l’agriculture biologique (art. 31). Elle prévoit que les incitations
financières et les dispositifs fiscaux relatifs au logement et à l’urbanisme devront être
3
réexaminés afin de limiter l’artificialisation de l’espace naturel (art. 7) . Elle annonce un
4
audit qui permettra de préciser les modalités de prise en compte de la TVB par la
fiscalité locale et les concours financiers de l’État (art. 24).
Difficultés liées à l’objet de la saisine
Malgré ces éléments de contexte plutôt favorables, le groupe de travail a rencontré de
nombreuses difficultés. La première demande figurant dans la lettre de saisine s’est
heurtée à la problématique de l’accès aux données. Certaines dépenses fiscales
n’étant pas recensées comme telles dans les annexes au PLF, en « dresser une liste
exhaustive » s’avère donc hasardeux. Le groupe de travail s’est efforcé d’approcher
au plus près cette exhaustivité. De nombreuses subventions publiques ne sont ni
recensées ni détaillées. Ainsi en est-il, par exemple, des subventions hors budget. Le
(1) Conseil de modernisation des politiques publiques, 12 décembre 2007.
(2) Engagement n° 191 : « Évaluation environnementale des lois et mesures fiscales ».
(3) « II. Le droit de l’urbanisme devra prendre en compte les objectifs suivants, dans un délai d’un
an suivant la publication de la présente loi : a) Lutter contre la régression des surfaces agricoles et
naturelles, les collectivités territoriales fixant des objectifs chiffrés en la matière après que des
indicateurs de consommation d’espace auront été définis. Dans les six mois suivant la publication
de la présente loi, une étude sur la réforme de la fiscalité et sur les incitations possibles pour limiter
l’extension du foncier artificialisé sera effectuée ; […] e) Assurer une gestion économe des
ressources et de l’espace et réexaminer dans cette perspective les dispositifs fiscaux et les
incitations financières relatives au logement et à l’urbanisme. »
(4) La TVB (Trame verte et bleue) est une mesure du Grenelle de l’environnement qui vise à enrayer
le déclin de la biodiversité par la préservation et la restauration des continuités écologiques.
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Octobre 2011
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contenu d’autres subventions n’est pas précisé. Certaines semblent soutenir un
mélange d’actions favorables et défavorables à la biodiversité, d’autres sont mixtes en
elles-mêmes. Les subventions des collectivités territoriales ne semblent pas
consolidées. Certaines subventions de fait, telles que les allègements de
réglementation ou l’absence d’internalisation des externalités, demeurent difficiles à
quantifier. En l’absence de comptabilité analytique, la nomenclature budgétaire
fonctionnelle utilisée par l’État ne permet pas d’identifier spontanément les
subventions potentiellement favorables ou défavorables à la biodiversité. Un long
travail d’investigation mission par mission, programme par programme, action par
action, selon l’architecture budgétaire mise en place par la LOLF, a donc été
nécessaire. S’il a cerné l’essentiel, il n’a probablement pas permis une analyse
totalement exhaustive.
Au-delà de la mise en place d’un groupe de travail, la lettre de saisine faisait le constat
qu’« un pilotage interministériel qui saura mobiliser l’ensemble des acteurs, y compris
les secteurs bénéficiaires de ce type de subventions, s’avère nécessaire ». Pour
répondre à ce souhait, il a été choisi d’inclure d’emblée dans le groupe de travail des
représentants de « l’ensemble des secteurs, y compris les secteurs bénéficiant de ce
type de subventions ». D’où de nouvelles difficultés. On sait qu’il est toujours difficile
de revenir sur des soutiens publics, qu’ils prennent la forme de subventions publiques
ou de dépenses fiscales. Les secteurs bénéficiaires pour lesquels ces aides peuvent
représenter un avantage substantiel cherchent assez naturellement à les prolonger, y
compris lorsque la cause originelle a disparu. À l’inverse, le financement de ces
soutiens pesant sur les contribuables, la charge peut paraître légère pour chacun,
tandis que leur cumul sera lourd pour l’État et l’ensemble des contribuables.
Dès la première séance, il a été précisé que les buts du groupe de travail n’étaient pas
tant budgétaires (diminuer le montant total des soutiens) qu’environnementaux (mieux
identifier les soutiens existants et, si possible, en modifier les modalités d’attribution
pour les rendre moins dommageables à la biodiversité). Néanmoins, des propositions
de nouvelles normes, de nouvelles amendes, de nouvelles taxes, d’affectation de
taxes existantes, de nouveaux financements publics affectés à la biodiversité,
d’interventions accrues de l’État ont été formulées de façon récurrente, par plusieurs
membres, dans des contributions écrites comme orales.
Cette difficulté d’appropriation du sujet tient à trois éléments cumulatifs. D’abord, une
prise de conscience peut-être insuffisante de la situation générale des finances
publiques, de la nécessaire rationalisation de la dépense publique, et de son
allocation optimale. Ensuite, une perception de la fiscalité essentiellement comme
outil budgétaire de prélèvement et de financement de politiques publiques et non
comme outil incitatif d’orientation vers des comportements éco-efficients. Enfin, une
sous-estimation des effets pervers des subventions publiques et des dépenses
fiscales dommageables en matière de biodiversité et d’environnement en général.
Dans tous les cas, les réflexions conduites dans le cadre de ce groupe de travail et de
ce rapport devraient contribuer à remettre en cause la culture de l’accroissement de la
dépense publique au profit d’une approche plus nuancée de cette dépense et de ses
éventuels effets pervers sur la biodiversité.
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Les aides publiques dommageables à la biodiversité
Périmètre du rapport
Face à ces difficultés et à ces interrogations, le champ du rapport doit être précisé sur
trois plans : thématique, budgétaire, géographique.
Sur le premier plan, le groupe de travail s’en est tenu à la lettre de saisine et aux
précisions apportées par le commanditaire. Ses constats et recommandations ne
sauraient préjuger d’arbitrages ultérieurs. Le groupe de travail est pleinement
conscient qu’il peut être décidé, pour d’autres raisons, de maintenir, à court terme,
des soutiens publics identifiés comme dommageables à la biodiversité. De tels
soutiens peuvent même engendrer des effets positifs sur d’autres aspects de la
thématique environnementale, et avoir été mis en place dans ce but.
Sur le deuxième plan, le chapitre 1 précise les formes de soutien public prises en
compte. Il suffit d’indiquer ici que le groupe de travail s’est accordé pour retenir les
différentes formes de soutien public : subventions budgétaires, subventions hors
budget, dépenses fiscales, non-internalisation d’externalités négatives, soutiens de
l’État ou des collectivités territoriales, etc.
Quant au plan géographique, le groupe de travail a considéré qu’il devait croiser des
critères territoriaux et des critères de soutien public pour le définir. À cette aune,
quatre champs géographiques ont été retenus.
Le premier concerne l’aide publique au développement (APD). Destinée à des pays
étrangers, il ne s’agit certes pas de biodiversité française. Mais il s’agit bien de
soutiens publics français. En outre, étant donné la richesse et la fragilité des
écosystèmes des pays récipiendaires d’une grande partie de cette APD, il est
possible, voire probable qu’un même euro de dépense publique dommageable
entraîne des effets négatifs supérieurs dans ces pays qu’en France métropolitaine.
2
Le deuxième concerne la biodiversité marine : 11 millions de km de milieux marins et
2
plus de 14 000 km de récifs coralliens se trouvent sous juridiction française. Par les
mers, la France est voisine de 35 pays. Elle possède le second domaine marin dans le
monde après les États-Unis et le premier au sein de l’Union européenne (UE). Dès
lors, aucune stratégie ni action européenne de conservation ou d’utilisation durable de
la biodiversité marine ne peuvent réussir sans la France.
Le troisième concerne l’Outre-mer français. Il relève pleinement du champ du rapport
pour deux raisons. D’une part, les soutiens publics y sont plus élevés en termes
relatifs qu’en métropole. D’autre part, la richesse et la fragilité de la biodiversité y sont
plus importantes. Quatre des cinq « points chauds » français (sur 25) de la biodiversité
mondiale se trouvent en Outre-mer : Nouvelle-Calédonie, Océan Indien, Polynésie et
Caraïbes (outre la Méditerranée). Ces territoires abritent un patrimoine naturel
d’importance mondiale, dont 10 % des récifs coralliens et lagons de la planète ou
encore 8 millions d’hectares de forêt tropicale. Le Muséum national d’histoire naturelle
recense plus de 240 plantes vasculaires endémiques en Nouvelle-Calédonie contre 66
en métropole. La Polynésie française accueille 28 espèces d’oiseaux endémiques
contre une seule en métropole. Les collectivités d’outre-mer abritent autant d’espèces
endémiques que toute l’Europe occidentale : 3 450 espèces végétales et 380 espèces
de vertébrés uniques au monde. Cette particularité provient de leur situation
géographique. L’Outre-mer français est présent dans les deux hémisphères, dans
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trois océans et dans huit grandes régions biogéographiques situées en zones australe,
antarctique, équatoriale, tropicale et sub-boréale.
Le quatrième champ concerne la métropole. Le territoire métropolitain est plus riche
en biodiversité que la plupart des autres pays de l’UE. C’est là que les données sont
les moins inaccessibles et que les montants en jeu sont les plus importants.
Organisation du rapport
La communauté scientifique s’accorde à reconnaître l’existence de cinq grandes
causes d’érosion de la biodiversité. Le Global Biodiversity Outlook de 2006 les
identifie comme suit : la modification des habitats, la surexploitation des ressources,
les pollutions à l’azote et au phosphore (le groupe de travail ne se limite pas à ces
1
deux polluants), les espèces invasives et le changement climatique . Ces causes sont
reprises dans les débats internationaux, dans les deux stratégies européennes et dans
les deux stratégies nationales de la biodiversité. Le groupe de travail a considéré que
ces cinq causes étaient en France – Outre-mer et domaine maritime compris – les
principaux facteurs d’érosion de la biodiversité. Il lui a donc paru logique d’organiser
2
le rapport en fonction de celles-ci et des soutiens publics qui les favorisent .
(1) Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique (2006), Perspectives mondiales de la
diversité biologique, 2e édition, Montréal, 83 p.
(2) Le changement climatique est traité de pair avec les pollutions. En effet, une des causes
majeures du changement climatique se trouve dans l’émission de gaz à effet de serre tels que le
dioxyde de carbone, le méthane, le protoxyde d’azote ou encore l’ozone. Or ces gaz proviennent
essentiellement d’activités humaines polluantes. C’est pourquoi le rapport étudiera conjointement
ces deux pressions.
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Synthèse
L’impact des subventions publiques sur l’environnement fait l’objet d’une attention
croissante depuis plusieurs décennies, notamment au sein de l’OCDE et de l’UE. La
focalisation sur la biodiversité est plus récente : la Conférence des parties issue de la
Convention sur la diversité biologique (CDB) a adopté en 2010 à Nagoya un plan
stratégique dont l’un des principaux objectifs est la réforme, la suppression ou la
réduction de ces subventions d’ici 2020. La stratégie communautaire en faveur de la
diversité biologique recommandait cette élimination depuis 1998. En France, la loi
d’août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de
1
l’environnement prévoit explicitement que l’État, sur la base d’un audit, fera état des
mesures fiscales défavorables à la biodiversité et proposera de nouveaux outils
permettant un basculement progressif vers une fiscalité mieux adaptée aux nouveaux
enjeux environnementaux. Ce texte a conduit le Centre d’analyse stratégique à mettre
en place, à la demande des secrétaires d’État chargées de l’Écologie et de la
Prospective, un groupe d’experts, d’économistes, de représentants de syndicats, des
entreprises, d’associations environnementales et de l’administration.
Cette réflexion a rencontré des difficultés liées à l’identification de nombreuses
subventions qui ne sont ni recensées ni détaillées, à l’appréciation de leur caractère
plus ou moins dommageable pour la biodiversité ainsi qu’à la caractérisation des
mesures susceptibles d’être réformées. Malgré la qualité des contributions et
l’engagement des rapporteurs, le travail mené ne peut prétendre à une réelle
exhaustivité. Il s’est néanmoins efforcé d’aboutir à des propositions pragmatiques
dont l’application réduirait les dommages à la biodiversité.
Le groupe a ainsi écarté de son champ d’analyse les considérations trop générales
relatives aux modes actuels de développement. Il s’est également efforcé de ne pas
développer les enjeux liés à des formes d’intervention des pouvoirs publics non
financières, bien que ces questions soient souvent revenues dans les débats.
Il s’est en revanche appliqué à traiter la question dans une acception large et dans un
esprit positif qui consistait à ne jamais considérer qu’une subvention pouvait ne pas
avoir de justification légitime et qu’il suffisait donc de la supprimer. Les aides de l’État
constituent même parfois un soutien direct à une activité dont l’exercice peut conduire
à la dégradation de la biodiversité. Dans ces cas, le groupe a cherché non à les
supprimer mais à les réorienter vers des pratiques moins dommageables, à somme
constante. Il a abordé le sujet en partant des grandes causes de pressions
anthropiques sur la biodiversité, approche couramment pratiquée dans les enceintes
internationales. Il apparaît en outre que les mesures qui contribuent aujourd’hui à la
dégradation de la biodiversité résultent bien souvent de choix hérités du passé, à une
époque où cet enjeu n’était pas suffisamment pris en compte.
(1) Articles 26 et 48 de la loi 2009-967, dite loi « Grenelle 1 ».
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Les aides publiques dommageables à la biodiversité
Définitions, méthodes, limites
La notion de subvention demandait à être précisée. Dans ce rapport, le concept
d’aide publique nuisible à la biodiversité renvoie à trois notions :
•
les transferts financiers de l’État ou des collectivités territoriales vers des agents
privés ou éventuellement publics ;
•
une action gouvernementale de nature à conférer un avantage en termes de
revenu ;
•
une absence d’internalisation de certains effets externes. Leur caractère
dommageable doit être établi par comparaison avec un état du monde sans action
publique qui serait plus favorable à la biodiversité.
Le groupe de travail a retenu une définition extensive des aides publiques
dommageables à la biodiversité qui couvre à la fois les subventions, les dépenses
fiscales, les avantages d’origine réglementaire, la non-application ou l’application
partielle de la réglementation ainsi que les subventions implicites.
Pour réformer les aides publiques nuisibles à la biodiversité, plusieurs cadres
méthodologiques ont été proposés par l’OCDE, le rapport TEEB, la Commission
européenne. Le groupe a retenu une approche en trois étapes, conformément à la
lettre de saisine :
•
un inventaire des aides publiques susceptibles d’être dommageables à la
biodiversité ;
•
la tentative de description de certains liens entre aide publique et dégradation de
la biodiversité ;
•
des propositions de reconfiguration des aides publiques identifiées comme
dommageables.
La relation de causalité entre aide publique et état de la biodiversité peut être délicate
à établir car les liens sont parfois indirects ou ambivalents. Un cadre général a été
proposé par l’OCDE avec le modèle DPSIR (« Driver-Pressure-State-ImpactResponse »). Ce modèle implique de choisir des indicateurs, tant au niveau des forces
motrices (drivers) que des pressions (dégradation des habitats, surexploitation,
pollutions, invasions) et des réponses des écosystèmes. Le groupe a eu rapidement
conscience que les relations entre ces indicateurs pouvaient être complexes, voire
problématiques. Concernant la réforme, si la référence conceptuelle à un système de
prix internalisant l’ensemble des coûts et avantages était centrale, les propositions ont
parfois eu recours à d’autres formes d’internalisations, comme les normes et la
réglementation, qui paraissaient plus réalistes.
Les cinq principales causes d’érosion de la biodiversité
en France
La notion de biodiversité fait l’objet de multiples définitions qui renvoient, d’une part, à
la variété des espèces existantes, aux différents niveaux d’organisation du vivant et,
d’autre part, aux approches fonctionnelles et à la pluralité des services rendus.
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- Synthèse -
La définition retenue ici, comme par le groupe de travail présidé par Bernard
1
Chevassus-au-Louis , renvoie à l’ensemble du tissu du vivant, faune, flore, microorganismes, et considère deux variables majeures : la diversité du vivant avec ses
trois principaux niveaux d’organisation, et l’appréciation de son abondance qui
détermine à la fois son importance pour l’homme et sa probabilité de maintien. Sont
ainsi prises en compte la diversité remarquable, la diversité ordinaire, la diversité
fonctionnelle, la pluralité des services écosystémiques et la diversité paysagère.
Au-delà des définitions, la connaissance et le suivi de l’état de la biodiversité
impliquent de pouvoir, à travers des observatoires, la surveiller et, dans la mesure du
possible, la quantifier afin notamment d’alerter la collectivité sur son évolution.
Les travaux publiés depuis deux décennies s’accordent sur le constat d’une érosion
accélérée de la biodiversité et sur l’existence de cinq grandes pressions qui en sont à
l’origine :
•
la destruction et la dégradation qualitative des habitats par la fragmentation, le
changement d’usage des terres, l’artificialisation, la simplification et l’intensification
des pratiques agricoles ;
•
la surexploitation des ressources naturelles renouvelables (ressources halieutiques,
en eau, sols, forêts) ;
•
les pollutions (nitrates, pesticides, thermiques, résidus de médicaments) ;
•
le changement climatique qui agit sur l’ensemble des équilibres, mais fait l’objet
de multiples autres formes d’actions et de politiques ;
•
les espèces exotiques envahissantes.
Il est délicat d’établir une hiérarchie entre ces causes, même si le principal impact
semble résulter de l’artificialisation des sols et de la dégradation des habitats. Les
effets tendent à se renforcer mutuellement. Le changement climatique apparaît
comme une cause potentiellement majeure qui dépend certes des politiques
nationales mais aussi internationales. La question de la coordination des politiques
nationales se pose également pour les espèces exotiques envahissantes, notamment
par souci de conformité avec les règles de l’OMC. Enfin, il est clair que si les
mécanismes de subventions publiques peuvent s’appliquer de façon non différenciée
à l’ensemble du territoire national, leurs effets sont souvent bien différents selon les
milieux considérés. À l’inverse, certains soutiens publics sont parfois concentrés sur
des territoires particulièrement riches et/ou fragiles en matière de biodiversité.
Les aides publiques qui favorisent la destruction et la dégradation
des habitats naturels
Les aides publiques peuvent contribuer à trois formes de destruction des habitats
jugées préoccupantes en France : l’artificialisation, la semi-artificialisation et la
fragmentation.
Les surfaces sont dites artificialisées lorsqu’elles sont retirées de leur état
« naturel », agricole ou forestier, pour être bâties, revêtues, ou transformées en jardins,
(1) Centre d’analyse stratégique (2009), L’approche économique de la biodiversité et des services
liés aux écosystèmes, op. cit., p. 34.
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Les aides publiques dommageables à la biodiversité
espaces de sports ou de loisirs. L’artificialisation est une tendance lourde (21 000 km²
depuis 1990), principalement du fait de zones urbaines discontinues et des zones
industrielles et commerciales, au détriment des terres agricoles.
Un ensemble d’aides publiques contribue à l’étalement urbain et l’éloignement des
zones d’activité en influençant les choix individuels ou certains déterminants
politiques sur les activités économiques. Les aides à l’acquisition de l’habitation
principale vont préférentiellement à des logements neufs d’autant moins chers qu’ils
sont loin des centres-villes, alors que la réhabilitation ne consomme pas d’espace.
Les aides à la construction de logements neufs pour l’acquisition ou l’investissement
locatif vont également dans ce sens. Le faible coût des transports et son abaissement
relatif, notamment par rapport au coût des logements, favorisent des arbitrages
suscitant l’étalement urbain. Pour attirer des activités sur leur territoire et augmenter
leurs recettes fiscales, les communes périurbaines tendent à offrir des niveaux de taxe
professionnelle (remplacée par la contribution économique territoriale) plus faibles. La
perception au niveau communal de ce type de recettes suscite des effets de concurrence pervers car il induit parfois suréquipement et surconsommation d’espace.
La semi-artificialisation est une forme intermédiaire d’artificialisation. Elle correspond
à une simplification des paysages et à une intensification des usages des habitats.
Depuis le début des années 1950, le changement d’utilisation des terres et
l’intensification des systèmes de production ont entraîné une réduction de
l’hétérogénéité et de la complexité des écosystèmes agricoles. Les habitats forestiers
sont globalement en bon état.
Le groupe a identifié des aides publiques pouvant favoriser, sous certaines conditions,
des pratiques qui réduisent les fonctions naturelles des habitats agricoles, notamment
par des incitations à l’intensification ou au maintien de cultures intensives (aides
influant sur le prix des facteurs de production) et à la simplification des paysages
(aides déterminant le maintien ou non d’éléments semi-naturels tels que haies,
bosquets, mares, et le choix des cultures). Concernant les habitats forestiers, la
perspective du développement du bois énergie ou de biocarburants de seconde
génération pourrait, à terme, augmenter la part des habitats forestiers semi-artificiels.
La fragmentation des habitats diminue la surface d’habitat disponible et augmente
l’isolement des fragments (réduction de la connexion entre les populations). Elle est
souvent liée à la mise en place d’une infrastructure linéaire de transport, pour les
habitats terrestres, ou d’un barrage, pour les rivières. Certaines aides contribuent à
cette fragmentation, en particulier les financements publics pour les réseaux de
transport routiers, ferroviaires et fluviaux ou la sous-tarification de leur usage. En
outre, il existe plusieurs formes de redevance pour service rendu ou pour utilisation du
domaine public qui ne prennent pas suffisamment en compte les coûts sur la
biodiversité.
Les aides publiques qui favorisent la surexploitation
des ressources naturelles renouvelables
En France, la surexploitation de trois ressources naturelles renouvelables est jugée
préoccupante : les sols, les ressources halieutiques et l’eau.
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- Synthèse -
De multiples activités humaines conduisent à une surexploitation des sols qui se
traduit notamment par un appauvrissement des stocks de carbone. Parmi les aides
publiques susceptibles de favoriser ces activités, le groupe a identifié en particulier :
•
celles qui contribuent à des changements d’occupation des sols (retournement
des prairies pour cultures annuelles, imperméabilisation des surfaces agricoles),
notamment en influençant certaines activités consommatrices de surfaces
foncières, comme l’extension des surfaces artificialisées (logements, zones
d’activité), les infrastructures de transport et autres équipements collectifs (publics
ou privés) ou en favorisant le développement des agrocarburants ;
•
celles qui contribuent à l’intensification ou au maintien de pratiques intensives qui
diminuent la teneur en carbone des sols (mesures indirectes encourageant la
production, la mécanisation, l’usage d’intrants).
Un ensemble d’aides publiques contribue à aggraver la surexploitation de la mer et
des stocks halieutiques. En particulier, la pêche professionnelle, exposée à la
stagnation des prises et à la concurrence de flottilles européennes, est confrontée à
des fluctuations importantes de ses revenus orientés à la baisse et bénéficie de
plusieurs aides dont la plus importante est l’exonération de taxe intérieure de
consommation (TIC) sur les carburants pétroliers. Le groupe a identifié d’autres
mesures ayant des effets potentiellement dommageables. Par ailleurs, la pêche
récréative – qui ne bénéficie pas de subventions publiques – pourrait néanmoins faire
l’objet de plus de suivi, contrôle des prises et, en premier lieu, d’information.
Certaines aides publiques pourraient aggraver la surexploitation de la ressource en
eau pour ses différents usages et ainsi affecter la biodiversité de certains
hydrosystèmes :
•
les usages domestiques font l’objet d’une tarification incitant les opérateurs privés
qui desservent 80 % de la population à favoriser la consommation ;
•
les usages industriels sont significativement en baisse mais certains usages sont
exonérés de la redevance de prélèvement ;
•
la redevance de prélèvement perçue par les agences de l’eau est peu différenciée
spatialement ;
•
la mobilisation de la ressource pour la production d’énergie bénéficie de plusieurs
subventions ou dépenses fiscales ;
•
les usages agricoles bénéficient également de taux de taxes non incitatifs ou non
internalisants qui aboutissent, malgré la baisse des surfaces irriguées depuis 2003,
au maintien des volumes consommés. Bien que les soutiens aux investissements
initiaux et au renouvellement d’infrastructures soient généralement bien conçus,
cette tendance est liée à une tarification forfaitaire des services de réseau et à une
redevance de prélèvement et consommation de la ressource peu incitative.
Comme le note le Conseil économique, social et environnemental, la plupart des
acteurs de l’eau, en France, « tiennent pour acquis le “confort” hydrique de
l’Hexagone », ce qui rend difficile la remise en cause de la pertinence des systèmes
d’irrigation et a conduit, jusqu’ici, à ne pas envisager la mise en place de marchés de
droits ou le développement de dispositifs assurantiels plus favorables. La modification
progressive du climat risque cependant de provoquer des épisodes de sécheresse
prolongée et de perturber les régimes hydriques des différents bassins, soulevant de
nouveau ce type de questions à l’avenir.
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Les aides publiques dommageables à la biodiversité
Les aides publiques qui favorisent les pollutions
La pollution touche tous les milieux : l’air, les sols et les eaux.
La pollution atmosphérique désigne un ensemble d’éléments (aérosols, métaux
traces, produits organiques persistants, ions, micro-organismes) dont la présence
résulte de processus naturels (remise en suspension de particules par le vent,
émissions foliaires, activité volcanique, aérosols marins) et anthropiques (industries
diverses, trafic automobile, usines d’incinération, chauffage domestique). La
régulation de ces pollutions fait l’objet d’une série de textes et d’engagements
internationaux de la France. Les aides publiques qui favorisent les émissions sont
principalement des dispositions ou taxes insuffisamment internalisantes, voire peu
incitatives dans les domaines de l’utilisation d’énergie fossile et de biomasse, de
l’industrie et du transport.
Les contaminations diffuses des sols par des éléments traces métalliques d’origine
humaine sont principalement liées aux apports par voie aérienne (rejets industriels,
transports) et aux épandages agricoles (ainsi qu’à certains produits dont l’utilisation
s’est poursuivie au-delà de délais raisonnables, comme le chlorodécone). Les sites
pollués soulèvent des problèmes dont l’importance est parfois accrue par leur
caractère « orphelin » et la difficulté de connaître l’origine de certains polluants.
L’internalisation des coûts est alors réellement problématique en l’absence
d’élargissement de la responsabilité de certains acteurs et constitue une subvention
de fait. Le principe pollueur-payeur est souvent inapplicable en l’espèce. La taxe
générale sur les activités polluantes (TGAP) sur les déchets ménagers et assimilés et
les déchets industriels spéciaux, qui a été conçue dans une perspective de
financement, n’est pas incitative. Elle fait en outre l’objet de multiples exonérations.
Enfin, la pollution des eaux semble clairement sous-tarifée. Il s’agit, notamment des
pollutions urbaines mais le cas le plus préoccupant est sans doute celui des nitrates
d’origine agricole qui soulève des problèmes à grande échelle dans certaines régions,
en particulier en Bretagne. Il traduit un défaut patent d’internalisation et entraîne un
ensemble de dépenses pour les ménages, notamment sur leur facture d’eau. Selon le
ministère de l’Écologie, les coûts de traitement de l’azote par les stations de
potabilisation des eaux seraient, en 2003, compris entre 220 et 510 millions d’euros,
auxquels s’ajoutent les autres surcoûts supportés par ces services (nettoyage des
captages et conduites d’aspiration eutrophisés, délocalisation de captages, etc.).
L’ensemble de ces dépenses permet de traiter 3 000 tonnes d’azote, soit seulement
0,4 % de l’excédent rejeté aux milieux aquatiques.
Les aides publiques qui favorisent l’introduction
et la dissémination des espèces envahissantes
Certaines activités humaines ont pour effet de faciliter le contournement des obstacles
qui avaient donné lieu au développement de flores et de faunes distinctes selon les
régions. Des espèces ont ainsi été introduites, accidentellement ou intentionnellement,
dans des zones éloignées de leur habitat d’origine. Parfois, elles s’implantent si bien
qu’elles perturbent profondément les écosystèmes et deviennent des espèces
exotiques envahissantes ou « invasives ». Leur impact sur la biodiversité, la santé ou
les activités humaines sont très divers et d’intensité variable. Une invasion biologique
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- Synthèse -
peut être spontanée mais un ensemble d’activités humaines participent le plus souvent
à l’introduction, à la dissémination ou au caractère envahissant d’espèces exotiques.
Les déplacements de personnes ou de marchandises, dont le volume s’est considérablement accru avec la libéralisation des échanges internationaux, accroissent les
probabilités de ces introductions alors même que la dégradation des habitats, les
pollutions ou les changements climatiques fragilisent les milieux face au risque
d’invasion. Certaines activités engendrent des risques accidentels, alors que d’autres
(les transports ou le tourisme) peuvent être qualifiés de structurels, voire introduire
intentionnellement ou par négligence des espèces exotiques (nouvelles cultures,
animaux de compagnie). Enfin, une espèce peut devenir invasive en raison de
changements dans son milieu. Certaines de ces activités bénéficient de subventions.
Le groupe a identifié peu de subventions favorisant directement des invasions
biologiques. Il s’agit d’aides résultant principalement de l’inaction publique dans la
lutte contre les espèces envahissantes au niveau réglementaire et de la noninternalisation de coûts externes négatifs.
Les transports, les ports et les aéroports sont largement subventionnés ou soustarifés. En particulier, les transports internationaux ne payent pas leurs externalités, y
1
compris celles sur la biodiversité (absence de TIC). Plusieurs taux réduits de TVA sont
également repérés (certains produits anti-parasitaires, plantes ornementales, parcs
zoologiques).
Les coûts externes résultant des invasions ne sont généralement pas internalisés,
notamment dans le prix des transports via la structure des droits de douane. Mais
c’est l’inaction réglementaire qui apparaît la plus critiquable. La politique communautaire, par exemple, ne simplifie pas les actions coordonnées entre les États membres.
En outre, elle tarde à construire une stratégie européenne de lutte contre les espèces
envahissantes. Enfin, la surveillance internationale fait globalement défaut.
Recommandations
Compte tenu de l’étendue et de la complexité de la mission, le rapport distingue des
orientations générales, qui définissent des objectifs à moyen terme, et des
propositions, qui portent davantage sur des suggestions de réformes concrètes à plus
court terme. La mission du groupe était d’identifier les subventions nuisibles à la
biodiversité et d’avancer des pistes de réforme, mais pas d’identifier des situations
privilégiées dans un but d’économie budgétaire. Aussi, l’ensemble des orientations et
des propositions doit-il s’entendre a priori comme ne modifiant pas le volume des
aides dont tel secteur ou type d’activité bénéficie, mais s’efforçant de faire disparaître
ou d’amenuiser les incitations délétères.
Cette synthèse présente une sélection des recommandations du groupe de travail,
sélection qui privilégie :
•
les plus faciles à mettre en œuvre ;
•
les plus conceptuellement innovantes.
(1) Si le transport international entre dans le système ETS (système européen d’échanges de quotas
d’émissions), les externalités dues aux émissions de CO2 seront, en théorie, internalisées.
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Les aides publiques dommageables à la biodiversité
Elles sont regroupées par catégories. Seul l’énoncé de la proposition est indiqué ici, le
lecteur pourra se reporter à la partie Recommandations pour les informations
complémentaires.
Recommandation n° 1 – Transparence et reporting
Au vu de la richesse et de la fragilité de la biodiversité sur le territoire français et plus
particulièrement dans les DOM-TOM, les soutiens publics devraient y être évalués
et (parfois) conditionnés avec plus de rigueur.
Se doter d’un Document de politique transversale relatif à la biodiversité.
Recommayndation n° 2 – Évaluations
Accorder aux impacts sur la biodiversité un même poids et un même niveau de
précision que ceux accordés aux gaz à effet de serre dans les études d’impact des
projets, l’évaluation environnementale des plans et programmes et dans les études
d’impact des projets de loi transmis par le gouvernement au Parlement.
Mieux intégrer la biodiversité dans les évaluations socioéconomiques des projets
d’infrastructures :
•
en prenant mieux en compte les impacts indirects d’une nouvelle infrastructure,
notamment par le biais de l’urbanisation induite ;
•
en ne réduisant pas la question de l’impact sur la biodiversité aux atteintes aux
espèces protégées et en l’étendant aux impacts sur le fonctionnement des
écosystèmes ;
•
en révisant les valeurs utilisées dans le calcul socioéconomique afin d’intégrer,
même partiellement, les valeurs de la biodiversité. Toutefois, dans la mesure où la
fixation de valeurs tutélaires pour la biodiversité n’est pas immédiatement à portée
de main, renforcer dès à présent l’application des exigences en matière
d’évitement, d’atténuation ou de compensation des impacts.
Recommandation n° 3 – Commande publique
Utiliser la commande publique comme un levier pour diminuer les soutiens
dommageables à la biodiversité.
Recommandation n° 4 – Rendre plus incitatives les taxes et redevances
Engager une réflexion sur les moyens permettant à l’exécutif d’instituer plus
fréquemment de véritables écotaxes incitatives dans des conditions de sécurité
juridiques satisfaisantes, autant que dans le respect de la Constitution et des
principes généraux du droit (notamment l’égalité devant l’impôt).
Faire évoluer le régime des redevances pour mieux prendre en compte les
impacts sur l’environnement et la biodiversité.
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- Synthèse -
En outre, moduler la redevance domaniale due par les exploitants de granulats en
fonction de la sensibilité écologique des fonds et des milieux marins.
Instituer une taxe prolongeant la redevance d’occupation du domaine public
maritime au-delà des 12 milles dans la Zone économique exclusive ou sur le plateau
continental.
Les concessionnaires de mines, les titulaires de permis d’exploitation de mines et les
explorateurs de gisements de pétrole et de gaz combustibles étant exonérés de
redevance communale et départementale des mines au-delà de 1 mille marin de la
ligne de base, créer une redevance domaniale, perçue par l’État, de 1 à 12 milles
dans les eaux territoriales.
Recommandation n° 5 – Artificialisation des sols et étalement urbain
Réserver le Prêt à taux zéro+ (PTZ+) dans le neuf aux logements intra-urbains
et/ou à proximité des TCSP (transports en commun en site propre).
Supprimer la possibilité qu’ont les collectivités territoriales d’exonérer de 50 %
de la taxe d’aménagement les maisons individuelles en diffus financées à l’aide
du PTZ+.
Redéfinir le zonage géographique du dispositif Scellier et autres régimes
d’investissement locatif dans le neuf :
•
en excluant les zones géographiques B2 (agglomérations de plus de 50 000
habitants et de moins de 250 000 habitants) ;
•
en réservant ce dispositif à l’intra-urbain et/ou à proximité des transports en
commun.
Inclure des critères d’impact sur la biodiversité et de maîtrise de l’étalement
urbain dans le calcul de la compensation affectée aux collectivités locales pour
leurs frais liés à l’établissement ou à la révision de leurs documents d’urbanisme.
Rendre obligatoire la mention de la distance à la gare ou à la station de transport
en commun la plus proche lors de l’ouverture de nouvelles zones urbaines (« zone
U ») au plan local d’urbanisme (PLU), dans l’évaluation environnementale du PLU et
lors de la commercialisation de nouveaux lotissements.
Supprimer l’abattement de 50 % de la valeur par mètre carré sur laquelle est
basé le calcul de la taxe d’aménagement pour les entrepôts et hangars non
ouverts au public faisant l’objet d’une exploitation commerciale, quelle que soit leur
localisation.
Rendre obligatoire le Versement pour sous-densité (VSD) dans les zones
logistiques, entrepôts, et hangars.
Majorer la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM) pour les établissements
situés en zone périphérique et la minorer pour les établissements situés en centre
urbain.
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Les aides publiques dommageables à la biodiversité
Réviser la taxe d’aménagement appliquée aux parkings :
•
réduire l’écart de taxation entre les parkings intégrés au bâti et les parkings non
intégrés ;
•
réviser le taux de cette taxe afin de mieux internaliser les coûts sur la biodiversité.
Recommandation n° 6 – Transports
Ralentir la fragmentation des habitats. La diminution des soutiens publics à la
création de nouvelles infrastructures au profit de l’entretien, de la requalification et de
la mise à niveau du réseau existant apparaît comme une solution de minimisation des
impacts dommageables des subventions publiques aux transports.
Mieux internaliser les coûts des infrastructures routières sur la biodiversité :
•
en conditionnant l’autorisation de construction à des mesures d’atténuationcompensation beaucoup plus strictes ou en instaurant une taxe internalisant les
dommages liés à la construction de l’infrastructure ;
•
en faisant payer les dommages à la biodiversité résultant de l’usage des
infrastructures autoroutières via les péages et/ou une fraction du prix du carburant
vendu dans les stations-services situées dans leur emprise.
Recommandation n° 7 – Eau
À court terme, instaurer un tarif plancher de la redevance pour prélèvement brut
pour chaque usage de l’eau et réviser les tarifs plafonds pour y intégrer, en plus de la
récupération des coûts des services de gestion de l’eau, celle des coûts sur le milieu
aquatique et sur la biodiversité.
À moyen terme, instaurer une redevance sur prélèvement net ou sur prélèvement
brut corrigé par un coefficient de restitution. Assujettir, en outre, le drainage à la
redevance prélèvement.
Publier au plus vite le décret d’application de l’article 161 de la loi Grenelle 2 qui
fixe le taux de pertes en eau des réseaux de distribution d’eau au-delà duquel les
services publics de distribution doivent établir un projet de programme pluriannuel de
travaux d’amélioration du réseau.
Réviser la redevance pour pollution non domestique :
•
en ciblant la redevance sur les substances dangereuses prioritaires de la directivecadre sur l’eau (2000/60/CE) ;
•
en revoyant les tarifs de sorte qu’ils prennent en compte les coûts des substances
dangereuses prioritaires sur le milieu aquatique et sur la biodiversité ;
•
en incluant l’élément chaleur tout au long de l’année ;
•
en assujettissant les activités de collecte et de traitement des eaux usées.
Revoir les seuils en dessous desquels une activité est assujettie à la redevance
pour pollution domestique (et non à la redevance pour pollution non domestique), de
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sorte que les activités contribuant significativement aux rejets de substances dangereuses prioritaires soient assujetties à la redevance pour pollution non domestique.
Assujettir l’ensemble des installations hydroélectriques à la redevance pour
obstacle.
Recommandation n° 8 – Agriculture
Réviser la structure de taxation des facteurs de production agricole via une baisse
des charges sociales et de la fiscalité sur le foncier non bâti, partiellement compensée
par une augmentation de la fiscalité sur les intrants potentiellement négatifs pour la
biodiversité dès lors qu’ils sont utilisés de façon excessive ou inappropriée (engrais,
produits de traitement des cultures, eau).
Soumettre les engrais et produits phytosanitaires au taux normal de TVA.
Renforcer, à terme, la prise en compte de la biodiversité dans les soutiens du
premier pilier de la PAC (modulation du montant des Droits à paiement unique en
fonction de critères environnementaux, en particulier de critères relatifs à la
biodiversité).
Renforcer, à terme, les mesures agro-environnementales du second pilier ciblées
sur la biodiversité (renforcement technique, budgétaire, et meilleure prise en compte
des démarches territoriales).
Recommandation n° 9 – Industrie
Introduire l’arsenic et le sélénium dans la taxe générale sur les activités
polluantes (TGAP) pour émissions polluantes.
Expérimenter une véritable écotaxe internalisante (ou une composante de la
TGAP) sur un polluant atmosphérique.
Recommandation n° 10 – Collectivités territoriales
Intégrer un critère de biodiversité dans le calcul de la dotation générale de
fonctionnement. Un critère surfacique susceptible de s’appuyer sur des données peu
contestables semble le plus approprié.
Recommandation n° 11 – International
La France présidente du G8 et du G20 pourrait proposer un engagement de
rationalisation et d’élimination à moyen terme des subventions dommageables à
la biodiversité lors du G20 de fin 2011 à Cannes, dans la ligne de l’engagement pris
pour les subventions aux énergies fossiles lors du G20 de Pittsburgh en 2009.
Développer l’échange dette-nature, en particulier augmenter la part des Contrats de
désendettement et de développement (C2D) affectée à la biodiversité.
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Octobre 2011
Recommandations
La lettre de saisine demande de « proposer des pistes d’évolution et de réforme » des
aides publiques afin de réduire voire d’annuler leur impact dommageable. Le groupe
de travail a souhaité formuler deux types de recommandations. D’une part, des
orientations générales qui correspondent aux « pistes d’évolution » demandées mais
qui pour certaines nécessitent un travail d’approfondissement et de concertation.
D’autre part, des propositions plus précises et concrètes qui reflètent d’ores et déjà
une position unanime, au-delà du devoir de réserve propre aux administrations
représentées dans le groupe, et dont beaucoup semblent pouvoir être mises en œuvre
rapidement.
1 Orientations générales
TRANSPARENCE ET «
REPORTING
»
1. Faciliter l’inventaire des aides publiques dommageables à la biodiversité
La France ne dispose pas, aujourd’hui, d’une vue claire et complète des soutiens
publics défavorables, ni même favorables, à la biodiversité, que ce soit aux niveaux
national, régional, départemental, communal et encore moins de façon consolidé. Ce
constat a surpris le groupe de travail. Il l’empêche de formuler des recommandations
complètes, globales et finalisées. Celles qui suivent ne sauraient donc être que
partielles.
En conséquence, le groupe de travail recommande en premier lieu que l’État et les
collectivités territoriales se dotent, au plus vite, des moyens de comptabiliser
leurs soutiens ayant un impact sur la biodiversité. Cette recommandation prend
1
d’autant plus de sens qu’elle s’inscrit dans les décisions de Nagoya . Elle peut ellemême se décomposer en quatre sous recommandations :
•
Se doter, au-delà de la nomenclature budgétaire en vigueur, d’une forme de
comptabilité analytique permettant de recenser, dans leur totalité, les
dépenses publiques dommageables à la biodiversité. La nomenclature
budgétaire actuelle ne permet qu’une comptabilisation partielle. Trop de lignes
budgétaires renvoient à des actions mixtes, contenant des aspects à la fois
favorables et défavorables à la biodiversité.
•
Une priorité pourrait être accordée, dans ce domaine, à la mission outre-mer
et aux soutiens publics concernant le milieu marin, en raison de leur
biodiversité spécifique riche, fragile et encore mal connue. Avec ses territoires
ultramarins, la France endosse une responsabilité particulière dans le domaine de
la biodiversité mondiale. Son domaine marin est le deuxième au monde après celui
(1) Objectif A2 du plan d’action et au point 7.1. de la décision X/3 de Nagoya.
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Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
des États-Unis. Ses DOM-TOM sont situés dans 5 des 25 hotspots de la biodiversité
(« points chauds » menacés par l’activité humaine). Or, les subventions publiques
versées dans les DOM-TOM sont nettement supérieures à la moyenne nationale en
valeur relative. Nombre d’entre elles engendrent des effets dommageables sur la
biodiversité, alors même que leurs bénéfices sur le développement économique et
social de ces départements et territoires n’emportent pas toujours la conviction.
Sans nier la nécessité d’un soutien spécifique à ces régions, motivé notamment
par des contraintes d’insularité et un retard de développement, le groupe de travail
estime qu’au vu de la richesse et de la fragilité de la biodiversité des DOMTOM, les soutiens publics devraient y être évalués et conditionnés avec plus
de rigueur. Cela devrait notamment s’appliquer aux interventions de l’Agence
française de développement (AFD) (compétente dans les DOM-TOM) et au
réexamen de certaines dépenses fiscales.
•
Une attention particulière devrait être apportée à l’aide publique au développement (APD) et notamment aux soutiens provenant de l’AFD. Plusieurs
raisons le justifient : richesse et fragilité de la biodiversité dans les pays en
développement destinataires de l’APD, rôle historique de la France dans ces
régions du globe, importance des projets potentiellement dommageables à la
biodiversité financés au titre de l’APD (infrastructures, travaux publics, industrie
hydraulique, etc.), demandes de « reporting » accrues et pressantes dans ce
domaine au niveau international, facilités techniques dont dispose l’AFD
assimilable à un établissement bancaire pour accomplir cette tâche, éveil ou
consolidation démocratique de nombreux pays récipiendaires qui, au moment ou
ils confortent leur état de droit, pourraient être davantage aidés dans une meilleure
gestion de leurs ressources naturelles.
•
Établir un état consolidé des soutiens publics dommageables à la biodiversité
additionnant ceux de l’État et des collectivités territoriales. Ce processus se
heurte à des problèmes méthodologiques et suppose le respect du principe
constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales, mais il semble
indispensable. Le principe d’un tel état consolidé pourrait être débattu, voire
adopté, dans le cadre de la Conférence des élus locaux. Un soutien métho1
dologique pourrait être apporté par le CGAAER, le CGEDD et l’IGF .
2. Améliorer la transparence des soutiens publics
Au-delà de la mise en place de moyens permettant de mieux cerner l’ensemble des
soutiens publics dommageables à la biodiversité, le groupe de travail considère que
l’État et les collectivités territoriales devraient, de façon proactive, rendre
accessibles l’ensemble de ces données, mieux mettre en évidence et expliquer à
l’opinion leurs impacts potentiels sur la biodiversité.
3. Mieux prendre en compte la biodiversité dans les évaluations
environnementales et économiques des soutiens publics
Des soutiens dommageables à la biodiversité peuvent être considérés, par certains
acteurs ou par les pouvoirs publics, comme favorables d’un point de vue économique,
social, industriel, scientifique. Ils peuvent donc se justifier dans cette perspective. Cela
(1) CGAER : Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux. CGEDD : Conseil
général de l’environnement et du développement durable. IGF : Inspection générale des Finances.
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Octobre 2011
- Recommandations -
ne saurait constituer un obstacle à leur mise en évidence et à leur évaluation. Certains
soutiens dommageables à la biodiversité peuvent être considérés comme favorables
au développement durable. Plus encore, certains soutiens considérés comme
favorables à l’environnement peuvent se révéler défavorables à la biodiversité. Il en
est ainsi, par exemple, de la construction de certaines nouvelles lignes de chemin de
fer ou de certains ports ou canaux. Ces infrastructures peuvent être positives du point
de vue des gaz à effet de serre (GES) mais négatives du point de vue de la
biodiversité. Il appartient aux pouvoirs publics de concilier au mieux ces exigences
parfois contradictoires et d’arbitrer entre ces différentes composantes du développement durable et, même, de l’environnement. Dans tous les cas, les aspects
contradictoires de ce type de soutiens ne sauraient être occultés.
Il a semblé au groupe de travail que, dans les évaluations récentes et les débats
actuels, une grande importance était donnée – peut-être en raison d’une moindre
difficulté méthodologique – à l’évaluation des soutiens publics en termes d’émissions
de GES, et qu’il n’en était pas de même pour la biodiversité. Le groupe de travail
recommande qu’un poids comparable soit donné aux gaz à effet de serre et à la
biodiversité dans les évaluations environnementales et économiques à venir.
4. Préciser les démarches de reporting
L’article 116 de la loi relative aux nouvelles régulations économiques (loi NRE), modifié
par l’article 225 de la loi Grenelle 2, institue l’obligation pour les entreprises cotées de
publier dans leur rapport annuel « des informations sur la manière dont la société
prend en compte les conséquences sociales et environnementales de son activité
ainsi que sur ses engagements sociétaux en faveur du développement durable »1. Le
décret d’application du 20 février 2002 de l’article 116 de la loi NRE mentionnait très
peu les aspects relatifs à la biodiversité. Le décret d’application de l’article 225 de
la loi Grenelle 2 est en cours de rédaction. Le groupe de travail estime très
souhaitable que les éléments relatifs à la biodiversité devant figurer dans le
rapport annuel des entreprises cotées soient précisés dans ce décret ou dans
une modification ultérieure, si le processus de publication est trop avancé. Ces
éléments pourraient inclure les impacts passés, en cours ou envisagés des activités
de l’entreprise sur la biodiversité, les sommes consacrées à la minimisation de ces
impacts, les garanties constituées au titre d’éventuels dommages futurs sur la
biodiversité, etc.
COMMANDES PUBLIQUES
5. Utiliser la commande publique comme un levier pour diminuer
les soutiens dommageables
La commande publique constitue une source majeure de soutiens publics. Le groupe
de travail dans son ensemble considère que, malgré quelques progrès récents, la
situation demeure très insatisfaisante dans ce domaine. Les considérations d’impact
sur la biodiversité devraient être accrues et plus précisément explicitées dans les
critères de la commande publique.
(1) L’article 226 de la loi Grenelle 2 étend le champ des entreprises soumises à cette obligation.
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Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
Toutes choses égales par ailleurs, la commande publique ne semble pas accorder
clairement la préférence aux projets de moindre impact pour l’environnement. Quand
il est affirmé que le critère environnemental est pris en compte dans l’attribution d’un
marché public, la façon dont il l’est demeure peu claire. En effet, soit le critère est
« noyé » dans une notation technique globale et n’apparaît pas en tant que tel, soit il
représente un pourcentage faible de la notation finale (en général moins de 20 %). En
outre, il est rarissime qu’un critère propre à la préservation de la biodiversité figure de
manière explicite dans la composition de la notation conduisant à l’attribution d’un
marché public. En règle générale, lorsque l’environnement est pris en compte de
façon explicite dans l’attribution d’un marché public, la composante GES semble
survalorisée par rapport aux autres, notamment en regard de la composante
biodiversité. Enfin, la publication de la notation finale et donc du respect des différents
critères la composant, tout particulièrement environnementaux, permettrait une plus
grande transparence et donc une meilleure efficacité dans la prise en compte réelle de
l’environnement et de la biodiversité dans l’attribution d’un marché public.
Le groupe de travail formule donc les propositions suivantes :
•
un critère relatif à la prise en compte de la biodiversité devrait figurer
systématiquement dans la composition de la notation conduisant à l’attribution de
tout marché public ;
•
la part des critères relatifs à l’environnement et à la biodiversité devrait représenter
au moins 25 % d’une notation conduisant à l’attribution d’un marché public ;
•
la notation finale relative à ce critère et ayant conduit à l’attribution d’un marché
public doit être rendue publique, au moins auprès des candidats ayant répondu à
l’appel d’offres. L’idée est de faire progresser aussi bien les maîtres d’ouvrage
publics dans la prise en compte de l’environnement et de la biodiversité que les
acteurs privés dans la qualité environnementale des réponses qu’ils formulent et la
recherche qu’ils seront amenés à engager pour augmenter leur niveau de
compétences sur les sujets de l’environnement et de la biodiversité ;
•
une attention particulière doit être portée à la biodiversité par la commande
publique en matière de BTP. La consommation d’espaces naturels apparaissant
comme une des causes principales d’érosion de la biodiversité en France, la
commande publique devrait favoriser dans les marchés publics relatifs au
bâtiment et aux transports les projets utilisant l’espace de façon économe.
RECHERCHE ET ÉTUDES D’IMPACT
6. Développer les études sur les valeurs de la biodiversité, des services
écosystémiques et sur le coût de l’inaction
Les études sur les valeurs de la biodiversité, des services écosystémiques et sur le coût
de l’inaction en la matière (qui inclut donc le coût économique total du maintien des
subventions dommageables et de leurs conséquences) doivent être développées pour
permettre la transparence des impacts des soutiens publics. Cela semble aussi
1
nécessaire pour répondre aux engagements de Nagoya . Le Royaume-Uni vient ainsi de
(1) Objectif A1 du plan stratégique (« d’ici à 2020 au plus tard, les individus sont conscients de la
valeur de la diversité biologique et des mesures qu’ils peuvent prendre pour la conserver et
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- Recommandations -
produire en juin 2011 son National Ecosystem Assessment (NEA) qui estime la valeur
des parcs, des lacs, des forets et de la faune britannique pour son économie. L’Irlande
a également accompli récemment un exercice de ce type.
7. Soutenir la recherche en économie de la biodiversité
La recherche sur l’économie de la biodiversité et sur l’économie des redevances et
des taxes semble assez faible en France, notamment par rapport aux pays anglosaxons. Le groupe de travail souligne tout l’intérêt de développer cette
recherche, sur laquelle pourraient, ensuite, s’appuyer les études mentionnées au
point précédent.
8. Améliorer et systématiser les études d’impact
Le dispositif d’études d’impact et d’évaluation environnementale existant en France
n’est pas satisfaisant et conduit à minorer le rôle des subventions dommageables.
•
Il importe que les textes d’application de la loi Grenelle 2 qui prévoit des
améliorations du dispositif existant pour les projets paraissent sans tarder. Il en est
de même des projets de décret prévoyant l’extension de l’évaluation
environnementale aux plans et programmes ayant un impact sur la biodiversité.
•
Les considérations relatives à la biodiversité semblent ne tenir qu’une place
minorée dans certaines évaluations environnementales, en raison notamment de
l’absence de prise en compte des impacts induits indirects des infrastructures sur
la biodiversité par le biais de l’urbanisation. De la même manière, la prise en
compte des impacts cumulés résultant de la mise en œuvre d’un projet nouveau,
ajouté à un ou plusieurs projets anciens déjà réalisés, paraît perfectible. Par
ailleurs, la question des impacts sur la biodiversité est trop souvent réduite à celle
des atteintes aux espèces protégées (sous contrôle de l’avis du Conseil national
de la protection de la nature – CNPN) sans réelle prise en compte des impacts sur
le fonctionnement global des écosystèmes par la fragmentation ou la rupture des
continuités écologiques.
•
Dans ces études d’impact, les tentatives de valorisation/monétarisation des
impacts sur la biodiversité semblent quasi inexistantes et les approches sur la
compensation des impacts négatifs des projets extrêmement sommaires, à défaut
d’évitement ou d’atténuation de ces impacts négatifs sur la biodiversité. L’analyse
des études d’impact relatives aux grands projets les plus récents montre que les
méthodes d’évaluation des pertes de services écosystémiques occasionnées par
les projets, et des compensations qui peuvent leur être apportées, ne sont
actuellement pas maîtrisées par les maîtres d’ouvrage ni par les bureaux d’étude
spécialisés.
l’utiliser de manière durable ») et point 9. b) ii de la décision X/3 de la Conférence des Parties
(« Toutes les Parties qui auront reçues les ressources financières appropriées auront, d’ici à 2015,
évalué et estimé la valeur intrinsèque, les valeurs écologiques, génétiques, sociales, économiques, scientifiques, éducatives, culturelles, récréatives et esthétiques de la diversité
biologique et de ses éléments »).
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Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
INTERNALISATION ET STATUTS DES TAXES ET REDEVANCES
9. Faciliter la mise en œuvre d’écotaxes incitatives
Le droit fiscal français comprenait, jusqu’à récemment, trois catégories principales :
les impôts et taxes ; les redevances ; les redevances sui generis. Les premiers
relèvent de la loi en vertu de l’article 34 de la Constitution. Les redevances tiennent du
pouvoir réglementaire. Elles sont de nature très hétérogène mais deux catégories
peuvent être distinguées : les redevances pour services rendus et les redevances
domaniales. Le critère fondamental différenciant la taxe de la redevance est que celleci doit trouver sa contrepartie directe dans l’usage d’un service public ou d’un
ouvrage public et doit être équivalente à cette contrepartie.
Dans un avis du 27 juillet 1967 et un arrêt du 21 novembre 1973, Société des
papeteries de Gascogne, le Conseil d’État avait reconnu l’existence d’une troisième
catégorie : les redevances sui generis. Retenu à propos des redevances de bassin
instituées à la suite de la loi sur l’eau de 1964, ce qualificatif les distinguait des taxes,
d’une part, et des redevances pour services rendus, d’autre part, notamment en ce
que ces redevances de bassin, fixées par voie réglementaire, pouvaient revêtir un
caractère incitatif, incompatible avec le statut des redevances classiques. L’existence
de ces redevances sui generis facilitait donc la mise en œuvre des principes
préleveur-payeur ou pollueur-payeur.
Mais plusieurs évolutions importantes ont suivi. Le Conseil constitutionnel a jugé dans
sa décision du 23 juin 1982 que les redevances sui generis entraient dans la catégorie
des impositions de toute nature dont la loi doit – aux termes de l’article 34 de la
Constitution – fixer les règles d’assiette, de taux et de recouvrement. Le Conseil d’État
s’est aligné sur cette jurisprudence dans un arrêt du 20 décembre 1985. Cette
évolution ne permet donc plus à la redevance de jouer un rôle incitatif, réservant ce
rôle aux taxes et impôts. En effet, si toute imposition doit respecter le principe
d’égalité devant l’impôt, la jurisprudence considère que ce principe n’est pas absolu.
D’une part, il doit s’apprécier au regard de la situation du contribuable. D’autre part, il
est possible d’y déroger pour un motif d’intérêt général. Récemment, le Conseil
constitutionnel a expressément inclus l’environnement parmi les motifs d’intérêt
1
général en vertu desquels il est possible de déroger à ce principe .
Force est de constater qu’aujourd’hui cette jurisprudence encadre, limite, restreint
considérablement l’instauration d’une fiscalité incitative ou internalisante et inhibe les
tentatives des pouvoirs publics en ce sens. Le groupe de travail considère que la
situation actuelle entrave l’internalisation d’externalités causées à la biodiversité,
laissant ainsi subsister des quasi-aides publiques dommageables et rendant difficile
autant qu’imprévisible l’utilisation d’un outil de politique publique efficace. Une
réflexion doit s’engager sur les moyens permettant à l’exécutif d’instituer plus
fréquemment de véritables écotaxes incitatives, dans des conditions de sécurité
juridiques satisfaisantes, autant que dans le respect de la Constitution et des
(1) Dans sa décision de décembre 2000 sur la TGAP comme dans sa décision de décembre 2010
sur la taxe carbone, le Conseil constitutionnel a, dans les mêmes termes, expressément considéré
que la protection de l’environnement pouvait justifier une ou des entorses au principe d’égalité
devant l’impôt. Néanmoins, au-delà de cette reconnaissance de principe, dans les deux cas, le
Conseil a considéré que les modalités d’établissement de ces deux taxes ne respectaient pas les
conditions dans lesquelles il est possible de déroger au principe d’égalité devant l’impôt.
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Octobre 2011
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principes généraux du droit, notamment l’égalité devant l’impôt. Le cas échéant, cette
possibilité nécessiterait une révision de l’article 34 de la Constitution.
10. Faire évoluer le régime des redevances pour leur permettre
de prendre en compte les externalités
Le régime des redevances apparaît aujourd’hui désuet et complexe à bien des égards.
Du point de vue de la biodiversité, il souffre de plusieurs défauts qui entraînent la
sous-tarification de certaines ressources naturelles et des dommages causés à la
biodiversité, cette sous-tarification constituant donc une forme d’aide publique
dommageable à la biodiversité.
D’abord, la règle du plafonnement limite les possibilités de mettre à la charge de
l’usager une redevance d’un montant supérieur au coût du service. Elle peut toutefois
lui être inférieure sous certaines conditions. Une éventuelle légère modulation tarifaire
est donc possible mais elle sera déséquilibrée.
Ensuite, certaines redevances sont mixtes et les règles s’y appliquant s’en trouvent
compliquées et nécessitent parfois, pour être clarifiées, l’intervention de la jurisprudence.
Surtout, les redevances ne prennent pas en compte les externalités négatives. Si
l’activité de l’usager d’un service entraîne de telles externalités, il serait conforme à la
théorie économique d’inclure leur coût dans la facture qui lui est présentée. La
redevance serait ainsi une modalité de mise en œuvre du principe pollueur-payeur.
Cela paraît d’autant plus légitime lorsqu’il s’agit de l’usage privatif d’un service public.
Dans les faits, cela est possible lorsque l’administration qui fournit la prestation ou
met à disposition l’ouvrage public a aussi pour mission de remédier aux nuisances
causées. Ainsi, le coût de construction de murs antibruit le long des autoroutes a pu
être inclus dans le montant des investissements répercutés sur l’usager à travers le
péage qui lui est réclamé.
Mais lorsque les dépenses engagées pour remédier à ces externalités négatives sont
à la charge d’un organisme tiers, le critère de la contrepartie qui fonde le régime des
redevances pour services rendus empêche que les frais correspondants soient mis à
la charge de l’utilisateur sous forme de redevance. De même, le critère de la
contrepartie fait obstacle à ce que ces dépenses soient supportées par l’utilisateur,
via une redevance, quand leur lien avec le service n’est pas considéré comme assez
étroit, même quand elles sont engagées par le même organisme que celui qui fournit
la prestation. Ainsi, le Conseil d’État a jugé illégal, dans un arrêt du 13 novembre
1987, Syndicat national des transporteurs aériens, un décret instituant une redevance
pour atténuation de nuisances phoniques perçue sur certains aérodromes, en
complément de la redevance d’atterrissage, au motif que cette atténuation résultait
principalement de travaux d’insonorisation des habitations et n’était la contrepartie
d’aucune prestation servie par cet exploitant aux compagnies.
Enfin, qu’il s’agisse des redevances domaniales ou des redevances pour services
rendus, elles n’incluent pas, aujourd’hui, les externalités positives ni les services
écosystémiques produits. Ce sujet paraît important, d’une part, car il concerne
l’occupation privative du domaine public et, d’autre part, car il conduit, probablement,
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Les aides publiques dommageables à la biodiversité
à une sous-tarification des redevances domaniales et donc à une gestion suboptimale
de son domaine par l’État et des biens publics globaux.
Les redevances domaniales sont fixées en fonction de l’avantage retiré par l’occupant
(art. L 2125-3 et suivants du code général de la propriété des personnes publiques,
CGPPP). En pratique, peuvent être prises en considération les conditions
d’exploitation et de rentabilité de la concession d’occupation (le chiffre d’affaires par
exemple pour les restaurants installés dans le Domaine de Versailles ou pour la salle
de concert du Zénith à La Villette). Les externalités positives ne sont pas prises en
compte, sauf si l’on considère qu’elles figurent en partie dans le chiffre d’affaires du
concessionnaire. Les services écosystémiques fournis à l’extérieur et en aval ne le
sont pas davantage.
Par exemple, la redevance pour occupation du domaine public, versée annuellement
par les sociétés concessionnaires d’autoroutes à l’État (art. R. 122-27 du code de la
voirie routière), est calculée selon la formule suivante : R = (R1 + R2) x 0,3 où R1 =
1
V x 1000 x L et R2 = 0,015 x CA . Cette formule n’est donc pas liée à la rentabilité
d’une section d’autoroute donnée. Elle ne tient compte d’aucune des externalités
causées au domaine public, ni par la simple existence de l’autoroute
(imperméabilisation des sols, effet de fragmentation dus à la clôture des emprises,
coupures paysagères, etc.), ni par son usage (bruit, effets des polluants
atmosphériques sur la végétation alentour, dépôts de polluants dans le sol
environnant). Elle ne tient pas davantage compte de la qualité écologique et
paysagère du domaine public qui sert d’assiette à l’emprise de l’autoroute. Que
l’écosystème qui sert de support soit riche ou pauvre, rare ou commun, fragile ou
robuste, menacé ou non, la redevance sera la même. La formule ne tient pas compte
non plus de la qualité paysagère du domaine public, non pas en tant que support de
la voie autoroutière mais en tant qu’environnement visuel immédiat qui se donne à voir
au voyageur (cas de forêts domaniales comme la forêt de Fontainebleau traversées
par une autoroute) et qui, constituant pour lui une aménité, un agrément, peut
valoriser son trajet, voire favoriser le choix de celui-ci et donc le revenu du
concessionnaire.
Par ailleurs, dans le cas d’espèce, la valeur locative fixée semble faible pour les
dépendances autoroutières (superficies comportant un revêtement pour les aires de
repos, de services, de stationnement et leurs voies d’accès et zones d’élargissement
de gares de péage) : il est de 0,61 euro par mètre carré contre 4,85 euros par mètre
linéaire pour les voies de circulation, les échangeurs et les bretelles de raccordement.
Ces dépendances sont des zones d’artificialisation, d’imperméabilisation des sols et
qui servent de support à des activités commerciales pratiquant des prix d’autant plus
élevés que le consommateur y est captif. Une simple bonne gestion du domaine de
l’État supposerait la revalorisation de cette valeur locative. Une prise en compte des
externalités causées par ces dépendances (artificialisation du sol, imperméabilisation,
ruissellement sur les surfaces imperméabilisées, lessivage des pollutions au sol, etc.)
pourrait justifier une hausse additionnelle. On peut faire des observations voisines
(1) V étant la valeur locative de 1 mètre de voie autoroutière telle qu’elle est fixée par le CGI,
art. 1501, L correspondant au nombre de kilomètres de voies autoroutières exploitées par le
concessionnaire au 31 décembre de l’année précédant le versement, CA représentant le chiffre
d’affaires réalisé par la société au titre de son activité de concessionnaire d’autoroutes sur le
domaine public national.
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pour d’autres redevances : pour occupation du domaine public maritime, du domaine
public fluvial, péages fluviaux, etc.
En outre, l’articulation de cette redevance avec la taxe due par les concessionnaires
d’autoroute, instituée plus récemment et codifiée au code général des impôts (CGI)
art. 302 bis ZB, n’apparaît pas clairement. Cette taxe est due à raison du nombre de
kilomètres parcourus par les usagers (7,32 euros par 1 000 km). Sa base n’apparaît
pas si éloignée de celle de la redevance, le chiffre d’affaires de la société dépendant
en partie du nombre de kilomètres parcourus et celui-ci dépendant en partie du
nombre de kilomètres sous concession. Pourtant, si l’on s’en tient au droit fiscal en
vigueur et à la distinction qu’il opère entre taxe et redevance, si le tarif d’une
redevance semble difficilement pouvoir être incitatif, modulable et prendre en compte
les externalités, c’est tout le contraire pour les taxes. On comprend donc mal la
construction de cette taxe et son caractère très sommaire, alors qu’elle pourrait
intégrer une composante incitative voire internalisante. Cette composante ne viserait
pas à prendre en compte le dommage causé par la construction de l’autoroute. Celuici est acquis et a dû être intégré en amont pour être minimisé selon le triptyque
« éviter, atténuer, compenser ». Elle pourrait plutôt viser à prendre en compte l’usage
de l’autoroute (effets, sur la biodiversité environnante, des polluants atmosphériques,
du bruit, de la luminosité nocturne, du ruissellement des polluants déposés sur le
revêtement par le trafic).
Le groupe de travail considère que le droit des redevances est devenu désuet et
inadapté et pourrait être modifié de la façon suivante.
Dans un premier temps :
•
la règle du plafonnement devrait être revue de façon à permettre une meilleure
modulation ;
•
les tarifs des redevances domaniales semblent très disparates et souvent sousévalués. Ils mériteraient d’être revus ;
•
l’État devrait mieux connaître les services écosystémiques délivrés par les
espaces naturels lui appartenant et mieux en mesurer la valeur ;
•
le fait que les externalités négatives ne peuvent être incluses dans une redevance
que si l’administration fournissant le service a aussi pour mission de remédier aux
nuisances causées n’est pas justifié et s’apparente à une quasi-fiction juridique ou
à une théorie de l’administration écran. Lorsqu’il s’agit du niveau national, dans
tous les cas, il s’agit de l’État, de son administration, et la règle de l’universalité de
ses finances publiques devrait prévaloir. On peut tenir un raisonnement voisin pour
chacun des niveaux de collectivités territoriales.
Dans un second temps :
•
l’impossibilité d’imputer les externalités négatives à leur auteur, alors même qu’il
s’agit d’une occupation privative du domaine public, plaide à elle seule pour la
réforme de leur régime. D’une part, cette impossibilité entrave la gestion par l’État
de son domaine, au profit de l’intérêt général. D’autre part, l’importance qu’ont
prise les externalités, tant dans la théorie économique que dans la réalité des
problèmes environnementaux, ne peut laisser l’État indifférent et impuissant face à
cette impossibilité ;
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Les aides publiques dommageables à la biodiversité
•
en matière de biodiversité, l’une des percées conceptuelles les plus importantes
de ces dernières années est celle de services écosystémiques ou de services
rendus par les écosystèmes, formalisée en 2005 par le Millennium Ecosystem
Assessment (MEA). Si l’on y réfléchit bien, ce concept est très proche de celui de
service rendu pour usage d’un service public ou d’un ouvrage public, justifiant le
paiement d’une redevance à l’État en contrepartie. Dans ce dernier cas, l’État
perçoit une rémunération pour l’usage d’un service public, d’un ouvrage public ou
de son domaine public. Dans le premier cas, la nature fournit quantité de services
écosystémiques, sans lesquels la vie sur terre et le fonctionnement même des
économies seraient impossibles. Les économistes s’efforcent de quantifier ces
services et de trouver les moyens de les rémunérer. Or l’État, de par son domaine
(domaines publics maritime et fluvial, forêts domaniales, terrains affectés au
Conservatoire du littoral, etc.) détient des espaces naturels qui fournissent des
services écosystémiques. Ce constat ne doit certes pas amener à opérer une
assimilation pure et simple du patrimoine naturel au domaine public, d’abord
parce que d’autres qualifications juridiques plus larges peuvent jouer (l’article
L. 110-1 du code de l’environnement qualifie les espaces, sites, ressources et
espèces de « patrimoine commun de la Nation », ce qui ne va pas sans évoquer
l’idée de « biens communs »), ensuite parce que ce ne sont pas les propriétaires
ou gestionnaires du domaine public qui rendent ces services mais bien la
biodiversité elle-même. Il n’en demeure pas moins que seule une faible partie des
services rendus par les écosystèmes détenus par l’État est facturée. Au-delà des
services écosystémiques découlant de la simple existence de ces espaces
naturels, certains services écosytémiques découlent de l’action de l’État. Par
exemple, l’existence de forêts de montagne, leur gestion par l’Office national des
forêts (ONF), l’action de la Restauration des terrains en montagne (RTM), en amont
des barrages EDF, protègent les bassins versants de l’érosion et limitent donc
l’ensablement des barrages et les coûts induits. Ces forêts jouent aussi un rôle de
prévention des avalanches et des éboulis, pas davantage rémunéré. Dès lors, ne
serait-il pas souhaitable, à la fois du point de vue de la bonne gestion de son
domaine par l’État, au profit de l’intérêt général et des finances publiques, et
du point de vue de la valorisation des écosystèmes et de leurs fonctionnalités, que l’État recouvre une rétribution pour certains des services
écosystémiques qu’il fournit aujourd’hui gratuitement ?
La rétribution de ces services écosystémiques permettrait aussi d’attribuer une valeur
tant de flux (flux de services écosystémiques rendus annuellement) que de stock
(valeurs capitalisées) à ces écosystèmes. Leur valorisation en serait accrue, ce qui
rendrait plus difficile la destruction ou la dégradation des habitats. Elle permettrait
aussi d’accélérer les nécessaires transferts de valeurs évoqués plus haut. En d’autres
termes, l’État ne devrait-il pas jouer un rôle novateur et expérimental dans le
mouvement en cours des paiements pour services rendus par les écosystèmes ? Il
suffirait d’étendre la rémunération pour services rendus à ceux rendus par les
écosystèmes. Aujourd’hui, le droit des redevances ne le permettant pas, il reste à
trouver le moyen juridique d’accomplir cette extension. Une récente jurisprudence
1
ouvre peut-être des perspectives . Dans cette affaire, le Conseil d’État a considéré
que les redevances pouvaient excéder le prix de revient de la prestation et tenir
compte de sa valeur économique pour son bénéficiaire. D’une part, cette
(1) Conseil d’État, 16 juillet 2007, Syndicat national de défense de l’exercice libéral de la
médecine
à
l’hôpital ;
www.conseil-État.fr/cde/fr/selection-de-decisions-du-conseil-dÉtat/analyse-nos-293229293254-syndicat-national.html.
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jurisprudence écorne la règle du plafonnement. D’autre part, si l’on veut bien
prolonger le raisonnement initié ci-dessus, elle pourrait, à terme, ouvrir la voie à la
prise en compte, par les redevances pour services rendus, de la valeur économique
des services écosystémiques rendus.
TVA SUR LES CONSOMMATIONS INTERMÉDIAIRES
11. Réviser les taux réduits de TVA pour certains produits à fort impact
sur la biodiversité
L’article 54 de la loi Grenelle 1 indique que la France soutiendra au plan
communautaire l’instauration d’un taux réduit de TVA sur les produits à faible impact
sur la biodiversité. Les taux réduits de TVA peuvent s’analyser comme des dépenses
fiscales. D’une manière générale, les données Eurostat montrent que la France y a
plus souvent recours que les pays voisins de l’UE. Le groupe de travail estime qu’il
serait cohérent avec l’article 54 de la loi Grenelle 1 que les taux réduits de TVA
bénéficiant à certains produits à fort impact sur la biodiversité (intrants, eau, etc.)
soient revus et éventuellement portés au taux normal.
RURALITÉ
12. Ralentir l’artificialisation du foncier rural non bâti
Les usages traditionnels du foncier non bâti rural engendrent, le plus souvent, en
France, une rentabilité nette nulle ou négative en termes réels. Outre ses inconvénients intrinsèques, cette situation est préoccupante du point de vue de la biodiversité
car elle incite les détenteurs de ce type de biens à en changer le statut en les
artificialisant, pour tenter d’en tirer un rendement réel positif. A minima, toutes les
aides incitant à cette artificialisation devraient être évaluées et revues, dans l’optique
de les diminuer. Parallèlement, un allègement des charges pesant sur le foncier rural
non bâti permettrait de réduire, ne serait-ce que marginalement, l’écart de rentabilité
avec celui du foncier bâti et limiterait donc cette incitation à l’artificialisation.
13. Réviser la structure de taxation des facteurs de production agricole
Historiquement, la PAC s’est construite en se donnant notamment comme but la
constitution d’un marché intérieur autosuffisant. Pour fonctionner efficacement et avec
des règles de concurrence saines et équilibrées, un marché intérieur suppose des
niveaux et structures de charges pas nécessairement identiques mais progressivement rapprochés. Or ces niveaux et structures semblent, aujourd’hui encore, trop
éloignées d’un État membre à l’autre. Cette situation a été accentuée par les
élargissements successifs de l’UE. D’une manière générale, la France pourrait donc
soutenir les efforts d’harmonisation relative engagés par la Commission européenne.
Plusieurs facteurs sont avancés pour expliquer la moindre compétitivité de
l’agriculture française par rapport à certaines de ses concurrentes européennes :
structures de production hétérogènes, positionnement par rapport à la demande
parfois non optimal, faible taille des industries agroalimentaires investissant donc
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Les aides publiques dommageables à la biodiversité
insuffisamment en R & D, multitude d’organisations professionnelles ne permettant
pas d’exploiter pleinement les économies d’échelle, etc. Il n’appartient pas au groupe
de travail d’examiner ces facteurs ni de les hiérarchiser. En revanche, l’un d’entre eux
au moins mérite attention, au regard de la présente saisine. La structure des charges
agricoles en France semble aujourd’hui défavorable tant à la compétitivité du secteur
qu’à la biodiversité. De fait, l’écart de compétitivité de l’agriculture française avec les
autres pays de l’UE est aussi dû en partie à un coût du travail et à des charges
sociales plus élevées que dans les pays voisins. À l’inverse, les intrants y semblent
moins imposés.
Dans le secteur agricole, c’est en France que la durée légale du travail est la plus
basse (35 heures contre 40 en Allemagne, Espagne, Pologne, Roumanie, 39 en Italie,
38 aux Pays-Bas, etc.), les cotisations patronales rapportées au salaire brut les plus
élevées (41,55 % contre 18,34 % aux Pays-Bas, 23 % en Allemagne, 21,25 % en
Espagne, 19,8 % en Pologne, etc.), le salaire horaire minimum légal le plus élevé
(8,27 euros contre 3,20 en Espagne, 1,66 en Pologne, 0,66 en Roumanie, entre 4,46 et
6,39 en Allemagne, 8,13 aux Pays-Bas et le salaire moyen le plus élevé (supérieur à
12 euros contre 6 à 9 en Allemagne, moins de 6 en Espagne, Grèce et Portugal, moins
1
de 3 pour les nouveaux États membres) . À l’inverse, le carburant agricole était
beaucoup moins détaxé en Allemagne qu’en France (dépense fiscale respectivement
2
de 450 millions d’euros et 1,26 milliard d’euros) . Le constat est plus nuancé pour les
charges foncières. La France est, en 2010, le troisième État membre de l’UE par ordre
d’importance du poids des charges foncières par rapport à la valeur de la production :
3
2,23 %, alors qu’il est inférieur à 1 % dans 16 États membres . Par exemple, en
Allemagne, le produit total de l’équivalent de la TFNB (taxe sur le foncier non bâti)
s’élevait en 2008 à 354 millions d’euros alors qu’il était près de quatre fois supérieur
en France (1,32 milliard d’euros). Mais le prix de la terre agricole, que ce soit à l’achat
ou à la location, est en France parmi les plus bas d’Europe. Cette situation, en partie
due au statut du fermage, entraîne trois conséquences qui jouent dans des directions
différentes. Elle limite le poids des charges foncières pour l’agriculture (la
conséquence pour la biodiversité peut être positive, neutre ou négative car cela
dépend du type d’agriculture pratiqué). Elle rend moins chère et donc plus rentable la
construction de bâtiments, logements et autres équipements sur des terres agricoles
(conséquences dommageables pour la biodiversité). Elle contribue à la très faible
rentabilité du foncier rural non bâti locatif ce qui constitue une incitation à son
changement de destination (artificialisation), pour bénéficier d’un rendement plus
élevé (conséquences dommageables pour la biodiversité).
Une partie de la fiscalité relative aux intrants étant encadrée par l’UE (TVA, accises
minima sur l’énergie), les éventuelles réformes dans ce domaine devraient se faire
dans un cadre communautaire, sans que l’agriculture française soit défavorisée. Mais,
tendanciellement, les régimes dérogatoires des intrants en France deviendront
probablement de plus en plus difficiles à justifier au regard des objectifs des politiques
internationales, européennes et nationales dans les domaines de l’énergie, du climat,
de la biodiversité, de l’eau, aux normes plus strictes.
(1) Dionis du Séjour J. (2011). Rapport fait au nom de la Commission des Affaires économiques sur
la proposition de loi visant à renforcer durablement la compétitivité de l’agriculture française,
n° 3198, Assemblée nationale.
(2) Cour des comptes (2011).
(3) Eurostat.
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Une piste à approfondir est donc une révision de la structure de taxation des
facteurs de production en agriculture, avec augmentation de la fiscalité sur les
intrants potentiellement négatifs pour la biodiversité dès lors qu’ils sont utilisés
de façon excessive ou inappropriée (engrais, produits de traitement des cultures,
eau) et baisse des charges sociales et de la fiscalité sur le foncier non bâti.
Bien conduite, une telle révision, sans nuire à la compétitivité si elle est opérée sur le
principe de la stricte compensation, aurait l’avantage d’encourager la protection de la
biodiversité (même s’il apparaît difficile de calculer à ce stade ce gain en matière de
biodiversité, et d’environnement de façon plus générale), de favoriser l’emploi agricole
et peut-être de limiter la conversion des terres agricoles à d’autres usages non
agricoles. Dans une optique dynamique, elle serait également positive en encourageant une évolution vers des pratiques et des systèmes plus économes en intrants
chimiques et en eau, plus intensives en travail.
14. Privilégier une écofiscalité incitative
Dans le domaine de l’agriculture comme ailleurs, il convient de privilégier une véritable
écofiscalité incitative et non une fiscalité budgétaire à but de rendement.
Une telle fiscalité vise à inciter à des changements de comportements, de pratiques,
de systèmes, d’utilisation d’intrants. Elle suppose des conditions d’emploi strictes :
une base précisément définie, une élasticité-prix importante à moyen terme et, si
possible, à court terme, des produits ou des pratiques de substitution, une possibilité
de report de la charge fiscale en amont ou en aval – voire une redistribution du produit
de la taxe au sein même du secteur –, une introduction progressive accompagnée
d’explications et de pédagogie. Ce type d’écofiscalité donne de bons résultats : en
témoignent les exemples de la TGAP lessives en fonction de la teneur en phosphates,
1
de la RPLP suisse , de la taxe sur les NOx en Suède, de la tarification de l’eau en
Israël, etc. Le groupe de travail recommande que soient identifiées, dès
maintenant, avec la profession, les assiettes sur lesquelles et les conditions dans
lesquelles ce type de fiscalité pourrait être introduit ou accentué dans le secteur
agricole, parallèlement à la baisse des charges sociales évoquée ci-dessus, sous
réserve d’acceptabilité par l’UE. En outre, le renchérissement de l’usage de ces
produits serait de nature à stimuler les efforts de R & D destinés à économiser les
intrants objets de ces mesures.
En matière de produits phytosanitaires, en dehors des substances interdites, une
fiscalité différenciée pourrait, par exemple, être introduite entre deux produits à
l’efficacité équivalente mais ayant un effet différent sur la biodiversité.
SOUTIENS AGRICOLES
La politique agricole commune est en réforme permanente depuis vingt ans (1992,
1999, 2003, 2009, 2013…) selon un processus qui, progressivement, a consisté à
rompre les liens entre soutiens et productions (découplage des aides du premier pilier)
2
et à privilégier, via des mesures ciblées dites du deuxième pilier , des objectifs
d’adaptation aux évolutions (préretraites) ; de protection de l’environnement, via
(1) RPLP : Redevance poids lourds liée aux prestations.
(2 Le deuxième pilier n’a en réalité été créé qu’en 1999 par l’Agenda 2000.
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Les aides publiques dommageables à la biodiversité
notamment l’outil des mesures agro-environnementales (MAE), les Bonnes Conditions
agricoles et environnementales (BCAE) ; des objectifs enfin de développement rural.
Depuis 2003, le deuxième pilier est abondé par prélèvement sur le premier (processus
dit de modulation). Simultanément, les soutiens du premier pilier (Droits à paiements
uniques – DPU) sont octroyés sous condition de respect de règlements et de bonnes
pratiques (maintien des terres dans de « bonnes conditions agricoles et environnementales »). Le bilan de santé de la PAC de 2008 marque la fin du couplage des
aides. Seule la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes (PMTVA) restera
couplée jusqu’en 2012. De fait, ces évolutions ont supprimé l’essentiel des incitations
négatives directes à la biodiversité, en particulier en supprimant les incitations à
intensifier à l’hectare (incitations à la marge intensive) que sont les prix garantis et les
aides directes couplées aux productions, de même que les incitations directes à
retourner les prairies (incitations à la marge extensive). Cependant, ces évolutions
n’ont pas été suffisantes. Ainsi que l’a montré le rapport d’expertise scientifique
1
collective de l’INRA sur le thème de l’agriculture et de la biodiversité , que ce soit au
niveau mondial, en Europe ou en France, la biodiversité des milieux agricoles
(diversité des agro-écosystèmes, diversité interspécifique et diversité intra-spécifique)
continue de décliner. Face à ce constat, trois principales pistes, non exclusives,
pourraient être explorées avec la profession agricole.
15. Renforcer la prise en compte de la biodiversité dans les soutiens
du premier pilier
Le budget consacré aux mesures agro-environnementales (MAE) ne permet leur mise
en œuvre que par un nombre restreint d’agriculteurs. Une alternative pourrait
consister à renforcer la prise en compte des contraintes environnementales au sein du
premier pilier. On pourrait envisager par exemple une modulation du tarif des DPU en
fonction de critères environnementaux, en particulier de biodiversité, tel que proposé
dans le projet de PAC 2013-2020. Les effets redistributifs d’une telle modulation
devront au préalable être étudiés.
16. Renforcer les mesures ciblées sur la biodiversité du second pilier
Les mesures prises dans le cadre du second pilier pourraient également être
renforcées. On peut envisager :
•
un renforcement « technique » pour un même budget : améliorer l’efficacité des
MAE à budget constant, notamment, en améliorant la localisation des surfaces
contractualisées et en augmentant le taux de contractualisation dans les zones
sensibles ;
•
un renforcement « budgétaire » qui dans le cadre d’un budget agricole au mieux
constant ne peut s’opérer que par prélèvement sur le premier pilier pour
abondement du second, et plus spécifiquement pour abondement des MAE
ciblées sur la biodiversité ;
(1) Le Roux X., Barbault R., Baudry J., Burel F., Doussan I., Garnier E., Herzog F., Lavorel S.,
Lifran R., Roger-Estrade J., Sarthou J.-P. et Trommetter M. (éditeurs) (2008), Agriculture et
biodiversité. Valoriser les synergies, Expertise scientifique collective, INRA, 114 pages.
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•
un renforcement de la « démarche territoire » : l’échelle du territoire a un effet
1
majeur sur la biodiversité . L’hétérogénéité du paysage (composition du paysage
en éléments semi-naturels et diversité des cultures) et la connectivité entre
éléments du paysage sont deux dimensions importantes à notamment prendre en
compte dans toute évolution des pratiques agricoles.
Comme dans les propositions précédentes, la question des impacts sur les revenus
doit être abordée au préalable.
Concernant les MAE territoriales, plusieurs voies sont possibles :
•
création d’une MAE territorialisée sur la biodiversité : en plus des MAE
territorialisées ciblées actuellement sur la « conservation et la bonne gestion des
sites du réseau Natura 2000 » et sur le « Bon état des masses d’eau établis par la
2
DCE », un troisième objectif prioritaire pourrait consister en un retour à un « bon
état de la biodiversité ». Un cahier des charges pourrait alors voir le jour, incluant
des pratiques favorables à la biodiversité, notamment l’intégration de protéagineux
dans les rotations (pois protéagineux, féverole, lupin) ;
•
modulation des aides MAE territorialisées : outre l’élargissement des objectifs
prioritaires des MAE territorialisées, ou indépendamment, une modulation de l’aide
3
en fonction de la valeur des moyens mis en œuvre par l’agriculteur par rapport au
cahier des charges de référence de la MAE territorialisée pourrait être instaurée.
L’aide serait d’autant plus élevée que les moyens mis en œuvre seraient
ambitieux.
17. Maintenir les systèmes de production biologique
En 2007, près de 12 000 exploitations agricoles étaient engagées dans l’agriculture
biologique pour une surface représentant 2 % de la surface agricole utile (SAU)
française. Le plan Agriculture biologique 2012 repris dans le Grenelle de
l’environnement vise à tripler les surfaces de 2007 pour les porter à 6 % de la SAU
française d’ici 2012. Plusieurs dispositifs encouragent le développement du
biologique : aide à la conversion et/ou au maintien de l’agriculture biologique
4
(financements FEADER , État et éventuellement collectivités locales), aide à la
certification. Certaines exploitations converties au bio reviennent toutefois à un
système conventionnel. L’allongement de 5 à 10 ans des aides à la conversion
et/ou au maintien de l’agriculture biologique, ou encore, celui de la condition de
durée d’exploitation pour obtenir le crédit d’impôt et/ou l’exonération de TFNB
pour les agriculteurs qui se convertissent pourraient aider à limiter le phénomène.
L’allongement de la durée d’exploitation requise pour bénéficier du crédit d’impôt
pourrait cependant revêtir un caractère dissuasif à la conversion et aller ainsi en sens
contraire de l’objectif recherché. Son impact possible devrait donc être mieux évalué
avant mise en œuvre de la mesure.
(1) Ibid.
(2) DCE : directive-cadre sur l’eau.
(3) La modulation est délibérément ciblée sur les moyens mis en œuvre et non sur les résultats : il a
semblé encore très difficile d’un point de vue à la fois scientifique et opérationnel de mesurer les
effets sur la biodiversité de la mise en œuvre de pratiques agro-environnementales, toutes choses
égales par ailleurs.
(4) FEADER : Fonds européen agricole pour le développement durable.
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Les aides publiques dommageables à la biodiversité
Ces propositions pourraient également être élargies aux autres systèmes de
production respectueux de la biodiversité (protection intégrée et production intégrée).
BIODIVERSITÉ MARINE
18. Les nouveaux usages de la mer
Le milieu marin fait l’objet d’un développement des usages traditionnels de la mer (fret
maritime, plaisance, plongée profonde, etc.) par des moyens techniques d’une
puissance accrue, et également des usages nouveaux (aquaculture, éoliennes en mer,
hydroliennes, houlomotrices, forages en eaux très profondes, etc.). L’impact de ces
usages sur la biodiversité marine est encore mal connu. Or ils bénéficient de soutiens
publics fixés sans que soient prises en compte les externalités négatives potentielles
ou avérées. Il en est ainsi des tarifs de rachat pour l’électricité produite par les
éoliennes en mer, des exonérations fiscales pour l’exploration pétrolière off-shore et
pour les navires de commerce, etc. Sachant qu’il est plus difficile de réformer un
soutien existant que de l’instaurer d’emblée de façon adéquate, le groupe de travail
recommande de tenir compte des impacts sur la biodiversité dès la définition des
formes et montants des soutiens accordés à ces nouveaux usages.
19. Autres pressions exercées sur les stocks halieutiques ne découlant
pas uniquement de la pêche
Les stocks halieutiques sont victimes d’atteintes diverses ne découlant pas
uniquement de la pêche (marées noires, pollutions telluriques, destruction des
frayères littorales, etc.). Les soutiens publics parfois importants aux activités
responsables de ces atteintes ou toute absence d’internalisation complète de ces
dommages constituent, de fait, des soutiens publics dommageables à la biodiversité
marine. La diminution des soutiens à ces activités telluriques apparaît donc
importante non seulement pour la biodiversité marine mais aussi pour l’avenir
économique et social de la pêche.
20. Améliorer les connaissances sur l’état du stock halieutique
Dans le domaine de la pêche professionnelle en mer, le groupe de travail a pu
effectuer plusieurs constats :
•
le tonnage débarqué dans les ports français représente environ 1 % du tonnage
mondial ;
•
l’état de certains stocks demeure mal connu ; cette activité est fortement
encadrée par des règles communautaires ;
•
les soutiens publics dommageables à la biodiversité s’élevaient en France à
253 millions d’euros en 2008, soit plus du double du montant des subventions
favorables ;
•
la forme des subventions publiques françaises tend à favoriser des modes de
pêche indépendamment de la préservation des fonds marins. Ce type de
subventions semble dommageable autant à la biodiversité marine qu’au secteur
de la pêche professionnelle lui-même ;
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Octobre 2011
- Recommandations -
•
les expériences étrangères de réduction ou de suppression des subventions
dommageables à la pêche sont peut-être trop récentes pour en tirer des
conclusions définitives. À ce jour, il semble qu’effectuées isolément, elles donnent
des résultats incertains ou insuffisants. En revanche, accompagnées de
l’instauration de quotas individuels transférables (QIT), elles semblent donner de
bons résultats en matière de préservation ou de restauration des stocks
halieutiques. Tout effort de réduction des subventions publiques dommageables
en matière de pêche en mer ne peut qu’être louable, ne serait-ce qu’en matière
budgétaire. Le groupe de travail a toutefois le sentiment qu’un tel effort, non
couplé à l’instauration de QIT, n’engendrerait que peu de résultats en matière de
biodiversité. La Commission européenne, dans une communication du 13 juillet
2011, propose une réforme de la Politique commune de la pêche (PCP) reposant,
notamment, sur l’institution de QIT nationaux (« concessions de pêche
transférables ») et excluant les bateaux de moins de 12 mètres, à l’exception des
navires équipés d’engins remorqués. Si les modalités exactes de cette proposition
ne sont pas encore connues, le groupe de travail tient à souligner son intérêt.
À partir de ce constat, le groupe de travail préconise donc en premier lieu
d’améliorer les connaissances sur les ressources halieutiques. La méconnaissance
des stocks n’est pas compatible avec une pêche rationnelle, ni avec une saine gestion
des ressources naturelles, ni avec les responsabilités de la France en tant que
détentrice du deuxième domaine maritime au monde. Le groupe de travail
recommande donc que des efforts soient accomplis, à brève échéance, pour mieux
connaître l’état et la dynamique des populations des stocks mal connus, notamment
dans les eaux des DOM-TOM.
21. Réduction progressive des subventions dommageables à la biodiversité
dans la pêche professionnelle
•
Dans un premier temps, un objectif d’égalisation des montants des subventions
favorables et dommageables pourrait être visé tant à l’échelle communautaire que
dans chaque État membre. Un tel objectif demanderait des efforts modérés à la
France.
•
Une partie des subventions dommageables est accordée à des pratiques
indépendamment de leur impact sur les milieux marins et plus généralement sur
l’environnement. Le groupe de travail recommande la poursuite de la réorientation
de ces soutiens vers des aides de même montant au sein du secteur de la pêche
mais vers des pratiques plus respectueuses des milieux marins.
•
L’exonération de taxe intérieure de consommation (TIC) mérite une attention
particulière pour plusieurs raisons :
−
elle constitue le poste de dépense publique le plus important dans le secteur de
la pêche ;
−
elle contribue à la hausse de l’autonomie des bateaux et potentiellement à
l’accroissement des captures ;
−
elle favorise les modes de pêche les moins protecteurs des fonds marins tels les
chalutiers qui consomment nettement plus de carburant par poisson pêché que
les autres modes de pêche. Toute diminution ou tout plafonnement de
l’exonération de TIC désavantagerait moins les fileyeurs et caseyeurs que les
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Les aides publiques dommageables à la biodiversité
chalutiers. Inversement, toute aide à la reconversion des chalutiers en fileyeurs
ou caseyeurs serait bénéfique à la fois en termes de biodiversité et de CO2 ;
−
elle favorise la consommation d’énergie fossile, les émissions de CO2 et autres
polluants atmosphériques dommageables à la biodiversité.
Le projet de révision de la directive 2003/96 sur les accises maintient le principe de
l’exonération des carburants destinés à l’avitaillement des navires, tout en affirmant
une volonté de limiter plus fortement les possibilités d’exonération. La France
pourrait en profiter pour défendre le principe d’un rééquilibrage de l’exonération
de TIC sur les carburants en faveur des flottilles les moins dommageables en
matière de biodiversité. Ce type de rééquilibrage se trouve déjà dans le projet de
révision de la directive dans le secteur agricole (taux réduit de TIC sous condition
d’engagement en matière d’amélioration énergétique). Dans le secteur de la pêche,
diverses modalités mériteraient d’être examinées : conditionner l’exonération de TIC à
des pratiques de pêche jugées moins dommageables (arts dormants versus arts
traînants par exemple) ; plafonner le montant d’exonération dont un navire peut
bénéficier ou établir un taux de taxation non nul, créant ainsi une incitation à une
relocalisation des activités vers les zones côtières et/ou à un redimensionnement des
nouveaux navires ; utiliser les recettes ainsi générées pour financer des actions de
reconversion de la flotte vers des métiers aux impacts moindres.
EAU
L’eau est liée à la biodiversité par sa qualité mais aussi par sa quantité. Une
dégradation de la qualité influe sur la biodiversité aquatique. Des prélèvements
excessifs sur les cours d’eau entraînent des détériorations importantes des milieux
aquatiques et menacent les espèces qui y vivent.
La situation actuelle appelle plusieurs observations :
•
l’eau apparaît sous-tarifée pour un certain nombre d’usages, ce qui constitue une
subvention de fait à son utilisation ;
•
les principes de tarification ne sont pas optimaux ;
•
le grand cycle de l’eau apparaît non ou mal financé.
Face à ce constat, il semble souhaitable de travailler sur les quatre pistes de réforme
suivantes.
22. Évolution nécessaire de la tarification de l’eau
Deux écoles existent. La première s’incarne dans la poursuite du principe « l’eau paye
l’eau ». Elle propose l’approfondissement du principe utilisateur-payeur et pollueurpayeur. De fait, aujourd’hui, certains usages (irrigation, énergie, etc.) et certains rejets
(nitrates notamment) sont nettement sous-tarifés. Les facturer de façon égale aux
autres usages ou de façon internalisante ou de façon incitative conduirait à un usage
plus économe de l’eau et à la diminution des rejets. Mais l’ampleur des progrès à
accomplir (plus de 24 milliards d’euros d’ici 2015 pour l’échéance de bon état
écologique des masses d’eau de la DCE, selon la Cour des comptes) fait douter que
les secteurs à l’origine de prélèvements nets importants et de rejets dommageables
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puissent, seuls, supporter cet effort. Cette voie impliquerait, en outre, l’internalisation
des coûts environnementaux de l’eau dans le prix des marchandises donc un
renchérissement des prix de l’alimentation.
La seconde, prônée notamment par les opérateurs, considère que les ressources
destinées à financer les actions de protection, voire de reconstitution des milieux
aquatiques et des masses d’eau, ne doivent pas venir uniquement de la facture payée
par l’usager mais plus directement du contribuable. Ce second schéma pourrait
supposer d’évoluer vers le principe « qui dépollue ou qui ne pollue pas est aidé », en
compensant, d’une manière ou d’une autre, l’absence ou la restriction d’épandage
dans les bassins d’alimentation des captages d’eau potable. Toutefois, le financement
direct de ces actions par l’impôt semble incertain et suscite plusieurs questions. En
premier lieu, la situation des finances publiques le rend ardu à mettre en œuvre. En
second lieu, le dispositif romprait avec le principe pollueur-payeur, base de la
politique française et européenne en la matière et aujourd’hui constitutionnalisé. Enfin,
il conviendrait de déterminer finement à qui reviendrait le bénéfice de la compensation
envisagée : plus sans doute que les opérateurs et distributeurs, ce sont les
gestionnaires d’espaces agricoles ou forestiers situés sur les bassins versants qui
devraient en bénéficier prioritairement.
Par ailleurs, plusieurs éléments plaident pour un raisonnement différent : le poids de
l’eau demeure très faible dans le budget des ménages ; son prix n’envoie guère de
signaux incitatifs au consommateur ; elle est bien la résultante d’un service
écosystémique qui, comme tel, n’est pas rémunéré ; les zones humides, considérées
comme l’un des milieux les plus riches de la planète, sont une priorité du Grenelle en
matière de biodiversité, etc. Dès lors, rendre le prix de l’eau plus incitatif
supprimerait des subventions implicites à sa mauvaise utilisation.
23. Mieux prendre en compte les coûts liés aux aspects quantitatifs
de la ressource
La redevance pour prélèvement sur la ressource en eau est assise sur le prélèvement
brut et non sur la consommation ou prélèvement net. Cette assiette ne pénalise pas
plus fortement les prélèvements non restitués et donc n’incite pas à les économiser.
En outre, la modulation selon les usages est supérieure à la modulation liée à la
1
disponibilité de la ressource . La redevance devrait être assise sur les
prélèvements nets. Ou bien une redevance pour prélèvement net (consommation)
devrait s’ajouter à la redevance pour prélèvement actuelle. Dans le premier cas, les
tarifs de la redevance pour prélèvement net devraient être supérieurs aux tarifs actuels
des redevances pour prélèvement brut. En tout état de cause, certaines exonérations
de la redevance pour prélèvement et consommation d’eau (aquaculture, géothermie,
etc.) devraient être réévaluées et, le cas échéant, supprimées. La redevance pour
prélèvement brut, si elle est maintenue, devait être modulée dans le temps en fonction
de la ressource (saisonnalité et hydrologie) et des différents usages (domestiques,
fondamentaux, récréatifs) de manière à imputer leurs coûts sur ceux qui les
occasionnent, notamment aux touristes dans les stations balnéaires ou de montagne.
(1 La modulation selon les usages ne reflète pas pour autant les prélèvements effectués par
catégories d’usage : sur la seule base des prélèvements, l’agriculture devrait contribuer à hauteur
de 18 % du total des redevances, lorsqu’elle ne contribue actuellement qu’à 2 % à peine.
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Les aides publiques dommageables à la biodiversité
24. Mieux prendre en compte les coûts liés aux aspects qualitatifs
de la ressource
En ce qui concerne les aspects qualitatifs, plusieurs pistes d’évolution peuvent être
évoquées : création d’une taxe spécifique sur les engrais azotés, élargissement de
l’assiette de la redevance pollution diffuse afin d’y intégrer les produits azotés, mise
en place d’un marché de droits d’épandages. La dernière analyse de l’OCDE
concernant les politiques environnementales conduites en France recommandait, en
application du principe pollueur-payeur, d’instaurer une taxe sur les engrais azotés ou
un marché de quotas pour les exploitants agricoles. Au Danemark, la mise en place
de quotas d’azote (couplée à une taxe sur les pesticides) avait permis de réaliser en
une dizaine d’années un véritable découplage entre la production et les apports en
azote, pesticides et phosphore.
25. Cas spécifique de la pollution de l’eau par les médicaments
Les taux réduits de TVA sur les médicaments et produits pharmaceutiques constituent
des dépenses fiscales. Le remboursement de ces produits par la sécurité sociale et
les mutuelles constitue une forme de soutien, justifiée par des raisons de santé.
Néanmoins, la présence de plus en plus importante de résidus de produits
pharmaceutiques dans l’eau entraîne aussi des dommages à la biodiversité
(perturbateurs endocriniens, etc.). La santé humaine elle-même pourrait, de façon
paradoxale, en être à son tour altérée. Il appartient aux pouvoirs publics de concilier
ces exigences, au regard des connaissances scientifiques encore imparfaites sur ce
sujet. À ce stade, le groupe de travail se contentera de trois recommandations.
•
La recherche sur les effets des produits pharmaceutiques sur la biodiversité
devrait être accrue.
•
Les pouvoirs publics détiennent un pouvoir important dans les prescriptions
médicales en autorisant ou non la mise sur le marché de substances
médicamenteuses et donc leur remboursement et le taux de celui-ci. Le dossier
de demande d’autorisation de mise sur le marché d’un nouveau médicament
devrait contenir une étude d’impact de ses effets sur la biodiversité.
•
Par ailleurs, entre deux substances médicamenteuses dont l’effet en termes de
santé est analogue, une différence de taux de remboursement et/ou de TVA
pourrait être envisagée en faveur de celui dont l’effet sur la biodiversité est
moindre.
26. Améliorer la lisibilité de la facture d’eau
Le vecteur par lequel le consommateur français acquitte, le plus couramment et le
plus régulièrement, le prix de la biodiversité est sa facture d’eau. Cependant, les
efforts d’économie d’eau semblent faibles. Et le consommateur n’a probablement pas
conscience qu’il s’agit là, en grande partie, du paiement d’un service écosystémique.
Ce double paradoxe s’explique en partie par le faible poids des dépenses en eau dans
le budget des ménages et par un manque de connaissance des enjeux liés à l’eau, sa
provenance, ses stocks, ses flux, ses pollutions, son traitement, etc., notamment par
rapport à d’autres questions d’environnement plus médiatisées. Pourtant, en raison
des exigences réglementaires croissantes, de la qualité insuffisante de l’eau en France
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et des investissements nécessaires dans les années à venir, le prix de l’eau va
probablement augmenter. Dès lors, il semble souhaitable que la facture d’eau
fasse mieux apparaître ses différentes composantes afin que chacun sache ce
qu’il paye. En outre, l’envoi de la facture d’eau pourrait être aisément
accompagné d’éléments explicatifs sur la biodiversité aquatique et ses liens avec
le bon état de l’eau. L’initiative sur ces deux plans devrait venir des opérateurs
privés. Si, après un certain délai, la facture d’eau ne paraît pas assez détaillée, les
pouvoirs publics pourraient se saisir du sujet comme ils l’ont fait en matière de
transparence des tarifs bancaires.
27. Faire évoluer la tarification de l’eau ne suffit pas
Il n’y a pas de solution unique sur ce sujet difficile. Pour réduire les pénuries d’eau
estivales, probablement de plus en plus fréquentes, l’éventuelle création, en nombre
limité, de retenues de substitution devraient aller de pair avec, voire être
subordonnées à :
•
l’évolution vers des techniques d’irrigation collectives et plus économes ;
•
l’évolution vers des pratiques culturales et des cultures plus adaptées : favoriser,
en particulier, l’extension de la culture de plantes plus économes en eau ou dont la
phase de croissance coïncide moins avec la période estivale (sorgho et tournesol
versus maïs) ;
•
l’incitation à la souscription à l’assurance privée du risque sécheresse.
TRANSPORTS
28. Intégrer les externalités causées à la biodiversité dans la tarification
des combustibles et carburants
Dans les domaines de l’énergie et des transports, les effets externes de l’utilisation
des combustibles et des carburants sur la biodiversité semblent peu pris en compte,
non internalisés, voire mal connus, les études s’étant davantage concentrées sur
d’autres externalités. D’une manière générale, les externalités causées à la
biodiversité devraient être prises en compte et réintégrées dans la tarification de ces
produits.
29. Ralentir la fragmentation des habitats
L’impact direct principal des infrastructures (hormis les impacts induits, notamment,
par l’urbanisation et l’artificialisation des sols à proximité des gares et des
échangeurs) consiste en la fragmentation des espaces naturels. Celle-ci est
indépendante de l’emprise au sol et du mode de propulsion. Ainsi, une ligne de
chemin de fer secondaire aura une emprise au sol plus faible qu’une route secondaire
mais leur effet de fragmentation sera modéré dans les deux cas. Une LGV aura une
emprise au sol plus faible qu’une autoroute mais l’effet de fragmentation sera
analogue et élevé. Dans ces deux cas, la clôture linéaire des emprises empêchera le
passage d’une partie de la faune, créera des discontinuités écologiques, empêchera
la connectivité biologique. Dès lors, la construction de LGV est peut-être une « bonne
chose » dans le domaine climatique – en raison du mode de propulsion dominant du
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Les aides publiques dommageables à la biodiversité
TGV – mais pas en matière de biodiversité. En ce sens, la majeure partie des 4 000 km
de LGV annoncés lors du Grenelle de l’environnement n’est pas favorable au maintien
de la biodiversité. La partie publique de leur financement (État et collectivités
territoriales) doit donc être rangée parmi les soutiens publics dommageables.
Du point de vue de la biodiversité, à montants égaux, la diminution des soutiens
publics aux nouvelles infrastructures au profit de l’entretien et de la mise à niveau
des réseaux existants apparaîtrait donc comme nettement moins dommageable.
30. Renforcer l’évaluation ex-ante des projets d’infrastructure linéaire
L’évaluation ex-ante s’avère très importante. Elle permet d’identifier les écosystèmes
sensibles qui risquent de subir des dommages notamment par la fragmentation. Elle
facilite la comparaison de variantes, de tracés dits de moindre impact, voire
d’alternatives modales. Elle s’effectue essentiellement au moyen de deux types
d’évaluation : l’étude d’impact et l’évaluation prévisionnelle de la rentabilité
socioéconomique. La nécessité et l’utilité de ces évaluations préalables ne sont niées
par personne. Au contraire, elles devraient être sans cesse affinées, développés et, si
possible, gagner en quantification.
Toute infrastructure doit, en vertu de la législation nationale et communautaire, faire
l’objet d’une étude d’impact incluant, notamment, ses conséquences sur la
biodiversité. Ce projet et son étude d’impact sont soumis à l’avis d’une Autorité
environnementale. Il en est de même pour les plans et programmes soumis à
évaluation environnementale. Ces études et évaluations doivent rendre compte de la
façon dont les impacts sur l’environnement et notamment sur la biodiversité seront
évités, atténués et, le cas échéant, compensés. Le groupe de travail tient donc à
souligner que cette procédure, et notamment l’avis rendu par l’Autorité
environnementale, devrait être un moment privilégié de l’examen des impacts
éventuellement dommageables des subventions publiques sur la biodiversité. Il
semble que cela ne soit pas encore suffisamment le cas. Les subventions publiques
dont bénéficie chaque projet de ce type devraient donc clairement figurer dans le
dossier adressé à l’Autorité environnementale, avec mention de leur origine, de leur
forme, de leur caractère certain ou incertain, des possibilités de dépassement. Pour
mieux évaluer ces aspects, l’Autorité environnementale pourrait se voir mettre à
disposition en tant que de besoin un personnel spécialisé dans l’analyse de ces
subventions.
31. Mieux prendre en compte les enjeux de biodiversité dans l’évaluation
ex-ante des projets d’infrastructure linéaire
Le triptyque « éviter, atténuer, compenser » fonctionne de façon inégale. Il est presque
toujours impossible d’éviter complètement les impacts d’une infrastructure ou d’un
équipement sur la biodiversité. En revanche, les techniques d’atténuation ont
accompli de gros progrès depuis les années 1980 et les maîtres d’ouvrage font des
efforts accrus en ce domaine. Quant à la compensation, elle demeure dans l’enfance.
Faute de cadre méthodologique et juridique suffisamment précis et d’équivalences
d’unités de biodiversité reconnues ou d’appréciation fiable des services écosystémiques dégradés ou offerts en compensation, on en reste le plus souvent à l’analyse
des espèces ou au mieux des habitats impactés, sans aborder la question essentielle
du fonctionnement des écosystèmes.
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Ce constat conduit à comparer deux méthodes d’approche de l’évaluation ex-ante
des projets, en matière de prise en compte des enjeux environnementaux, et
notamment des enjeux de biodiversité :
•
l’étude d’impact, qui conduit à examiner les justifications du projet au regard de
ses variantes possibles et à apprécier, thème par thème, les impacts prévisibles
du projet, et la manière de les éviter, de les réduire ou de les compenser ;
•
l’évaluation socioéconomique (notamment pour les infrastructures de transport,
sur la base du rapport dit « Boiteux II »), qui vise à intégrer en une seule valeur
économique (bilan net actualisé, taux de rentabilité interne, etc.) tous les coûts et
bénéfices actualisés du projet, qu’il s’agisse de valeurs monétaires (charges et
produits d’investissements et de fonctionnement, économiquement chiffrables) ou
de « valeurs tutélaires », destinées à internaliser des bénéfices ou des coûts
externes : temps gagné ou perdu, dommages environnementaux et sociaux, etc.
Ces deux méthodes ne sont pas réductibles ou substituables l’une à l’autre, leurs
objectifs étant différents : la première ne vise pas à juger de l’opportunité globale d’un
projet mais à éclairer les décideurs, et le public, de façon aussi complète et fiable que
possible, sur ses enjeux environnementaux. La seconde vise au contraire à intégrer
dans un critère chiffré unique l’ensemble des éléments économiques, écologiques et
sociaux du projet, afin de décider de son opportunité ou de son classement par
rapport à des projets concurrents. Cette deuxième approche, plus globalisante, pose
à l’évidence d’une part des questions quant à l’exhaustivité de la prise en compte des
valeurs tutélaires relatives à toutes les externalités environnementales et sociales du
projet, et d’autre part quant à la gouvernance du dispositif : les coefficients de
pondération introduits de fait entre les valeurs tutélaires (par exemple, le poids relatif
donné à la valeur du temps, ou à la valeur du CO2 émis) reviennent en effet à induire
des choix politiques implicites derrière de simples choix de paramètres de calcul.
De fait, le groupe de travail constate que les valeurs tutélaires issues du « rapport
Boiteux II » et utilisées par la puissance publique pour effectuer les évaluations
socioéconomiques des infrastructures ne prennent pas en compte les externalités
1
liées à la biodiversité, ni celles liées au sol, à l’eau et au paysage .
Par ailleurs, un certain nombre d’autres valeurs mériteraient d’être révisées afin de
tenir compte des travaux de la dernière décennie, notamment de ceux de la
Commission européenne. Les valeurs françaises semblent aujourd’hui inférieures à
celles utilisées par d’autres pays de l’OCDE. Elles font du temps gagné un critère
extrêmement important, au point d’écraser les autres.
Le récent rapport du Centre d’analyse stratégique, rédigé sous la présidence de
Christian Gollier, sur la prise en compte du risque dans le calcul des investissements
publics a montré la nécessité de réviser le taux d’actualisation actuellement retenu
dans le calcul socioéconomique afin de le rendre compatible avec la prise en compte
2
du risque lié à chacun des projets .
(1) Commissariat général du Plan (2001), Transports : choix des investissements et coûts des
nuisances, rapport du groupe de travail présidé par Marcel Boiteux, rapporteur général : Luc
Baumstark, Paris, La Documentation française ; http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/cgibin/brp/telestats.cgi?brp_ref=014000434&brp_file=0000.pdf.
(2) Centre d’analyse stratégique (2011), Le calcul du risque dans les investissements publics, rapport
du groupe présidé par Christian Gollier, rapporteur général : Luc Baumstark, Paris, La Documentation
française ; www.strategie.gouv.fr/system/files/rapport_36_diffusion_0.pdf.
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Les aides publiques dommageables à la biodiversité
Face à cette situation, le groupe de travail recommande, en tout état de cause,
conformément aux souhaits formulés par le rapport Boiteux mais aussi par le rapport
Gollier, qu’un exercice de remise en cohérence des valeurs utilisées dans le calcul
socioéconomique soit entrepris afin d’intégrer, même partiellement, les valeurs
de la biodiversité. Cette révision devra tenir compte des travaux effectués, du
Handbook on Estimation of External Costs in the Transport Sector, des travaux suisses
et de ceux du Centre d’analyse stratégique menés sous la direction de Bernard
Chevassus-au-Louis.
À la suite de l’engagement du président de la République, formulé lors de son
discours du Grenelle d’octobre 2007, selon lequel « Toutes les décisions publiques
devront tenir compte de leur coût en matière de biodiversité », le groupe de travail
souligne la nécessité de prolonger cet exercice en proposant des valeurs de la
biodiversité pour les différents écosystèmes présents en France.
Il n’est cependant ni nécessaire ni raisonnable d’attendre que l’on dispose de valeurs
de référence pour la totalité de la biodiversité française pour prendre en compte une
valeur de la biodiversité dans l’évaluation des externalités de chaque projet. En
pratique, cela serait une tâche chimérique. Méthodologiquement, il apparaît possible
de simplifier le travail en s’en tenant, dans un premier temps, aux grands types
d’écosystèmes et en appliquant des transferts de valeur. L’évaluation des
écosystèmes progressera ensuite avec le temps, tant en précision que dans le champ
couvert. Le groupe de travail souhaite donc que la biodiversité soit intégrée, dès à
présent, dans les bilans socioéconomiques prévisionnels des infrastructures, afin
de réduire le biais systématique résultant actuellement de son absence complète de
prise en compte dans la présentation des évaluations socioéconomiques, supposées
globales.
Il résulte des développements ci-dessus que le groupe de travail considère qu’il n’y a
pas lieu de trancher entre évaluation environnementale et évaluation économique. Les
deux poursuivent des objectifs différents : assurer l’absence de perte nette de
biodiversité (« no net loss ») dans le cas de l’évaluation environnementale, ou donner à
la biodiversité un statut et un poids comparables aux autres critères socioéconomiques, dans le cas de l’évaluation socioéconomique. Dans leurs champs respectifs,
aucune de ces deux voies n‘est aujourd’hui pleinement opérationnelle en matière de
biodiversité. Il convient donc de progresser parallèlement dans l’évaluation économique de la biodiversité par la proposition de valeurs tutélaires, aussi bien que dans
l’affinement des techniques d’évitement, d’atténuation et de compensation.
32. Internaliser les dommages liés à la construction de l’infrastructure
Concrètement et grossièrement, une infrastructure entraîne deux types de dommages
sur la biodiversité : les dommages liés à sa construction et ceux liés à son usage.
La création d’une infrastructure linéaire conduit à l’artificialisation, à l’imperméabilisation des sols et à la fragmentation des espaces naturels. Ces dommages sont créés
par le maître d’ouvrage, non par l’usager. Leur non-internalisation constitue un
problème pour la biodiversité. Elle peut s’analyser comme une subvention de fait. Du
point de vue de la biodiversité, il est souhaitable que le maître d’ouvrage soit incité à
minimiser ces impacts initiaux. Un pur système de compensation ou de taxation des
effets externes serait donc contreproductif. La prise en compte des dommages à la
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biodiversité doit respecter le triptyque « éviter, atténuer, compenser » qui est sain
dans son principe, un dommage évité étant préférable à un dommage réparé. Dans ce
but, le mode de prise en compte des dommages à la biodiversité par le maître
d’ouvrage, qu’il s’agisse d’un système de compensation ou d’une taxe, doit d’abord
inciter à éviter et à atténuer plutôt qu’à compenser ou à acquitter une taxe pour solde
de tout compte. Si taxe il y a, elle devrait peut-être davantage être incitative
qu’internalisante.
Le groupe de travail estime donc qu’une attention extrême devrait être portée aux
impacts des infrastructures linéaires en construction ou projetées. Notamment, la
construction de nouvelles autoroutes ne devrait être autorisée que sous condition
d’une internalisation complète de leurs effets externes sur la biodiversité, soit sous la
forme du couple atténuation-compensation, soit sous la forme d’une taxe, ou même
par une combinaison adéquate de ces deux moyens.
33. Internaliser les dommages liés à l’usage de l’infrastructure
Quant aux autoroutes aujourd’hui en service, le fait qu’elles n’internalisent pas la
totalité de leurs importants impacts sur la biodiversité constitue une subvention de
fait, au sens de ce rapport. Dans l’esprit du Grenelle de l’environnement et dans le
cadre de la constitution de la Trame verte et bleue, le groupe de travail estime qu’une
partie de ces externalités pourrait être atténuée par l’amélioration de la perméabilité
des autoroutes existantes.
Les dommages liés à l’usage sont causés à la flore et à la faune et aux habitats
avoisinants par les polluants ou le bruit émis par les véhicules, aux milieux aquatiques
par les ruissellements de ces polluants déposés sur les surfaces imperméabilisées ou
les dommages par collisions directes avec la faune ou l’entomofaune. Ces
dommages étant causés par les usagers, le groupe de travail estime qu’ils
pourraient être supportés par ceux-ci. D’autant que leur intensité varie selon le type
de motorisation et donc le choix d’équipement de l’utilisateur.
Constatant que les externalités que subit la biodiversité du fait du trafic routier ne sont
prises en compte, en France, ni par la taxe à l’essieu, ni par la future RPLP, ni à
l’achat, ni par les péages, ni par la fiscalité des carburants, le groupe de travail
recommande que les pouvoirs publics étudient sans tarder les modalités selon
lesquelles ces dommages pourraient être pris en compte.
Outre la prise en compte des dommages à la biodiversité dans les externalités des
carburants, deux pistes de réforme peuvent être évoquées dans ce domaine :
•
les effets des polluants automobiles sont plus importants en termes de santé ou
d’atteinte au patrimoine bâti et moins importants sur la biodiversité en intra-urbain
qu’en interurbain. À l’inverse, les polluants issus de la circulation sur les grands
axes interurbains, telles les autoroutes qui traversent davantage des zones rurales
moins peuplées et moins bâties, sont moindres sur la santé et le patrimoine bâti
mais plus importants sur la biodiversité. Or les études montrent que les
infrastructures entraînant les pertes de biodiversité les plus importantes sont de
1
très loin les autoroutes . Dès lors, il ne serait pas illogique que la fiscalité des
(1) Selon l’étude INFRAS-IWW de 2004, le coût de la perte de biodiversité en fonction du linéaire
mis en service serait dans un rapport de 1 à 25 entre rail et autoroutes, de 1 à 10 entre routes
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Les aides publiques dommageables à la biodiversité
carburants servis par les stations des aires autoroutières (qui, en outre, participent directement à l’artificialisation des sols) soit légèrement augmentée
pour prendre en compte l’impact spécifique sur la biodiversité de l’usage de
ce type d’infrastructures. Le produit de cette fiscalité additionnelle pourrait être
affecté à un fonds de rétablissement des continuités écologiques interrompues par
les autoroutes existantes, facilitant ainsi la constitution de la TVB ;
•
la prise en compte de la biodiversité dans les péages ou dans une vignette :
une composante biodiversité pourrait être instillée dans les péages d’autoroutes et
de tunnels. Idéalement, elle devrait être modulée selon le type de véhicules, la
nocivité pour la biodiversité traversée de ses émissions et sa motorisation. Les
coûts externes de la pollution des sols et des eaux, par exemple, varient en effet
sensiblement selon le mode de transport et le type de véhicules. L’étude suisse
indique des valeurs en centimes d’euro pour l’année 2000 de 0,06 pour les
véhicules légers, 1,07 pour les bus, 1,05 pour les poids lourds, 0,29 pour le train
en transport de voyageurs et 1,02 pour le train en transport de fret. En outre, si
une vignette automobile annuelle est à nouveau instituée, il serait logique de la
différencier en fonction des émissions polluantes du véhicule sans se limiter au
CO2 et en incluant les polluants dommageables à la biodiversité. Aucune de ces
pistes de réforme n’est parfaite. La première est limitée aux autoroutes à péage et
tunnels. La seconde porterait sur la détention d’un véhicule et non sur son usage.
Mais elles permettraient de roder ces instruments et de progresser dans la prise
en compte de ces externalités. Sur un strict plan technique, l’intégration d’une
composante biodiversité dans les tarifs de péages d’autoroutes, correspondant à
l’usage, ne semble pas poser de difficultés insurmontables. Toutefois, elle devrait
probablement être uniforme dans un premier temps au moins, à la fois en raison
de l’insuffisance des données sur l’impact différentiel des polluants atmosphériques sur la biodiversité traversée et pour éviter des lourdeurs excessives de
gestion.
En ce qui concerne les poids lourds, ce type de tarification qui prend en compte une
partie des coûts externes va devenir possible prochainement. Sur le plan
communautaire, la directive Eurovignette vient en effet d’être révisée afin d’inclure,
dans la tarification du trafic des poids lourds, les trois externalités que sont le bruit, la
pollution atmosphérique et la congestion. La biodiversité ne figure pas dans ces trois
externalités. Le groupe de travail se félicite toutefois de cette révision et souhaite que
la directive modifiée entre en vigueur en France dès que possible.
Le groupe de travail souhaite également la mise en œuvre rapide de l’écotaxe poids
lourds instituée par la loi Grenelle 1. Ses taux devraient être remaniés dès l’entrée
en vigueur de la révision de la directive Eurovignette pour permettre l’internalisation
des trois types de coûts externes désormais pris en compte par celle-ci.
Cependant, la directive Eurovignette demeure en retrait tant par rapport à l’article 11
de la directive qui envisageait la prise en compte, à terme, de la totalité des coûts
externes, que par rapport à la RPLP suisse qui prend en compte, avec succès, dans la
tarification, les externalités à l’agriculture, à la forêt, aux sols, à l’eau, à la biodiversité
et aux paysages. Le Handbook on Estimation of External Costs in the Transport
Sector ayant proposé des valeurs pour ces externalités, le groupe de travail
nationales et autoroutes, de 1 à 16 entre routes départementales et autoroutes ;
www.uic.org/cdrom/2005/external_costs_env/docs/UIC-pressrelease-extcosts_fr.pdf.
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recommande que la France appuie la mise en chantier sans tarder d’une nouvelle
révision de la directive permettant de les intégrer. Il rappelle, par ailleurs, que si un
État membre ne peut instituer de lui-même une tarification intégrant ces dernières
externalités pour les poids lourds, il lui est possible de le faire pour les autres types de
véhicules.
ÉTALEMENT URBAIN ET ARTIFICIALISATION DES SOLS
34. Principes généraux
Le rythme de l’artificialisation de l’espace et de l’étalement urbain constitue une des
causes d’érosion de la biodiversité française les plus évidentes. De façon unanime, le
groupe de travail considère que ce rythme n’est pas soutenable. De nombreux
soutiens publics ont facilité et continuent de favoriser ces tendances. On trouvera plus
loin, dans la seconde partie, plusieurs recommandations de réformes précises et
concrètes, dont beaucoup semblent possibles à court terme. Pour le moyen terme,
plusieurs pistes de réforme mériteraient d’être approfondies :
•
dans le logement social, une réorientation partielle des aides à la pierre vers
les aides à la personne pourrait s’avérer moins dommageable à la biodiversité ;
•
des mutations sociologiques profondes, comme l’allongement de la durée de vie,
la géométrie variable de la cellule familiale (familles monoparentales/ recomposées),
mais également des évolutions d’organisation économique (télétravail, autoentrepreneuriat, etc.) ont des impacts importants sur la typologie des logements
utiles. Ces mutations appellent à une plus grande flexibilité des logements pour
leur permettre d’être adaptables à moindre coût aux différents parcours de vie
personnels et professionnels, de moins en moins linéaires. Le logement modulaire
pourrait fournir une solution parmi d’autres à ce besoin. Par « modulaire », le
groupe de travail entend des logements dont certaines pièces peuvent être
réordonnancées ou autonomisées car ces aménagements ont été prévus à la
conception. Il peut également s’agir de logements extensibles par l’acquisition
d’une pièce supplémentaire, soit au même étage, soit à un niveau inférieur ou
supérieur. Il y a là, dans des proportions qui restent à évaluer, une piste pour
économiser l’espace car des logements adaptables à moindre coût aux besoins
de leurs occupants pourraient voir leur usage fortement prolongé. Cela va dans le
sens d’un urbanisme plus dense, mixte et fonctionnel et peut faciliter le
réaménagement urbain en ville même, matérialisant ainsi le concept de « ville sur
la ville », propre à limiter l’artificialisation d’espaces naturels et agricoles. Le
groupe de travail considère donc que le logement modulaire pourrait être
encouragé de trois façons au moins :
−
en matière de recherche tout d’abord, notamment dans le cadre du programme
d’investissements découlant du Grand Emprunt et consacré à la ville du futur ;
−
en réfléchissant à d’éventuelles modifications du code de l’urbanisme
permettant, le moment venu et le cas échéant, de faciliter l’implantation de
logements modulaires en certains lieux ;
−
en ciblant un certain nombre d’incitations fiscales sur ce type de logements, et
notamment en favorisant les copropriétés qui ont accepté d’adopter un
règlement prévoyant et organisant la modularité des logements ;
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Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
•
la construction de logements neufs individuels en zone d’étalement urbain tend à
être plus rentable en termes de promotion immobilière que la rénovation urbaine
ou que la densification par construction de logements neufs en intra-urbain,
notamment dans les centres-villes. C’est d’autant plus vrai qu’une partie notable
des coûts collectifs importants de l’étalement urbain ne sont supportés ni par les
promoteurs immobiliers ni par les accédants à la propriété. La réduction de ce
différentiel de coûts serait souhaitable. Toutefois, à moyen terme, le groupe de
travail estime que doit être examinée la possibilité de subordonner les
autorisations de construire en zone à urbaniser (« zone AU ») à la construction
préalable dans les « dents creuses » de l’agglomération ou, au minimum, à un
engagement simultané du promoteur de construction de logements neufs en
intra-urbain ou de rénovation urbaine.
35. Fiscalité des propriétés publiques
Une grande partie de l’artificialisation de l’espace résulte de l’action de l’État ou des
collectivités territoriales. Or les propriétés publiques sont, d’une manière générale, peu
1
fiscalisées :
•
sont exonérés de TFB les immeubles de l’État, des régions, des départements,
des communes, des établissements publics de coopération intercommunale, des
syndicats mixtes et des ententes intercommunales, les voies publiques, les ports
autonomes, etc. ;
•
sont exonérés de TDCAUE, TDENS et TLE (regroupées dans la taxe d’aménagement à partir de 2012) les constructions affectées à un service public ou d’utilité
publique, notamment édifiées par l’État, les collectivités locales et leurs
groupements, les établissements publics, les mutuelles, etc. ;
•
sont exonérés de CET les services et organismes de l’État, les régions, les
départements, les communes (ou leurs groupements) et leurs régies non dotées
de la personnalité morale pour leurs activités présentant un caractère essentiellement culturel, éducatif, sanitaire, social, sportif ou artistique, les grands ports
maritimes, les ports autonomes, les ports gérés par des collectivités territoriales,
des établissements publics ou des sociétés d’économie mixte ;
•
sont exonérées de TFNB les voies publiques (les routes nationales, les chemins
départementaux, les voies communales, y compris les places publiques servant
aux foires et marchés, etc., alors que les terrains occupés par des chemins de fer
sont soumis à la taxe). Cette exonération constitue une forme de subventions
déguisées à la route par rapport au fer : elle minore son coût malgré ses
externalités en matière de biodiversité (imperméabilisation, effet de coupure,
collision avec des espèces animales, effets des polluants atmosphériques sur la
végétation alentour, etc.)
Du point de vue des finances publiques, il semble contre-intuitif que l’État et les
collectivités territoriales acquittent des taxes assises sur des bases qu’elles se
verseraient à elles-mêmes. Pourtant, du point de vue économique et environnemental,
cela conduit à minorer le coût de ces équipements, parfois facteurs d’étalement
(1) TFB : taxe sur le foncier bâti ; TDCAUE : taxe départementale pour le financement des conseils
d’architecture d’urbanisme et de l’environnement ; TDENS : taxe départementale des espaces
naturels sensibles ; TLE : taxe locale d’équipement ; CET : cotisation économique territoriale ;
TFNB : taxe sur le foncier non bâti.
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urbain et cela n’incite guère l’État et les collectivités territoriales à un usage économe
et rationnel de l’espace qui serait conforme à son caractère fini, à sa rareté croissante,
aux conflits d’usage ascendants qu’il engendre, à la RGPP, à la thématique de l’État
exemplaire et à l’esprit du Grenelle. Par ailleurs, l’État et les collectivités territoriales ne
peuvent s’exempter entièrement des contraintes qu’ils imposent en la matière aux
professionnels et aux ménages. D’autant que plusieurs équipements mentionnés cidessus semblent passibles, en principe, de certaines de ces taxes mais bénéficient
d’une exonération de fait, en vertu de la doctrine administrative (par exemple, la TFB
pour les ports autonomes, Cour administrative d’appel, Douai, 20 décembre 2001). Le
groupe de travail n’a pas trouvé de solution entièrement satisfaisante à cette question
mais il a tenu à attirer l’attention des pouvoirs publics sur son importance croissante
dans un contexte d’espace rare.
Plusieurs pistes mériteraient d’être explorées : veiller à ce que les équipements
publics et collectifs donnent l’exemple en matière de densité urbaine, au besoin en
1
créant des surCOS à leur profit, bonifier ou pénaliser les administrations selon leurs
décisions d’implantation de nouveaux locaux administratifs et équipements d’accueil
2
du public en fonction de la distance par rapport aux TCSP et aux centres-villes, etc.
36. Intégrer un critère de biodiversité dans le calcul de la dotation
générale de fonctionnement (DGF)
L’introduction d’un critère biodiversité dans la DGF viserait à reconnaître l’apport pour
la collectivité dans son ensemble, et pas seulement pour la collectivité locale
concernée, de modes d’utilisation et de gestion de l’espace qui préservent la
biodiversité. Les collectivités concernées acceptent en effet de faire des choix sur leur
territoire dont les bénéfices environnementaux et sociaux dépassent largement leurs
limites administratives mais qui contraignent, entre autres, leurs possibilités d’urbanisation. Il ne s’agit pas de financer la mise en œuvre d’une politique environnementale
ni d’accompagner un nouveau transfert de compétences, ce qui ne relèverait pas de
la DGF.
Une modulation de la DGF par un critère lié à la protection de la biodiversité éviterait
de créer de toutes pièces un nouveau dispositif spécifique qui viendrait se juxtaposer
aux dispositifs existants et complexifier d’autant les mécanismes de transfert financier
de l’État en direction des collectivités.
Le groupe de travail juge très souhaitable l’introduction d’un critère biodiversité
dans la DGF :
•
à ce stade, un critère surfacique susceptible de s’appuyer sur des données
peu contestables serait le plus approprié ;
•
pour être suffisamment robuste et éviter une remise en cause de l’assiette de la
dotation, ce critère surfacique devrait s’appuyer sur des espaces bien identifiés,
dont la surface est connue à l’échelle des collectivités locales bénéficiaires. Les
données devraient être homogènes sur le territoire, mises à jour annuellement, peu
contestables et communiquées par une entité publique de référence ;
(1) COS : coefficient d’occupation des sols.
(2) TCSP : transports en commun en site propre.
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Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
•
les collectivités locales bénéficiaires devraient être impliquées dans la définition ou
la gestion de ces espaces ;
•
le critère retenu doit être particulièrement simple à mettre en œuvre et facilement
assimilable par les collectivités visées pour ne pas complexifier le mode de calcul.
Un choix doit être clairement effectué entre une logique compensatoire versus une
logique incitative et entre une logique protectrice versus une logique de biodiversité
ordinaire. Si l’on souhaite compenser les apports à la collectivité dans son ensemble
des collectivités ayant consenti des efforts de protection et les inciter à en fournir de
nouveaux, le critère doit être celui de la proportion de la surface de la collectivité
classée en surface protégée. Si l’on souhaite inciter à la maîtrise de l’étalement urbain,
à la densification urbaine et à la préservation de la biodiversité ordinaire, le critère
retenu doit être celui de la proportion de surfaces non artificialisées dans la collectivité
concernée. Ces critères ne pourraient, bien entendu, être mis en œuvre que dans les
communes rurales.
Un mix des deux critères serait en théorie envisageable. Toutefois, le groupe de travail
ne recommande pas une telle option qui apparaîtrait trop complexe à mettre en œuvre
et conduirait probablement à des pondérations financières trop diluées.
Par ailleurs, le groupe de travail a pris connaissance avec intérêt d’une proposition de
l’Assemblée des Communautés de France qui consisterait à reconnaître les transferts
liés à la préservation de la biodiversité dans le coefficient d’intégration fiscale des
1
intercommunalités. Il y a là une piste de travail à approfondir .
Enfin, le groupe de travail est conscient de la difficulté d’une réforme de la DGF dans
le contexte actuel de transferts de compétences et de déficits publics. Si, pour une
raison ou une autre, un nouveau transfert de compétences et/ou de recettes fiscales
devait intervenir dans les années qui viennent, le groupe de travail recommande que,
conformément au principe d’intégration de l’environnement dans les politiques
publiques, la question de l’inclusion d’une composante biodiversité soit inscrite dès
l’amont dans cette éventuelle future réforme.
(1) « L’objectif est en effet de favoriser l’engagement de travaux conduits, dans un cadre
communautaire, par les communes au bénéfice de la biodiversité. De manière générale, les
communautés de communes ou d’agglomération peuvent apporter un soutien financier aux
communes membres par l’intermédiaire d’une dotation (la DSC, dotation de solidarité
communautaire que les communautés peuvent instaurer lorsqu’elles sont sous le régime de la TPU).
Celles-ci sont comptabilisées comme des dépenses de reversement et réduisent leur CIF (leur
“coefficient d’intégration fiscale”) et donc le montant de leur DGF. Ce CIF intervient en effet pour
30 % dans la détermination de la dotation de base des communautés et pour 70 % de la dotation
de péréquation (ces deux dotations constituent la DGF des communautés). L’idée serait de ne pas
pénaliser les communautés opérant des dotations à leurs communes s’engageant sur des
dépenses en faveur de la biodiversité et donc d’extraire du calcul du CIF ces dépenses relatives au
maintien de la biodiversité et récurrentes (contrairement à ce que permettent les fonds de
concours). Deux possibilités s’offrent alors : a. Instaurer la biodiversité comme l’un des critères de
la DSC non pris en compte dans les dépenses de reversement ; b. Autoriser et instaurer une
nouvelle relation financière communauté-communes qui trouverait alors sa place à côté de la DSC,
de l’AC et des fonds de concours. »
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Orientations additionnelles
Le groupe de travail a souhaité formuler des propositions « additionnelles », ainsi
qualifiées et détachées car il ne s’agit pas à proprement parler de pistes de
modification de soutiens publics dommageables. Néanmoins, un consensus s’étant
établi sur ces mesures, le groupe de travail a jugé utile de les porter à la connaissance
des pouvoirs publics.
37. Indicateurs de biodiversité
Les indicateurs paraissent insuffisants et peu satisfaisants en matière de biodiversité.
Cela vaut pour les indicateurs quantitatifs comme qualitatifs, pour les indicateurs
intraspécifiques, interspécifiques, de rareté, d’abondance, de seuil critique et
davantage encore pour les indicateurs de valorisation. Le groupe de travail tient à
souligner la nécessité de progresser sur ce plan. Mais il tient aussi à souligner la
nécessité de diffuser davantage des indicateurs plus simples (tels que les
1
indicateurs STOC ou ceux relatifs à des espèces clé de voûte ou facilement
identifiables) vers les utilisateurs de la biodiversité et le grand public. On ne peut
attendre d’eux qu’ils s’approprient les indicateurs utilisés par les scientifiques. Une
prise de conscience accrue et une meilleure prise en compte des impacts des
différentes activités touristiques, industrielles, artisanales, agricoles, de transport,
passent donc par l’instauration d’indicateurs simples à comprendre, à interpréter et à
mesurer.
38. Biodiversité et aides publiques au développement (APD)
Sous réserve des précautions méthodologiques nécessaires, pour les raisons
rappelées ci-dessus, la part de la biodiversité dans l’APD (considérée par le groupe
de travail comme des subventions publiques donc dans le champ de la saisine)
s’élevait à 2 % en 2008 et à 1,2 % en 2009. Ces taux soulèvent plusieurs questions
sur lesquelles le groupe de travail souhaite insister.
Entre 2008 et 2009, le montant alloué à la biodiversité a diminué de près de 30 %,
principalement du fait de la diminution de 50 % des prêts accordés par l’AFD.
Cependant, la proportion exacte de l’APD attribuée à la biodiversité est difficile à
cerner avec exactitude et semble plutôt surestimée. Sont en effet pris en compte pour
leur totalité les projets « marqueurs de Rio 2 » (le projet a pour objectif principal la
conservation de la biodiversité) et « marqueurs de Rio 1 » (contribution significative à
la biodiversité). Mais les financements concernés par les projets marqueurs 2 ne sont
pas toujours consacrés à 100 % à la biodiversité. Et les projets marqueurs 1 peuvent
ne consacrer qu’une faible part à la biodiversité et correspondent parfois à des projets
dommageables à la biodiversité. Or les projets marqueurs 1 sont nettement prédominants dans l’APD française bilatérale : 145,28 millions d’euros contre 29 millions
pour les marqueurs 2 en 2009.
Certes, ces chiffres ne tiennent pas compte de l’APD multilatérale qui transite par
divers institutions et fonds internationaux et européens. Or certains financent des
actions dont l’objectif (principal ou secondaire) est de protéger la biodiversité. À titre
(1) STOC : suivi temporel des oiseaux communs.
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Les aides publiques dommageables à la biodiversité
d’exemple, la France est le cinquième contributeur du Fonds pour l’environnement
mondial (FEM) qui consacre un tiers de ses fonds à la biodiversité. Mais les parts de
l’APD française multilatérale favorables ou défavorables à la biodiversité ne semblent
pas être cernées avec plus de précision.
Quel que soit le champ retenu, la part de la biodiversité dans l’APD semble infime.
Même si l’on retient la définition large (et en incluant le FEM et les instruments UE),
elle demeure 10 fois inférieure à la part dédiée à la lutte contre le changement
climatique (12 % en 2009, 10 % en 2008) alors que, pour les scientifiques
internationaux, ces deux menaces sur les biens publics mondiaux sont d’importance
équivalente. Cette part semble hors de proportion avec la valeur des services
écosystémiques rendus par la biodiversité. Cette valeur est encore plus grande pour
les pays en développement, la biodiversité ayant pu être qualifiée de « PIB des
pauvres ». Une APD dédiée à la biodiversité permet donc à la fois de la protéger et de
la gérer en tant que bien public et en tant que ressource économique et sociale dont
la dégradation nuit d’abord aux catégories les plus défavorisées.
En outre, une grande part de la biodiversité mondiale se trouve située dans les pays
en développement francophones, destinataires de l’APD française, et auxquels la
France est liée par des attaches particulières. Ces pays connaissent, en ce moment,
une croissance démographique et économique qui accentue la pression sur leurs
ressources naturelles.
Le groupe de travail a pris connaissance avec satisfaction des engagements pris en
ce sens par la secrétaire d’État à l’Écologie, le 18 octobre 2010, lors de la conférence
de Nagoya. Il les approuve et les soutient. Mais il s’inquiète de constater que ces
engagements ne semblent pas avoir été confirmés sur le plan interministériel,
notamment lors de la phase de validation des engagements de l’État qui ont été
présentés le 19 mai 2011 à l’occasion du lancement de la Stratégie nationale pour la
biodiversité (SNB) 2011-2020.
Dans les engagements de l’AFD (hors FFEM, Fonds français pour l’environnement
mondial, mais Outre-mer compris), la part consacrée à la biodiversité (marqueurs 1 et
2) a évolué entre 0,4 % et 3,2 % durant la dernière décennie. Elle ne semble pas en
progression récemment, ni depuis le Grenelle de l’environnement, passant de 3,2 %
en 2006 à 1 % en 2007, 3 % en 2008, 1,6 % en 2009, 1,4 % en 2010. En outre, en
2009, les projets marqueurs 1 représentaient (84,2) 102,7 millions d’euros contre
8,6 millions pour les projets marqueurs 2. En 2010, année internationale de la
biodiversité, les montants engagés par l’AFD en la matière (85,4 millions d’euros) et la
proportion de projets spécifiquement dédiés (moins de 10 % des engagements
biodiversité) confirmait une stagnation, voire un recul.
Le groupe de travail estime donc que les effets de l’APD française sur la biodiversité,
qu’ils soient positifs ou négatifs, devraient être plus finement mesurés. Plusieurs
pistes sont à explorer :
•
progresser dans la méthode de comptabilisation des financements consacrés à la
biodiversité proposée par l’AFD en utilisant un système de pondération en fonction
du type de projets dont la contribution à la biodiversité est significative
(marqueur 1) ;
•
élargir cette nouvelle méthodologie au FFEM et aux autres sources de l’APD ;
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•
développer une méthodologie analogue pour les financements APD dont une part
est dommageable à la biodiversité ;
•
inclure l’APD multilatérale consacrée à la biodiversité. L’OCDE envisage d’élargir
l’application des marqueurs de Rio à l’ensemble des institutions internationales. Le
groupe de travail recommande qu’a minima les marqueurs de Rio soient appliqués
à la contribution française à chaque fonds et institution, en fonction des objectifs
et des types d’actions financées par le Fonds et l’institution ;
•
une présentation de ce type devait être remise annuellement au Parlement.
Par ailleurs, dans le cadre d’une coopération et d’une APD renforcée avec ces pays,
la part dévolue à la biodiversité devrait être considérablement accrue au regard
des services rendus pas les écosystèmes, notamment aux populations les plus
pauvres. Plusieurs moyens existent : évolution au sein de la structure même de l’APD,
contrats de désendettement et de développement, conditionnalité environnementale
des garanties COFACE et des engagements AFD, etc. Pour les raisons résumées cidessus, le groupe de travail estime que la part des engagements de l’AFD
consacrée à la biodiversité devrait croître progressivement durant la décennie
actuelle pour atteindre le même niveau que celle consacrée au changement
climatique.
39. Fiscalité des plus-values de cessions immobilières sur le foncier non bâti
Les pouvoirs publics envisagent de reformer la fiscalité des plus-values de cessions
immobilières sur le foncier non bâti.
Quatre taxes peuvent actuellement porter sur les plus-values issues de la cession de
terrains constructibles : la taxation sur les plus-values immobilières (PVI) au taux de
19 % + les prélèvements sociaux (articles 150 U à 150 VH du CGI) ; la taxe forfaitaire
sur la cession de terrains devenus constructibles (TFTC) (article 1529 du CGI) ; la taxe
de valorisation immobilière hors Île-de-France (TVI) (article 1531 du CGI) ; et enfin la
taxe anti-consommation des espaces agricoles, dite « taxe LMA » (article 1605 nonies
du CGI). À ces taxes, il convient d’ajouter, dans tous les cas, la TFNB et, selon les
cas, les droits de mutation à titre onéreux ou les droits de mutation à titre gratuit, la
TVA, les frais de notaire et taxes Grand Paris, et, le cas échéant, l’indemnité
d’éviction, l’indemnité de fumure, etc. Les objectifs de certaines taxes apparaissent
contradictoires : la taxe LMA affiche clairement la volonté d’inciter à la conservation
des terrains agricoles en prévoyant des abattements pour durée de détention. La PVI
incite également à conserver les terrains puisqu’elle prévoit aussi un abattement pour
durée de détention. La TFTC et la TVI ont davantage un objectif de partage de la plusvalue réalisée par le propriétaire et de financement des équipements publics.
Le groupe de travail souhaite attirer l’attention des pouvoirs publics sur les risques du
projet actuel. Celui-ci consiste en la suppression de l’abattement annuel de 10 % audelà de la cinquième année de détention prévu pour la détermination des plus-values
immobilières, en la suppression de l’abattement pour durée de détention prévu par la
taxe LMA, ainsi qu’en l’exonération de la taxe sur la cession de terrains devenus
constructibles. Le projet prévoit également de renforcer la majoration de la valeur
locative des terrains situés en zone AU et U pour la détermination de la TFNB (article
1396 du CGI).
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Les aides publiques dommageables à la biodiversité
Ce projet soulève plusieurs remarques. Il serait motivé par l’absence de foncier
constructible. Si chacun s’accorde à reconnaître l’insuffisance de constructions
annuelles en France dans certaines zones, il n’y a guère consensus sur les causes du
phénomène. Plusieurs facteurs sont invoqués. La pénurie de foncier constructible
n’apparaît pas comme le facteur limitant premier pour nombre d’acteurs, y compris
parmi les professionnels de l’immobilier. Si tant est qu’elle soit un facteur, celui-ci ne
saurait être que très localisé. Dès lors, agir sur un éventuel phénomène très localisé
par une taxation nationale qui s’appliquerait même en zone rurale sans demande de
foncier constructible semble peu adapté.
Si cette réforme est adoptée en l’état, elle pourrait entraîner une accélération de
l’étalement urbain et de la construction de terrains périphériques. Or, l’étalement
urbain a été identifié de façon nette et consensuelle par le groupe de travail comme
non maîtrisé en France (à la différence d’autres pays) et comme l’un des facteurs
majeurs de l’érosion de la biodiversité. Alors que 75 000 hectares sont artificialisés
chaque année en France, ce rythme pourrait être triplé l’an prochain, si l’on estime
que chaque commune possède 5 hectares de foncier aujourd’hui constructible. Il
serait sextuplé si l’on suppose que chaque commune possède 10 hectares de foncier
constructible.
Une telle réforme accélérerait la consommation de terres agricoles et fragiliserait
considérablement l’agriculture périurbaine, souvent pratiquée sur des terrains classés
AU mais faisant l’objet d’un bail rural. Or, il s’agit très souvent d’une agriculture à forte
valeur ajoutée, située sur de très bonnes terres, insérées dans des circuits de
distribution courts et peu carbonés. Un nombre important de ces exploitations ne
pourra survivre.
Une telle réforme serait contraire aux politiques de « ceinture verte » entreprises par
certaines villes. Elle compliquerait considérablement la constitution de la TVB, objectif
majeur du Grenelle en matière de biodiversité.
Elle irait à l’encontre de l’évolution vers la densification inscrite dans les lois Grenelle
comme un objectif majeur, en favorisant l’urbanisation de terrains périphériques non
desservis par des transports collectifs.
Elle serait aussi contradictoire avec la réforme des taxes d’urbanisme accomplie en
2010. Celle-ci, en instituant un versement pour sous-densité (VSD) et la possibilité de
majorer la future taxe d’aménagement dans certains secteurs, cherche à favoriser la
densification intra-urbaine. La réforme de 2010 peut contribuer à la densification et
freiner l’étalement urbain et le groupe de travail l’approuve et la soutient. Mais le
versement pour sous-densité et la majoration de la taxe d’aménagement sont
facultatifs. La taxation nationale de droit des plus-values immobilières l’emportera sur
la simple possibilité locale d’instituer un versement pour sous-densité. D’autant que
cette réforme mettra à disposition des espaces agricoles périphériques d’un coût bien
moins élevé que les espaces urbains à densifier.
Une telle réforme ne serait intéressante que si elle se limitait aux « dents creuses ».
Pour toutes ces raisons, le groupe de travail considère cette réforme comme
dommageable à la biodiversité, à l’agriculture périurbaine, à la TVB, à la densification et contraire à l’esprit des lois Grenelle et aux réformes fiscales effectuées
en 2010.
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40. Encourager l’étalement des vacances
« L’étalement des vacances », en progression en France ces dernières années,
demeure encore faible. Cela entraîne des équipements en stations balnéaires, de ski,
en ports de plaisance, en stations d’épuration et autres artificialisations qui ne sont
utilisées que trois à cinq mois par an. Toute incitation à un plus grand étalement des
vacances permettrait donc à la fois un meilleur taux d’utilisation de ces équipements
et une moindre artificialisation. Elle permettrait aussi une extension de certains
emplois saisonniers. Cela passe tant par le développement d’offres touristiques
alternatives (montagne en été, tourisme de nature), de pratiques nouvelles (time
sharing) que par la modulation saisonnière de certaines taxes (taxe de séjour, taxe sur
les passages maritimes, taxe sur les ouvrages d’art, parkings, péages, droits
d’entrée).
41. L’indemnisation des dégâts de gibier
L’indemnisation des dégâts de gibier est accordée en France aux agriculteurs mais
pas aux forestiers. Elle est désormais assurée par les Fédérations départementales de
chasseurs (FDC). Il n’est donc pas certain que ces indemnisations puissent être
considérées comme des subventions publiques au sens strict. Néanmoins, les FDC
sont des personnes morales de droit privé chargées d’une mission de service public
et, comme telles, susceptibles d’être contrôlées par les Chambres régionales des
comptes. Les dysfonctionnements du système actuel en matière de dégâts de gibier
et notamment de sangliers sont susceptibles d’entraîner des dommages à la
biodiversité. L’équilibre agro-sylvo-cynégétique est rompu en de nombreux endroits.
L’expansion des populations de sangliers peut s’effectuer au détriment d’espèces
concurrentes. La surdensité peut faciliter le développement d’épizooties, etc. Nombre
de FDC ont choisi d’instituer un système de financement à court terme via des
bracelets payants et/ou des paiements forfaitaires à l’hectare forestier. Ce système ne
semble pas apte à résoudre le problème. Il doit probablement être réformé, de façon à
ce que les populations de sangliers reviennent à des niveaux compatibles avec les
capacités de charge des écosystèmes. L’implantation de cultures appétentes dans
des enclaves forestières ou dans des parcelles situées en bordure de bois et forêts
conduit le gibier à fréquenter sans risque ces cultures situées à proximité d’un abri
immédiat. À l’inverse, la présence d’un espace découvert entre le milieu forestier et la
culture appétente limite les dégâts. L’indemnisation des dégâts de gibier pourrait
donc être interdite pour les cultures fortement appétentes implantées dans des
enclaves forestières ou à moins de 100 mètres des bois et forêts.
42. Paiements pour services environnementaux (PSE) dans le secteur
agricole
Compte tenu de la contrainte budgétaire européenne et française, les aides provenant
de ces budgets ne suffiront pas à soutenir la conversion des systèmes de production
vers des systèmes favorables à la biodiversité. Le recours au marché selon une
logique de paiement pour services environnementaux pourrait alors constituer une
solution. Trois pistes de réflexion sont possibles.
•
Le système d’enchères : les services écosystémiques sont « vendus » dans le
cadre d’appels d’offres selon le même principe que les marchés publics.
Lorsqu’un exploitant souhaite « vendre » les services écosystémiques de ses
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Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
parcelles, il fait une offre auprès de l’opérateur public ou privé. L’offre est en
général soumise sous pli scellé. Elle indique le prix du service que l’exploitant
souhaite obtenir en contrepartie de ses efforts à l’égard de la biodiversité.
L’opérateur choisit ensuite les meilleures offres (les moins coûteuses par unité de
bénéfice obtenue) et contractualise la relation. Des expériences pilotes ont été
réalisées en Australie dans l’État de Victoria (Bush Tender puis Gippesland) et,
dans une moindre mesure, au Royaume-Uni et en Allemagne.
•
La définition d’un catalogue de cultures hiérarchisées en fonction de leur
impact sur la biodiversité : ce catalogue servirait de base à la classification des
parcelles proposées dans le marché. Cette application demande cependant à être
interprétée avec attention car l’impact d’une exploitation sur la biodiversité ne se
déduit pas uniquement à partir des cultures mises en place mais aussi du système
de production et des itinéraires techniques. Le catalogue pourrait servir, en outre,
de référence à la modulation des DPU (système de points en fonction des cultures
choisies par exemple).
•
L’application pilote d’un exemple étranger de Paiement pour services environnementaux en France : un exemple intéressant d’enchères pour services
écosysmétiques pourrait être étudié plus en détail dans le cas français. Celui du
dispositif pilote de Gippesland en Australie a, en particulier, reçu des évaluations
1
très positives .
Le groupe de travail est conscient des difficultés pratiques de mise en œuvre de ces
mécanismes. Il estime pourtant que rien n’interdit de les étudier plus avant.
2 Propositions
TRANSPARENCE ET REPORTING
1. Renforcer la priorité qu’il convient d’accorder à la protection
de la biodiversité
Le G20 de Pittsburgh de 2009 avait pris l’engagement de rationaliser et d’éliminer à
moyen terme les subventions aux énergies fossiles inefficaces. La France qui préside
le G8 et le G20 en 2011 pourrait lancer une initiative analogue pour les subventions
dommageables à la biodiversité, lors du sommet du G20 de Cannes, à la fin de
l’année. Cela confirmerait, mais au niveau des chefs d’État, le plan d’action adopté à
Nagoya en 2010.
2. Se doter d’un Document de politique transversale (DPT) relatif
à la biodiversité
Un tel document existe d’ores et déjà dans le domaine de la lutte contre le
changement climatique. La production de son équivalent pour la biodiversité
(1) 1 million d’hectares de flore sauvage localisés sur des terres privées dont 60 % sont menacés de
disparition. 51 offres ont été proposées dont 33 ont été acceptées, représentant un montant de
paiement total de 800 000 $.
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Octobre 2011
- Recommandations -
marquerait toute l’importance que le gouvernement accorde à ce sujet, en soulignant
le caractère interministériel de la politique correspondante. Cela permettrait d’identifier
les financements en faveur de la biodiversité – ou à son détriment – dans les
programmes des différents ministères.
Cette démarche semble à la fois nécessaire et peu ardue. Elle est, en outre, rendue
urgente par le compromis intervenu à Nagoya entre l’Union européenne et les autres
pays développés, d’une part, et les pays du sud, d’autre part. En effet, l’un des points
de discussion difficiles a été la stratégie de mobilisation des ressources de la
Convention sur la diversité biologique (CDB). Le projet de décision a été rejeté, sur ce
point, par les pays du sud. Le compromis finalement atteint prévoit la transmission
pour le 30 juin 2011 des contributions des Parties au secrétariat de la CDB concernant
les indicateurs et les mécanismes de financements innovants, notamment les
éléments méthodologiques. La CDB transmettra aux Parties des lignes directrices
pour l’utilisation des indicateurs et l’établissement d’états de référence pour l’adoption
d’objectifs chiffrés à la COP-11 en octobre 2012, si un accord a pu être trouvé
auparavant sur la méthodologie et ces états de référence. Le calendrier est donc
particulièrement serré. D’autant qu’une concertation intra-européenne sera nécessaire
pour que l’UE présente une position unifiée. Or, les 15 indicateurs transmis à la CDB
le 30 juin 2011 portent notamment sur le suivi des flux financiers dédiés à la
biodiversité. Il est donc urgent de mieux les cerner. L’un d’entre eux concerne
spécifiquement les flux financiers provenant de la réforme des subventions
dommageables à la biodiversité et réorientés en faveur de celle-ci (Décision X3 point
7.13 de la COP-10).
Ce DPT comprendrait notamment une présentation de la politique transversale de
l’effort financier qui est consacré à la biodiversité par l’État et les principaux
programmes qui y contribuent, les dépenses fiscales qui y concourent, la stratégie
globale d’amélioration des performances de la politique transversale suivie des
objectifs et indicateurs de performance retenus par axes stratégiques.
Toutefois, pour être complet, pour correspondre aux décisions adoptées à Nagoya et
aux recommandations formulées dans ce rapport, ce DPT ne saurait se contenter de
ces éléments. Le groupe de travail estime qu’il devrait aussi comporter la
présentation des principaux programmes qui entravent cette politique
transversale, des dépenses fiscales qui lui sont dommageables et une
présentation des axes et objectifs et indicateurs de performance pour les
diminuer ou les rendre compatibles avec la politique transversale biodiversité.
Le groupe de travail suggère, en outre, une rationalisation et une uniformisation
des documents déjà existants.
3. Étude d’impact des projets de loi
La loi organique du 15 avril 2009 impose au gouvernement d’accompagner les projets
de loi d’une étude d’impact. Les impacts environnementaux considérés semblent
surtout centrés sur les GES, les impacts sur la biodiversité étant parfois minorés voire
omis. Le groupe de travail estime nécessaire que cette loi organique soit
appliquée avec rigueur et que les impacts sur la biodiversité soient étudiés au
même degré que les impacts en matière de GES.
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Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
Dans le cas particulier des lois de finances, la loi prévoit également que les mesures
relatives aux ressources de l’État qui affectent l’équilibre budgétaire (contenues dans
la première partie de la loi de finances), les dispositions relatives à l’assiette, au taux
et aux modalités de recouvrement des impositions de toute nature qui n’affectent pas
l’équilibre budgétaire et celles affectant directement les dépenses budgétaires de
l’année (contenues dans la seconde partie) fassent l’objet d’une évaluation préalable
transmise en même temps que le projet de loi au Parlement. Un nouveau bleu
budgétaire intitulé Évaluations préalables des articles du projet de loi a ainsi, pour la
première fois, été annexé au projet de loi de finances 2010. Cependant, force est de
constater que dans les 501 pages du bleu budgétaire accompagnant le PLF 2011, le
mot biodiversité n’apparaît qu’à quatre reprises. Le groupe de travail estime ainsi
nécessaire que pour chacune des dispositions examinées par l’évaluation préalable, la
question de l’impact sur la biodiversité soit posée de manière systématique dans
l’analyse des impacts environnementaux.
AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT
4. Développer l’échange dette-nature, notamment dans le cadre
des contrats de désendettement-développement (C2D)
L’échange dette-nature est un mécanisme prévoyant la renégociation, conversion ou
annulation de tout ou partie de la dette d’un pays en développement par un créditeur
ou par une institution qui l’a rachetée. En échange, le pays débiteur s’engage à
financer, pour un montant déterminé par les parties, la conservation de la biodiversité.
Cet outil permet aux pays en développement d’alléger le poids de la charge de la
dette extérieure tout en préservant leurs écosystèmes, dont les populations les plus
modestes tirent une large part de leurs ressources.
Deux catégories de dettes sont négociables : les publiques et les commerciales. Une
dette commerciale résulte d’un prêt ou contrat entre une banque commerciale ou une
entreprise et un gouvernement débiteur. En préparation d’un échange dette-nature, la
dette est rachetée sur le marché secondaire par un intermédiaire du secteur de la
conservation, par exemple. Une dette publique a été négociée, de façon bilatérale,
entre un gouvernement emprunteur et un gouvernement créditeur ou une agence de
développement. La dette est restructurée avec le pays débiteur, la négociation
pouvant porter sur le taux d’intérêt, l’échéancier, le montant du principal ou encore le
pourcentage de la dette pouvant faire l’objet de la conversion.
À la différence des États-Unis, des pays scandinaves, de la Suisse, de l’Allemagne, la
France a peu pratiqué l’échange dette-nature.
Les contrats de désendettement et de développement (C2D) constituent le volet
bilatéral français pour l’allègement de la dette contractée au titre de l’aide publique au
développement. Ce volet est additionnel à l’initiative multilatérale d’allègement de la
dette des pays pauvres (initiative PPTE).
Les pays bénéficiaires de ces contrats (Pays pauvres très endettés-PPTE) continuent
d’honorer leur dette mais, aussitôt le remboursement constaté, la France leur reverse
la somme correspondante pour l’affecter à des programmes sélectionnés d’un
commun accord. La biodiversité est éligible.
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Octobre 2011
- Recommandations -
e
Des C2D ont déjà été signés avec le Cameroun (2 C2D), le Ghana, le Mozambique,
Madagascar et la Mauritanie, plus récemment avec le Congo (Projet annuel de
performance 2011 « Aide publique au développement »).
Les pays éligibles au titre des C2D sont l’Ouganda, le Mozambique, la Tanzanie, la
Mauritanie, la Bolivie, le Nicaragua, le Ghana, Madagascar, le Honduras, le Rwanda, le
Cameroun, la Somalie, le Malawi, la Guinée, la République Démocratique du Congo, la
Côte d’Ivoire, le Burundi, le Congo, le Soudan, le Liberia, la Myanmar et la Sierra
Leone. Il s’agit, pour la quasi-totalité d’entre eux, de pays dont la biodiversité est
exceptionnelle aussi bien que menacée.
Le groupe de travail suggère que la France augmente la part des Contrats de
désendettement et de développement affectée à la biodiversité. Plusieurs pays
présenteront prochainement des projets de ce type qui pourraient être aidés de cette
manière (Côte d’Ivoire, Cameroun, etc.).
BIODIVERSITÉ MARINE
5. Réviser le Droit annuel de francisation et de navigation
Les navires de plaisance inférieurs à une certaine taille ont été exonérés de Droit
annuel de francisation et de navigation (DAFN) en 2005, même lorsqu’ils étaient surmotorisés. Cela constitue une dépense fiscale en faveur des bateaux qui consomment
plus de carburant et qui émettant plus de CO2 et autres polluants atmosphériques. Ils
causent aussi des dommages à la biodiversité, d’une part, car ils sont beaucoup plus
sonores et, d’autre part, car ils ont souvent un faible tirant d’eau. Ils peuvent donc
pénétrer dans des criques inaccessibles aux voiliers et approcher de très près les
terres, îles et îlots voire accoster. Or les mois d’avril, mai, juin, juillet et août, privilégiés
pour la pratique des sports nautiques, sont des mois de reproduction, d’élevage et de
dépendance de la faune, y compris de la faune protégée. À cette époque, son besoin
de tranquillité est maximal. La Commission européenne est attentive à ce thème du
dérangement de la faune. Les contentieux à répétition entre la France et l’UE sur la
chasse, depuis les années 1980, suite à la Directive Oiseaux de 1979, ne portaient pas
sur la chasse elle-même mais sur le fait que la chasse aux oiseaux d’eau était
pratiquée, en France, fin juillet et en août, dates considérées par la Commission
comme des périodes de reproduction et de dépendance des espèces d’oiseaux
visées aux annexes de la Directive Oiseaux. La Directive Habitats est venue renforcer
cette approche.
En outre, au moment où la France désigne ses sites Natura 2000 en mer et crée des
AMP, il serait paradoxal que ce type d’embarcations reste exonéré de DAFN.
Il convient donc d’étendre l’assujettissement aux « navires de plaisance » de
moins de 7 mètres et aux « véhicules nautiques à moteur » (scooters des mers,
etc.), en ne retenant que le critère de la puissance réelle de la propulsion
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Les aides publiques dommageables à la biodiversité
mécanique, selon un barème progressif et en abandonnant le critère de la longueur
1
de coque .
6. Réviser les redevances d’occupation du domaine publique maritime
L’État perçoit des redevances d’occupation du domaine public maritime (sol et soussol du littoral et de la mer territoriale) en raison de toute occupation ou utilisation
privative du domaine public (plages, câbles sous-marins), conformément aux articles
L. 2125-1 et suivants du CGPPP. De manière générale, les redevances sont fixées par
le directeur départemental des services fiscaux (sur instruction de France Domaine). Il
en résulte une grande hétérogénéité des modalités de détermination de ces
redevances. En effet, le directeur peut s’inspirer des grilles nationales dont il dispose
pour d’autres situations, ou procéder de manière forfaitaire selon la nature du lot
exploité, ou encore décider d’une assise sur la surface des lots sous-traités (tarif au
mètre carré)… En outre, dans tous les cas, l’impact de l’activité soumise à redevance
d’occupation ne semble pas influer sur le tarif.
Ces redevances pourraient être modifiées :
•
en harmonisant le champ d’application et les modalités de détermination des
redevances ;
•
en fixant les tarifs en fonction du chiffre d’affaires et en les revalorisant en fonction
de l’inflation. On considère alors ici que les externalités positives du domaine
public sont valorisées par l’occupant et qu’elles figurent en partie dans son chiffre
d’affaires ;
•
en modulant les tarifs en fonction du caractère plus ou moins dommageable pour
la biodiversité marine et littorale et/ou de la zone occupée, ce qui rendrait la
redevance plus incitative ;
•
en réaffectant une partie de ces redevances à des actions de recherche, de
protection et de restauration des milieux marins.
7. Instituer une forme de taxation au-delà de la zone des 12 milles nautiques
2
Le domaine public maritime s’arrête à la limite des 12 milles nautiques . Aucune
redevance ne peut être perçue au-delà de ces 12 milles dans la Zone économique
exclusive (ZEE) ou sur le plateau continental puisqu’il n’y a plus, alors, de domaine
public. En raison des perturbations entraînées sur les écosystèmes marins par ce type
d’activités qui semble devoir s’y développer à l’avenir, comme de l’affirmation
croissante du droit des États sur la ZEE et/ou le plateau continental, il serait logique
d’instituer une forme de taxation, prolongeant ces redevances, sur les activités
qui s’y exercent, notamment les industries extractives.
(1) Le président de la République a annoncé le 7 juillet 2011 un « verdissement » du DAFN,
notamment « au travers de l’élargissement de son assiette à tous les bateaux de plaisance équipés
de moteurs de forte puissance, et donc plus polluants ».
(2) Un mille nautique = 1 852 m.
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8. L’extraction de granulats en mer
L’extraction de granulats en mer entraîne divers impacts sur la biodiversité (turbidité,
réduction de la synthèse, dépôts de particules fines, aspiration d’organismes vivant
sur le sol, perturbation de la faune benthique, des frayères ou nourriceries associées
aux fonds sableux, etc.). Le décret n° 2006-798 du 6 juillet 2006 (art. 19) prévoit que la
redevance domaniale due par les exploitants de granulats soit modulée en fonction de
la profondeur du gisement et de son éloignement de la côte mais pas expressément
en fonction de la sensibilité écologique du milieu. Le taux de cette redevance n’est
pas uniforme puisqu’il est fixé par le directeur départemental des services fiscaux.
Ces granulats extraits sont aussi soumis à la TGAP en fonction du poids net des
grains mais à un taux uniforme. Cette uniformité qui rend la taxe peu incitative a été
1
critiquée notamment par le Conseil général des mines et le SG Mer .
Le groupe de travail souhaite formuler plusieurs recommandations sur ce sujet :
•
la commande publique, qui constitue une forme de subvention et qui est à
l’origine d’une part importante de la consommation, devrait favoriser davantage
l’utilisation de granulats issus du recyclage de granulats déjà utilisés et de
produits de dragage ;
•
l’exploitation privée de granulats marins s’effectue sur un espace public et doit,
comme telle, demeurer soumise à redevance. Cette redevance devrait être
modulée selon la sensibilité écologique du milieu et des fonds marins impactés ;
•
l’incitation fiscale ne paraît pas appropriée pour certaines frayères stratégiques où
une interdiction réglementaire devrait pouvoir être édictée ;
•
au-delà, cette redevance pourrait être fixée en rapport avec la valeur marchande
des matériaux extraits et tenir compte des charges de régulation pour la
collectivité de l’exploitation qui sont supérieures à celles d’une exploitation
terrestre (police de la navigation et des mines, gestion des ressources, etc.)
Par ailleurs, le groupe de travail n’a pas à se prononcer expressément sur l’affectation
de la redevance domaniale due par les exploitants d’extraction de granulats.
Néanmoins, l’affectation aux ports autonomes, lorsque l’extraction est située dans la
circonscription d’un port autonome, lui paraît contestable. Une affectation à l’AMP ou
au Conservatoire du littoral est envisageable mais elle présente l’inconvénient de faire
dépendre le budget d’établissements publics de protection de la biodiversité de
ressources émanant d’activités perturbant cette biodiversité. Alors que la France
possède le second domaine marin et le connaît peu, une affectation à la recherche sur
la biodiversité marine, y compris à celle des fonds marins, semble préférable.
9. Exploitation d’énergies fossiles en mer
Les concessionnaires de mines, les titulaires de permis d’exploitation de mines et les
explorateurs de gisements de pétrole et de gaz combustibles sont exonérés de
redevance communale et départementale des mines (CGI 1519, 1587) lorsque les
gisements sont situés au-delà de 1 mille nautique de la ligne de base définies par la loi
du 24 décembre 1971 relative à la délimitation des eaux territoriales françaises.
(1) Secrétariat général de la Mer (2006), Extraction de granulats marins, Document d’orientation
pour une politique nationale, Version 3.0, 1er juin, 83 p.
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Les aides publiques dommageables à la biodiversité
Cette dépense fiscale réduit le coût d’exploitation d’énergies fossiles dans un milieu
très sensible. Au moment où l’exploitation off-shore par grandes profondeurs devient
rentable avec la hausse des prix du pétrole, où la France reprend l’exploration offshore (Guyane), crée des Aires marines protégées (AMP), et désigne ses sites Natura
2000 en mer, la subsistance de cette dépense fiscale semble peu justifiée. Les
titulaires de ces concessions devraient être soumis à une redevance domaniale
entre 1 et 12 milles nautiques et à une taxation au-delà de 12 milles nautiques. En
outre, leur permis d’exploitation voire d’exploration pourrait être soumis à la
vérification de provisions suffisantes pour faire face à tous types d’accidents et de
marées noires.
EAU
L’évaluation de l’état des masses d’eau françaises aboutit à un constat globalement
insatisfaisant et insuffisant par rapport aux normes fixées au plan communautaire
1
comme au plan national (ONEMA, 2010 ) :
•
pour l’état des eaux de surface :
− 53 % ont un état écologique jugé moyen à mauvais (38 % moyen, 11 %
médiocre et 4 % mauvais) ;
− 21 % n’ont pas un bon état chimique et 34 % ont un état chimique
indéterminé ;
− l’état des masses d’eau fortement modifiées ou masses d’eau artificielles ou
2
semi-artificielles est particulièrement préoccupant : 61 % d’entre elles ont un
état écologique jugé moyen à mauvais, 24 % n’ont pas un bon état chimique ;
− près de 36 % des masses d’eau superficielles font l’objet d’une dérogation à
l’objectif de bon état écologique de 2015 et environ 17 % pour l’objectif de
bon état chimique.
•
pour l’état des eaux souterraines :
− 9 % ne sont pas en bon état quantitatif ;
− 41 % ne sont pas en bon état chimique ;
− près de 2 % des masses d’eau souterraines font l’objet d’une dérogation pour
l’objectif de bon état quantitatif et environ 36 % pour l’objectif de bon état
chimique.
Cette situation est préoccupante car elle rend très incertaine l’atteinte de l’objectif de
bon état écologique des masses d’eau en 2015. En application du principe de
récupération des coûts des services liés à l’utilisation de l’eau, tel que défini par la
3
DCE et dans l’article L. 210-1 du code de l’environnement , le groupe de travail
recommande que soit révisée la structure de taxation des utilisations de l’eau et,
en particulier, la redevance pour prélèvement et la redevance pour pollution.
(1) ONEMA, 2010. La reconquête du bon état des eaux et des milieux aquatiques : de l’état des
eaux en 2009 aux objectifs 2015, 4 p.
(2) Les masses d’eau fortement modifiées ou masses d’eau artificielles ou semi-artificielles
représentent 7 % des masses d’eau de surface.
(3) Loi n° 2004-338 du 21 avril 2004,
www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=89EFE858640C97C5633F35FD3D4FD232.tpdjo09
v_1?cidTexte=JORFTEXT000000418424&dateTexte=20110831.
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Il propose également des ajustements pour d’autres dispositifs pouvant affecter
l’état quantitatif et/ou qualitatif des masses d’eau.
Redevance pour prélèvement
La redevance pour prélèvement (article L. 213-10-9 du code de l’environnement) est
assise sur le prélèvement brut et non pas sur le prélèvement net (équivalent au volume
prélevé diminué du volume restitué). Elle favorise ainsi les utilisations restituant peu
d’eau par rapport à celles restituant une grande partie du volume prélevé. À terme,
l’instauration d’une redevance sur prélèvement net ou sur prélèvement brut corrigé
par un coefficient de restitution, serait souhaitable et devrait être étudiée en détails
(cf. Orientations générales).
À court terme, une réforme d’ordre technique de la redevance pour prélèvement
actuelle semble à la fois plus aisée et pleinement justifiée. Le groupe de travail
préconise les réformes suivantes.
10. Instaurer un tarif plancher pour chaque usage de l’eau
Aujourd’hui, le tarif de la redevance ne peut dépasser les plafonds indiqués dans
1
l’article L. 213-10-9 du code de l’environnement, qui sont modulés selon les usages
2
et la disponibilité de la ressource . Or les tarifs appliqués par les Agences de l’eau
sont en réalité très variables et atteignent rarement les plafonds. Par exemple, en
2010 :
•
pour l’irrigation non gravitaire, les Agences ont modulé leur taux dans une
fourchette très large pouvant aller de 7 % à 100 % du taux plafond ;
•
l’irrigation gravitaire est globalement plus proche du taux plafond que le non
gravitaire mais la fourchette reste large (de 27 % à 100 % du taux plafond) ;
•
on trouve également des fourchettes très larges d’application du taux (de 6 % à
100 % du taux plafond) pour l’alimentation en eau potable ;
•
l’alimentation des canaux est globalement taxée comme les réseaux gravitaires ;
•
l’eau utilisée pour le refroidissement industriel présente les plus grandes variations
de taux (de 2 % à 100 % du taux plafond) ;
•
les taux appliqués pour les autres usages économiques de l’eau (i.e. industrie,
hors agriculture et hors refroidissement) suivent ceux du refroidissement en étant
légèrement plus élevés ;
•
pour l’industrie hydroélectrique, les taux sont compris entre 17 % et 56 % du taux
plafond (85 % lorsque éclusé).
Le principe de la DCE de contribution appropriée des utilisateurs de l’eau à la
récupération des coûts des services liés à l’utilisation de l’eau tout en respectant,
(1) Les différents usages répertoriés sont : irrigation non gravitaire, irrigation gravitaire, alimentation
en eau potable, alimentation d’un canal, refroidissement industriel, autres usages économiques,
installations hydroélectriques, installation hydroélectrique éclusée.
(2) Une zone de répartition des eaux se caractérise par une insuffisance chronique des ressources
en eau par rapport aux besoins. Le tarif de la redevance est bas lorsque la ressource est en dehors
des zones de répartition des eaux. Il est fort lorsqu’elle est dans une zone de répartition des eaux
(tarif haut).
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Les aides publiques dommageables à la biodiversité
notamment, des critères sociaux, environnementaux et économiques (cf. article 9 de
la DCE précité) mérite sûrement d’être mieux pris en compte, en particulier en
réduisant la fourchette d’application des taux au sein de chaque usage. Dans cette
optique, le groupe de travail propose, ainsi que l’envisage le projet de cadrage du
e
X programme des Agences pour le PLF 2012, d’instaurer, pour chaque usage, un
tarif plancher.
11. Réviser le niveau des tarifs plafonds
Les tarifs de la redevance sont calibrés par les Agences de l’eau de sorte que soient
récupérés les coûts financiers des services de l’utilisation de l’eau (investissements,
coûts de maintenance et opérationnels, coûts administratifs) et non les coûts
environnementaux (dont les coûts sur la biodiversité).
Les coûts environnementaux comprennent tous les coûts des dommages
environnementaux résultant d’un mauvais état écologique et/ou chimique et/ou
quantitatif de la masse d’eau, le qualitatif étant intrinsèquement lié au quantitatif.
1
Selon le rapport du groupe de travail WATECO pour la Commission européenne, les
coûts environnementaux peuvent être évalués directement (valeur économique du
changement du niveau des nappes phréatiques) et/ou indirectement (coût des
mesures curatives et/ou de prévention pour respecter l’objectif de bon état des
masses d’eau). L’évaluation des coûts environnementaux des services liés à
l’utilisation de l’eau a donné lieu à de nombreuses études dont certaines conduites
par des Agences de l’eau. Le groupe de travail propose donc de réviser le niveau
des tarifs plafonds de sorte que le coût moyen des services de l’utilisation de
l’eau pour la catégorie d’usagers concernée soit pris en compte ainsi que les
coûts sur la biodiversité des usages de l’eau.
12. Prendre en compte les surfaces drainées
Les zones humides sont des milieux très riches en biodiversité et leur préservation fait
partie des priorités du Grenelle. En les asséchant, le drainage peut provoquer un
appauvrissement important de la biodiversité. Le drainage est, en outre, une forme de
consommation de l’eau et devrait être taxé comme les autres prélèvements. Il serait
donc légitime que la redevance pour prélèvement soit également appliquée aux
activités de drainage. Sa mise en œuvre soulève cependant des difficultés de mesure.
Une taxe forfaitaire à l’hectare drainé pourrait donc être envisagée. L’application de la
redevance pour prélèvement au drainage suppose de disposer de données précises
sur les surfaces drainées. Le groupe de travail estime donc nécessaire, d’une part,
la connaissance fine, au niveau adéquat, des surfaces drainées et, d’autre part,
l’assujettissement du drainage à la redevance pour prélèvement.
Redevance pour pollution
Le bon état chimique de l’eau est évalué sur la base de la concentration de
33 substances ou groupes de substances prioritaires identifiées dans l’annexe X de la
DCE, dont 13 substances ou groupe de substances dangereuses prioritaires. La DCE
indique que « la pollution entraînée par les rejets, les émissions et les pertes de
(1) WATECO (2003), Economics and the Environment: The implementation challenge of the Water
Framework Directive, Guidance document n° 1, 247 p.
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substances dangereuses prioritaires doit être éliminée ou progressivement
supprimée ». L’objectif de suppression doit être atteint en novembre 2021 pour les
11 substances ou groupes de substances dangereuses prioritaires identifiées dans
l’annexe X de la DCE : les diphényléthers bromés, le cadmium, les chloroalcanes,
l’hexachlorobenzène, l’hexachlorobutadiène, l’hexachlorocyclohexane, le mercure, les
nonylphénols, le pentachlorobenzène, les hydrocarbures aromatiques polycycliques
(HAP) ainsi que les composés du tributylétain. L’adoption de la directive-fille a
introduit deux nouvelles substances dangereuses dans l’annexe X, l’anthracène et
l’endosulfan, qui devront être supprimées fin 2028.
Par ailleurs, les « effets cocktail » ne doivent pas être omis. Même si les concentrations ne sont pas élevées, l’additivité du risque de chaque substance au sein d’un
même effluent peut augmenter significativement le nombre de sites ou d’activités
ayant un impact potentiel sur le milieu.
Le groupe de travail souhaite effectuer deux recommandations principales
concernant la redevance pour pollution de l’eau. La première est d’ordre général,
la seconde d’ordre plus technique.
13. Cibler les objectifs européens de bon état des masses d’eau
Il reste parfois moins coûteux pour une collectivité dépourvue de station d’épuration
ou ayant de gros investissements à réaliser pour la mettre aux normes de payer à taux
3
plein la redevance pour pollution (0,5 euro/m ), plutôt que d’investir dans une
infrastructure dont les seuls coûts de fonctionnement hors amortissements sont plus
de deux fois supérieurs à la redevance. Cette situation pourrait expliquer une partie du
retard français en matière d’application de la directive n° 91/271/CEE relative aux
eaux résiduaires urbaines. La redevance pour pollution domestique n’est donc
clairement pas incitative.
Les Agences de l’eau devraient davantage faire évoluer leurs redevances
(progressivité) et lier leurs aides (dégressivité, conditionnalité) aux collectivités
territoriales en fonction des objectifs de bon état des eaux, du respect d’un
calendrier de travaux et des performances épuratoires réelles.
14. Internaliser les coûts des usages de l’eau
Bien qu’on observe, de façon générale, un nombre plus faible de substances
polluantes en sortie de stations d’épuration urbaines par rapport aux rejets industriels,
1
des évaluations montrent que les rejets de certaines stations d’épuration contiennent
des substances prioritaires ou dangereuses prioritaires potentiellement toxiques pour
le milieu aquatique.
La DCE considère que les services liés à l’utilisation de l’eau (prélèvement, stockage,
traitement, distribution, puis collecte et traitement des eaux usées avant retour au
milieu aquatique) font partie des utilisations de l’eau pouvant avoir un impact
(1) Action de recherche et de réduction des rejets de substances dangereuses dans l’eau (Actions
3RSDE) initiée en 2002 par la circulaire du 4 février 2002 puis circulaire DGPR 1/2009, www.eco-etmat.com/etudes/3rsde-action-de-recherche-et-de-reduction-des-rejets-de-substancesdangereuses-dans-l-eau--synthese-de-l-action-regionale-er-1039.php.
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Les aides publiques dommageables à la biodiversité
significatif sur la ressource et qu’ils doivent, par conséquent, contribuer à la
récupération de leurs propres coûts. Or les organismes publics et privés de gestion de
l’eau ne sont pas assujettis à la redevance pour pollution de l’eau. Ils collectent la
redevance auprès des usagers et la reversent à l’Agence. Ce dispositif permet
d’assurer une « mutualisation » des charges de dépollution des eaux usées mais pas
celles du milieu lorsque les effluents de station d’épuration ne sont pas de qualité
suffisante, tous les utilisateurs de l’eau étant responsables. Le taux de la redevance
pour pollution est donc fixé à un taux inférieur aux externalités produites par les
utilisations de l’eau, ce qui peut s’analyser comme une subvention de fait. Les trois
propositions suivantes visent à corriger cette défaillance.
a) Par son mode de calcul, la redevance « pollution » n’est pas conçue pour inciter les
gestionnaires de l’eau (services d’épuration des eaux usées) à améliorer la qualité des
rejets dans le milieu en vue de respecter l’objectif de bon état de l’eau. L’incitation
passe ici par d’autres canaux (aides et action réglementaire).
La question de l’assujettissement des stations d’épuration des collectivités à une
redevance pollution, au même titre que les ouvrages industriels, mérite d’être
examinée afin de pouvoir compléter par la redevance les incitations par les aides au
suivi des rejets. Le groupe de travail recommande donc que les activités de
collecte et de traitement des eaux usées soient assujetties à la redevance
pollueur-payeur. Dans ce cas, la redevance pourrait être inversement
proportionnelle à l’efficacité de la station d’épuration sur chacune des
substances dangereuses prioritaires par rapport à une station d’épuration de
référence.
b) La redevance pour pollution de l’eau d’origine non domestique est calculée en
fonction des rejets polluants de l’activité assujettie. L’arrêté du 21 décembre 2007
relatif aux modalités d’établissement des redevances pour pollution de l’eau indique
1
11 éléments constitutifs de la pollution des rejets sur la base desquels la redevance
2
est calculée. Parmi ces éléments, trois concernent les rejets écotoxiques : les Métox ,
3
les matières inhibitrices , les composés halogénés adsorbables sur charbon actif.
Certaines substances dangereuses sont prises en compte comme le cadmium et le
mercure qui font partie des Métox cités dans le calcul de la redevance. D’autres
peuvent se retrouver dans les dosages globaux de polluants comme la mesure des
organo-halogénés adsorbables. Il n’y a donc pas d’incitation ciblée par la redevance
pour l’élimination de ces polluants prioritaires alors que la DCE demande leur
suppression dans les vingt ans.
(1) Ces 11 éléments sont : matières en suspension, matières en suspension rejetées en mer,
demande chimique en oxygène, demande biochimique en oxygène, azote réduit, azote oxydé,
phosphore, Métox, Métox rejetés dans les masses d’eau souterraines, toxicité aiguë, rejet en masse
d’eau souterraine de toxicité aiguë, composés halogénés adsorbables sur charbon actif, composés
halogénés adsorbables sur charbon actif rejetés dans les masses d’eau souterraines, sels, chaleur
(excepté en hiver), Chaleur rejetées en mer (exceptée en hiver).
(2) Les Métox sont établis comme la somme pondérée par leur toxicité respective des rejets de
divers métaux lourds (arsenic, cadmium, chrome, cuivre, mercure, nickel, plomb, zinc)
(article R. 213-48-3 du code de l’environnement).
(3) Les matières inhibitrices permettent de mesurer la toxicité aiguë d’un rejet sur des microcrustacés (Daphnies).
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Le groupe de travail propose plusieurs pistes pour améliorer cette situation et
mieux respecter l’obligation de bon état chimique des masses d’eau inscrit dans
la DCE :
•
la mise en place d’une redevance ciblée sur les 13 substances ou groupes de
substances dangereuses prioritaires. Ce type de redevance permettrait de
disposer d’un dispositif de suivi et d’une incitation à la suppression de ces
polluants spécifiques ;
•
pour les éléments déjà inclus dans le calcul de la redevance, vérifier si le tarif
appliqué prend bien en compte les coûts du traitement et ceux pour la
biodiversité, et, le cas échéant, les adapter. Il existe pour cela des études sur les
coûts liés à un mauvais état des masses d’eau réalisées par les Agences
(notamment les catalogues « coûts-bénéfices » de l’Agence Seine-Normandie), les
1
instituts de recherche (notamment BRGM ) ou encore des programmes de
recherche européens (notamment le projet AQUAMONEY) ;
•
les effets cumulatifs sur le milieu lorsque plusieurs substances sont présentes
dans le même rejet devraient être étudiés en vue de les intégrer dans le calcul de
la redevance ;
•
le groupe de travail estime indispensable que parmi les substances mesurées
dans le cadre du calcul de la redevance pour pollution non domestique, les
substances dangereuses prioritaires soient mieux affichées avec leur tarif
respectif.
c) La redevance pour pollution d’origine domestique est appliquée, notamment, en
plus des abonnés au service d’eau potable, aux personnes dont les activités
2
entraînent des rejets d’éléments de pollution inférieurs aux seuils fixés pour les
activités assujetties à la redevance pour pollution d’origine non domestique. C’est le
cas des polluants toxiques tels que les solvants chlorés, les métaux lourds, les
micropolluants organiques provenant des activités de mécanique, de garages et
lavage de véhicules, de traitement des métaux, etc. Les rejets domestiques peuvent
également contenir de telles substances.
Les seuils d’assujettissement à la redevance pour pollution non domestique semblent
fixés trop haut pour certaines substances. Le groupe de travail estime que ces
seuils pourraient être revus de façon à ce que les activités contribuant de façon
significative aux rejets de substances prioritaires ou dangereuses prioritaires,
aujourd’hui assujetties à la redevance pollution domestique, soient, à l’avenir,
assujetties à la redevance pollution.
Il conviendrait, en outre, d’identifier des priorités géographiques d’action puis d’inciter
les gestionnaires à y renforcer le suivi des rejets domestiques aux réseaux ou à
engager des actions d’information des usagers domestiques et de récupération de
produits toxiques. Un dispositif simple d’évaluation des rejets devra être étudié
auparavant afin de ne pas multiplier les coûts administratifs et de contrôle.
(1) BRGM (2005), Développement d’un cadre méthodologique pour évaluer le coût d’atteinte du bon
état des masses d’eau du Bassin Rhin-Meuse, 142 p.
(2) Seuils établis pour chacun des 11 éléments constitutifs de la pollution des rejets.
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Les aides publiques dommageables à la biodiversité
Autres dispositifs pouvant affecter l’état quantitatif et/ou qualitatif
des masses d’eau
15. Financement des retenues collinaires
Les dépenses éligibles dans le cadre de la mesure 125 dispositif B du PDRH « soutien
aux retenues collectives collinaires ou de substitution » comprennent la constitution
d’ouvrages de stockage.
1
La mission CGAAER et IGE de 2007 suggère de maintenir un minimum de partici2
pation des irrigants au financement des investissements initiaux . Elle recommande
de ne descendre en aucun cas en dessous de 25 % pour les retenues collinaires et
de substitution. La suggestion, par la même mission, de contrôler plus strictement les
modalités de validation de la compatibilité environnementale des retenues collinaires
de substitution, semble légitime. Il en est de même du souhait de préciser les définitions retenues de « collinaires » et de « substitution » selon leur mode d’alimentation :
•
par interception des écoulements d’un bassin versant élémentaire (portant ou non
sur un cours d’eau) pour les « retenues collinaires »,
•
par pompage hivernal dans les milieux (cours d’eau, lacs ou nappe), pour les
« retenues de substitution».
Le groupe de travail appuie ces recommandations et souhaite qu’elles soient
appliquées sans tarder.
16. Pertes en eau des réseaux d’eau potable
Selon l’article 161 de la loi Grenelle 2, lorsque le taux de perte en eau du réseau d’eau
potable s’avère supérieur à un taux fixé par décret selon les caractéristiques du
service et de la ressource, les services publics de distribution d’eau établissent un
plan d’actions comprenant, s’il y a lieu, un projet de programme pluriannuel de
travaux d’amélioration du réseau. Le même article ajoute qu’à défaut d’établissement
de ce projet, les distributeurs verront le taux de la redevance pour prélèvement sur la
ressource en eau doublé.
3
La différence entre le volume d’eau prélevée et traitée (6 milliards de m en 2004) et le
volume effectivement consommé (4,45 milliards) s’élève à 1,6 milliard. Ce chiffre
représente la lutte contre les incendies et de la consommation pour l’entretien du
réseau, mais aussi et surtout les fuites du réseau. Elles ont été estimées à 1,3 milliard
3
3
de m en 2004, soit plus du cinquième des volumes distribués . Le taux de perte en
eau, actuellement de 21 %, devrait être abaissé à court terme à 15 %, si l’on voulait
(1) CGAAER et IGE (2007), Préconisations pour la mise en œuvre du plan national de gestion de la rareté de
l’eau, 118 p., http://portail.documentation.developpement-durable.gouv.fr/documents/cgedd/006225-01_rapport.pdf.
(2) « Le maintien d’une participation significative des irrigants au financement des investissements
(qu’elle se traduise par une participation directe ou par le biais d’une redevance incluant une part
des charges d’amortissement) devrait être systématique et la participation calculée sur une base
légitime, de manière à rester dans une logique économique même partielle (en raison des aménités
non chiffrables apportées par l’investissement) ; cette logique disparaît en effet si l’investissement
est gratuit pour les irrigants (ou si son coût n’est pas répercuté suffisamment dans les charges de
fonctionnement) » ; CGAAER et IGE (2007), op. cit., p. 47.
(3) Source : www.senat.fr/rap/l08-552-1/l08-552-188.html.
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s’aligner sur les pays de l’Union européenne où le linéaire de réseau est comparable
au nôtre. Des pertes de 5 à 10 % pourraient être visées dans les zones d’urbanisation
dense. À usages constants, cet objectif de réduction des pertes d’un tiers permettrait
3
une réduction des prélèvements dans le milieu naturel de près de 400 millions de m .
La non-parution à ce jour du décret d’application de l’article 161 de la loi Grenelle 2
empêche l’incitation prévue par cet article de jouer. Tant que le décret n’est pas
publié, le taux de perte en eau du réseau selon les caractéristiques du service et de la
ressource ne peut être fixé, les plans d’actions comprenant, s’il y a lieu, des travaux
d’amélioration du réseau, ne peuvent être établis par les services publics de
distribution d’eau et le doublement de la redevance pour prélèvement sur les
distributeurs qui pourrait constituer une incitation notable, ne peut être institué.
Le groupe de travail souhaite donc que le décret établissant le taux de pertes en
eau du réseau au-delà duquel les services publics de distribution d’eau doivent
établir un projet de programme pluriannuel de travaux d’amélioration du
réseau soit publié au plus tôt et fasse en tout état de cause partie des décrets
d’application de la loi Grenelle 2 prioritaires.
17. Impacts de l’usage de l’eau dans la production d’énergie
D’une manière générale, la tendance dans le monde est de faire refléter à l’énergie ses
coûts complets, donc ses externalités. Cette tendance est davantage à l’œuvre pour
les énergies fossiles. Si elle se concrétise uniquement pour ces énergies, un arbitrage
risque de se faire en faveur des autres énergies et au détriment des impacts
environnementaux qu’elles peuvent causer, dont ceux sur la biodiversité. Il est donc
nécessaire que l’internalisation de celles-ci progresse parallèlement.
a) L’hydroélectricité entraîne différents impacts sur la biodiversité, notamment :
•
la constitution d’obstacles à la circulation de la faune aquatique ;
•
la constitution d’obstacles au transit sédimentaire ;
•
la modification du régime de répartition des crues : les mini-crues peuvent
constituer des zones de frayères ou de nourrissage intéressantes alors que les
1
éclusées (variations brutales de débit) perturbent les écosystèmes et la faune ;
•
la réduction du débit de certains tronçons de cours d’eau entre la prise d’eau et la
restitution ;
•
l’évaporation de l’eau stockée dans les retenues (non-retour vers le milieu
aquatique initial).
Aujourd’hui, ces impacts ne sont pas véritablement internalisés. Pour tenir compte
des trois premiers, la redevance pour obstacle devrait donc s’appliquer aux
installations hydroélectriques. Elle est due par toute personne possédant un ouvrage
constituant un obstacle continu joignant les deux rives d’un cours d’eau. Sont
exonérés de la redevance pour obstacle sur les cours d’eau les propriétaires
d’ouvrages faisant partie d’installations hydroélectriques assujettis à la redevance
pour prélèvements sur la ressource en eau. La constitution d’obstacles et le
prélèvement d’eau constituent deux impacts différents sur la biodiversité. Chacun fait
(1) La redevance hydroélectrique actuelle est majorée en cas de fonctionnement par éclusées.
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Les aides publiques dommageables à la biodiversité
donc l’objet d’une redevance spécifique. L’hydroélectricité entraînant les deux types
d’impact, il n’existe guère de raison de l’exonérer de redevance pour obstacle. Par
ailleurs, seules les installations turbinant plus d’un million de mètres cubes par an sont
soumises à la redevance prélèvement. Ainsi, les petites installations sont non
redevables à la fois de la redevance pour prélèvement et de la redevance pour
obstacle. Le groupe de travail considère donc que l’ensemble des installations
hydroélectriques devraient être assujetties à la redevance pour obstacle. Les
petites installations ne contribuant que peu à l’évaporation pourraient, pour tenir
compte de leur spécificité, demeurer exonérées de la redevance prélèvement.
b) Les centrales électriques en bord de cours d’eau ont trois types d’impact sur la
biodiversité :
•
le prélèvement net d’eau (forte évaporation) ;
•
le réchauffement de l’eau utilisée pour refroidir les centrales ;
•
la réduction du débit de certains cours d’eau entre la prise d’eau et la restitution.
Concernant le second point, la chaleur des rejets fait partie des éléments constitutifs
de la pollution pris en compte dans le calcul de la redevance pour pollution non
domestique. Cependant, ce paramètre est exclu de la redevance pour les mois de
1
janvier à mars . Il ne semble pas exister de raison scientifique, en termes d’impact sur
la biodiversité, à cette exclusion. En outre, les effets du changement climatique sur la
température moyenne de l’eau, été comme hiver, rendent cette exception de plus en
plus contestable. Le groupe de travail estime donc nécessaire que l’élément
chaleur soit inclus dans la redevance pollution tout au long de l’année.
Une conjonction de facteurs rend aujourd’hui cette série de réformes possibles et
nécessaires. Le rétablissement de la continuité écologique des cours d’eau fait partie
du bon état écologique des masses d’eau, au sens de la DCE, que la France doit
atteindre en 2015. La constitution de la TVB rend également nécessaire l’amélioration
de la connectivité écologique des cours d’eau. Le renouvellement des concessions
hydroélectriques et la relance récente de l’hydroélectricité, par la France, dans le
cadre des objectifs d’ENR à atteindre en vertu du paquet climat-énergie à l’horizon
2020, offrent un timing favorable. Dans le cadre des scénarios d’adaptation au
changement climatique, les opérateurs de centrales hydroélectriques doivent, d’ores
et déjà, prévoir la répétition d’épisodes de sécheresse et/ou de canicules et anticiper
leurs conséquences en termes de prélèvement et température d’eau. Une fiscalité
incitative peut les y aider.
18. Subventions des Agences de l’eau
Certaines opérations financées par les Agences de l’eau apparaissent dommageables
à la biodiversité ou non liées à leurs missions premières et aux intentions du
législateur de 1964 (distribution d’eau potable, réalisation de tours de réfrigération,
etc.). Ces financements mériteraient d’être évalués et, le cas échéant, revus. Les
Agences financent également davantage des actions curatives que préventives
(protection de la ressource, changement des pratiques agricoles). Or certaines actions
curatives peuvent s’analyser comme des subventions à la dépollution donc contraires
(1) Circulaire du 24/10/08 relative aux modalités de calcul de la redevance perçue par les agences
de l’eau sur les rejets de chaleur en rivière et en mer.
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au principe pollueur-payeur. Si le groupe de travail ne propose en aucun cas la
suppression de ces subventions, il estime que les Agences de l’eau devraient financer
beaucoup plus, voire en priorité, des actions préventives.
INFRASTRUCTURES
19. Atténuer les impacts sur la biodiversité
Le « 1 % paysage et développement » s’applique aux autoroutes et concerne des
« itinéraires » autoroutiers listés par l’État. Il s’agit d’une démarche pilotée par les
DREAL qui mettent en place cette politique partenariale impliquant l’État, les
collectivités locales, les acteurs socioéconomiques et, dans le cas d’une autoroute
concédée, la société concessionnaire.
Selon les termes de la circulaire de mars 2005, le « 1 % paysage et développement »
a pour objectif d’encourager les collectivités locales riveraines d’une autoroute à
valoriser les paysages des territoires traversés afin d’en faire un facteur de
développement économique et touristique. Le but est de soutenir des projets de mise
en valeur économique et paysagère des territoires qui se situent hors de l’emprise de
l’autoroute et dans la zone de co-visibilité. Dans le cas d’une autoroute concédée, la
politique du 1 % paysage est financée à 50 % par la société concessionnaire. Les
collectivités versent quant à elles au moins 20 %. L’éligibilité au 1 % paysage des
actions proposées par le concessionnaire ou les collectivités locales contributrices
relève de la décision de l’État. Les actions types concernent des opérations
d’aménagement paysager ou de mise en valeur paysagère. La préservation de la
biodiversité ne fait actuellement pas partie des actions récurrentes constatées, sans
qu’il ait été clairement statué sur leur éligibilité. En outre, certaines des actions
financées ont pu, dans le passé, être marginalement dommageables à la biodiversité.
Le groupe de travail considère que la politique du « 1 % paysage et développement » pourrait, sans coût supplémentaire pour l’État, être amendée :
•
d’une part, pour intégrer une obligation de non-atteinte de la biodiversité de toutes
les actions éligibles au 1 % (approche « passive »),
•
d’autre part, pour rendre explicitement éligible au 1 % les actions de préservation
de la biodiversité (approche « active »).
Cette adaptation serait en phase avec la constitution de la TVB et l’adoption récente
de la nouvelle SNB. Le 1 % pourrait être rebaptisé « 1 % paysage, biodiversité et
développement ». Son but serait ainsi de valoriser les paysages et la biodiversité des
territoires traversés afin d’en faire un facteur de développement durable et touristique.
20. Impôts locaux pour les aéroports
L’article 1518 A du CGI prévoit une réduction des valeurs locatives utilisées pour
l’établissement des impôts locaux à hauteur d’un tiers de leur montant pour les
aéroports. La cotisation foncière des entreprises (CFE) correspond à la part de la
contribution économique territoriale (CET, ex-taxe professionnelle) assise sur la valeur
locative cadastrale. Les aéroports occupent d’importantes surfaces au sol, tant par
leurs bâtiments proprement dits que par les pistes d’atterrissage qui entraînent
l’imperméabilisation des sols concernés. Il faut tenir compte en outre des
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Les aides publiques dommageables à la biodiversité
artificialisations associées (parkings, desserte routière, etc.). Du point de vue de la
biodiversité, la réduction d’un tiers n’est donc guère justifiée. Elle conduit à minorer le
coût de l’artificialisation de l’espace. Le groupe de travail propose la suppression
de cette réduction de valeur locative cadastrale.
21. Fin de vie des infrastructures et équipements
L’article 90 de la loi Grenelle 2 du 12 juillet 2010 prévoit que « l’exploitant d’une
installation produisant de l’électricité à partir de l’énergie mécanique du vent ou, en
cas de défaillance, la société mère est responsable de son démantèlement et de la
remise en état du site, dès qu’il est mis fin à l’exploitation, quel que soit le motif de la
cessation de l’activité ».
Le groupe de travail suggère qu’une disposition analogue soit adoptée pour
toutes les infrastructures et implantations d’équipements dont la durée de vie est
limitée dans le temps (remontées mécaniques, etc.). Ceci devrait concerner tant les
installations de production d’énergie électrique, quelle que soit leur technologie, que
les infrastructures de transport légères vouées à des usages particuliers ou
saisonniers, à l’instar des remontées mécaniques en montagne.
SECTEUR PRIMAIRE
22. Renforcer l’écoconditionnalité du régime fiscal des forêts :
droits de mutation
L’article 793 du CGI exonère de droits de mutation à titre gratuit les bois et forêts pour
les trois quarts de leur valeur, sous certaines conditions de gestion durable et de
reboisement des forêts.
L’effet de premier ordre de la mesure, une incitation à la gestion durable des forêts,
est positif. En revanche, cette mesure comporte certaines composantes
potentiellement dommageables concernant les engagements de reboisement des
friches, landes et terrains pastoraux, espaces riches en biodiversité. Ainsi, il pourrait
être envisagé de modifier les conditions au bénéfice de l’exonération de droits de
mutation à titre gratuit en supprimant l’obligation de reboisement des friches,
landes et terrains pastoraux, voire en l’assortissant d’une obligation de ne pas
reboiser pour les terrains présentant un intérêt écologique particulier.
23. Renforcer l’écoconditionnalité du régime fiscal des forêts :
taxe foncière sur les propriétés non bâties
L’article 1395 du CGI prévoit l’exonération de taxe foncière sur les propriétés non
bâties des terrains plantés en bois. Il a été modifié en 2001 pour mieux adapter le
régime fiscal aux réalités économiques et biologiques. Ainsi, sont exonérés de taxe
foncière sur les propriétés non bâties :
•
les terrains ensemencés, plantés ou replantés en bois, pendant la première moitié
du cycle de production (10 ans pour les peupleraies, 30 ans pour les résineux,
50 ans pour les bois autres que résineux) ;
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•
les terrains boisés en nature de futaie ou de taillis sous futaie, autres que les
peupleraies qui ont fait l’objet d’une régénération naturelle ;
•
les terrains boisés présentant un état de futaie irrégulière en équilibre de
régénération pendant les 15 ans qui suivent la constatation de cet état (à
concurrence de 25 % du montant de la taxe).
L’effet de premier ordre de cette mesure, qui incite à la conservation du peuplement
forestier et à la gestion durable des forêts, est positif. Néanmoins, elle peut engendrer
certains effets indirects dommageables à la biodiversité si elle s’applique à des
espaces plus riches en biodiversité avant leur boisement et dont il est souhaitable de
maintenir le caractère ouvert, telle que les zones humides, priorité du Grenelle. En
outre, les zones humides ne sont aptes, en général, qu’à la populiculture.
Il pourrait donc être proposé d’exclure les zones humides, voire d’autres milieux
ouverts sensibles, de la mesure.
24. Renforcer l’écoconditionnalité du régime fiscal des forêts :
aide au boisement des terres agricoles
La forêt a progressé en surface de façon continue en France depuis plusieurs
décennies. Elle couvre aujourd’hui plus de 25 % du territoire. À l’inverse, la SAU
régresse rapidement, ce qui fait craindre, à moyen terme, un risque de pénurie de
foncier agricole, face à la concurrence pour l’usage des sols. Le boisement de
certaines terres agricoles peut être justifié pour des raisons agronomiques (terres de
mauvaise qualité), environnementales (phytoremédiation des sols pollués) voire même
de biodiversité dans certains cas. En revanche, le boisement de certains espaces
ouverts, y compris de certains espaces sur lesquels se pratique l’agriculture
extensive, peut entraîner une régression de la biodiversité et de la richesse du milieu.
Dans ce contexte, les aides au boisement des terres agricoles pourraient être
strictement réservées aux seuls espaces pour lesquels le boisement apporte une
réelle plus-value en termes de biodiversité (ou de phytoremédiation). Elles
pourraient aussi exclure expressément les prairies.
25. Soumettre les engrais et produits phytosanitaires au taux normal de TVA
Les engrais et les produits phytosanitaires bénéficient d’un taux réduit de TVA à 5,5 %
(CGI, art. 278 bis). Au sein de l’UE, la France est le pays qui pratique le taux le plus
bas sur ces produits (cf. Orientation générale n° 13). Sont concernés les engrais, le
soufre, le sulfate de cuivre et grenaille utilisée pour la fabrication du sulfate de cuivre,
ainsi que les produits cupriques contenant au minimum 10 % de cuivre et les produits
antiparasitaires, sous réserve qu’ils aient fait l’objet d’une homologation ou d’une
autorisation.
Les herbicides, fongicides et insecticides ont un impact direct sur les espèces
sauvages ciblées, mais aussi un impact sur les espèces sauvages liées aux cibles par
la chaîne alimentaire. En outre, par lessivage, les pesticides peuvent atteindre des
milieux très éloignés de la zone d’application. Ils provoquent la contamination des
eaux de surface comme des eaux souterraines. De plus, lors d’un traitement, une
partie des produits n’atteint pas sa cible et se trouve dispersée dans l’environnement :
dans l’air (lors de la pulvérisation d’un produit sur un feuillage, 30 % à 50 % du
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Les aides publiques dommageables à la biodiversité
produit n’atteint pas sa cible et se diffuse dans l’atmosphère), dans les sols (lors de la
pulvérisation sur un feuillage, les pertes vers le sol peuvent atteindre 10 % à 70 %).
Cette mesure n’est donc pas fondée sur le plan environnemental et va à l’encontre
des objectifs du Grenelle de l’environnement qui visent à limiter l’emploi d’engrais et
de pesticides. Elle entre également en contradiction avec le principe pollueur-payeur.
Il est donc proposé d’exclure les produits et engrais à usage agricole du champ
d’application du taux réduit de TVA.
L’évaluation du coût de cette mesure fiscale s’élève à 43 millions d’euros en 2008. Ce
coût est évalué sur les seules consommations finales ou équivalentes (principalement
les ménages, les collectivités locales et les agriculteurs au forfait).
Un taux normal de TVA pour les engrais et produits antiparasitaires permettrait de
rétablir un signal-prix envers les ménages et collectivités locales, principaux
bénéficiaires de cette mesure (66 % du montant dépensé), dont le taux réduit favorise
le recours aux pesticides dans des conditions généralement plus risquées en
proportion (surdosage, surfaces imperméables, proches des habitations, etc.)
En revanche, le rétablissement d’un taux normal de TVA sur les consommations intermédiaires en engrais et pesticides des exploitants agricoles est sans effet sur les
coûts de production de ces derniers. Les agriculteurs assujettis au régime de TVA
simplifié récupèrent la TVA d’amont qu’ils acquittent sur l’achat de leurs produits. Un
relèvement du taux de TVA sur les intrants agricoles est donc sans conséquence
comptable sur leurs résultats d’exploitation. Pour les agriculteurs ayant opté pour le
remboursement forfaitaire (1,6 % des agriculteurs), c’est-à-dire un pourcentage fixe
appliqué aux recettes d’exploitation en guise de remboursement de TVA, l’effet du
relèvement de TVA sera également neutre à condition que le forfait soit relevé en
conséquence. À défaut, les agriculteurs ayant opté jusqu’à présent pour le remboursement forfaitaire pourront se reporter vers le régime simplifié de TVA dans lequel ils
récupèrent bien la TVA, au prix il est vrai de formalités administratives
supplémentaires. Cela étant, des aménagements pourraient être envisagés pour les
exploitants agricoles (relèvement du taux de remboursement forfaitaire, soutien de
trésorerie).
POLLUTION ATMOSPHÉRIQUE
26. Mieux internaliser les coûts sur la biodiversité
Une véritable écotaxe internalisante (ou une composante de la TGAP) pourrait
être expérimentée sur un polluant atmosphérique. Cela supposerait des taux très
élevés, un reversement aux assujettis, selon une clé de répartition à définir ainsi
qu’une étroite concertation avec eux. On pourrait pour cela s’inspirer des exemples
1
étrangers sur le SO2 ou les NOx en Suède .
er
(1) Depuis le 1 janvier 2008, le taux de la taxe suédoise est de 50 000 SEK par tonne de NOx émis,
soit environ 5 400 euros par tonne de NOx émis (taux de change utilisé : 1 euro = 9,20 couronnes
suédoise). La TGAP émission polluante pour les NOx est passée de 53,60 euros par tonne de NOx
émis en 2010 à 107,20 en 2011 puis à 160,80 euros en 2012.
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27. Élargir la TGAP à certains métaux lourds
Les émissions de métaux lourds, d’origine essentiellement industrielle, ne sont pas
prises en compte dans le calcul de la TGAP sur les émissions polluantes. Or ces
polluants peuvent, tout autant que ceux déjà réglementés, affecter directement les
organismes ou modifier les conditions de vie des organismes en perturbant leur
milieu. Dans l’ensemble, les métaux lourds ont beaucoup baissé sur la période 19902008 observée par le Citepa. Les émissions de sélénium se distinguent toutefois, avec
une diminution moins rapide.
Le sélénium est surtout bioaccumulable chez les invertébrés aquatiques et les
poissons. On trouve également cet élément chez les oiseaux aquatiques, les plantes
et les sols. De nombreuses études montrent la toxicité du sélénium sur les organismes
marins, les mammifères et les oiseaux selon le mode d’exposition (présence dans le
1
milieu ou dans la nourriture) .
En outre, bien que les émissions d’arsenic aient notablement baissé depuis 1990,
elles baissent moins que celles des autres métaux lourds mesurés par le Citepa et
demeurent préoccupantes vis-à-vis de la biodiversité. L’arsenic est en effet persistant
et particulièrement bioaccumulable chez les organismes marins. Il est très toxique
pour les algues, les invertébrés et les poissons. Il est également toxique pour les
organismes terrestres, comme le révèle des tests sur le ver du fumier (Eisinia fetida),
2
l’arbre à coton (Gossypium hirsutum), les micro-organismes du sol .
Ces deux substances entraînent donc des effets dommageables sur la biodiversité,
notamment sur la biodiversité marine, pour laquelle la France possède une
responsabilité particulière en tant que détentrice du second domaine marin, et dont
elle a fait une priorité depuis le Grenelle de l’environnement et le Grenelle de la mer.
Or, les émissions de ces substances diminuent moins vite que les autres polluants. Le
groupe de travail considère donc que l’arsenic et le sélénium devraient être
introduits dans la TGAP.
ARTIFICIALISATION DES TERRES
L’étalement urbain est un phénomène récent en France. Différents mécanismes de
soutiens à des politiques publiques mal ou insuffisamment ciblés ont contribué à
l’accroître. C’est le cas des différents régimes d’aide à l’investissement locatif, parfois
réalisés dans des zones sans demande, du PTZ qui supposait un foncier peu cher
donc en périphérie, de COS malthusiens et du versement pour dépassement du PLD,
de certaines indemnisations versées aux exploitants agricoles en cas de changement
de destination de sols agricoles, de la défiscalisation de l’immobilier outre-mer, de
certaines exonérations de TLE, de TDENS, de TDCAUE, de TFB, de taxe
3
professionnelle puis de CFE, etc. Tous ces mécanismes ont constitué, à des degrés
divers, des subventions ou des incitations à urbaniser de façon étendue et peu dense.
À l’inverse, le groupe de travail se félicite de la réforme de la fiscalité de l’urbanisme
intervenue en décembre 2010. Il considère qu’elle est plutôt favorable à la
(1) INERIS (2009), Sélénium et ses composés, INERIS -DRC- 08-83451-01269A.doc, 121 p.
(2) INERIS (2010), Arsenic et ses dérivés inorganiques, INERIS- DRC-09-103112-11453A, 124 p.
(3) Cf. Annexe 4, Sigles et acronymes, p. 319.
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biodiversité. Néanmoins, il regrette que le versement pour sous-densité demeure
1
facultatif . Comme tel, il pourrait n’être que peu institué et donc ne guère inciter à la
densification.
En vue de ralentir l’étalement urbain, le groupe de travail préconise donc de :
28. Réserver le PTZ + dans le neuf aux logements intra-urbains
et/ou à proximité des transports en communs
29. Redéfinir le zonage géographique du dispositif Scellier et autres régimes
d’investissement locatif dans le neuf en réservant ce dispositif
à l’intra-urbain et/ou à proximité des transports en commun
Quel que soit sa tranche marginale d’imposition, le contribuable qui acquiert, entre le
er
1 janvier 2009 et le 31 décembre 2012, un logement neuf ou en l’état futur
d’achèvement bénéficie d’une réduction d’impôt sur le revenu à condition qu’il
s’engage à le louer nu à usage d’habitation principale pendant une durée minimale de
neuf ans (article 199 septvicies du CGI). Les plafonds de loyers dépendent de la zone
2
géographique d’implantation du bien immobilier (zone A, A bis, B1 et B2) .
La réduction d’impôt est équivalente à un certain pourcentage du prix de revient du
ou des logements dans la limite de 300 000 euros. Après deux années de réduction
d’impôt à 25 % en 2009 et 2010, les taux ont été abaissés pour les années 2011 à
13 % et en 2012 à 9 %. Il est par ailleurs possible de bénéficier d’un taux de réduction
d’impôt majoré de 9 points en investissant dans des biens immobiliers labellisés
Bâtiment Basse Consommation (montants de réduction d’impôt majoré de 9 points).
Pour l’application de la loi Scellier (social ou BBC), les villes et communes de France
sont réparties en cinq zones en fonction de l’offre et de la demande de logements. La
réduction d’impôt prévue n’est plus accordée au titre des logements situés dans des
communes classées dans des zones géographiques ne se caractérisant pas par un
déséquilibre entre l’offre et la demande de logements (zone C), sauf dérogation du
ministère en charge du Logement. Les zones éligibles au dispositif Scellier 2011 sont
les zones A et A Bis (Paris et grande couronne parisienne ainsi que la Côte d’azur et
les communes proches de la frontière Suisse), B1 (grosses agglomérations ainsi que
l’ensemble des communes sur les îles bretonnes, de Corse et d’Outre-mer), B2 (villes
moyennes).
(1) Les communes et établissements publics de coopération intercommunale compétents en
matière de plan local d’urbanisme ou de plan d’occupation des sols peuvent instituer, par
délibération, un seuil minimal de densité en deçà duquel un versement pour sous-densité est dû par
les personnes qui bénéficient d’une autorisation de construire expresse ou tacite ou, la personne
responsable de la construction en cas de construction sans autorisation ou en infraction aux
obligations résultant de l’autorisation de construire (articles L. 331-36 et L. 331-36 du code de
l’urbanisme). La commune ou l’intercommunalité peut, sous certaines conditions, exonérer du
versement pour sous-densité, notamment, les locaux à usage industriel ou artisanal et leurs
annexes, les entrepôts et hangars non ouverts au public faisant l’objet d’une exploitation
commerciale (article L. 331-9 du code de l’urbanisme).
(2) Pour l’application de cette loi, les villes et communes de France sont réparties en cinq zones en
fonction de l’offre et de la demande de logements : A, A bis, B1, B2, C. Les zones A sont celles où
l’offre de logement est la plus restreinte et la demande la plus forte. Les zones C dans lesquelles
l’offre est la plus forte et la demande la plus faible sont exclues du dispositif.
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30. Supprimer la possibilité des collectivités territoriales d’exonérer
de 50 % de la taxe d’aménagement les maisons individuelles
en diffus financées à l’aide du PTZ+
31. Réviser ou supprimer certaines exonérations de la redevance
d’archéologie préventive
Un certain nombre de travaux ou affouillements sont exonérés de cette redevance.
Ces dépenses fiscales ne semblent pas directement défavorables à la biodiversité.
Néanmoins, elles conduisent à minorer le coût d’aménagements et d’activités
entraînant une artificialisation du sol ou des dommages à la biodiversité du sol. Parmi
les exonérations en vigueur, pourraient être revues ou supprimées :
•
la construction de logements réalisée par une personne physique pour elle-même ;
•
les constructions de logements à usage locatif et les logements foyers assimilés
construits ou assimilés avec le concours financier de l’État (art. L. 351-2 et L. 472
CCH).
32. Réviser la taxe annuelle sur les logements vacants (TLV) et la taxe
d’habitation sur les logements vacants (THLV)
Un certain nombre de dépenses fiscales semblent indirectement favorables à la sousutilisation du parc de logements existants et donc favoriser, sans que ce soit toujours
nécessaire, la consommation d’espace rural par l’urbanisation. Ainsi en est-il de la
TLV et de la THLV, voire de la TFB. Mais les conditions sont restrictives et excluent les
logements qui ne pourraient être rendus habitables qu’au prix de travaux importants.
À titre de règle pratique, l’administration fiscale admet que cette condition est remplie
sur présentation d’un devis de travaux d’un montant supérieur à 25 % de la valeur
vénale du bien. Dans la mesure où les dépenses de rénovation sont déductibles des
revenus fonciers, ce seuil surprend. Il pourrait être haussé. Cette mesure ne nécessite
pas de modification législative et peut être réalisée par simple instruction
administrative.
Le groupe de travail suggère :
•
d’étendre la taxe annuelle sur les logements vacants au-delà des 8 agglomérations de plus de 200 000 habitants déjà désignées, de façon à la rendre
applicable à toutes les agglomérations de plus de 200 000 habitants, voire dans
1
toutes les zones de tension locative ;
•
de relever le taux minimal de la taxe. Le taux est actuellement fixé à 10 % la
première année d’imposition, 12,5 % la deuxième année et 15 % à compter de la
troisième année. Il pourrait être haussé à 15 % la première année, 20 % la
deuxième, 25 % à partir de la troisième année ;
•
d’augmenter le seuil de prix des travaux de rénovation au-delà duquel un
logement peut être exonéré de TLV en le faisant passer de 25 % à 40 % de la
valeur vénale du bien ;
(1) Sur les 29 agglomérations de plus de 200 000 habitants que compte le territoire national, 8 sont
concernées par la TLV : Paris, Lille, Bordeaux, Toulouse, Lyon, Montpellier, Cannes et Nice.
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Les aides publiques dommageables à la biodiversité
•
de sanctionner les propriétaires et les entreprises de rénovation qui
s’entendent sur des devis de complaisance chiffrant le coût des travaux à un
montant intentionnellement supérieur au seuil permettant d’échapper à la TLV.
33. Documents d’urbanisme
La totalité des usages des sols sur le territoire national est organisée par les
documents d’urbanisme ou à défaut par les modalités de règlements nationaux
d’urbanisme. Dans les zones périurbaines, où les atteintes à la biodiversité dues à
l’artificialisation sont les plus importantes, les documents d’urbanisme réalisés par les
communes ou les intercommunalités sont la règle. Très schématiquement, il est
compliqué et parfois coûteux politiquement de faire de l’urbanisme raisonné, et plus
facile d’ouvrir à l’urbanisation des nouvelles zones constructibles sur les espaces
agricoles et naturels. Par voie de conséquence, la proportion d’espaces vacants dans
les zones constructibles de communes ouvrant de nouveaux espaces à la
1
construction pavillonnaire peut être importante . La réalisation des documents
d’urbanisme engage les concours des collectivités locales complémentairement à des
aides publiques spécifiques. Or, les critères d’allocation des aides publiques
(compensation par l’État via la dotation globale de décentralisation et/ou sous forme
de mise à disposition gratuite des services déconcentrés de l’État) sont proportionnels
2
à la dépense engagée pour la réalisation des documents , et ne prennent en compte
ni les effets sur la biodiversité, ni les efforts en matière de densification et de maîtrise
de l’étalement urbain.
Le groupe de travail considère qu’il s’agit donc là de fait de dépenses publiques
potentiellement favorables à l’étalement urbain et dommageables à la biodiversité. Ce
mécanisme est en outre contraire à l’esprit du Grenelle de l’environnement et aux
dispositions en matière d’urbanisme des lois Grenelle. Il considère donc que :
•
une instruction du ministre en charge de l’urbanisme aux préfets (et DDT)
devrait rappeler clairement les conditions de mise à disposition des services
déconcentrés de l’État, à savoir qu’elle ne peut se faire que dans le cadre, non
seulement de la loi, mais aussi des orientations de politique publique générale
d’urbanisme, telles que révisées depuis les lois Grenelle et leurs textes
d’accompagnement ;
•
la compensation par l’État (DGD et/ou mise à disposition) devrait être
modulée en fonction de critères d’impact sur la biodiversité et d’efforts de
maîtrise de l’étalement urbain, notamment :
(1) Dumas E., Geniaux G., Napoléone C., Bartoli C. et Cezanne-Bert P. (2005), Identification
qualitative des espaces disponibles pour l’urbanisation nouvelle, Rapport Conseil régional Provence
Alpes Côte d’Azur / Association CESSA, Marseille, 280 p.
(2) L’article L. 121-7 du code de l’urbanisme prévoit que les dépenses prises en charge par les
communes et leurs groupements pour les études et l’établissement des documents d’urbanisme
font l’objet d’une compensation par l’État : dans le cas des dépenses liées à l’élaboration des
documents d’urbanisme, la compensation s’effectue par la dotation globale de décentralisation sur
la base d’une évaluation de coûts moyens de catégories de dépenses ; dans le cas de l’élaboration,
modification et révision des documents d’urbanisme, les services déconcentrés de l’État peuvent
être mis gratuitement, et tant que de besoin, à disposition des communes ou groupements de
communes. Par ailleurs, de nombreux conseils généraux et régionaux ont également prévu une aide
pour les communes et groupements de communes.
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−
le niveau de densité des zones constructibles déjà définies, mesuré par exemple
par le ratio « parcelles construites sur nombre total de parcelles dans les zones
1
constructibles de la commune (par type de zone) » . Ce critère peut être pris en
compte afin de focaliser les concours de l’État sur les collectivités locales
effectivement déficitaires en termes d’offre absolue de foncier constructible et
afin d’éviter les consensus locaux multipliant les zones pavillonnaires sousdensifiées à des fins de rente foncière plus que d’urbanisme.
−
les niveaux de densité des zones constructibles à venir. Ce niveau de densité
2
est souvent spécifié dans les règlements .
Par ailleurs, le groupe de travail suggère que les Commissions départementales de
conciliation en matière d’urbanisme soient appelées à statuer sur une modulation des critères et barèmes de subventionnement de la DGD Urbanisme, en
fonction d’indicateurs d’impacts des documents d’urbanisme sur la biodiversité
(indicateurs devant être fournis par les services de l’État).
34. Rendre obligatoire la mention de la distance à la gare/station de TCSP
la plus proche
Rendre obligatoire la mention de la distance à la gare/station de TCSP la plus
proche lors de l’ouverture de nouvelles zones U au PLU, dans l’évaluation
environnementale du PLU et lors de la commercialisation de nouveaux
lotissements. Une telle mesure permettrait de mieux mesurer l’étalement urbain, son
coût global et ses conséquences tant par les communes que par les ménages et les
promoteurs.
35. Favoriser la recherche sur l’urbanisme dense, mixte et économique
en espace
Réorienter une partie des budgets des organismes publics travaillant sur l’urbanisme
(CERTU, CSTB, etc.) et des programmes de recherche sur l’urbanisme financés sur
fonds publics vers la recherche sur l’urbanisme dense, mixte, économe en espace.
Ralentir les autres types d’artificialisation. L’artificialisation des sols ne se réduit pas
à l’étalement urbain. En 2009, les sols revêtus ou stabilisés représentent 2,3 millions
3
d’hectares soit 4,2 % du territoire et près de la moitié de la superficie artificialisée .
Les réseaux routiers représentent 1,2 million d’hectares, soit à peu près la moitié des
superficies revêtues ou stabilisées. Les superficies de parkings non intégrés à la
construction constituent l’essentiel du reste des superficies revêtues ou stabilisées.
Selon les résultats de l’enquête Teruti-Lucas, les sols revêtus ou stabilisés ont
augmenté de 49 000 hectares par an entre 2006 et 2009, soit près de 60 % de la
progression de l’artificialisation. Cette croissance très rapide est encouragée par un
foncier non bâti peu cher, l’absence d’internalisation de coûts externes de
l’artificialisation et, parfois, des dépenses fiscales ou subventions implicites. Le
rythme de l’artificialisation des sols étant l’une des principales causes d’érosion de la
biodiversité en France, le groupe de travail estime nécessaire de revenir sur certaines
(1) Les services du cadastre disposent des informations nécessaires à ce type d’indicateurs.
(2) Les prescripteurs évaluent généralement le nombre de logements attendus dans chaque zone.
(3) Enquête Teruti-Lucas (Agreste-Ministère de l’Agriculture).
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des incitations qui le facilitent. À titre d’exemples, il suggère les trois pistes de
réformes suivantes.
36. Taxe d’aménagement appliquée aux surfaces de stationnement
La nouvelle taxe d’aménagement instaurée en 2010 est applicable aux surfaces de
parking couvertes (intégrées aux constructions). Elle s’applique sur une valeur
moyenne de 9 240 euros par emplacement (10 240 euros en Île-de-France). Un
abattement de 50 % notamment s’applique de plein droit aux résidences principales
2
jusqu’à un seuil de 100 m et à titre facultatif au-delà. Cet abattement constitue une
dépense fiscale qui réduit le coût de détention d’un véhicule et facilite indirectement
l’étalement urbain. Si l’on considère un parking collectif intégré à une construction,
pour lequel les superficies de voiries conduisent à doubler la superficie moyenne par
2
emplacement (25 m environ), la taxe s’applique sur une valeur de 16 500 et
18 700 euros par emplacement (en Île-de-France).
La taxe d’aménagement est également applicable aux superficies de parking non
comprises dans la surface de construction. La valeur forfaitaire à laquelle est
appliquée la taxe est fixée à 2 000 euros par emplacement, cette valeur pouvant être
augmentée jusqu’à 5 000 euros.
La valeur à laquelle s’applique la taxe, dans le cas d’un emplacement couvert est
donc 2 à 8 fois plus élevée que pour un emplacement non intégré à la construction.
Les principaux aspects qui justifient l’adoption d’une taxe d’aménagement sur les
emplacements de stationnement – trafics générés, nécessité d’investissements en
voirie, artificialisation des sols, incitation à utiliser des transports alternatifs, etc. – ne
justifient pas une telle différence entre les parkings couverts et non couverts.
S’agissant de l’artificialisation des sols, les parkings couverts pourraient même être
considérés comme moins dommageables puisqu’ils permettent un aménagement en
étages ou la construction d’un étage supérieur dans les résidences individuelles.
Il apparaît donc logique de réduire l’écart de taxation entre ces deux types de
parkings. La taxe d’aménagement pourrait s’appliquer à une valeur forfaitaire de
5 000 euros automatiquement pour tous les emplacements et 10 000 euros pour
les emplacements collectifs (commerciaux), pour tenir compte des superficies de
voirie.
Par ailleurs, en reprenant les valeurs de référence pour les services écosystémiques
1
de la biodiversité générale proposées dans le rapport Chevassus-au-Louis , les
emplacements de parking correspondraient à une valeur a minima actualisée de
32 000 euros par hectare, alors que la taxe d’aménagement s’élèverait à 16 000 euros
par hectare dans le cas d’un parking individuel et à 8 000 euros dans le cas d’un
2
parking collectif . La principale justification de la taxe d’aménagement n’est certes
pas de compenser la perte de services écosystémiques (biodiversité ordinaire) mais
de contribuer au financement d’aménagements. Toutefois, ce résultat plaide en faveur
(1) Centre d’analyse stratégique (2009), L’approche économique de la biodiversité et des services
liés aux écosystèmes, rapport de la mission présidée par Bernard Chevassus-au-Louis, Paris,
La Documentation française, 399 p ; www.strategie.gouv.fr/content/rapport-biodiversite-%C2%ABl%E2%80%99approche-economique-de-la-biodiversite-et-des-services-lies-aux-eco.
(2) Sous l’hypothèse d’un taux de taxe d’aménagement de 1 % appliquée à une valeur forfaitaire de
2 000 euros par emplacement.
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d’une augmentation de la valeur de référence des superficies de parking non
couvertes. Un raisonnement analogue pourrait s’appliquer aux composantes de la
taxe d’aménagement correspondant à l’ex-TDENS, à l’ex-TDCAUE, et à l’ex-TLE.
37. Les zones logistiques, commerciales, artisanales, d’entrepôts
Les zones logistiques, commerciales, artisanales, d’entrepôts présentent un certain
nombre de caractéristiques bien identifiées et objectivement défavorables à la
biodiversité : forte consommation d’espace, faible coefficient d’occupation des sols
(COS) effectif, surcapacité, pas d’effort de densification en cours, externalités causées
par ces zones implantées hors ville et donc non desservies par les TCSP, etc. Le
groupe de travail considère donc qu’il conviendrait :
•
pour la détermination de la base d’imposition de la taxe d’aménagement, de
supprimer l’abattement de 50 % de la valeur par mètre carré pour les
entrepôts et hangars non ouverts au public faisant l’objet d’une exploitation
commerciale et les parcs de stationnement couverts faisant l’objet d’une
exploitation commerciale ;
•
de rendre obligatoire le versement pour sous-densité voire la majoration –
facultative aujourd’hui – de la nouvelle taxe d’aménagement pour les zones
d’activité commerciales, logistiques, d’entrepôts, etc.
Les communes et établissements publics de coopération intercommunale
compétents en matière de plan local d’urbanisme ou de plan d’occupation des
sols peuvent instituer, par délibération, un seuil minimal de densité en deçà duquel
un versement pour sous-densité est dû par les personnes qui bénéficient d’une
autorisation de construire expresse ou tacite, ou par la personne responsable de la
construction en cas de construction sans autorisation ou en infraction aux
obligations résultant de l’autorisation de construire (articles L. 331-36 et L. 331-36
du code de l’urbanisme). Pour chaque secteur, le seuil minimal de densité ne peut
être inférieur à la moitié ni supérieur aux trois quarts de la densité maximale
autorisée par les règles définies dans le plan local d’urbanisme.
Le versement est égal au produit de la moitié de la valeur du terrain par le rapport
entre la surface manquante pour que la construction atteigne le seuil minimal de
densité et la surface de la construction résultant de l’application du seuil minimal
de densité. Le versement pour sous-densité ne peut en tout état de cause être
supérieur à 25 % de la valeur du terrain.
La commune ou l’établissement public de coopération intercommunale peut, sous
certaines conditions, exonérer du versement pour sous-densité, notamment, les
locaux à usage industriel ou artisanal et leurs annexes, les entrepôts et hangars
non ouverts au public faisant l’objet d’une exploitation commerciale et les parcs
de stationnement couverts faisant l’objet d’une exploitation commerciale (article
L. 331-9 du code de l’urbanisme).
•
de réformer la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM). Son barème est
aujourd’hui fixé en fonction du chiffre d’affaires avec une distinction entre les
établissements ayant également une activité de vente au détail de carburants (taux
plus élevés) et les autres. Des réductions de taux sont prévues pour les
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Les aides publiques dommageables à la biodiversité
professions dont l’exercice requiert des surfaces de vente très élevées. La taxe est
majorée de 30 % pour les établissements dont la superficie est supérieure à
2
2
5 000 m et le chiffre d’affaires HT supérieur à 3 000 euros/m /an. L’uniformité
géographique de ce barème avantage les implantations en périphérie où le foncier
est moins cher et n’incite donc pas à la prise en compte des coûts externes
générés par ces localisations. Le groupe de travail suggère de majorer
nettement la taxe pour les établissements situés en zone périphérique et de la
minorer pour les établissements situés en centralité urbaine, afin d’en faire un
outil incitatif à la ville mixte et à la limitation de l’étalement urbain. Il suggère
aussi de rendre progressive la taxe en fonction du nombre de mètres carrés
occupés, au-delà d’un certain seuil.
•
d’appliquer réellement la taxe sur les friches commerciales adoptée dans la loi
de finances rectificative pour 2006 (article 126). Son objectif est de lutter contre
l’existence, dans les centres-villes, de friches commerciales qui résultent parfois
soit d’opérations de spéculation, soit de la négligence de certains propriétaires, et
de favoriser la réutilisation des terrains pour le logement, le commerce ou toute
autre activité. Comme telle, elle est donc favorable à la densification et à
l’économie de l’espace naturel.
Cette taxe est due pour les biens évalués d’après leur valeur locative, à l’exception
des bâtiments et terrains industriels ne figurant pas à l’actif d’une entreprise
industrielle ou commerciale, qui ne sont plus affectés à une activité entrant dans le
er
champ de la taxe professionnelle depuis au moins cinq ans au 1 janvier de
l’année d’imposition et qui sont restés inoccupés au cours de la même période. La
taxe n’est pas due lorsque l’absence d’exploitation du bien est indépendante de la
volonté du contribuable (par exemple en cas de sinistre).
Elle ne semble guère appliquée. Pour comprendre les raisons de cette situation,
dans un premier temps, il conviendrait de recenser finement la localisation et la
surface des friches commerciales et de consolider ces données qui ne
semblent pas disponibles au niveau national. Dans un second temps, il pourrait
être envisagé de la rendre obligatoire, de revoir son taux, et de réduire la
période d’inactivité et d’inoccupation du bien de cinq à trois ans.
38. Redevance pour création de bureaux en Île-de-France
Un certain nombre de dépenses fiscales dommageables sont liées à la redevance
pour création de bureaux en Île-de-France : exonération pour les bureaux d’une
2
superficie inférieure à 1 000 m , réduction de 65 % pour les locaux commerciaux, de
85 % pour les locaux de stockage. De même, les locaux de stockage, parcs
d’exposition et locaux à usage principal de congrès sont exonérés de la taxe annuelle
sur les bureaux en Ile de France. Ces exonérations et abattements mériteraient
d’être revus, en particulier, ceux qui concernent les locaux de stockage, activité très
rentable et fortement consommatrice d’espace et qui s’est multipliée à un rythme très
important en ÎIe-de-France dans les dernières années. En outre, les taux sont très
faibles particulièrement pour les surfaces de stationnement et les locaux de stockage.
Enfin, leur zonage en 3 cercles géographiques fait qu’ils sont de plus en plus faibles
au fur et à mesure que l’on se situe dans la partie rurale de l’Île-de-France. Cela
constitue, de fait, une incitation à la consommation de foncier rural.
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- Recommandations -
RECOMMANDATIONS ADDITIONNELLES
Comme pour les orientations générales, le groupe de travail souhaite formuler des
recommandations additionnelles, ainsi qualifiées et détachées car il ne s’agit pas à
proprement parler de pistes de modification de soutiens publics dommageables.
Néanmoins, un consensus s’étant établi sur ces mesures, qui pour certaines
paraissent pouvoir être mises en application concrètement à court ou moyen terme, le
groupe a jugé utile de les porter à la connaissance du commanditaire.
39. Consommation des fonds publics alloués aux projets en faveur
de la biodiversité
Même si cela n’entre pas stricto sensu dans le champ de sa saisine, le groupe de
travail a constaté, pour le regretter, que des montants non négligeables de
subventions publiques favorables à la biodiversité et disponibles en France
n’étaient pas consommés. C’est le cas de certains fonds structurels européens ou
du fonds Life Nature. Cette situation ne semble pas nouvelle.
À titre d’exemple, le budget global de LIFE+ sur la période 2007-2013 est d’environ
2 milliards d’euros. Les projets du volet I « Nature et Biodiversité » peuvent être
présentés pour les territoires terrestres et marins et également dans les DOM (mais
pas dans les TOM). 267 millions d’euros ont été attribués en 2011 pour l’ensemble
des projets acceptés, dont environ 27 millions pour la France. La moitié de ce budget
er
est allouée à des projets du 1 volet LIFE, à savoir « Nature et biodiversité ». En 2009,
e
la France est en 5 position pour le nombre de projets présentés (23 projets présentés)
mais loin derrière l’Italie (168 projets déposés) et l’Espagne (126 projets déposés).
Le tableau suivant indique le nombre de projets acceptés par rapport au nombre de
projets présentés.
Année
Volet I
Nature et biodiversité
Volet II
Environnement
Volet III
Info/communication
2007
2/7
5/14
1/4
2008
5/10
8/13
0/7
2009
3/4
9/15
0/4
Les projets de type « environnement » sont le plus souvent déposés. Le montant
moyen de l’aide sollicitée pour les projets LIFE+ 2010 est de 1 425 000 euros. Il
semblerait que le cofinancement soit la principale barrière à la constitution d’un projet
LIFE. Ce sont essentiellement des fonds publics (établissements publics, et dans une
moindre mesure les PNR) qui cofinancent les projets du volet « Nature et
Biodiversité ». La France a demandé que le cofinancement européen soit porté à
75 % pour ce volet. La Commission laisse entrevoir une possibilité de cofinancement
à ce niveau pour les petits projets uniquement.
Le groupe de travail souhaite faire plusieurs observations et recommandations :
•
étant donné le nombre de cofinanceurs publics nationaux potentiels dans le
domaine de la biodiversité, qu’ils soient nationaux (Agences de l’eau, parcs
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Les aides publiques dommageables à la biodiversité
nationaux, ONEMA, APM, Conservatoire du littoral, ONCFS, ONF, etc.) ou infra
nationaux (régions, départements, communes, PNR, etc.), et les moyens financiers
dont ils disposent, le fait que la France ne parvienne pas à cofinancer une somme
de 27 millions d’euros semble peu compréhensible ;
•
la priorité accordée par le Grenelle aux zones humides, à la TVB et au milieu marin
devrait inciter très fortement les Agences de l’eau, qui disposent des moyens de
cofinancer ces fonds Life, à le faire de façon beaucoup plus active ;
•
il en est de même pour l’AFD, compétente dans les DOM, très riches d’une
biodiversité menacée et éligibles aux fonds Life ;
•
l’accession de Mayotte au statut de département la rend désormais éligible aux
fonds Life. L’importance de cette île dans le domaine de la biodiversité devrait
conduire les pouvoirs publics à y faciliter le dépôt de projets Life ;
•
au-delà, la France pourrait peut-être plaider pour l’éligibilité des TOM aux fonds
Life dans la mesure où il s’agit des lieux les plus riches en biodiversité non
seulement en France mais aussi à l’échelle européenne.
En tout état de cause, la situation actuelle justifierait peut-être une mission
conjointe CGAER-CGEDD pour mieux comprendre les raisons de cette sousconsommation et proposer les moyens d’y remédier.
40. Indicateurs de suivi de l’artificialisation des sols
Dans le domaine de l’artificialisation des sols, le groupe de travail croit nécessaire la
mise en place « d’indicateurs positifs » et non plus seulement négatifs comme l’a
fait le Royaume-Uni (par exemple indicateur de densité des constructions, part des
constructions annuelles effectuées sur un sol déjà urbanisé, etc.) ou d’objectifs
indicatifs de diminution de la quantité d’hectares artificialisés annuellement
comme l’a fait l’Allemagne.
41. Utilisation du parc immobilier existant
Bien que cela puisse sembler éloigné de l’objet initial de la saisine, le groupe de travail
souhaite souligner l’existence d’un certain nombre de facteurs poussant indirectement
à l’artificialisation de l’espace et qui mériteraient d’être davantage considérés.
Sans mettre en cause l’existence de grands besoins en matière de logement en
France, le groupe de travail constate que l’offre de logement ne correspond pas
toujours à la demande et qu’un certain nombre de logements restent inoccupés. Une
meilleure utilisation du parc immobilier existant pourrait contribuer à freiner ne seraitce que marginalement l’artificialisation de l’espace dans des lieux où elle semble
moins nécessaire. En ce sens, pourraient être indirectement favorables à la
biodiversité, notamment dans les zones où l’offre de logements est insuffisante :
•
la création d’une taxe annuelle sur les bureaux et locaux d’activité, de
stockage, d’exposition vacants (au-delà d’un certain délai) en zones de tension
sur l’immobilier d’habitation. Les propriétaires seraient ainsi incités à occuper
ces locaux, à les vendre ou à les moderniser et la construction de nouvelles
capacités d’immobilier d’entreprise à but spéculatif serait dissuadée ;
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- Recommandations -
•
à l’inverse, l’octroi d’un avantage fiscal pour la transformation de certains
locaux professionnels en logement, par exemple l’exonération des plus-values
lors de la cession d’un local professionnel aux fins de transformation en logements
locatifs, ou l’exonération de la future taxe d’aménagement pour modification s’il y
a permis de construire et qu’elle est due, ou encore l’exonération durant 5 ans de
la TFB ou l’application d’un taux de TVA à 5, 5 %, etc. (Néanmoins, une telle
réforme devrait tenir compte des objectifs d’urbanisme mixte activité/logement,
lui-même une condition de la densification) ;
•
une diminution des droits de mutation à titre onéreux sur l’immobilier résidentiel de
façon à faciliter la mobilité et à réduire les temps de vacance des logements. Cette
fluidité serait aussi favorable au marché du travail.
42. Versement pour dépassement du plafond légal de densité
La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain (SRU) du 13 décembre 2000 a
abrogé le dispositif du versement pour dépassement du plafond légal de densité (pour
le remplacer par la participation au financement de voies nouvelles et réseaux).
Toutefois, les communes ayant instauré le versement pour dépassement du plafond
er
légal de densité avant le 1 janvier 2000 peuvent le maintenir sauf si elles décident de
le supprimer par abrogation explicite ou par l’institution de la participation pour
création de voies nouvelles et réseaux. Le groupe de travail estime que le versement
pour dépassement du plafond légal de densité est désormais anachronique et
contradictoire avec le versement pour sous-densité, les lois Grenelle et la tendance
générale à la densification. Il préconise donc sa suppression au plan national.
43. Classification des propriétés non bâties
Le classement des propriétés non bâties en 13 groupes opéré par l’instruction
ministérielle du 31 décembre 1908 ne correspond plus à la réalité et aux préoccupations du moment. Elle devrait être réformée sur plusieurs points.
•
Les tourbières devraient être extraites de la catégorie 7 « carrières, ardoisières, sablières, tourbières » de façon à être exonérées. Elles ne peuvent l’être
tant qu’elles figurent dans cette catégorie. Plusieurs éléments importants plaident
en faveur de cette exclusion : les tourbières étaient peut-être assimilables aux
e
e
autres composantes de cette catégorie au XIX siècle et au début du XX , quand
on extrayait encore de la tourbe. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Il s’agit d’un
milieu d’une très grande richesse en biodiversité. Il reste environ 20 000 hectares
de tourbières en France. Leur protection est un objectif prioritaire en France, en
Europe et dans le monde depuis longtemps. Cet objectif a été réaffirmé dans le
cadre du Grenelle. Les tourbières stockent et filtrent de grandes quantités d’eau.
Elles fonctionnent comme l’un des puits à carbone les plus efficaces au monde.
La loi du 23 février 2005 codifiée à l’article 1395D du CGI a prévu la possibilité
d’exonérer de 50 % de la TFNB les prairies humides classées dans les catégories
2 (prés) et 6 (landes) de l’instruction. Du fait de leur appartenance à la catégorie 7,
les tourbières ne peuvent être concernées par cette mesure. Plus encore, la même
loi a prévu la possibilité d’exonérer de la totalité de TFNB les sites Natura 2000
classés dans les catégories 1 (terres), 2, 3 (vergers), 5 (bois), 6, et 8 (lacs et
étangs). À nouveau, les tourbières, dont beaucoup sont pourtant désignées en site
Natura 20000, ne peuvent bénéficier de cette mesure car classées en catégorie 7.
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Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
Le classement des tourbières dans la même catégorie que des terrains de nature
encore extractive relève d’un contresens administratif, économique, fiscal et
écologique. Ainsi, lorsque la loi de finances pour 2010 crée une taxe additionnelle
à la TFNB (art. 77, CGI 1519), elle la crée, assez naturellement du point de vue
administratif, sur les catégories 7, 9, 10, 12, 13, soit sur des terrains considérés
non comme agricoles ou forestiers mais comme d’agrément ou plus productifs
que d’autres. Les tourbières, toujours incluses dans la catégorie 7, se trouvent
ipso facto assujetties à cette taxe additionnelle et la pression fiscale sur elles
s’accroît.
•
Au-delà, cette instruction répartit les zones humides en cinq catégories principales
(1, 2, 6, 7, 8). La protection des zones humides ayant été érigée en priorité
répétée, depuis des décennies, par les pouvoirs publics et réaffirmée avec force
lors du Grenelle, le regroupement des zones humides en deux ou trois
catégories serait probablement de nature à faciliter les actions visant à leur
protection.
•
Pour le calcul de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, la valeur locative
des propriétés non bâties établie à raison du revenu de ces propriétés résulte des
tarifs fixés par nature de culture et de propriété, conformément aux règles de
l’instruction ministérielle du 31 décembre 1908. Le classement des terres incultes
ou manifestement sous exploitées dans la catégorie des meilleures terres
labourables de la commune jusqu’à leur mise en exploitation (CGI, art. 1509), a
pour effet d’inciter à l’exploitation de ces terres et peut constituer ainsi une
incitation à l’appauvrissement de la biodiversité de certaines parcelles. Cette
mesure pourrait être supprimée.
44. Baux ruraux et maintien de la biodiversité
La dégradation de la qualité écologique et de la valeur agronomique des sols est une
question préoccupante du point de vue environnemental comme économique. La
Commission européenne a adopté en 2006 une stratégie en faveur de la protection
des sols (COM(2006)231 final) et un projet de directive-cadre sur la protection des
sols (Com(2006) 232 final). Le groupe de travail suggère qu’un indicateur de teneur
en carbone organique du sol – bon indice de la teneur en matière organique des
1
sols et par conséquent de la biodiversité – figure dans l’état des lieux annexé au
bail entre un preneur et un bailleur, lors de la conclusion de nouveaux baux.
Les éléments topographiques pourraient aussi figurer dans cet état des lieux.
Cela permettrait de posséder des références historiques, importantes en la matière
puisque le maintien de ces éléments topographiques fait partie des BCAE qui
conditionnent le versement d’une partie des aides de la PAC.
45. Taxe de séjour
La taxe de séjour pose plusieurs problèmes par rapport à la biodiversité. Le tourisme
peut, dans certains cas, entraîner des effets dommageables sur la biodiversité. Le
(1) La teneur en carbone organique est retenue dans la liste des indicateurs soumise à débat de la
SNB 2011-2020 sous « proportion des cantons métropolitains dont la teneur en carbone organique
(bonne estimation de la teneur en matière organique) de la partie superficielle des sols agricoles est
en hausse ».
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Octobre 2011
- Recommandations -
taux actuel de la taxe et ses modalités de fixation n’internalisent pas ces dommages.
À l’inverse, la biodiversité sous la forme de patrimoine naturel est un facteur
d’attractivité touristique et, comme telle, d’externalités positives. Or le taux de la taxe
et ses modalités de fixation ne sont pas non plus fixés à hauteur de ces externalités.
En outre, le produit de la taxe doit être affecté aux dépenses destinées à favoriser la
fréquentation touristique de la commune et/ou à la gestion de leurs espaces naturels
(art. L. 2333-26 du code général des collectivités territoriales). La préservation d’un
patrimoine naturel riche et en bon état participe, à l’évidence, au premier chef, à
l’attraction touristique d’un lieu. Or le produit de la taxe semble très peu affecté à la
gestion de ce qui constitue, pourtant, une infrastructure touristique naturelle. De plus,
le tarif de la taxe est fixé par le conseil municipal ou communautaire dans les limites
d’un barème qui n’a pas été réévalué depuis 2002.
Dès lors, le groupe de travail recommande :
•
que le barème de la taxe soit réévalué par rapport à celui fixé il y a près de
dix ans ;
•
de réviser le mode d’institution de la taxe de séjour au titre des actions de
protection et de gestion des espaces naturels à des fins touristiques pour la
rendre obligatoire (article L. 2333-26 du code général des collectivités
territoriales) ;
•
que l’affectation du produit de la taxe de séjour aux espaces naturels soit accrue,
ce qui semble ne pouvoir se faire dans l’immédiat que par une prise de conscience
accrue des collectivités territoriales du lien entre richesse du patrimoine naturel et
attractivité touristique ;
•
que soit engagée une réflexion sur les possibilités de rendre la taxe de séjour plus
internalisante ou plus incitative ;
•
que soit engagée ou expérimentée une modulation spatiale et temporelle de la
taxe de séjour. En effet, la fréquentation touristique est plus sensible dans
certains milieux dont la biodiversité est fragile et à certaines époques
(reproduction). Une modulation permettant un taux plus élevé dans ces lieux et à
ces époques ne serait donc pas illogique. De même, la concentration temporelle
des vacances sur 2 ou 3 mois conduit parfois à un suréquipement touristique. Une
taxe de séjour basse ou fixée à taux zéro en saison basse et plus élevée en haute
saison pourrait contribuer à un certain étalement des vacances et à mieux gérer
certaines externalités liées aux variations saisonnières et aux pics d’activité. Il ne
faut toutefois pas se cacher les difficultés d’une telle modulation. Elle nécessiterait
pour entraîner un effet réel d’assez fortes variations de taux et une bonne
élasticité. Elle serait en partie contradictoire avec le désir d’asseoir une recette sur
des flux touristiques. L’étalement des vacances n’est pas possible pour tous.
Néanmoins, devant le développement récent et à venir du tourisme de masse et la
pression croissante qu’il exerce sur la biodiversité, le groupe de travail croit
nécessaire l’utilisation à terme de telles incitations.
46. Taxe d’aménagement
La TDENS sera dès 2012 transformée en un volet de la taxe d’aménagement. Ce volet
restera facultatif, au gré du département. Dans les faits, la quasi-totalité des
départements français a institué la taxe. Les départements ne l’ayant pas institué
sont, pour l’essentiel des départements ruraux (Aube, Haute-Garonne, Haute-Marne,
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Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
Lozère, Yonne). S’agissant d’une taxe facultative dont le produit est affecté mais géré
par les départements, il n’apparaît pas opportun que l’État impose sa généralisation.
En revanche, le groupe de travail souhaite attirer l’attention sur la situation de
Paris, à la fois commune et département, qui n’a pas institué la taxe. Cette
exception, de la part de la ville capitale, peut être critiquée. Certes, d’une part, le
volume de constructions autorisé à Paris intra muros est limité en mètres carrés et,
d’autre part, la biodiversité y est faible. Mais la taxe étant assise sur le coût de la
construction, une TDENS parisienne pourrait rapporter un produit non négligeable.
Surtout, une grande part des constructions autorisées à Paris correspond à des
bureaux, sièges sociaux et commerces. En ne percevant pas la TDENS sur ces
constructions, Paris minore leur coût. Or, au-delà de la biodiversité, une constante de
la politique française d’aménagement du territoire est d’encourager l’implantation
d’activités en province et de la décourager à Paris. L’absence de TDENS à Paris
contribue à un phénomène inverse, renchérissant, en termes relatifs, la construction
de bureaux et sièges sociaux en province. L’inclusion de la TDENS dans la taxe
d’aménagement fournit une « occasion administrative » pour l’instituer dans le
département capitale. Mais la décision politique demeure, naturellement, du seul
ressort de Paris. L’inexistence d’une TDENS a peut-être été motivée jusqu’ici tant par
le statut particulier de Paris que par la faible proportion d’espaces naturels. Mais,
d’une part, le statut de Paris n’empêche pas l’institution de la taxe. D’autre part,
plusieurs affectations du produit de la taxe semblent possibles. La « nature en ville »
fait l’objet d’une attention croissante. Les réformes successives de la TDENS ont
élargi son champ d’affectation potentiel. Il serait également possible, comme le font
d’autres départements franciliens, d’affecter tout ou partie de son produit à l’Agence
des espaces verts de la région Île-de-France, qui gère des espaces dont profitent
prioritairement les Parisiens. Enfin, on pourrait envisager une affectation au moins
partielle au Conservatoire du littoral qui acquiert des terrains visités annuellement par
30 millions de visiteurs dont une bonne partie de Parisiens (mais cette dernière option
supposerait probablement une modification législative).
47. Créer un fonds d’aide à l’élaboration et à la mise en œuvre de PLU
davantage respectueux de la biodiversité
Le groupe de travail suggère la création d’un fonds de subventionnement des
surcoûts inhérents à l’élaboration et à la mise en œuvre de PLU communaux et
intercommunaux lorsque ces derniers répondent à des critères d’aménagement
durable, de lutte contre l’étalement urbain et de recherche d’une utilisation
optimale de l’espace.
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Octobre 2011
Chapitre 1
Définitions, méthodes, limites
1
Conformément aux articles 26 et 48 de la loi Grenelle 1 et à sa lettre de mission, le
groupe de travail s’est fixé pour objectif d’identifier les aides publiques à caractère
budgétaire, extra-budgétaire ou fiscal ayant un impact négatif sur la biodiversité, de
les évaluer et de proposer des pistes de réforme.
Ce chapitre a pour but de préciser la démarche méthodologique du groupe de travail.
Il explique le périmètre adopté pour définir une aide publique dommageable à la
biodiversité. Il décrit ensuite la façon dont le groupe a procédé pour inventorier les
aides et fait des propositions de réforme. Enfin, il s’attache à démontrer la complexité
des relations entre une aide publique et l’état de la biodiversité.
1 Définitions
La notion d’aide publique dommageable à la biodiversité peut recouvrir des
acceptions différentes. L’approche retenue ici se veut pédagogique : elle vise à
accompagner le lecteur en partant de l’intuition la plus commune de ce qu’on appelle
une aide publique pour le conduire en trois temps vers une acception plus
économique et conceptuellement plus complète. Les éclairages théoriques puis
empiriques proposés sont accompagnés d’exemples concrets pris le plus souvent
dans le domaine environnemental.
1.1. Première définition : une aide publique est un transfert financier
de l’État ou des collectivités territoriales vers un agent privé
2
Au niveau international, en s’appuyant sur les doctrines élaborées par l’OMC , on peut
définir une aide publique comme un transfert financier d’origine publique (État,
collectivités territoriales, établissements publics, personnes de droit privé financées
sur fonds publics, etc.) qui confère un avantage au bénéficiaire.
(1) La loi Grenelle 1 stipule dans ces articles que le gouvernement fera « état, sur la base d’un audit,
des mesures fiscales défavorables à la biodiversité et proposera de nouveaux outils permettant un
basculement progressif vers une fiscalité mieux adaptée aux enjeux environnementaux », et plus
généralement « qu’il présentera au Parlement une évaluation de l’impact environnemental des aides
publiques à caractère budgétaire ou fiscal. Ces aides seront progressivement revues de façon à
s’assurer qu’elles n’incitent pas aux atteintes à l’environnement ».
(2) Les « subventions spécifiques », au sens de l’accord sur les subventions et les mesures
compensatoires annexé à l’accord GATT de Marrakech de 1994, sont définies comme une
« contribution financière, allouée par les pouvoirs publics ou par tout organisme public du ressort
territorial d’un État, qui confère un avantage ». Elles sont dites « spécifiques » car seules les
subventions spécifiquement accordées à une entreprise, à une branche de production ou à un
groupe d’entreprises ou de branches sont visées par cet accord.
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Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
En France, la doctrine juridique précise cette première définition en retenant au moins
1
les trois éléments suivants pour qualifier une aide publique :
•
la nature du financeur : personne publique (État, collectivités territoriales,
établissements publics, groupements d’intérêt public) ou personne morale de droit
privé liée à une personne publique par un lien organique (associations administratives), patrimonial (sociétés publiques, SEM) ou fonctionnel (gestion d’une
activité de service public), voire fonds structurels européens et organisations
internationales ;
•
l’existence d’un bénéficiaire (pour distinguer une aide d’une mesure de politique
générale non ciblée) ;
•
la caractérisation de la relation donneur/bénéficiaire : impact comptable du transfert,
caractère désintéressé (ou sans contrepartie équivalente), bénéfices directs ou
indirects.
En conformité avec ces notions (internationales et juridiques), on peut mentionner que
2
la mission d’audit de modernisation qualifie d’aide publique « un transfert de richesse
d’un financeur public (ou privé recevant des fonds publics) vers un bénéficiaire, motivé
par un objectif de politique publique et soumis au respect de conditions explicites ».
Les catégories de bénéficiaires retenues ici seront aussi bien les entreprises ou les
ménages que les personnes publiques elles-mêmes.
Notons que le transfert financier qui sera constitutif de l’aide publique pourra être
aussi bien un transfert effectif de la personne publique au bénéficiaire (une subvention
au sens usuel) qu’un renoncement à un transfert inverse du bénéficiaire à la personne
publique (une exonération de taxe, par exemple, ou bien une dépense fiscale). En
outre, le bénéficiaire direct de l’aide n’en est pas forcément le bénéficiaire final, une
aide au producteur pouvant in fine bénéficier indirectement au consommateur.
Une telle définition permet déjà de couvrir un assez large spectre de dispositifs et
d’instruments financiers – subvention budgétaire directe, exonération fiscale, crédit
d’impôt, abattement fiscal, amortissement accéléré, tarifs d’achat, soutien des prix ou
des revenus, remise de dette ou abandon de créance, octroi de garantie, prise de
participation en capital, prêt à des conditions différentes de celles du marché, avance
remboursable, rabais sur le prix de vente… – que l’on peut sommairement regrouper
dans la nomenclature proposée par l’Union européenne (voir tableau et encadré
suivants). D’autres critères de classement peuvent être proposés (budgétaire/non
3
budgétaire, consommation/production, direct/indirect, etc.) .
(1) Adapté de : Conseil d’orientation pour l’emploi (2006), rapport au Premier ministre relatif aux
aides publiques, 186 p.
(2) Mission d’audit de modernisation IGF-IGAS-IGA (2007), Rapport sur les aides publiques aux
entreprises.
(3) Voir par exemple UNEP (2008) ou IEEP et al. (2007).
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Octobre 2011
- Chapitre 1 -
La nomenclature de l’Union européenne relative aux aides d’État
(aide publique)
Catégories
Aide budgétaire
Groupe A :
Aide intégralement
transférée au
bénéficiaire
Subvention
Prime
Bonification d’intérêt obtenue
directement par le bénéficiaire
Commande publique
Groupe B :
Prise de participation
Prise de participation sous
toutes ses formes
(y. c. conversion de dette)
Groupe C :
Intérêt économisé par le
Prêt à taux réduit
bénéficiaire pendant la mise Prêt participatif
à disposition du capital
Avance remboursable
transféré
Dépense fiscale
Crédit d’impôt
Abattement fiscal, exonérations
Réduction de cotisations sociales
Mesure équivalente à une
subvention
Taux réduit
Dégrèvement
Déduction du revenu avant impôt
Report d’impôt
Garanties : montant couvert par
des régimes de garanties ;
pertes en découlant, déduction
faite des primes versées
Groupe D :
Garanties
Source : adapté de Commission européenne1
Quelques exemples d’aides publiques
Subvention directe : l’exemple de l’agriculture et de la pêche
La plupart des aides directes à destination des agriculteurs sont organisées dans le cadre
de la politique agricole commune (PAC). Les instruments de soutien des prix mis en place à
l’origine ont été progressivement remplacés par une augmentation des aides directes aux
agriculteurs. Ces aides sont de différents types : en premier lieu le droit à paiement unique
(principale aide en termes de montant versé, indépendant de l’activité de production), des
aides liées aux produits (prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes, prime
compensatrice ovine, etc.) ou encore des aides en faveur du développement rural
(compensation de handicaps naturels, mesures agro-environnementales, etc.). De même,
dans le cadre de la politique de la pêche, on trouve des aides à la modernisation de la
flotte, des aides aux équipements des infrastructures portuaires, des mesures de
compensation liées à des handicaps géographiques (insularité) ou à des aléas
environnementaux (mortalité d’huîtres), etc.
Réduction d’impôt : investissement locatif Scellier
Pour soutenir l’investissement locatif, le dispositif « Scellier » en vigueur depuis 2009
permet au contribuable de bénéficier d’une réduction d’impôt de 20 % lorsqu’il achète un
logement neuf et qu’il s’engage à le louer nu à usage principal du locataire pendant une
durée minimale de neuf ans. Ainsi, sous ces conditions, un investissement de
(1) Voir notamment le rapport de la Commission européenne relatif aux aides d’État au secteur
manufacturé, COM 1998, 18 septembre 1998. Le rapport mentionne également deux autres types
d’aides, aides matérielles et aides juridiques, que nous ne développons pas ici.
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Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
300 000 euros permettra de bénéficier d’une réduction d’impôt total de 60 000 euros, soit
6 666 euros par an pendant neuf ans.
Prêt à taux réduit : prêt à taux zéro +
Depuis le 1er janvier 2011, l’État a mis en place un prêt à taux zéro + pour soutenir les
ménages qui souhaitent devenir propriétaires, cet instrument fusionnant les dispositifs
antérieurs du prêt à taux zéro, du Pass foncier et du crédit d’impôt sur les intérêts
d’emprunt. Le prêt à taux zéro + est un prêt dont les intérêts sont pris en charge par l’État,
sans frais de dossier, pour l’achat d’une première résidence principale (réservé aux
personnes n’ayant pas été propriétaires de leur résidence principale depuis au moins deux
ans). Le coût de l’aide publique associée à ce dispositif correspondra à la somme
actualisée des écarts entre les mensualités d’un prêt à taux zéro et les mensualités qui
seraient dues au titre d’un prêt « normal ».
Amortissement accéléré
Pour encourager le développement d’un secteur d’activité ou le renouvellement de
l’appareil de production, une aide publique peut consister à permettre un amortissement
accéléré des investissements productifs. Ce faisant, on allège les coûts sur les premières
années du cycle d’investissement, années où l’assise financière de la nouvelle activité est
potentiellement fragile ou le retour sur investissement encore incertain. Corrélativement, la
base taxable à l’impôt sur les sociétés s’en trouve diminuée d’autant, ce qui affecte
négativement les recettes de cet impôt en année courante. Ce dispositif a par exemple été
mis en place au Canada au bénéfice des entreprises se lançant dans l’exploitation des
sables bitumineux de l’Alberta. En France, un tel dispositif a existé jusqu’en 2011 pour les
matériels destinés à économiser l’énergie et les équipements de production d’énergies
renouvelables acquis par les entreprises, ainsi que pour les équipements destinés à
l’épuration des eaux industrielles ou à la réduction de la pollution atmosphérique : ces
équipements pouvaient bénéficier d’un amortissement exceptionnel sur douze mois à
compter de leur mise en service.
Barème kilométrique pour les frais de déplacement déductibles du revenu imposable
Dans un souci de simplification à l’égard des contribuables qui déduisent leurs frais
professionnels pour leur montant réel, l’administration fiscale publie chaque année un
barème kilométrique permettant, à partir du kilométrage parcouru pour raisons
professionnelles et de la puissance fiscale du véhicule utilisé, une évaluation aisée des frais
de déplacements professionnels exposés, ainsi qu’un barème forfaitaire des frais de
carburant permettant de déterminer les dépenses de carburant pouvant être déduites. Ces
barèmes sont très favorables aux propriétaires de véhicules de puissance fiscale élevée qui
consomment relativement plus de carburant et sont donc plus émetteurs de gaz à effet de
serre, voire d’autres polluants atmosphériques. À titre d’exemple, pour une même distance
parcourue de 40 km par jour, une personne utilisant un véhicule peu polluant (3 CV) se voit
rembourser la somme de 2 671 euros par an en application du barème kilométrique. Ce
remboursement s’élève à 4 028 euros si le véhicule utilisé se situe au seuil de
déclenchement du malus et à 4 823 euros s’il s’agit d’un véhicule très polluant (16 CV). Le
« surcoût » des déplacements occasionnés par l’usage de véhicules très consommateurs
de carburant est ainsi financé par la collectivité alors que l’acquisition et l’utilisation de ces
véhicules relève en partie de convenances personnelles. En outre, ces déplacements, par
les émissions supplémentaires de CO2 qu’ils induisent (par rapport à des véhicules moins
émetteurs pour une même distance), sont sources de coûts sociaux supplémentaires, que
la collectivité n’a a fortiori pas de raisons de financer.
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Octobre 2011
- Chapitre 1 -
1.2. Deuxième définition : une aide publique est une action
gouvernementale de nature à conférer un avantage en termes
de revenu ou de coût
Cette définition ne fait plus exclusivement référence aux transferts financiers. Elle est
notamment retenue par l’OCDE, où la subvention se définit comme le « résultat d’une
action gouvernementale qui procure un avantage aux consommateurs ou aux
producteurs, dans le but d’augmenter leurs revenus ou de diminuer leurs coûts » et ne
provient pas nécessairement uniquement de la puissance publique.
Ainsi, les quotas de production peuvent constituer une subvention, dans le cas où la
demande est forte. En effet, les prix des quotas s’élèvent puisque l’offre est plafonnée
par le nombre de quotas, ce qui améliore la rentabilité de la production. Le transfert
ne provient plus de la puissance publique mais s’opère des consommateurs vers les
producteurs.
Les mesures de soutien des prix pour les producteurs sont une autre forme de tels
transferts. Ainsi, les tarifs d’achat de l’électricité produite à partir de panneaux
photovoltaïques organisent un transfert des consommateurs vers les producteurs : les
premiers paient pour la production d’énergie solaire par un prélèvement sur leur
facture d’électricité via la contribution pour le service public de l’électricité.
Mais dans ces deux exemples, c’est bien une intervention publique qui est à l’origine
de cet avantage ou de ce soutien à une catégorie.
Enfin, on peut considérer que la non-application (ou l’application partielle) de la
réglementation (notamment européenne) par l’État, par les coûts qu’elle permet
d’éviter (investissements de mise aux normes, par exemple), constitue de facto un
avantage aux acteurs qui y échappent.
Parler d’« avantage » conféré par l’action gouvernementale sous-entend nécessairement une référence par rapport à laquelle l’avantage se définit. La référence peut
renvoyer au cadre national ou bien au cadre international. Au plan international, dans
le débat sur les subventions aux énergies fossiles par exemple, le G20 avait proposé
de retenir le prix du pétrole sur les marchés mondiaux comme prix de référence. Au
plan national, dans le cas des dépenses fiscales, leur définition repose sur les
principes généraux du droit fiscal français et leur caractère dérogatoire. On le voit, la
référence est porteuse d’un discours normatif, sur lequel le consensus n’est pas a
priori acquis.
1.3. Troisième définition : économiquement, une aide publique se définit
comme l’écart entre le prix observé et le coût marginal social
de production, c’est-à-dire le coût internalisant les dommages
à la société
L’analyse économique propose une autre perspective, en introduisant la notion
d’efficacité. La réflexion actuelle sur les niches fiscales s’appuie d’une certaine
manière sur cette notion : dans le contexte actuel de déficit massif des comptes
publics, le gouvernement s’est engagé dans l’examen des dépenses fiscales pour
réexaminer la pertinence de celles qui s’avèrent peu efficaces.
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Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
Aux États-Unis, un récent débat sur les dépenses fiscales (« tax expenditures ») tente
ainsi de clarifier les acceptions possibles : les réductions d’impôt et autres
abattements, définis en écart au cas général usuel, et les distorsions structurelles
induites par la fiscalité. Dans certains cas en effet, on ne saurait définir simplement le
cas général usuel, par exemple en matière de fiscalité de l’épargne. Une taxation
différenciée de l’épargne doit ainsi plus naturellement s’analyser au regard des
distorsions induites dans l’allocation du capital par rapport à une situation sans
différenciation.
Dans une économie « optimale » (marchés parfaits et complets, possibilité de faire des
transferts de ressources sans coût), le prix d’un bien correspond à son coût marginal
de production. On identifiera alors une subvention (terme préféré à aide publique dans
la littérature économique, mais synonyme ici) aux consommateurs lorsque le prix est
inférieur à ce coût marginal de production, et une subvention aux producteurs lorsque
le prix est supérieur. Dans ce cadre, une subvention pourra être définie comme une
action gouvernementale éloignant le prix de marché de ce prix « optimal » et
quantifiée comme l’écart entre ce prix « subventionné » et ce prix optimal.
Nous sommes rarement dans ce monde économique optimal du fait des nombreuses
imperfections de marché (externalités, firmes en situation monopolistique ou
oligopolistique, asymétries d’information, etc.). Dans ce monde imparfait, le prix
observé sur le marché n’internalise notamment pas les coûts des dommages
environnementaux pour la société et pour la biodiversité : ce prix n’est plus optimal et
il peut être légitime pour l’État d’intervenir par des taxes ou des transferts pour
corriger les imperfections de marché précitées (typiquement, taxer les externalités
négatives). Le prix « optimal » est alors égal au coût marginal social de production,
soit le coût marginal de production augmenté de la taxe optimale internalisante. Un
raisonnement symétrique peut être tenu pour établir que le prix de marché n’intègre
pas non plus la valeur des services rendus par la biodiversité (idéalement, il faudrait,
dans ces cas, rémunérer les producteurs d’externalités positives en matière de
biodiversité à la hauteur du service ainsi rendu).
Du strict point de vue économique, qualifier et quantifier une subvention inefficiente
(par distinction avec une subvention justifiée du point de vue de la théorie
économique) nécessiterait donc de pouvoir se situer par rapport à ce prix optimal,
incluant les taxations et transferts optimaux.
Il faut toutefois noter que, dans certains cas, même une subvention considérée
comme efficiente du point de vue économique peut être dommageable du point de
vue de la biodiversité. Ce serait le cas, par exemple, d’une subvention entraînant des
externalités négatives sur la biodiversité, compensées par des externalités positives
en matière sociale ou économique. Il peut même exister des subventions
dommageables à la biodiversité mais efficientes non seulement du point de vue de la
théorie économique mais aussi du point de vue environnemental global si les
dommages à la biodiversité sont compensés par des externalités positives dans
d’autres domaines environnementaux (certains investissements ferroviaires par
exemple).
Ces considérations invitent donc d’abord à élargir la définition précédente des
aides pour prendre en compte les « subventions implicites » résultant des défauts
d’internalisation des externalités du système de taxation en vigueur (ou d’absence
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- 100 -
Octobre 2011
- Chapitre 1 -
de droits de propriété dans le cas de ressources halieutiques ou forestières par
1
exemple), conformément aux recommandations du dernier rapport TEEB .
Cette acception qui semble la plus légitime entraîne des conséquences très pratiques
et très utiles, que l’on peut illustrer par les dépenses fiscales en matière de
consommation de combustibles fossiles, donc des dépenses fiscales potentiellement
dommageables pour le climat. Ainsi, en matière de taxe intérieure de consommation
sur les combustibles fossiles, l’approche la plus simple, comme exposée aux points 1
et 2 ci-dessus, consisterait à identifier comme subvention dommageable toute
dépense fiscale et à évaluer le montant de cette subvention comme l’écart entre le
taux réduit accordé et le taux de taxe standard, multiplié par la quantité consommée à
2
taux réduit . Cette approche pose néanmoins plusieurs problèmes.
En premier lieu, au sein d’un même système fiscal national, on qualifierait par exemple
de subvention dommageable un taux de taxe réduit sur la consommation de gazole
sans identifier dans le même temps de subvention à la consommation de fioul ou de
charbon dans le cas d’une fiscalité standard faible pour ces énergies, et ce alors
même que les dommages environnementaux sont bien supérieurs en termes
d’émissions de CO2 induits (voir encadré ci-dessous). A fortiori, cette méthode ne
permettrait pas d’effectuer des comparaisons internationales robustes. Un taux réduit
pourrait ainsi être qualifié de subvention aux énergies fossiles dans un pays A ayant
un niveau de fiscalité énergétique standard élevée, alors même qu’un pays B, à la
fiscalité standard inférieure au taux réduit accordé par le pays A, ne présenterait
aucune subvention aux énergies fossiles. Implicitement, c’est donc bien la question
du taux de taxation optimale qui est posée, et du dommage social marginal associé,
seule référence pertinente d’un point de vue économique pour identifier et quantifier la
distorsion introduite par la subvention. L’approche économique en termes de coût
marginal social permet donc d’éviter les écueils sur lesquels butent les autres
approches, pour autant que l’on puisse bien calculer ces grandeurs économiques.
Dépenses fiscales, subventions dommageables et externalités
en matière de TIC
La taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TIC) est la principale
taxe que supportent les produits pétroliers (essence, diesel, fioul) utilisés comme carburant
ou combustible de chauffage. Le gaz naturel n’est pas soumis à la TIC mais à une taxe
similaire appelée taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel (TICGN). De même, les
houilles, lignites et cokes utilisés comme combustible sont soumis à une taxe intérieure de
consommation (TIC).
Supposons pour simplifier que la seule externalité négative induite par la consommation de
ces énergies soit les émissions de CO2 (et leurs conséquences en matière de réchauffement
climatique). Les niveaux actuels de taxation du contenu en CO2 de ces différents
combustibles sont très hétérogènes, de 264 euros la tonne de CO2 pour le super sans
plomb à moins de 6 euros pour le fioul, le gaz ou le charbon1.
Dans le cadre d’analyse standard des dépenses fiscales, toute exonération ou réduction de
TIC sur les carburants diesel (dont bénéficient par exemple les taxis ou les transporteurs
(1) TEEB (2009), The Economics of Ecosystems and Biodiversity for Policy Makers, troisième
rapport, 48 p.
(2) C’est de fait cette méthode qui est utilisée pour l’estimation des dépenses fiscales présentées
dans les Voies et Moyens, tome 2, annexées au PLF annuel.
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- 101 -
Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
routiers) pourrait être considérée comme une aide publique dommageable en termes de
réchauffement climatique. En revanche, dans ce cadre, la taxe standard sur le gaz ou le
charbon ne sera pas considérée comme une aide publique dommageable sur le plan
climatique, alors même que la taxation du contenu en CO2 de ces énergies est très
inférieure à la valeur tutélaire de 32 euros/tCO2 adoptée dans le rapport de la commission
Quinet2.
De même, le taux réduit de TIC applicable au fioul domestique utilisé comme carburant (en
lieu et place du taux normal de taxation du diesel) dont bénéficient les usages « hors route »
constitue bien une dépense fiscale mais son caractère d’aide publique dommageable doit
être apprécié en fonction des coûts externes (y compris autres que les émissions de CO2)
générés par ces usages, qui peuvent être moindres que ceux générés par les usages
routiers, en matière de congestion ou de pollutions locales par exemple.
En second lieu, le niveau de référence à considérer est délicat, car les externalités ne
sont pas forcément taxées avec l’instrument adéquat et certains dispositifs peuvent
venir compenser la sous-tarification d’autres instruments. Typiquement, dans le cas
des transports, on pourrait dire de manière schématique que les coûts externes de
congestion routière, de pollutions locales, d’usure de l’infrastructure devraient être
tarifés via des péages kilométriques modulés et que l’effet de serre causé par les
émissions de GES devrait, lui, être internalisé par une taxe sur la consommation de
carburant (comme la TIC). Ce n’est généralement pas le cas en pratique et les bilans
des circulations routières mettent en regard ces coûts externes et la totalité des
recettes issues des instruments de tarification.
Malgré ces difficultés à définir la référence pertinente, on peut considérer que pour les
énergies fossiles, pour lesquelles le dommage environnemental et la tarification
associée ont été assez largement documentés, la référence à la taxation optimale peut
être opérationnelle. Cette approche est également d’usage en matière de tarification
des infrastructures et des circulations, où un bilan des coûts complets intégrant les
3
dommages environnementaux peut être établi .
En matière d’internalisation des dommages à la biodiversité, la détermination du prix
optimal de référence (qui intégrerait donc la tarification des coûts externes affectant la
biodiversité) par rapport auquel identifier et évaluer une subvention inefficiente est
plus difficile : la mesure des dommages/avantages marginaux pour la biodiversité est
complexe, et leur monétarisation (donc leur tarification) se heurte encore à certains
4
obstacles méthodologiques . C’est néanmoins vers cette méthode qu’il faut tendre si
l’on veut, suivant les recommandations de TEEB et de l’OCDE, évaluer la biodiversité
à sa véritable valeur et encourager la vérité des coûts. Plusieurs travaux récents ont
proposé des valeurs pour certains écosystèmes ou certaines espèces (TEEB,
(1) ADEME-MEDDTL (2009), Éléments d’analyse sur la contribution Climat-Énergie, juin,
http://temis.documentation.equipement.gouv.fr/documents/Temis/0061/Temis-0061773/17309.pdf.
(2) Centre d’analyse stratégique (2009), La Valeur tutélaire du carbone, rapport de la commission
présidée par Alain Quinet, Paris, La Documentation française, 420 p.
(3) « La tarification, un instrument économique pour des transports durables », La Revue du CGDD,
novembre 2009, et Handbook on Estimation of External Costs in the Transport Sector, Commission
européenne (2008).
(4) Ce point est examiné de manière approfondie dans le chapitre 5 du rapport du Centre d’analyse
stratégique (2009), Approche économique de la biodiversité et des services liés aux écosystèmes
(2009), rapport de la mission présidée par Bernard Chevassus-au-Louis, Paris, La Documentation
française, 400 p.
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Octobre 2011
- Chapitre 1 -
Handbook on Estimation of External Costs in the Transport Sector, rapport de l’Office
1
fédéral du développement territorial de la Confédération suisse, rapport CAS 2009 ,
etc.), par rapport auxquelles il devient peu à peu possible de chiffrer des dommages
et de calculer des tarifications internalisantes et donc, éventuellement, les écarts entre
les tarifications existantes et la tarification correspondant à l’internalisation du
dommage. Le Centre d’analyse stratégique, dans plusieurs rapports, a diffusé un
nombre important de valeurs dites tutélaires qui sont autant de guides quantifiés pour
la monétarisation des coûts/bénéfices environnementaux. Le rapport Chevassus-au2
Louis a ainsi proposé un ordre de grandeur de la valeur moyenne des services
écosystémiques rendus par les forêts tempérées françaises estimée à
970 euros/ha/an, et à environ 600 euros/ha/an pour les services rendus par les prairies
permanentes.
2 Éléments méthodologiques
Cette partie montre comment on peut de manière opérationnelle tendre vers la
solution la meilleure qui consiste à jauger des aides publiques au vu de
l’internalisation des externalités positives/négatives pour la biodiversité par les agents
économiques (troisième définition). Après avoir exposé les principaux cadres
méthodologiques existants au niveau international, on présente la méthodologie
adoptée par le groupe de travail en insistant sur les points d’accroche avec les cadres
précédents.
2.1. Cadres méthodologiques préexistants
Outre les recommandations faites dans les textes internationaux, une partie de la
littérature des organismes internationaux propose des méthodologies pour réformer
les aides publiques nuisibles à la biodiversité. Sont retenues les méthodologies
préconisées par l’OCDE, la Commission européenne et le TEEB.
Le cadre méthodologique de l’OCDE
Afin d’aider les gouvernements à identifier et, le cas échéant, à modifier ou supprimer
des subventions dommageables à l’environnement, l’OCDE a développé depuis la fin
des années 1990 trois modèles qualitatifs d’analyse. Le premier, appelé « quick
scan », qui date de 1998, permet de mettre en évidence l’absence de lien direct
automatique entre le montant financier de la subvention et l’ampleur de l’impact sur
3
l’environnement . Théoriquement séduisant, ce modèle n’en reste pas moins difficile à
utiliser dans la mesure où la quantification des impacts associés à chaque lien est très
souvent délicate, voire impossible, faute de données.
4
L’OCDE a ensuite développé en 2005 la méthode de la « checklist », plus simple et
plus pragmatique. Elle permet aux gouvernements de déterminer si la suppression
d’une subvention aura des effets positifs sur l’environnement, compte tenu du
(1) Centre d’analyse stratégique (2009), La Valeur tutélaire du carbone, op. cit.
(2) Dans un souci de prudence méthodologique, ces ordres de grandeur sont des valeurs a minima
car toutes les composantes de la valeur de ces deux milieux n’ont pu être évaluées.
(3) OCDE (1998), Improving the Environment Through Reducing Subsidies, OECD, Paris.
(4) OCDE (2005), Environmentally Harmful Subsidies: Challenges for reform, OECD, Paris.
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Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
contexte économique, social et environnemental. Elle présente toutefois la limite de ne
pas s’intéresser aux conséquences sociales que peuvent avoir les suppressions de
certaines subventions.
1
Afin de combler ce manque, l’OCDE a développé en 2007 un dernier modèle intégré
(« integrated assessment framework ») qui élargit l’analyse dans une perspective de
développement durable en prenant notamment en compte les nécessaires arbitrages
à réaliser entre les dimensions environnementales d’une part et économiques et
sociales d’autre part.
Le cadre méthodologique du TEEB
2
Le rapport TEEB de 2009 destiné aux décideurs politiques note qu’il est important de
ne pas limiter la réforme fiscale à l’identification et à la suppression des mesures
néfastes à l’environnement. Il conseille de centrer la réforme sur les subventions qui
n’atteignent pas ou plus leurs objectifs, ou a minima qui ne sont pas les plus idoines.
La réflexion doit se mener en termes d’opportunités de la dépense publique.
Le rapport TEEB estime que devraient être réformées en priorité les subventions
publiques au secteur des pêches, puis celles à l’agriculture, puis celles à l’eau, et en
dernier celles aux transports et à l’énergie. Pour cela, il préconise l’établissement de
schémas de réformes ou de suppressions des subventions à l’horizon 2020. Les
fonds ainsi dégagés pourraient être utilisés dans les mêmes secteurs mais à des fins
de conservation de la biodiversité et de valorisation des services rendus par les
écosystèmes.
Le cadre méthodologique de la Commission européenne
3
La Commission européenne a entrepris en 2009 de rendre plus opérationnelles les
méthodes de l’OCDE par l’élaboration d’une nouvelle grille d’analyse synthétisant les
enseignements des trois modèles décrits ci-dessus, nouvelle grille qui reste toutefois
très complexe à mettre en œuvre (voir figure suivante). Elle recommande également
que les États membres procèdent à l’élaboration de « fiches d’identité » des
subventions dommageables à la biodiversité, étape clé de toute tentative de
modification ou suppression.
(1) OCDE (2007), Subsidy Reform and Sustainable Development: Political economy aspects, OECD,
Paris.
(2) TEEB (2009), The Economics of Ecosystems and Biodiversity for National and International
Policy Makers – Summary: Responding to the value of Nature.
(3) IEEP (2009), Environmentally Harmful Subsidies (EHS): Identification and assessment, Study
contract 07.0307/2008/514349/ETU/G, 190 p.
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Octobre 2011
- Chapitre 1 -
Grille d’analyse
1. Screening
2. Check list for assessing
the environmental
benefits of EHS removal
1) Is there subsidy?
1) Do the size and
conditionality of the
subsidy lead to higher
volumes?
2) Does the subsidy lead to
a significant environmental
impact?
3) What is the sectoral
policy context?
5) Are there
unsurmountable obstacles
to reform?
YES
NO
3) More benign
alternatives available or
emerging
4. Analysis of reform
options
1) What are the
possible
reform options?
1) What are the
subsidy objectives?
NO
YES
2) Policy filter limits
environmental damage
4) What is the economic
and social relevance of the
subsidy?
3.Broader
assessment
Subsidy
removal is
not likely
to have
significant
environmental
benefits
2) Are they met?
(Effectiveness)
NO
YES
3) Cost effectiveness
NO
4) Social, economic
and
other impacts
YES
5) Long term
effectiveness
Subsidy removal likely
to benefit the
environment
2) What are the cost
and benefits of each
option?
3) What are the
potential econ. and
soc. hardships?
4) What are the
facilitating factors for
success?
6) Are data available?
• Insights on validity of
subsidy rationale
• List of potentially
environmentally harmful
subsidies for assessment
• Outline of trade offs
between
environmental,
social and economic
impacts of subsidy
• Insights on political
feasibility of subsidy
reform
• Outline of alternative
Policies
• Analysis of impacts of
alternative policies
• List of compensatory
measures
Source : IEEP, 2009
2.2. Choix d’une méthode simplifiée insistant sur les relations de causalité
entre aides publiques et biodiversité
La méthodologie choisie par le groupe de travail est principalement inspirée du
rapport de la Commission européenne. Elle comprend trois étapes principales.
1) Inventaire des aides publiques susceptibles d’être dommageables
à la biodiversité
(équivalent de l’étape 1 « Screening »: Is there subsidy?)
L’inventaire consiste à lister les aides publiques qui ne conduisent pas, ou pas assez,
à l’internalisation par les agents économiques des coûts/bénéfices sur la biodiversité
(troisième définition). Le périmètre retenu ne se limite donc pas aux subventions et
dépenses fiscales mais s’élargit aux taxes non internalisantes, aux politiques de
soutien aux prix et aux revenus, etc.
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Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
Les aides sont identifiées à partir de l’annexe budgétaire au projet de loi de finances
1
de 2010 . Cette annexe est déclinée par mission et récapitule les crédits et les emplois
demandés pour 2010. Quand nécessaire, ce support a été complété par le code
général des impôts, le code des douanes et d’autres documents budgétaires.
2) Démonstration du lien de cause à effet entre l’aide publique et l’état
de la biodiversité
(inspirée de l’étape 1 « Screening »: Does the subsidy lead to a significant environmental
impact? et de l’étape 2 « Check list for assessing the environmental benefits of EHS
removal »: Policy filter limits environmental damage)
Il a été établi que les aides recensées en 1) sont potentiellement dommageables à la
biodiversité lorsqu’elles influent directement ou indirectement sur au moins une des
grandes causes d’érosion de la biodiversité : la destruction/dégradation des habitats,
la surexploitation des ressources naturelles, la pollution des milieux, la diffusion
d’espèces exotiques envahissantes et le changement climatique (voir chapitre 2).
Le plan du rapport par grande cause d’érosion de la biodiversité a d’ailleurs été choisi
pour rendre plus explicite aux yeux du lecteur le lien entre une aide et la biodiversité.
Ce type de plan a aussi l’avantage de cerner une quantification relative des impacts
d’aides provenant de différents secteurs sur la biodiversité. Certaines aides sont en
effet minimes en termes de financement mais leur réforme peut être primordiale pour
la sauvegarde de la biodiversité lorsqu’elles agissent sur des espaces fragiles. Se
centrer sur les grandes causes permet de regarder comment agissent les différentes
mesures fiscales considérées et, en outre, de tenter d’aborder leurs élasticités-prix.
3) Reconfiguration des aides publiques identifiées comme dommageables
à la biodiversité
Pour reconfigurer une aide publique identifiée comme dommageable à la biodiversité,
la démarche consiste à tendre vers le niveau optimal des prix internalisant toutes les
externalités négatives affectant la biodiversité. Les valeurs monétaires des externalités
citées dans la littérature peuvent être utilisées à cet effet (entre autres, les travaux du
CAS donnant des valeurs tutélaires, notamment le rapport Chevassus-au-Louis, le
Handbook on Estimation of External Costs in the Transport Sector, les travaux suisses
sur la Redevance poids lourds liée aux prestations, les études du SETRA, etc.). Le cas
échéant, le recours à la norme et à la réglementation peut être envisagé si
l’instauration d’un prix internalisant paraît difficile ou peu opérationnelle.
3 Tentative de caractérisation du lien de causalité
entre aides publiques et biodiversité
Pour définir le caractère dommageable d’une aide en matière de biodiversité, le lien
de cause à effet entre cette aide et la (ou les) pression(s) qu’elle induit sur la
2
biodiversité via les comportements des agents qu’elle favorise doit être analysé. En
(1) Annexe budgétaire au projet de loi de finances prévue par l’article 51-5° de la loi organique du
er
1 août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).
(2) Ou, symétriquement, le bénéfice en termes de biodiversité que la collectivité retirerait d’une
suppression de cette aide publique dommageable.
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Octobre 2011
- Chapitre 1 -
particulier, il n’existe pas systématiquement un lien univoque entre le montant de
l’aide publique (quelle que soit la façon de le quantifier) et l’ampleur de ses effets
négatifs sur la biodiversité. Une aide publique dommageable d’un montant élevé
affectant un milieu naturel pauvre et d’un type très répandu pourra être moins
négative qu’une subvention de faible montant affectant un écosystème rare ou
menacé. En outre, pour apprécier son caractère dommageable, il faudra examiner
l’articulation de l’aide publique visée avec d’autres dispositifs, réglementaires ou
économiques, voués précisément à limiter les effets environnementaux négatifs
qu’elle entraîne (par exemple, la mise en œuvre d’actions correctives prise en
application du principe éviter/réduire/compenser pour les programmes ou projets
soumis à étude d’impact).
Cette section présente la méthodologie adoptée par le groupe de travail pour
caractériser l’impact d’une aide publique sur la biodiversité. La volonté était de définir
une méthodologie qui soit la plus généralisable possible et également opérationnelle.
Le cadre général retenu est le Driver-Pressure-State-Impact-Reponse (DPSIR) de
l’OCDE résumé dans les paragraphes suivants (3.1.). Il consiste à décrire, si possible
quantitativement, les relations de cause à effet entre des indicateurs de pression et
d’impact. Cette section propose ensuite quelques exemples d’indicateurs (3.2.) puis
tente d’apporter une vision « système » à l’ensemble des indicateurs (3.3.). CF Stabilo
bleu 2 pages plus loin
3.1. Un cadre général d’analyse fondé sur le modèle DPSIR
Le lien de cause à effet dépend, en premier lieu, de l’ampleur des modifications de
comportements des agents économiques suite à une variation de prix (induite par
l’aide) et en second lieu de l’ampleur de l’impact de ces comportements sur la
biodiversité. En termes techniques, les paramètres-clés sont donc l’élasticité-prix des
comportements de production/consommation, et les capacités de réponse des
écosystèmes concernés, celles-ci étant fonction de leurs caractéristiques (résilience,
rareté, richesse biologique).
Pour clarifier et tenter de quantifier ces mécanismes de cause à effet, on peut se
référer au cadre méthodologique du Driver-Pressure-State-Impact-Reponse
1
développé par l’OCDE en 1993 (sous la forme Pressure-State-Reponse) et repris
depuis par l’Agence européenne de l’environnement pour l’élaboration de ses
indicateurs environnementaux. Le modèle DPSIR propose de renseigner cinq types
2
d’indicateurs :
•
indicateurs de force motrice (ou indicateurs des facteurs de pression) : ils
décrivent les développements sociaux, démographiques et économiques de la
société ainsi que les changements dans le mode de vie, les niveaux de
consommation et de production. On peut distinguer les forces motrices primaires
qui vont provoquer une chaîne de conséquences sur la consommation et la
production comme, par exemple, la croissance démographique ou encore le
(1) OCDE (1993), OECD Core set of Indicators for Environmental Performance Reviews: A synthesis
report by the Group on the State of the Environment. Environment Monographs, n° 83, 39 p.
(2) Smet E. et Weterings R. (1999), Environmental indicators: Typology and overview, Technical
Report for the European Environment Agency, n° 25, 19 p.
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Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
développement de nouveaux besoins. Ce sont alors les variations de
consommation et de production qui vont exercer une pression sur la biodiversité ;
•
indicateurs de pression : ils mesurent les pressions affectant directement la
biodiversité et provenant du système anthropique (par exemple, émission de
polluants) ;
•
indicateurs d’état : ils mesurent les conditions d’état de la biodiversité ;
•
indicateurs d’impact : ils mesurent les effets du changement d’état de la
biodiversité sur les procédés et activités anthropiques ;
•
indicateurs de réponse : ils évaluent les actions de sauvegarde de la biodiversité
en réponse à une variation d’un ou plusieurs indicateurs d’impact.
La figure suivante illustre les relations de cause à effet entre ces indicateurs.
Forces motrices
Pressions
Agriculture
Industries
Logement
Transport
Etc…
Changement d’occupation
du sol
Emissions de SO2
Fragmentation
Etc…
Aides publiques
Réponses
Etat de la biodiversité
Subventions
Dépenses fiscales
Subventions implicites
Gestion durable des
ressources
Plans de dépollution
Etc…
Etat biologique (nb
d’espèces…)
Etat des écosystèmes
Etat physique
(hydromorphologie, structure
des sols…)
Impacts
Effets sur la santé humaine
Perte de productivité
Perturbation des services
de régulation
Etc…
Les aides publiques agissent, toutes choses égales par ailleurs, sur le niveau des
indicateurs de force motrice. Par exemple, les indicateurs de force motrice de l’activité
pêche sont, notamment, amplifiés par les aides à l’investissement (subvention à la
modernisation des flottes) qui réduisent le coût du changement de flotte et incitent à
l’accroissement de la capacité de la flotte, ou encore, par l’exonération de taxes sur
les carburants qui diminue sensiblement le coût des techniques fortement
consommatrices de carburant (exemple du chalutage) et, par conséquent, favorise ce
type de pratiques par rapport à un autre moins gourmand en carburant.
Pour analyser le lien de causalité entre les aides publiques et l’état de la biodiversité,
le niveau des indicateurs de force motrice, de pression et d’état suffit. Il pourra
toutefois être intéressant de se reporter à des indicateurs de réponse afin d’observer
(et si possible mesurer) les résultats de certaines actions en faveur de la biodiversité.
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Octobre 2011
- Chapitre 1 -
Par ailleurs, il est tout aussi important de renseigner les indicateurs mentionnés que
les interactions qui existent entre eux (symbolisées par les flèches dans le cadre
DPSIR). Pour ce faire, une solution pragmatique consiste à :
•
renseigner les trois catégories d’indicateurs (forces motrices, pressions, état) le
mieux possible d’un point de vue quantitatif ou, à défaut, de façon qualitative ;
•
renseigner les liens de causalités entre, d’une part, les indicateurs de force motrice
et les indicateurs de pression, et d’autre part, les indicateurs de pression et les
indicateurs d’état de la biodiversité. Ces relations pourront, faute de données, être
caractérisées qualitativement à partir d’avis scientifiques et de rapports
d’expertise.
Par souci de simplification, seules les forces motrices influant directement sur le
niveau des indicateurs de pression sont explicitées ici. Les forces motrices directes et
indirectes sont toutefois bien prises en compte dans la suite du rapport.
D’une manière générale, les indicateurs doivent être renseignés au niveau territorial le
plus fin possible afin de bien prendre en compte les différentes capacités de réponse
des écosystèmes.
Les deux sections suivantes présentent la démarche générale adoptée par le groupe
de travail pour vérifier l’existence d’un lien de causalité entre une aide publique et
l’état de la biodiversité. Des indicateurs sont tout d’abord proposés à titre d’exemples
en 3.2, puis, la méthode en 3.3.
3.2. Exemples d’indicateurs
Afin d’illustrer plus concrètement la démarche, quelques indicateurs de force motrice,
de pression, d’état de la biodiversité et de réponse sont suggérés ici. Ils ont été
choisis par le groupe de travail de façon à représenter au mieux quelques-unes des
modalités de forces motrices, de pression, d’état et de réponse. Dans la mesure du
possible, les indicateurs ont été sélectionnés en fonction de l’existence ou non d’une
base de données opérationnelle.
Les indicateurs de force motrice
Ces indicateurs doivent refléter le niveau d’intensité de l’activité anthropique. Ils
pourront être exprimés, par exemple, en tonnes de produits fabriqués, en valeur
ajoutée, ou encore en nombre de personnes utilisatrices du service. Le tableau suivant
donne quelques exemples d’indicateurs. Certains sont utilisés dans cette étude.
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Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
Modalités de
force motrice
Transport
routier
Pêche
Exemples d’indicateurs de force motrice
(ou de facteurs de pression)
UVP* exprimée par jour ou par heure.
Cet indicateur prend en compte l’impact plus
important de certains véhicules, en particulier
les poids lourds
Nombre de km de routes construites par an
Importance relative de la flotte de pêche par
« métier »1
Ratio (UTA/ha)*
Ratio (valeur de la production/m3 d’eau)
Agriculture
Activités
récréatives
Indicateurs agro-environnementaux répartis en
trois thèmes :
• utilisation des intrants (exploitations à forte,
moyenne, faible consommation d’intrants en
hectares)
• utilisation des terres (SAU*, STH*, terres
arables, cultures permanentes en hectares)
• gestion des exploitations (niveau de formation
des agriculteurs, équipements pour le stockage
des effluents d’élevage)
Ces indicateurs permettent de prendre en
compte la diversité des pratiques agricoles
Nombre de visiteurs par an ou nombre de
pratiquants (exemple avec pêche récréative)
Chiffre d’affaires
Hectares alloués aux activités récréatives
Nom de la base
de données existante
SIH-Usages* (Ifremer)
Agreste (EAA)
Agences de l’eau
Agreste (RICA)
Eurostat, RICA
Comité départemental du
tourisme
SIH-Usages* pour la
pêche récréative (Ifremer)
INSEE
Agreste
(Teruti-Lucas)
Part des constructions neuves dans les surfaces
bâties
ou
Logement
Part de la surface artificialisée par mètre carré
habitable
Densité
Nombre d’habitations neuves par hectare
(*) UVP : unité de véhicule particulier ; UTA : unité de travail agricole ; SIH : système d’informations
halieutiques ; SAU : surface agricole utile ; STH : surface toujours en herbe.
Les indicateurs de force motrice doivent être renseignés à un maillage territorial le
plus fin possible, cela en vue d’observer d’éventuelles superpositions entre une zone
de biodiversité sensible et une force motrice pouvant générer une pression nuisible à
la biodiversité.
(1) Le « métier » est une manière de décrire l’activité de pêche. Il est fondé sur l’engin utilisé et
l’espèce ciblée. Les métiers qui semblent avoir un impact particulièrement négatif sur la biodiversité
sont ceux associés à l’usage de chaluts de fond et de drague tractés pour les habitats protégés ;
ceux associés aux filets de fonds, aux palangres et aux chaluts de fonds pour les espèces
protégées.
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- 110 -
Octobre 2011
- Chapitre 1 -
Les indicateurs de pression
Les quatre tableaux suivants présentent les indicateurs par grands types de pression
sur la biodiversité, à savoir : la détérioration/destruction des habitats ; la surexploitation
des ressources naturelles renouvelables ; les pollutions (émissions de gaz à effets de
serre comprises) ; l’introduction d’espèces exotiques envahissantes.
Les indicateurs sont, dans la mesure du possible, rapportés à la tonne de produit
fabriquée, au point de PIB ou de valeur ajoutée, ou encore à la personne
(consommateur ou producteur). Par exemple, pour mesurer la pression exercée par le
transport routier en termes de pollution, un bon indicateur est la quantité de NOx
émise par unité de véhicule particulier (UVP) et par an.
Ces ratios doivent toutefois être construits avec attention afin de ne pas introduire de
biais au moment de l’interprétation. En effet, un ratio comme la quantité d’intrants
ramenée à la tonne de produit fabriquée dans le domaine agricole, va favoriser les
systèmes de production intensifs à haut rendement. Il est dans ce cas plus pertinent
de ramener l’usage d’intrants à la main-d’œuvre (unité de travail humain, UTH).
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- 111 -
Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
Exemples d’indicateurs pour caractériser la détérioration
et la destruction des habitats
Modalités
de pression
Exemples d’indicateurs de pression
(ou de déterminants d’état de la biodiversité)
Fragmentation
Taux de maillage effectif
Perméabilité de l’infrastructure (largeur, clôture,
densité du trafic)
Densité du réseau routier par rapport à la
surface ou population
ou :
Nombre de zones de + de X 000 ha non
traversées par une infrastructure étanche
(de plus de X véhicules/jour)
Fragmentation des espaces naturels
Surface artificialisée annuellement
Artificialisation
Part de la SAU* artificialisée annuellement
Part des surfaces artificialisées dans l’ensemble
du territoire
Longueur de trait de côte artificialisée par an
Semiartificialisation
Surfaces d’habitats marins chalutées et/ou
draguées par an
Indicateurs d’intensification ou abandon
des pratiques de gestion de l’habitat agricoles
(agro-écosystèmes) et forestiers
Effets de débordement des zones anthropisées
sur les habitats naturels (pollution des milieux,
hausse de la fréquentation humaine, pollution
lumineuse induite…)
Évolution annuelle de la diversité des types
d’occupation du sol peu artificialisée au niveau
local
Hectares drainés
Superficie irrigable
Nom de la base
de données existante
SOeS*
Corine Land Cover (SOeS)
Teruti-Lucas (Agreste)
Teruti-Lucas (Agreste)
Corine Land Cover (SOeS)
Teruti-Lucas (Agreste)
Corine Land Cover (SOeS)
Teruti-Lucas (Agreste)
Ifremer
?
?
À construire à partir de
Corine Land Cover (SOeS)
et Teruti-Lucas (Agreste)
Agreste
Agreste
(*) SAU : surface agricole utile ; SOeS : Service de l’observation et des statistiques (ministère du
Développement durable)
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- 112 -
Octobre 2011
- Chapitre 1 -
Exemples d’indicateurs pour caractériser le niveau de surexploitation
des ressources naturelles renouvelables
Modalités
de pression
Pêche
Eau
Exemples d’indicateurs de pression
(ou de déterminants d’état de la biodiversité)
Niveau de prélèvement annuel par espèce ;
Nombre de pêches accidentelles de mammifères
marins et d’espèces protégées ;
Surfaces chalutées annuellement ;
Indice trophique marin1 par an
Ratio (niveau de prélèvement annuel d’eau douce
par secteur/ressources renouvelables annuelles en
eau douce)
Empreinte eau (création d’une norme
internationale ISO 14046 en cours) : permet de
connaître, par pays, la quantité d’eau nécessaire
aux productions et aux consommations
Évolution annuelle de la teneur en carbone
organique du sol
Sols
Évolution annuelle des surfaces toujours en herbe
Forêts
Niveau de prélèvement annuel par type de forêt
Nom de la base
de données existante
SIH*-Ressource Ifremer, FAO*
ONEMA*, Agences de l’eau,
Eurostat
www.footprintnetwork.org/fr/i
ndex.php/GFN/
Base de données des
analyses de terre (BD-AT)
Statistiques agricoles
annuelles (Agreste)
Corine Land Cover (SOeS)*
INF*, ONF*
(*) SIH : système d’informations halieutiques ; FAO : Food and Agriculture Organisation of the United
Nations ; INF : Inventaire forestier national ; ONEMA : Office national de l’eau et des milieux aquatiques ;
SOeS : Service de l’observation et des statistiques (ministère du Développement durable)
Exemples d’indicateurs pour caractériser les pollutions
(émissions de gaz à effet de serre compris)
Modalités
de pression
Exemples d’indicateurs de pression
(ou de déterminants d’état de la biodiversité)
Nom de la base
de données existante
Quantités rejetées annuellement des principaux
polluants dans les masses d’eau.
Concentrations moyennes annuelles des principaux
polluants dans les masses d’eau
Balance globale azotée de l’exploitation (apportsexports)
Évolution des émissions atmosphériques
de principaux polluants par an
Concentrations moyennes annuelles des principaux
polluants atmosphériques dans l’air ambiant
Chambres d’agriculture
Sol
Concentrations annuelles de polluants dans les sols
BD-AT (polluants agricoles)
BASOL (sites et sols pollués)
Changement
Climatique
Évolution des émissions annuelles de CO2 et autres
gaz à effet de serre
Pégase (SOeS)*
Eau
Air
ONEMA*, agences de l’eau
Base de données IREP*
Citepa
ASSQA*
(*) ONEMA : Office national de l’eau et des milieux aquatiques ; IREP : registre français des émissions
polluantes ; AASQA : Associations agréées de surveillance de la qualité de l’air ; SOeS : Service de
l’observation et des statistiques (ministère du Développement durable)
(1) L’indice trophique marin mesure le niveau trophique moyen des débarquements de poissons.
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- 113 -
Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
Exemples d’indicateurs pour caractériser les espèces invasives
Modalités
de pression
Introduction
volontaire
dans un but
économique
Introduction
volontaire dans
un but récréatif
Introduction
involontaire
Exemples d’indicateurs de pression
(ou de déterminants d’état de la biodiversité)
Nom de la base
de données existante
Nombre d’espèces parmi les « 100 of the worst »
listées dans DAISIE
www.europe-aliens.org
Hectares en « nouvelles » cultures (ex. : herbes
à éléphants)
Nombre de NAC (nouveaux animaux
de compagnie)
Intensité des échanges commerciaux
intercontinentaux
Intensité du tourisme de longue distance
Les indicateurs d’état de la biodiversité
Selon le rapport Chevassus-au-Louis (CAS, 2009), les indicateurs d’état de la
biodiversité doivent :
•
rendre compte, à partir d’un nombre nécessairement limité d’entités facilement
observables, d’un ensemble beaucoup plus vaste, et encore en grande partie
inconnu ;
•
décrire les différents niveaux d’organisation de la biodiversité (génétique,
spécifique, écologique) en s’appuyant sur des métriques spécifiques à chaque
niveau et incommensurables ;
•
dépasser l’inventaire des entités pour prendre en compte l’importance des
interactions entre elles, que ce soit à court terme comme fondement des services
des écosystèmes ou à long terme comme moteur de l’adaptation du vivant ;
•
percevoir et mesurer, à l’échelle humaine, des variations éventuelles de cette
biodiversité.
Le tableau suivant présente des exemples d’indicateurs pour ce rapport (la plupart
proposés dans la Stratégie nationale pour la biodiversité, SNB).
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Octobre 2011
- Chapitre 1 -
Critères d’état
de la biodiversité
Abondance
et distribution
d’espèces
sélectionnées
Espèces
menacées
Exemples d’indicateurs d’état
Évolution de l’abondance des oiseaux
communs
Indice poissons de rivière
Évolution de l’abondance des poissons
marins pêchés
Évolution des espèces dans la Liste rouge
française de l’UICN*
État de conservation des espèces d’intérêt
communautaire
État de conservation des habitats d’intérêt
communautaire
Indice de spécialisation des Communautés
(abondance des espèces spécialistes /
abondance des espèces généralistes)
Teneur en carbone organique du sol
Biodiversité
ordinaire
État écologique des masses d’eau douce
État écologique des masses d’eau
de transition et marines
Indice de déficit foliaire
Biomasse forestière au-dessus du sol
Biomasse forestière souterraine
Nom de la base
de données existante
Programme STOC*
ONEMA*
Ifremer
UICN*
Base de données des
analyses de terre (BD-AT)
Système d’information
sur l’eau (Sandre)
Système d’information
sur l’eau (Sandre)
Réseau européen de suivi
des dommages forestiers
IFN*
(*) STOC : Suivi temporel des oiseaux communs ; ONEMA : Office national de l’eau et des milieux
aquatiques ; UICN : Union internationale pour la conservation de la nature ; IFN : Inventaire forestier
national.
Pour la France d’outre-mer, la SNB propose des indicateurs adaptés tels que
l’abondance et la distribution d’espèces sélectionnées (programme STOC DOM-TOM,
oiseaux protégés, tortues marines, cétacés, plantes vasculaires), la surface et la
composition des régions de forêt, la surface des zones humides, ou encore la surface
des récifs coralliens.
Les indicateurs de réponse
Ces indicateurs doivent décrire la réponse des individus (ou de groupes d’individus) et
des pouvoirs publics pour prévenir, compenser ou améliorer l’état de la biodiversité,
ou encore pour s’adapter à ce nouvel état. Les réponses peuvent se manifester au
niveau des forces motrices (réduction du niveau de production par exemple), et/ou de
la relation entre une force motrice et la pression (mise en place d’une technologie de
dépollution). Elles peuvent également intervenir directement sur l’état de la
biodiversité (réhabilitation des sols pollués par phytoremédiation par exemple).
Ce sont tout particulièrement les réponses s’appliquant aux forces motrices qui ont
attiré l’attention du groupe de travail, puisqu’elles rendent visibles les comportements
positifs de certains secteurs économiques. Il est difficile d’adopter la même démarche
que précédemment et d’isoler des modalités de réponses tant les réponses sont
diverses et dépendantes du secteur considéré. Il est néanmoins possible de citer
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Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
quelques exemples d’indicateurs tels que la part des nouvelles constructions sur des
1
sols déjà artificialisés, ou encore, la densité des nouvelles constructions .
Synthèse des indicateurs
La figure suivante donne une vision d’ensemble des « boîtes d’indicateurs » pour les
forces motrices, les pressions et l’état de la biodiversité proposées pour cette étude.
Aides
publiques
Forces
motrices
Pressions
Surexploitation
Etat de la
biodiversité
Prélèvement
par espèce
Transport
Prélèvement d’eau douce
Agriculture
Qté de MO exportée
Subventions
Pollution
Industrie
manufacturière
Eau
Production d’énergie
Air
Communication
Gaz à effet de serre
Foresterie
Habitats
Abondance et
distribution
d’espèces
sélectionnées
Sol
Dépenses
fiscales
Espèces menacées
Qualité
Fragmentation
…
Subventions
implicites
Transformation
Simplification
Activités recréatrices
Biodiversité ordinaire
Artificialisation
Pêche
Espèces invasives
Volontaire économique
Education
Volontaire récréatif
Involontaire
Le cheminement entre indicateurs peut être illustré par l’exemple du Schéma national
des infrastructures de transport (SNIT) instauré par la loi « Grenelle 1 ». Cette mesure
propose une liste d’actions d’amélioration des réseaux et une liste de « projets de
développement » portant sur de nouvelles infrastructures ferroviaires, fluviales ou
routières. Selon le rapport d’évaluation globale de l’avant-projet de SNIT (CGDD,
2
2011) , la part publique (État et collectivités territoriales) du financement du
développement des réseaux serait supérieure à 76 % pour un total d’environ
170 milliards d’euros.
L’objectif est de pouvoir observer, toutes choses égales par ailleurs, l’impact de ce
dispositif, en grande partie financé par les pouvoirs publics, sur l’état de la biodiversité
via les indicateurs de force motrice, de pression et d’état ci-dessus :
(1) Le gouvernement britannique utilise déjà ce type d’indicateurs dans sa stratégie de développement durable ; Defra (2009), Sustainable development indicators in your pocket 2009: An update
of the UK Government strategy indicators, 163 p.
(2) CGDD (2011), Rapport d’évaluation globale de l’avant-projet consolidé de Schéma national des
infrastructures de transport, Commissariat général au développement durable, 61 p.
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- 116 -
Octobre 2011
- Chapitre 1 -
•
•
•
Indicateurs de force motrice :
−
nombre de kilomètres d’infrastructures de transport construits par an : la mise
en application du SNIT va-t-elle augmenter le linéaire de routes, de voies
ferrées… ? ;
−
nombre de véhicules particuliers par jour en UVP : le développement des
infrastructures de transport, suite à la mise en application du SNIT, va-t-il
augmenter le niveau du trafic routier ? ;
−
niveau de congestion : les infrastructures supplémentaires vont-elles réduire le
niveau de congestion ? ;
−
nombre de bâtiments neufs par an : les nouvelles infrastructures vont-elles
générer de nouvelles zones d’habitation et/ou d’activités ?
1
Indicateurs de pression :
−
perméabilité des infrastructures : l’évolution du trafic exprimé en nombre
d’UVP et les modifications apportées à certaines infrastructures vont-elles
influer sur la perméabilité des infrastructures ? ;
−
concentration moyenne annuelle de NOx et autres polluants atmosphériques
dans l’air ambiant : le niveau de congestion va-t-il avoir un effet sur la qualité
de l’air ambiant ? ;
−
émissions annuelles de GES et de polluants atmosphériques : l’évolution du
trafic va-t-elle modifier les émissions de GES et de polluants atmosphériques ? ;
−
surface artificialisée annuellement : les routes et bâtiments neufs vont-ils
étendre la surface artificialisée, i.e. étalement urbain ? ;
−
SAU artificialisée annuellement : les surfaces artificialisées se substituent-elles
aux surfaces agricoles ?
Indicateurs d’état de la biodiversité :
−
évolution de l’abondance des oiseaux communs, i.e. indice STOC : la hausse
de la pollution et/ou la hausse de la surface artificialisée vont-elles réduire
l’abondance des oiseaux communs dans la zone en question ? ;
−
état de conservation des habitats, si la zone de construction se situe sur une
zone d’intérêt communautaire : la hausse de la pollution et/ou la hausse de la
surface artificialisée ou l’augmentation de la fragmentation vont-elles influer
sur l’état de conservation des habitats ? ;
−
évolution des espèces citées dans Liste rouge française de l’UICN : la
perméabilité de l’infrastructure ou l’atteinte à leurs habitats spécifiques
réduisent-elles le taux de survie de certaines espèces de la Liste rouge ?
(1) Au stade de la force motrice, on indique s’il y a ou non construction de nouveaux bâtiments,
puis, au stade de la pression, on précise si les nouvelles constructions sont en centre-ville ou si
elles produisent de l’étalement urbain. La question est de savoir comment le SNIT modifie les
origines et destinations des déplacements, via la localisation des habitations, emplois, etc.
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Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
3.3. Un système complexe de relations de causalité
Théoriquement, une fois les indicateurs identifiés et renseignés, les relations entre ces
indicateurs doivent être connues afin d’être en mesure de valider un éventuel lien de
causalité entre une aide publique et l’état de la biodiversité.
Après avoir présenté le principe général de caractérisation des liens de causalité,
cette section essaie de décrire, de la façon la plus synthétique possible, le système de
relations entre les différents types d’indicateurs.
Principe général
L’objectif ici est de définir une ligne directrice pour pouvoir affirmer ou non l’existence
d’un lien entre une aide publique et l’état de la biodiversité à partir d’indicateurs tels
que ceux proposés précédemment.
Les liens entre indicateurs sont simplement normalisés par un signe négatif ou positif :
•
négatif pour signifier que l’indicateur en amont diminue l’indicateur en aval ;
•
positif pour indiquer que l’indicateur en amont augmente l’indicateur en aval.
Le schéma suivant illustre ce principe.
Aides
publiques
Indicateurs de
force motrice
+/ -
+/-
Indicateurs de
pression
+/-
Indicateurs
d’état
Toute la difficulté réside dans la capacité à isoler une relation entre deux indicateurs
toutes choses égales par ailleurs. L’évolution d’un indicateur dépend en effet d’un
grand nombre de paramètres, certains pouvant figurer parmi les indicateurs
sélectionnés. Ces paramètres ont chacun leur propre impact, positif ou négatif, sur
l’indicateur à expliquer. Distinguer une relation dans un système de relations comme
celui-ci n’est donc pas chose aisée.
Par ailleurs, selon la disponibilité de l’information, trois cas de figures sont
possibles :
•
les relations ont été étudiées à plusieurs reprises et une relation quantitative
(élasticité) peut être établie. Il suffit alors d’observer le niveau de l’indicateur amont
pour en déduire celui des indicateurs aval ;
•
les relations sont connues à travers des études de cas ou à dire d’expert et le sens
de la relation (positif ou négatif) fait consensus. Il est alors possible de déduire
l’évolution des indicateurs aval à partir de celle de l’indicateur amont ;
•
il n’existe pas de données et il est alors impossible de conclure quant à l’évolution
des indicateurs.
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- 118 -
Octobre 2011
- Chapitre 1 -
La démarche est donc limitée, dans le meilleur des cas, à la caractérisation du sens
de la relation (augmente ou diminue). La magnitude de la relation, i.e. l’ampleur de
l’effet, est très rarement précisée, les liens de causes à effets étant, le plus souvent,
insuffisamment documentés.
En appliquant ce principe à l’exemple du SNIT précité, même si les données ne
peuvent être confirmées à ce jour, les relations suivantes peuvent être avancées pour
l’artificialisation des habitats naturels :
•
la mise en œuvre du SNIT devrait voir augmenter le nombre de kilomètres d’infrastructures de transport construits (relation entre aide publique et indicateur de
force motrice) ;
•
ces nouvelles infrastructures pourraient représenter de 150 km² à 300 km de
surfaces artificialisées supplémentaires au total par rapport à la situation actuelle,
les aménagements ou renforcements d’infrastructures existantes n’étant pas pris
1
en compte (DGITM, 2010 ), de même que l’effet induit sur l’urbanisation, qui peut
2
être sensiblement plus important (relation entre indicateur de force motrice et
indicateur de pression) ;
•
les zones Natura 2000 pourraient être concernées à hauteur de 12 % par les
projets d’infrastructure (DGITM, 2010) et voir leur état de conservation se
détériorer (relation entre indicateur de pression et indicateurs d’état de la
biodiversité).
2
… et dans le cas du changement climatique :
•
les nouvelles infrastructures de transport devraient produire une hausse de
trafic (relation entre aide publique et indicateur de force motrice) ;
•
selon l’avant-projet de SNIT, la hausse de trafic devrait être compensée par la
baisse des émissions unitaires de gaz à effet de serre dues au progrès technique,
un léger progrès supplémentaire étant dû à l’effet propre du SNIT. Le SNIT fait
finalement apparaître une quasi-stabilité ou une très légère baisse des émissions
3
de gaz à effet de serre d’ici 2025 (Autorité environnementale, 2011 ). L’Autorité
environnementale émet toutefois des réserves quant à ce bilan, notamment, parce
qu’il ne prend pas en compte les émissions durant la phase chantier de la
4
réalisation des projets , ou encore, parce que les modèles de prévision utilisés
pour ces évaluations ne sont, a priori, pas valides pour évaluer les effets globaux
d’un réseau avec modification globale des origines et des destinations, ou encore,
parce que les prévisions de l’avant-projet de SNIT ne permettent pas d’apprécier
si la capacité d’absorption de trafic (voyageurs et fret) par le réseau ferroviaire,
après SNIT, est suffisante pour permettre un report modal beaucoup plus fort en
vue de contribuer plus nettement à l’objectif de réduction de 20 % des émissions
(1) DGITM (2010), Avant-projet de Schéma national des infrastructures de transport soumis à
concertation, 9 juillet, 178 p.
(2) Les impacts induits sur l’urbanisme résidentiel, industriel ou tertiaire (zone d’activité à proximité
des nœuds du réseau, impacts des modifications de la logistique, etc.) sont probablement la
principale source d’impact sur la biodiversité, par l’intermédiaire de l’artificialisation des sols et de la
perturbation des habitats. Le SNIT n’en fournissait aucune appréciation.
(3) Autorité environnementale (2011), Avis délibéré de l’Autorité environnementale sur l’avant-projet
de Schéma national des infrastructures de transport (SNIT), n° Ae : 2010-32, 20 p.
(4) Une hausse des émissions a, par exemple, été mise en évidence par l’étude du bilan carbone de
la LGV Rhin-Rhône du fait de l’augmentation des émissions pendant la phase de chantier
(référence : www.bilan-carbone-lgvrr.fr/).
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- 119 -
Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
de GES d’ici à 2020 (relation entre indicateur de force motrice et indicateur de
pression) ;
•
les émissions de GES étant stables sur la période, on ne prévoit pas d’effet sur les
indicateurs d’état de la biodiversité (relation entre indicateur de pression et
indicateurs d’état de la biodiversité).
Les relations entre indicateurs de force motrice et indicateurs de pression
1
Selon Smet et Weterings (1999) , la relation entre le niveau d’une force motrice et celui
d’une pression dépend de la capacité de l’activité anthropique à réduire ses effets sur
les écosystèmes et la biodiversité. Autrement dit, plus la construction d’infrastructures
de transport prend en compte les contraintes de fragmentation des habitats,
d’émissions de substances polluantes, etc., moins elle augmentera le niveau des
indicateurs de pression.
Par ailleurs, une force motrice peut influer sur plusieurs indicateurs de pression (voir la
figure ci-dessous dans le cas du transport routier)…
Indicateurs de force motrice
Indicateurs de pression
Indicateurs d’état
Destruction et dégradation de l’habitat
km2
imperméabilisés/an
Artificialisation
Km2 drainés
Transformation
Perméabilité de la
zone anthropisée
Fragmentation
ÉtatÉtat de la biodiversité
Pollution
Transport
routier
t de Nox /an
t de PM10/an
t de HAP/an
t de sels de salage
Air
t de pesticide/an
Eau
t de métaux
lourds/an
Sol
t de CO2/an
CO2 et Climat
Espèces invasives
Intensité des
échanges com.
internationaux
Involontaire
…et un indicateur de pression peut être dépendant de plusieurs forces motrices (voir
figure suivante pour la destruction et la détérioration des habitats).
(1) Smet E. et Weterings R. (1999), Environmental indicators: Typology and overview, op. cit.
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Octobre 2011
- Chapitre 1 -
Indicateurs de force motrice
Transport
routier
Agriculture
Logement
Activité
récréative (golf)
Indicateurs de pression
Indicateurs d’état
ÉtatÉtat de la biodiversité
Destruction et dégradation de l’habitat
km2
imperméabilisés/an
Artificialisation
km2 drainés
Transformation
Perméabilité de la
zoneanthropisée
Fragmentation
Enfin, une force motrice peut avoir des effets indirects. Par exemple, la construction
d’une route peut entraîner le développement de nouvelles activités commerciales,
industrielles et récréatives qui vont elles-mêmes constituer de nouvelles forces
motrices.
Les relations entre indicateurs de pression et indicateurs d’état
Selon la disponibilité de l’information, la relation entre un indicateur de pression et un
indicateur d’état peut se caractériser par l’un ou plusieurs des critères suivants :
•
possibilité de retour à un bon état de la biodiversité (notion de réversibilité) ;
•
forme de la relation (relation linéaire, relation de type « effet de seuil », etc.) ;
•
temporalité de la relation (effets importants lors de la phase de chantier par
exemple) ;
•
situation géographique de la relation (les impacts sont très dépendants des
caractéristiques du milieu).
Une pression peut également produire des effets indirects. C’est le cas de la
fragmentation du parcellaire des exploitations situées aux abords d’une nouvelle route
qui va entraîner une opération de remembrement. Cette opération va à son tour
augmenter la détérioration des habitats.
Enfin, il existe des interactions entre pressions. C’est le cas du changement climatique
sur le développement de certaines espèces invasives, ou encore de l’artificialisation
sur le ruissellement des stocks de polluants présents sur les voies. Autres exemples
intéressants :
•
la transformation des habitats par le drainage peut produire des effets importants
sur le cycle de l’eau (le drainage peut notamment perturber l’approvisionnement
des nappes phréatiques, il peut aussi accélérer la pollution des rivières) ;
•
les espèces invasives peuvent détériorer la qualité des habitats.
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- 121 -
Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
Les relations entre aides publiques et indicateurs de force motrice
On peut distinguer trois principaux types de relations :
•
l’aide a un objectif non environnemental et encourage le développement d’une
activité anthropique qui peut elle-même augmenter le niveau d’une (plusieurs)
force(s) motrice(s) (exemple d’une raffinerie) ou, au contraire, réduire une (des)
force(s) motrice(s) (exemple de certains types d’agriculture comme la polyculture
élevage), ou même avoir un effet mixte ;
•
l’aide a un objectif environnemental mais ne prend pas en compte la biodiversité.
Elle peut alors avoir un effet neutre sur les forces motrices ou augmenter
indirectement une force motrice (exemple des aides au photovoltaïque au sol) ;
•
l’aide a un objectif de biodiversité et va encourager des pratiques vertueuses.
Cette aide va alors réduire le niveau des forces motrices.
Lorsqu’une aide publique agit sur plusieurs forces motrices qui, elles-mêmes, peuvent
influer sur plusieurs pressions et finalement sur l’état de la biodiversité, ou, lorsque
plusieurs aides sont mises en œuvre simultanément et agissent sur plusieurs forces
motrices, chacune de ces relations pouvant être positive ou négative, le résultat de
l’ensemble de ces impacts sur la biodiversité est difficilement anticipable.
L’interprétation d’une combinaison de relations nécessite, en effet, notamment, de
bien connaître la magnitude des relations ainsi que les interactions entre forces
motrices, pressions et biodiversité. Ces informations étant peu ou pas disponibles, les
relations entre une aide et la biodiversité sont analysées individuellement.
Le périmètre géographique d’application d’une aide ajoute, en outre, une dimension
de classification intéressante. Il permet de différencier les aides associées à une force
motrice située sur :
•
un milieu fragile ou rare (exemple de la Crau ou de la Camargue) ;
•
ou un milieu relativement pauvre (exemple de la Beauce).
L’effet d’une aide sur des forces motrices dépend, aussi, des conditions techniques,
biophysiques et économiques de la région dans laquelle se situe l’agent ciblé par le
dispositif. Il est bien sûr difficile de contrôler l’ensemble de ces paramètres.
Néanmoins, à titre d’exemple, bien que la Beauce ait un intérêt certain pour la
biodiversité avec des espèces menacées (telle l’outarde canepetière), de façon
générale, la diversité des espèces en Camargue est plus importante et les effets d’une
aide appliquée en Beauce sont considérés comme moins dommageables à la
biodiversité qu’une même aide appliquée en Camargue, toutes choses étant égales
par ailleurs.
En outre, une aide agissant sur un déterminant de force motrice, i.e. une aide
indirecte, est prise en compte au même titre qu’une aide directement affectée à une
force motrice. La figure suivante illustre la diversité des aides plus ou moins directes
qui peuvent influer sur la consommation d’agrocarburants par habitant.
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- 122 -
Octobre 2011
- Chapitre 1 -
Subventions sur
l’offre de
produits
intermédiaires
Biens intermédiaires
Production
Consommation
Nourritures pour le bétail
Subventions aux
récoltes et à
l’irrigation
Subventions à
l’industrie
utilisant ces
produits dérivés
Eau
Consommate
urs de ces
produits
dérivés
Energie
Subventions à
l’énergie
Subventions
aux intrants
intermédiaires
Produits dérivés
Entreprise de
biocarburants
Véhicules :
Car, bus,
camions.
Biocarburants
Subventions aux
facteurs de
production
Capital
Travail
Terre
Facteurs de production
apportant de la valeur ajoutée
Subventions à
la
production :
* exonérations
d’impôts liées
au niveau de
production
* exemptions
de taxes
* support aux
prix du
marché
(tarification
douanière)
Subventions
au stockage
et à la
distribution
Subventions à
l’achat de
biocarburants
Subventions à
l’achat des
véhicules
Source : Presentation, OECD Workshop on estimating support to Fossil Fuels, Paris, 18-19 novembre, 2010
On peut voir dans cet exemple, qu’une seule aide est appliquée directement à la
consommation d’agrocarburants (subventions à l’achat d’agrocarburants, en encadré
rouge) alors qu’il existe de nombreuses aides indirectes : subventions à l’achat des
véhicules adaptés, subventions au stockage et à la distribution, subventions à la
production, subvention aux facteurs de production et aux intrants intermédiaires et
subventions sur l’offre de produits intermédiaires.
Enfin, l’attention doit être portée sur les impacts des éventuelles substitutions
générées par un dispositif d’aides. En reprenant l’exemple des biocarburants, passer
du maïs à la betterave éthanol a sans doute un effet faible sur la biodiversité, alors que
le passage de la forêt amazonienne à la canne à sucre a un impact majeur.
4 L’approche retenue
Au final, la démarche d’analyse des aides publiques défavorables à la biodiversité
adoptée dans ce rapport s’est fondée sur les principes opérationnels suivants :
•
examiner tous les types d’aides publiques (subventions budgétaires directes,
dépenses fiscales, politiques de soutien aux prix et aux revenus, conditions
financières avantageuses, etc.)… ;
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- 123 -
Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
•
…engagées aussi bien au niveau national qu’aux niveaux infranational et
supranational (européen et international), même s’il est plus difficile de formuler
des propositions au niveau supranational ;
•
déterminer, au cas par cas, et de manière contradictoire au sein du groupe, le
caractère dommageable de l’aide publique en matière de biodiversité par
comparaison avec une situation d’absence d’aide publique, en tenant compte de
l’effet de l’aide sur les comportements des acteurs et in fine sur la biodiversité tel
que le met en évidence l’analyse effectuée dans le cadre du modèle DPSIR ;
•
pour reconfigurer une aide publique qu’on aura identifiée comme dommageable à
la biodiversité, garder comme point de référence conceptuelle le niveau optimal
des prix internalisant toutes les externalités négatives affectant la biodiversité, en
vue de recommandations éventuelles. Pour cela, on s’appuiera, entre autres, sur
les travaux passés du CAS donnant des valeurs tutélaires, notamment concernant
la biodiversité (rapport Chevassus-au-Louis), le Handbook on Estimation of
External Costs in the Transport Sector, les travaux suisses sur la Redevance poids
lourds liée aux prestations, les études du SETRA, etc. ;
•
le cas échéant, le recours à la norme et à la réglementation pourra être envisagé si
l’instauration d’un prix internalisant paraît difficile ou peu opérationnel.
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Octobre 2011
Chapitre 2
Les cinq principales causes d’érosion
de la biodiversité en France
Les facteurs de déclin de la biodiversité sont usuellement regroupés en cinq grandes
catégories : la destruction et la détérioration des habitats, la surexploitation des
ressources naturelles, la pollution, les espèces exotiques envahissantes et le
changement climatique. Ces cinq catégories sont internationalement reconnues. Elles
ont notamment été reprises lors de la Conférence française de la biodiversité de
Chamonix en 2010, ainsi que dans la Stratégie nationale pour la biodiversité de 2011
et le Global Biodiversité Outlook. Leurs principales caractéristiques sont ici présentées
après un bref rappel sur le concept de biodiversité et un état des lieux de la situation
française.
1 Un capital exceptionnel mais menacé
Cette partie évoque d’abord la notion de biodiversité, puis, les instances de
connaissance de la biodiversité en France. Elle décrit ensuite la diversité des habitats
et des espèces vivant sur le territoire français et fait un bilan de leur état de
conservation.
1.1. Biodiversité, biodiversités : de quoi s’agit-il ?
Trois grandes étapes ont marqué l’évolution du concept de biodiversité si l’on
considère l’étude de la diversité du vivant comme les prémisses du concept.
Bien que l’étude de la diversité du vivant apparaisse dès l’Antiquité, ce n’est qu’à
e
partir du XVIII siècle que la discipline connaît un véritable essor. Au cours de ce
siècle, des jalons scientifiques tels que la classification de Linné, la théorie de
l’Évolution, puis l’apparition de la génétique et enfin de l’écologie marquent le
développement d’un concept patrimonial de la biodiversité support de l’Évolution
1
(Le Roux et al., 2008 ).
(1) Le Roux X., Barbault R., Baudry J., Burel F., Doussan I., Garnier E., Herzog F., Lavorel S., Lifran R.,
Roger-Estrade J., Sarthou J.-P., Trommetter M. (éd.) (2008), Agriculture et biodiversité. Valoriser les
synergies, Expertise scientifique collective INRA, 114 p.
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- 125 -
Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
La deuxième étape se situe dans les années 1980, lorsque le terme même de
biodiversité apparaît puis est popularisé lors du Sommet de la Terre de Rio en 1992.
La notion de biodiversité est alors définie comme un ensemble de trois niveaux
1
d’organisation du vivant :
•
la diversité écologique (ou diversité des écosystèmes) ;
•
la diversité spécifique (diversité des espèces ou interspécifique) ;
•
la diversité génétique (diversité intra-spécifique).
La présente décennie constitue une troisième étape dans l’évolution de la notion avec
le développement de l’écologie fonctionnelle et, en parallèle, une conception
utilitariste de la biodiversité dans laquelle la biodiversité est le support de services
écosystémiques. Le rapport du Millennium Ecosystem Assessment de 2005 promeut
cette approche. Elle est également reprise dans l’évaluation des écosystèmes pour le
2
Millénaire (EM, 2005) , qui propose quatre catégories de services écosystémiques
dépendant de l’état de la biodiversité :
•
les services d’approvisionnement (aliments, eau douce, médicaments dérivés des
plantes, etc.) ;
•
les services de régulation (filtration des polluants par les zones humides, régulation
du climat par le biais du stockage du carbone et le cycle hydrologique,
pollinisation et protection contre les catastrophes naturelles, etc.) ;
•
les services culturels (activités récréatives, valeurs spirituelles et esthétiques,
éducation, etc.) ;
•
les services de soutien (formation des sols, photosynthèse et cycle des
nutriments).
3
Le rapport TEEB sur l’économie des écosystèmes et de la biodiversité s’en inspire
également en analysant la valeur de la biodiversité essentiellement à partir de la
traduction économique des services rendus par les écosystèmes.
Le groupe de travail a ainsi défini la biodiversité comme la diversité des espèces
(faune, flore, champignons et micro-organismes), de leurs gênes, des
écosystèmes ainsi que de leurs interactions, notamment entre espèces.
Au sein de la biodiversité, le groupe distingue deux composantes : l’une, qualifiée de
« remarquable », correspondant à des entités (gènes, espèces, habitats, paysages)
que la société a identifiées comme ayant une valeur intrinsèque, même si elle est
difficilement quantifiable, justifiant l’attachement collectif à sa préservation ; l’autre,
qualifiée de « générale » (ou « ordinaire »), n’ayant pas de valeur intrinsèque identifiée
comme telle mais qui, par l’abondance et les multiples interactions entre ses entités,
(1) Cette définition est reprise dans la Convention pour la diversité biologique ou Convention de Rio
signée en 1992 : « La variabilité des organismes vivants de toute origine, y compris, entre autres, les
écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques
dont ils font partie ; cela comprend la diversité au sein des espèces et entre les espèces, ainsi que
celle des écosystèmes » (article 2 de la CDB).
(2) EM – Évaluation des écosystèmes pour le Millénaire (2005), Millennium Ecosystem Assessment,
General Synthesis Report, Island Press, Washington D.C.
(3) TEEB (2010), L’Économie des écosystèmes et de la biodiversité : Intégration de l’Économie de la
nature. Une synthèse de l’approche, des conclusions et des recommandations de la TEEB.
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Octobre 2011
- Chapitre 2 -
contribue à des degrés divers au fonctionnement des écosystèmes et à la production
des services qu’y trouvent nos sociétés.
Les contributions de la biodiversité à la vie et au bien-être des hommes, aussi
appelées « services écosystémiques », sont indispensables à la vie sociale et aux
activités économiques, à travers la fourniture des aliments, de combustibles et de
matériaux de construction ; la purification de l’air et de l’eau ; la stabilisation et la
modération du climat de la planète ; la modération des inondations et des
sécheresses ; la génération et le renouvellement de la fertilité des sols ; le maintien
des ressources génétiques qui contribuent à la sélection variétale des cultures et des
animaux d’élevage, produisent des substances utilisables notamment comme
médicaments et procurent des bienfaits récréatifs, esthétiques et culturels (Millennium
Ecosystem Assessment, 20051).
Les services écosystémiques résultent principalement des interactions entre
organismes vivants. Ces interactions façonnent les milieux et les flux physiques,
chimiques et biologiques au sein des écosystèmes. La purification de l’air ou de l’eau,
le stockage du carbone, la fertilité des sols sont autant de services résultant de
l’interaction des organismes avec leur environnement. À chaque type d’écosystème
(forêt, zones humides, prairies, coraux, etc.) correspondent des fonctions et des
services différents, eux-mêmes dépendants de l’état de l’écosystème, des pressions
2
qui s’exercent sur lui mais également de l’usage qu’en font les hommes .
Deux variables majeures permettent d’apprécier la biodiversité : l’abondance et la
variabilité. L’abondance détermine directement la quantité de services produits pour
l’homme ; dans un stock de poissons, c’est plus l’abondance qui compte que la
diversité génétique ou spécifique) et sa probabilité de maintien. Dans la crise de la
biodiversité actuelle, au-delà de l’extinction, c’est la raréfaction qui pose un problème
considérable. La variabilité est un facteur majeur du potentiel d’adaptation de la
biodiversité et donc de sa survie.
L’importance de la biodiversité ne se réduit donc pas à celle des espèces protégées,
autrement dit à la « biodiversité remarquable », dont les éléments sont souvent bien
identifiés. Il est également nécessaire de maintenir la « biodiversité ordinaire », qui
correspond à l’activité d’organismes n’ayant pas de valeur singulière perçue comme
telle mais qui, par leur abondance et leurs multiples interactions, contribuent à des
degrés divers (parfois de manière indispensable même si leur rôle n’est pas reconnu)
3
au fonctionnement des écosystèmes et à la production de services écosystémiques .
1.2. La multiplicité des instances de connaissance de la biodiversité
La biodiversité est surveillée par deux grands types d’outils : les observatoires et les
inventaires.
(1) Millennium Ecosystem Assessment (2005), Ecosystems and Human Well-being: Biodiversity
Synthesis, World Resources Institute, Washington, DC, 86 p.
(2) Ibidem.
(3) Centre d’analyse stratégique (2009), L’approche économique de la biodiversité et des services
liés aux écosystèmes, rapport de la mission présidée par Bernard Chevassus-au-Louis, Paris,
La Documentation française, 400 p. Ce rapport montre pour quelques écosystèmes présents sur le
territoire national, comment il est possible d’estimer la valeur monétaire d’un certain nombre de
leurs services, ainsi que les limites de ce type d’évaluation.
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Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
Les observatoires sont nombreux et présents à différentes échelles du territoire. Le
tableau suivant fait un état des observatoires de la biodiversité en France selon
1
l’UICN .
Echelle
Titre
Europe
Observatoire
européen de
la Biodiversité
France
Observatoire
national de
la Biodiversité
France
Écoscope
Région
Observatoire
régional
Département
Observatoire
départemental
Collectivités
locales
Observatoire
communal et
intercommunal
Opérationnalité
Mise en œuvre prévue lors de la séance plénière des 17 et
18 juin 2009 du Comité des Régions d’Europe
Cet observatoire serait alimenté par des observatoires à
des échelles nationales, régionales et autres niveaux
infranationaux2
Mise en œuvre prévue dans l’article 25 du Grenelle de
l’environnement3
Il aura un rôle structurant pour les diverses initiatives
d’inventaires et de bases de données, notamment
l’intégration du futur Système d’information sur la nature
et les paysages (SINP)
Il permettra également de produire les indicateurs de la
biodiversité à l’échelle nationale développés lors de la
Stratégie nationale pour la biodiversité (Popy, 20094)
En complémentarité de l’observatoire national, la FRB
(Fondation pour la recherche sur la biodiversité) tente de
coordonner, via l’écoscope, les dispositifs d’observation,
afin de faire progresser la recherche dans le domaine, mais
aussi simplement afin d’apporter les connaissances sur la
biodiversité
Ce type d’observatoire peut être initié par des collectivités
territoriales (observatoires de Bourgogne, HauteNormandie, Poitou-Charentes, Rhône-Alpes, Île-de-France),
des DIREN/DREAL (observatoire de la faune sauvage en
Aquitaine), des groupements DIREN/Conseil régional
(Observatoire régional du patrimoine naturel en Bretagne).
Ces observatoires se veulent des relais régionaux de
l’observatoire national5
Quelques départements sont déjà dotés d’un observatoire
de ce type (Seine-Saint-Denis, Gironde, Haute Savoie,
Seine et Marne, Isère)
Encore peu d’observatoires de ce type
(1) De Clap F. et Moral V. (2010), Biodiversité & Collectivités : Panorama de l’implication des
collectivités territoriales pour la préservation de la biodiversité en France métropolitaine, Comité
français de l’UICN, Paris.
(2) Avis du Comité des régions sur « Un nouvel élan pour enrayer la diminution de la biodiversité »,
e
80 session plénière, 17-18 juin 2009, p. 12.
(3) Loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de
l’environnement, JO du 5 août 2009 : cet article propose la « mise en place d’un observatoire
national de la biodiversité mettant à la disposition du public une information actualisée ».
(4) Popy S. (2009), Projet d’Observatoire régional de la biodiversité en Languedoc-Roussillon :
synthèse sur les observatoires existants, CEMAGREF, mars, p. 8 et 30.
(5) MEEDDAT (2009), Compte rendu de la réunion des administrateurs secondaires de l’Inventaire
des dispositifs de collecte Nature et Paysage du 26 janvier, p. 3.
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- Chapitre 2 -
Les inventaires et suivis de l’état de la biodiversité (faune, flore et habitats) sont, pour
la plupart, des initiatives d’associations environnementales (FNE, LPO, SFEPM, OPIE
1
etc.) , des Conservatoires d’espaces naturels, et des Conservatoires botaniques
nationaux. L’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) et l’Office
national des forêts (ONF) réalisent également leurs propres inventaires. Les
organismes de recherche, CNRS, INRA, muséum, développent aussi des dispositifs
de suivi.
C’est dans un souci de coordination de ces efforts d’inventaire que le ministère de
l’Écologie a décidé de mettre en œuvre le Système d’information sur la nature et les
2
paysages (SINP) . Ce dispositif vise à favoriser « une synergie entre les acteurs pour
la production, la gestion, le traitement, la valorisation et la diffusion des données sur la
nature et les paysages ».
3
Les zones de grandes richesses en biodiversité (exemple des ZNIEFF) ainsi que les
listes rouges de l’UICN des espèces les plus menacées sont établies sur la base de
ces inventaires.
1.3. Un patrimoine très riche
La France métropolitaine se trouve dans quatre des onze zones biogéographiques
4
européennes (atlantique, continentale, méditerranéenne et alpine), ce qui en fait l’un
des pays de l’Union européenne dont les types d’écosystèmes sont les plus divers.
Plus de 75 % des types d’habitats naturels identifiés comme prioritaires en Europe se
trouvent en métropole. Celle-ci abrite, en outre, 40 % de la flore d’Europe. Les
habitats méditerranéens sont particulièrement importants de par leur diversité en
espèces végétales (13 000 espèces endémiques). L’ensemble du territoire métropolitain est, par ailleurs, remarquable par la diversité de ses paysages et l’ancienneté
des relations homme-nature (UICN, 2005).
Les collectivités françaises d’outre-mer sont situées dans huit grandes régions
biogéographiques des zones australe, antarctique, équatoriale, tropicale et subboréale. Elles possèdent, en outre, 55 000 km² de récifs coralliens et de lagons, ce qui
équivaut à près de 10 % des récifs mondiaux (SNB, 2009).
La biodiversité des petites Antilles françaises (Guadeloupe, Martinique, SaintBarthélemy et Saint-Martin) est l’une des plus importantes des îles Caraïbes. La baie
du Grand Cul-de-sac marin a été désignée comme zone humide Ramsar en 1993 et
une partie de la Guadeloupe est enregistrée sous le label Réserve de biosphère
depuis 1992. Bien que l’occupation humaine ne soit pas récente, l’endémisme
terrestre local et régional est encore très présent au niveau des plantes vasculaires
(1 863 espèces indigènes – 13 % d’endémisme régional), des champignons, et du
(1) FNE : France Nature Environnement ; LPO : Ligue pour la protection des oiseaux ; SFEPM : Société
française pour l’étude et la protection des mammifères ; OPIE : Office pour l’information écoentomologique.
(2) Source : circulaire du 11 juin 2007 relative à la publication et mise en œuvre du protocole du
Système d’information sur la nature et les paysages (SINP) - Bulletin officiel du ministère de
l’Écologie, du Développement et de l’Aménagement durables.
(3) ZNIEFF : Zone naturelle d’intérêt écologique faunistique et floristique.
(4) Zones biogéographiques européennes : atlantique, continentale, alpine, boréale, méditerranéenne,
arctique, macaronésienne, steppique, pannonnienne, anatolienne, littoraux de la mer Noire.
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Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
règne animal, notamment chez les reptiles (30 % d’endémisme local) et les
chiroptères (30 % à 40 % d’endémisme régional). On y recense également
1
17 espèces de cétacés et 3 de tortues (UICN, 2010 ).
La connaissance de la faune et de la flore de la Guyane est encore très incomplète.
Aujourd’hui, 5 120 espèces de plantes supérieures ont été identifiées (endémisme :
3,5 %), 480 espèces de poissons d’eau douce (endémisme : 35 % à 40 %),
100 espèces de chauves-souris et l’endémisme est de 5 % à 10 % pour les autres
groupes de vertébrés. La Guyane comprend également un important site de
reproduction pour les oiseaux marins (île du Grand Connétable). La biodiversité
marine y est aussi importante : 650 espèces d’algues, 450 de mollusques, 146 de
crustacés, 5 espèces de cétacés ainsi que le lamantin d’Amérique, et des sites de
ponte de 5 espèces de tortues marines.
Enfin, le niveau d’endémisme terrestre à la Réunion est très élevé (34 % des plantes à
fleurs, 47 % des coléoptères, 33 % des papillons, 20 % des oiseaux). Il est en
revanche plus faible dans le milieu marin (10 % des mollusques et des poissons).
1.4. Un bilan de santé incomplet mais déjà globalement pessimiste
La biodiversité mondiale connaît une érosion accrue ces dernières dizaines d’années.
Le rythme de disparition des espèces est cependant difficile à estimer. Les méthodes
de calcul évoluent et les chiffres sont constamment révisés. Au niveau mondial et au
cours de ces 100 dernières années, le Millennium Ecosystem Assessment estime que
les activités humaines ont accéléré le rythme de disparition des espèces de plus de
2
1 000 fois le rythme naturel d’extinction . Récemment, Stephen Hubbell et Fangliang
3
He ont publié un article dans la revue scientifique Nature remettant en question les
méthodes de mesure du taux d’extinction des espèces. Ils évaluent eux-mêmes un
taux d’extinction comme au moins deux fois inférieur à celui annoncé par les experts.
4
La perte de biodiversité est toutefois bien réelle. Butcher et al. (2010) indiquent, dans
la revue Science, que les indicateurs d’état de la biodiversité continuent leur évolution
à la baisse sans véritable ralentissement de rythme, alors que les indicateurs de
pression sur la biodiversité (notamment consommation et surexploitation des
ressources, espèces envahissantes, pollution par les nitrates, impacts du changement
climatique) évoluent à la hausse. Ils précisent que même si l’on peut observer
quelques succès de conservation, ceux-ci demeurent locaux, et que le taux de perte
de biodiversité ne semble pas ralentir.
(1) UICN (2010), Biodiversité de la francophonie : richesse et vulnérabilité, 273 p.
(2) Millennium Ecosystem Assessment (2005), Ecosystem and Human Well-being: Biodiversity
Synthesis, World resource Institute, Washington D.C., 86 p.
(3) He F. et Hubbell S. P. (2011), « Species–area relationships always overestimate extinction rates
from habitat loss », Nature, 473, p. 368-371.
(4) Butchart S. H. M., Walpole M., Collen B., van Strien A., Scharlemann J. P., Almond R. E., Baillie J. E.,
Bomhard B., Brown C., Bruno J., Carpenter K. E., Carr G. M., Chanson J., Chenery A. M., Csirke J.,
Davidson N. C., Dentener F., Foster M., Galli A., Galloway J. N., Genovesi P., Gregory R. D., Hockings M.,
Kapos V., Lamarque J. F., Leverington F., Loh J., McGeoch M. A., McRae L., Minasyan A., Hernández M.,
Oldfield T. E., Pauly D., Quader S., Revenga C., Sauer J. R., Skolnik B., Spear D., Stanwell-Smith D.,
Stuart S. N., Symes A., Tierney M., Tyrrell T. D., Vié J. C. et Watson R. (2010), « Global biodiversity:
Indicators of recent declines », Science, 328, p. 1164-1168.
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Octobre 2011
- Chapitre 2 -
La biodiversité présente sur le territoire français connaît le même phénomène
d’érosion. Son état de conservation est dorénavant accessible grâce à différents
dispositifs :
•
évaluation au titre de l’article 17 de la directive Habitats sur l’état de conservation
1
des habitats et des espèces d’intérêt communautaire ;
•
la liste rouge des espèces menacées de l’UNIC ;
•
le Système d’information sur la nature et les paysages du ministère de l’Écologie
(en cours de mise en place dans l’ensemble des régions du territoire français)
2
Le premier rapport d’évaluation conformément à l’article 17 de la directive
3
Habitats réalisé par Bensettiti et Trouvilliez (2009) couvre la période 2001-2006.
L’évaluation porte sur l’ensemble du territoire métropolitain et ne se limite pas aux
4
sites Natura 2000 . Selon cette première évaluation, la France compte au total
131 habitats et 290 espèces à protéger (hors espèces d’oiseaux). Plus des trois quarts
des habitats sont dans un état de conservation défavorable (inadéquat ou mauvais) et
17 % seulement sont dans un état favorable.
Les habitats en mauvais état se trouvent essentiellement dans les régions atlantiques
et continentales. Les pelouses et prairies y sont dans un état mauvais et les tourbières
dans une situation très défavorable.
La plupart des habitats littoraux, marins et côtiers sont en mauvais état de
conservation ou en état de conservation inadéquat sur les deux façades, atlantique et
méditerranéenne. Cela est essentiellement dû à la régression des aires de répartition,
aux diminutions de surfaces et à la dégradation du fonctionnement de ces habitats.
Les habitats forestiers sont, en général, en relativement bon état de conservation. Les
habitats les mieux conservés se trouvent sur le domaine alpin.
Concernant l’état de conservation des espèces, toujours selon le rapport de Bensettiti
et Trouvilliez, plus de la moitié des évaluations d’espèces à protéger concluent à un
état de conservation défavorable (mauvais : 33 % ; inadéquat : 21 %) contre 20 % à
un état favorable. La part importante des états « inconnus » (25 %) concerne surtout
5
les espèces marines, les chauves-souris et les invertébrés (CGDD, 2010) . Les plus
mauvais résultats se trouvent de nouveau dans les régions atlantique et continentale à
la fois pour la faune et la flore. En outre, 32 % de la flore alpine et 28 % de la faune
méditerranéenne sont dans un bon état de conservation.
Plus précisément, parmi les vertébrés, les amphibiens constituent le groupe le plus
menacé (55 % d’évaluations « mauvaises »). Chez les invertébrés, la situation apparaît
très défavorable pour les crustacés et les mollusques. Parmi les insectes, les papillons
et surtout les libellules sont les groupes les plus fragilisés (respectivement 31 % et
(1) La directive « Habitats » demande aux États membres de réaliser tous les six ans un rapport sur
l’évaluation du statut d’état de conservation de leur biodiversité (article 17 de la directive
92/43/CEE).
(2) www.naturefrance.fr/sinp.
(3) Bensettiti F. et Trouvilliez J. (2009), Rapport synthétique des résultats de la France sur l’état de
conservation des habitats et des espèces conformément à l’article 17 de la directive Habitats,
rapport SPN 2009/12, MNHN-DEGB-SPN, Paris, 48 p.
(4) L’évaluation ne prend pas en compte les espèces de la directive « Oiseaux ».
(5) Source : CGDD-SOeS (2010), « La biodiversité remarquable en France : résultats de la première
évaluation des habitats et espèces d’intérêt communautaire », Le Point Sur, n° 48, avril.
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Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
48 % d’évaluations « mauvaises »). Les poissons sont aussi très affectés avec deux
tiers d’évaluations défavorables. Enfin, les mammifères terrestres, hors chauvessouris, sont dans l’état de conservation le plus favorable (52 % des évaluations).
La Liste rouge des espèces menacées a été mise en place depuis 2007 par le
Comité français de l’UICN en collaboration avec le Muséum national d’histoire
naturelle. Elle vise à « dresser un bilan objectif du degré de menace pesant sur les
1
espèces à l’échelle du territoire national ou régional ».
La première liste diffusée en 2008 recense 762 espèces menacées parmi les
amphibiens, les reptiles, les mammifères marins et terrestres et les oiseaux nicheurs.
La seconde liste émise un an plus tard est élargie aux espèces d’orchidées et de
poissons d’eau douce et fait état de 778 espèces menacées au total (voir tableau cidessous pour les espèces menacées en métropole). Les territoires d’outre-mer
réunissent 87 % des espèces menacées.
Métropole
Nombre d’espèces
recensées par l’UICN
Reptiles
Amphibiens
37
34
Mammifères
119
Orchidées
160
Poissons d’eau douce
Oiseaux nicheurs
Oiseaux hivernants
Oiseaux de passage
69
277
60
52
Nombre d’espèces
menacées
7
7
11
(10 espèces continentales
et 1 marine)
27
(+ 36 sur le point
d’être menacées)
15
73
8
7
Source : Liste rouge UICN
Selon l’UICN, le déclin de la population d’oiseaux nicheurs est particulièrement
inquiétant. Plus d’une espèce sur quatre est menacée. Cette proportion est beaucoup
plus élevée qu’au niveau mondial, où 12 % des espèces d’oiseaux sont menacées
d’extinction. Pour les oiseaux terrestres, ce déclin s’explique par l’intensification des
pratiques agricoles, l’urbanisation et le drainage des zones humides. Les oiseaux
marins sont, en revanche, plus sensibles aux pollutions dues aux hydrocarbures et à
la réduction des ressources alimentaires liée au changement climatique.
Par ailleurs, seuls un habitat sur six et une espèce sur cinq considérés comme ayant
un intérêt communautaire présents en France sont dans un état de conservation
2
favorable .
Outre-mer, un certain nombre d’espèces sont menacées, toujours selon la liste rouge
UICN (2010). Dans les Antilles, 4 espèces de plantes et 8 de vertébrés sont éteintes,
(1) UICN France et MNHN (2009), La Liste rouge des espèces menacées en France – Contexte,
enjeux et démarche d’élaboration, p. 2.
(2) Commission européenne (2008), L’économie des écosystèmes et de la biodiversité.
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Octobre 2011
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38 espèces de plantes, 6 de vertébrés, 1 de mollusque et 260 à 270 de plantes
vasculaires sont menacées. Les forêts situées au-delà de 600 m d’altitude sont
encore bien conservées en Martinique et Guadeloupe. Elles sont, en revanche, en
régression en deçà de cette altitude et tout particulièrement en Guadeloupe. En
Guyane, parmi les espèces recensées, 114 plantes, 8 mammifères et 2 espèces de
reptiles sont menacés. À la réunion, 12 espèces de plantes et 22 espèces animales
endémiques sont éteintes. Quatre-vingt dix-huit plantes et 28 espèces animales sont
en danger, dont le Pétrel noir en danger critique d’extinction.
2 La destruction et la détérioration des habitats :
un impact prépondérant et multiforme
Partout dans le monde, la modification des habitats est la première cause d’érosion
de la biodiversité.
Les espèces ne réagissent pas toutes de la même façon aux modifications de leur
habitat. Cela dépend de leur « plasticité écologique ». De ce point de vue, on doit
différencier (Ramade, 1993 ; Paillât et Butet, 1994) :
•
les espèces spécialistes : inféodées à un type d’habitat particulier, ces espèces
perçoivent généralement l’espace à un grain fin et sont de fait très sensibles à la
qualité du milieu qui les abrite et à ses moindres variations ou altérations ;
•
les espèces généralistes : elles n’ont pas d’exigence écologique précise et
perçoivent l’espace à un grain plus grossier. Elles sont par conséquent moins
perméables aux modifications de leur habitat.
L’artificialisation, la semi-artificialisation et la fragmentation sont des formes de
destruction/détérioration des habitats particulièrement préoccupantes en France.
2.1. L’artificialisation
Les espaces artificialisés désignent ici les sols bâtis à usage d’habitation (immeubles,
maisons) ou à usage commercial (bureaux, usines, etc.), les sols revêtus ou stabilisés
(routes, voies ferrées, aires de stationnement, ronds-points, etc.), et d’autres espaces
non construits mais fortement modelés par l’activité humaine (chantiers, carrières,
mines, décharges, etc.). Cette catégorie inclut également des espaces « verts »
artificialisés (espaces verts urbains, équipements sportifs et de loisirs, etc.). Ces
surfaces artificialisées peuvent donc se situer hors des aires urbaines, à la périphérie
de villes de moindre importance, voire de villages, à proximité des dessertes du
réseau d’infrastructures, ou encore en pleine campagne (phénomène d’urbanisme
diffus).
L’extension de ces surfaces artificialisées induit une perte d’habitats naturels, et
souvent une perte de « ressources » lorsqu’elle se fait au détriment des sols les plus
1
riches . Aussi, cette artificialisation, lorsqu’elle s’accompagne d’une imperméabilisation de la couverture des sols (habitat, bitume, etc.), amplifie les phénomènes de
(1) Plus d’un tiers des surfaces agricoles artificialisées entre 2000 et 2006 en France métropolitaine
sont des sols ayant les meilleurs potentialités agronomiques ; source : CGDD-SOeS (2011),
« L’artificialisation des sols s’opère aux dépens des terres agricoles », Le Point Sur, n° 75.
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ruissellement augmentant de ce fait le niveau des crues, les risques d’inondation et
l’intensité érosive ; elle est généralement irréversible. En outre, l’extension urbaine
diffuse et la localisation périphérique des zones d’activités, par les déplacements et
donc les émissions supplémentaires de CO2 et d’autres polluants qu’elles induisent,
1
ont également un effet dommageable indirect sur la biodiversité .
2.2. La semi-artificialisation
Elle correspond à une réduction de la diversité spécifique ou intraspécifique ou de
l’abondance de certaines composantes de l’habitat sous l’effet de divers facteurs
(pollution, introduction d’espèces, mode de système de production, etc.). Ainsi,
depuis le début des années 1950, le changement d’utilisation des terres et la
modification des pratiques agricoles vers une plus forte intensification ont entraîné
une réduction de l’hétérogénéité et de la complexité des écosystèmes agricoles et
forestiers. Ce type de modification des habitats n’est bien sûr pas sans conséquence
2
sur la biodiversité (Le Roux et al., 2008 ).
2.3. La fragmentation
Le développement des réseaux linéaires de transport de large emprise entraîne une
fragmentation des habitats et un cloisonnement des milieux naturels. La fragmentation
peut être définie comme un double phénomène de diminution de la surface d’habitat
disponible (surface totale et surface moyenne des fragments d’habitats) et
d’augmentation de l’isolement des fragments (réduction de la connexion entre les
populations) (SETRA, 2000). Elle peut être terrestre, isolement d’une sous-partie d’un
écosystème forestier par le passage d’une route, ou aquatique, sectionnement d’une
rivière entre son amont et son aval par la construction d’un barrage.
3 La surexploitation des ressources naturelles
renouvelables : une situation alarmante pour certaines
Le problème de la surexploitation des ressources communes a donné lieu à une
3
littérature foisonnante en biologie et en économie. Warming (1911) puis Gordon
4
(1957) furent les premiers à étudier la surexploitation due à la non-limitation d’accès à
la ressource halieutique. C’est ensuite Garret Hardin qui popularise la notion à travers
5
son texte publié en 1968 dans la revue Science, « La tragédie des biens communs » .
Il y illustre le problème de « la tragédie des communs » dans lequel « chaque usager
d’une ressource commune, s’il ne se fie qu’à son intérêt individuel, va essayer
d’utiliser la ressource de façon à maximiser ses gains individuels. […] La combinaison
(1) CGDD (2009), « Dépenses de carburant automobile des ménages : relations avec la zone de
résidence et impacts redistributifs potentiels d’une fiscalité incitative », Études et documents, juin.
(2) Le Roux X. et al. (2008), Agriculture et biodiversité. Valoriser les synergies, op. cit.
(3) Warming J. (1911), « On the rent of fishing grounds », History of Political Economy, 15, p. 391-396.
(4) Gordon H. (1957), « The economic theory of a common property resource: The fishery », Journal
of Political Economic, 62, p. 124-142.
(5) Hardin G. (1968), « The tragedy of the commons ». Science, 162, p. 1243-1248.
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des intérêts individuels aboutit alors à une surexploitation et une dégradation de la
1
ressource » .
La surexploitation des ressources naturelles comprend l’exploitation des ressources
vivantes (pêche, ressources halieutiques, éventuellement exploitation forestière et
trafic illégal d’espèces) et non vivantes (extraction d’eau, de sol, de minerai). C’est un
problème global qui concerne les ressources halieutiques, agricoles, forestières mais
aussi médicinales. En France, les principales victimes de la surexploitation sont les
ressources halieutiques, le sol (carbone organique du sol), l’eau douce, les coraux et
les oiseaux tropicaux. Seuls les trois premières sont traitées dans ce rapport.
3.1. Les ressources halieutiques
Il est possible de distinguer au moins trois formes de surexploitation de la ressource
2
halieutique :
•
la surexploitation des juvéniles « se produit quand les jeunes poissons qui
deviennent disponibles à la pêcherie (les recrues) sont capturés avant qu’ils
puissent atteindre une taille raisonnable » ;
•
la surexploitation des reproducteurs a lieu lorsque « le stock parental est réduit, à
cause de la pêche, à une dimension si faible qu’il ne peut plus produire
suffisamment de jeunes poissons pour assurer son renouvellement » ;
•
la surexploitation au niveau de l’écosystème correspond à « la transformation d’un
système relativement mature et efficient en un système immature (ou stressé) ».
C’est notamment le cas lorsque le devenir d’une espèce est menacé par le
prélèvement d’une autre espèce dont elle dépend.
En France, les trois quarts des captures sont effectués dans l’Atlantique du Nord-Est.
Dans cette zone, l’état du stock halieutique est très variable d’une espèce à l’autre. En
2006, il est plutôt bon pour les espèces pélagiques mais nettement moins pour les
espèces vivant sur les fonds marins ou à proximité. En Manche Ouest et dans le golfe
de Gascogne, 20 % des stocks seraient en état critique (CGDD, 2010).
La situation des stocks en outre-mer est moins critique que dans la métropole sauf
3
pour la morue de Saint-Pierre et Miquelon . Certaines espèces pélagiques sont
également largement exploitées comme le thon obèse ou le thon jaune. Ces espèces
vivent loin des côtes dans les zones internationales et sont, de ce fait, soumises aux
4
captures de bateaux de différentes nationalités (D’Aboville, 2007) . Selon Gardes et
5
Salvat (2008) , l’état des récifs coralliens français est relativement satisfaisant.
Certaines pratiques peuvent toutefois constituer une menace comme la pêche à la
dynamite ou encore la collecte de poissons pour l’aquariophilie.
(1) Halland G. et Sene H. (2010), « Elinor Ostrom et la gouvernance économique », Revue d’économie
politique, 2010/3, vol. 120, p. 441-452.
(2) www.fao.org/docrep/003/X6845F/X6845F07.htm.
(3) La surexploitation des stocks de morue a conduit le Canada à fixer un taux admissible de
capture dont une part a été attribuée à l’archipel français mais est pêchée par un bateau sous
pavillon canadien et débarquée à St-Pierre pour y être préparée et transformée (D’Aboville, 2007).
(4) Conseil économique et social (2007), La pêche et l’aquaculture en Outre-mer, rapport présenté
par Gérard d’Aboville, 188 p.
(5) Gardes L. et Salvat B. (2008), « Récifs coralliens de l’Outre-mer français. Suivi et état des lieux »,
Revue d’écologie (Terre et Vie), vol. 63, 1-2, 200 p.
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3.2. Les sols
La surexploitation des sols se traduit par une réduction de matière organique, dont les
rôles vis-à-vis de la biodiversité sont multiples. Elle est source de nutriment et
d’énergie, éléments essentiels au développement des plantes et des organismes
vivants dans les sols. Elle permet, en outre, une meilleure circulation de l’eau dans le
sol et la rend disponible pour la microfaune du sol et les racines des plantes. Elle a
aussi un rôle important dans la structure physique du sol (améliore la cohésion des
sols et préserve de l’érosion), le devenir des polluants (influe sur la rétention et la
dégradation des pesticides, métaux lourds, etc.), et dans bien d’autres domaines
(propriétés chimiques du sol, stockage de carbone, etc.).
La Commission européenne a adopté, en 2006, une stratégie en faveur de la
protection des sols (COM(2006)231 final) et proposé, cette même année, un projet de
directive-cadre sur la protection des sols (COM(2006) 232 final). Bien que non encore
adopté à ce jour, ce projet marque une volonté forte d’élaboration d’une politique de
protection et de gestion des sols au niveau de l’Union européenne.
3.3. L’eau douce
Les habitats d’eau douce couvrent moins de 1 % de la surface terrestre et ils abritent
pourtant plus de 25 % de tous les vertébrés décrits, plus de 126 000 espèces
animales et près de 2 600 plantes macrophytes. Les écosystèmes d’eau douce
procurent de nombreux biens et services, comme l’apport de nourriture, d’eau et de
1
matériaux de construction, le contrôle des inondations et de l’érosion (UICN, 2008) .
Des prélèvements massifs d’eau douce peuvent avoir des impacts élevés sur la
biodiversité de ces milieux.
4 Les pollutions : une pression qui touche tous les milieux
Selon la directive 2008/1/CE du 15 janvier 2008 relative à la prévention et à la
réduction intégrées de la pollution, la pollution est « l’introduction directe ou indirecte,
par l’activité humaine, de substances, de vibrations, de chaleur ou de bruit dans l’air,
l’eau ou le sol, susceptibles de porter atteinte à la santé humaine ou à la qualité de
l’environnement, d’entraîner des détériorations aux biens matériels, une détérioration
ou une entrave à l’agrément de l’environnement ou à d’autres utilisations légitimes de
ce dernier ».
Les différents compartiments environnementaux (aquatique, atmosphérique, sol)
interagissent entre eux. Ainsi, le dépôt de polluants dans un milieu peut être diffusé à
l’ensemble des autres milieux. L’eau, par exemple, est le réceptacle de pollutions
apportées par des voies diffuses (lessivage des substances épandues sur les sols
perméables, ruissellement sur les sols imperméabilisés et également les retombées
atmosphériques) et ponctuelles. Aussi, les eaux souterraines contribuent aux eaux de
surface, et inversement (une zone humide est dépendante des eaux souterraines).
Enfin, la pollution des sols peut entraîner l’exposition des eaux souterraines pour les
substances solubles et de l’air pour les substances volatiles (Vindimian et Parfait,
(1) UICN (2008), « Biodiversité des eaux douces : une ressources cachée et menacée », 2 p.
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- Chapitre 2 -
1
2009) . D’une manière générale, l’atmosphère transporte et diffuse les polluants. La
mer est le réceptacle final. Les sols et les rivières sont des milieux intermédiaires qui
peuvent, un certain temps, accumuler les polluants.
Les effets des polluants (métaux lourds, pesticides, perturbateurs endocriniens...) sur
la biodiversité restent encore difficiles à mesurer avec exactitude. La plupart, des
études sont faites à l’échelle des individus, en laboratoire, et servent surtout à
caractériser les effets sur la survie des individus qui se constatent rapidement sur une
durée de l’ordre de 90 jours (ce qui est appelé la toxicité « aigue »). Les effets diffus
(accélération de la sénescence, augmentation de la mortalité différée), sur la fécondité
et les effets trans-générationnels (Distilbène) sont le plus souvent non étudiés. Enfin
les interactions sont encore peu observées en laboratoire.
Les effets sur les populations, les communautés et les écosystèmes sont étudiés avec
des méthodes corrélatives, à partir de quelques données collectées par les
observatoires de biodiversité. Ces effets, probables, restent à quantifier dans la
plupart des cas.
À l’échelle des écosystèmes, il est toutefois possible d’avancer deux effets
principaux :
•
pertes de diversité lorsque les espèces et génotypes sensibles sont remplacés par
ceux qui sont résistants, ces derniers étant le plus souvent moins fréquents (d’où
diminution de la diversité) ;
•
diminution de l’intensité de la fonction écosystémique ou du service associé,
lorsque toutes les espèces et/ou les génotypes du groupe considéré sont affectés
(par exemple, stockage du carbone par la végétation).
L’absence d’observatoire des effets des polluants sur la biodiversité ne permet pas de
hiérarchiser les effets des polluants sur la biodiversité. Par ailleurs, les produits très
toxiques mais à diffusion très limitée peuvent avoir un effet global plus faible que des
produits à faible toxicité, mais à très large diffusion spatiale et/ou temporelle.
La pollution des milieux ne se limite pas à la pollution chimique. D’autres formes de
pollutions peuvent affecter les écosystèmes mais ne seront pas traitées dans ce
rapport, notamment :
La pollution lumineuse : la pollution écologique lumineuse s’applique à la lumière
artificielle qui altère l’alternance du jour et de la nuit (rythme nycthéméral) dans les
écosystèmes (Longcore et Rich, 2004). Près de 20 % de la surface du globe peut être
considérée comme atteinte par la pollution lumineuse (Cinzano et al., 2001). La
pollution lumineuse « affecte de façon très sensible la biologie des animaux en
modifiant le cycle naturel de la lumière et de l’obscurité au cours de la journée. Elle
affecte également les comportements migratoires, les activités de compétition interspécifiques, les relations proies-prédateurs et altère leurs physiologies. Beaucoup
moins « médiatisées » les conséquences sur les végétaux » (Siblet, 2008).
(1) Vindimian É. et Parfait G. (2009), « Réduire les pollutions et les impacts sur la biodiversité », note
de cadrage de l’atelier « pollutions », Conférence française pour la biodiversité, 10-12 mai 2010,
Chamonix, 28 p.
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Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
La pollution sonore marine : l’état des connaissances actuelles des impacts de la
pollution sonore sur la vie marine est encore très incomplet. Les modèles de
simulation des effets des perturbations sonores sur les paramètres des populations
comme les taux démographiques, en sont encore à leur tout début. Un premier
rapport de l’OSPAR (2009) sur ce sujet souligne « la nécessité de distinguer les effets
dus à une exposition de faible durée mais avec des niveaux sonores intenses, qui
peuvent dans le pire des cas entraîner des lésions ou le décès, et les effets dus à une
exposition plus modérée aux bruits de fond généralement continus, qui peuvent
éventuellement influencer sur le long terme la qualité des habitats et par conséquent
causer des effets plus importants sur les populations animales ».
La pollution sonore terrestre : les études sont encore plus rares lorsqu’il s’agit des
effets de la pollution sonore sur la biodiversité terrestre. Des chercheurs allemands ont
publié dans la revue Proceedings of the Royal Society B les résultats de leur étude sur
l’impact négatif des bruits de la circulation sur les capacités prédatrices des chauvessouris.
Enfin, ne seront également pas traités dans ce rapport les risques de pollution futurs,
à savoir :
Les nanoparticules : les productions et usages de nanomatériaux sont en
augmentation. Le rejet de nanoparticules dans l’environnement pose de nouvelles
questions. Les résultats des premières études, s’ils sont très contradictoires, montrent
que le devenir et la toxicité de ces particules sont, de façon prépondérante,
attribuables aux propriétés physicochimiques liées à leur surface. La faiblesse de leur
taille permet en outre une grande capacité de diffusion, et en particulier de passage à
travers des membranes et barrières naturelles. Ces particules peuvent donc pénétrer
les organismes vivants et provoquer des réactions de toxicité particulière
(inflammation, stress oxydant, éventuellement altération génétique).
Par ailleurs, c’est précisément la réactivité de surface de ces matériaux qui fait leur
intérêt, et les procédés industriels tendent à les maximiser. Ils peuvent être en outre
fonctionnalisés en surface pour des fonctions d’intérêt.
La prise en compte des risques de contamination des milieux sur tout le cycle de vie
de ces produits, en matériaux massifs susceptibles d’être altérés, ou en supports
pulvérulents est donc une question très actuelle.
Les organismes génétiquement modifiés (OGM) : outre le niveau de l’espèce, la
diversité inclut aussi celui du génome. L’arrivée d’organismes dont le génome a été
modifié apporterait un danger nouveau du fait du brassage naturel de gênes
(notamment par des processus hors reproduction, par exemple via les bactéries du
sol pour les plantes). Il y a, de ce point de vue, une différence essentielle avec les
sélections historiques : la sélection domestique, copiant les processus naturels, trie
dans un « pool » de gênes existants dont elle favorise une partie seulement (la
réintégration au sein de populations naturelles des variétés ainsi obtenues rediversifie
le système génique), tandis que la manipulation génétique intègre un gène nouveau
dans le génome de l’organisme (le risque afférent réside alors dans sa diffusion du dit
gêne dans la biocénose environnante).
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- Chapitre 2 -
La pollution par la production de gaz de schiste : trois permis d’exploration de gaz
1
de schiste ont été octroyés en 2010 en France puis abrogés le 3 octobre 2011 .
Outre les quantités importantes d’eau nécessaires à la fracturation de la roche ainsi
que l’acheminement du matériel, cette activité produit un risque de pollution à, au
moins, trois niveaux (CAS, 2011) :
•
contamination des nappes phréatiques traversées par les forages. En effet, « si le
mélange injecté dans le sous-sol est composé à 98 % ou 99 % d’eau et de sable,
a priori neutres pour l’environnement, les 1 % à 2 % restants contiennent des
acides et produits gélifiants potentiellement dangereux pour l’homme et
l’environnement » ;
•
les fluides réacheminés en surface (20 % à 80 % de ceux injectés) et traités sont
chargés des produits de la réaction des composants injectés avec le gaz et la
roche ;
•
la propagation des fluides le long des fissures (naturelles ou provenant du fracking
de la roche).
5 Les espèces exotiques envahissantes : un facteur
d’érosion de la biodiversité mal connu mais croissant
Les espèces végétales et animales présentes sur la Terre ont évolué sur plusieurs
milliards d’années. Les océans, les mers, les chaînes de montagnes, les déserts, voire
les cours d’eau importants, ont, au gré des variations climatiques, des mouvements
de l’écorce terrestre, de variations de niveau des océans, ou d’accidents, créé ou
supprimé des obstacles physiques au déplacement des espèces. Sur des temps
longs, cela a contribué à la différenciation d’espèces, de communautés, à la grande
diversité de notre planète et au développement de communautés animales et
végétales, aux aires de répartition variées, de l’endémisme le plus étroit à l’ubiquité la
plus large.
Du fait de l’influence de l’homme, toutefois, des obstacles physiques qui avaient
séparé des populations, voire permis le développement d’une flore et d’une faune
distinctes suivant les régions, ont été contournés. Des distances maintenant hors
d’influence réciproque des espèces et des écosystèmes ont été abolies. Certaines
espèces ont ainsi été, accidentellement ou intentionnellement, apportées dans des
zones situées à des centaines, voire des milliers de kilomètres de leur habitat
e
d’origine. Dès la fin du XIX siècle, le nombre d’introduction s’est mis à augmenter de
façon importante.
Il n’existe pas de consensus sur le taux des espèces exotiques envahissantes
introduites en France, les chiffres étant très dépendants de la nomenclature des
espèces choisies. Il est parfois estimé que 10 % des espèces introduites survivent, et
1 % peuvent devenir envahissantes. La base de données DAISIE (Delivering Alien
Invasive Species Inventories for Europe) recense les espèces introduites en Europe à
partir d’un réseau d’experts répartis sur le continent. Selon cette base, 1 919 espèces
continentales (aquatiques ou terrestres) ont été introduites en France métropolitaine,
dont deux tiers sont des végétaux. Parmi ces espèces, 111 sont considérées comme
(1) Décision de la ministre de l’Écologie, Nathalie Kosciusko-Morizet, annoncée le 3 octobre 2011.
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Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
envahissantes d’après l’Inventaire national du patrimoine naturel, les deux tiers étant
des végétaux (CGDD, 2010). Dans le milieu marin, 113 espèces ont été introduites sur
les façades Manche, mer du Nord, Atlantique et 83 en Méditerranée. Ce sont surtout
des crustacés et des mollusques dans le premier cas et des algues rouges dans le
second. Parmi ces espèces introduites, 9 sont considérées comme envahissantes
(CGDD, 2010). Le taux d’espèces envahissantes dans les espèces introduites est
finalement d’environ 5 % pour les milieux terrestre comme marin.
Les impacts des espèces exotiques sont très divers et leur intensité variable selon les
situations. Ils peuvent être décalés dans le temps : par exemple, l’Ocinebrellus
inornatus (« bigorneau perceur japonais »), qui a été probablement introduit dans les
années 1970, est devenu invasif à la fin des années 1990 et impacte les élevages
conchylicoles depuis cette date. Plus, généralement, les espèces « acclimatées »
volontairement le siècle dernier sont un réservoir d’invasives potentielles à
retardement. Des espèces domestiques introduites, puis échappées (espèces férales)
peuvent aussi devenir envahissantes dans les milieux naturels.
Dans bien des cas, ces espèces exotiques s’adaptent mal à leur nouvel environnement et disparaissent rapidement. Il peut cependant arriver qu’elles survivent,
s’implantent et se reproduisent. Parfois, ces nouvelles venues s’implantent si bien
qu’elles cessent d’être une curiosité biologique pour évoluer dans la région. Ce
succès peut s’accompagner de l’extinction d’espèces locales (concurrence,
prédation, maladies, modification d’habitat, etc.).
De façon générale, les espèces exotiques influent sur la biodiversité :
•
en entrant en concurrence avec les organismes indigènes pour la nourriture et
l’habitat : c’est le cas, par exemple, de la tortue de Floride (Trachemys scripta) qui
menace par compétition la cistude (Emys orbicularis) dans le sud de la France, ou
de l’écrevisse signal américaine (Pacifastacus leniusculus) qui prend la place de
l’écrevisse européenne (Astacus spp.), par concurrence directe, mais aussi en
étant porteuse saine de la peste de l’écrevisse, ou encore de la coccinelle
asiatique (Harmonia axydiris) importée en Europe pour lutter contre les pucerons
qui a réussi à s’établir dans la nature et qui menace par compétition et prédation
d’autres espèces de coccinelles. Parmi les plantes envahissantes, la griffe de
sorcière (Carpobrotus edulis) constitue, notamment dans le sud de la France et sur
la côte ouest, des peuplements très denses qui concurrencent la flore indigène. En
outre, les espèces invasives contribuent à une diminution potentielle de la
biodiversité spécifique, par une banalisation et/ou homogénéisation de la
biodiversité, avec perte de résilience ;
•
en modifiant les structures des écosystèmes : des plantes invasives peuvent être à
l’origine d’un changement significatif de la composition, de la structure et du
fonctionnement des écosystèmes en modifiant la luminosité, le taux d’oxygène
dans l’eau, la chimie des sols, le cycle des éléments nutritifs, le régime des feux,
les interactions plantes animaux, etc. Une seule espèce peut altérer le fonctionnement d’un écosystème. Des plantes aquatiques exotiques envahissantes des
milieux d’eau douce comme la jacinthe d’eau (Eichhornia crassipes) en zone
tropicale ou les jussies (Ludwigia peploides et L. grandiflora)) en métropole limitent
la pénétration de la lumière dans l’eau, diminuent le taux d’oxygène dissous et
peuvent conduire à une eutrophisation du milieu et à un bouleversement global
des écosystèmes aquatiques ;
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Octobre 2011
- Chapitre 2 -
•
en s’hybridant avec des espèces indigènes : l’érismature rousse (Oxyura
jamaicensis) et le cerf sika (Cervus nippon), par exemple, sont capables s’ils
s’accouplent avec les espèces indigènes et donnent naissance à des hybrides de
menacer ces espèces indigènes d’extinction locale ;
•
par létalité directe : par exemple, le nématode du pin, Bursaphelenchus xylophilus,
est un petit ver, d’origine nord-américaine, qui s’attaque aux conifères,
principalement aux pins. Il infeste les canaux résinifères des arbres et s’y multiplie,
bloquant ainsi la circulation de la sève. Cela engendre un rapide dépérissement,
conclu par la mort de l’arbre infesté en 60 jours en moyenne ;
•
par interférence avec des mécanismes de reproduction : par exemple, en
perturbant la pollinisation du fait de la concurrence avec les espèces d’abeilles
locales.
Ces espèces exotiques (c’est-à-dire allochtones ou non indigènes) dont l’introduction
par l’homme (volontaire ou fortuite), l’implantation et la propagation menacent les
écosystèmes, les habitats ou les espèces indigènes, avec des conséquences
écologiques et/ou économiques et/ou sanitaires négatives, sont qualifiées d’« espèces
exotiques envahissantes » ou EEE, parfois encore appelées « espèces invasives ».
Ces expressions sont synonymes et les espèces visées se caractérisent par les
critères suivants :
•
allochtones ;
•
introduites ;
•
naturalisées (expansionnistes) ;
•
perturbantes pour la biodiversité sauvage (au sens négatif).
Dans le présent rapport, ces espèces seront appelées « espèces exotiques
envahissantes » ou EEE, à l’instar du vocabulaire européen, très généralement
accepté.
6 Les changements climatiques : des effets directs
et indirects via les autres pressions
La concentration des GES a augmenté depuis l’ère pré-industrielle, principalement par
la hausse des émissions de CO2 provenant de la combustion fossile et le changement
d’occupation des sols.
Le GIEC prévoit une hausse de la température moyenne de la terre de 1,4 °C à 5,8 °C
e
d’ici la fin du XIX siècle avec, de façon générale, une hausse plus marquée sur les
terres que sur mer, et une température plus élevée dans les latitudes élevées que
dans les tropiques. Le niveau des océans devrait augmenter de 0,09 m à 0,88 m. Les
précipitations devraient être plus importantes dans les latitudes élevées et dans les
zones équatoriales et devraient diminuer dans les zones sub-tropicales avec des
évènements pluviaux violents.
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Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
Ces manifestations du changement climatique auraient, toujours selon le GIEC, les
1
conséquences suivantes sur la biodiversité (IPPC, 2002 ) :
•
déplacement vers les pôles des habitats de nombreuses espèces. Les espèces
seront néanmoins affectées à des taux différents par le changement climatique.
Elles vont, en effet, migrer à travers des paysages fragmentés et les écosystèmes
dominés par des espèces persistantes seront certainement lents à montrer des
marques de changement. Ainsi, il est attendu que la composition des
écosystèmes se modifie étant donné que les espèces qui constitue un écosystème
ne sont pas censées évoluer à la même vitesse. Les changements les plus rapides
devraient avoir lieu dans les écosystèmes déjà en cours d’évolution du fait de
perturbations non climatiques d’origine naturelle ou anthropiques ;
•
les écosystèmes existants pourront être remplacés par de nouvelles espèces. Les
caractéristiques de remplacement des écosystèmes (vitesse de remplacement,
qu’est-ce qui est remplacé par quoi) dépendent des changements en fréquence,
intensité, étendue, et de la localisation des changements climatiques ;
•
les impacts de la montée des océans sur les écosystèmes côtiers (mangrove,
algue, zones humides côtières, etc.) va varier régionalement et dépendra des
processus d’érosion de la mer et des processus de dépôt provenant des terres.
Par exemple, les mangroves situées dans les zones basses côtières où les dépôts
de sédiments sont importants et les processus d’érosion faibles ne devraient pas
être particulièrement touchés par la montée du niveau de la mer ;
•
le risque d’extinction va augmenter pour les espèces qui sont déjà vulnérables :
les espèces avec un éventail climatique serré, ou des restrictions d’habitat fortes
ou encore dont la population est faible sont typiquement les plus vulnérables
(exemple des espèces endémiques de montagne, des biotes restreints à une île,
etc.) ;
•
lorsqu’une perturbation significative de l’écosystème se produit, il devrait y avoir
une perte nette de productivité des écosystèmes au moins durant la période de
transition. Cependant, dans la plupart des cas, la perte de biodiversité dans des
écosystèmes étendus et variés, ne devrait pas nécessairement impliquer une
baisse de biodiversité, puisqu’il existe un certain degré de redondance dans ce
type d’écosystèmes, i.e. la contribution d’une espèce à la productivité de
l’écosystème est compensée par une autre espèce. Notons que les connaissances
à ce sujet sont très incomplètes.
Selon la SNB (2009), les effets directs déjà observés relèvent de modifications de la
physiologie des individus, leur comportement (par exemple, sédentarisation versus
migration), la diversité et l’abondance d’espèces, leur distribution géographique
2
(déplacement en altitude et vers le nord d’espèces terrestres) , la structure des
communautés (espèces généralistes prenant parfois le dessus sur des spécialistes), la
phénologie (asynchronie entre les cycles des proies et des prédateurs) et de la surface
relative occupée par les différents milieux naturels (SNB, 2009).
Les effets indirects résultent de l’influence exercée par les changements climatiques
sur les autres facteurs de pressions sur la biodiversité auxquels ils se surimposent.
(1) IPPC (2002), « Climate Change and Biodiversity », IPPC Technical paper V, 86 p.
(2) Selon le CGDD (2010), le réchauffement du climat pourrait à l’avenir entraîner la modification de
l’aire de répartition de nombreuses espèces d’oiseaux, certaines pouvant disparaître de métropole
par leur déplacement vers le nord, d’autres pouvant apparaître en provenance du sud.
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- 142 -
Octobre 2011
- Chapitre 2 -
Par exemple les changements climatiques pourront favoriser le développement
d’espèces devenant envahissantes car plus compétitives dans les nouvelles
conditions.
Il ne faut pas oublier, en outre, les autres effets indirects tels que ceux résultant des
mesures mises en place par les différents secteurs d’activité (énergie, sylviculture,
agriculture, etc.) pour s’adapter aux changements climatiques, par exemple l’impact
des éoliennes sur certaines espèces.
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- 143 -
Octobre 2011
Chapitre 3
Les aides publiques qui favorisent
la destruction et la dégradation
des habitats
Ce chapitre examine successivement les aides publiques favorisant l’extension des
espaces artificialisés, semi-artificialisés et/ou fragmentés.
1 L’artificialisation des habitats
1.1. Un phénomène qui s’accélère
L’artificialisation est une forme radicale de changement d’usage des sols. Elle est, le
plus souvent, irréversible. Elle est associée à la construction d’infrastructures de
transport, à des travaux d’urbanisation (logements et zones d’activités industrielles et
commerciales) ou encore au montage de serres agricoles.
Il existe, en France, deux outils d’observation de l’occupation du sol à travers lesquels
il est possible de mesurer l’évolution des surfaces artificialisées : l’outil européen
Corine Land Cover utilisé par le ministère de l’Écologie et Teruti-Lucas utilisé par le
ministère de l’Agriculture. Ces deux bases de données ne se réfèrent pas à la même
nomenclature des usages du sol (la nomenclature de Teruti-Lucas est plus fine) et les
méthodes d’échantillonnage sont différentes (Corine Land Cover procède par images
satellite sur l’ensemble du territoire alors que Teruti-Lucas par observations autour de
points quadrillant le territoire).
Selon Corine Land Cover, entre 1990 et 2006, la part des surfaces artificialisées dans
le territoire métropolitain passe de 4,6 % à 5,1 %, ce qui correspond à une perte de
281 354 ha en 16 ans dont 122 949 ha sur la période 2000-2006 (voir le tableau
suivant).
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- 145 -
Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
Occupation des sols en 1990, 2000 et 2006 selon Corine Land Cover
Métropole (Corine Land Cover)
1
1990
2000
2006
54 927
54 927
54 927
2 538
2 661
2 819
Part des surfaces artificialisées dans la surface totale
4,6 %
4,8 %
5,1 %
Part du tissu urbain continu dans la surface artificialisée
1,8 %
1,8 %
1,6 %
Part du tissu urbain discontinu dans la surface artificialisée
76,0 %
74,5 %
74,3 %
Part des zones industrielles et commerciales dans la surface
artificialisée
10,8 %
11,8 %
12,1 %
Part des réseaux routier et ferroviaire et espaces associés*
dans la surface artificialisée
1,0 %
1,4 %
1,6 %
Part des zones portuaires dans la surface artificialisée
0,4 %
0,4 %
0,4 %
Part des aéroports dans la surface artificialisée
1,7 %
1,7 %
1,6 %
Part des extractions de matériaux dans la surface artificialisée
3,0 %
3,2 %
3,1 %
Part des décharges dans la surface artificialisée
0,3 %
0,3 %
0,3 %
Part des chantiers dans la surface artificialisée
0,6 %
0,5 %
0,3 %
Part des espaces verts urbains dans la surface artificialisée
0,8 %
0,7 %
0,9 %
Part des équipements sportifs et de loisirs dans la surface
artificialisée
3,6 %
3,8 %
3,9 %
Total
100 %
100 %
100 %
Surface totale (sans les mers, océans et estuaires) (milliers d’ha)
Surface totale artificialisée (milliers d’ha)
(*) Le poste « réseaux routiers et ferroviaires et espaces associés » de CLC correspond
aux autoroutes, voies ferrées et surfaces annexes d’une largeur minimale de 100 mètres.
Les surfaces artificialisées sont plus élevées selon la nomenclature Teruti et TerutiLucas. Elles représentent 7 % de la surface métropolitaine en 1993 (début du
recensement Teruti) et 9,4 % en 2008.
(1) On voit dans ce tableau que CLC ne considère pas les zones industrielles et commerciales
comme du tissu urbain.
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- 146 -
Octobre 2011
- Chapitre 3 -
Évolution des zones artificialisée entre 1993 et 2008
selon Teruti puis Teruti-Lucas
Métropole
1993
1995
2000
2006*
2007
2008
Surface totale (milliers d’ha)
Surfaces artificialisées (milliers d’ha)
Part des surfaces artificialisées dans
la surface totale
Part de la SAU dans la surface totale
Part des forêts dans la surface totale
Part des autres types d’occupation
du sol dans la surface totale
54 919
3 869
54 919
4 009
54 919
4 301
54 919
4 996
54 919
5 064
54 919
5 145
7,0 %
7,3 %
7,8 %
9,1 %
9,2 %
9,4 %
51,4 %
27,6 %
51,2 %
27,8 %
50,7 %
28,1 %
50,2 %
28,3 %
50,1 %
28,3 %
50,0 %
28,3 %
14,0 %
13,8 %
13,4 %
12,3 %
12,3 %
12,3 %
100 %
100 %
100 %
100 %
100 %
100 %
nc
nc
nc
5,6%
5,6 %
5,5 %
nc
nc
nc
22,3 %
22,0 %
22,1 %
nc
nc
nc
8,4 %
8,4 %
8,4 %
nc
nc
nc
15,9 %
15,8 %
15,5 %
Total
Part des surfaces dédiées aux
activités industrielles dans la surface
artificialisée
Part des surfaces dédiées aux
réseaux routiers dans les surfaces
artificialisées
Part des surfaces dédiées aux
services publics dans les surfaces
artificialisées
Part des surfaces dédiées aux sports
et loisirs dans les surfaces
artificialisées
Part des surfaces dédiées aux
habitats dans les surfaces
artificialisées (individuels et collectifs)
Part des autres surfaces
nc
nc
nc
44,3 %
44,9 %
44,9 %
nc
nc
nc
3,5 %
3,3 %
3,7 %
Total
nc
nc
nc
100 %
100 %
100 %
24,8 %
24,6 %
24,6 %
15,5 %
15,9 %
15,8 %
40,2 %
39,9 %
39,2 %
43,2 %
44,0 %
44,4 %
35,0 %
35,5 %
36,2 %
41,3 %
40,1 %
39,8 %
100 %
100 %
100 %
100 %
100 %
100 %
Part des sols bâtis dans la surface
artificialisée
Part des sols revêtus ou stabilisés
dans la surface artificialisée
Part des autres espaces artificialisés
dans la surface artificialisée
Total
(*) L’enquête annuelle française Teruti est adaptée au cahier des charges européen Lucas
en 2005. La méthodologie de collecte des données change donc à partir de cette date.
Ces deux enquêtes montrent une accélération du phénomène d’artificialisation :
•
de 16 000 ha à 20 000 ha environ artificialisés par an sur les périodes 1990-2000
puis 2000-2006 selon CLC ;
•
de 60 000 ha à 75 000 ha environ artificialisés par an sur les périodes 1993-2000
puis 2006-2008 selon Teruti-Lucas.
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Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
Selon l’enquête Teruti-Lucas, ce sont les sols revêtus qui progressent le plus vite. Les
surfaces agricoles diminuent. Les surfaces boisées semblent, en revanche, se
maintenir.
Selon CLC, le tissu urbain continu ne représente que 1,6 % des surfaces
artificialisées. À l’inverse, le tissu urbain discontinu, beaucoup plus consommateur
d’espace, représente les trois quarts des espaces artificialisés.
1
Une étude du CGDD de 2010 évalue la progression de l’étalement urbain (i.e. tissu
urbain discontinu) à 5 600 ha/an. Selon cette même étude, les zones industrielles et
commerciales continuent de s’étendre dans toutes les régions (+ 3 800 ha/an), ainsi
2
que les infrastructures de transport (+ 1 300 ha/an) , qui présentent la progression
relative (rapportée à leur surface) la plus forte (+ 19 %). Les zones d’extraction de
matériaux sont également en progression nette (+ 1 200 ha/an), comme sur la période
1990-2000.
Selon ces trois sources différentes, utilisant des méthodes et une classification
différentes, ce sont les autres surfaces artificialisées (i.e. surfaces artificialisées non
bâties) qui progressent le plus ces dernières dizaines d’années.
La suite de cette partie est consacrée aux aides publiques favorisant, en premier lieu,
l’étalement urbain, puis l’artificialisation en zone rurale et l’artificialisation par les
activités extractives. Une section séparée est réservée aux aides publiques liées à
l’artificialisation dans les DOM-TOM. Enfin, les surfaces dédiées aux réseaux de
transport seront traitées dans la partie « Aides publiques favorisant la fragmentation
des habitats ».
1.2. Étalement urbain : de quoi s’agit-il ?
L’étalement urbain se traduit de façon caractéristique par des zones d’urbanisation
peu denses en périphérie, les centres-villes historiques pouvant, dans le même temps,
se dépeupler. Typiquement, le territoire s’urbanise progressivement autour des
agglomérations : on observe ainsi autour des centres-villes et de leurs banlieues
proches une mosaïque de zones pavillonnaires discontinues et de champs cultivés
enclavés. Depuis 1999, on constate que, probablement grâce à des politiques locales
d’aménagement volontaristes, certaines villes-centres renaissent, mais la progression
des couronnes périurbaines reste forte. Ainsi, la variation moyenne annuelle de la
population entre 1999 et 2006 est de 1,3 % pour le périurbain, contre 0,5 % pour les
pôles urbains et 0,7 % pour l’espace rural (source : INSEE, RGP).
Certaines tendances de fond persistent : la pression humaine est toujours croissante
sur les zones littorales, qui enregistrent un taux d’artificialisation 2,7 fois plus
important que la moyenne métropolitaine (source : Le 4 pages de l’Ifen n° 120 ;
octobre 2007) ; une portion de territoire le long d’un axe allant de la Meuse aux landes
(1) CGDD (2010), L’environnement en France, Service de l’observation et des statistiques,
Collection Références, Commissariat général au développement durable.
(2) Il convient de remarquer que l’enquête Teruti-Lucas évalue les surfaces dédiées aux réseaux
routiers à plus de 20 % des surfaces artificialisées alors que pour CLC, les réseaux routiers et
ferroviaires ne représentent qu’environ 1,5 %. L’échelle d’observation de Teruti-Lucas étant bien
plus fine que celle de CLC, les surfaces dédiées aux réseaux routiers se distinguent mieux.
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Octobre 2011
- Chapitre 3 -
1
(la « diagonale du vide ») reste caractérisée par des densités très faibles inférieures à
2
30 hab/km , même si les espaces ruraux progressent désormais au même rythme que
l’ensemble du territoire (+ 0,7 % par an). La reprise de la croissance démographique
en zone rurale n’est cependant pas homogène et témoigne d’une extension de la
périurbanisation.
De nouvelles zones d’urbanisation émergent nettement, le long des infrastructures de
transport et des frontières. Le développement urbain s’effectue autour de villages,
près des dessertes d’autoroutes, voire en plein champ (urbanisme). C’est « la ville
multipolaire comme structure d’archipel où des morceaux d’urbain se dispersent dans
2
le rural » .
Les facteurs influençant l’étalement urbain classiquement identifiés sont les préfé2
rences individuelles (prix au m , cadre de vie, transport…) ainsi que les politiques
urbanistiques.
1.3. Les aides publiques liées aux déterminants individuels
de l’étalement urbain
Pour un ménage, la principale motivation à s’installer en périurbain reste le coût
du logement, qui diminue à mesure que l’on s’éloigne du centre-ville, sous le
double effet du moindre prix du foncier et du moindre coût de la construction.
Le centre-ville reste trop cher pour beaucoup de ménages : 44 % des propriétaires
périurbains souhaiteraient pourtant habiter en zone urbaine. Il est probable cependant
que dans leurs choix d’implantation, les ménages sous-estiment le budget transport
nécessaire en périurbain et donc le coût global du logement en périphérie, les
dépenses de carburant ne représentant que 27 % du budget voiture.
2
Si l’optimisation du nombre de m prime nettement sur la jouissance d’un jardin, la
recherche d’un environnement plus naturel vient en second lieu des raisons à
l’installation en périurbain. Ainsi 85 % des habitants classés dans la zone périurbaine
considèrent qu’ils résident à la campagne. L’espace rural continue de séduire les
urbains (ils sont 27 % à déclarer vouloir s’installer à la campagne dans un avenir
proche) et la ville de rebuter les ruraux (seuls 8 % d’entre eux voudraient habiter dans
une ville). En outre, dans l’ordre des représentations sociales, la possession d’une
maison individuelle restait plutôt jusqu’à présent un modèle dominant.
Ces éléments sont ou ont été soutenus par les subventions suivantes :
♦ Les différentes aides à l’acquisition de logement
Les aides à l’acquisition de foncier contribuent à l’étalement urbain lorsqu’elles
incitent à la construction de logements neufs, tout particulièrement lorsque ces aides
ne sont pas ciblées entre urbain et périurbain. Le soutien à l’accession à la propriété
pour 2011 est évalué à 4,7 milliards d’euros.
(1) On appelle diagonale du vide la portion de l’Hexagone sur un axe Sud-Ouest – Nord-Est, et qui
regroupe les départements les moins densément peuplés.
(2) CERTU (2000), La Forme des villes. Caractériser l´étalement urbain et réfléchir à de nouvelles
modalités d´actions, Lyon, 178 p.
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Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
A. Les aides à l’acquisition de l’habitation principale
Les aides à l’acquisition du foncier neuf non ciblées suivant la localisation du bien
immobilier (urbain/périurbain) participent à l’artificialisation du territoire et à l’étalement
urbain.
a) Le prêt à l’accession sociale (PAS) est destiné à des ménages dont les revenus sont
inférieurs à des plafonds de ressources plus faibles que ceux appliqués au nouveau
prêt à 0 %, qui font construire, achètent ou améliorent un logement, afin d’habiter ce
logement en tant que résidence principale. Le PAS est distribué par les
établissements de crédit adhérant au dispositif de garantie de l’accession sociale à la
propriété. Ce mécanisme permet d’indemniser, pour les établissements prêteurs, les
pertes qu’ils supportent en cas d’insolvabilité de leurs emprunteurs.
b) Le prêt social de location-accession (PSLA) est dédié au financement des opérations
de location-accession. Les ménages bénéficiaires de ce dispositif peuvent devenir
propriétaires d’un logement neuf après une phase locative à loyer modéré, au cours
de laquelle ils peuvent mesurer leur capacité de remboursement. Des garanties de
rachat du logement et de relogement sont également apportées aux ménages pour les
protéger contre les accidents de la vie.
c) Le prêt à taux zéro + (PTZ+)
Le PTZ (code de la construction et de l’habitation, article L. 31-10-1 ; CGI, article 244
quater J et 244 quater V) est un prêt dont les intérêts sont pris en charge par l’État
pour l’achat d’une première résidence principale (réservé aux personnes n’ayant pas
été propriétaires de leur résidence principale depuis au moins deux ans). Le montant
du prêt et les conditions de remboursement prennent en compte le niveau de revenu,
la taille du ménage, la localisation géographique de l’habitation, son type (neuf ou
ancien) et sa performance énergétique.
Le zonage du PTZ+, défini par l’arrêté du 29 avril 2009 modifié relatif au classement
des communes par zone applicable à certaines aides au logement, est un découpage
géographique en fonction des prix de marché, non pas en fonction des impératifs sur
l’occupation des espaces et l’étalement urbain.
Ainsi, sur les 100 000 PTZ+ comptabilisés au premier trimestre 2011 :
•
40 % ont été accordés en zone A (Paris et grande couronne parisienne ainsi que la
Côte d’azur et les communes proches de la frontière Suisse) et B1 (grosses
agglomérations ainsi que l’ensemble des communes sur les îles corses, bretonnes
et d’outre-mer), contre 34 % en 2010 avec l’ancien dispositif ;
•
20 % ont été accordés en zone B2 (villes moyennes), un pourcentage quasiment
identique à celui du PTZ en 2010 (20,3 %) ;
•
40 % ont été accordés en zone C (reste du territoire national) (45,7 % en 2010).
En outre, l’ampleur de la variation du montant du PTZ+ selon que le logement est neuf
ou ancien a pour effet de financer en grande partie la construction de maisons
individuelles localisées dans les secteurs périurbains.
De plus, la variation du montant du PTZ en fonction de la performance énergétique
encourage l’acquisition de logements neufs et par suite leur construction, au
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Octobre 2011
- Chapitre 3 -
détriment de la réhabilitation : or la réhabilitation n’entraîne pas une consommation
d’espaces naturels.
Le coût du PTZ+ est estimé à 920 millions d’euros en 2010 et 1 060 millions d’euros
en 2011.
B) Les aides pour la construction de logements neufs
a) La réduction d’impôt sur le revenu en faveur de l’investissement locatif (dit
« dispositif Scellier »)
er
Les particuliers qui acquièrent entre le 1 janvier 2009 et le 31 décembre 2012 des
logements neufs destinés à la location peuvent bénéficier d’une réduction d’impôt
répartie sur neuf ans. Ces logement doivent être situés dans des communes classées
dans les zones géographiques A, B1, B2 (zone C sur agrément). La réduction d’impôt
est calculée sur le prix de revient du logement dans la limite de 300 000 euros
multiplié par un taux de 13 % (22 % pour les logements BBC). Lorsque la location est
consentie dans des conditions de loyers plus restrictives pour des locataires qui
satisfont à des conditions de ressources, les propriétaires bénéficient d’avantages
supplémentaires : une déduction spécifique de 30 % au titre des revenus fonciers et
un complément de réduction d’impôt lorsque ce logement reste loué au-delà de neuf
ans. Les logements situés dans une zone de revitalisation rurale bénéficient d’une
déduction supplémentaire de 26 % au titre des revenus fonciers.
Les dispositifs antérieurs (Robien, Borloo) ont participé, dans une certaine mesure, à
l’étalement urbain en accroissant la construction de logements neufs dans certaines
zones géographiques, de sorte que l’offre de logement s’est retrouvée supérieure à la
demande (ce qui a conduit à exclure la zone C de ces dispositifs).
Ce type de dispositifs devrait être concentré en intra-urbain et dans les zones proches
des TCSP.
b) La réforme de la fiscalité de l’aménagement
En matière d’aménagement, les coûts des équipements sont en général répartis sur
l’ensemble de la population et pas uniquement sur la population qui en bénéficie
directement. La non prise en compte de la totalité de coûts d’infrastructure réduit, en
outre, le coût des logements. La demande de ces logements est alors plus
importante, d’où un étalement excessif. La modification du système de financement
des équipements collectifs dans le sens d’un recouvrement total de leur coût par ceux
qui le génèrent permettrait de corriger ce dysfonctionnement.
La réforme des taxes d’urbanisme, prévue à l’article 28 de la loi de finances
rectificative pour 2010 (loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010), qui entrera en vigueur
er
à compter du 1 mars 2012, répond en partie à cet objectif.
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- 151 -
Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
Le dispositif est composé de deux taxes qui se complètent :
•
la taxe d’aménagement qui porte les objectifs de simplification et de rendement en
permettant le financement des équipements publics rendus nécessaires par
l’urbanisation ;
•
le versement pour sous-densité qui porte l’objectif de lutte contre l’étalement
urbain et incite à une utilisation économe de l’espace.
La taxe d’aménagement se substitue à la taxe locale d’équipement (TLE), la taxe
départementale des espaces naturels et sensibles (TDENS), la taxe départementale
pour le financement des conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement
(TDCAUE), la taxe complémentaire à la TLE en région Île-de-France et au programme
d’aménagement d’ensemble (PAE). Elle est due pour « les opérations d’aménagement
et les opérations de construction, de reconstruction et d’agrandissement des
bâtiments, installations ou aménagements de toute nature soumises à un régime
d’autorisation ».
Sont exonérés :
•
les constructions destinées au service public ou d’utilité publique ;
•
les locaux d’habitation et d’hébergement bénéficiant d’un prêt locatif aidé
d’intégration ;
•
les surfaces d’exploitation des bâtiments agricoles qui constituent de la surface
hors œuvre brute non taxée dans le dispositif actuel ;
•
les aménagements prescrits par des plans de prévention des risques ;
•
la reconstruction à l’identique d’un bâtiment détruit depuis moins de dix ans ;
•
les constructions dont la surface est inférieure à 5 m , par simplification et pour
réduire le coût de gestion de l’impôt.
2
Par ailleurs, les collectivités territoriales, chacune en ce qui les concerne, peuvent
exonérer en totalité ou partiellement les logements sociaux bénéficiant du taux réduit
de TVA.
Concernant les surfaces des constructions à usage de résidence principale qui ne
bénéficient pas de plein droit de l’abattement de 50 % (à savoir : les surfaces
2
supérieures à 100 m ), les collectivités territoriales peuvent les exonérer jusqu’à 50 %
si elles sont financées à l’aide du prêt à taux zéro.
Les collectivités peuvent également, si elles le souhaitent, exonérer totalement ou
partiellement, les constructions industrielles, les commerces de détail d’une surface
2
inférieure à 400 m en vue d’assurer le maintien du commerce de proximité ainsi que
les travaux autorisés sur les immeubles classés parmi les monuments historiques ou
inscrits à l’inventaire supplémentaire.
L’assiette de la taxe est constituée par la surface de la construction à laquelle est
appliqué un montant forfaitaire par mètre carré (660 euros et 748 euros en Île-de-
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Octobre 2011
- Chapitre 3 -
France). La surface de construction est calculée à l’intérieur des murs de la
1
construction et ne pénalise donc plus l’isolation .
Les taux sont fixés par les communes ou les établissements publics de coopération
intercommunale (EPCI) dans une fourchette comprise entre 1 % et 5 %, selon les
2
aménagements à réaliser et selon les secteurs de leur territoire .
Les communes peuvent ainsi définir des secteurs à l’intérieur des zones prévues dans
le plan local d’urbanisme PLU et faire varier les taux par secteurs en fonction du coût
des équipements publics entraînés par l’urbanisation dans le secteur. Par exemple :
dans une zone où tous les équipements sont déjà réalisés et où la commune souhaite
intensifier l’urbanisation, elle pourra fixer un taux de 1 %. À l’inverse, dans une autre
zone périphérique où les équipements ne sont pas réalisés, elle pourra instituer un
taux plus élevé. Dans certains cas, lorsqu’il est nécessaire de créer des équipements
publics importants, les communes pourront fixer un taux de TA jusqu’à 20 %.
Le versement pour sous-densité (VSD) est institué pour offrir un outil de modération
de l’étalement urbain. Il permet aux communes ou EPCI d’instituer, par délibération,
un seuil minimal de densité en deçà duquel un versement pour sous densité est dû
par les bénéficiaires d’une autorisation de construire. Mais ce dispositif est optionnel.
Le seuil minimal de densité est déterminé par secteurs du territoire de la commune ou
de l’EPCI à l’intérieur des zones urbaines U ou à urbaniser AU.
Le montant du VSD « est égal au produit de la moitié de la valeur du terrain par le
rapport entre la surface manquante pour que la construction atteigne le seuil minimal
de densité et la surface de la construction résultant de l’application du seuil minimal
2
de densité ». Par exemple, une personne dispose d’un terrain de 1 000 m d’une
valeur de 200 000 euros sur lequel le seuil de densité a été fixé par la commune à 0,5,
2
2
soit 500 m . Cette personne construit une maison de 300 m . Elle devra donc payer le
VSD = (200 000/2) x (200/500) = 40 000 euros, ce qui est très dissuasif.
c) La taxation des logements vacants
La forte proportion de logements vacants peut conduire à la construction de
logements neufs, tout particulièrement en période de pénurie de logement dans
certaines zones urbaines sous tension. Par suite, la faible application de la taxation
des logements vacants n’incite pas à augmenter le taux d’occupation de ces
logements et peut contribuer à la construction de logements neufs.
Les logements vacants sous soumis à :
•
la taxe annuelle sur les logements vacants (CGI, article 232) dont le produit est
versé au profit de l’Agence nationale de l’habitat ;
(1) La valeur forfaitaire des panneaux photovoltaïques au sol est fixée à 10 euros. Ce montant est
faible mais le principe de la taxation est posé. Elle taxe également les éoliennes d’une hauteur
supérieure à 12 mètres : 3 000 euros par éolienne. Sont également taxées les aires de stationnement non comprises dans la surface de construction. La valeur forfaitaire est fixée à 2 000 euros
par emplacement, cette valeur pouvant être augmentée jusqu’à 5 000 euros. Il s’agit d’une façon
simplifiée de taxer l’imperméabilisation des sols.
(2) La part départementale de la TA finance la politique de protection des espaces naturels
sensibles » (ex-TDENS) et les « dépenses des CAUE (conseils d’architecture, d’urbanisme et de
l’environnement) ». Le taux est fixé par le Conseil général dans la limite de 2,5 %. Il détermine
également les taux de répartition entre les ENS et les CAUE.
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- 153 -
Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
•
une taxe d’habitation sur les logements vacants a été instituée par l’article 47 de la
loi 2006-872 du 13 juillet 2006. Cette taxe n’est pas applicable dans les
communes sur le territoire desquelles la taxe annuelle sur les logements vacants
prévue à l’article 232 du CGI est applicable.
La taxe annuelle sur les logements vacants s’applique aux logements situés dans
des communes appartenant à des zones d’urbanisation continue de plus de 200 000
habitants où existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements,
au détriment de personnes à revenus modestes et de personnes défavorisées. La liste
des communes dans lesquelles s’applique la taxe est fixée par le décret 98-1249 du
29 décembre 1998. Sont imposables à la taxe les logements vacants depuis deux
er
années consécutives, au 1 janvier de l’année d’imposition. Il s’agit donc des
logements qui ne sont pas soumis à la taxe d’habitation.
Seuls les logements habitables, c’est-à-dire clos, couverts et pourvus des éléments
de confort minimum (installation électrique, eau courante, équipement sanitaire),
entrent dans le champ d’application de la taxe. Ne sauraient être assujettis à la taxe
sur les logements vacants des logements qui ne pourraient être rendus habitables
1
qu’au prix de travaux importants et dont la charge incomberait nécessairement à leur
détenteur (travaux ayant pour objet d’assurer la stabilité des murs, charpentes et
toitures, planchers ou circulations intérieures ; travaux ayant pour objet l’installation
ou la réfection complète des équipements sanitaires élémentaires, du chauffage, de
l’électricité, de l’eau courante, de l’ensemble des fenêtres et portes extérieures).
L’importance des travaux est appréciée par la production de devis. À titre de règle
pratique, l’administration fiscale admet que cette condition est remplie lorsque le
montant des travaux nécessaires pour rendre le logement habitable excède 25 % de
la valeur vénale réelle du logement.
La taxe n’est pas due lorsque la vacance du logement est imputable à une cause
étrangère à la volonté du bailleur. Sont notamment exclus du champ d’application de
la taxe :
•
les logements ayant vocation, dans un délai proche, à disparaître ou à faire l’objet
de travaux dans le cadre d’opérations d’urbanisme, de réhabilitation ou de
démolition (à ce titre, un délai d’un an peut être retenu) ;
•
ou les logements mis en location ou en vente au prix du marché et ne trouvant pas
preneur ou acquéreur.
La base d’imposition de la taxe est constituée par la valeur locative de l’habitation
retenue en matière de taxe d’habitation.
Le taux est fixé à 10 % la première année où le logement devient imposable, à 12,5 %
la deuxième année et à 15 % à compter de la troisième année.
La taxe d’habitation sur les logements vacants depuis plus de cinq ans peut être
instituée par les communes, sous réserve que la taxe annuelle sur les logements
vacants ne soit pas applicable sur leur territoire.
(1) Conseil constitutionnel dans sa décision du 29 juillet 1998.
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- 154 -
Octobre 2011
- Chapitre 3 -
Seuls les logements habitables, définis selon les mêmes conditions que la taxe sur les
logements vacants, peuvent être soumis à la taxe d’habitation sur les logements
vacants depuis plus de cinq ans.
La vacance s’apprécie également dans les mêmes conditions que celles pour la taxe
sur les logements vacants.
La base de la taxe est constituée par la valeur locative de l’habitation selon les
modalités retenues pour une résidence secondaire.
Des parlementaires ont constaté une baisse de la perception de la taxe d’habitation
1
sur les logements vacants . Par exemple, la ville de Béziers connaît depuis trois ans
un recul du produit et du nombre de redevables de la taxe d’habitation sur les
logements vacants : le produit de la recette est passé en 2008 de 257 000 euros, à
128 000 euros en 2009 et 75 000 euros en 2010. Ce dégrèvement à la charge de la
ville est venu réduire le produit fiscal global de 2010 de 62 000 euros ; le nombre de
redevables étant passé de 397, en 2008, à 136 en 2010. Cette situation s’explique par
l’obtention de dégrèvement sur présentation de devis de travaux d’un montant
supérieur à 25 % de la valeur vénale du bien et d’autre part, grâce aux dégrèvements
prononcés par l’administration, de manière dérogatoire.
Cette règle pratique, qui permet d’être exonéré de taxe sur les logements vacants et
de taxe d’habitation à la condition que le montant des travaux nécessaires pour
rendre le logement habitable excède 25 % de la valeur vénale du logement, dévie ces
dispositifs de leur finalité qui est d’inciter les propriétaires de logements habitables et
vacants à les mettre en location.
La baisse des coûts de transport joue un rôle essentiel dans le processus
d’étalement urbain
La faible coût du transport et sa baisse permettent aux ménages d’accepter un plus
grand éloignement du centre-ville (supposé concentrer la plupart des emplois), au
profit de logements plus spacieux. Les coûts de transport, entendus au sens large
comme la somme du coût monétaire direct (voiture, essence, entretien) et du coût du
e
2
temps de transport, ont en effet beaucoup diminué depuis le milieu du XX siècle : le
coût de l’automobile a beaucoup baissé favorisant la montée du taux de motorisation
de la population, et le développement et les améliorations des infrastructures,
notamment du réseau routier, ont permis d’augmenter sensiblement la vitesse des
déplacements. L’étalement urbain se caractérise ainsi par la conjugaison de
l’accroissement des distances parcourues pour les trajets quotidiens et une utilisation
intensive de la voiture particulière qui augmente les émissions de polluants
atmosphériques. En dehors de son effet propre de consommation d’espaces naturels,
l’étalement urbain induit donc aussi deux effets indirects sur la biodiversité : il
contribue à accroître la fragmentation des espaces naturels et les effets des polluants
atmosphériques sur la flore et la faune.
La construction d’une nouvelle voie rapide ferrée ou routière peut s’accompagner, par
ailleurs, de nouvelles implantations urbaines à proximité des dessertes et des gares.
(1) Question orale sans débat n° 1241S du sénateur Raymond Couderc (Hérault-UMP) publiée dans
le JO Sénat du 10 mars 2011, p. 568.
(2) Source : www.developpement-durable.gouv.fr/Les-determinants-de-l-etalement.html.
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- 155 -
Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
Certains modèles théoriques mettent en évidence que la construction d’une nouvelle
route à partir d’un centre urbain génère un dépeuplement du centre au profit d’un
étalement urbain le long de la nouvelle voie. Certains chercheurs pensent que ce lien
entre développement des infrastructures et implantation humaine nouvelle constitue
l’application de la « conjecture de Zahari », qui expose que le temps passé
quotidiennement dans les transports pour les habitants d’une zone urbaine n’a guère
varié au cours des temps (il serait approximativement d’une heure). Ainsi, un gain de
temps obtenu par une amélioration des réseaux de transport en commun se traduira
par une augmentation de la distance parcourue, et donc de l’étalement urbain. On
obtient donc une situation paradoxale : les aides publiques à l’amélioration de la
mobilité contribuent fortement à la consommation d’espace : un exemple d’antagonisme « social/environnemental ».
De manière générale, toutes les mesures qui aboutissent à une sous-tarification des
1
transports interurbains au total accroissent donc l’étalement urbain (voir également le
chapitre pollution et le paragraphe suivant consacré à la fragmentation du territoire).
1.4. Les aides publiques liées aux activités économiques
de l’étalement urbain
Les activités économiques consomment également de l’espace, tout particulièrement
en périurbain et au détriment des terres agricoles.
La contribution économique territoriale
La contribution économique territoriale (anciennement la taxe professionnelle) est
généralement plus faible hors de la ville-centre, les communautés périurbaines tentant
d’attirer les entreprises. Cette politique se traduit le plus souvent par la création de
zones d’activités en périphérie, à urbanisme peu dense, implantées sur des terres
agricoles ou des espaces naturels dont le prix du terrain au mètre carré est moins
cher qu’en zone urbaine.
Cette politique a pour effet de déplacer les centres d’activités et commerciaux des
centres-villes vers les périphéries, ce qui a pour conséquence en outre d’augmenter
les déplacements. Elle suscite également une concurrence entre collectivités,
notamment entre communes, pour attirer ces activités qui consomment du foncier.
La cotisation foncière des entreprises (CFE) est due par toutes les personnes exerçant
une activité professionnelle non salariée.
Son taux est fixé par les collectivités locales qui pratiquent parfois une politique de
concurrence entre elles pour attirer des entreprises sur leur territoire.
(1) « La tarification, un instrument économique pour des transports durables », La Revue du CGDD,
novembre 2009.
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- 156 -
Octobre 2011
- Chapitre 3 -
Certaines activités sont exonérées, soit de droit (les artisans, les activités agricoles,
ainsi que les collectivités publiques pour certaines activités, dont les ports), soit de
manière facultative sur décision des collectivités locales, selon leur lieu
d’implantation :
•
zones de revitalisation rurales ;
•
pôles de compétitivité ;
•
zones urbaines sensibles ;
•
zones franches urbaines ;
•
bassins d’emplois à redynamiser.
Suivant le lieu d’implantation des entreprises ces exonérations contribuent le plus
souvent à l’étalement urbain.
La taxe sur les surfaces commerciales
La taxe sur les surfaces commerciales (ou Tascom) est due par les établissements
2
dont la surface de vente des magasins de commerce de détail dépasse 400 m et
dont le chiffre d’affaires annuel est au moins égal à 460 000 euros. Le montant de la
taxe est déterminé en fonction du chiffre d’affaires hors taxes réalisé par l’établissement au cours de l’année civile précédente. Le barème de la taxe est fixé comme
2
suit (par m de surface de vente) :
2
2
•
5,74 euros par m pour les établissements dont le chiffre d’affaires au m est
inférieur ou égal à 3 000 euros ;
•
pour les établissements dont le chiffre d’affaires au m est supérieur à 3 000 euros
mais inférieur ou égal à 12 000 euros, le taux de la taxe est donné par la formule
2
suivante : 5,74 € + [0,00315 x (CA au m – 3 000)] ;
•
34,12 euros par m pour les établissements dont le chiffre d’affaires au m est
supérieur à 12 000 euros.
2
2
2
Le tarif est majoré pour les activités de vente au détail de carburant.
Des réductions de taux sont prévues :
•
30 % en faveur des professions dont l’exercice requiert des superficies de vente
anormalement élevées (vente exclusive de meubles meublants, véhicules
automobiles, machinismes agricoles, matériaux de construction) ;
•
20 % pour les établissements dont la surface de vente au détail est comprise entre
2
2
2
400 m et 600 m , lorsque le chiffre d’affaires annuel par m est au plus égal à
3 800 euros.
En revanche, le montant de la taxe est majoré de 30 % pour les établissements dont
2
la superficie est supérieure à 5 000 m et dont le chiffre d’affaires annuel hors taxes
2
est supérieur à 3 000 euros par m .
er
Depuis le 1 janvier 2011, le produit de la Tascom est affecté aux collectivités locales
sur le territoire desquelles sont situés les établissements imposables.
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Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
Ces collectivités pourront appliquer au montant de la taxe un coefficient multiplicateur
compris entre 0,8 et 1,2 à compter de la taxe due en 2012.
Cette taxe s’applique donc indistinctement selon la localisation de la surface
commerciale. Certes régulante dans l’absolu par rapport à l’extension de surface, elle
ne corrige ni le coût différentiel du foncier ni les impacts de l’implantation sur la
biodiversité.
La redevance pour création de bureaux et la taxe annuelle sur les bureaux
en Île-de-France
Les surfaces à usage de bureaux, très rentables et consommatrices d’espace, sont
sous-taxées et n’internalisent pas leurs dommages à la biodiversité via une
consommation d’espace excessive.
Redevance pour création de bureaux, locaux de recherche ou locaux commerciaux
ou de stockage en Île-de-France (code de l’urbanisme, article L. 520-1)
Une redevance est exigible :
•
sur la construction à Paris et dans certaines communes de la région Île-de-France
de locaux à usage de bureaux ou de locaux de recherche ainsi que leurs annexes ;
er
À compter du 1 janvier 2011, la redevance est étendue aux créations de locaux
commerciaux et de locaux de stockage (loi 2010-1658 du 29 décembre 2010,
art. 31, II) ;
•
sur la transformation en de tels locaux de locaux précédemment affectés à un
autre usage.
Sont toutefois exonérés de la redevance : dans les établissements industriels, les
bureaux dépendant de locaux de production ainsi que les autres bureaux d’une
2
superficie inférieure à 1 000 m ; les locaux de recherche compris dans les établissements industriels ; les bureaux utilisés par les membres des professions libérales ou
les officiers publics ministériels ; les bureaux faisant partie d’un local d’habitation ; les
locaux à caractère social ; les locaux sanitaires ; les locaux affectés à un service
public ou utilisés par les organismes de sécurité sociale ou d’allocations familiales ;
les locaux affectés aux associations reconnues d’utilité publique.
Sont également exonérées : les reconstructions par les propriétaires ou leurs ayants
droit de locaux détruits par sinistre ou expropriés pour cause d’utilité publique ; les
transformations de locaux en locaux à usage de bureaux, en locaux de recherche, en
locaux commerciaux ou en locaux de stockage réalisées dans les zones franches
urbaines.
La redevance est calculée sur la surface utile, c’est-à-dire, sauf preuve contraire, sur
la surface couverte hors œuvre à chaque niveau de l’immeuble affectée d’un
er
abattement forfaitaire de 5 %. À compter du 1 janvier 2011, le montant de la
redevance varie suivant la situation des locaux en zone 1, 2 ou 3 dont la délimitation
est identique à celle retenue pour la taxe annuelle sur les bureaux en Île-de-France.
Son montant est de :
•
2
344 euros par m en zone 1 ;
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- 158 -
Octobre 2011
- Chapitre 3 -
2
•
214 euros par m en zone 2 ;
•
86 euros par m en zone 3.
2
Ces tarifs sont réduits de 65 % pour les locaux commerciaux et de 85 % pour les
locaux de stockage.
La taxe annuelle sur les bureaux en Île-de-France (CGI, article 23 ter)
La taxe est due sur :
•
les locaux à usage de bureaux et leurs dépendances immédiates et indispensables
destinés à l’exercice d’une activité professionnelle (y compris libérale) ou utilisés
par l’État, les collectivités territoriales, les établissements publics, les organismes
professionnels ou les associations privées poursuivant ou non un but lucratif ;
•
les locaux commerciaux destinés à une activité de commerce de détail ou de gros
et de prestations de services ainsi que leurs réserves attenantes et des emplacements attenants affectés en permanence à la vente ;
•
les locaux de stockage qui ne sont pas intégrés à un établissement de production ;
•
les surfaces de stationnement d’au moins 500 m annexées à ces catégories de
locaux.
2
Sont exonérés de la taxe :
2
•
les locaux à usage de bureaux d’une superficie inférieure à 100 m , les locaux
2
commerciaux d’une superficie inférieure à 2 500 m , les locaux de stockage d’une
2
superficie inférieure à 5 000 m (à cet égard, les parcs d’exposition et les locaux à
usage principal de congrès sont assimilés aux locaux de stockage) et les surfaces
2
de stationnement de moins de 500 m ;
•
les locaux de stockage des sociétés coopératives agricoles ;
•
les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage et
les surfaces de stationnement situés dans une zone de redynamisation urbaine ou
dans une zone franche urbaine ;
•
les locaux où s’exerce une activité de production ou de transformation et les
locaux intégrés dans une exploitation agricole ;
•
les locaux et les surfaces de stationnement appartenant aux fondations et aux
associations reconnues d’utilité publique dans lesquels elles exercent leurs
activités, ainsi que les locaux spécialement aménagés pour l’archivage, et pour
l’exercice d’activités de recherche ou à caractère sanitaire, social, éducatif ou
culturel ;
•
les locaux administratifs et les surfaces de stationnement des établissements
d’enseignement du premier et du second degré (écoles primaires, collèges et
lycées), qu’ils soient publics ou privés sous contrat passé avec l’État.
Toutes ces exonérations, en minorant le coût de l’artificialisation, sont objectivement
défavorables à la biodiversité
Le montant de la taxe est égal au produit de la superficie, exprimée en mètres carrés,
par un tarif unitaire qui varie selon la nature des locaux et selon leur situation
géographique (zone 1 : Paris et communes des Hauts-de-Seine ; zone 2 : autres
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- 159 -
Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
communes de l’unité urbaine de Paris telle que délimitée par arrêté ; zone 3 : autres
communes de la région Île-de-France).
Lieu de situation des immeubles
Zone 1
Zone 2
Zone 3
Locaux à usage de bureau tarif normal
15.91
9.43
4.51
Locaux à usage de bureau tarif réduit
7.88
5.63
4.08
Locaux commerciaux
7.00
3.60
1.80
Locaux de stockage
3.60
1.80
0.90
Surfaces de stationnement
2.10
1.20
0.60
On peut observer que, probablement pour des raisons d’aménagement du territoire,
les taux sont les plus bas dans les zones les plus rurales. Cette graduation est
défavorable à la biodiversité. Compte tenu des nombreuses exonérations, des taux
bas et de la graduation en vigueur, ces impositions ne sont pas dissuasives à la
construction de bureaux et locaux de stockage.
L’Île-de-France ne semble pas menacée par une pénurie de locaux professionnels.
Ainsi, Immogroup Consulting estime que « pour les bureaux, l’excédent à un an
s’inscrit entre 1,8 et 2,5 millions de mètres carrés par an depuis 2003 ».
La Taxe sur les friches commerciales (CGI, article 1530)
Les communes (ou leurs groupements) peuvent instituer une taxe annuelle sur les
friches commerciales situées sur leur territoire. Ces biens ne doivent plus être affectés
à une activité entrant dans le champ de la CFE depuis au moins cinq ans et doivent
être restés inoccupés au cours de cette période.
Cette taxe vise les biens qui par nature sont passibles de la taxe foncière : bureaux,
immeubles affectés à une activité commerciale, aires de stationnement des centres
commerciaux, lieux de dépôt ou de stockage. Toutefois, la taxe n’est pas due lorsque
l’inexploitation des biens est indépendante de la volonté du contribuable.
L’assiette de la taxe est constituée par le revenu net servant de base à la taxe foncière
sur les propriétés bâties. Son taux est fixé à 5 % la première année d’imposition,
10 % la deuxième et 15 % à compter de la troisième année, ces taux pouvant être
majorés dans la limite du double.
Cette taxe n’a pas été mise en œuvre à ce jour, or elle pourrait inciter à remettre sur le
marché et consommer de préférence des terrains déjà profondément artificialisés.
La taxe de séjour et taxes additionnelles
Le tourisme est moteur d’activités dont certaines peuvent nécessiter l’artificialisation
de surfaces naturelles (logements supplémentaires, construction de complexes
récréatifs, de zones commerciales, etc.) et/ou perturber les habitats avoisinants par le
bruit, la lumière. Inversement, un site touristique est d’autant plus attractif qu’il
conserve son caractère authentique.
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- 160 -
Octobre 2011
- Chapitre 3 -
Selon le code général des collectivités territoriales (articles L. 2333-26 à L. 2333-46),
peuvent instituer les taxes de séjour :
•
les stations classées ;
•
les communes bénéficiant de la dotation supplémentaire aux communes et
groupements touristiques ou thermaux et de la dotation particulière aux
communes touristiques ;
•
les communes de montagne ;
•
les communes littorales ;
•
les communes réalisant des efforts de promotion en faveur du tourisme ;
•
les communes réalisant des actions de protection et de gestion de leurs espaces
naturels ;
•
les établissements publics de coopération intercommunale lorsqu’ils bénéficient
de la dotation supplémentaire ou particulière mentionnée à l’article L. 5211-24 du
code général des collectivités territoriales ou lorsqu’ils réalisent des actions de
promotion en faveur du tourisme, ainsi que lorsqu’ils réalisent des actions de
protection et de gestion de leurs espaces naturels.
Le conseil municipal (ou l’organe délibérant) peut instituer, pour chaque nature
d’hébergement à titre onéreux, soit la taxe de séjour, soit la taxe de séjour forfaitaire.
Le montant de la taxe de séjour due par le touriste est égal au nombre de nuits
passées dans la commune, multiplié par le tarif fixé par le conseil municipal.
Le montant dû, au titre de la taxe de séjour forfaitaire, correspond au produit du
nombre de journées comprises à la fois dans la période de perception et dans la
période d’ouverture de l’établissement, par le nombre de personnes pouvant être
hébergées dans l’établissement (capacité d’accueil) et par le tarif communal ou
intercommunal.
La taxe additionnelle de 10 % peut être perçue par les départements sur le territoire
des communes et des établissements publics de coopération intercommunale qui ont
institué en même temps et dans les mêmes conditions la taxe de séjour ou la taxe de
séjour forfaitaire. Elle a rapporté 3 millions d’euros en 2009.
Le produit de la taxe de séjour (207 millions d’euros en 2009) est affecté aux
dépenses destinées à favoriser la fréquentation touristique de la commune. Dans les
communes qui ont institué la taxe de séjour au titre des actions de protection et de
gestion de leurs espaces naturels, le produit de la taxe peut être affecté aux dépenses
destinées à favoriser la protection et la gestion de leurs espaces naturels à des fins
touristiques.
Le tarif de la taxe est fixé par le conseil municipal ou communautaire dans les limites
du barème fixé par le décret n° 2002-1549 du 24 décembre 2002. Il n’a pas été
réévalué depuis. Le tarif de la taxe de séjour est fixé, pour chaque nature et pour
chaque catégorie d’hébergement, par personne et par nuitée de séjour. Il est compris
entre 0,2 et 1,5 euro en fonction du confort et du standing du logement, par personne
et par nuitée.
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- 161 -
Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
Ainsi, les modalités de fixation de la taxe de séjour n’internalisent ni les impacts
négatifs de l’activité touristique sur la biodiversité, ni les bénéfices que ces derniers
retirent d’un milieu naturel préservé. En effet, cela n’était pas l’objectif de cette taxe
lors de sa mise en œuvre.
1.5. Les aides publiques à l’artificialisation en zones rurales
Les aides suivantes réduisent le coût de la construction de nouveaux bâtiments sur
les surfaces agricoles et participent par conséquent à l’artificialisation des habitats
agricoles :
•
exonération de la TFB pour les bâtiments ruraux affectés de manière exclusive et
permanente à un usage agricole (granges, écuries, greniers, caves, celliers,
pressoirs, etc.) quel que soit le type d’exploitation ;
•
exonération de la cotisation économique territoriale (CET, ex-taxe professionnelle).
La CET comprend une part foncière (la CFE, cotisation foncière des entreprises) et
une part assise sur la valeur ajoutée (la CVAE, cotisation sur la valeur ajoutée des
entreprises). La CFE est assise sur la valeur locative des biens passibles de la taxe
foncière sur les propriétés bâties (usines, locaux commerciaux, etc. ou de la taxe
foncière sur les propriétés non bâties (terrains, carrières, etc.). Sont notamment
exonérés de la CFE : les grands ports maritimes et les ports autonomes, les
exploitants agricoles (articles 1449-1466 du code général des impôts) ;
•
exonération des taxes d’urbanisme : taxe départementale des espaces naturels
sensibles (TDENS), taxe départementale pour les financement des conseils
d’architecture, d’urbanisme et d’environnement (TDCAUE), taxe locale
d’équipement (TL). Le Conseil général peut, par exemple, exonérer de la TDENS
les locaux artisanaux et industriels situés dans les communes de moins de
2000 habitants (article L. 142-2 du code de l’urbanisme) ;
•
exonération de la redevance d’archéologie préventive pour les affouillements pour
la réalisation de travaux agricoles et les travaux relatifs aux logements locatifs
construits ou améliorés avec le concours financier de l’État.
Par ailleurs, lors de l’artificialisation d’un terrain agricole, un exploitant agricole peut
toucher une indemnité d’éviction selon un barème fixé par arrêté préfectoral dans
chaque département.
1.6. Les aides publiques favorisant les carrières et activités extractives
Les activités extractives minérales fournissent la matière première nécessaire à la
réalisation des infrastructures de mobilité (80 %) et à la construction des bâtiments
(20 %). Cette activité a dû satisfaire une demande toujours croissante sur les trente
dernières années, avec pour conséquence une augmentation de 20 % de la
production, passant de 280 millions de tonnes de granulats en 1970 à 376 millions en
2009. Les déterminants de cette hausse sont l’augmentation des besoins en logement
et en infrastructures, sous-tendue par la croissance démographique, l’augmentation
de la taille des logements par habitant, et la mobilité accrue des personnes.
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Octobre 2011
- Chapitre 3 -
La dynamique foncière induite est une surface annuelle nette consommée de l’ordre
1
de 1 200 ha , accompagnée d’une diminution du nombre de sites (– 14 % entre 1998
et 2008), actuellement au nombre de 2 700. Cette consommation nette d’espace est
la résultante d’une extension des emprises des carrières, de l’ordre de 1 700 ha/an
(pour les trois quarts au détriment de zones agricoles), et d’un mouvement inverse de
retour des terrains exploités dans un état « non artificialisé » (pour 500 ha/an environ),
majoritairement sous la forme d’espaces herbacés ou arbustifs, et secondairement
sous forme de zones agricoles ou de plans d’eau.
À terre, l’activité des carrières a un impact direct sur la biodiversité puisqu’elle détruit
2
directement ou indirectement les habitats et donc les espèces qui y vivent . Les bruits
(matériel de chantier, véhicules de transport) ou les vibrations (tirs de mine) causés par
l’activité peuvent également être source de nuisances pour les espèces vivant à
proximité. Enfin, l’exploitation d’une carrière peut également avoir des impacts
hydrogéologiques (érosion, modification des écoulements et du niveau des lignes
d’eau) et affecter le fonctionnement des écosystèmes aquatiques (modification des
propriétés chimiques au contact de l’air, diffusion et dépôt de matières en suspension,
assèchement ou baisse du niveau d’eau). En outre, les transports des matériaux
extraits, le plus souvent par la route (94 % des tonnages) impactent indirectement la
biodiversité, via les émissions de CO2 qu’ils induisent et leur contribution au
réchauffement climatique, via la pollution atmosphérique qu’ils entraînent et leurs
effets sur la flore et la faune. Sur ce point, l’activité des carrières reste néanmoins
plutôt localisée à proximité des lieux de consommation, la distance moyenne
parcourue depuis les sites de production étant de 20 km à 25 km.
Les extractions de granulats en mer, encore très marginaux (2 % de la production
annuelle), ont potentiellement des impacts spécifiques localisés mais encore
inégalement documentés (nuisances pour certaines espèces benthiques et
perturbations de leurs écosystèmes, effets temporaires sur la turbidité de l’eau,
redéposition de particules fines, impacts hydrogéomorphologiques, etc.).
Aucune aide publique directe favorisant ou soutenant l’activité extractive n’a été
identifiée. En revanche, les produits de l’extraction venant majoritairement répondre
aux besoins en termes de construction d’infrastructures de transport (80 %) et de
bâtiment (20 %), l’activité extractive bénéficie indirectement des aides publiques déjà
identifiées dans ces deux secteurs. Sur le même principe, les régimes fiscaux
dérogatoires dont bénéficient les ports sont susceptibles d’impacter à la baisse les
coûts de l’extraction de granulats en mer (même si la tarification des services
portuaires pour ces matériaux est à considérer dans l’ensemble de la politique tarifaire
du port).
3
Il existe également une fiscalité spécifique à cette activité (TGAP sur l’extraction et
redevance domaniale pour l’extraction en mer), complétée par d’autres instruments
4
fiscaux plus généraux (redevance archéologie préventive, taxe ICPE , taxe foncière,
redevances eau, etc.). Toute réflexion sur le caractère suffisamment « internalisant »
(1) Source : Enquête Corine Land Cover, calculs CGDD.
(2) Ce paragraphe s’appuie largement sur la partie « Réduire les impacts sur l’environnement : une
priorité » tirée du Livre Blanc Carrières et granulats à l’horizon 2030, publié par l’Union national des
producteurs de Granulats en 2011.
(3) TGAP : taxe générale sur les activités polluantes.
(4) ICPE : installation classée pour la protection de l’environnement.
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- 163 -
Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
de cette fiscalité spécifique doit tenir compte au préalable des autres instruments
visant à prévenir ou compenser les impacts de l’activité en termes de biodiversité, et
ce d’autant plus qu’il s’agit plutôt à l’origine d’une fiscalité de financement que d’une
1
fiscalité incitative .
Un certain nombre de dispositions réglementaires relatives à cette activité visent, en
effet, déjà à limiter ses impacts environnementaux. Les carrières sont considérées
comme faisant partie des installations classées pour la protection de l’environnement
et à ce titre, l’ouverture et la mise en exploitation d’une carrière sont soumises à une
autorisation préfectorale, sur la base d’une étude d’impacts (notamment environnementaux) et d’une étude de dangers. En outre, l’autorisation d’exploiter est assortie
d’une obligation de remise en l’état du site, parallèlement à l’exploitation ; l’exploitant
est d’ailleurs tenu de constituer des garanties financières pour satisfaire à cette
obligation en cas de défaillance. De fait, les anciennes carrières réaménagées peuvent
2
parfois représenter des sites intéressants en termes de biodiversité .
1.7. Les aides publiques à l’étalement urbain dans les départements
et collectivité d’outre-mer
Les départements et collectivités d’outre-mer sont également impactées par l’étalement urbain.
Cet étalement est souvent une situation de fait préexistante qui résulte de
constructions illégales (qui sont par ailleurs plus polluantes car non raccordées au
réseau d’assainissement).
Cela étant, les aides à l’accession à la propriété et à la construction de logements
locatifs, notamment les réductions et déductions d’impôt sur le revenu au titre des
investissements locatifs effectués (CGI, articles 199 undecies A et 199 undecies C,
217 undecies et 217 duodecies) peuvent contribuer à l’étalement urbain lorsqu’elles
sont réalisées dans des zones à l’urbanisation non dense.
Participent également à l’étalement urbain les aides aux investissements (constructions) dans les secteurs industriels, de l’hôtellerie (villages de vacances, campings…),
de la restauration, du tourisme (activités de loisir : équipements de sites touristiques,
bases nautiques…), de l’hébergement de personnes, etc. Ainsi en est-il des réductions
et déductions d’impôt sur le revenu au titre des investissements réalisés dans les
secteurs précités (CGI, articles 199 undecies B, 217 undecies et 217 duodecies),
lorsqu’ils sont réalisés dans des zones à l’urbanisation non dense.
2 La semi-artificialisation des habitats
Les aides publiques influant sur les habitats agricoles et forestiers sont successivement abordées dans cette partie.
(1) Dans son principe, la redevance domaniale s’apparente plutôt au prélèvement, par la puissance
publique propriétaire de la ressource exploitée, de la rente générée par l’exploitation privative de
cette ressource « rare ».
(2) Les carrières accueillent des oiseaux d’eau hivernants ou nicheurs, maintiennent des populations
d’amphibiens menacés ou d’insectes, et abritent certaines espèces végétales rares.
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Octobre 2011
- Chapitre 3 -
2.1. Des habitats toujours plus simplifiés et des systèmes de production
plus intensifs
Habitats agricoles : poursuite de la simplification et de l’intensification
des systèmes de production
À l’échelle du paysage, trois facteurs de semi-artificialisation sont particulièrement
déterminants vis-à-vis de la biodiversité (Le Roux et al., 2008) : l’intensité d’usage des
systèmes de production agricole ou forestier, l’hétérogénéité du paysage et, dans une
moindre mesure, la connectivité des habitats.
Hétérogénéité du paysage et système de production agissent simultanément sur la
biodiversité, parfois en synergie, parfois en opposition, l’effet de l’un pouvant limiter
les effets potentiels de l’autre. Évaluer la part relative de ces facteurs sur l’état de la
dynamique de la biodiversité dans les paysages agricoles n’est pas aisé, notamment à
cause du niveau de corrélation souvent observé entre eux. Il existe ainsi dans la
majorité des cas une relation forte entre l’intensification de l’agriculture
conventionnelle et l’homogénéisation du paysage, à savoir l’agrandissement des
parcelles et la fragmentation des éléments semi-naturels (Le Roux et al., 2008).
Simplification des paysages agricole
La simplification se manifeste par une réduction des milieux semi-naturels (zones
boisées, prairies semi-naturelles, haies et bords de champs, mares, talus, chemins
creux, etc.) et la mise en place d’un habitat uniforme sur de vastes surfaces. Les
mosaïques paysagères disparaissent et, avec, les effets bénéfiques de ce type de
paysage sur la biodiversité. Un paysage hétérogène augmente, en effet, la richesse
spécifique de la majorité des groupes animaux et des plantes, et concourt à
l’augmentation de l’abondance de la plupart d’entre eux (Le Roux et al., 2008).
Les pourcentages d’éléments semi-naturels dans les paysages agricoles français sont
très variables. Dans les régions de grandes cultures, ils peuvent représenter moins de
10 % de la surface agricole. Dans certaines régions de production herbagère, ils
peuvent en revanche représenter plus de la moitié du territoire. À l’échelle de la
métropole, le pourcentage de la superficie totale agricole occupée par des éléments
semi-naturels est inférieur à 20 % dans une cinquantaine de départements français,
valeur considérée comme critique par les écologues, (Le Roux et al., 2008).
Les zones de déprise agricole n’ont qu’un intérêt relatif vis-à-vis de la biodiversité.
Bien qu’elles soient dominées par les éléments semi-naturels, elles peuvent, par
exemple, avoir une structure de paysage moins complexe que les bocages lorsqu’on
y trouve un type d’occupation du sol largement majoritaire.
Intensification des systèmes de production
Dans les systèmes de production intensifs (système grandes cultures par exemple),
l’organisation des paysages obéit à une logique tournée vers la production. La
recherche d’une efficacité maximale de l’utilisation des machines (taille et forme des
parcelles, tracé des chemins) et d’une productivité maximale du travail (regroupement
des parcelles, minimisation des temps de manœuvre) conduit, en effet, au
remembrement, retournement des prairies, drainage et à la suppression de haies.
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Les aides publiques dommageables à la biodiversité
La plupart des études évaluant l’impact de l’intensification des pratiques sur la
biodiversité montrent des effets souvent positifs pour les pratiques les plus
« extensives » et des effets variables suivant les pratiques et les groupes considérés
les plus « intensifs » (Le Roux et al., 2008).
Habitats forestiers : perspective d’intensification et de simplification
Une forêt globalement en bon état
Depuis 150 ans, la surface des forêts françaises a progressé à un rythme soutenu en
remplaçant les espaces agricoles à faible productivité, ce qui n’est pas toujours
favorable à la biodiversité lorsque ces derniers abritent des écosystèmes
remarquables.
Les forêts françaises ont trois particularités par rapport aux autres États membres de
l’Union européenne :
•
elles sont écologiquement particulièrement riches et diversifiées tant au niveau des
essences que des traitements sylvicoles : 136 espèces d’arbres en France
métropolitaine et 1 300 espèces différentes dans la forêt guyanaise ;
•
la part de la forêt privée représente 75 % de la surface totale. Les propriétés
privées sont en revanche très morcelées avec une surface moyenne de 2,8 ha par
1
propriétaire » (MAP, 1994) ;
•
la France possède une importante forêt tropicale dans ses départements d’outremer. Celle-ci couvre une surface de 7,7 millions d’hectares, dont 98 % en Guyane
(source : site Internet CGDD).
D’un point de vue plus qualitatif, deux tiers de la forêt française sont composés de
feuillus. Hormis le massif landais dominé par le pin maritime, les feuillus sont
caractéristiques des zones de plaine et de piémont et les résineux, des zones de
montagne. Les essences contribuant le plus au volume total sur pied (volume bois fort
tige, sur écorce, des arbres vivants dont le diamètre à 1,30 m est supérieur ou égal à
7,5 cm) sont le chêne pédonculé et le chêne rouvre pour près d’un quart du stock, le
hêtre (9 %), le chêne pubescent (9 %), le pin maritime (7 %), le pin sylvestre (6 %), le
châtaignier (5 %), le chêne vert (5 %).
La qualité et la biodiversité des forêts françaises sont globalement satisfaisantes.
Certains indicateurs de gestion durable (IGD) des forêts métropolitaines présentés
2
3
dans le rapport du MAP de 2010 sont relativement bons , notamment :
•
la régénération naturelle est plus développée que la régénération artificielle (71 %
de la surface totale contre 29 %). La moitié de la surface de résineux est toutefois
en mode de régénération artificielle ;
(1) MAP (1994), La gestion durable des forêts françaises, 81 p.
(2) MAP (2010), Les indicateurs de gestion durables des forêts françaises métropolitaines, Édition
2010, ministère de l’Agriculture et de la Pêche, 72 p.
(3) L’adoption depuis 2005 de la définition internationale de la forêt ainsi que l’homogénéisation des
conditions de mise en œuvre de l’inventaire au niveau national lors du passage à la nouvelle
méthode d’inventaire occasionnent une rupture de série sur la surface de forêt. Cette rupture sur la
surface engendre une rupture sur tous les autres résultats. Il convient donc de considérer les
résultats 2010 comme un nouvel état zéro des indicateurs construits à partir de données IFN, et de
garder à l’esprit que toutes les comparaisons entre les résultats 2005 et 2010 sont affectées.
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- Chapitre 3 -
•
les forêts sont majoritairement semi-naturelles (87 % de la surface forestière) et
peu artificielles (12 % de la surface totale en plantations) (voir tableau ci-dessous).
Degré de naturalité
Type de forêts
Surface
(1 000 ha) en 2010
Forêt non perturbée
Forêts semi-naturelles
30
<1
Peuplements feuillus
9 722
63
Peuplements résineux
2 273
15
Peuplements mixtes
1 392
9
13 387
87
Essences plantées feuillues
376
2
Essences plantées résineux
1 496
10
Total forêts semi-naturelles
Plantations
%
Essences plantées mixtes
n.s.
Total plantations
Total
1 901
12
15 319
100
Source : IFN, campagnes d’inventaire 2006-2009
1
D’autres indicateurs sont moins bons (Gosselin et al. (2009 ) :
•
la structure forestière est dominée par la structure de type « futaie régulière »
(presque 50 % de la surface). La structure « futaie irrégulière » est peu présente
(moins de 5 % de la surface, en régression plus forte que le taillis sous futaie, par
exemple) ;
•
la proportion d’arbres de plus de 60 cm de diamètre représente entre 7 % et 11 %
du volume total, suivant qu’on est en résineux ou en feuillus ;
•
la densité de cervidés est en augmentation constante depuis ces dernières
décennies, ce qui peut avoir des effets mitigés sur la biodiversité (des pertes pour
certains groupes et des augmentations pour d’autres).
Forte progression en vue de la demande en bois
La perspective d’une intensification des prélèvements de biomasse ligneuse en forêt
pour répondre à la demande de bois énergie et/ou de biocarburants de seconde
génération conduit à s’interroger sur le devenir de la biodiversité forestière.
2
3
Selon les rapports du Cemagref de 2007 et 2009 sur l’état de la biomasse forestière
et les possibilités de son exploitation à l’horizon 2020, il serait envisageable d’augmenter la production actuelle de bois tout en respectant les conditions d’une gestion
durable. À noter cependant que les forêts domaniales et communales représentent un
(1) Gosselin F., Bouget C., Gosselin M., Chauvin C. et Landmann G. (2009), « L’état et les enjeux de
la biodiversité en France », in Bio2, Biomasse et biodiversité forestière, rapport réalisé sous la
coordination du GIP Ecofor à la demande du MEEDDM, juillet, 221 p.
(2) Vallet P., Levesque C. et Ginisty C. (2007), Biomasse forestière disponible pour de nouveaux
débouchés énergétiques et industriels, Partie 1 : Analyse et synthèse des études existantes recensées
au niveau national, Convention DGFAR/Cemagref n° E19/06, Rapport final, octobre, 124 p.
(3) Ginisty C., Chevalier H., Vallet P. et Colin A. (2009), Évaluation des volumes de bois mobilisables
à partir des données de l’IFN « nouvelle méthode » : Actualisation 2009 de l’étude « biomasse
disponible » de 2007, Convention Cemagref/IFN/DGFAR n° E 10/08, Rapport final, 62 p.
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Les aides publiques dommageables à la biodiversité
quart des superficies forestières nationales mais assurent à elles seules 40 % de la
production de bois. Le constat d’une forêt française privée sous-exploitée est
largement partagé, mais l’accroissement de leur production semble difficile.
2.2. Les aides liées à la semi-artificialisation des habitats agricoles
Des aides plus ou moins directes peuvent accélérer la semi-artificialisation des habitats
agricoles. Elles sont présentées ici par grand déterminant de semi-artificialisation, à
savoir l’intensification des pratiques et la simplification des paysages.
Les aides favorisant l’intensité des systèmes de production agricoles
D’une façon générale, l’intensification des pratiques agricoles est déterminée par le
prix des consommations intermédiaires (pesticides, fertilisants, carburants, etc.), du
matériel, du foncier et de la main-d’œuvre. Les aides publiques réduisant ces
différents coûts sont traitées dans la première section du chapitre 4.
Les aides favorisant la simplification du paysage
Un paysage composé d’éléments naturels ou semi-naturels nombreux et de cultures
variées constitue un habitat propice au maintien de la biodiversité. Les aides
mentionnées ci-après ont été identifiées comme pouvant influer directement ou
indirectement sur l’une de ces deux caractéristiques du paysage.
Les aides influant sur les éléments semi-naturels
Les aides suivantes déterminent directement de choix de l’exploitant de conserver ou
non ses éléments semi-naturels :
•
aides des Conseils généraux aux communes, groupements de communes et
agriculteurs pour les opérations de remembrement. Ce type d’opération conduit à
1
une reconfiguration du paysage et, bien que la législation en la matière ait évolué ,
à l’arrachage de haies. Ces aides peuvent ainsi participer directement à la
simplification du paysage ;
•
aides des Conseils généraux pour les opérations de drainage. Ces aides sont le
plus souvent attribuées sous conditions de respect de bonnes pratiques de
drainage, parmi elles, le non-drainage des zones humides d’intérêt écologique.
De façon plus indirecte, plusieurs aides peuvent réduire le coût du matériel agricole de
très grande taille et accélérer la disparition des éléments du paysage, l’usage de ce
type de matériel étant facilité par la réduction du nombre d’obstacles sur la parcelle et
entre les parcelles :
•
les aides à l’investissement (déduction spécifique à l’investissement, prêts de
modernisation, prêts à l’installation) ;
(1) La « Loi relative au développement des territoires ruraux » du 23 février 2005 a remplacé le
remembrement par la procédure d’aménagement foncier agricole et forestier. Lorsque l’État et les
départements accompagnent financièrement une opération de remembrement, ils doivent moduler
leurs aides en fonction du respect de conditions environnementales et procédures légales.
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•
les aides réduisant le coût d’utilisation du matériel (exonération ou taux réduit de
TIC sur les carburants) ;
•
l’exonération de taxe à l’essieu.
Ces aides sont traitées plus en détail dans la première section du chapitre 4.
L’éco-conditionnalité des paiements uniques peut, dans certains cas, générer des
effets d’aubaine. Parmi les bonnes conditions agro-environnementales (BCAE), le
« maintien des particularités topographiques » est un bon exemple. Les éléments
pérennes du paysage situés sur les parcelles ou jouxtant les parcelles de la surface
agricole de l’exploitation déclarée dans le dossier PAC doivent représenter au total
3 % de la SAU de l’exploitation. Les fiches BCAE 2011 précisent que « si la haie
sépare deux parcelles exploitées par deux agriculteurs distincts, et que chacun assure
la maîtrise de la partie joignante de sa parcelle, alors la haie peut être comptabilisée
au titre des particularités topographiques par les deux exploitants ».
Une même haie peut ainsi être comptabilisée deux fois pour remplir les conditions
nécessaires à la perception du paiement unique. On peut alors observer un effet
d’aubaine dans la mesure où le paiement est le même que l’exploitant entretienne un
ou deux côtés d’une haie. Cette disposition est contradictoire avec les mesures agroenvironnementales « entretien des haies » qui distinguent les deux cas de figure et
prévoient une subvention plus élevée lorsque la haie est non mitoyenne.
Cette observation s’applique également aux autres éléments du paysage comptabilisés comme particularités topographiques (bois, étangs, etc.), alors qu’ils se trouvent
en bordure d’exploitation même s’ils ne font pas partie de celle-ci, ce qui constitue un
effet d’aubaine.
Les aides influant sur la diversité des cultures
1
Il n’existe pour ainsi dire plus d’aide couplée à la production (sauf aides de l’article 68 ).
En revanche, des moyens plus indirects de soutien perdurent ou ont été récemment
mis en place :
•
2
restitutions à l’exportation (111,7 millions d’euros de l’Europe en 2010 ) et
dépenses d’intervention (stockage) (77,6 millions d’euros de l’Europe en 2010) :
quelques produits agricoles et agroalimentaires (céréales, sucre, lait et produits
laitiers, ovoproduits, viande bovine, viande porcine, d’ovins et de caprins, produis
transformés, certains produits horticoles) peuvent bénéficier de restitutions lors
des exportations vers les pays tiers. Les dépenses d’intervention sont perçues par
l’organisme FranceAgriMer responsable de la mise en œuvre des mécanismes de
stockage public afin d’assurer l’équilibre du marché, notamment des céréales. Ces
deux dispositifs garantissent ainsi un certain niveau de prix pour les cultures
ciblées et réduit les risques de revenus comparativement aux cultures non ciblées.
(1) L’article 68 a été introduit dans le cadre du bilan de santé de la PAC en 2008. Selon cet article,
les États membres peuvent conserver, par secteur, 10 % de leur enveloppe budgétaire nationale
destinée aux paiements directs et affecter cette somme, dans le secteur concerné, en faveur de
mesures environnementales ou d’actions visant à améliorer la qualité des produits et leur
commercialisation.
(2) Source : Commission des comptes de l’agriculture de la nation (2010), Les concours publics à
l’agriculture en 2010, 24 p.
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Les aides publiques dommageables à la biodiversité
La surface des cultures associée à des aides à la régulation de marché peut alors
augmenter au dépend des autres cultures et réduire la diversité des assolements ;
•
contrôle des conditions de production des végétaux (3 millions d’euros de l’État en
1
2010 ) : La gestion des foyers de maladie et de ravageurs consiste à assurer non
seulement le traitement obligatoire des productions végétales mais également
l’indemnisation des producteurs en cas d’arrachage ordonné par mesure de
précaution. L’indemnisation des conséquences liées à la non-rotation, autrement
dit à des systèmes en production faiblement diversifiés, encourage les agriculteurs
à poursuivre dans cette même voie et non le changement de pratiques ;
•
assurance récolte (38,1 millions d’euros de l’État en 2010 ) : réintroduit une forme de
couplage avec les productions assurables. Toutes choses égales par ailleurs, les
risques de forte variation de revenu associés de ces dernières sont moins élevés
que pour les cultures non assurables et les surfaces cultivées pourraient évoluer en
leur faveur. Les pouvoirs publics incitent toutefois au développement de l’assurance
pour les prairies, encore non assurables aujourd’hui, à travers la LMAP ;
•
subventions des collectivités locales et des Agences de l’eau pour la construction
de retenues collinaires : réduit le coût des cultures qui ont besoin d’eau en période
d’étiage par rapport à celles qui n’en nécessitent pas. La surface de ces dernières
peut alors baisser et la diversité des assolements diminuer également.
2
Il existe, par ailleurs, des actions de génétique animale (11,5 millions d’euros de l’État
3
en 2010 ) qui comprennent :
•
l’encadrement technique national des instituts techniques ;
•
les fonds de compensation du service universel de l’insémination artificielle ;
•
la maintenance évolutive des chaînes génétiques ;
•
l’indexation nationale ;
•
la mission de service public des organismes de sélection ;
•
l’aide aux organismes de sélection de races à petits effectifs ;
•
la cryobanque nationale ;
•
les actions innovantes/recherche appliquée.
Si ces actions sont mises en œuvre sans conditionnalité de maintien de la diversité
génétique, il existe un risque de diffusion globale de génomes dominants. En outre,
ces actions conduisent à l’évolution de races hors de leurs écosystèmes traditionnels.
L’agriculteur est alors amené à adapter la gestion de son exploitation aux
particularités productives de la race sélectionnée (exemple de l’évolution des brebis
roquefort, standardisation et industrialisation de la lacaune).
Il est cependant nécessaire de remarquer que cette subvention permet également le
maintien d’espèces traditionnelles sur le territoire.
(1) Source : Projets annuels de performance 2010, Mission Agriculture, Pêche, Alimentation, Forêt et
Affaires rurales, Programme 206, Action 01.
(2) Source : Projets annuels de performance 2010, Mission Agriculture, Pêche, Alimentation, Forêt et
Affaires rurales, Programme 154, Action 12.
(3) Source : Projets annuels de performance 2010, Mission Agriculture, Pêche, Alimentation, Forêt et
Affaires rurales, Programme 154, Action 11.
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Octobre 2011
- Chapitre 3 -
2.3. Les aides liées à la semi-artificialisation des habitats forestiers
Les aides liées à la transition énergétique
Dans le cadre de la transition énergétique en cours avec le Grenelle de l’environnement 2009 et 2010, la France s’engage à porter à au moins 23 % la part des
énergies renouvelables dans son bouquet énergétique en 2020. La biomasse ligneuse
et agricole devrait contribuer pour plus de la moitié à cet objectif.
Les engagements français prévoient que la consommation française de biomasse
forestière passe de 9 Mtep en 2006 à plus de 13 Mtep en 2020 (+ 4 Mtep/an). Cette
volonté de passer à un niveau supérieur de production constitue un défi important car
il suppose d’augmenter de 60 % la récolte commercialisée d’ici 2020, tout en
respectant les autres engagements du Grenelle, et notamment la préservation de la
biodiversité.
Des financements publics sont prévus pour accompagner cette transition : de la mise
en place d’outils financiers incitatifs de type Plans bois-énergie, Fonds chaleur
(ADEME, depuis 2009) et, en son sein, l’appel à projet BCIAT (biomasse, chaleur,
industrie, agriculture, tertiaire), ainsi que les appels d’offres CRE.
En considérant qu’en 2011, 80 % des projets CRE2 et fonds chaleur retenus auront
démarré et qu’en 2012 la totalité des projets CRE2, Fonds chaleur et CRE3 aura été
lancée, les besoins supplémentaires en plaquettes forestières pourraient s’élever à
partir de 2012 entre 3,5 et 4,5 millions de tonnes par an, alors que la production
actuelle est estimée à 300 000 tonnes par an. Le besoin maximum de plaquettes
devrait être atteint en 2014, par la mise en service des dernières installations du
programme issu du troisième appel d’offres et le fonctionnement à plein régime du
fonds chaleur.
Ces aides publiques représentent aujourd’hui un risque faible d’effets secondaires
négatifs sur la biodiversité et difficile à mesurer à l’avance. L’impact sur la biodiversité
devrait, en tout état de cause, être intégré dès aujourd’hui dans les modalités de ces
aides.
Les aides au reboisement
Il existe des aides au reboisement et à la plantation d’essences forestières. Certaines
sont ciblées sur la gestion forestière, d’autres sur la plantation.
Exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties des terrains plantés en
1
bois (code général des impôts, article 1395 : 7 millions d’euros en 2010 ) pour :
•
les terrains ensemencés, plantés ou replantés en bois, pendant la première partie
du cycle de production (10 ans pour les peupleraies, 30 ans pour les résineux,
50 ans pour les bois autres que résineux) ;
•
les terrains boisés en nature de futaie ou de taillis sous futaie, autres que les
peupleraies qui ont fait l’objet d’une régénération naturelle ;
(1) Projets annuels de performance 2011, Mission Agriculture, Pêche, Alimentation, Forêt et Affaires
rurales, Programme 149.
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Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
•
les terrains boisés présentant un état de futaie irrégulière en équilibre de régénération pendant les 15 ans qui suivent la constatation de cet état (à concurrence de
25 % du montant de la taxe).
Cette exonération peut inciter à boiser des milieux naturels plus riches avant
boisement tels que les zones humides, landes, etc. Elle pourrait éventuellement se
traduire aussi par une réduction de l’âge optimal d’exploitabilité, néfaste pour la
biodiversité. L’ancienneté des écosystèmes forestiers est en effet un facteur important
favorisant leur richesse biologique : certaines espèces dont la vitesse de colonisation
est faible ne se rencontrent qu’en forêt ancienne, et comme l’ont montré Liu et al.
1
(1994) , les espèces animales sont souvent sensibles à la longueur des rotations
choisies par le forestier.
De plus, cette exonération pourrait inciter le propriétaire à substituer les essences
cultivées par des essences à croissance plus rapide afin de se placer le plus souvent
possible dans la période d’exonération et à intensifier la production ; ce qui, à terme,
peut tendre à diminuer la diversité spécifique et génétique des forêts. Mais ces
risques ne doivent sans doute pas être exagérés.
Réduction d’impôt sur le revenu pour les investissements, travaux forestiers et
gestion de parcelles forestières (code général des impôts, article 199 decies H :
2
8 millions d’euros en 2010 ) : la notion de travaux forestiers englobe les travaux de
plantation, de reconstitution, de renouvellement, les travaux d’entretien (dont travaux
phytosanitaires), les travaux de sauvegarde et d’amélioration des peuplements
(l’élagage, le brûlage, le balivage et le débroussaillage), les travaux de création et
d’amélioration des dessertes.
L’éligibilité à ce dispositif est subordonnée à l’obtention et à l’application d’un
document de gestion [forestière] durable, ce qui implique le respect de règles précises
tant dans le choix des essences que dans la gestion des massifs forestiers, des
pratiques phytosanitaires ou d’amélioration des peuplements (plantations devant être
effectuées avec des graines et plants forestiers conformes aux prescriptions des
arrêtés régionaux relatifs aux aides de l’État à l’investissement forestier).
Subventions de l’État et des Régions pour la plantation d’essences forestières : si
ces aides bénéficient à des essences allogènes/exotiques, elles peuvent être
dommageables, etc.
Exonération partielle des droits de mutation pour les bois et forêts (code général
3
des impôts, article 793 : 25 millions d’euros en 2010 ) : parmi les conditions permettant
de bénéficier de l’exonération, les friches et landes doivent être susceptibles de
reboisement et présenter une vocation forestière, cela dans un délai de cinq ans.
Cette condition peut ainsi entraîner l’appauvrissement d’écosystèmes riches en
biodiversité.
(1) Liu J., Cubbage F. C. et Pulliam H. R. (1994), « Ecological and economic effects of forest
landscape structure and rotation length. », Ecologocal Economics, vol. 10.
(2) Projets annuels de performance 2011, Mission Agriculture, Pêche, Alimentation, Forêt et Affaires
rurales, Programme 149.
(3) Projets annuels de performance 2011, Mission Agriculture, Pêche, Alimentation, Forêt et Affaires
rurales, Programme 149.
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- 172 -
Octobre 2011
- Chapitre 3 -
3 La fragmentation des habitats
La fragmentation par une infrastructure linéaire peut interrompre la connectivité des
habitats aussi bien terrestres qu’aquatiques et entraîner des effets négatifs sur la
biodiversité (section 3.1). Parmi les aides favorisant ce type de pression, le
financement public dans les infrastructures de transport tient la première place
(section 3.2). Les autres aides publiques sont présentées dans la section 3.3.
3.1. Le rôle déterminant de la connectivité des habitats
Les effets de la fragmentation sur la biodiversité peuvent être regroupés en trois
principales catégories.
Diminution de la surface totale d’habitat : les ressources nécessaires à la survie des
espèces se trouvent limitées à la taille de l’habitat. Aussi, un grand habitat divisé en
plusieurs petits habitats voit son linéaire de lisière augmenter. L’effet lisière se
manifeste concrètement par la diminution du domaine vital des espèces vivant dans le
1
milieu intérieur. Par exemple, Kaczynska (2009) considère que certaines forêts,
lorsqu’elles sont fragmentées au-delà d’un maillage de deux tiers de kilomètre carré,
perdent leurs habitats intérieurs.
Augmentation de l’isolement des fragments : plus les fragments d’habitats sont
isolés, plus les options d’accouplement sont limitées. On observe alors une diminution
de la variabilité génétique au sein de populations locales (Kaczynska, 2009). Par
ailleurs, l’isolement des fragments entraîne une plus grande différenciation génétique
entre les populations locales. Si un certain isolement peut être, parfois, favorable,
encourageant l’adaptation locale, un trop fort isolement est défavorable, notamment
par perte trop importante de variabilité génétique. D’après les estimations dont on
dispose, on se trouve plutôt dans la gamme de variation où une augmentation de
l’isolement est désavantageuse (Couvet, 2002).
Limitation de la libre circulation des animaux : la libre circulation des animaux
dépend de la perméabilité de la barrière qui peut être définie comme la probabilité
qu’un organisme, arrivé au bord d’un élément du paysage, ne le traverse pas
2
(Verboom, 1995) . La perméabilité dépend de la largeur de l’élément barrière, de la
mobilité relative et du comportement des animaux, ainsi que de l’importance du
3
contraste entre l’élément barrière et les milieux adjacents (Bennet, 1991) . Par
exemple, les routes de 20 m à 30 m de largeur (trafic de 250 à 5 000 véhicules par
jour) sont perméables à des campagnols (68 % de retour avec succès à leur territoire
4
d’origine) (Richardson et al., 1997) .
(1) Kaczynska M. (2009), Impact of transport on biodiversity and nature protection legislation,
Workshop on Road Transport, European Investment Bank, 15 mai.
(2) Verboom J. (1995), Dispersal of animals and infrastructure. A model study: summary,
Directorate-General for Hydraulic Engineering Division., Delft, Pays-Bas, 8 p.
(3) Bennett A. F. (1991), « Roads, road sides and wildlife conservation ». Nature Conservations 2:
The role of corridors, D. A. Saunders et R. J. Kobbs, Surrey Beatty & Sons ed, Chipping Norton,
Australie, p. 99-117.
(4) Richardson J. H., Shore R. F. et Treweek J. R. (1997), « Are major roads a barrier to small
mammals ? », Journal of Zoology, Londres, 243, p. 840-846.
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Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
Les deux cartes suivantes permettent d’observer l’évolution potentielle de la fragmentation des habitats localisés sur les tracés de l’avant-projet de SNIT :
•
la première indique le niveau de fragmentation des habitats en 2000 ;
•
la seconde fait l’état des tracés des principaux projets de développement
ferroviaire proposés par l’avant-projet de SNIT.
Espaces naturels terrestres non fragmentés en France
selon leur taille (50 km² et plus), en 2000
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- 174 -
Octobre 2011
- Chapitre 3 -
Source : TETIS (2007), Projet d’expertise : Réalisation d’une cartographie des espaces naturels
terrestres non fragmentés, 2 p.
On peut y voir que certains tracés de l’avant-projet de SNIT passent au travers de
régions dans lesquelles les habitats sont encore peu fragmentés.
La fragmentation des habitats aquatiques est principalement due à la construction
de barrages. La continuité des cours d’eau fait partie du bon état écologique de la
directive-cadre sur l’eau. Selon la circulaire du 25 janvier 2010 relative à la mise en
œuvre par l’État et ses établissements publics d’un plan d’actions pour la restauration
de la continuité écologique des cours d’eau, « pour 50 % des masses d’eau de
surface, la canalisation des cours d’eau et les obstacles à l’écoulement constituent à
eux seuls un risque de non-atteinte du bon état ».
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Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
3.2. La contribution importante du financement public
dans les infrastructures linéaires de transport
Le domaine des transports est souvent le secteur marchand où l’investissement
public est le plus important. Cette circonstance s’explique par l’ampleur des
avantages non marchands et non internalisés que les transports procurent. Elle a
justifié de développer avec une précision et un effort d’exhaustivité ailleurs inconnus
des calculs de rentabilité élargie, incorporant certains avantages et coûts ressentis par
1
la collectivité du fait des investissements réalisés (rapport Boiteux II) .
Pour la gestion de ses réseaux d’infrastructures, l’État a recourt à des opérateurs
extérieurs, privés ou publics, sur lesquels il exerce son contrôle : Réseau ferré de
France (RFF), la Compagnie nationale du Rhône, les sociétés concessionnaires
d’autoroutes et de tunnels, Voies navigables de France (VNF). Il intervient toutefois
directement dans la gestion du réseau routier non concédé à travers les directions
interrégionales des routes.
Les collectivités territoriales disposent également de leurs propres réseaux et de leurs
propres opérateurs.
Le financement de deux projets d’infrastructures de transport d’envergure nationale
est essentiellement traité dans cette partie : le Schéma national des infrastructures de
transport (SNIT) et le Grand Paris. D’autres aides publiques liées aux infrastructures
linéaires ainsi que la problématique de l’insertion de la Trame verte et bleue et de son
financement sont présentées en fin de partie.
Le projet de SNIT
Caractéristiques
Le projet de SNIT « fixe les orientations de l’État en matière d’entretien, de modernisation
et de développement des réseaux relevant de sa compétence » (loi de programmation
relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement). Le schéma pour les 20 à
30 prochaines années est en cours de validation et pourrait fortement évoluer à la
baisse suite aux fortes réserves émises par l’Assemblée nationale (voir le rapport du
2
député Hervé Mariton du 18 mai 2011) . Les chiffres présentés ci-dessous sont donc
provisoires et donnés à titre indicatif.
(1) Commissariat général du Plan (2001), Transports : choix des investissements et coûts des
nuisances, rapport du groupe présidé par Marcel Boiteux, Paris, La Documentation française.
(2) Mariton H. (2011), Rapport d’information déposé en application de l’article 146 du règlement par
la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire relatif au SNIT,
Assemblée nationale, 24 p.
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Octobre 2011
- Chapitre 3 -
er
Les longueurs des réseaux d’infrastructures de transports au 1 janvier 2009
Longueur des réseaux en km
er
au 1 janvier 2009
Longueur des réseaux
supplémentaires (SNIT)
Routes et autoroutes
Routes et autoroutes
dont concédé
Réseau routier national
Réseau routier départemental
Réseau routier communal
11 042
8 431
732 (2020)
9 765
377 984
629 000
Ferroviaire
Réseau ferré national : total des
lignes exploitées ouvertes à la
circulation commerciale
dont LGV
Nombre de passages à niveau
29 473
2 411 (2020) + 1 640 (2030)
1 881
18 507
Fluvial
Ensemble du réseau navigable
Ensemble du réseau navigable VNF
8 500
6 700
dont réseau magistral
dont réseau à vocation touristique
4 100
2 600
Réseau navigable non VNF
1 800
350
Le SNIT traite des modes de transport routier, ferroviaire, fluvial mais également
portuaire, aérien et des transports collectifs urbains qui sont d’un intérêt moindre visà-vis de la fragmentation des habitats. Sa priorité première est le ferroviaire.
Le réseau ferroviaire représente près de 30 000 km de voies, dont les caractéristiques
et les usages sont cependant assez contrastés :
•
27 % du réseau accueille seulement moins de 10 trains par jour ;
•
15 % du réseau n’est emprunté que par des trains de fret ;
•
51 % du réseau est électrifié mais les circulations (en trains.km) sous traction
électrique représentent 90 % des trafics voyageurs et 85 % des trafics fret.
Le réseau des voies navigables est quant à lui relativement discontinu. Il se répartit en
plusieurs bassins : Seine, Nord (Escaut), Moselle, Rhin, Rhône, Loire inférieure… reliés
entre eux, lorsqu’ils le sont, par des canaux à petit gabarit. Le territoire desservi est
principalement situé dans le nord-est de la France et couvre environ un quart de la
superficie du pays.
Impacts sur la biodiversité
1
L’avant-projet de SNIT contient une évaluation environnementale des infrastructures
déjà en place et futures sur la biodiversité dont les principaux enseignements peuvent
être résumés comme suit.
(1) L’évaluation environnementale des plans et programmes est exigée par la directive 2001/42/CE
relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement.
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Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
2
En 2006, le nombre d’espaces naturels non fragmentés supérieurs à 100 km était
estimé à plus de 1 100. Dix à vingt de ces espaces pourraient être directement
touchés par les projets ferroviaires inscrits au SNIT (environ 210 étaient déjà proches
du réseau existant en 2008), et dix à quinze pour les projets routiers (environ
110 espaces non fragmentés étaient déjà proches du réseau routier existant en 2008).
Les zones Natura 2000 pourraient être concernées à hauteur de 12 % par les projets
de développement, un risque de pression supplémentaire (i.e. projet situé a moins de
1 km) s’exerçant sur environ 8 % des zones à cause des projets ferrés et sur 4 % à
cause des projets routiers. Il convient de souligner que les indicateurs ci-dessus sont
sommaires et uniquement indicatifs.
En matière de biodiversité et de milieux naturels, l’avant-projet de SNIT estime que
5 200 km d’infrastructures nouvelles impacteront des milieux naturels de diverses
façons :
•
11 % des sites Natura 2000 situés à moins d’1 km du réseau SNIT (hors projets
ferroviaires post-2020) ;
•
90 % des sites Natura 2000 potentiellement impactés le sont déjà par une autre
infrastructure du réseau national. Peuvent alors apparaître des effets de cumuls ;
•
31 espèces sont potentiellement impactées par le SNIT sur l’ensemble des sites
ayant justifié leur désignation ;
•
4 % à 10 % des espaces non fragmentés de plus de 100 km² sont potentiellement
impactés ;
•
400 km à 600 km² d’espaces naturels sont artificialisés par les emprises des
projets, dont 240 km² à 480 km² d’espaces agricoles. Le schéma résultant du
Comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire (CIADT)
de 2003 prévoyait lui la consommation de 35 000 ha à 45 000 ha de ces espaces.
2
On peut donc noter que malgré le Grenelle de l’environnement, la SNB, le fait que la
TVB et la maîtrise de l’artificialisation du territoire soient des priorités des lois Grenelle,
la réalisation du SNIT post-Grenelle entraînera la consommation de plus d’espaces
naturels que celle prévue par le CIADT d’avant le Grenelle.
L’avant-projet de SNIT a également donné lieu à des évaluations environnementales
du Commissariat général au développement durable (CGDD) et de l’Autorité
environnementale.
Le CGDD identifie les points de vigilances suivants :
•
les impacts cumulés sur la biodiversité des infrastructures existantes et projetées :
90 % des sites Natura 2000 impactés sont déjà potentiellement impactés par les
réseaux nationaux existants, et plus d’une trentaine d’espèces remarquables sont
potentiellement impactées sur l’ensemble de leurs principaux habitats par des
infrastructures nouvelles inscrites au SNIT ;
•
la consommation d’espace directe, indirecte et induite par le SNIT, notamment
l’urbanisation et ses impacts sur les milieux naturels et agricoles.
Les principales conclusions de l’Autorité environnementale sont les suivantes :
•
une évaluation complète des impacts de ce programme supposerait qu’on sache
déterminer ses effets cumulatifs avec d’autres décisions, notamment celles des
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- 178 -
Octobre 2011
- Chapitre 3 -
collectivités sur les réseaux dont elles ont la charge, et ceux d’autres décisions de
politique de transport (effets d’une meilleure utilisation des infrastructures
existantes, effets des tarifications sur le partage modal, etc.) ;
•
la cohérence entre le SNIT et la TVB relève pour l’essentiel de la définition future
du schéma national de la TVB, et des schémas régionaux de cohérence
écologique (SRCE) : elle ne peut donc pas encore être établie ;
•
l’analyse de la fragmentation de l’espace ne paraît pas suffisante pour traiter la
question de la biodiversité en dehors du réseau Natura 2000. En effet, des impacts
induits sur la biodiversité par les changements d’occupation des sols, les apports
d’espèces invasives progressant le long des infrastructures, les modifications
locales de topographie et de régime hydrique, l’accroissement de la fréquentation,
ne sont pas pris en compte par l’évolution de la fragmentation ;
•
l’étude des incidences sur le réseau Natura 2000 est conduite de façon autonome,
en application des dispositions de la directive 92/43/CEE dite « directive
Habitats ». L’analyse est conduite sur les habitats prioritaires et sur certaines
espèces jugées représentatives parce que particulièrement impactées ;
•
le rétablissement des continuités écologiques sur les réseaux existants constitue
un enjeu très important au demeurant omis. En matière de rétablissement des
continuités écologiques pour la faune, l’Autorité environnementale observe qu’il
serait plus pertinent de privilégier les petits vertébrés, et non les ongulés forestiers
(cervidés et sangliers) dont les populations sont presque partout en progression
très significative.
À noter, par ailleurs, que le projet de SNIT ne prend pas en compte l’évolution du
réseau ferroviaire existant, dont une partie, très faiblement exploitée, pourrait être
déclassée dans les années à venir.
Les impacts des nouvelles infrastructures fluviales du SNIT sont moins développés
que ceux qui concernent les infrastructures de transport terrestre. Lors de l’enquête
publique sur le projet de canal Seine-Nord Europe, il a été communiqué qu’outre
quelques avantages (réduction des effets des inondations, sécurisation de
l’alimentation en eau potable des populations), un canal peut aussi marquer
durablement un territoire et provoquer de graves désordres hydrauliques et
hydrogéologiques. Il peut, notamment, rompre des continuités hydrauliques et
écologiques, engendrant l’envasement de nombreux cours d’eau, la régression de la
biodiversité par la dégradation de la qualité des milieux et aussi le blocage des
circulations piscicoles, ou, au contraire, la circulation nouvelle d’espèces, y compris
invasives, quand il y a changement de bassin versant. L’étude d’impacts relatifs à
l’hydraulique du canal Seine-Nord Europe ne traite que très peu ces impacts.
Évaluation coûts-avantages du projet
Le montant des dépenses publiques ainsi que l’évaluation coûts-avantages présentés
ici sont donnés à titre indicatif. Dans sa configuration actuelle, le projet de SNIT fait
l’objet de réserves très fortes sur sa consistance et sur son financement de la part de
l’Assemblée nationale (Mariton, 2011).
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Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
1°) Montant des dépenses publiques
Le tableau suivant, issu de l’avant-projet consolidé, présente une estimation de la
répartition des dépenses, tous modes confondus (fer, route, fluvial, aéroports, ports,
transports collectifs) entre l’État, les collectivités territoriales et les autres
contributeurs. La nature de ces autres contributeurs n’est pas précisée, mais doit
surtout concerner les établissements publics (RFF, VNF, etc.) et probablement les
autres gestionnaires d’infrastructures ainsi que les financements communautaires, et
d’autres moins facilement classables (une part de financement initialement assurée
par un gestionnaire d’infrastructure peut se trouver par exemple assurée in fine par
une combinaison de recettes de péage et de « loyers » éventuels payés sur fonds
publics). En l’état, le montant de ces subventions « excède de très loin les moyens de
financement actuellement mobilisés au regard de la situation très contrainte des
finances publiques » (Mariton, 2011), d’autant plus que les coûts du SNIT n’intègrent
pas toutes les externalités environnementales. Une forte révision à la baisse de
l’ambition du SNIT et des moyens financiers qui lui seront consacrés est donc
prévisible.
Répartition des dépenses par contributeurs (millions d’euros)
Poste
Coûts estimés
Investissements
de développement
Investissements
de modernisation
Investissements
de régénération
Accroissement des
charges d’entretien
et d’exploitation
Total
Part État
Part
collectivités
territoriales
Part autres
contributeurs
166 000
55 000
71 000
40 000
59 500
25 500
24 500
9 500
30 500
3 000
1 500
26 000
4 500
2 000
0
2 500
260 500
85 500
97 000
78 000
Le tableau suivant présente la répartition des coûts entre le fer, le fluvial et la route.
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Octobre 2011
- Chapitre 3 -
Coûts estimés*
Poste
Investissement
de développement
Fer
Voie d’eau
Route
103 000 pour 4 051 km
d’ici 2030
Soit env. 25 M€/km
16 000 pour 350 km
d’ici 2020
Soit env. 46 M€/km
13 000 pour 732 km
d’ici 2020
Soit env. 18 M€/km
15 000
2 500
22 000
25 000
4 000
1 500
2 000
500
2 000
145 000
23 000
38 500
Investissements
de modernisation
Investissements
de régénération
Accroissement des
charges d’entretien
et d’exploitation
Total
(*) Le schéma portant sur les investissements et actions dont la réalisation est souhaitable dans les
20 à 30 prochaines années, les dépenses correspondantes ont été estimées sur une durée médiane
de 25 ans. Les calculs ont été faits en euros constants.
Le programme des lignes à grande vitesse nouvelles (LGV) à engager avant 2020
représente un coût de l’ordre de 75 milliards d’euros (coûts financiers directs
d’investissement pour l’ensemble des acteurs qui pourraient être impliqués dans la
mise en œuvre du schéma (État, gestionnaires d’infrastructures, concessionnaires,
collectivités territoriales, etc.).
Le programme des LGV à engager avant 2030 est à ce jour au moins égal à
28 milliards d’euros.
Le programme des infrastructures routières nouvelles à engager à l’horizon du
schéma national représente un coût de l’ordre de 8,4 milliards d’euros.
Le programme des infrastructures fluviales nouvelles à engager à l’horizon du schéma
national représente un coût de l’ordre de 13 milliards d’euros (cf. tableau ci-dessous).
Projet proposé
Longueur en km
Coût en M€ HT
Coût en M€/km
Canal Seine Nord - Europe
Liaison fluviale a Grand
Gabarit Bray- Nogent
Liaison fluviale a Grand
Gabarit Saône Moselle
110
de l’ordre de 4 200
env. 38
30
entre 190 et 270
entre 6 et 9
Total
entre 9 700 et 13
100
entre 14 090
et 17 570
230
370
entre 42 et 57
entre 38 et 47
Selon le MEDDLT, le financement pressenti en 2011 du canal Seine-Nord Europe se
compose comme suit :
•
régions Nord-Pas-de-Calais, Picardie, Île-de-France : 510 millions d’euros ;
•
conseils généraux de l’Oise, de la Somme, du Nord, du Pas-de-Calais :
200 millions d’euros ;
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Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
•
grands ports maritimes du Havre, de Rouen, de Dunkerque, et Ports de Paris :
106 millions d’euros ;
•
conseils généraux d’Île-de-France : contribution espérée de l’ordre de 75 millions
d’euros ;
•
Commission européenne : 333 millions d’euros ;
•
État : 900 millions d’euros.
2°) Bilan coûts-avantages
Aucune évaluation socioéconomique complète et partagée du projet de SNIT n’a été
conduite à ce jour (le rapport Mariton indique à cet égard qu’« une analyse
socioéconomique des projets doit être menée »). Des chiffrages partiels du ministère
des Transports ont été faits, qui mettent en regard de manière sommaire les
avantages de temps et de confort pour les usagers procurés par les nouvelles
infrastructures de transport, les externalités environnementales (gaz à effet de serre,
pollution locale, bruit uniquement, donc pas la biodiversité), l’impact en matière de
sécurité et les coûts d’investissement et d’exploitation, auxquels s’ajoute le « coût
1
d’opportunité » des fonds publics (COFP) .
Le ratio « bénéfice collectif net sur coût » global serait, selon ces chiffrages, de l’ordre
de 1 (équilibre entre les coûts et la valeur des avantages) :
•
la part de la population accédant directement au réseau à grande vitesse en moins
d’une heure augmentera de 53 % en 2009 à 77 % à l’horizon de réalisation du
programme des 2 000 km de lignes à lancer avant 2020 et à 84 % à l’horizon de
réalisation du programme supplémentaire de 2 500 km de lignes à lancer après
2020 ;
•
le temps de parcours moyen globalisé entre deux capitales régionales sera réduit
de plus de 30 minutes (4 heures et 41 minutes en 2009 – 4 heures et 8 minutes à
terme) à l’horizon de réalisation du programme des 2 000 km de lignes LGV à
lancer avant 2020.
Le CGDD estime d’ailleurs que les résultats de ces chiffrages sont à prendre avec une
certaine précaution, dans la mesure où il s’agit d’évaluations individuelles parfois
anciennes, non homogènes, qui n’ont fait l’objet d’aucune contre-expertise, et pour
lesquelles tous les détails méthodologiques ne sont pas nécessairement disponibles.
Par ailleurs, même si globalement, les avantages semblent couvrir les coûts selon
cette analyse, il existe une grande variabilité selon les projets : un tiers des projets
présente un bénéfice actualisé à peine équilibré, voire susceptible d’être négatif, ainsi
qu’un bilan CO2 mitigé.
Par ailleurs, dans une évaluation socioéconomique du type Boiteux II, la justification
de principe des subventions publiques est bien d’internaliser les externalités positives
(gains de temps s’ils ne sont pas financés dans le péage, effets positifs globaux de
reports modaux, effets sur l’aménagement du territoire, etc.). La prise en compte des
effets de la fragmentation sur la biodiversité conduirait à évaluer le coût du tracé et/ou
des équipements permettant de conserver une certaine connectivité entre les habitats
(1) Le coût d’opportunité (pris par convention égal à 30 % du coût des fonds publics engagés) vise
à représenter les effets perturbateurs (« effets d’éviction ») générés dans le reste de l’économie par
le prélèvement public supplémentaire nécessité par le financement du projet.
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Octobre 2011
- Chapitre 3 -
par rapport à un tracé ne prenant pas en compte ce paramètre. Dans la mesure où
ces coûts ne sont pas pris en compte dans l’évaluation, nous sommes bien en
présence d’une subvention nuisible à la biodiversité.
Les coûts de la fragmentation des habitats terrestres ont été estimés et peuvent être
consultés à travers essentiellement deux documents :
•
le rapport sur la redevance poids lourds liée aux prestations suisse (RPLP) : évalue
les coûts de la fragmentation à 523 millions de francs suisses au total pour
l’ensemble des réseaux ferré et routier suisses en 2005. Ce montant est estimé à
partir des coûts d’ouvrages de liaison (crapauducs, par exemple), amortis sur
80 ans. Il nous faudrait connaître la longueur du réseau suisse pour déduire le
montant relatif au réseau français ;
•
le Handbook on Estimation of External Costs in the Transport Sector (2008) :
recense les coûts de la fragmentation des habitats par kilomètre et par an. Comme
dans le rapport sur la RPLP, ces chiffres sont obtenus à partir du coût des
équipements de connexion (voir les deux tableaux suivants).
Détail des coûts par types d’équipement en Suisse
(facteurs spécifiques de coût pour différents types d’infrastructure
dédiés à la réduction de la fragmentation des habitats)
Cost factor (in 1’000 €/a), medium values
st
Infrastructure type
Wildlife overpass
Motorway
1 class
road
2nd class
road
3rd class
road
Rail singlelane
Rail multilane
66
28
23
18
Wildlife underpass
136
58
48
72
Stream passage for wildlife
150
64
53
72
Passage for stream animals
7.4
4.5
4.5
Small animal passage
3.7
2.2
2.2
3.0
4.5
4.5
2.5
Source : OSD, 2003 (données pour l’année 2000)
Coûts moyens en Suisse
Average costs (in 1,000 €/km*a)
Transport mode
Road total
Motorways
1st class/national roads
nd
Habitat loss
Habitat
fragmentation
3.6
7.1
19
3.2
Total
11
92
110
13
16
2 class/regional roads
4.2
2.7
6.9
3rd class orads
2.2
1.6
3.9
Railway total
6.0
Railway single track
3.3
Railway multi track
10
5.6
14
23
16
8.9
37
Source : OSD, 2003 (données pour l’année 2000)
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Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
À titre d’exemple pour la fragmentation aquatique, la construction de la passe à
poisson du barrage de Kerousse sur le Blavet par EDF correspond à un budget de
466 300 euros. Le montant total des subventions est de 105 000 euros, réparti entre le
Conseil régional, le Conseil général et l’Agence de l’eau.
Le Grand Paris
Caractéristiques du projet
Le projet de métro automatique préparé par la Société du Grand Paris prévoit la
construction d’un réseau de 164 km dans la région parisienne, constitué de trois lignes
1
principales (SGP, 2010) :
•
une ligne « bleue » de Roissy à Orly, longue de 50 km, intégrant dans sa partie
centrale l’actuelle ligne 14 du métro ;
•
une ligne « verte » d’Orly à Saint-Denis-Pleyel par Saclay, Versailles et La Défense,
longue de 54 km, prolongée jusqu’à Roissy par le tronçon Saint-Denis-Roissy de
la ligne bleue ;
•
une ligne « rouge », longue de 60 km, de La Défense au Bourget par Villejuif,
Champs sur Marne, Clichy-Montfermeil.
Impacts sur la biodiversité
La Société du Grand Paris a identifié dans son évaluation stratégique environnementale, les tronçons à enjeux directs sur la biodiversité, l’agriculture et le paysage.
« Le fuseau du projet de réseau de métro automatique évite la quasi-totalité des zones
à enjeux régionaux, à l’exception du site Natura 2000 ZPS « Sites de Seine-SaintDenis » (tronçons B et C) ». Le tableau suivant indique le niveau d’importance des
enjeux écologiques pour chaque tronçon du réseau.
(1) SGP (2010), Débat public : le dossier du maître d’ouvrage, Société du Grand Paris, 188 p.
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- 184 -
Octobre 2011
- Chapitre 3 -
Récapitulatif des enjeux par tronçons du réseau
de métro automatique du Grand Paris
Numéro
du tronçon
A
B
C
D
E
F1
F2
G
H
I
J
K
L
M
N
O
Localisation
De Gonesse à Roissy
De Bonneuil-en-France à Livry-Gargan
De Saint-Ouen à Drancy
De Colombes à Villeneuve-la-Garenne
De Rueil-Malmaison à Courbevoie
De Chatou à Versailles
De Suresnes à Ville d’Avray
De Buc à Saclay
De Saclay à Palaiseau
De Massy à Paray-Vieille-Poste
De Villejuif à Orly
De Créteil à Vitry-sur-Seine
De Villiers-sur-Marne à Créteil
De Livry-Gargan à Noisy-le-Grand
De Boulogne-Billancourt à Bagneux
Traversée de Paris
Enjeux écologiques
identifiés
Faibles à moyens
Moyens
Moyens
Faibles
Faibles
Moyens à forts
Moyens
Moyens à forts
Moyens
Faibles
Très faibles
Faibles à moyens
Moyens
Forts
Faibles
Très faibles
Source : SGP, 2010
L’Autorité environnementale émet l’avis suivant quant à l’évaluation des impacts
directs du réseau sur la biodiversité :
•
l’importance des tronçons qu’il est prévu d’enterrer permet d’éviter les impacts
significatifs dans tous les secteurs à enjeux forts identifiés dans l’état des lieux,
sous réserve d’un bon traitement des impacts temporaires en phase chantier et
d’un choix judicieux dans la mise en place des installations de sécurité et de
maintenance du réseau ;
•
l’analyse des impacts sur les sites Natura 2000 situés à proximité du réseau
(« sites de Seine-Saint-Denis », « boucles de la Marne » et « massif de Rambouillet
et zones humides proches ») devra faire l’objet d’une évaluation d’incidences plus
complète, incluant, en particulier, même pour les parties souterraines du réseau,
les impacts sur l’eau et les impacts induits par une plus forte fréquentation, le cas
échéant.
Concernent les impacts indirects, elle recommande vivement que les impacts
environnementaux du réseau de transport, qu’il soit enterré ou non, sur l’urbanisation
nouvelle soit explicitement approfondis lors du débat public dans le fuseau et en
dehors (création de gares en dehors des zones urbanisées et notamment sur la plaine
agricole de Saclay). Elle souligne que les modalités concrètes de maîtrise de l’étalement urbain par la puissance publique devraient en particulier y être développées.
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- 185 -
Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
Financement du projet
Les coûts du projet ont été estimés par la Société du Grand Paris sur la base d’un
scénario entièrement souterrain pour un tracé d’environ 155 kilomètres de voies
nouvelles (y compris le prolongement de la ligne 14) selon les options de tracé.
Le coût est estimé est situé, selon les options, entre 21,4 et 23,5 milliards d’euros
pour l’ensemble du réseau du Grand Paris, dont plus de 80 % pour les infrastructures,
environ 12 % pour le matériel roulant, et le solde pour les acquisitions foncières.
Il a été considéré que la moitié des gares pourrait être réalisée à partir de la surface,
l’autre moitié devant faire l’objet de travaux entièrement souterrains.
La structure du financement de ce projet est envisagée de la manière suivante :
•
l’État apportera à la Société du Grand Paris une dotation d’un montant de
4 milliards d’euros ;
•
l’investissement sera mené à son terme par des emprunts d’une durée totale de
l’ordre de 40 ans ;
•
les annuités de ces emprunts pourront être couvertes par des recettes pérennes
assises sur :
−
la valorisation foncière, autrement dit, les excédents dégagés par les
opérations d’aménagement ou de construction autour des gares : les contrats
de développement territorial préciseront le partage de ces excédents ;
−
la dynamique économique enclenchée par le réseau de métro automatique de
la Région Capitale générera des recettes fiscales supplémentaires qu’il est
prévu d’affecter en partie au financement de cet investissement ;
−
des mesures fiscales adaptées permettront de mobiliser une partie des
ressources générées par ces deux phénomènes, tout en contribuant à lutter
contre la spéculation foncière. À cet effet, le gouvernement proposera au
Parlement de compléter les dispositions fiscales prévues dans le cadre de la
loi relative au Grand Paris, dans le droit fil des recommandations du rapport
1
du député Gilles Carrez , par la création d’une taxe spéciale d’équipement
additionnelle en région Île-de-France, ainsi que par l’affectation des
compléments de recette générés par la modernisation de la taxe locale sur les
bureaux.
À ces recettes, et dès lors que le réseau de métro automatique sera en exploitation,
s’ajouteront :
•
les recettes commerciales apportées par les gares, conçues comme des
prestataires de services, dans le droit fil du rapport de la sénatrice Fabienne
2
Keller (2009) ;
•
la redevance domaniale payée par le futur exploitant du réseau de transport sur le
modèle du réseau ferroviaire ou du réseau autoroutier.
(1) Carrez G. (2009), Grand Paris, financement du projet de transports, rapport au Premier ministre
remis le 30 septembre, 54 p.
(2) Keller F. (2009), La gare contemporaine, rapport au Premier ministre remis le 10 mars, 298 p.
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Octobre 2011
- Chapitre 3 -
Un appel d’offres pour la réalisation de l’évaluation socioéconomique du réseau de
transport du Grand Paris est en cours. Les résultats de cette étude sont attendus
début 2012.
Le mode de financement du projet basé sur les revenus du foncier laisse cependant
entrevoir un risque d’urbanisation forte en périphérie du nouveau réseau de transport.
3.3. Les autres aides publiques liées à la fragmentation des habitats
terrestres et aquatiques
L’Eurovignette (péages routiers)
La révision de la directive Eurovignette relative à la taxation des poids lourds (directive
2006/38/CE, dite Eurovignette II) permet aux pays concernés de faire payer aux poids
lourds une partie des coûts de construction, d’entretien et d’exploitation des
infrastructures. La troisième version du dispositif (Eurovignette III) intégrera également
certaines externalités (pollution atmosphérique, bruit, congestion). Les impacts sur la
biodiversité ne sont, cependant, pas pris en compte. Le niveau de cette redevance est
donc susceptible d’être en dessous du prix optimum de l’usage du réseau internalisant
les externalités sur la biodiversité.
Les péages fluviaux
L’article 124 paragraphe III de la loi de finances n° 90-1168 du 29 décembre 1990 a
défini les péages applicables tant aux transporteurs de marchandises et de passagers
qu’aux propriétaires de bateaux de plaisance.
Le décret d’application n° 91-797 du 20 août 1991, modifié, relatif aux recettes
instituées au profit de Voies navigables de France définit, dans ses articles 2 et 3, les
éléments à prendre en compte pour le calcul de ces péages.
Il s’agit :
•
des caractéristiques du bateau ;
•
de la durée d’utilisation des voies du réseau ;
•
des sections navigables empruntées ;
•
du trajet effectué (pour les bateaux à passagers) ;
•
de la période d’utilisation du réseau.
Le tarif est indépendant des externalités produites pendant et après la construction du
canal et semble par conséquent sous-optimal par rapport au prix internalisant tous les
effets sur la biodiversité.
La redevance pour obstacle dans les cours d’eau
Cette redevance, créée par la loi sur l’eau du 30 décembre 2006, n’interdit pas les
ouvrages mais encourage à les aménager ou à les exploiter au mieux en vue de
rétablir ou de maintenir un bon fonctionnement de l’écosystème fluvial.
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- 187 -
Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
L’assiette de la redevance est le produit, exprimé en mètres, de la dénivelée entre les
lignes d’eau amont et aval de l’ouvrage par un coefficient de débit et un coefficient
d’entrave.
Le taux de la redevance est fixé par le conseil d’administration de l’agence de l’eau
sur la circonscription de laquelle l’ouvrage est implanté.
Les propriétaires d’ouvrages faisant partie d’une installation hydroélectrique assujettis
à la redevance pour prélèvement sont exonérés de la redevance pour obstacle (voir
chapitre 4, section 3.3.2.).
3.4. Les aides publiques contradictoires avec la Trame verte et bleue
La Trame verte et bleue est une mesure phare du Grenelle de l’environnement qui
porte l’ambition de préserver les continuités écologiques.
Les continuités écologiques correspondent à l’ensemble des zones vitales (réservoirs
de biodiversité) et des éléments (corridors écologiques) qui permettent à une
population d’espèces de circuler et d’accéder aux zones correspondant aux
différentes activités vitales (reproduction, nourrissage, repos, etc.). La Trame verte et
bleue est ainsi constituée des réservoirs de biodiversité et des corridors qui les relient.
Les aides publiques mentionnées ci-dessous contribuent au financement des actions
des collectivités territoriales et, selon leur mode d’attribution et/ou leur utilisation,
peuvent affecter la continuité écologique entre les habitats.
La dotation globale de fonctionnement aux départements
La dotation globale de fonctionnement ou DGF (12 016 millions d’euros en 2010) aux
départements se décompose en une dotation forfaitaire – comprenant une dotation de
base en fonction de la population et un complément de garantie –, une dotation de
péréquation urbaine, allouée en fonction du taux de densité (si la densité du
département est supérieure à 100 hab./km) et du taux d’urbanisation (si le taux est
1
supérieur à 65 %) , et une dotation de fonctionnement minimale.
Les activités financées par ces dotations dépendent des politiques mises en œuvre
par les collectivités locales en question et peuvent être potentiellement dommageables à la biodiversité. Les effets sur la biodiversité tiennent dans la manière dont
sont calculés les montants de ces dotations. Ainsi, parmi les critères d’attribution de
la DGF pour les départements, la longueur des voiries en prise en compte. Ce
critère peut inciter à l’extension des voiries, et donc potentiellement avoir des effets
pervers dommageables à la biodiversité.
Dotation globale de fonctionnement aux communes et intercommunalités
La DGF versée aux communes comprend une dotation forfaitaire de 13 861 millions
d’euros en 2010 et des dotations de péréquation.
(1) Cf. article L. 3334-6-1 du code général des collectivités territoriales.
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Octobre 2011
- Chapitre 3 -
La dotation forfaitaire se décompose en :
•
une dotation de base (6,2 milliards d’euros au total) variant de 62,38 euros à
124,46 euros par habitant en fonction de la taille des communes. Le caractère
croissant de la dotation de base par habitant en fonction de la taille des
communes tient au fait que les charges de fonctionnement par habitant
augmentent avec la taille des communes ;
•
une part proportionnelle à la superficie égale à 3,12 euros par hectare, majorée à
5,19 euros en montagne (214,5 millions d’euros au total) ;
•
une part correspondant à l’ancienne compensation « part salaires » de la taxe
professionnelle ainsi qu’à la compensation des baisses de la dotation de
compensation de la taxe professionnelle (DCTP) forfaitaire (2,07 milliards d’euros) ;
•
une dotation versée aux communes dont le territoire est pour tout ou partie
compris dans un parc national.
Quant aux dotations de péréquation, ce sont majoritairement la dotation de solidarité
urbaine et de cohésion sociale et la dotation de solidarité rurale (DSR) qui se
décompose en deux fractions : la fraction « bourg-centres », et la fraction péréquation.
Certains critères peuvent produire des effets pervers sur la biodiversité. Ainsi, la DGF
versée aux communes a pour critère le nombre de places pour caravanes, la
longueur de la voirie, le montant de la redevance d’enlèvement d’ordures
ménagères, le montant de la redevance d’assainissement. De tels critères peuvent
favoriser des actions telles que l’extension de la voirie, dommageable en général à la
biodiversité.
Intégrer un critère de biodiversité dans le calcul de la DGF
L’introduction de critères ayant trait à la protection des espaces naturels et à la
préservation de la biodiversité dans le calcul de la DGF a fait l’objet de propositions
répétées.
La coordination Nature, animée par France Nature Environnement, avait proposé en
1996 la mise au point d’un « coefficient de protection territorial » fondé sur la surface
de territoire protégé (affecté d’un coefficient de pondération variable selon le statut de
protection), rapporté à la surface totale du territoire. En 2005, la coordination Nature
recommandait à nouveau que la part de la dotation forfaitaire de la DGF
proportionnelle à la superficie de la commune soit majorée proportionnellement aux
surfaces des parties de son territoire bénéficiant d’un statut de protection
réglementaire en vue de la préservation du patrimoine naturel.
Le Rapport sur la fiscalité du patrimoine naturel, publié conjointement par l’Inspection
générale des Finances et par l’Inspection générale de l’Environnement, en février
2004, proposait l’intégration d’un critère « espaces sensibles » dans la dotation
globale de fonctionnement des départements. Le rapport mentionne un entretien oral
avec le président du Comité des finances locales, qui, sans préjuger d’une analyse
plus précise, avait exprimé son intérêt pour une telle formule en soulignant : (i) la
nécessité de disposer de paramètres de calcul non contestables (surfaces classées
par décision réglementaire par exemple) ; (ii) l’interrogation qu’il avait sur le choix du
niveau départemental.
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Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
L’Association des maires ruraux de France et l’Association des élus de la montagne
ont également formulé des requêtes ou recommandations en ce sens, en 2005 et en
2007.
Un amendement au projet de loi sur les Parcs nationaux et parcs naturels marins a été
présenté au Sénat en janvier 2006. Cet amendement, qui proposait d’élargir le
dispositif prévu pour les parcs nationaux à d’autres zones à haute valeur
environnementale, n’a pas été retenu dans ce contexte, sans que soit toutefois remise
en cause l’opportunité de la proposition.
Le Rapport sur l’étalement urbain de la mission CGPC-IGE-CGAAER de 2007
recommande d’introduire dans la DGF des critères permettant de prendre en compte
le maintien de surfaces naturelles. Le rapport précise que « Ce critère, par extension
de ce qui a été arrêté pour les seuls parcs nationaux par la loi du 14 avril 2006 sur les
parcs, pourrait par exemple être fondé sur le total des surfaces bénéficiant d’un statut
de protection arrêté par voie réglementaire (cœurs de parcs, réserves naturelles, forêts
de protection, zones classées Natura 2000, terres agricoles classées par décret),
majoré des terrains classés en zone ND au POS ou PLU : il traduirait la solidarité entre
les territoires urbanisés et les territoires naturels ».
Enfin, l’engagement 73 du Grenelle de l’environnement prévoit explicitement
« l’introduction concertée d’un critère biodiversité dans la DGF ». Le président de la
République a entériné cet engagement, comme les autres, dans son discours du
25 octobre 2007. Le ministre de l’Écologie et du Développement durable a rappelé
cette commande et demandé explicitement au comité opérationnel de la Trame verte
et bleue de réfléchir à sa traduction opérationnelle.
Dotation globale d’équipement
Une commission d’élus fixe les fourchettes de taux applicables à chaque catégorie
d’opérations, dans la limite de 20 % à 60 % du montant hors taxe de l’investissement.
La DGE est attribuée sur décision du préfet. Elle est répartie entre les départements et
elle sert pour :
•
9 % de son montant à majorer les attributions versées aux départements au titre
des aménagements fonciers du dernier exercice ;
•
15 % de son montant à majorer les dotations des départements dont le potentiel
fiscal par habitant est insuffisant ;
•
76 % de son montant aux dépenses d’aménagement foncier effectuées et à des
subventions versées pour la réalisation d’équipements dans les territoires ruraux.
4 Une illustration d’une combinaison de facteurs liés
à la détérioration d’un habitat : la raréfaction
du Grand Hamster d’Alsace
Considéré comme une espèce nuisible jusqu’en 1993, le grand hamster d’Alsace se
trouve aujourd’hui dans une situation critique et pourrait disparaître définitivement du
milieu naturel alsacien. Le nombre de terriers recensés est passé de 1 167 en 2001 à
un chiffre variant entre 161 et 174 en 2007. Cette espèce est protégée par la
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Octobre 2011
- Chapitre 3 -
1
Convention de Berne du 19 septembre 1979 et la directive Habitats 92/43/CEE du
2
21 mai 1992 . Au-delà de la valeur intrinsèque de l’espèce, le maintien des populations
du grand hamster d’Alsace équivaut « à la préservation d’un écosystème d’une
grande richesse écologique, qui participe au potentiel de biodiversité global d’une
partie importante du territoire de la région Alsace » (rapport Balland, 2007)3.
Suite à une plainte relative à l’état de conservation des populations du grand hamster
d’Alsace, la Commission a initié un recours contre la France :
•
mise en demeure le 17 octobre 2007 conformément à l’article 258 TFUE (Infraction
2006/4051) ;
•
avis motivé le 6 juin 2008 tel que prévu dans l’article 258 TFUE pour violation de
4
l’article 12, paragraphe 1, sous d ), de la directive Habitats dans lequel la Commission
fixe un dernier délai de deux mois à la France pour mettre fin à l’infraction
alléguée ;
•
la Commission saisit la CJCE le 25 septembre 2009 au titre de l’article 226 (affaire
C-383/09) ;
•
arrêt de la CJCE le 9 juin 2011 dans lequel la Cour juge que les mesures de
protection du grand hamster en Alsace mises en œuvre par la France n’étaient pas
suffisantes, à la date du 5 août 2008, pour assurer une protection stricte de
l’espèce.
Si l’affaire n’est pas régularisée, le montant de la sanction sera indiqué lors de la
saisine de la Cour au titre de l’article 260 du TFUE.
Les pressions exercées sur les populations de grand hamster d’Alsace sont de trois
ordres et se sont conjuguées :
Changement des pratiques agricoles : l’habitat naturel du grand hamster d’Alsace
correspond à de petites parcelles agricoles avec un itinéraire cultural faisant alterner
céréales, choux, légumineuses et mise en jachère. Or, en observant l’évolution des
assolements sur la période 1989-2007, la part des surfaces en maïs augmente
(1) = Transposition en droit français au travers d’un décret du ministère des Affaires étrangères du
7 juillet 1999, où le grand hamster apparaît dans son annexe II « Espèces de faune strictement
protégées ».
(2) Le 4 mars 2010, la France a été condamnée par la Cour de Justice de l’Union européenne pour
manquement à une obligation de transposition de la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992
dite « Habitats, faune, flore ».
(3) Ministère de l’Écologie et du Développement durable (2007), Plan de sauvetage du grand
hamster d’Alsace Cricetus cricetus, rapport établi par Pierre Balland, membre de l’Inspection
générale de l’environnement, IGE/07/011, 74 p.
(4) L’article 12 est rédigé comme suit : « Les États membres prennent les mesures nécessaires pour
instaurer un système de protection stricte des espèces animales figurant à l’annexe IV, point a),
dans leur aire de répartition naturelle, interdisant :
- toute forme de capture ou de mise à mort intentionnelle de spécimens de ces espèces dans la
nature ;
- la perturbation intentionnelle de ces espèces notamment durant la période de reproduction, de
dépendance, d’hibernation et de migration ;
- la destruction ou le ramassage intentionnel des œufs dans la nature ;
- la détérioration ou la destruction des sites de reproduction ou des aires de repos ».
L’annexe IV, point a) de la directive Habitats mentionne notamment le grand hamster.
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Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
nettement au détriment du blé tendre, colza et orge (cf. graphique suivant). Les
légumineuses régressent également plus dans le Haut-Rhin que dans le Bas-Rhin.
Évolution des surfaces en céréales, oléagineux et protéagineux en Alsace
300000
Blé tendre
Blé dur
250000
Seigle
Orge et escourgeon
hectares
200000
Avoine
Maïs‐grain
150000
Triticale
Colza (et navette)
Tournesol
100000
Soja
Féveroles (et fèves)
50000
Pois protéagineux
Lupin doux
0
1988
1990
1992
1994
1996
1998
2000
2002
2004
2006
2008
Terres arables
Source : Agreste (Statistiques agricoles annuelles)
Fragmentation par les infrastructures routières : on observe une perte de
connectivité entre les habitats du hamster en particulier dans les zones nécessitant la
plus haute vigilance. Au moment de la rédaction du rapport Balland (2007), de
nombreux projets routiers étaient projetés ou en cours dans la plaine d’Alsace, les
plus préoccupants étant la rocade sud de Strasbourg, la voie rapide du Piémont des
Vosges et le grand contournement ouest. Le rapport de l’ONCFS de 2004 indique que
ces trois projets auront « les effets les plus négatifs sur la population de grand
hamster en Alsace ».
Progression de l’étalement urbain : les surfaces artificialisées augmentent en Alsace
1
(entre 800 et 1 000 ha/an ) et cette tendance pourrait se poursuivre étant donné la
croissance de population à venir (s’élevant aujourd’hui à 1,9 million d’habitants, elle
augmentera de 200 000 habitants d’ici 25 ans) et l’envolée du prix du foncier
(30 000 euros/ha en périphérie de Strasbourg).
Parmi ces facteurs, la CJCE souligne que le développement de la culture de maïs et
celui de l’urbanisation sont à l’origine du déclin du grand hamster. Bien que la France
ait pris des mesures envers ces facteurs, la CJCE les a jugés insuffisants.
(1) Selon les études « Évolution de l’urbanisation en Alsace de 1984 à 2000 » - Région Alsace (2006)
- sources : PRATIS et BD OCS 2000 CIGAL, et, « 30 ans d’urbanisation en Alsace » (nov. 2007)
ADEUS, Région Alsace, Direction régionale de l’équipement - sources : données spatiales et
statistiques.
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Octobre 2011
Chapitre 4
Les aides publiques
qui favorisent la surexploitation
des ressources naturelles
renouvelables
Les ressources naturelles examinées s’entendent comme l’ensemble des ressources
vivantes animales et végétales (stocks halieutiques, forêts, etc.) et des ressources
support (eau, sol). De manière générale, on caractérisera la surexploitation d’une
ressource renouvelable par des prélèvements qui excèdent la capacité naturelle de
renouvellement de la ressource, c’est-à-dire qui induisent une diminution du stock de
ressource et qui sont donc non soutenables à terme si le niveau des prélèvements se
1
maintient dans le futur .
Ce chapitre aborde successivement les aides publiques aggravant la surexploitation
des sols, des ressources halieutiques et des ressources en eau.
1 Les sols
Cette partie décrit dans, un premier temps, le phénomène de surexploitation des sols
et ses impacts sur la biodiversité en France. Elle fait ensuite l’inventaire des aides
publiques favorisant la surexploitation des sols via le changement d’occupation des
sols et le changement de pratiques agricoles.
1.1. Des sols qui s’appauvrissent sous l’effet des changements
d’occupation des sols et de l’intensification des pratiques agricoles
L’évolution du niveau d’exploitation des sols via la teneur en carbone organique
2
La teneur en carbone organique des sols est un bon indicateur du niveau d’exploitation
du sol et de son état de conservation. Le carbone est le principal composant de la
(1) La surexploitation, ainsi définie, n’est donc pas strictement équivalente à une exploitation non durable :
elle le devient si ce mode d’exploitation perdure indéfiniment, entraînant l’épuisement de la ressource.
(2) La teneur en carbone organique du sol est calculée à partir de tous les composés du carbone
présents dans le sol. Les résidus de végétation non encore décomposés, la faune du sol et l’humus
sont ainsi pris en compte. On distingue par ailleurs la matière organique fraîche, qui se trouve
essentiellement dans les couches superficielles du sol, et la matière organique plus ancienne, située
dans entre 20 centimètres et 3 mètres de profondeur. La première est continuellement dégradée et
transformée en CO2 par la faune et la microflore du milieu. En revanche, la seconde reste essentiellement
inchangée ; www2.cnrs.fr/presse/journal/3822.htm à partir de : Fontaine S., Barot S., Barré P., Bdioui N.,
Mary M. et Rumpel C. (2007), « Stability of organic carbon in deep soil layers controlled by fresh carbon
supply », Nature, vol. 450, n° 7167, p. 277-280.
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Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
matière organique du sol (en moyenne 58 % de carbone), elle-même source d’énergie
1
pour la plupart des organismes vivants du sol (Arrouays et al., 2002 ). Les effectifs de
populations vivantes, y compris la biomasse microbienne, augmentent avec la teneur
en carbone des sols (Gregorich et al., 1997). Aussi, les pratiques qui permettent une
augmentation des teneurs en carbone s’accompagnent d’une augmentation des
populations de vers de terre (Haynes et al., 1993 ; Doube et Schmidt, 1997 ; Fraser,
1997 ; Mele et Carter, 1999), de la microfaune (protozoaires, nématodes) et de la
mésofaune (acariens, insectes) (Gupta, 1997 ; Arrouays et al., 2002).
La matière organique, dont rend compte le taux de carbone organique, détermine, en
outre, la structure du sol, dans le sens de l’amélioration de la pénétration des racines
à travers le sol, de l’augmentation de la capacité de rétention de l’eau et du drainage
(ce qui réduit le ruissellement et l’érosion). Elle limite également la compaction et
participe au cycle des gaz à effet de serre. Enfin, elle constitue un stock de carbone
significatif (Arrouays et al., 2002).
Les sols français auraient perdu 53 millions de tonnes de carbone sur la période entre
1990-1995 et 1999-2004, soit 1,7 % de leur stock estimé. Ce déstockage serait de
l’ordre de 6 millions de tonnes de carbone par an (IFEN, 2007).
La carte suivante montre l’évolution de la teneur en carbone organique des sols de la
métropole.
Évolution de la teneur en carbone organique (valeurs obtenues
2
par oxydation humide ) entre les périodes (1990-1994) et (2000-2004)
Légende :
Diminution
du taux de CO
Stabilité du
taux de CO
Augmentation
du taux de CO
Source : BD-AT (http://bdat.gissol.fr/geosol/index.php)
(1) Arrouays D., Balesdent J., Germon J.-C., Jayet P.-A., Soussana J.-F. et Stengel P. (2002), Stocker
du carbone dans les sols agricoles de France ?, rapport d’expertise réalisé par l’INRA, 333 p.
(2) Lorsque les échantillons de terre collectés dans une zone ne sont pas suffisants pour être
considérés comme représentatifs, la région est identifiée en blanc.
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Octobre 2011
- Chapitre 4 -
Selon cette carte, la teneur en carbone organique, déjà basse en Picardie, Nord-Pasde-Calais et Haute-Normandie, évolue à la baisse. C’est aussi le cas, mais de façon
plus nuancée, en Alsace et dans la vallée du Rhône.
1
En dehors des caractéristiques du sol telles que son type et sa texture, sa teneur en
carbone organique est déterminée par le climat (principalement la température et les
2
3
précipitations ), l’hydrologie du sol et son utilisation par l’homme (SoCo Project Team,
4
2009 ). Toutefois, le phénomène de diminution de la teneur en carbone que l’on
observe depuis ces dernières décennies est en grande partie imputable à ce dernier
facteur, et en particulier au changement d’occupation des sols (transition de prairie
vers des cultures annuelles ; transition de terre arable en terrain imperméabilisé, etc.)
et à l’évolution des pratiques agricoles vers leur intensification (approfondissement du
travail du sol, chaulage, etc.).
L’impact des changements d’occupation des sols et de l’intensification des pratiques
agricoles sur la teneur en carbone organique des sols est abordé plus en détail dans
les deux sections suivantes.
L’impact des changements d’occupation des sols sur leur teneur en carbone
organique
Les changements d’occupation du sol recouvrent un ensemble très large de
transitions allant de l’artificialisation minérale d’un espace naturel ou semi-naturel
(recouvrement du sol par des infrastructures, des logements ou tout simplement
imperméabilisation du sol) à un changement d’assolement agricole (passage d’une
culture fourragère annuelle à une culture de betterave).
Lorsqu’il y a artificialisation minérale, les échanges entre le sol et les autres
compartiments écologiques sont alors interrompus. Les cycles naturels, dont celui du
carbone, sont affectés. Le sol ne peut plus réaliser ses activités agronomiques et
environnementales.
L’impact des changements d’occupation des sols sur la teneur en carbone organique
dans les sols est cependant peu documenté. Tout au mieux, la relation entre certains
types d’occupation des sols et la teneur en carbone organique des sols est
renseignée, rarement leur évolution dans le temps.
(1) Le type et les propriétés du sol (e.g. la texture) expliquent en partie la teneur initiale en carbone
organique du sol. Les sols sableux sont en général pauvres en matière organique. Au contraire, les
sols riches en argile ou en produits amorphes peuvent accumuler de la matière organique sous une
forme stable (humus).
(2) Le facteur climatique explique l’existence d’un gradient Nord-Sud avec des niveaux de carbone
organique élevés dans les régions froides et humides de l’Europe et dans les zones de montagne,
et des niveaux faibles dans les régions chaudes et semi-arides du sud de l’Europe (régions
méditerranéennes).
(3) Les sols riches en matière organique (e.g. tourbes) se forment dans des conditions anaérobies et
humides, qui favorisent l’accumulation et la décomposition des résidus de végétation.
(4) SoCo Project Team (2009), Addressing Soil Degradation in EU Agriculture: Relevant processes,
practices and policies, Report on the project « Sustainable Agriculture and Soil Conservation
(SoCo) », JRC Scientific and Technical Reports n° EUR 23767 EN – 2009, 229 p.
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Les aides publiques dommageables à la biodiversité
Le Groupement d’intérêt scientifique Sol (GIS-Sol) montre que les stocks de carbone
sont toujours plus élevés, à sols identiques, sous forêts, pâtures et prairies naturelles
que sous culture. « Certains changements favorisent le stockage, comme la
conversion des cultures en prairies ou en forêts. Au contraire, la mise en culture des
prairies ou des forêts entraîne une diminution du stock de carbone. Les vitesses
d’évolution du carbone organique dans les sols ne sont toutefois pas symétriques.
Ainsi, en vingt ans, le déstockage induit par la mise en culture (1 t C/ha/an) est deux
fois plus rapide que le stockage résultant de l’abandon de la culture au profit de
prairies ou de forêts (0,5 t C/ha/an) » (IFEN, 2007).
Selon le rapport d’expertise de l’INRA (Arrouays et al., 2002), sur une période de vingt
ans, la mise en culture déstocke 1 tonne de carbone par ha et par an alors que
l’abandon de la culture au profit de prairies ou de boisement stocke 0,5 tonne de
1
carbone par ha et par an .
En France, les surfaces en prairies, notamment en prairies permanentes, ont
beaucoup évolué depuis vingt ans (voir graphique suivant).
Évolution des surfaces en prairies en France (métropole)
10000
9000
8000
1000 ha
7000
6000
Prairies artificielles
5000
Prairies temporaires
4000
STH productives
STH peu productives
3000
2000
1000
0
1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010
Définitions des termes de la légende :
Les prairies artificielles sont composées de plus de 80 % de légumineuses semées. Le plus souvent
fauchées, ces surfaces occupent le sol plus d’un an, en moyenne 5 ans, mais leur durée peut
théoriquement aller jusqu’à 10 ans.
Les prairies temporaires sont composées d’au moins 20 % de graminées semées. Ces prairies sont dites
e
temporaires jusqu’à ce qu’elles aient donné lieu à six récoltes, c’est-à-dire jusqu’à leur 6 année
e
d’exploitation. À partir de leur 7 récolte (ou année d’exploitation) elles sont assimilées à des surfaces
toujours en herbe.
Les surfaces toujours en herbe productives doivent au moins couvrir les besoins d’une Unité Gros Bovin
pendant 6 mois. Elles sont d’origine semées (prairies temporaires de 6 ans et plus) ou d’origine naturelle
(très anciennes ou prairies artificielles semées depuis plus de 10 ans).
Les surfaces toujours en herbe peu productives ont une production en deçà du seuil de 1 UGB. Ce sont
des parcours, des landes productives ou encore des alpages.
Source : données Agreste : Statistiques agricoles annuelles (extraction le 20/05/2011) ; définitions : glossaire
du rapport Agreste, 2010. Statistique agricole annuelle - Résultats 2008 définitifs et 2009 semi-définitifs,
Chiffres et Données Série Agriculture n° 212
(1) Ces valeurs sont assorties d’une incertitude relative de 30 % à 50 %.
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- Chapitre 4 -
Les surfaces toujours en herbe, productives et peu productives (STH totale), sont en
1
baisse jusqu’en 2009 , avec une tendance à la stabilisation à partir de 2002. Plus
précisément :
•
sur la période 1992-2000, correspondant à la mise en œuvre de la réforme
« Mac Sharry », la STH totale diminue d’environ 915 514 ha sur 8 ans ;
•
sur la période 2000-2005, correspondant à la mise en œuvre de la réforme de
l’« Agenda 2000 », la STH totale diminue d’environ 233 694 ha sur 5 ans ;
•
sur la période 2005-2009, correspondant à la mise en œuvre de l’éco2
conditionnalité , la STH totale a tendance à se stabiliser avec une faible baisse
comptabilisée de 54 776 ha sur 4 ans.
Les surfaces en prairies temporaires (au moins 20 % de graminées semées)
augmentent en revanche sur ces trois périodes, alors que les prairies artificielles (au
moins 80 % de légumineuses semées) régressent constamment, avec, toutefois, un
ralentissement à partir de 2000.
La responsabilité de la baisse des STH sur la chute de la teneur en carbone organique
des sols français n’a pas été établie mais il y a néanmoins un lien entre ces deux
tendances.
La responsabilité de la baisse des STH sur la chute de la teneur en carbone organique
des sols français n’a pas été établie mais il convient de remarquer la conjonction de
ces deux tendances.
L’impact de l’intensification des pratiques agricoles sur la teneur en carbone
organique des sols
Les résultats du rapport d’expertise INRA (Arrouays et al., 2002) montrent que :
•
parmi les cultures, le maïs ensilage, la pomme de terre, et le maraîchage restituent
peu de carbone au sol et contribuent au déstockage du carbone dans les sols ;
•
l’intensification sur terres arables par fertilisation ou irrigation ne modifie pas le
potentiel de stockage des surfaces concernées ;
•
l’installation de haies permet un stockage ponctuel mais localement élevé, donc
non négligeable. Il en est de même pour l’enherbement des vergers et vignobles ;
•
la réduction du travail du sol permet un stockage de 0,2 tonne de carbone par ha
et par an ;
•
la pratique de l’engrais vert produit un stockage de 0,15 tonne de carbone par
hectare et par an ;
(1) La chute des surfaces en prairies permanentes observable en 2010 correspond à un effet
d’anticipation des agriculteurs lorsque l’année 2010 a été déclarée comme année de référence pour
mesurer l’évolution des prairies permanentes dans le cadre des BCAE. Les surfaces en prairie
permanentes ont ainsi été sous-déclarées, alors qu’en réalité, elles existent encore à cette date.
(2) Au titre de la conditionnalité, la France est tenue de conserver, au niveau national, sa surface en
prairies permanentes. La France a, en outre, définie une BCAE « gestion des surfaces en herbe »
(fiche BCAE VI « gestion des surfaces en herbe ») dans laquelle il est spécifié que l’exploitant doit
maintenir 100 % de sa surface en prairies permanentes déclarée en 2010, et au moins 50 % de sa
surface en prairies temporaires.
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Les aides publiques dommageables à la biodiversité
•
certains systèmes de cultures fourragères « semblent » permettre un flux de
stockage de 0,3 à 0,5 tonne de carbone par hectare et par an. Au sein des prairies
permanentes, les changements de gestion (intensification, amélioration, pâture,
etc.) peuvent aboutir à des effets très contrastés difficilement prévisibles à ce jour.
L’intensification des pelouses de montagne peut, par exemple, conduire à un
déstockage de plusieurs tonnes de carbone par hectare et par an.
1
Selon l’IFEN (2007 ), l’instauration de végétation herbacée pérenne sur les jachères
longues permettrait un stockage de carbone équivalent à celui d’une prairie
permanente, alors que le déstockage d’une jachère nue est estimé à 0,6 t C/ha/an.
Aussi, les techniques culturales sans labour (travail du sol superficiel, semis direct,
etc.) généreraient un gain de stockage pouvant aller jusqu’à 0,20 t C/ha/an. Ces
pratiques peuvent néanmoins avoir des effets négatifs, comme le compactage du sol
ou la prolifération d’adventices ou de ravageurs qui peut induire l’usage accru de
pesticides.
Finalement, concernant les systèmes de production intensifs, une étude récente (Tóth
et al., 2007)2 a montré que la perte de matière organique d’un sol cultivé intensivement
était de 40 % par rapport à un système de production extensif, cela sans prendre en
compte l’effet de l’érosion qui augmenterait la perte.
1.2. Les aides publiques favorisant les changements d’occupation
des sols
Les deux principaux moteurs de changement d’occupation des sols identifiés par le
groupe de travail sont, d’une part, l’étalement urbain et l’artificialisation et, d’autre
part, le développement des cultures énergétiques. Cette partie passe en revue les
différentes aides appliquées dans chacun de ces domaines.
Les aides publiques influant sur l’artificialisation des sols
Sur la période 2000-2009, la surface agricole utilisée (SAU) – indicateur partiel et
imparfait des surfaces soustraites à des préoccupations « biologiquement diverses » –
a diminué de 449 190 ha, l’équivalent de la moitié de la région Île-de-France. Les
surfaces ainsi comptabilisées incluent les zones urbanisables qui sont amenées à être
artificialisées.
Le tissu urbain discontinu, les zones industrielles et commerciales ainsi que les
grandes infrastructures de transport représentent une grande majorité des surfaces
artificialisées et incorporent aussi les jardins pavillonnaires (cf. partie artificialisation
des habitats du chapitre 3).
Face à la perte de SAU, les exploitants adaptent leur assolement pour ne pas voir leur
productivité baisser, et cela, parfois, au détriment des surfaces en prairies. Poux et al.
(1) IFEN (2007), « Le stock de carbone dans les sols agricoles diminue », Le 4 pages, n° 121.
(2) Tóth G., Stolbovoy V. et Montanarella L. (2007), « Soil quality and sustainability evaluation: An
integrated approach to support soil-related policies of the European Union », JRC Position Paper,
EUR 22721 EN, 52 p.
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Octobre 2011
- Chapitre 4 -
1
(2009) , montrent en effet que la stabilité apparente des terres arables au niveau
national cache un flux de surfaces sortant sous l’effet de la pression urbaine et des
aménagements, compensé par le retournement de prairies. En observant les transferts
au niveau départemental, ils constatent, en outre, que l’évolution des prairies n’est
pas la même selon que l’on se place dans un département mixte culture et prairie
(rythme variable de diminution des surfaces en prairies) ou dans un département
herbager (hausse des surfaces en prairies).
En réduisant les coûts des activités qui consomment du foncier (zones artisanales
et/ou industrielles, réseaux routiers et autres équipements publics ou privés, création
de nouveaux logements, etc.) et cela de façon irréversible alors que le sol est une
ressource limitée, certaines aides peuvent contribuer à une surconsommation de
foncier, au-delà de ce qui serait strictement nécessaire par les activités concernées, à
une hausse de la pression foncière et à l’augmentation de l’écart entre la valeur du
foncier agricole et du foncier « urbain ».
Dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, par exemple, « malgré une agriculture à
très forte valeur ajoutée à l’hectare, les espaces agricoles ont du mal à lutter contre la
pression du marché foncier urbain qui dicte la valeur des terrains » (CETE2
Méditerranée, 2008) .
Ces aides sont présentées dans la partie traitant de l’artificialisation des habitats du
chapitre 3.
Les aides publiques influant sur le développement de la culture des biocarburants
L’Union européenne a fixé à 5,75 % la part des énergies renouvelables dans la
consommation finale d’énergie dans le secteur des transports d’ici à 2010, puis à
10 % d’ici à 2020 (directives 2003/30 CE, 2009/28).
La France a, en outre, choisi de renforcer ces objectifs d’incorporation à 7 % en 2010
3
et à 10 % en 2015 par la loi d’orientation de la politique énergétique de la France .
Le développement des biocarburants est ainsi devenu incontournable pour atteindre
ces objectifs.
(1) Poux X., Tristant D. et Ramanantsoa J. (2009), Assolements et rotations de la « ferme France »,
Agriculture-Énergie 2030 : fiche-variable, Centre d’études et de prospective, Service de la
statistique et de la prospective, 9 p.
(2) CETE-Méditerranée (2008), « La consommation des espaces agricoles NC dans les périmètres
des agglomérations », Études foncières, n° 8.
(3) « Compte tenu de leur intérêt spécifique, notamment en matière de lutte contre l’effet de serre,
l’État soutient le développement des biocarburants et encourage l’amélioration de la compétitivité
de la filière. À cette fin, l’État crée, notamment par l’agrément de capacités de production nouvelles,
les conditions permettant de porter à 5,75 % au 31 décembre 2008, à 7 % au 31 décembre 2010 et
à 10 % au 31 décembre 2015 la part des biocarburants et des autres carburants renouvelables
dans la teneur énergétique de la quantité totale d’essence et de gazole mise en vente sur le marché
national à des fins de transport » (article 4 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme
fixant les orientations de la politique énergétique).
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Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
L’article 17 de la directive 2009/28 ajoute que seuls les biocarburants répondant aux
critères de durabilité préétablis par ladite directive pourront être comptabilisés dans le
taux d’incorporation, notamment :
•
ils ne seront pas produits à partir de matières premières provenant de terres de
grande valeur en termes de diversité biologique, parmi elles, les prairies naturelles
présentant une grande valeur sur le plan de la biodiversité (la Commission définit
les critères et les zones géographiques servant à désigner les prairies concernées) ;
•
ils ne seront pas produits à partir de matières premières provenant de terres
présentant un important stock de carbone (zones humides, zones forestières
continues, etc.) ;
•
ils ne seront pas fabriqués à partir de matières premières obtenues à partir de
terres qui étaient des tourbières au mois de janvier 2008.
1
Selon Guidé et al. (2008 ), si l’objectif d’incorporation de 7 % devait se réaliser en
2015 sur la base d’une production agricole hexagonale, les superficies cultivées en
colza devraient alors couvrir 30 % de la SAU dans les principales régions de
production françaises. Cette augmentation se ferait au détriment des surfaces en
céréales, en protéagineux et, de manière indirecte mais impérative, par la remise en
culture d’une partie de la jachère. L’objectif de 10 % d’incorporation ne serait, quant à
lui, atteignable qu’en ayant recours à des importations.
La politique des biocarburants est donc susceptible d’induire une extension des
surfaces consacrées à des activités peu compatibles avec des objectifs de
biodiversité. De plus, si le système de production des cultures énergétiques est
intensif, il peut accroître les pollutions en azote et pesticides, le tassement du sol,
voire, même sans régulation locale, accroître les désordres écologiques liés aux
monocultures à grande échelle.
La tendance à l’augmentation de la sole en cultures énergétiques oléo-protéagineuses
est actuellement stratégiquement appuyée par l’existence d’un débouché en
alimentation animale des sous-produits de la fabrication des biocarburants. La
production de biocarburants à partir de ces cultures place, en effet, beaucoup de
protéines métropolitaines sur le marché de l’alimentation animale (drèches, tourteaux,
etc.) Ces protéines, viendraient, en outre, concurrencer les importations de tourteaux
de soja et générer de nouvelles filières et concurrencer les existantes.
L’influence des biocarburants sur l’affectation des sols est encore peu chiffrée.
Plusieurs études sont en cours : la Commission européenne présentera mi-2011 son
analyse sur la prise en compte du changement d’affectation indirect des sols en
Europe et à l’étranger dans l’évaluation de la durabilité des biocarburants, l’ADEME a
publié un appel d’offres fin 2010 sur l’influence des biocarburants sur l’affectation des
2
sols .
(1) Guindé L., Jacquet F. et Millet G. (2008), « Impacts du développement des biocarburants sur la
production française de grandes cultures », Revue d’études en agriculture et environnement, n° 89,
p. 55-81.
(2) Analyse rétrospective des interactions du développement des biocarburants en France avec
l’évolution des productions agricoles, des filières et des marchés (importations et exportations), afin
d’identifier les éventuels CAS (changements d’affectation des sols) engendrés.
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- Chapitre 4 -
1
L’ADEME a, par ailleurs, publié en 2010 les résultats d’une Analyse de Cycle de vie
des biocarburants de première génération. Ces résultats montrent un bilan assez
contrastés suivant les cultures en matière d’énergie non renouvelable consommée et
de gaz à effet de serre émis pour l’ensemble des biocarburants étudiés « du champ à
2
la roue » . Le bilan est en revanche défavorable pour les émissions d’azote et le
potentiel d’eutrophisation, avec des niveaux dix fois plus élevés que les carburants
fossiles, aussi bien pour les éthanols que pour les esters. Le bilan des émissions de
molécules à pouvoir oxydant (aussi appelés précurseurs d’ozone) entre la filière
biocarburant et carburant fossile dépend du biocarburant considéré (écart peu
marqué dans le cas des esters, écart plus marqué en faveur des éthanols).
Néanmoins, la validité environnementale des biocarburants est essentiellement
examinée sous l’angle des flux de polluants. En ce qui concerne la biodiversité, les
situations sont pourtant très contrastées : de la menace sur l’habitat résiduel de
l’orang-outan devant l’extension des cultures de palmier à huile, à la possibilité de
mener des cultures énergétiques de façon moins rigoureuse que leur équivalent
alimentaire (tant du niveau des pesticides que de l’acceptation d’adventices, moins
néfastes pour la production de carburants que pour la consommation humaine ou
animale, etc.).
Les aides perçues directement par l’exploitant pour la production de cultures
énergétiques ou indirectement par les acteurs de la filière (transformateurs, metteurs
en marché, consommateurs) sont essentiellement des dépenses fiscales :
•
exonération plafonnée de TIC pour les volumes de biocarburants agréés (article
3
265 bis A du code des douanes) (643 millions d’euros en 2010 ) : cet avantage
fiscal est maintenu jusqu’en 2013 (loi de finances 2011) ;
•
taux réduit de TGAP sur les mises à la consommation de superéthanol,
d’essences ou de gazole à proportion des quantités de biocarburants incorporés
(article 266 quindecies du code des douanes) (montant total de l’aide inconnu) : fin
d’incidence budgétaire en 2011 ;
•
taux réduit de TIC quand autorisation à titre expérimental de l’usage des huiles
végétales pures comme carburant pour les flottes captives des collectivités locales
ou de leurs groupements (article 265 ter-3 du code des douanes) (montant total de
l’aide faible) ;
•
exonération de TIC pour les huiles végétales pures utilisées comme carburant
agricole et pour l’avitaillement des navires de pêche professionnelle (article 265 ter
du code des douanes) (montant total de l’aide faible) ;
•
exonération de TIC sur le charbon pour les entreprises de valorisation de la
biomasse dont les achats de combustibles et d’électricité utilisés pour cette
valorisation représentent au moins 3 % de leur chiffre d’affaires (article 266
quinquies B-5-4° du code des douanes) (montant total de l’aide inconnu).
L’exploitant pouvait bénéficier jusqu’en 2009 d’une aide couplée spécifique aux
1
cultures énergétiques .
(1) ADEME (2010), Analyse de cycle de vie appliquée aux biocarburants de première génération
consommés en France, rapport final, 236 p.
(2) Ce bilan est effectué sans prendre en compte le changement d’occupation du sol.
(3) Source : mission budgétaire « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », 2010.
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Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
Ces aides sont susceptibles d’influer sur le différentiel de revenu entre une culture
destinée à la filière biocarburant ou à la filière alimentaire/élevage et par conséquent
sur le choix d’assolement.
Il existe également des dispositifs de soutien pour la filière biocarburant (essentiellement pour les biocarburants du futur) :
•
soutien à la ré-industrialisation ;
•
prêts verts bonifiés mis en place par OSEO ;
•
emprunt national ;
•
appel à projets ;
•
aides à la construction des usines.
Aussi, lorsque les opérateurs (raffineurs, grandes surfaces et indépendants) mettent
sur le marché des carburants contenant une proportion de biocarburants inférieure au
2
seuil inscrit dans la loi d’orientation agricole , ils doivent acquitter un prélèvement
3
supplémentaire de la TGAP (article 266 quindecies du code des douanes). Ainsi, afin
de respecter l’objectif obligatoire d’incorporation et ne pas payer la pénalité, les
distributeurs de carburants sont prêts à payer plus cher les biocarburants (ceux-ci
arbitrent en effet entre acheter des biocarburants tout en bénéficiant d’une
défiscalisation et acheter des carburants fossiles en payant une TGAP), ce qui
constitue une « rente » pour les producteurs de biocarburants, assimilable à une
subvention.
1.3. Les aides publiques incitant à l’intensification ou au maintien
de pratiques agricoles intensives
L’intensification de l’agriculture passe par la recherche de rendements végétaux et de
chargements animaux de plus en plus élevés par unité de surface, la terre étant un
facteur de production limitant, et par la mécanisation pour réduire le coût du travail.
Les infrastructures naturelles et semi-naturelles (talus, haies, fossés, prairies naturelles
et semi-naturelles, etc.) de l’exploitation ont souvent été supprimées afin d’agrandir la
surface productive de l’exploitation, faciliter la mécanisation, ou accompagner la
conversion de l’élevage vers la culture. Il faut noter, par ailleurs, que les pesticides, à
la fois efficaces pour certaines prophylaxies, d’un coût relativement faible et faciles
d’emploi, ont fortement contribué au développement des systèmes des productions
4
intensifs (Aubertot et al., 2005) .
(1) Une aide de 45 euros à l’hectare était accordée pour les cultures à vocation énergétique
réalisées hors jachères, dites aides aux cultures énergétiques (ACE).
(2) 1,75 % en 2006, 3,5 % en 2007, 5,75 % en 2008, 6,25 % en 2009, 7 % à partir de 2010.
(3) Son taux est croissant, de 1,2 % en 2005 à 7 % en 2010. Il est diminué de la part, par carburant,
de biocarburants exprimée en % PCI mise sur le marché.
(4) Aubertot J.-N., Barbier J.-M., Carpentier A., Gril J.-J., Guichard L., Lucas P., Savary S., Voltz M.
et Savini I. (2005), Pesticides, agriculture et environnement : réduire l’utilisation des pesticides et en
limiter les impacts environnement, synthèse du rapport d’expertise, Expertise Scientifique Collective
INRA-Cemagref, 64 p.
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- 202 -
Octobre 2011
- Chapitre 4 -
L’intensification des systèmes et des pratiques procède d’un ensemble très complexe
de processus internes et externes au secteur agricole que l’on peut citer, en étant
schématique, comme suit :
•
le choix des pratiques est plus déterminé par l’objectif de production que par leurs
conséquences environnementales et les coûts externes, sous-évalués ou
simplement non comptabilisés dans le processus de choix ;
•
la main-d’œuvre est onéreuse par rapport à la mécanisation et l’usage de
traitements ;
•
les consommations intermédiaires achetées à l’extérieur de l’exploitation permettent
des spécialisations extrêmes des productions ;
•
les phytosanitaires sont des moyens rentables de réduction des aléas de
rendements ;
•
l’augmentation de productivité passe soit par l’agrandissement avec spécialisation
et mécanisation, soit, lorsque l’agrandissement est impossible, par l’intensification
des pratiques (ou les deux en même temps) ;
•
les bonnes terres disponibles se raréfient.
1
Même si l’usage de phytosanitaires est bien encadré aujourd’hui , ils demeurent la
pierre angulaire de ce processus d’intensification qui globalement est le processus
mettant en difficulté la biodiversité.
Force est aussi de constater qu’à objectif de production globale constante, les modes
de production moins intensifs peuvent conduire à une augmentation de l’emprise sur
les surfaces non encore exploitées et au détriment de leur biodiversité (zones humides
que l’on draine par exemple).
Cette partie s’attache à identifier les aides publiques susceptibles d’influer sur l’un ou
plusieurs des facteurs d’intensification suivants : objectif de production, coût de la
main-d’œuvre, coût des consommations intermédiaires, coût de la mécanisation,
évolution de la surface de l’exploitation et coût de la terre.
Objectif de production
2
Jusqu’en 2005, les aides directes de la PAC étaient des aides couplées à la surface
et au type de culture. Ces aides incitaient donc les agriculteurs à agrandir leur
exploitation et à orienter, parfois massivement et à grande échelle, leur assolement
vers les cultures subventionnées.
La mise en œuvre du découplage des aides a débuté en 2006, puis, s’est accéléré
avec le bilan de santé de la PAC en 2008.
La plupart des aides européennes historiquement couplées ont aujourd’hui disparu.
Seules l’aide spécifique aux protéagineux et une partie de la prime au maintien du
(1) Doses homologuées par usage, tenue de registre à la parcelle.
(2) Les aides dites couplées à la production sont les aides dont le versement est conditionné par la
réalisation d’une production agricole. Le montant de l’aide attribuée est lié directement à la nature
et à l’importance de la production réalisée et déclarée au cours d’une campagne.
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- 203 -
Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
troupeau de vaches allaitantes (PMTVA) subsistent. Ces productions présentent un
intérêt certain pour l’environnement.
1
Par ailleurs, la mise en œuvre de l’article 68 du bilan de santé a permis la mise en
place de nouveaux soutiens couplés en France à partir de 2010. Ces dispositifs sont
définis au niveau national et financés sur des crédits communautaires dégagés par la
réorientation d’une partie des aides PAC. Ainsi, en 2010, 342,8 millions d’euros
d’aides (Commission des comptes de l’agriculture, 2010) ont servi à financer des
aides couplées qui bénéficient largement aux secteurs des productions animales et
favorisent des systèmes de production économes en intrants, notamment :
•
soutien aux ovins/caprins ;
•
soutien au lait de montagne ;
•
veaux sous la mère ;
•
aide supplémentaire aux protéagineux (culture appartenant à la famille des
légumineuses et ne nécessitant pas d’apport d’azote et présentant un effet positif
sur la culture suivante en limitant les apports d’intrants) ;
•
maintien en agriculture biologique ;
•
aide à l’assurance récolte ;
•
aide à la diversité des assolements (en 2010 uniquement).
Certaines productions sont donc encouragées directement mais au titre du maintien
ou du développement de systèmes de production de type extensif (PMTVA, veaux
sous la mère, protéagineux, agriculture biologique) ou « traditionnel » (blé dur, lait de
montagne) ou diversifié (ovins/caprins).
2
L’aide à l’assurance récolte (38,1 millions d’euros en 2010) traduit un transfert d’un
système « calamités agricoles » où l’État prenait intégralement à sa charge l’indemnisation des conséquences des aléas climatiques, vers un système assurantiel basé
sur une co-responsabilité de l’Union européenne, de l’État et de l’agriculteur. L’État
encourage la souscription des contrats d’assurance récolte en prenant en charge une
3
partie des cotisations d’assurance payées par les exploitants . Ce dispositif peut avoir
deux effets sur les choix de l’agriculteur potentiellement contradictoires :
•
il peut servir de substitut à l’usage de phytosanitaires en garantissant elle aussi un
niveau de revenu minimum. L’effet est donc ici positif, i.e. désintensification ;
•
il peut introduire un différentiel de revenu minimum entre les cultures assurables
(par exemple arbres fruitiers, céréales) et les cultures non assurables (prairies) et,
dans une certaine mesure, entraîner un recouplage avec des systèmes de
production intensifs.
(1) Aides aux secteurs rencontrant des problèmes spécifiques (mesures dites de l’article 68).
(2) Source : mission budgétaire « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », 2010.
(3) Les contrats doivent prévoir un seuil de déclenchement de 30 % minimum et une franchise de
25 % minimum dans le cas de contrats à la culture ou de 20 % minimum dans le cas de contrats à
l’exploitation. Dans tous les cas, la franchise maximale est de 50 % (source : site Internet
MAAPRAT).
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- 204 -
Octobre 2011
- Chapitre 4 -
Les assurances « calamités agricoles »
Il existe déjà une indemnisation « calamités agricoles » assurée par le Fonds national de
garantie des calamités agricoles (FNGRA, ex FNGCA modifié par la LMAP de 2010). Sont
considérés comme calamités agricoles les dommages non assurables survenus lors
d’événements météorologiques exceptionnels contre lesquels les moyens techniques de
protection et de prévention se sont révélés inopérants. Le caractère de calamité agricole est
reconnu par un arrêté du ministre chargé de l’agriculture, pris sur proposition du préfet du
département après consultation du Comité national de gestion des risques en agriculture.
Une réforme de ce dispositif a été engagée à partir de 2005 par le ministère chargé de
l’agriculture : elle vise à progressivement remplacer le dispositif des calamités agricoles par
le développement d’une assurance récolte (couverture de l’ensemble des risques
climatiques) pour l’ensemble des productions végétales (actuellement subventionnée à
hauteur de 65 % dans le cadre de l’article 68). Une offre existe d’ores et déjà et se
développe progressivement pour l’ensemble des productions, à l’exclusion des prairies
pour lesquelles il n’existe pas encore de produit d’assurance (mais des expérimentions en
cours de la part de plusieurs assureurs). La commercialisation effective d’une offre pour les
prairies est actuellement conditionnée par les assureurs à la mise en place par l’État d’un
dispositif de réassurance publique permettant de limiter leur exposition en cas de sinistre
d’ampleur exceptionnelle. Une analyse du besoin de réassurance publique pour le
développement du marché français de l’assurance climatique est actuellement en cours
dans le sillage de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche de 2010 (article 27
de la LMAP).
Le coût de la mécanisation
La mécanisation permet d’augmenter la productivité du travail agricole et de le rendre
moins pénible : son impact défavorable pour la biodiversité relève souvent des
pratiques issues d’une certaine course à la puissance et au poids, de la possibilité de
traitements de grande ampleur et de l’ajustement du paysage aux « impératifs » de
productivité des engins (taille de parcelles, rectifications géométriques, etc.). En
revanche, elle peut aussi permettre des façons de travailler le sol ou des opérations
agronomiques en substitution de traitements chimiques. Elle est un déterminant
important de la rentabilité d’un système de production qu’il soit intensif comme
extensif.
Les agriculteurs peuvent bénéficier d’aides à l’investissement, dont certaines peuvent
inciter à une mécanisation accrue :
•
1
déduction spécifique à l’investissement (CGI : 72 D) (160 millions d’euros en
2
2010 ) : les effets de cette mesure sur la biodiversité dépendent du matériel
acheté. Elle peut favoriser une agriculture mécanisée et l’intensification des
pratiques agricoles (augmentation de l’usage des intrants, tassement des horizons
semi-profonds du sol, etc.). En revanche, lorsqu’il s’agit de matériel d’agriculture
de précision (GPS, etc.) par exemple, cet investissement doit normalement
conduire à une réduction des quantités d’intrants. Cette mesure peut toutefois être
(1) Les exploitants agricoles soumis à un régime réel d’imposition peuvent pratiquer une déduction
pour investissement dont le montant est plafonné, pour chaque exercice.
(2) Source : mission budgétaire « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », 2010.
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- 205 -
Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
vue comme une distorsion par rapport à l’agriculteur qui supporte les coûts de
pratiques ne nécessitant pas ou peu d’intrants ;
1
•
prêts de modernisation (Bleu, mission APAFAR, programme 154, action 13)
2
(< 8,4 millions d’euros en 2010 ) : en accordant une bonification plus élevée aux
exploitations de montagne, cette mesure favorise la modernisation de ces dernières
par rapport aux exploitations de plaine. Tout comme la mesure précédente, les
effets sur la biodiversité dépendent du matériel acheté et de son utilisation ;
•
prêts à l’installation (Bleu, mission APAFAR, programme 154, action 13)
(79,7 millions d’euros en 2010) : la majorité des exploitations étant aujourd’hui
sous forme intensive et prenant insuffisamment en compte la biodiversité dans
leur système de production, ces aides sont donc majoritairement affectées à la
reprise/poursuite d’exploitations de ce type ;
•
néanmoins, la distinction des taux entre exploitation en zone défavorisée et zone
de plaine, incite à la reprise des exploitations dans les régions de déprise agricole
et au maintien de l’entretien des agro-écosystèmes correspondants.
3
L’exonération de la taxe spéciale sur certains véhicules routiers (ou taxe à l’essieu)
pour les véhicules destinés à l’exploitation agricole (montant de l’aide pour le secteur
agricole inconnu) doit également être citée. Ce dispositif minore, en effet, le coût de
possession des tracteurs sans distinction des différents types de tracteurs.
Le coût des consommations intermédiaires
Le coût des intrants (achat, mise en œuvre) est un déterminant important du choix des
pratiques culturales. Si le prix d’achat est bas, la compétitivité des pratiques
intensives est accrue par rapport aux pratiques ne nécessitant pas ou peu
d’amendements et de produits phytosanitaires. Il en est de même pour le prix des
aliments pour le bétail qui peut rendre plus compétitif le recours à des consommations
intermédiaires non produites par l’exploitant agricole. Le taux réduit de TVA applicable
aux éléments constitutifs des aliments pour le bétail et à certains produits et engrais à
4
usage agricole (60 millions d’euros en 2010 ) est donc susceptible d’augmenter leur
consommation.
Les taux de TVA sur ces produits sont quasiment toujours plus élevés dans les autres
États membres de l’Union européenne (voir tableau suivant).
(1) Ces crédits permettent de financer les charges de bonification des prêts à moyen terme
spéciaux aux coopératives pour l’utilisation de matériels agricoles (MTS-CUMA). Depuis l’arrêté du
26 mai 2009, la bonification pour les prêts MTS-CUMA correspond à un différentiel entre le taux de
référence pratiqué par l’établissement bancaire et le taux supporté par l’agriculteur. Ce différentiel
s’établit à 2 % en zone de plaine et 2,5 % en zone de montagne.
(2) Source : mission budgétaire « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », 2010
(3) Cette mesure est applicable aux jeunes agriculteurs et autres bénéficiaires (MTS et autres). Les
prêts sont consacrés au financement des charges de bonification relatives aux prêts à moyen et
long termes, bonifiés par l’État. La réglementation fixe les taux selon la localisation en zone
défavorisée ou de plaine.
(4) Source : mission budgétaire « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », 2010.
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- 206 -
Octobre 2011
- Chapitre 4 -
er
Taux de TVA appliqués dans les États membres de l’UE au 1 janvier 2011 (%)
BE
BG
CZ
DK
DE
EE
12
20
20
25
19
20
Pesticides*
21
12
Engrais
EL
ES
13
8
23
20
20
25
19
20
13
21
FR
IE
IT
5,5
21 20
CY
LV
LT
LU
HU
MT
NL
AT
PL
PT
RO
SI
SK
FI
SE
UK
5
22
21
15
25
18
19
20
8
6
24
8,5
20
23
25
20
5
22
21
3
25
18
19
10
8
6
24
8,5
20
23
25
20
19,6
8
5,5
0
4
21
20
(*) Et matériaux pour la protection des végétaux.
Source : Commission européenne (2011), « Taux de TVA appliqués dans les États membres de l’Union
européenne : situation au 1er janvier 2011 », taxud.c.1(2011)39295-FR, 27 p.
Comme la Belgique, la France à un taux réduit de TVA applicable seulement aux
produits phytosanitaires reconnus par le ministère de l’Agriculture.
Il est aussi intéressant de remarquer que l’Allemagne a un taux réduit de TVA sur les
engrais biologiques (et non chimiques) et l’Italie sur les engrais utilisés dans
l’agriculture biologique.
er
La TGAP sur les produits antiparasitaires a été abrogée à compter du 1 janvier 2008.
Après cette date, les livraisons à l’utilisateur final de produits phytosanitaires sont
soumises à la redevance pour pollutions diffuses, perçue par les Agences de l’eau,
dans les conditions prévues par l’article 84 de la loi précitée (cf. chapitre 5 sur les
pollutions).
Dans les départements d’outre-mer, deux dispositifs viennent abaisser le prix des
engrais et des produits phytosanitaires :
•
exonération ou réduction du taux d’octroi de mer sur les importations de produits
phytosanitaires et d’engrais ;
•
exonération de TVA sur les importations d’engrais et de produits phytosanitaires.
•
Le prix des carburants va également influer sur les arbitrages entre un tracteur
plus ou moins puissant, le nombre de passages, la profondeur de travail du sol,
etc. Deux mesures permettent d’abaisser le prix des carburants :
•
taux réduit de TIC applicable au fioul domestique utilisé comme carburant diesel
en agriculture (code des douanes : 265, tableau B) (1 100 millions d’euros pour
1
l’agriculture et la pêche en 2010 ) : cette mesure réduit le coût des traitements
phytosanitaires, de l’épandage des engrais et de toute autre activité
consommatrice de carburant (l’agriculture biologique pratique le hersage, par
exemple, pour éviter les traitements). Elle renchérit, par conséquent, en termes
relatifs certains types d’agriculture plus extensifs non mécanisés, à plus forte
intensité en main-d’œuvre. Par ailleurs, l’augmentation de la consommation de
carburants induite par cette mesure produit d’autant plus d’émissions de GES, de
particules fines, etc. ;
•
remboursement partiel de la TIC sur les produits énergétiques (montant =
2
150 millions d’euros en 2010) et sur le gaz naturel : en plus du taux réduit de TIC
(1) Source : mission budgétaire « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », 2010.
(2) Cette mesure a été reconduite par la loi de finances rectificative pour 2010 au profit des activités
agricoles. Les remboursements sont calculés d’après les livraisons de fioul ou de gaz naturel sur
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- 207 -
Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
ci-dessus, cette mesure vient réduire le coût des carburants (et non plus
seulement du fioul). Bien que non instaurée de façon continue et décidée
a posteriori en loi de finance rectificative, elle est reconduite d’année en année et
elle a potentiellement les mêmes effets que la précédente.
Outre-mer, la Taxe spéciale de consommation pour les essences, les supercarburants, le gazole et les émulsions dans le gazole (code des douanes : article 266 quater)
remplace la TIC appliquée en Métropole. Le taux de cette taxe est fixé par le Conseil
régional. Il ne peut excéder 63,96 euros par hectolitre pour les essences et
supercarburants, 5,66 euros par hectolitre pour le gazole utilisé comme carburant
pour l’alimentation des moteurs fixes et 28,71 euros par hectolitre pour le gazole et
l’émulsion d’eau dans du gazole. À noter également, en plus de la TCS et de la TVA,
les carburants sont assujettis à l’octroi de mer.
L’évolution de la surface de l’exploitation
Pour donner lieu à paiement, les droits à paiement unique (DPU), mis en œuvre depuis
2006, doivent être « activés » avec un hectare de terre agricole détenu par l’exploitant
le 15 mai, la déclaration des surfaces étant annuelle. Le « paiement unique » perçu par
l’exploitation est donc d’autant plus élevé que le nombre d’hectares activés est grand.
En théorie, le lien entre la surface et le montant du paiement unique peut inciter à
l’agrandissement et à l’accélération du processus de simplification des pratiques,
d’intensification et d’appauvrissement en carbone du sol.
Le montant du paiement par hectare est, par ailleurs, « déterminé en rapportant la
moyenne des aides directes perçues au cours des années 2000, 2001 et 2002 au
nombre d’hectares ayant donné droit à ces aides (surface dite de référence). Le
nombre de DPU d’un agriculteur sera égal au nombre d’hectares de référence de son
1
exploitation » (Chatellier, 2006) . Les exploitations bénéficiaires des paiements les plus
élevées sur cette période, sont dans la majorité des cas, des exploitations de grande
taille avec un système de production simplifié et intensif. Ces exploitations jouissent
donc d’une rente par rapport aux systèmes diversifiés et extensifs.
Le bilan de santé de la PAC (article 63 du règlement 73/2009/CE) vient toutefois
nuancer ce dernier effet en redistribuant une partie des aides découplées vers de
nouveaux DPU pour les exploitants ayant des surfaces en herbe, en maïs ensilage et
en légumes de plein champ. La répartition actuelle des DPU n’est donc plus à 100 %
fondée sur l’historique.
Le coût de la terre (particularités du fermage)
Établi au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le statut du fermage avait
globalement pour objectif d’établir un équilibre entre bailleurs et preneurs et de
relancer l’agriculture mise à mal par le conflit.
l’ensemble de l’année 2010. Le montant du remboursement n’est pas modifié (5 euros par hectolitre
pour le gazole ; 1,665 euros par 100 kilogrammes net pour le fuel lourd ; 1,071 euros par millier de
kilowattheures pour le gaz).
(1) Chatellier V. (2006), « Le découplage et les droits à paiement unique dans les exploitations
laitières et bovins-viande en France », Cahiers d’économie et sociologie rurales, n° 78, 28 p.
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- 208 -
Octobre 2011
- Chapitre 4 -
Les modes de fixation du montant du fermage ont fortement évolué depuis sa
création. Jusqu’en 1994, le fermage d’un bail rural était exprimé en quantité de
denrées : quintaux de blé-fermage, litres de lait, kilos de viande, d’après des barèmes
publiés par arrêtés préfectoraux. Ainsi, les fourchettes fixant les minima et maxima de
loyers étaient-elles déterminées en quantité de denrées à l’hectare, en fonction
notamment de la durée des baux, de l’état et de l’importance des bâtiments, de la
qualité agronomique des sols, de la structure parcellaire des biens loués, de la culture
pratiquée...
Depuis 1995, les fermages sont exprimés en valeur monétaire. Les fourchettes fixant
les minima et maxima sont simplement converties en argent. Leur valeur est actualisée chaque année à partir de la variation annuelle d’un indice des fermages fixé au
niveau départemental par le Préfet, après avis de la Commission consultative des baux
er
ruraux, pour une période courant du 1 octobre au 30 septembre de l’année suivante.
1
En 2010, la loi de modernisation de l’agriculture a supprimé les indices départementaux
des fermages et les a remplacés par un indice unique : l’indice national des fermages.
La composition de ce nouvel indice a été fixée par la loi de la façon suivante :
•
pour 60 % : moyenne pondérée du revenu brut d’entreprise agricole (évolution du
revenu brut d’entreprise agricole à l’hectare constaté sur le plan national au cours
des cinq années précédentes) ;
•
pour 40 % : indice du prix du PIB.
er
Ainsi, l’indice national des fermages applicable aux loyers payables entre le 1 octobre
2010 et le 30 septembre 2011 est de 98,37 % (la variation annuelle par rapport à
2
2009, base 100 du nouvel indice, est de – 1,63 %) .
Le prix du fermage a néanmoins hérité de l’ancien mode de calcul et les variations en
système d’exploitation sont toujours visibles (voir graphique suivant).
Loyers et fermages 2009 (€/ha)
1200
1000
800
600
400
200
0
Source : RICA
(1) Article 62 de la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche.
(2) Selon l’arrêté du 27 septembre 2010, pris par le ministre de l’Agriculture et de la Pêche, publié
au J.O. le 28 septembre.
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- 209 -
Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
L’indexation sur le revenu des agriculteurs constaté au niveau national ne devrait pas
produire d’effets directs sur le mode de conduite de l’exploitation de l’agriculteur
locataire. Mais, le calcul du prix du fermage ne prenant plus en compte les
caractéristiques du sol, notamment la teneur en carbone organique dont le devenir est
très dépendant des pratiques agricoles exercées, cette variable peut évoluer dans le
temps sans que cela ne se reflète dans le loyer de la terre.
Les différentes réformes rappelées ci-dessus n’ont porté que sur les modalités de
calcul du fermage. Du point de vue juridique, le statut du fermage de l’après-guerre a
réduit les droits du bailleur au profit de ceux du preneur et laisse à la charge du
1
premier la quasi-totalité des taxes afférentes au bien loué . Les fermages ne sont pas
libres. Ils sont encadrés par l’État. D’un point de vue économique, cela entraîne, d’une
part, des fermages inférieurs à ceux de nombre de pays voisins et, d’autre part, une
rentabilité nulle ou négative du foncier non bâti. Le bailleur est donc incité à changer la
destination de son bien. Du point de vue de la biodiversité, il s’agit là d’une cause
économique majeure de l’artificialisation de l’espace et de l’étalement urbain. Un
rendement positif en termes réels du foncier non bâti serait un préalable indispensable
à l’inversion de cette tendance.
Concernant les droits accordés au preneur, ceux-ci ont peu évolué depuis
l’instauration du statut du fermage. Le preneur conserve la possibilité de (articles
L. 411-28, L. 411-29 et L. 411-73-I.1 du code rural) :
•
faire disparaître, dans les limites du fonds loué, les talus, haies, rigoles et arbres
qui les séparent ou les morcellent, lorsque ces opérations ont pour conséquence
d’améliorer les conditions de l’exploitation ;
•
procéder au retournement des parcelles en herbe ;
•
participer à des opérations collectives de drainage, d’assainissement et d’irrigation ;
•
chasser.
Le preneur a donc la possibilité de modifier grandement le potentiel de biodiversité du
bien dans le cadre du bail.
2 Les ressources halieutiques
2.1. État des ressources halieutiques
Depuis 1960, en quarante-cinq ans, les dépenses des ménages en produits de la mer
(par habitant et à prix constants) ont plus que doublé ; cette consommation s’est en
partie substituée à celle de viande et d’œufs, et ce malgré une évolution des prix
2
relatifs défavorables par rapport à la viande, traduisant un désir de diversification .
Cette évolution a été portée par la forte croissance des produits préparés, la part des
produits frais de la pêche restant assez stable. Sur la période récente, la
(1) Le bailleur doit notamment acquitter 80 % de la taxe foncière sur le foncier bâti et non bâti et
50 % de la taxe pour les Chambres d’agriculture.
(2) Besson D. (2008), « Le repas depuis 45 ans : moins de produits frais, plus de plats préparés »,
Insee Première, n° 1208, Insee.
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- 210 -
Octobre 2011
- Chapitre 4 -
1
consommation par habitant de produits issus de la pêche (poissons et crustacés) a
cru de presque 20 % entre 1998 et 2009 en France, passant de 22 kg/habitant à près
de 26 kg/hab. sur la période. Cette demande a été en bonne partie satisfaite par un
accroissement de la part relative des importations dans cette consommation (en
volume), passée de 75 % à 88 %. Outre l’alimentation humaine directe, le dévelop2
pement de la pisciculture (les poissons d’élevage représentant 9 % de la
consommation des ménages en produits de la mer et de l’aquaculture) et le
développement de l’élevage, de par les farines d’origine marine que ces activités
utilisent en consommation intermédiaire, contribuent également à l’accroissement des
3
besoins pesant sur les ressources halieutiques .
Les produits de la pêche maritime professionnelle française (hors usage non
alimentaire) alimentent majoritairement la consommation finale des ménages ou les
industries de transformation aval résidentes, mais 30 % environ (en volume) sont
4
également directement exportés . La pêche maritime française se caractérise par la
diversité de ses flottilles, de ses captures et de ses techniques (chalut, filet, ligne,
drague, casier, etc.). La flotte française effectue les deux tiers de ses captures
(principalement sole, baudroie (ou lotte), langoustine, coquille Saint-Jacques, merlu et
bar) dans les eaux nord-atlantiques (mer Celtique, Ouest Écosse, Manche, mer du
Nord et golfe de Gascogne), mais opère également en méditerranée (thon rouge,
anchois et sardine), dans les DOM-TOM (crevette en Guyane, thon et espadon à la
Réunion…) et dans de nombreuses régions du globe (cabillaud et lingue au large de la
Norvège et des îles Féroé, thon tropical au large de l’Afrique et dans l’océan Indien).
Selon les espèces et les régions, la pêche professionnelle française contribue très
inégalement aux prélèvements. Sur un ensemble de 68 stocks (espèce * zone de
5
pêche) examinés par l’Ifremer , la part des débarquements français dans le total des
débarquements est inférieur à 10 % pour 15 d’entre eux et supérieur à 80 % pour un
peu moins de vingt. On notera également que, parmi les stocks pour lesquels les
prélèvements français sont significatifs, un nombre important d’entre eux ne peut pas
être qualifié en termes de durabilité, faute de données suffisantes et robustes. Deux
stocks sont jugés dans un état critique et une douzaine à risque, le niveau des
prélèvements actuels ou l’état actuel du stock constituant des facteurs de nondurabilité de la ressource. La fragilisation du stock cible peut également impacter les
autres éléments de l’écosystème marin dont il fait partie (déséquilibre des dynamiques
démographiques des espèces proies ou prédateurs, prolifération d’espèces
opportunistes au détriment des espèces affaiblies, etc.).
(1) Les produits issus de la pêche représentent 75 % de la consommation des produits de la pêche
et de l’aquaculture (conchyliculture et pisciculture) (source : FranceAgriMer, Consommation des
produits de la mer et de l’aquaculture, édition 2009).
(2) L’aquaculture croît plus rapidement que tous les autres secteurs de production alimentaire
d’origine animale, à un taux moyen annuel de 8,8 % depuis 1970, contre seulement 1,2 % pour les
pêches de capture et 2,8 % pour les systèmes terrestres de production animale (source : Ifremer,
http://aquaculture.ifremer.fr).
(3) La pêche minotière est l’activité de pêche dont les captures sont transformées en farine (pour
l’élevage du porc et de la volaille essentiellement) mais aussi en huile et autres sous-produits.
(4) FranceAgriMer (2010), Les filières pêche et aquaculture en France, Ventes à l’étranger pêche
fraîche et pêche congelée, p. 6.
(5) Ifremer (2011), Situation en 2011 des ressources exploitées par les flottilles françaises, A. Biseau
(dir.), RBE/2011/11.
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Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
Caractérisation des stocks exploités par les flottilles françaises
Espèce
Anguille
Morue
Anchois
Bar
Crevette
Germon
Merlan
Merlu
Plie
Rouget
Sardine
Sole
Sole
Thon rouge
Bar
Bar
Baudroie
Bulot
Cardine
Coquilles
St-Jacques
Eglefin
Grenadier
Lingue bleue
Marlin
Merlan
Morue
Palourde
Palourde
Rouget
Rouget
Rouget
Sabre
Sardine
Tourteau
Tourteau
Tourteau
Zone
Atlantique Nord Est /
Méditerranée
Ouest Écosse
Golfe du Lion
Golfe de Gascogne
Guyane
Atlantique Nord Est
Manche Est / Mer du Nord
Golfe du Lion
Manche Est
Golfe du Lion
Golfe du Lion
Manche Est
Manche Ouest
Atlantique Nord Est /
Méditerranée
Manche Est
Manche Ouest
Golfe de Gascogne / Mer
Celtique
Manche Ouest
Golfe de Gascogne / Mer
Celtique
Part des
captures du
stock effectuées
par les flottilles
françaises (%)
80
15
80
60
100
20
90 (ME)/30 (MN)
50
50
50
80
50
35
État du stock
Critique
Critique
à risque
à risque
à risque (voire critique)
à risque
à risque
à risque
à risque
à risque
à risque
à risque
à risque
20
à risque
60
60
incertain
incertain
40
incertain
100
incertain
25
incertain
Manche Est
90
incertain
Mer Celtique
Ouest Écosse
Ouest Écosse
Antilles
Mer Celtique
Mer Celtique
Bassin Arcachon
Golfe du Morbihan
Golfe de Gascogne
Manche Est
Mer du Nord
Ouest Écosse
Golfe de Gascogne
Golfe de Gascogne
Manche Ouest
Mer Celtique
55
60
60
50
33
66
100
100
50
75
75
60
90
80
80
80
incertain
incertain
incertain
incertain
incertain
incertain
incertain
incertain
incertain
incertain
incertain
incertain
incertain
incertain
incertain
incertain
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- 212 -
Octobre 2011
- Chapitre 4 -
Espèce
Part des captures
du stock
effectuées par
les flottilles
françaises (%)
Zone
Anchois
Golfe de Gascogne
Coquilles St Jacques
État du stock
50
sécurisé
Baie de Seine
100
sécurisé (p)
Coquilles St-Jacques
Charente
100
sécurisé
Coquilles St-Jacques
St Brieuc
100
sécurisé (p)
Langoustine
Golfe de Gascogne
100
sécurisé (p)
Langoustine
Mer Celtique
40
sécurisé
Lieu noir
Mer du Nord / Ouest Écosse
20
sécurisé
Merlu
Golfe de Gascogne / Mer Celtique
30
sécurisé
Morue
Atlantique Nord-Ouest
15
sécurisé
Sole
Golfe de Gascogne
90
sécurisé
(p) : probablement sécurisé
Champ : les stocks pour lesquels la part des débarquements français est inférieure à 10 % des
débarquements totaux ne sont pas mentionnés dans le tableau par souci de lisibilité.
Note de lecture : l’Ifremer définit deux indicateurs de durabilité du stock : le seuil de biomasse de
reproducteurs en–dessous duquel le risque de voir compromis le maintien du stock par le
renouvellement des générations est très élevé ; le taux d’exploitation (mortalité par pêche), au-delà
duquel le risque de faire diminuer l’abondance des reproducteurs en-dessous du seuil précédent est
élevé. Ces indicateurs ne sont pas toujours calculables ou suffisamment robustes, faute de données
et de séries longues. D’autres informations peuvent le cas échéant venir éclairer la dynamique du
stock considéré. Pour résumer ces informations, on a défini quatre états possibles du stock :
− critique, lorsque les deux indicateurs de durabilité sont « négatifs » (biomasse inférieure au seuil
de précaution et mortalité par pêche supérieure au taux de précaution) ;
− à risque, lorsqu’un de ces deux indicateurs est « négatif » ;
− sécurisé, lorsque les deux indicateurs sont « positifs » ;
− incertain, lorsqu’il n’est pas possible d’établir un diagnostic robuste.
Source : CGDD, d’après Ifremer, Situation en 2011 des ressources exploitées par les flottilles françaises
Au-delà des phénomènes d’épuisement des stocks cibles et de leurs effets induits, les
pratiques de pêche peuvent également être source d’autres dommages environ1
nementaux et contribuer aux pressions exercées sur la biodiversité , soit par des
prélèvements accidentels sur d’autres espèces que les espèces ciblées, soit par des
atteintes aux habitats marins (voir tableaux ci-dessus). Le premier de ces impacts
induits n’est pas à proprement parler une surexploitation de ressources, mais
constitue néanmoins un prélèvement dommageable en matière de biodiversité. Le
second relève clairement de la destruction et de la dégradation des habitats traitées
dans le chapitre 3, mais il est néanmoins abordé ici par souci de lisibilité.
(1) Voir par exemple Agence des aires marines protégées (2010), Référentiel pour la gestion dans
les sites Natura 2000 en mer - Tome 1 : Pêche professionnelle, ou Appendix D : Gear types and
their environmental impacts, in Cappell R., Huntington T. et MacFayden G. (2010), FIFG 2000-2006
Shadow Evaluation, Report to the Pew Environment Group, Poseidon Aquatic Resource
Management Ltd.
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- 213 -
Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
De façon schématique, les arts traînants (chaluts, notamment chaluts de fond,
dragues, sennes), c’est-à-dire les engins qui doivent être mis en mouvement pour
procéder à l’opération de capture, ont le plus souvent des impacts sur les habitats via
leur action mécanique sur les fonds marins ou à proximité du fond. À l’inverse, les arts
dormants (filets, lignes, casiers, tamis, etc.), c’est-à-dire les engins passifs, ont
généralement peu d’impacts sur les habitats – on peut évoquer à la marge les filets
(mal) calés de fond dans des zones fragiles et à fort courant – mais induisent des
captures accidentelles d’autres espèces, grand dauphin, tortues, phoques, saumons
atlantiques, ainsi que des captures d’oiseaux marins pour certains engins (filet calé,
palangre)… Certains arts traînants, chalut de fond et senne coulissante à thons rouges
notamment, peuvent également entraîner des prises accidentelles (grand dauphin,
1
tortues, phoques) .
(1) Voir par exemple Agence des Aires Marines Protégées (2009), Référentiel pour la gestion dans
les sites Natura 2000 en mer - Tome 1 : Pêche Professionnelle, ou Appendix D : Gear types and
their environmental impacts, in Cappell, R., T. Huntington and G. MacFayden (2010), FIFG 20002006 shadow evaluation, Report to the Pew Environment Group, Poseidon Aquatic Resource
Management Ltd.
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- 214 -
Octobre 2011
1101 : esturgeon européen (Acipenser sturio)
1102 : grande alose (Alosa alosa)
1103 : alose feinte (Alosa feliax)
1106 : saumon atlantique (salmo salar)
1152 : aphanius de Corse (Aphanius fasciatus)*
1224 : tortue caouanne (Caretta caretta)
1349 : grand dauphin (Tursiops truncatus)
1351 : marsouin commun (Phocoena phocoena)
1355 : loutre d'Europe (Lutra lutra)
1364 : phoque gris (Halichoerus grypus)
1365 : phoque veau marin (Phoca vitulina)
Espèces d'intérêt communautaire (DO)
ESTRAN
ESTRAN - SURFACE
SURFACE
SURFACE PÉLAGIQUE
ESTRAN - PLONGÉE SURFACE
?
?
ESTRAN - PLONGÉE 5 m
PLONGEURS 20 m
PLONGEURS PÉLAGIQUES
PLONGEURS PROFONDS jusqu'à 150 m
(*) Les verneux et capéchades (engins de pêche utilisés en Méditerranée) génèrent des captures accidentelles d’aphanius de Corse
Espèces cibles
Capture accidentelle potentielle
Capture accidentelle rare
Pas de capture accidentelle
- 215 -
Pêche à pied
Pêche en apnée
et scaphandre
autonome
Palangre
Ligne à main
Casier
?
1099 : lamproie de rivière (Lampetra fluvietilis)
Tamis à civelle
Filet dérivant à
divers poissons
?
1095 : lamproie marine (Petromyzon marinus)
Filet soulevé
Filet calé de fond
Senne de plage
Senne
coulissante à
divers poissons
Senne
coulissante à
thons rouges
Drague à
hyperborea
Scuobidou
Drague manuelle
(Méditerranée)
Drague
remorquée
(Méditerranée)
Drague à Tellines
Drague
remorquée
(Atlantique)
Ganguis
provençal
Chalut à perche
Chalut
pélagiques
Espèces d'intérêt communautaire (DHFF)
Chalut de fond
Captures accidentelles générées par la pêche professionnelle sur les espèces d’intérêt communautaire
1110 : Bancs de sable à faible couverture d'eau
permanente
1120 : Herbiers à Posidonie (posidonion oceanicae)
1130 : Estuaires
1140 : Replats boueux ou sableux exondés à marée
basse
1150 : Lagunes côtières
1160 : Grandes criques et baies peu profondes
1170 : Récifs
1180 : Structures sous-marines causées par des
émissions de gaz
8330 : Grottes marines submergées ou semisubmergées
Pressions potentielles
Interactions spatiales (pas de pressions potentielles)
Pas d'interactions spatiales
- 216 -
Pêche à pied
Pêche en apnée
et scaphandre
autonome
Palangre
Ligne à main
Casier
Tamis à civelle
Filet soulevé
Filet dérivant à
divers poissons
Thonaille
(interdite)
Filet calé de fond
Senne de plage
Senne
coulissante à
divers poissons
Senne
coulissante à
thons rouges
Drague à
hyperborea
Scuobidou
Drague manuelle
(Méditerranée)
Drague
remorquée
(Méditerranée)
Drague à Tellines
Drague
remorquée
(Atlantique)
Ganguis
provençal
Chalut à perche
Chalut
pélagiques
Habitats de la directive "Habitat Faune Flore"
Chalut de fond
Interactions spatiales et pressions potentielles des activités de pêche professionnelle
sur les habitats de la directive « Habitat Faune Flore »
- Chapitre 4 -
2.2. Les aides publiques à la pêche professionnelle
Depuis presque trente ans (mise en place du régime communautaire de la pêche et de
l’aquaculture en 1983), le développement du secteur des pêches maritimes s’inscrit
dans le cadre européen de la politique commune des pêches (PCP), dont la dernière
réforme date de 2002. Les quatre axes de cette politique sont la conservation et la
gestion de la ressource, l’organisation commune des marchés, la structure et la
gestion de la flotte européenne et les relations avec les pays tiers.
La politique de conservation et de gestion de la ressource s’appuie notamment sur un
instrument de gestion quantitative, des quotas de pêche annuels (ou totaux admissibles de captures) définis pour chaque stock au niveau européen et répartis entre
pays membres (voir encadré), et des mesures techniques réglementaires (engins de
pêche autorisés, taille et structure des prises, limitations d’accès à certaines zones de
pêche, etc.
Les quotas de pêche
Du point de vue de l’analyse économique, les ressources halieutiques relèvent de la
tragédie des biens communs décrite par Hardin (The Tragedy of Commons, 1968). En
l’absence de droit de propriété clairement établi, le libre accès à ces ressources communes
conduit généralement à une surexploitation de celles-ci, et à terme à leur épuisement
(Buisson et Barnley, 2007). Du point de vue économique, la rente (le revenu tiré de
l’exploitation d’une ressource non produite) tend alors vers zéro.
Une politique de régulation possible est de limiter les quantités pêchées en définissant et en
allouant des droits de propriété limités sur la ressource, ou quotas, et en organisant le cas
échéant les échanges de ces droits sur la base d’un marché régulé. Ces quotas de pêche
peuvent être collectifs (QC), individuels (QI), ou individuels transférables (QIT). Selon la
théorie économique, le recours aux quotas individuels transférables permet de minimiser le
coût agrégé du respect du quota global. Les QIT peuvent également avoir un effet
environnemental positif en créant une incitation à la responsabilité collective sur le stock du
fait que le quota constitue un actif économique que les pêcheurs souhaitent valoriser sur le
long terme. En termes redistributifs, les QIT peuvent favoriser la concentration des acteurs
au détriment des « petits pêcheurs » si des économies d’échelle existent et la question de
l’allocation initiale des droits doit être examinée attentivement. Bien que cet instrument soit
encore minoritaire, un nombre croissant de pêcheries dans le monde ont mis en place un
système de quotas individuels transférables. Les systèmes de quotas non transférables
(individuels ou collectifs) sont plus répandus (voir CGDD, 2010 et Bureau et De Lara, 2010
pour des exemples et des références).
L’Union européenne, en complément de mesures de nature réglementaire sur l’effort de
pêche, se fixe des quotas de pêche annuels, ou « Totaux admissibles de capture » (TAC),
au niveau européen. Ces quotas sont définis pour chaque stock de pêche sur la base d’une
analyse scientifique, suivie d’une négociation politique. La répartition des TAC européens
définis pour chaque stock en quotas nationaux s’effectue selon le principe de stabilité
relative, c’est-à-dire selon une clef de répartition fondée sur les captures historiques des
États, associée à de possibles compensations entre États.
À partir de son propre quota national, chaque pays peut alors mettre en place un système
de régulation de l’accès à la ressource qui lui est propre afin de faire respecter ce niveau de
prélèvement. De fait, si la politique de la pêche est une compétence européenne, la gestion
des divers droits de pêche relève de l’échelon national. En pratique, on observe ainsi une
grande diversité de systèmes entre les États-membres, et parfois même en leur sein. Les
droits s’attachent à différentes variables (effort de pêche, prélèvements), populations
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- 217 -
Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
concernées (pêcheurs individuels, collectifs de pêcheurs), ainsi que par leurs caractéristiques comme la durée ou la transférabilité.
Dans son mémorandum relatif à la réforme de la politique commune de la pêche de janvier
2010, la France a réaffirmé son opposition à l’instauration d’un marché de quotas
individuels transférables au niveau de l’Union européenne. À l’échelle nationale, elle
propose néanmoins de mener des expérimentations de mise en place d’une gestion
collective de quotas individualisés pour les espèces faisant l’objet de plans de gestion à
long terme.
Outre la définition des droits et des normes, cette politique commune encadre et
définit les aides publiques nationales susceptibles d’être allouées à ce secteur, et
contribue également financièrement à ces soutiens, via les versements du Fonds
européen de la pêche (FEP). Ce fonds a succédé à l’Instrument financier pour
l’orientation de la pêche (IFOP), en fonctionnement jusqu’en 2007.
1
Ces aides publiques aux pêches maritimes et aux cultures marines, sans préjuger à
ce stade de leur caractère dommageable ou non en termes de biodiversité,
représentent en moyenne 259 millions d’euros par an sur la période 1998-2008
(financement national et financement européen cumulé, le financement européen
représentant un peu moins de 20 % du total). Depuis 2004, elles sont en constante
2
augmentation (à l’exception de 2007) et atteignent 351,6 millions en 2008 . Ces
concours publics rassemblent principalement des aides à l’investissement et à la
modernisation, des mesures de compensation de handicaps économiques, géographiques ou d’aléas de production, et des mesures engagées au titre de la gestion
durable des ressources halieutiques (sorties de flotte, arrêt d’activité temporaire ou
définitive, contrôle des pêches et suivi du milieu).
(1) Source : MAAPRAT (2009), « Les concours publics aux pêches maritimes et aux cultures
marines en 2008 », janvier, http://agriculture.gouv.fr/soutiens-publics-peche. Les montants
indiqués incluent les crédits à l’enseignement et à la recherche (52 millions d’euros), ainsi que les
dépenses de personnel et de fonctionnement des administrations concernées (36,5 millions
d’euros), à savoir le MAAPRAT (DPMA et OFIMER) et le ministère chargé de la mer. Ils incluent
également les soutiens aux équipements des infrastructures portuaires. Ils n’incluent pas les
concours publics à la protection sociale des marins pêcheurs et des aquaculteurs (665,3 millions
d’euros en 2008).
(2) Ce niveau de concours est exceptionnel en raison, d’une part, de la mise en œuvre du Plan pour
une pêche durable et responsable et, d’autre part, de la forte hausse du prix du gazole.
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Octobre 2011
- Chapitre 4 -
Répartition des concours publics en 2008
Investissement et
modernisation
10%
14%
Compensation handicaps
(éco, géo) ou aléas
15%
Orientation production et
marchés
33%
Gestion durable des
ressources (inclus contrats
bleus)
Enseignement-Recherche
22%
Administrations
6%
Outre ces concours directs, les pêches maritimes sont l’objet de plusieurs
dispositions fiscales visant à alléger les charges d’exploitation (détaxation du
carburant) ou à soutenir les revenus d’activité (abattement de 50 % du bénéfice
imposable des jeunes pêcheurs), le cas échéant de manière indirecte en accordant un
avantage-prix aux produits de la mer (exonération de TVA des produits de la pêche
vendus par les marins pêcheurs). Ces mesures de soutien contribuent directement au
maintien et au renouvellement de l’effort de pêche.
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- 219 -
Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
N°
Mesure
Libellé de la mesure
Coût
2009
Coût
2010
110255
Réduction d’impôt au titre des souscriptions en numéraire au capital de
société agréées de financement de la
pêche
artisanale
(SOFIPECHE)
er
réalisées à compter du 1 janvier 2009
-
epsilon
ND
180304
Abattement de 50 % sur le bénéfice
imposable des jeunes pêcheurs qui
epsilon epsilon
s’installent entre le 1er janvier 1997 et
le 21 décembre 2010
ND
230509
Etalement des plus-values à court
terme réalisées par les entreprises de
pêche maritime lors de la cession de
epsilon epsilon
navires de pêche ou part de
copropriété de tels navires (réalisée
avant le 31 décembre 2010)
ND
300101
Exonération, sous certaines conditions,
de l’impôt sur les sociétés pour les
coopératives (coût total : 50 M€), dont
coopératives maritimes et leurs unions
720206
Exonération de TVA des produits de leur
pêche vendus par les marins pêcheurs 10 M€
et armateurs à la pêche en mer
10 M€
ND
800101
Exonération de TIC (Taxe intérieure de
Consommation) pour les produits
98 M€
pétroliers utilisés par certains bateaux
(y compris pêche)
98 M€
ND
800111
Exonération de TIC pour les huiles
végétales pures utilisées comme carbuepsilon epsilon
rant agricole ou pour l’avitaillement
1
des navires de pêche professionnelle
ND
?
Nombre de
Commentaires
bénéficiaires
Mesure qui
prend fin en
2010
?
Mesure
déclassée
Exonération de la cotisation sur la
valeur ajoutée et de la cotisation
foncière des entreprises pour les
pêcheurs artisans utilisant un ou
deux bateaux, les sociétés de pêche
artisanale et les sociétés coopératives
maritimes (sous condition)
Epsilon : coût estimé inférieur à 0,5 million d’euros ; ND : non déterminé ; TIC : taxe intérieure de
consommation sur les produits énergétiques ; TVA : taxe sur la valeur ajoutée.
(1) L’estimation de cette dépense fiscale à 98 millions d’euros (Évaluation des Voies et Moyens,
tome 2 : Dépenses fiscales, PLF 2011) paraît à première vue difficilement réconciliable avec les
données macroéconomiques de la comptabilité nationale, cette dernière estimant les consommations intermédiaires en carburant du secteur des pêches et de l’aquaculture à 308 millions
d’euros en 2007. Même en retenant des hypothèses très favorables (50/50) sur le partage de ces
consommations entre pêche et aquaculture, une estimation de la dépense fiscale sur cette base de
consommation conduirait à un montant de l’ordre de 144 millions d’euros (en retenant le taux de
taxation de référence du gazole de 42,84 euros/hl) pour la pêche seule (et alors même que
l’exonération estimée à 98 millions d’euros inclut d’autres types d’activités que la pêche,
notamment le transport maritime de marchandises et le transport maritime de passagers). Une
cause possible de cette divergence pourrait résider précisément dans le choix du taux de référence,
les évaluations des Voies et Moyens retenant un taux de référence « part État » 25,24 euros/hl,
c’est-à-dire déduction faite des parts de TIC reversées aux régions et aux départements.
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- 220 -
Octobre 2011
- Chapitre 4 -
1
Dans le domaine des pêches, de nombreux travaux scientifiques ont été consacrés à
l’analyse et à la catégorisation des aides publiques du point de vue de leur impact
environnemental. En s’appuyant sur ces principes et en reprenant la typologie
proposée dans ces différents travaux, on peut tenter de répartir ces différentes aides
en trois catégories :
•
les aides a priori favorables à la biodiversité marine, au maintien et au renouvellement du capital naturel marin, comme les aides à la sortie de flotte ou à la
cessation d’activité ou les mesures améliorant le contrôle des captures, le suivi et
la connaissance des stocks ;
•
les aides a priori dommageables à la biodiversité marine, c’est-à-dire les mesures
favorisant le développement de la capacité de pêche en jouant (à la baisse) sur les
coûts ou (à la hausse) sur les revenus, directement (accroissement de la flotte) ou
indirectement (accroissement des infrastructures (port, stockage) utilisées par la
pêche) ;
•
les aides « neutres » ou « ambiguës », dont les effets sont incertains.
Une telle tentative a été réalisée au niveau mondial par des chercheurs du
2
Fisheries Centre de l’université de Colombie-Britannique . Dans leurs travaux, ils
retiennent une approche stricte et comptabilisent uniquement, dans la catégorie
des aides bénéfiques, les mesures en faveur du contrôle des prises, de suivi du
milieu, ou des mesures de protection proprement dite (exemple des aires
protégées). Les « programmes d’assistance aux pêcheurs » (indemnisation pour
arrêt temporaire d’activité, compensation des aléas) sont comptabilisés comme
« neutres ».
(1) Voir par exemple Sumaila U. R. et Pauly D. (dir.) (2006), Catching more bait: A bottom-up reestimation of global fisheries subsidies, Fisheries Centre Research Reports, vol. 14(6), University of
British Columbia, 114 p., www.fisheries.ubc.ca/publications/reports/report14_6.php, ou Cappell R.,
Huntington T. et MacFayden G. (2010), op. cit.
(2) Sumaila U. et al. (2010), « A bottum-up reestimation of global fisheries subisides », Journal of
Bioeconomics, vol. 12, p. 201-225.
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- 221 -
Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
Répartition des aides publiques aux pêcheries en 2003,
par grandes régions du monde
12000000
10000000
milliers de $2003
8000000
6000000
4000000
2000000
0
Afrique
Asie
Bénéfiques
Europe
Négatives
Amérique
Latine et
Caraibes
Amérique
du Nord
Océanie
Neutres
Source : Sumaila U. et al. (2010), « A bottom-up re-estimation of global fisheries subsidises »,
Journal of Bioeconomics, vol. 12, p. 201-225
Un travail analogue (FIFG 2000-2006 Shadow Evaluation, cité supra) a été réalisé au
niveau européen pour les financements (nationaux et européens) versés dans le cadre
de l’instrument financier pour l’orientation de la pêche (IFOP) sur la période 20002006. Les aides pour sortie de flotte ou pour cessation d’activité (même temporaire)
sont bien comptées ici comme aides « bénéfiques ».
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- 222 -
Octobre 2011
- Chapitre 4 -
Répartition des financements 2000-2006 versés au titre de l’IFOP,
pour les dix principaux pays bénéficiaires
1200
1000
M€
800
600
400
200
Bénéfiques
Négatives
Su
èd
Ro
e
ya
um
eUn
i
lie
Po
lo
gn
e
Po
rtu
ga
l
Es
pa
gn
e
Ita
G
rè
ce
Fr
an
ce
Al
le
m
ag
ne
Da
ne
m
ar
k
0
Neutres
Source : Cappell R., Huntington T. et MacFayden G. (2010), FIFG 2000-2006 Shadow Evaluation,
Report to the Pew Environment Group, Poseidon Aquatic Resource Management Ltd.
Dans ce cadre, les financements sont généralement en majorité neutres. Pour la
France, les parts respectives des aides favorables (18 %) et des aides défavorables
(25 %) sont de même ordre de grandeur. Le déséquilibre le plus important en termes
de parts relatives concerne l’Espagne, où 41 % des aides sont défavorables et 9 %
seulement sont favorables.
On peut tenter d’actualiser cette catégorisation pour la France sur l’année 2008,
comme proposé dans le tableau ci-dessous, et en incluant les dépenses fiscales
lorsqu’on sait les chiffrer (et en écartant celles dont le coût est négligeable, inférieur à
0,5 million d’euros). À ce niveau de généralité, la catégorisation de ces aides peut
s’avérer très délicate. Ainsi, les concours à la modernisation des cultures marines
peuvent être bénéfiques s’ils permettent d’alléger la pression sur la ressource
« naturelle », mais peuvent aussi induire une pression accrue en raison des besoins en
farine de poissons de cette activité. De même, les concours à la modernisation des
navires ne signifient pas systématiquement un accroissement de la capacité de pêche
mais peuvent aussi se traduire par une amélioration, bénéfique, de la sélectivité des
captures.
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- 223 -
Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
Répartition des aides publiques en 2008
Aides publiques
Coût (M€)
Type
Contrats bleus*
15
bénéfique
régulation des marchés (stockage ou retrait)
4
bénéfique
Sortie de flotte (+ aides sociales)
35
bénéfique
Arrêt temporaire d’activité
4,8
bénéfique
contrôle des pêches et suivi du milieu
20,6
bénéfique
Recherche
33,2
bénéfique
Modernisation de la flotte (hors contrats bleus)
25,7
négative
Modernisation cultures marines
8,5
négative
Infrastructures portuaires
14,6
négative
74
négative
compensation géographique (crevette guyanaise, thon
et espadon réunionnais)***
14,3
négative
valorisation/mise sur le marché
16,3
négative
Exonération TIC
100
négative
compensation aléas (intempéries et sinistres)
30,3
neutre
enseignement
18,8
neutre
Administrations
36,5
neutre
Exonération TVA
10
neutre
compensation handicaps économiques (gazole)**
Total
461,6
(*) Les contrats bleus sont un des dispositifs prévus par le Plan pour une Pêche durable et
responsable de 2008, qui a pour objectif de prendre en compte et de répondre aux
préoccupations relatives à la préservation de la ressource et de l’environnement marin. Il
s’inscrit dans le cadre de la mesure 3.1 « actions collectives » du Fonds européen pour la
pêche et prévoit des versements en contrepartie d’engagements allant au-delà des
réglementations (sélectivité, nettoyage de la mer, partenariat scientifique…).
(**) Les mesures de compensation de handicaps économiques correspondent aux mesures
d’urgence décidées par le gouvernement suite à la hausse du prix du gazole.
(***) Les mesures de compensation géographique sont accordées à certaines productions et
visent à compenser les surcoûts induits par l’insularité et l’éloignement des centres de
consommation.
Source : CGDD, d’après Les concours publics aux pêches maritimes et aux cultures marines en 2008,
cité supra
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- 224 -
Octobre 2011
- Chapitre 4 -
Répartition des aides publiques à la pêche, par types, en 2008
21%
24%
55%
Aides bénéfiques
Aides défavorables
Aides neutres
Source : CGDD, d’après Les concours publics aux pêches maritimes et aux cultures marines en
2008, cité supra. Cette structure repose sur la catégorisation retenue plus haut, parfois délicate à
établir à ce niveau de généralité
Pour la période 2007-2013, le programme opérationnel élaboré par la France au titre
du Fonds européen pour la pêche a structuré les actions à financer selon cinq axes,
avec la structure de financement présentée dans le tableau ci-dessous.
Métropole
Axe 1 Adaptation flotte de pêche
Axe 2 Aquaculture/Transformation et commercialisation des produits
Axe 3 Mesures d’intérêt commun
Axe 4 Développement durable zones de pêche
Axe 5 Assistance technique
Total
DOM
Axe 1 Adaptation flotte de pêche
Axe 2 Aquaculture/Transformation et commercialisation des produits
Axe 3 Mesures d’intérêt commun
Axe 4 Développement durable zones de pêche
Axe 5 Assistance technique
Total
France entière
Axe 1 Adaptation flotte de pêche
Axe 2 Aquaculture/Transformation et commercialisation des produits
Axe 3 Mesures d’intérêt commun
Axe 4 Développement durable zones de pêche
Axe 5 Assistance technique
Total
Financements
Part FEP
(%)
171,4
112,7
212,2
10,9
4,0
511,2
35 %
45 %
30 %
50 %
50 %
36 %
7,5
11,1
25,8
0,3
0,9
45,7
75 %
75 %
75 %
75 %
75 %
75 %
178,9
123,8
238,1
11,2
4,9
556,8
37 %
48 %
35 %
51 %
55 %
39 %
Source : Programme opérationnel 2007-2013, version révisée juillet 2010, MAAPRAT.
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- 225 -
Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
1
Ces axes contiennent différentes mesures dont l’objectif est de financer des actions
de gestion de la pêche dans une perspective de développement durable ou des
actions de protection de l’environnement, et même spécifiquement de conservation
des habitats et des espèces Natura 2000. En particulier, on notera que l’évaluation à
mi-parcours des financements mobilisés dans le cadre de l’IFOP entre 2000 et 2006
avait conclu à la nécessité de « favoriser les investissements consacrés au
changement d’arts de pêche et à la transition vers des arts moins agressifs et plus
2
sélectifs » . L’article 26 du programme opérationnel 2007-2013 prévoit ainsi des
financements dédiés à la petite pêche côtière. Une répartition de ces financements
2007-20013 selon la typologie retenue précédemment nécessiterait une ventilation
des enveloppes budgétaires par mesure détaillée.
Pour aller au-delà et pour juger du caractère effectivement favorable ou défavorable à
la de biodiversité marine, il faudrait pouvoir affiner l’analyse en déclinant les types de
pêches (métiers, caractéristiques des navires) et l’état des stocks de ressources
exploitées par les pêcheries qui bénéficient de ces aides car les aides identifiées
précédemment ne sont pas distribuées uniformément selon ces caractéristiques, et en
particulier en fonction des impacts sur les stocks halieutiques, voire des autres
impacts environnementaux.
L’évaluation a posteriori des fonds IFOP 2000-2006 (cité supra) a permis ainsi de
décliner les fonds alloués selon les types de navires bénéficiaires (puissance et
technique de pêche). Pour la France, les mesures positives (du point de vue
environnemental), c’est-à-dire le financement des sorties de flotte des navires à arts
traînants, se sont révélées du même ordre de grandeur que les mesures négatives
(construction et modernisation de ce type de navires), et nettement supérieures à
celles consacrées aux arts dormants. Sur certaines pratiques spécifiques, comme le
chalut de fond, le solde net est plutôt positif du point de vue environnemental (94
navires construits contre 193 navires sortis de la flotte). Sur la période plus récente, on
notera également que les plus fortes diminutions de flotte sont observées pour les
chalutiers et les tamiseurs de civelles (les prélèvements actuels de civelles étant jugés
nettement trop importants).
(1) Pour mémoire, on peut citer par exemple : soutien à la pêche côtière (axe1, article 26), soutien à
l’intégration des professionnels de la pêche dans la gestion des zones Natura 2000 (axe 3,
article 38), soutien aux démarches d’éco-labellisation et d’information sur les produits obtenus
selon des méthodes respectueuses de l’environnement (axe 3, article 40), etc.
(2) Programme opérationnel 2007-2013, version révisée juillet 2010, MAAPRAT.
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- 226 -
Octobre 2011
- Chapitre 4 -
Structure de la flotte de pêche française, par flottilles
Évolution (%)
2005-2008
2005
2008
Chalutiers exclusifs
670
570
-14,9
Chalutiers polyvalents
628
566
-9,9
dragueurs
381
362
-5,0
tamiseurs
419
336
-19,8
fileyeurs
436
406
-6,9
polyvalents dormants
523
493
-5,7
caseyeurs
201
209
4,0
métiers de l’hameçon
203
187
-7,9
métiers côtiers divers
68
99
45,6
3 529
3 228
-8,5
Total
Champ : façade atlantique-Manche-mer du Nord.
Source : Ifremer, Synthèse des flotilles 2005 et 2008, calculs CGDD.
De même, l’exonération de TIC sur les produits pétroliers ne constitue pas un transfert
uniforme aux pêcheries car leur intensité en carburant est très variable (voir figure
suivante). De ce fait, la dépense publique subventionne relativement plus les pratiques
de pêche les plus dommageables pour l’environnement, tant du point de vue
énergétique et climatique que du point de vue des impacts sur les habitats (impacts
des chaluts et dragues sur les bancs de sable ou les herbiers) et sur les espèces
(captures accidentelles induites par les chaluts).
Intensité en carburant, par types de métier et taille des navires
Navires < 12 mètres
Navires > 12 mètres
Arts
dormants
Arts
traînants
Arts
dormants
Arts
traînants
Part (%) du carburant dans le chiffre d’affaires
6,6
11,8
8,5
21,8
Subvention publique induite par l’exonération
de TIC pour 100 € de valeur ajoutée
9€
18 €
13 €
43 €
Source : Ifremer-SIH, Synthèse des flottilles de pêche 2008
Le tableau ci-après s’efforce de mettre en regard les impacts en termes de
biodiversité et les différences de subvention relative induite par l’exonération de taxe
sur les carburants (qui peuvent être approximées par le poids relatif du carburant dans
le chiffre d’affaires, comme exposé dans la figure ci-dessus).
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- 227 -
Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
Impacts sur la biodiversité et subvention induite
par l’exonération de taxe sur les carburants, par flottille et façade
Façade Manche – Mer du Nord
Flottilles
Impact sur la biodiversité
Nombre
d’espèces
menacées
parmi les 10
espèces
pêchées les
plus importantes en
tonnes et en
valeurs par
flottille
Impact socioéconomique
Action politique
Nombre
d’habitats de la
« directive
Habitats »
potentiellement
menacés par
les flottilles
Nombre
d’espèces
d’intérêt
communautaire
potentiellement
menacées par
les flottilles
Chiffre
d’affaires
moyen
(€) par
navire
Nombre
de
marins
par
flottille
(ETP)
Nombre
de
navires
par
flottille
Consommation
de carburants
(€) pour 100 €
de CA
Capacité
d’adaptation
/ nombre
moyen
d’engins
utilisés
4
9 pour chalut
de fond et 5
pour chalut à
perche
8 pour chalut
de fond, 3 pour
chalut
pélagique et 2
pour chalut à
perche
807 665
(12 à
40 m)
911
156
27,3 (12 à
40 m)
1
Chalutiers
non
exclusifs
6 (dont petite
roussette)
9 pour chalut
de fond et 5
pour chalut à
perche
8 pour chalut
de fond, 3 pour
chalut pélagique et 2 pour
chalut à perche
885
331
18,7 (< 12 m)
19,5 (12 à 40 m)
2,2
Dragueurs
4
6 pour drague
remorquée
0
611
270
8,5 (< 12 m)
16 (12 à 40 m)
2,2
18
16
Chalutiers
exclusifs
Tamiseurs
6 (dont
civelle,
anguille,
raies
diverses et
langouste)
185 992
(< 12 m)
380 145
(12 à
40 m)
139 180
(< 12 m)
304 717
(12 à
40 m)
0
2 pour tamis à
civelle
218 459
(< 12 m)
511 554
(12 à
40 m)
516
174
7,3 (< 12 m)
9 (12 à 40 m)
1
2,1
Fileyeurs
5 (dont petite
roussette)
0
12 pour filet
calé de fond et
5 pour filet
dérivant
Polyvalents
dormants
3 (raies
diverses)
0
0
123 518
(< 12 m)
358
217
7,5 (< 12 m)
2,3
Caseyeurs
3 (dont
roussette)
0
2
184 565
(< 12 m)
365
166
7,6 (< 12 m)
1
Métiers de
l’hameçon
4 espèces
de requins
(émissole,
petite et
grande
roussette,
requin-hâ)
0
5 pour ligne à
main et 10 pour
palangre
76
63
0
0
38
22
Divers
métiers
côtiers
1
Centre d’analyse stratégique
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102 500
(< 12 m)
- 228 -
1,2
2,9 (< 12 m)
1,6
Octobre 2011
- Chapitre 4 -
Façade Atlantique
Flottilles
Chalutiers
exclusifs
Chalutiers
non
exclusifs
Impact sur la biodiversité
Impact socioéconomique
Nombre
d’espèces
menacées
parmi les
10 espèces
pêchées les
plus importantes en
tonnes et en
valeurs par
flottille
Nombre
d’habitats
de la
« directive
Habitats »
menacés
Nombre
d’espèces
d’intérêt
communautaire
menacées
Chiffre
d’affaires
moyen (€)
par navire
Nombre
de
marins
(ETP)
5 (dont le
sabre noir et
la raie fleurie)
9 pour
chalut de
fond et 5
pour chalut
à perche
8 pour chalut de
fond, 3 pour
chalut pélagique
et 2 pour chalut
à perche
560 671
(12 à 40 m)
1 683
4
9 pour
chalut de
fond et 5
pour chalut
à perche
8 pour chalut de
fond, 3 pour
chalut pélagique
et 2 pour chalut
à perche
118 188
(< 12 m)
Action politique
Consommati
on de
carburants
(€) pour 100
€ de CA
Capacité
d’adaptation /
nombre
moyen
d’engins
utilisés
414
26,4
(12 à 40 m)
1
385
235
14 (< 12 m)
2,7
394 350
(12 à 40 m)
347
50
6,7
(12 à 40 m)
1,1
Nombre
de
navires
Senneurs
5 (dont thon
rouge)
0
3 pour senne
coulissante à
thon rouge et 1
pour senne
coulissante à
divers poissons
Dragueurs
3
6 pour
drague
remorquée
0
120 689
(< 12 m)
162
92
8,5 (< 12 m)
2,8
Tamiseurs
5 (dont
saumon
et civelle)
0
2 pour tamis à
civelle
68 161
(< 12 m)
347
320
6 (< 12 m)
2,3
132 200
(< 12 m)
547 703
(12 à 40 m)
124 704
(< 12 m)
544 654
(12 à 40 m)
862
232
7 ,3 (< 12 m)
10,5 (12 à
40 m)
1,1
499
276
8,6 (< 12 m)
11 (12 à 40 m)
2,5
Fileyeurs
3
0
12 pour filet calé
de fond et 5
pour filet
dérivant
Polyvalents
dormants
4 (dont
requin taupe)
0
0
Caseyeurs
2 (dont
anguille)
0
2
128 517
(< 12 m)
65
43
11 (< 12 m)
1,2
Métiers de
l’hameçon
3 (petite
roussette
et émissole)
0
5 pour ligne à
main et 10 pour
palangre
139 096
(< 12 m)
222
124
9,1 (< 12 m)
1,5
Divers
métiers
côtiers
1 (anguille)
0
0
70 582
(< 12 m)
110
77
2 (< 12 m)
1,7
Sources :
- pour les impacts biodiversité :
Agence des Aires Marines Protégées (2009), Référentiel pour la gestion dans les sites Natura 2000 en mer Tome 1 : Pêche Professionnelle
Ifremer (2011), Situation en 2011 des ressources exploitées par les flottilles françaises, A. Biseau (dir.).
Seafood Choices Alliance (2008), Guide des espèces à l’usage des professionnels.
- pour les données socioéconomiques et techniques :
Ifremer-SIH (2011), Synthèse des flottilles de pêche 2008
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- 229 -
Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
Notes de méthode
La caractérisation des prélèvements sur des « espèces menacées » (colonne 1) se fonde
sur plusieurs critères : stock cible en décroissance (sole, merlan, morue, rouget,
langoustine, thon rouge, plie, anguille, praire, langouste, maquereau espagnol, saumon
d’atlantique), mode de pêche impactant pour l’espèce (chalut pour le bar), classement
officiel dans les espèces menacées (raies diverses, requins, anguille, civelle, thon rouge),
vulnérabilité des espèces (le sabre noir, par exemple).
L’indicateur « nombre d’espèces menacées parmi les 10 espèces pêchées les plus
importantes en tonnes et en valeurs par flottille » reste un indicateur qualitatif pour juger des
pressions relatives des différentes flottilles sur des espèces cible menacées. À cette fin, il
devrait être ajusté pour tenir compte des volumes effectivement capturés par chacune de
ces flottilles (rapportés par exemple au total des prises sur ces stocks), car ces derniers
peuvent s’avérer très faibles.
Enfin, les indicateurs d’impacts potentiels sur les habitats et les espèces sont fondés avant
tout sur des avis d’experts, tirés des publications citées dans les sources.
Un engin désigne un type de technique de pêche (chalut, drague, filet, etc.). Un type
d’engin peut ensuite se décliner pour un type d’espèce cible (par exemple, chalut de
fond à panneaux à baudroies ou chalut de fond à panneaux à soles) : la combinaison
d’un engin et d’une espèce définit un métier. L’indicateur sur le « nombre moyen
d’engins utilisés » fournit ainsi une information sur les capacités d’adaptation au sein
des flottilles.
En termes de prélèvements sur des espèces cibles menacées, les différentes flottilles,
qu’elles pratiquent des arts traînants ou dormants, exercent, en première analyse
(cf. notes de méthode, supra), des pressions sensiblement analogues, légèrement
plus importantes dans le cas des arts traînants (six espèces menacées dans les
productions des chalutiers non exclusifs en Manche-mer du Nord, cinq dans les
productions des chalutiers exclusifs ou des tamiseurs en Atlantique).
Sous l’angle des espèces et des habitats d’intérêt communautaire et/ou protégés
impactés par l’activité de pêche, les flottilles de chalutiers, quelle que soit la façade,
comptabilisent en revanche nettement plus d’espèces et d’habitats impactés. À
l’opposé, les caseyeurs et les polyvalents dormants représentent les flottilles les
moins menaçantes pour la biodiversité.
Par ailleurs, les chalutiers et les grands dragueurs en Manche-mer du Nord bénéficient
relativement plus de l’exonération de TIC sur les carburants du fait du poids nettement
plus important du poste carburants dans l’activité, compris entre 14 et 27 euros pour
100 euros de chiffre d’affaires, alors que les autres flottilles ont des coûts de
carburants inférieurs à 10 % du chiffre d’affaires.
Ce constat suggère de rééquilibrer l’exonération de TIC pour les carburants utilisés
par les navires au profit des flottilles les moins dommageables en matière de
biodiversité, et ce afin de réduire les flottilles composées de navires qui utilisent des
engins de pêche ayant un fort impact sur la biodiversité marine (chalutiers et
dragueurs notamment) et d’augmenter l’importance relative des flottilles utilisant
d’autres techniques ayant un impact moindre.
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- 230 -
Octobre 2011
- Chapitre 4 -
2.3. Les aides publiques à la pêche récréative
On estime, en France, à 2,45 millions (+/- 0,15 millions) le nombre de personnes âgées
de 15 ans et plus qui pratiquent la pêche de loisir en mer. Ces pêcheurs pratiquent en
moyenne 1,4 mode de pêche différent : 71 % déclarent pratiquer la pêche à pied,
33 % la pêche du bord, 25 % la pêche d’un bateau et 7 % la chasse sous-marine
(Ifremer, 2008).
Les impacts sur la biodiversité peuvent être de plusieurs types : participation à la
surexploitation des stocks pour l’ensemble des modes de pêche, prélèvements sur
des espèces menacées, dégradation des habitats marins (via les ancrages et les
pollutions (hydrocarbures ou déchets) pour les pêcheurs en bateau) ou littoraux
(piétinement et retournement de rochers sur les estrans pour les pêcheurs à pied). Il
n’existe pas d’informations quantitatives sur les impacts des pêcheurs à pied, ni ceux
causés par les ancrages ou les pollutions associés à la pratique de la pêche en
bateau.
Il existe en revanche des estimations de prélèvement pour les grands groupes
1
d’espèces ciblés par les pêcheurs récréatifs .
On estime en moyenne qu’un pêcheur récréatif en mer français (tous types de pêche
2
confondus) prélève environ 10 kg de poisson par an . Le bar est l’espèce la plus
recherchée (19 % des prises) pour un prélèvement global estimé à 5 600 t Le
maquereau (12 % des prises) est la seconde espèce la plus pêchée avec un
prélèvement global estimé à 3 600 t Viennent ensuite le lieu avec un prélèvement
global estimé à 3 500 t, la daurade avec un prélèvement global estimé à 2 000 t et le
sar avec un prélèvement global estimé à 840 t Les cinq premières espèces pêchées
représentent ainsi un prélèvement total de 15 540 t L’ensemble des autres espèces
pêchées, pour lesquelles les données collectées ne sont pas suffisamment
nombreuses pour en inférer des estimations fiables de captures par espèce,
représenterait des captures totales estimées entre 4 360 t et 13 560 t selon différentes
estimations obtenues.
Concernant les coquillages, les évaluations des prélèvements varient très fortement
selon les méthodes d’estimations utilisées. Pour les huîtres, les estimations vont de
1 200 t à 3 000 t, pour les palourdes de 600 t à 2 300 t, pour les coques de 490 t à
4 500 t, pour les moules de 460 t à 4 300 t Au total, les prélèvements annuels de
coquillages sont estimés entre 3 100 t et 8 300 t
S’agissant des crustacés, seul un ordre de grandeur global des captures annuelles
par la pêche récréative sur les côtes de France métropolitaine a pu être obtenu
(1 600 t). Les prélèvements seraient majoritairement composés d’araignées et de
crevettes.
Enfin, parmi les espèces menacées qui peuvent être ciblées par les pêcheurs
récréatifs, le thon rouge et l’anguille arrivent en tête de liste. Pour les anguilles, une
(1) Enquête Ifremer-BVA-DPMA, 2009.
(2) Si on limite cette estimation aux pêcheurs de poissons, c’est-à-dire aux 55 % qui déclarent avoir
pêché au moins un poisson en 2005 dans l’enquête Ifremer (1,347 million de pêcheurs), on obtient
un prélèvement moyen de 18 kg par pêcheur.
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- 231 -
Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
évaluation a été réalisée en Bretagne : elle montre que les captures d’anguilles par les
pêcheurs amateurs à la ligne représentent en Bretagne en 2009 entre 120 931 et
131 278 anguilles pour un poids total estimé à 29,7 tonnes (selon l’étude Bretagne
Grands Migrateurs, 2011). Par ailleurs, les captures de thon rouge par les pêcheurs
récréatifs devant maintenant être déclarées, une estimation des prélèvements par les
pêcheurs récréatifs a pu être réalisée : 27,2 tonnes en 2010.
Il n’existe pas d’aide ou de subvention ciblée sur ces pratiques de pêche de loisir. Il
n’y a pas non plus d’instruments réglementaires ou économiques permettant de réguler
cette pratique : pas de licence limitant le nombre d’usagers, pas de quotas individuels…
Quelques évolutions possibles peuvent néanmoins être évoquées : diffuser de
l’information sur les impacts de cette activité en matière de biodiversité, renforcer le
contrôle et le suivi des prises, mettre en place un permis de pêche sur certaines
espèces, augmenter les tailles limites de captures, etc. Ces mesures recueillaient
généralement un avis favorable des pêcheurs (source : enquête Ifremer-BVA-DPMA).
3 L’eau
L’apport pluviométrique annuel correspond à 440 milliards de mètres cubes.
270 milliards s’évaporent (évapotranspiration des végétaux majoritairement),
70 milliards ruissellent directement vers les rivières et eaux stagnantes, 100 milliards
s’infiltrent dans le sol et rechargent les nappes souterraines puis alimentent sources et
1
2
débits de surface , 10 milliards nous arrivent d’autres pays et 18 milliards y partent .
La quantité d’eau disponible a une influence directe sur la biodiversité, aquatique et
terrestre. Des prélèvements d’eau massifs dans les cours d’eau ou les nappes, à un
moment contre-indiqué, comme l’étiage d’été, peuvent entraîner des conséquences
dommageables pour le milieu (diminution du débit, concentration accrue des polluants
et risques pour la salubrité, eutrophisation, menaces pour la vie piscicole, etc.).
Egalement, l’installation d’équipements de toute nature (moulins, ouvrages de
navigation, centrales hydroélectriques, barrages) peut avoir pour effet de modifier le
régime d’écoulement des eaux en introduisant des variations brutales ou décalées du
débit au regard du rythme naturel d’écoulement, d’accélérer la pollution de la
ressource si les eaux deviennent stagnantes et de multiplier les discontinuités et, par
là, les obstacles à la migration des espèces ou à leur reproduction. Or, la loi n° 2009967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de
l’environnement (dite « loi Grenelle I ») consacre le principe de continuités écologiques,
notamment des cours d’eau, en instaurant la notion de Trame verte et bleue, d’ici à
3
2012, dans le droit français .
Ce chapitre présente les différents usages de l’eau puis les aides publiques afférentes
à chaque grand usage (domestique, industriel, agricole et production d’énergie).
(1) Source : www.senat.fr/rap/l02-215-1/l02-215-1_mono.html.
(2) Source : www.ssents.uvsq.fr/spip.php?article1122.
(3) Circulaire MEDDM du 25 janvier 2010 relative à la mise en œuvre par l’État et ses établissements
publics d’un plan d’action pour la restauration de la continuité écologique des cours d’eau.
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- 232 -
Octobre 2011
- Chapitre 4 -
3.1. Les usages de la ressource
Le diagramme ci-dessous présente la part de chaque grand secteur dans les
prélèvements d’eau en France métropolitaine.
Répartition des volumes d’eau prélevés par usage en 2007
Prélèvement d'eau par secteur en 2007
(milliards de m3)
5,8
Eau potable
3,1
Industrie
18,8
3,9
Irrigation
Production d'énergie
Source : Agences de l’eau - SOeS, 2010
Le plus grand préleveur brut d’eau est de loin le secteur de la production d’énergie
avec 59 % des volumes prélevés (l’eau est utilisée comme refroidisseur des systèmes
de production d’électricité). Une grande part de ces prélèvements est restituée à la
rivière après utilisation, le reste est évaporé, ce qui correspond, pour l’énergie, à une
consommation nette d’environ 23 %. L’irrigation représente un prélèvement brut de
12 % mais, contrairement au secteur de l’énergie, restitue un faible volume d’eau au
milieu, l’eau étant évapotranspirée ou stockée par les plantes. L’irrigation a donc une
consommation nette de 49 %. Enfin, la consommation en eau potable s’élève à 18 %
des volumes prélevés et l’industrie 10 % (cf. tableau ci-dessous).
Prélèvement bruts et nets (ne retournant pas vers le milieu) par usage en 2007
3
(en milliards de m )
Eau potable
Industrie
(hors
énergie)
Irrigation
Énergie
Tous usages
Prélèvements
bruts
5,8
18 %
3,1
10 %
3,9
12 %
18,8
59 %
31,6
100 %
Prélèvements
nets
1,4
24 %
0,25
4%
2,8
49 %
1,3
23 %
5,7
100 %
Source : Agences de l’eau - SOeS, 2010
La tableau ci-dessous montre que les volumes d’eau sont majoritairement prélevés
dans les eaux de surface mais, si l’on retire la part de l’énergie, la répartition entre
eaux de surface et eaux souterraines est plus équilibrée : la recherche de ressource
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- 233 -
Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
constante, de qualité et protégée conduit à ce que les eaux souterraines soient
privilégiées pour l’eau potable et certains usages industriels, même si des
agglomérations très importantes dépendent de traitement d’eaux de surface.
Origine des ressources en eau prélevées par usage en 2007
3
(en millions de m )
Eau potable
Industrie
Irrigation
Énergie
Eaux
superficielles
2 161
37 %
1 823
59 %
3 136
80 %
18 785
Eaux
souterraines
3 614
63 %
1 285
41 %
787
20 %
25
Total
5 775
100 %
3 108
100 %
3 923
100 %
18 810
Tous usages
99,90 % 25 905
0,10 %
100 %
82 %
5 710
18 %
31 615
100 %
Source : Agences de l’eau - SOeS, 2010
3.2. Les aides publiques aux usages domestiques et industriels
L’évolution des modes de vie a souvent contribué à l’accroissement de la consommation d’eau. Ainsi, la desserte en eau dans les foyers domestiques (aujourd’hui 99 %
de la population française est raccordée à un réseau de distribution) a modifié les
usages domestiques et considérablement augmenté les taux de consommation d’eau
potable. Cela étant, depuis quelques années, les prélèvements d’eau potabilisable
sont en baisse tendancielle (de 1 % à 2 % par an depuis 10 ans), conséquence des
1
comportements de plus en plus économes des consommateurs et des progrès
technologiques des équipements électroménagers.
Les prélèvements industriels proprement dits ont baissé de 27 % depuis 1997,
notamment en raison d’une optimisation des procédés industriels. Plusieurs secteurs
industriels restent toutefois gros consommateurs d’eau : la chimie de base et la
fabrication de fibres de synthèse, la pâte à papier et le carton, la métallurgie, la
parachimie et l’industrie pharmaceutique, l’agroalimentaire. Cette consommation est
concentrée dans les régions industrielles traditionnelles.
Le prix de l’eau pour les usages domestiques et industriels est composé des éléments
suivants :
La tarification de l’eau
La tarification de l’eau a pour objectif de couvrir les coûts d’approvisionnement en eau
potable et les coûts liés à l’assainissement qui sont assurés par les collectivités
locales maîtres d’ouvrage du service public d’eau potable et d’assainissement. Les
charges de ce service sont couvertes par la facture d’eau qui comprend normalement
une part fixe, une part variable assise sur un tarif au volume consommé (tarification
binôme), et diverses taxes, dont la TVA.
(1) La proportion de personnes déclarant avoir volontairement économisé l’eau du robinet chez eux
au cours des douze derniers mois est passée de 52 % en 1995 à 66 % en 2010 (Crédoc, 2010).
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- 234 -
Octobre 2011
- Chapitre 4 -
er
Depuis le 1 janvier 2010 une plus grande souplesse est laissée aux communes
puisqu’elles peuvent faire varier le prix du mètre cube en fonction de la consommation. Quelques communes ont opté pour un tarif progressif, comportant, avec la
suppression de l’abonnement mensuel d’un montant fixe, une tarification basse pour
une première tranche correspondant à des besoins domestiques fondamentaux et une
tarification plus forte au-delà.
La lutte contre le gaspillage, la meilleure récupération des eaux pluviales pour certains
usages domestiques ou industriels ont enclenché une spirale « prix-consommation »
vertueuse pour l’environnement mais problématique pour les opérateurs. En effet, plus
de 80 % des recettes des exploitants sont liées au volume de la consommation alors
que les coûts fixes représentent 80 % des charges. Par suite, la baisse des volumes
consommés pousse les opérateurs à renchérir le prix unitaire pour tous les
utilisateurs.
Pour atténuer cette difficulté, il pourrait également être envisagé d’autoriser les
collectivités à rémunérer partiellement l’exploitant (à hauteur de 20 % ou 30 % par
exemple) en fonction de critères de performance (notamment environnementaux)
indépendants des volumes facturés. Le découplage entre le prix de l’eau à l’usager et
la rémunération de l’exploitant permettrait ainsi de continuer à inciter l’usager à
1
baisser sa consommation d’eau et l’exploitant à améliorer son réseau .
La redevance pour prélèvement sur les ressources en eau2
Les prélèvements des ressources en eau sont également soumis à la redevance pour
prélèvement sur les ressources en eau (code de l’environnement, article L. 213-10-9)
qui est supposée couvrir le coût de rareté de l’eau. Cette redevance est affectée aux
agences de l’eau.
Un certain nombre de prélèvements sont exonérés de la redevance pour prélèvement
sur la ressource en eau :
•
exhaures de mines dont l’activité a cessé et prélèvements rendus nécessaires par
l’exécution de travaux souterrains et prélèvements effectués lors d’un drainage
réalisé en vue de maintenir à sec des bâtiments ou des ouvrages, ou de rabattre
une nappe phréatique conformément à une prescription administrative ;
•
prélèvements liés à la géothermie ;
•
prélèvements liés à l’aquaculture ;
•
prélèvements liés à la lutte antigel pour les cultures pérennes.
3
Ces exonérations devraient être évaluées au regard de leur impact dommageable à la
biodiversité.
Le montant de la redevance pour prélèvement sur les ressources en eau est
proportionnel au volume d’eau prélevé. Son tarif est modulé en fonction de l’usage
(eau potable, refroidissement industriels, alimentation d’un canal, irrigation…) et de la
(1) Rapport annuel 2010 du Conseil d’État « L’eau et son droit ».
(2) Cf. tableau.
(3) Exonérations non chiffrées.
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- 235 -
Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
1
rareté de la ressource en eau (prélèvement en zone équilibrée ou déséquilibrée) . Par
exemple, la redevance prélèvement est fixée par l’Agence de l’eau Rhin-Meuse
comme suit :
Taux en €/1 000 m3 prélevé
Usages
Irrigation
Alimentation en eau
potable
Refroidissement
industriel avec
restitution >99 %
Autres usages
économiques
Alimentation d’un canal
Masses d’eau
2010 à 2012
Catégorie 1
Ressources en eau
située hors de la zone
de répartition des eaux
Catégorie 2
Ressources en eau
située dans la zone de
répartition des eaux
Eau superficielle
2.14
30
Eau souterraine
2.14
30
Eau superficielle
30.1
80
Rhin canalisé
15
80
Eau souterraine
52
80
Eau superficielle
1.82
5
Rhin canalisé
0.908
5
Eau souterraine
2.49
5
Eau superficielle
4.38
40
Rhin canalisé
2.19
40
Eau souterraine
7.57
40
Eau superficielle
0.15
0.3
Rhin canalisé
0.15
0.3
Eau souterraine
0.15
0.3
2
Or, les usages restituant la plus faible part de leurs prélèvements d’eau (l’irrigation
agricole, par exemple) bénéficient de taux de redevance plus faibles que l’usage
domestique. Ce dernier restitue pourtant plus d’eau au milieu par rapport à ses
prélèvements. Il y a donc double disproportion sur le plan de l’impact environnemental
3
qui est moins consommateur d’eau par m prélevé. En outre, à l’intérieur de l’usage
eau potable, la redevance ne permet pas une variation des taux suivant les usages
essentiels ou récréatifs de l’eau (alimentation de piscines privées, fabrication pour
partie de neige de culture).
De plus, la modulation liée à la rareté de la ressource ne permet pas de prendre en
compte les priorités de gestion de la ressource en eau en fonction des conditions
locales, en raison de son faible taux (de 1 à 2 au maximum) et de son zonage limité
(zones de répartition réglementaire). De fait, la modulation n’est possible que
lorsqu’on est déjà en situation de surexploitation de la ressource.
Au final, la modulation des taux dépend essentiellement des catégories d’usages et
non de la pression sur la ressource.
(1) Cf. annexe « Inventaires des subventions dommageables à la ressource en eau ».
(2) L’essentiel des volumes d’eau prélevés pour les usages domestiques est restitué au milieu
naturel après usage, ce qui n’est pas le cas des prélèvements pour le refroidissement des centrales
3
électriques (l’évaporation est de l’ordre de 1m /s par tranche nucléaire) ou pour l’irrigation (la plus
grande partie de l’eau utilisée par une irrigation par aspersion ou au goutte à goutte est évaporée).
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- 236 -
Octobre 2011
- Chapitre 4 -
Aussi, les tarifs de la redevance sont calibrés par les Agences de l’eau de sorte que
seuls les coûts financiers des services de l’utilisation de l’eau (investissement, coûts
de maintenance et opérationnels, coûts administratifs) soient récupérés et non pas les
coûts environnementaux, dont les coûts sur la biodiversité.
Il résulte de ces modalités de détermination de la redevance pour prélèvement de la
ressource en eau que, en 2008, la part des redevances prélèvement payées par les
collectivités locales (ménages) correspond à 74,5 %, celle des industries (production
1
d’énergie comprise) à 21,9 % et celle de l’agriculture à 3,6 % . Les prélèvements
d’eau sont donc très largement financés par les ménages. La redevance pour
prélèvement de la ressource en eau prend plus en compte la capacité contributive ou
le consentement à payer des redevables que des impacts sur la ressource. Par suite,
elle n’a pas d’effet incitatif à réduire les prélèvements sur les ressources en eau.
L’exonération de la taxe hydraulique
Cette taxe, versée à Voie navigable de France (VNF) pour contribuer au financement
de l’exploitation, l’entretien et le développement du réseau des voies navigables de
France, est acquittée par les ouvrages hydrauliques destinés à prélever ou évacuer
des volumes d’eau du domaine public fluvial. La taxe hydraulique est assise sur un
élément relatif à l’emprise du domaine public fluvial occupé (égal au produit de la
superficie au sol des ouvrages par un taux de base qui varie selon le nombre
d’habitants dans la commune où est implanté l’ouvrage) et un élément égal au produit
du volume qui peut être prélevé ou rejeté par l’ouvrage par un taux de base compris
entre 1,5 euro et 7 euros par millier de mètres cubes, et identique pour tous les
usagers. À ce deuxième élément est appliqué un coefficient d’abattement compris
entre 90 % et 97 % pour les usages agricoles et entre 10 % et 30 % pour les usages
industriels. Ces abattements peuvent être considérés comme des subventions
dommageables à la biodiversité.
Par ailleurs, les installations hydroélectriques concédées sont exonérées de la taxe
hydraulique (code des transports, article L. 4316-3).
3.3. Les aides publiques aux usages à des fins de production d’énergie
Afin de répondre aux objectifs de production intérieure d’électricité d’origine
renouvelable, la loi de programme n° 2005-871 du 13 juillet 2005 d’orientation sur la
politique énergétique, modifie l’article L. 211-1 du code de l’environnement pour
mentionner le développement de la production d’électricité d’origine renouvelable
comme une valorisation économique de l’eau et sa répartition comme une
contribution à la sécurité du système électrique.
L’article 19 de la loi Grenelle I range également l’énergie hydroélectrique au nombre
des énergies renouvelables et prévoit de doubler leur contribution au bilan
énergétique d’ici 2020.
La mise en œuvre de cet objectif soulève, pour certains projets, des difficultés
juridiques. Notamment, la directive-cadre sur l’eau considère tout barrage comme un
(1) Annexe au projet de loi de finances pour 2010 : « Agences de l’eau », 70 p.
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- 237 -
Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
élément de dégradation de la masse d’eau et impose de le justifier au nom de
considérations d’intérêt général. En outre, la loi Grenelle 1 consacre le principe de
continuités écologiques des cours d’eau à travers la Trame verte et bleue.
Par ailleurs, les premiers renouvellements de concession selon la procédure de mise
en concurrence s’échelonneront jusqu’en 2015, dans le respect d’un certain nombre
1
de critères dont des critères environnementaux .
La production d’énergie bénéficie d’un certain nombre d’aides publiques potentiellement dommageables :
La redevance pour prélèvement sur la ressource en eau destinée au fonctionnement
d’une installation hydroélectrique est insuffisamment internalisante
Cette redevance est assise sur le produit du volume d’eau turbiné dans l’année
exprimé en millions de mètres cubes par la hauteur totale de chute brute de
l’installation telle qu’elle figure dans son titre administratif, exprimée en mètres. Ainsi,
les modalités de détermination de la redevance sont liées à la quantité d’eau prélevée
(détournée) (les coefficients prenant indirectement en compte la longueur (en fait le
dénivelé) de cours d’eau sur laquelle cette eau est détournée et le fait que cette eau
soit restituée en continu ou pas). Ces modalités pourraient être affinées, notamment la
redevance pourrait être modulée en prenant en compte le rapport entre la quantité
détournée et le débit moyen de la rivière (ou plutôt le module) et le fait que l’eau soit
restituée dans le même cours d’eau ou pas (transfert d’eau interbassin).
En outre, le taux de la redevance est fixé par l’agence de l’eau dans la limite d’un
plafond de 1,8 euro. Ce taux est multiplié par 1,5 lorsque l’installation ne fonctionne
pas au fil de l’eau. Or, ce taux plafond n’est jamais atteint dans les faits. En outre, il ne
tient pas compte de certaines externalités environnementales causées par les
installations hydroélectriques, notamment de la température. L’impact négatif de la
variation de température sur les écosystèmes aquatiques devrait être pris en compte
pour la détermination de la redevance, d’autant plus que les épisodes de fortes
chaleurs et de sécheresses risquent de se multiplier avec le changement climatique à
l’œuvre (lequel risque d’appeler lui-même une augmentation de la production
d’électricité durant ces périodes pour alimenter les équipements plus nombreux en air
conditionné, etc.). Cette externalité va donc devenir de plus en plus importante. Il n’y
a donc guère de raison qu’elle ne soit pas internalisée.
De plus, la redevance n’est pas due lorsque le volume d’eau turbiné dans l’année est
2
inférieur à un million de mètres cubes .
La redevance pour obstacle
Certaines installation en rivières, dont les centrales hydroélectriques, peuvent avoir
pour effet de modifier le régime d’écoulement des eaux en introduisant des variations
(1) Le critère environnemental sera établi à partir des projets de protection des écosystèmes et
d’intégration de l’ensemble des usages non énergétiques de l’eau, par exemple à des fins
d’irrigation ou de loisir.
(2) Cette exonération est d’ordre budgétaire : la perception reviendrait plus cher que ce qu’elle
rapporte.
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Octobre 2011
- Chapitre 4 -
brutales ou décalées du débit au regard du rythme naturel d’écoulement, d’accélérer
la pollution de la ressource si les eaux deviennent stagnantes et de multiplier les
discontinuités et, par-là, les obstacles à la migration des espèces ou à leur
reproduction.
Selon la circulaire du 25 janvier 2010 relative à la mise en œuvre par l’État et ses
établissements publics d’un plan d’actions pour la restauration de la continuité
écologique des cours d’eau, pour 50 % des masses d’eau de surface, la canalisation
des cours d’eau et les obstacles à l’écoulement constituent à eux seuls un risque de
non-atteinte du bon état. Aussi, la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation
relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement (dite « loi Grenelle I »)
consacre le principe de continuités écologiques, notamment des cours d’eau, en
1
instaurant la notion de Trame verte et bleue, d’ici à 2012, dans le droit français .
Pour tenir compte de ces impacts, la redevance pour obstacle devrait donc
s’appliquer aux installations hydroélectriques. Or, sont exonérés de cette redevance
les installations hydroélectriques assujetties à la redevance pour prélèvements sur la
ressource en eau. La constitution d’obstacles et le prélèvement d’eau constituent
deux impacts différents sur la biodiversité. Chacun devrait donc faire l’objet d’une
redevance spécifique. L’hydroélectricité entraînant les deux types d’impact, il n’existe
guère de raison de l’exonérer de redevance pour obstacle.
3.4. Les aides publiques aux usages agricoles
Ces prélèvements concernent principalement les cultures irriguées et, dans une
moindre mesure, l’élevage et la forêt.
Les surfaces irriguées et irrigables ont connu une constante augmentation depuis les
2
années 1970 . Mais depuis 2003, cette tendance s’est inversée pour les surfaces
irriguées, qui atteignent aujourd’hui 1,6 million d’hectares, soit un peu moins de 6 %
de la surface agricole utile (SAU).
La baisse de la surface irriguée constatée depuis 2003 résulte en partie de la
suppression progressive de la surprime à l’irrigation (aide supplémentaire à l’hectare
irrigué) depuis la dernière réforme de la PAC (le découplage est total depuis 2010).
D’autres facteurs expliquent le maintien de la consommation d’eau.
Tout d’abord, comme le souligne le Conseil économique, social et environnemental, la
plupart des acteurs de l’eau, en France, « tiennent pour acquis le « confort » hydrique
de l’hexagone », ce qui ne permet pas de remettre en cause la pertinence des
3
systèmes d’irrigation .
En outre, l’affaiblissement récent de la gestion collective de l’eau et de la propriété
publique des infrastructures fait que les décisions individuelles d’équipement en
(1) Circulaire MEDDM du 25 janvier 2010 relative à la mise en œuvre par l’État et ses établissements
publics d’un plan d’action pour la restauration de la continuité écologique des cours d’eau.
(2) Selon les données du Recensement général de l’Agriculture.
(3) Conseil, économique, social et environnemental (2008), Les activités économiques dans le monde
liées à l’eau, rapport présenté par Marie-José Kotlicki, p. II-121.
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- 239 -
Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
matériel d’irrigation précèdent la création de la ressource collective en eau. Les
surfaces sont aujourd’hui alimentées par des installations individuelles à hauteur de
56 % et par des réseaux collectifs à hauteur de 44 % [dont 23 % d’associations
1
syndicales autorisées (ASA) , 13 % de syndicats intercommunaux ou interdépartementaux, de coopératives et d’associations syndicales libres et 8 % de sociétés
2
d’aménagement régional (SAR) ]. Ces organismes présentent pour l’État une double
garantie : d’une part, connaître les quantités prélevées et les contrôler et d’autre part,
créer la ressource en eau avant d’équiper les exploitations individuelles. Or c’est
l’inverse qui se produit lorsque l’initiative est privée.
Par suite, en cas de sécheresse, alors qu’il faudrait limiter les prélèvements dans les
cours d’eau et les nappes, les irrigants précisément accroissent l’irrigation et les
exploitants font tourner à plein régime les moyens de les satisfaire. Les arrêtés
sécheresse des préfets, qui limitent les prélèvements en se fondant sur des durées de
pompage, sont facilement contournés : des pompes plus puissantes récupèrent
3
rapidement le « moins prélevé » durant les jours d’interdiction .
En outre, le plus souvent l’irrigation française ne fait pas appel aux techniques les plus
économes en eau ni les plus efficaces : pour plus de 90 % de la SAU, il est recouru à
l’aspersion, sensible au vent (évaporation), par des canons enrouleurs (50 % de la
SAU), dont l’efficience oscille entre 60 et 75 %, ou par des pivots et rampes frontales
4
(40 % de la SAU) . Certes, l’aspersion est bien moins dispendieuse en eau que
l’irrigation gravitaire, utilisée dans les zones anciennement irriguées en particulier dans
le Sud Est et pour les grandes cultures. Mais, le goutte à goutte est plus économe, et
il peut être développé en structurant les productions, par exemple dans les cultures
fruitières, la vigne (cf. 3.3 : l’exemple Israélien qui a amélioré ses techniques
d’irrigation, adapté les types de cultures cultivées, replantés des variétés d’arbres
moins consommateurs d’eau et procédé à une réforme des programmes d’éducation
5
ainsi qu’à des campagnes d’information auprès des agriculteurs ).
Enfin, certaines aides à l’irrigation demeurent à travers :
Les modes de soutien à l’hydraulique agricole
Ces aides sont notamment accordées par les conseils régionaux et généraux.
Par exemple, la région Midi-Pyrénées alloue des aides à la modernisation
d’équipements collectifs d’irrigation (retenue d’eau si nécessaire, station de pompage
et réseau de distribution, hors matériel mobile d’arrosage). L’opération doit avoir été
retenue au titre de la programmation des investissements d’hydraulique agricole
d’intérêt régional ou au titre de la programmation spécifique Compagnie d’aménagement des coteaux de Gascogne (CACG). Ainsi, dans le cadre du Contrat de projet
État-région 2007-2013, le Conseil régional Midi Pyrénées a versé une aide de
(1) Établissements publics administratifs de nature coopérative destinés à regrouper les agriculteurs
irrigants d’un même périmètre en vue de réaliser collectivement les ouvrages de drainage et
d’irrigation dont ils sont propriétaires puis de les entretenir. Ils ne sont rattachés à aucune
collectivité locale.
(2) Sociétés anonymes dont le capital est majoritairement détenu par des collectivités territoriales.
(3) Conseil d’État (2010), L’eau et son droit, 584 p.
(4) Ibid.
(5) OCDE (2010), La fiscalité, l’innovation et l’environnement, Annexe B : « Water pricing in Israël ».
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- Chapitre 4 -
507 000 euros à la CACG, afin de moderniser les réseaux (mise aux normes,
sécurisation des installations, automatisation et la régulation des stations de
pompage) sur un périmètre d’irrigation total de 1 723 hectares.
Les Conseils généraux peuvent également accorder des subventions à l’irrigation (voir
exemple présenté dans le tableau ci-dessous).
Subventions à l’irrigation accordées par un Conseil général en 2011
Subvention
Création ou
agrandissement
de plans d’eau
Taux d’aide
40 % (ou
50 % en ZD)
Plafond
subventionnable
Plafond de l’aide
3 300 €/ha irrigable,
soit 2,2 €/m3 d’eau
stockée (sur la base
de 1 500 m3/ha
irrigué)
16 000 € par exploitation (pour les
GAEC et les EARL, le plafond
d’aide est multiplié par le nombre
d’exploitants associés, dans la
limite de 3) sur une période de
10 ans
Études, sondages et
levés topographiques
nécessaires à la
40 % ou 50 % 15 000€ HT
création ou
en ZD
par projet
l’extension d’une
ressource en eau
Réhabilitation de
retenues de plus de
10 ans d’âge et de
plus de 5 000 m3
20 %
0,75 €/m3 d’eau
stockée initialement
Création ou
agrandissement de
réserves de
substitution aux
pompages en rivière
40 % (ou
50 % en ZD)
2 250 €/ha irrigable,
soit 1,5 €/m3 d’eau
stockée (sur la base
de 1 500 m3/ha
irrigués)
12 500 € par exploitation (pour les
GAEC et les EARL, le plafond
d’aide est multiplié par le nombre
d’exploitants associés, dans la
limite de 3)
Stations de pompage
électrique et/ou
conduites d’amenées
d’eau enterrées
1 100 €/ha irrigable,
soit 0,73 €/m3 d’eau
stockée ou par m3
40 % ou 50 %
conventionné en
en ZD
rivière réalimentée
(sur la base de
1 500 m3/ha irrigué)
5 500 € par exploitation. Si GAEC
ou EARL, le plafond d’aide est
multiplié dans la limite de
3 associés exploitants ;
condition : pomper dans une
rivière réalimentée ou une retenue
collinaire
Drainage
Travaux de drainage
à la parcelle
20 % du
montant HT
des travaux
40 % du
Aménagement
montant HT
d’émissaires collectifs
des travaux ou
d’assainissement
50 % en ZD
Études préalables
et appui technique
40 % du
montant HT
des travaux ou
50 % en ZD
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- 241 -
Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
•
s’agissant des soutiens aux investissements initiaux : le programme de
développement rural hexagonal 2007-2013 (PDRH) prévoit une mesure de
« soutien aux retenues collectives collinaires ou de substitution ». Elle a pour
objectif la construction d’ouvrages de retenue dans les zones déficitaires, afin de
réduire les pressions actuellement exercées sur la ressource, dans la mesure où la
compatibilité environnementale de ces ouvrages aura été validée. Cette mesure
vise à accompagner des investissements réalisés par des structures collectives
(notamment des ASA). La mesure est financée par les collectivités territoriales
et/ou des agences de l’eau et/ou d’autres financeurs locaux, ainsi que par le
FEADER. Le taux maximum d’aide publique est de 70 %. Un rapport établi en juin
2007 par le Conseil général de l’agriculture, de l’alimentation et des espaces
1
ruraux et par l’Inspection générale de l’environnement suggère de durcir les
modalités de validation de la compatibilité environnementale des retenues
collinaires de substitution et de maintenir un financement par les irrigants à
hauteur de 30 % au moins ;
•
s’agissant des aides au renouvellement des infrastructures : ces aides en vue
d’une amélioration du réseau (suppression des fuites, efficacité des nouvelles
techniques…) ne sont pas inefficaces. Au contraire, une baisse de cette forme de
soutien peut apparaître contreproductive, pour les réseaux existants : par
exemple, l’ASA (Association syndicale autorisée) du Tarn, a répercuté la réduction
du soutien au renouvellement des infrastructures, par une hausse de la part
forfaitaire du tarif de l’eau, ce qui a eu pour effet d’augmenter la consommation en
eau des agriculteurs pour compenser leur baisse de revenus. Des études
présentées au groupe de travail ont conclu à la réalité de cette conséquence
paradoxale de soutiens.
Une tarification du service de réseau collectif ou individuel non incitative
La tarification du service de réseau collectif ou individuel est essentiellement forfaitaire
(forfait par hectare irrigué pour les irrigations gravitaires) et calculée de manière à
couvrir tout ou partie des charges d’exploitation. Elle n’est donc pas incitative. Une
tarification assise sur deux composantes (forfait + facturation au volume), simples ou
par paliers de tarifs croissants différents suivant la quantité d’eau consommée serait
plus efficace pour baisser la consommation d’eau. Un tarif progressif en fonction du
volume consommé peut inciter l’exploitant à baisser sa consommation globale. Ce
système, est relativement souple puisqu’il laisse plusieurs possibilités à l’agriculteur, y
compris le changement de ses choix culturaux (en développant les cultures sèches). Il
peut également avoir pour effet de favoriser les petits exploitants agricoles, atteignant
ainsi un but social. Si la progressivité est forte, c’est-à-dire si le prix de l’eau devient
2
dissuasif à partir de la tranche supérieure, il se rapproche d’un système de quotas .
(1) « Préconisation pour la mise en œuvre du plan national de gestion de la rareté de l’eau » Conseil général de l’agriculture, de l’alimentation et des espaces ruraux (CGAAER 1208) et
Inspection générale de l’environnement (IGE/06/018) – juin 2007.
(2) « Préconisation pour la mise en œuvre du plan national de gestion de la rareté de l’eau » Conseil général de l’agriculture, de l’alimentation et des espaces ruraux (CGAAER 1208) et
Inspection générale de l’environnement (IGE/06/018) – juin 2007.
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Octobre 2011
- Chapitre 4 -
Une redevance pour prélèvement et consommation sur la ressource en eau
non internalisante
La part des redevances prélèvement payées par l’agriculture ne représente que 3,6 %
1
(contre 74,5 % pour les ménages et 21,9 % pour l’industrie) .
La redevance pour prélèvement sur la ressource en eau, assise sur le volume d’eau
3
prélevé, est plafonnée à 2 ou 3 centimes d’euro par m d’eau selon les ressources en
eau de chaque bassin pour l’irrigation (0,10 ou 0,15 centime d’euro par mètre cube
d’eau pour l’irrigation gravitaire). Le bas niveau de la redevance pour prélèvement sur
la ressource en eau brute prélevée par les captages agricoles (entre 0,2 centime
3
d’euro et 0,3 centime d’euro le m selon les bassins) n’a pas permis de réduire les
2
prélèvements agricoles pour l’irrigation . En outre, les prélèvements destinés à
l’irrigation effectués dans des retenues collinaires ne peuvent pas faire l’objet d’une
modulation selon qu’ils sont situés en zones de répartition des eaux ou non, et donc
selon la rareté de l’eau.
À cet égard, le prix d’accès à l’eau brute de l’agriculture ne tient pas compte des
coûts d’opportunité (plus ou moins grande valorisation de l’eau par la nature du
produit cultivé ou élevé) ni des coûts environnementaux (traitement des pesticides,
des engrais, du lisier), même si ces coûts restent difficiles à appréhender.
Dressant un constat analogue sur le niveau insuffisant de la redevance pour
prélèvement d’eau brute, le Conseil d’État recommande au législateur de rehausser le
3
plancher et le plafond de cette redevance . Cela étant, il faudrait augmenter le
montant de la redevance d’au moins 30 % ou 40 % pour engendrer une baisse de la
consommation en eau.
L’exemple israélien est intéressant sur ce point. Afin d’inciter à une utilisation plus
efficiente de la ressource en eau (la demande d’eau en Israël s’élève en moyenne à
3
3
300 m par an, contre une moyenne internationale proche de 1 700 m par an), Israël a
instauré un tarif progressif du prix de l’eau sur la base des quotas alloués par
exploitation agricole. Entre 1995 et 2005, les prix de l’eau à usage agricole ont
3
augmenté de plus de 68 %, pour atteindre 0,33 USD le m .
(1) Commissariat général au développement durable (2011), « Le financement de la gestion des
ressources en eau en France : étude de cas pour un rapport de l’OCDE », Études et documents,
n° 33, janvier.
(2) Conseil d’État (2010), op. cit.
(3) Ibid.
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- 243 -
Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
Prix de l’eau agricole en Israël
3
(USD /m )
Niveau des quotas
1995
2005
Augmentation %
A
0,165
0,282
70,9
B
0,199
0,335
68,3
C
0,267
0,441
65,2
moyenne
0,196
0,330
68,3
Sources : OCDE (2009). A = ; B = ; C=
Ces tranches sont déterminées en fonction des volumes d’eau accordés à chaque
exploitation (quotas). Ces quotas ne sont pas stricts : une exploitation agricole peut
prélever plus d’eau que le volume prévu par le quota, mais elle devra alors payer l’eau
prélevée au-delà du quota à un prix supérieur. A contrario, elle paiera un prix de l’eau
inférieur si elle a prélevé moins d’eau que prévue par le quota.
Ce système d’ajustement des prélèvements en fonction des prix de l’eau a encouragé
une utilisation plus efficiente de l’eau, notamment par la mise en œuvre de techniques
d’irrigation plus efficaces (par exemple, l’irrigation au goutte-à-goutte), ainsi que de
solutions de substitution (à partir d’eaux usées recyclées et retraitées, qui coûtent
environ 0,20 USD le mètre cube). La réduction des quotas en 1991 consécutive à la
sécheresse de 1990, ne s’est pas traduite par une augmentation des prélèvements
lorsque ces quotas ont à nouveau été relevés, en raison des changements de pratique
culturales et de l’augmentation du prix de l’eau. Les pratiques culturales se sont donc
adaptées durablement au prix de l’eau. La hausse du prix de l’eau a eu pour effet que
les exploitations agricoles n’utilisent que 74,5 % de leurs quotas pour 2005. Pour
autant, la valeur de la production agricole par mètre cube d’eau a plus que triplé
1
depuis 1958 . Par exemple, entre 2000 et 2005, le secteur des fruits a augmenté sa
production de 42 % malgré une baisse de ses quotas de 35 %.
(1) OCDE (2010), La fiscalité, l’innovation et l’environnement, Annexe B : « Water pricing in Israël ».
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Octobre 2011
Chapitre 5
Les aides publiques
qui favorisent les pollutions
Ce chapitre présente successivement les actions publiques qui peuvent augmenter les
pollutions de l’air, des sols et des eaux.
1 L’air
On trouve dans l’atmosphère des éléments polluants d’origine naturelle (remise en
suspension de particules par le vent, activité volcanique, aérosols marins…) et
anthropique (émissions industrielles, trafic automobile, incinération des déchets,
chauffage domestique…). Cette partie se concentre sur les polluants émis par
l’homme.
Un état des lieux des émissions est tout d’abord présenté, puis, les aides publiques
susceptibles de les augmenter.
Les émissions de gaz à effet de serre (GES) sont traitées dans ce chapitre.
1.1. Une baisse quasi généralisée des émissions atmosphériques
polluantes
Le Citepa recense chaque année les émissions des principaux polluants
atmosphériques au niveau de la métropole et depuis peu également dans les DOMTOM. Une synthèse de ces recensements est effectuée pour chaque grande catégorie
de polluants toxiques pour la biodiversité, ainsi que pour les polluants émis à partir de
tout typet de combustion. Les émissions outre-mer sont présentées dans une dernière
section indépendante.
Situation des polluants contribuant à l’acidification, l’eutrophisation
et à la pollution photochimique
Sources d’impacts sur la biodiversité
Les émissions de SO2, NH3 et NOx (communément définis comme NOx = NO + NO2)
sont impliquées dans les phénomènes de « pollution acide ». Les retombées acides
entraînent des modifications de la composition chimique des sols et des eaux qui, à
leur tour, peuvent affecter gravement les écosystèmes. Cette pollution peut toucher
des zones très éloignées des sources d’émission. Elle a notamment participé à
l’acidification des lacs scandinaves et canadiens dans les années 1970 et aux
dépérissements forestiers en Europe dans les années 1980, ou encore, à la
modification des équilibres de sols (relargages de métaux lourds).
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Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
Sources d’émission
Parmi les polluants suivis par le Citepa, les oxydes d’azote (NOx) et le NH3 sont ceux
ayant le moins diminué depuis 1990.
Pour les NOx, les progrès réalisés par l’équipement des voitures en pot catalytique
n’ont pas suffi à contrebalancer la hausse du parc automobile et le secteur du
transport reste le principal contributeur aux émissions de NOx.
Concernant l’ammoniac (NH3), l’agriculture est à l’origine de la quasi-totalité des
émissions. Bien qu’elle ait diminué ses émissions en réduisant son cheptel et les
quantités de fertilisants épandus, des tendances inverses ont conduit à un
ralentissement de la baisse globale des émissions : suppression de la jachère
obligatoire en 2008, augmentation des surfaces arables au détriment des surfaces en
prairies qui conduit à une hausse des épandages d’engrais chimiques.
Émissions dans l’air des polluants contribuant à l’acidification, eutrophisation
et pollution photochimique entre 1990 et 2008 et principales sources en 2008
(France métropolitaine)
Polluants
SO2
Oxydes d’azote
(NOx)
NH3
Émissions
en 2008
Évolution
1990-2008
Part du secteur
dans les émissions de 2008
358 kt
-73 %
Transformation d’énergie (> 51 %,
principalement du fait du raffinage de pétrole
et de la production d’électricité)
1 272 kt
-34 %
Transport routier (52 %)
Industrie manufacturière (12,5 %)
transformation d’énergie (8 %,
principalement production d’électricité)
Agriculture/sylviculture (14,2 %,
principalement induites par les sols agricoles
suite à l’utilisation de fertilisants azotés et, le
reste, par la combustion de produits
pétroliers)
754 kt
-5 %
Élevage (76 %)
Culture (21 %)
Industrie manufacturière (31,4 %)
Résidentiel/tertiaire (31,1 %, principalement
par l’utilisation de solvants à usage
domestique ou dans le bâtiment (peintures,
colles, etc.), et la combustion du bois dans
les petits équipements domestiques).
Agriculture/sylviculture (14,5 %, en
particulier les sources biotiques)
Composés
Organiques
Volatils Non
Méthaniques
(COVNM)
1 086 kt
-60 %
Monoxyde de
carbone (CO)
4 435 kt
-59 %
Source : Citepa
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Octobre 2011
- Chapitre 5 -
Réglementation
Les polluants contribuant à l’acidification, l’eutrophisation et à la pollution photochimique ont donné lieu à plusieurs réglementations établissant des plafonds
nationaux d’émission.
Le tableau suivant présente les objectifs de la France pour chacun de ces polluants
ainsi que le niveau de ses émissions en 2008.
Plafonds d’émissions réglementaires pour la France en 2010
SO2
NOx
COVNM
NH3
Émissions
Émissions
Émissions
Émissions
2008 = 358 kt 2008 = 1 272 kt 2008 = 1 086 kt 2008 = 754 kt
Protocole de Göteborg
(adopté le 1er décembre 1999 et
entré en vigueur le 17 mai 2005)
Directive NEC
(adoptée le 23 octobre 2001
et entrée en vigueur
le 27 novembre 2001)
Programme national de
réduction des émissions
atmosphériques
Nouvelle directive NEC
pour 2020 (projet)
400 kt
860 kt
1 100 kt
780 kt
375 kt
810 kt
1 050 kt
780 kt
375 kt
810 kt
1 050 kt
780 kt
289 kt
682 kt
Source : Citepa
Des données plus récentes confirment que si la France est en passe d’atteindre ses
objectifs sur le SO2, le NH3 et les COVNM, elle aura, en revanche, besoin d’un délai
supplémentaire pour les NOx.
Les métaux lourds
Impacts sur la biodiversité
Les métaux émis dans l’atmosphère ont des effets multiples chez les végétaux et les
animaux qui se traduisent par exemple par des baisses de croissance, de productivité
ou de biodiversité (arsenic, cadmium, vanadium), une apparition de chloroses (nickel),
une diminution de la fonction de reproduction (chrome), ou encore des troubles
neurologiques, digestifs, cardiovasculaires, ou rénaux (mercure). En outre, « d’une
manière générale, tous les végétaux (y compris le monde fongique) sont des
accumulateurs de métaux. Premier maillon de la chaîne alimentaire, les végétaux sont
le point de départ du transfert des métaux dans la chaîne alimentaire, qui peuvent
ensuite se concentrer de manière parfois importante dans les échelons trophiques
1
supérieurs (biomagnification) » (Vindimian E. et Parfait G., 2010) .
(1) Vindimian É. et Parfait G. (2010), « Réduire les pollutions et les impacts sur la biodiversité,
Conférence française pour la biodiversité », Note de cadrage, Atelier « Pollutions », 10-12 mai, 28 p.
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Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
De manière plus générale, l’écotoxicité des métaux lourds se caractérise au niveau de
la biocénose par une perte de la diversité spécifique et génétique, et au niveau des
milieux par une perte de la biodiversité des biotopes. La résultante globale de ces
pertes « locales » se traduit par la perte de biodiversité au niveau des écosystèmes
1
dans leur ensemble .
Sources d’émission
Les métaux lourds sont, pour la majorité d’entre eux, émis par l’industrie manufacturière.
On observe de très fortes baisses d’émissions depuis 1990, tout particulièrement pour
le Plomb, le Zinc et le Chrome (réduction des émissions de plus de 90 %).
Le Cuivre, le Sélénium et, dans une moindre mesure, l’Arsenic se démarquent avec
des évolutions moins fortes (Citepa, rapport Secten 2010) :
•
le Sélénium (– 11 %) : provient de l’utilisation de fioul lourd et de biomasse (par
exemple, bois et résidus du bois) (traces) ;
•
l’Arsenic (– 38 %) : provient de l’utilisation de combustibles minéraux solides et de
fioul lourd (traces) et de l’utilisation de certaines matières premières contenant de
l’arsenic (production de verre, de métaux ferreux et non ferreux) ;
•
le Cuivre (– 8 %) : la baisse des émissions du secteur manufacturier et résidentiel
est compensée par la hausse des contributions des transports : usure des
plaquettes de freins pour le transport routier, usure des caténaires pour le rail.
(1) Ribera D. (2002), « Evaluation of sublethal effects of contaminants on soil fauna: A case study
using pure chemical mixtures and biomarkers in the worm », Science of the Total Environment ;
Labrot F., Ribera D., Tisnerat G., Cabridenc R. et Narbonne J.-F. (1996), Contamination des
écosystèmes et effets biologiques dans l’environnement, J. Morlot (éd.), Paris, Lavoisier, p. 3-17 ;
ADEME (2002), Écotoxicité des sols et des déchets, 96 p.
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Octobre 2011
- Chapitre 5 -
Émissions dans l’air des Métaux lourds entre 1990 et 2008
et principales sources en 2008 (France métropolitaine)
Polluants
Arsenic
Émissions
en 2008
Évolution
1990-2008
10,4 t
-38 %
Cadmium
3,8 t
-81 %
Chrome
30 t
-92 %
165 t
-8 %
Cuivre
Mercure
4,0 t
-83 %
Nickel
104 t
-65 %
Plomb
95 t
-98 %
Sélénium
13 t
-11 %
186 t
-90 %
Zinc
Part du secteur dans les émissions de 2008
Industrie manufacturière (70,2 % principalement
les sous-secteurs des minéraux non métalliques
et matériaux de construction)
Résidentiel/tertiaire (14,9 %)
Transformation d’énergie (14,5 %),
Industrie manufacturière (80,3 %)
Transformation d’énergie (13,3 %)
Résidentiel/tertiaire (6,2 %)
Industrie manufacturière (62,2 %, principalement
de sous-secteur de la production des métaux
ferreux et en particulier des aciéries électriques)
Résidentiel/tertiaire (25,2 %)
Transformation de l’énergie (12,2 %)
Transport routier (53,0 %)
Autres transports (34,8 %)
Industrie manufacturière (7,4 %)
Industrie manufacturière (68,4 %,
particulièrement la production de chlore et les
cimenteries)
Transformation d’énergie (25,9 %, et plus
particulièrement l’incinération des déchets
ménagers avec récupération d’énergie)
Transformation d’énergie (55,8 %, en grande
majorité par le raffinage de pétrole et la
production d’électricité)
Industrie manufacturière (32 %, principalement
des sous-secteurs de la chimie, de l’industrie
manufacturière et de l’agroalimentaire).
Industrie manufacturière (73,4 %, en particulier
du fait de la métallurgie des métaux ferreux et
des minéraux non métalliques et matériaux de
construction)
Industrie manufacturière (86,1 %)
Résidentiel/tertiaire (8,9 %)
Transformation d’énergie (4,8 %)
Industrie manufacturière (66,5 %, en particulier le
sous-secteur de la métallurgie des métaux)
Résidentiel/tertiaire (24,8 %),
Transformation d’énergie (8,3 %, en particulier
l’incinération d’ordures ménagères avec
récupération d’énergie)
Source : Citepa
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Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
Les polluants organiques persistants
Impacts sur la biodiversité
Les polluants organiques persistants (POP) regroupent un grand nombre d’espèces
organiques (par exemple, hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP),
Hexachlorobenzène (HCB), dioxines, furanes). Ils proviennent de sources diverses,
pour certaines diffuses. Ils peuvent aussi polluer à longue distance.
Les POP peuvent causer d’importants dommages sur les écosystèmes. Ils ont une
action toxique rémanente et possèdent un grand pouvoir de bioaccumulation dans la
1
chaîne alimentaire (Ifen, 2008 ). La convention de Stockholm sur les POP signée le
22 mai 2001, a identifié douze POP ou catégories de POP dont les émissions doivent
être réduites. Cette convention a été signée par plusieurs pays et elle a été reprise par
exemple par l’Union européenne.
Sources d’émission
Le Citepa recense quatre catégories de POP (cf. tableau ci-dessous). Toutes évoluent
fortement à la baisse et, en particulier, le HCB et les dioxines et furannes (>90 % de
réduction). Les émissions de HAP ont diminué mais deux fois moins. Elles ont baissé
pour l’ensemble des secteurs émetteurs sauf pour le transport routier du fait de
l’augmentation du trafic et de la progression du parc automobile diesel.
Émissions dans l’air des polluants organiques persistants entre 1990 et 2008
et principales sources en 2008 (France métropolitaine)
Polluants
Émissions
en 2008
Évolution
1990-2008
Dioxines et furannes
101 g ITEQ
-94 %
Hydrocarbures
aromatiques
polycycliques (HAP)
19 t
-52 %
Polychlorobiphényles
65 kg
-64 %
Hexachlorobenzène
(HCB)
14 kg
-99 %
Part du secteur
dans les émissions de 2008
Industrie manufacturière (76,2 %)
Résidentiel/tertiaire (16,6 %)
Transformation de l’énergie (3,9 %,
principalement incinération des déchets
avec récupération d’énergie).
Résidentiel/tertiaire (67,6 %, principalement
combustion de la biomasse)
Transport routier (25,1 %, en particulier les
véhicules diesel)
Industrie manufacturière (56,5 %)
Transformation d’énergie (22,6 %,
principalement production d’électricité)
Résidentiel/tertiaire (19,7 %, principalement
du fait de la consommation énergétique)
Transport routier (55,9 %)
Transformation d’énergie (19 %)
Industrie manufacturière (13,9 %, en particulier incinération des boues des eaux usées)
Source : Citepa
(1) Ifen (2008), Émissions nationales d’hydrocarbures aromatiques polycyliques (HAP), Indicateurs
de suivi des engagements européens : Air, 2 p.
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Octobre 2011
- Chapitre 5 -
Les émissions de particules (PM10, PM2,5 et PM1,0)
Les émissions totales sont en baisse depuis 1980, à l’exception de l’année 1991 au
cours de laquelle une forte consommation de bois dans les secteurs résidentiel et
tertiaire a été observée. Tous les secteurs ont contribué à cette diminution sauf les
transports (routier et autres transports) qui restent relativement stables depuis 1990.
Depuis 2005, les valeurs limites de concentration applicables aux PM10 indiquées dans
1
la directive 2008/50/CE ne sont cependant pas respectées dans 16 zones de qualité
de l’air en France : Marseille, Toulon, Avignon, Paris, Valenciennes, Dunkerque, Lille,
le territoire du Nord Pas-de-Calais, Grenoble, Montbéliard/Belfort, Lyon, le reste de la
région Rhône-Alpes, la zone côtière urbanisée des Alpes-Maritimes, Bordeaux et la
Réunion. La Commission européenne a déjà adressé un avis motivé à la France pour
non-respect des valeurs limites de qualité de l’air imposées par la directive
2008/50/CE, et, a annoncé le 19 mai 2011 qu’elle la poursuivait devant la CJCE.
Émissions dans l’air de particules entre 1990 et 2008
et principales sources en 2008 (France métropolitaine)
Polluants
Particules fines
inférieures à
10 µm (PM10)
Émissions
en 2008
452 kt
Évolution
1990-2008
Part du secteur
dans les émissions de 2008
-34 %
Agriculture/sylviculture (34,7 %, en particulier
les cultures)
Industrie manufacturière (29,1 %, en
particulier le sous-secteur des minéraux non
métalliques et des matériaux de construction)
Résidentiel/tertiaire (21,8 %, en particulier la
combustion du bois et, dans une moindre
mesure, du charbon et du fioul,
le transport routier)
Particules fines
inférieures à
2,5 µm (PM2,5)
282 kt
-41 %
Résidentiel/tertiaire (34,1 %)
Industrie manufacturière (29,4 %)
Agriculture/sylviculture (20,5 %)
Transport routier (12,0 %)
Particules fines
inférieures à
1,0 µm (PM1,0)
156 kt
-53 %
Résidentiel/tertiaire (60 %)
Transport routier (17,7 %)
1 109 kt
-21 %
-
Particules
totales en
suspension
Source : Citepa
(1) La directive 2008/50/CE concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe impose
aux États membres de limiter l’exposition de la population aux microparticules appelées PM10.
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- 251 -
Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
Les émissions de gaz à effets de serre (GES)
Le tableau suivant présente les émissions de GES sur la période 1990-2008 en distin1
guant les émissions anthropiques des émissions provenant de la biomasse (UTCF) .
Émissions dans l’air de Gaz à Effet de Serre avec ou sans UTCF en kt éq. CO2
entre 1990 et 2008 (France métropolitaine)
Polluants
Émissions en 2008
Évolution 1990-2008
Dioxyde de carbone (CO2)
CO2 sans UTCF
CO2 UTCF
391 243
-70 803
-1,1 %
- 81,1 %
CO2 avec UTCF
320 440
-10,1 %
Méthane (CH4)
CH4 sans UTCF
CH4 UTCF
55 954
1 898
-17,5 %
+66,5 %
CH4 avec UTCF
55 954
-16,0 %
Protoxyde d’azote (N2O)
N2O sans UTCF
N2O UTCF
65 186
1 524
-29,2 %
-50 %
N2O avec UTCF
66 711
-29,8 %
Autres GES
Hydrofluorocarbures (HFC)
Perfluorocarbures (PFC)
Hexafluorure de soufre (SF6)
15 284
554
707
+ 313 %
- 87,1 %
- 65,0 %
Source : Citepa
Parmi les GES recensés, seules les émissions de HFC augmentent. Selon le Citepa,
cette hausse s’explique par l’augmentation de l’utilisation de HFC à partir de 1995,
cette substance venant en substitution des CFC suite à leur interdiction. La
croissance soutenue de la climatisation contribue également à ce phénomène. Il est à
noter que l’impact du HFC sur la destruction de l’ozone stratosphérique est plus faible
que celui des Chlorofluorocarbones (CFC).
Les GES ont une évolution à la baisse globalement beaucoup moins rapide que les
autres polluants atmosphériques, cela en particulier pour le CO2.
Il est intéressant de remarquer que le bilan « émissions moins absorption » à travers la
2
biomasse (UTCF) indique une augmentation du stockage de CO2 et de N2O sur la
période 1990-2008 et une diminution du stockage pour le CH4.
(1) UTFC : Utilisation des terres, leur changement et la forêt. Cet indicateur mesure les émissions ou
économies d’émissions provenant de l’Utilisation des terres, leur changement et la forêt (eq. Biomasse).
(2) Selon la méthode de l’inventaire SECTEN du Citepa : le total UTFC représente le bilan des
absorptions et des sources d’émission qui couvre la récolte et l’accroissement forestier, la conversion des forêts (défrichement) et des prairies ainsi que des sols dont la composition en carbone est
sensible à la nature des activités auxquelles ils sont dédiés (forêt, prairie, terre cultivée, etc.).
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Octobre 2011
- Chapitre 5 -
Les principales sources de CO2, CH4 et de N2O en 2008 sont précisées dans le tableau
ci-dessous.
Principales sources de gaz a effet de serre en métropole en 2008
Polluants
Part du secteur dans les émissions de 2008
CO2
(hors UTFC)
Transport (33,2 %, principalement routier)
Résidentiel/tertiaire (22,6 %, principalement le résidentiel)
Industrie manufacturière (23,8 %, principalement la combustion)
Industrie de l’énergie (17 %)
CH4
(hors UTFC)
Agriculture/sylviculture (79,1 %, principalement la fermentation entérique et les
déjections animales)
Traitement des déchets (13,7 %, principalement la mise en décharge)
N20
(hors UTFC)
Agriculture/sylviculture (85 %, principalement les sols agricoles)
Industrie manufacturière (8,4 %, principalement les procédés de l’industrie chimique)
Source : Citepa
Émissions de polluants atmosphériques provenant de l’utilisation
de combustibles
Les émissions de certains polluants recensés ci-dessus sont imputables à plus de
50 % à l’utilisation de combustibles (cf. tableau suivant).
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- 253 -
Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
Émissions atmosphériques imputables à plus de 50 %
à l’utilisation des énergies fossiles et de la biomasse
Polluants dont les émissions
sont imputables à plus de 50 %
à l’utilisation de combustibles
SO2
Oxydes d’azote (NOx)
Monoxyde de carbone (CO)
CO2 (hors utilisation des terres,
leur changement et la forêt)
Nickel
Plomb
HAP
HCB
PM2,5
PM1,0
Principaux combustibles
émetteurs*
Combustibles minéraux solides
(sauf lignite)
Fioul lourd
Essence
Gazole
Fioul domestique
Bois
Essence
Gazole
Gaz naturel
Fioul lourd
Bois
Carburéacteurs
Bois
Gazole
Gazole
Bois
Gazole
Fioul domestique
Bois
Gazole
Fioul domestique
Part des émissions
provenant de l’usage
du combustible
35 %
30 %
6%
53 %
18 %
49 %
35 %
30 %
25 %
94 %
68 %
20 %
67 %
24 %
75 %
59 %
20 %
14 %
61 %
19 %
13 %
(*) Les produits pétroliers consommés par les activités de transport maritime et aérien ne sont pas
pris en compte.
Source : Citepa, 2010
D’après ce tableau, le gazole, les fiouls lourds, les fiouls domestiques, le bois et le
charbon apparaissent comme les principaux contributeurs des émissions de SO2,
NOx, CO, CO2, Nickel, Plomb, HAP, HCB, PM2,5 et PM1,0.
La situation du bois et des composants végétaux de la biomasse mérite toutefois
d’être distinguée de celle des autres combustibles. La combustion incomplète de
matières ligneuses produit indubitablement des matières polluantes : elle est à
l’origine d’une importante pollution particulaire carbonée (étudiée par le programme
européen CARBOSOL) et est également productrice d’HAP. Ceux-ci sont qualifiés de
polluants par divers instruments juridiques, comme la directive 2004/107/CE du
15 décembre 2004 qui fixe, pour l’un des HAP les plus étudiés – le benzopyrène – une
3
« valeur cible » d’exposition à ne pas dépasser (1 nanogramme par m et par an).
Cependant ces composés aromatiques sont également des constituants naturels du
pétrole et du charbon, et sont par ailleurs rejetés dans l’atmosphère lors des éruptions
1
volcaniques . Inversement, la combustion de matières végétales ligneuses ne produit
(1) Source : Conseil général du Doubs et université de Franche-Comté, Accumulation des HAP dans
les sédiments de la rivière Doubs, rapport final, p. 11.
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Octobre 2011
- Chapitre 5 -
pas de SO2 et produit des quantités d’oxyde d’azote (NOx) largement inférieures à
celles résultant de l’usage des combustibles fossiles.
1
Enfin, l’analyse de cycle de vie (ACV) des biocarburants réalisée par l’ADEME en 2010
est défavorable pour les émissions d’azote, aussi bien pour les éthanols que pour les
esters avec des niveaux dix fois plus élevés que les carburants fossiles. En revanche,
le bilan des émissions de composés organiques volatiles (précurseurs d’ozone) entre
la filière biocarburant et carburant fossile dépend du biocarburant considéré. L’écart
est peu marqué dans le cas des esters. Il est plus marqué en faveur des éthanols.
Pour les gaz à effet de serre, le bilan est très variable selon les filières et reste très
dépendant des conséquences des changements indirects d’affectation des sols sur
leur contenu en carbone, mais ce paramètre a été laissé de côté par l’ACV de
l’ADEME.
Situation dans l’Outre-mer
Le graphique ci-dessous montre que la part des émissions de l’Outre-mer par rapport
aux émissions de la métropole a fortement augmenté pour certains polluants,
notamment pour le SO2, les NOx et le CO2.
Part de l’Outre-mer (Guadeloupe, Martinique, Réunion, Guyane,
Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Mayotte et les TOM (Polynésie Française,
2
Wallis-et-Futuna, Nouvelle-Calédonie et les TAAF ) par rapport à la métropole
Source : CITEPA/Format SECTEN – Avril 2011
Ces évolutions s’expliquent par la situation démographique, géographique et économique de l’Outre-mer. La population en Outre-mer a augmenté de 35,8 % entre 1990
et 2009 alors qu’elle n’a augmenté que de 10,4 % en métropole. Le PIB a progressé
(1) ADEME (2010), Analyse de cycle de vie appliquée aux biocarburants de première génération
consommés en France, rapport final, 236 p.
(2) Les TAAF (terres australes et antarctiques françaises) ne sont le siège d’aucune activité humaine
significative, mises à part quelques stations scientifiques.
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Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
de 198 % sur la même période en Outre-mer et de 84 % en métropole. La structure
1
énergétique en Outre-mer est fortement tournée vers le pétrole (Citepa, 2011 ).
Les émissions de SO2 proviennent principalement du secteur de la production,
transformation et distribution d’énergie (90 % des émissions de l’Outre-mer hors
TOM). Dans les TOM, les émissions sont essentiellement produites par le secteur de
l’industrie manufacturière (57 % des émissions des TOM).
Les émissions de NOx ont deux origines principales que ce soit dans les DOM ou
dans les TOM : la production, transformation et distribution d’énergie (67 % des
émissions en Outre-mer) et le transport routier (19,5 %).
Enfin, le CO2 est émis par les secteurs de la production, transformation et distribution
d’énergie (31 % des émissions en Outre-mer), de l’utilisation des terres, leur
changement et la forêt (26 %) et du transport routier (22 %) (Citepa, 2011).
1.2. Les aides publiques favorisant l’utilisation d’énergie fossile
et de biomasse
Les quantités d’énergie fossile et la biomasse utilisées peuvent être influencées par
2
trois taxes :
•
la taxe Intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TIC). Cette taxe
est appliquée aux usages de produits énergétiques en tant que carburant ou
combustible de chauffage ;
•
la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ;
•
la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP).
La TIC est une accise fixe par unité de volume qui s’ajoute au cours du brut et au coût
du raffinage. Elle a été conçue à l’origine dans un but de rendement financier et non
dans celui d’internaliser les externalités environnementales (gaz à effet de serre en
particulier). Son niveau n’est donc pas fixé en fonction de cela. De plus, de
nombreuses exonérations et réductions de taux ainsi que des remboursements de TIC
sont applicables, notamment :
•
exonération ou taux réduit pour certains combustibles sous conditions d’emploi
(white-spirit, pétrole lampant, gaz de pétrole liquéfié, carburéacteurs) ;
•
exonération sur le gaz naturel des ménages et des réseaux de chaleur ;
•
taux réduit pour les butanes et propanes utilisés comme carburant sous condition
d’emploi ;
•
exonération pour le charbon utilisé autrement que comme combustible, utilisé à un
double usage, utilisé dans un procédé de fabrication de produits minéraux non
métalliques, utilisé dans l’enceinte des établissements de production de produits
énergétiques, pour la fabrication de ces produits, utilisé pour la production
d’électricité, utilisé pour les besoins de son extraction ou de sa production,
(1) Citepa (2011), Rapport SECTEN.
(2) Les aides spécifiquement affectées aux secteurs agricoles (dont biocarburant) et de la pêche
sont traitées dans les chapitres « surexploitation des ressources naturelles ».
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Octobre 2011
- Chapitre 5 -
consommé par les particuliers, y compris sous forme collective, utilisé par les
entreprises de valorisation de la biomasse ;
•
taux réduit pour le fioul lourd à basse teneur en soufre ;
•
exonération pour certaines forces armées, certains organismes internationaux et
dans le cadre des relations diplomatiques et consulaires ;
•
exonération pour les huiles minérales et le gaz naturel consommés aux fins de
cogénération pendant une durée de cinq ans à compter de la mise en service des
installations ;
•
exemption pour les produits pétroliers et le gaz naturel servant à la production
d’autres produits pétroliers .
•
exonération pour les produits énergétiques utilisés pour les besoins de l’extraction
et de la production du gaz naturel ;
•
remboursement partiel pour les taxis ;
•
remboursement d’une fraction de TIC sur le gazole utilisé par certains véhicules
routiers (transport routier de marchandises) ;
•
remboursement d’une fraction de TIC sur le gazole utilisé par les exploitants de
transport public routier en commun de voyageurs ;
•
exonération pour les produits énergétiques utilisés comme carburant ou
combustible à bord des aéronefs, à l’exclusion des aéronefs de tourisme privé ;
•
aviation ;
•
pêche ;
•
agriculture ;
•
BTP.
De façon générale, ces dépenses fiscales incitent à une consommation accrue des
énergies fossiles et de la biomasse, les premières étant à l’origine de pollutions
atmosphériques (NOx, particules, etc.), les secondes pouvant provoquer des
changements d’usage des sols dont les effets sur la biodiversité sont démontrés dans
la partie sol du chapitre 4.
Aussi, lorsque ces aides sont appliquées dans des secteurs fortement consommateurs de combustibles à l’unité de production ou par personne, elles introduisent
un avantage comparatif par rapport aux autres secteurs moins dépendants.
Par ailleurs, les tarifs de TIC applicables sont différents d’un produit énergétique à
l’autre (voir tableau suivant pour quelques exemples).
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Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
Tarifs de TIC applicables par produit énergétique en 2011
Carburants
Essence d’aviation
Carburéacteurs, type essence, sous condition
d’emploi
Gazole
Bioéthanol*
Biogazole*
Superéthanol (E 85)
Supercarburant E10*
supercarburant 95 et 98
Émulsions d’eau dans du gazole*
Combustibles
Goudrons de houille, de lignite ou de tourbe et
autres goudrons minéraux, même déshydratés
ou étêtés, y compris les goudrons reconstitués,
utilisés comme combustibles.
Fioul domestique
Fioul lourd
Tarif (€)
Unité
35,90
Hectolitre
2,54
Hectolitre
42,84
14
(à partir de 2011)
8
(à partir de 2011)
17,29
(depuis le 1er janvier 2011)
Hectolitre
60,69
Hectolitre
26,27
(depuis 1er janvier 2009)
Hectolitre
1,50
100 kg net
5,66
1,85
Hectolitre
Hectolitre
Hectolitre
Hectolitre
Hectolitre
(*) Circulaire n° 09-013 du 20/02/09 relative aux produits énergétiques, taxe générale sur les
activités polluantes, taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel, taxe intérieure de
consommation sur le charbon.
Les carburants sont en général taxés à un taux relativement élevé par rapport aux
1
produits fossiles utilisés comme combustibles. Callonnec (2009 ) montre que le CO2
issu de la combustion de l’essence est fortement taxé (265 euros la tonne de CO2 en
France et 244 euros en moyenne dans les pays de l’UE-27) et que le fioul lourd est
peu taxé (6 euros la tonne de CO2 en France et 15 euros en moyenne dans l’UE-27).
La consommation de carburant n’émet pourtant pas significativement plus de CO2
que celle des produits fossiles utilisés comme combustibles. Le prix de ces derniers
semble par conséquent inférieur au prix optimal internalisant les coûts externes dont
ceux sur la biodiversité.
La TVA est proportionnelle à la valeur du produit calculée sur la base du cours de
brut, du coût du raffinage et de la TIC. Comme la TIC, elle donne lieu à différentes
dépenses fiscales potentiellement nuisibles à la biodiversité parce qu’elles contribuent
à l’accroissement de la consommation de produits énergétiques :
•
TVA déductible à 100 % sur le gazole et le superéthanol E85 pour les véhicules
utilitaires d’entreprise et à 80 % pour les voitures particulières d’entreprise ;
(1) Callonnec G. (2009), « Fiscalité comparée de l’énergie et du CO2 en Europe et en France »,
ADEME&vous, Stratégie & Études, n° 20, 8 juillet.
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Octobre 2011
- Chapitre 5 -
•
TVA déductible à 100 % sur le gaz de pétrole liquéfié, le propane liquéfié, le
butane liquéfié pour les véhicules utilitaires d’entreprise et pour les voitures
particulières d’entreprise ;
•
exemption sur les produits pétroliers destinés à l’avitaillement des aéronefs qui
effectuent des liaisons commerciales au-delà du territoire douanier de la France
continentale ;
•
taux réduit à 13 % sur les produits pétroliers en Corse.
Outre-mer, la taxe spéciale de consommation (TSC) sur les carburants est appliquée
et non pas la TIC. Les conseils régionaux fixent les taux et les exonérations
applicables aux carburants et le produit de cette taxe est affecté au développement
des routes et des transports.
La TGAP sur la mise à la consommation de carburants est fixée par unité de
volume de carburant. Bien qu’ayant pour but d’inciter les producteurs pétroliers à
l’incorporation de biocarburant dans leurs carburants, elle ne prend pas en compte
des coûts sur l’environnement (dont ceux sur la biodiversité) et peut être considérée
comme non internalisante.
1.3. Des polluants industriels insuffisamment internalisés
Les installations industrielles émettant dans l’atmosphère, au-delà d’un certain seuil,
les substances suivantes sont assujetties à la « TGAP Émissions polluantes » :
•
oxydes de soufre et autres composés soufrés ;
•
protoxyde d’azote ;
•
oxydes d’azote et autres composes oxygènes de l’azote, à l’exception du
protoxyde d’azote ;
•
acide chlorhydrique ;
•
hydrocarbures non méthaniques, solvants et autres composés organiques volatils ;
•
et, depuis le 1 janvier 2009, particules totales en suspension (PTS).
er
Cette taxe est calculée en fonction de la quantité de substances émises dans
l’atmosphère selon les tarifs ci-dessous.
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- 259 -
Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
Tarifs de TGAP applicables par polluants atmosphériques en 2011
Désignation des matières
ou opérations imposables
Unité
de
perception
Quotité
en euros
Quotité
en euros
2010
2011
Oxydes de soufre et autre composés soufrés (eq.SOx)
Tonne
44,67
45,34
Acide chlorhydrique
Tonne
44,67
45,34
Protoxyde d’azote (N2O)
Tonne
67,01
68,02
Oxyde d’azote et autres composes oxygènes de
l’azote, à l’exception du protoxyde de l’azote (eq.NOx)
Tonne
53,60
107,20
et 160,8
à compter
du 01/01/2012
Hydrocarbures non méthaniques, solvants et autres
composés organiques volatils (eq.COVNM)
Tonne
44,67
45,34
Poussières totales en suspension
Tonne
85,34
86,62
Source : circulaire Taxe générale sur les activités polluantes du 30 mars 2011
Le tableau suivant permet de faire une comparaison des taux appliqués en France et
dans quelques États membres pour les émissions de NOx et de SO2 en 2010.
Pays/Type de polluant
Dioxyde de soufre (SO2)
Oxydes d’azote (NOx)
Danemark
2 830 €/t S
-
Hongrie
185 €/t SO2
444 €/t
Italie
106 €/t SO2
209 €/t
Norvège
Taux en fonction du type
de carburant
République tchèque
39 €/t
Suède
3 000 €/t S
France
44,67 €/t SO2
2 017 €/t
31 €/t
5 000 €/t
53,60 €/t NOx
67,01 €/t N2O
On voit que le Danemark et la Suède se démarquent avec des taux supérieurs à
2 000 euros par tonne de soufre émis et, pour la Suède, un taux à 5 000 euros par
tonne de NOx, alors que la France se situe autour de 50 euros par tonne pour le SO2
et le NOx.
Il est difficile d’identifier l’élément incitatif à l’origine de la baisse des émissions de
NOx et SO2 observable sur ces vingt dernières années. Elle est probablement due à
l’évolution à la baisse des seuils réglementaires d’émission (voir tableau suivant pour
l’exemple des émissions de NOx provenant des fours de cimenterie).
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Octobre 2011
- Chapitre 5 -
Valeurs limites d’émissions de NOx des installations classées
Paramètres exprimés en mg/Nm 3
Texte réglementaire
Arrêté ministériel cimenteries
3 mai 1993
Four sans co-incinérateur :
1 200 (voie sèche avec préchauffeur)
1 500 (voie semi-sèche et semi humide)
1 800 (voie humide et voie sèche sans
préchauffeur)
Arrêté ministériel incinération
20 septembre 2002 appliquée à partir
du 28 décembre 2005
Four avec co-incinérateur* :
800 existantes
500 nouvelles
Directive IPPC, BREF Ciment et Chaux (avant 2010)
200 à 500
avec la mise en œuvre de la SNCR
Directive IPPC, BREF Ciment et Chaux (après 2010)
< 200-450 avec préchauffeurs
400-800 avec Lepol et four long rotatif
Toutefois, la biodiversité n’étant pas prise en compte lors de la conception de la
TGAP, ses taux sont probablement inférieurs au niveau optimal des prix internalisant
les externalités environnementales dont celles sur la biodiversité.
Il convient, par ailleurs, de remarquer que les émissions de métaux lourds, d’origine
essentiellement industrielle (voir tableau en début de partie), ne sont pas prises en
comptes dans la composante « émissions polluantes » du calcul de la TGAP. Or, ces
polluants peuvent, tout autant que les polluants déjà réglementés, affecter
directement les organismes et/ou modifier les conditions de vie des organismes
perturbant leurs milieux. Parmi eux, les émissions de Sélénium et d’Arsenic ont baissé
moins rapidement que la plupart des autres métaux lourds sur la période 1990-2008
observée par le Citepa. Il semble pourtant exister une marge de manœuvre. Pour
1
l’Arsenic, l’INERIS montre par exemple que les émissions peuvent diminuer, surtout
2
lorsqu’elles sont sous forme particulaire .
1.4. Les aides publiques favorisant le transport
Les aides sont répertoriées ici par type de véhicules.
Les poids lourds (Eurovignette)
La directive 1999/62/CE entérine le principe de « l’utilisateur-payeur » en autorisant les
États membres à prélever des redevances fondées sur la distance parcourue (péages)
pour couvrir les coûts de construction, d’entretien et d’exploitation des infrastructures.
(1) INERIS (2008), « Arsenic et composés inorganiques : Panorama des principaux émetteurs »,
Données technico-économiques sur les substances chimiques en France, 64 p., http://rsde.ineris.fr.
(2) L’arsenic étant majoritairement rejeté sous forme particulaire, les techniques de réduction des
particules sont à recommander à l’ensemble des secteurs industriels émetteurs de particules.
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- 261 -
Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
Elle a été modifiée par la directive 2006/38/CE qui révise les modalités à respecter en
matière de péages routiers acquittés par les poids lourds de plus de 3,5 tonnes sur le
réseau transeuropéen. Ainsi :
•
les péages doivent être fondés uniquement sur le principe de recouvrement des
coûts d’infrastructure (construction, exploitation, entretien et éventuellement
développement) ;
•
il est possible de majorer jusqu’à 25 % le montant des péages dans les zones
montagneuses en vue de cofinancer le développement d’une certaine catégorie
d’infrastructure alternative, à savoir les projets prioritaires du réseau transeuropéen.
Les principes généraux de cette directive correspondent à la taxe poids lourds qui
sera normalement appliquée en France à partir de 2013 aux véhicules dont le poids
est compris entre 3,5 tonnes et 12 tonnes.
Le Parlement européen et le Conseil ont, par ailleurs, publié une proposition de
1
directive (cf. COM(2008) 436 final ) modifiant la directive 1999/62/CE dans laquelle, les
États membres sont encouragés à « appliquer une politique de tarification différenciée
pour améliorer l’efficacité et les performances environnementales du transport routier
de marchandises ». Cette proposition distingue les coûts de la pollution
atmosphérique (émissions de particules et de précurseurs d’ozone comme l’oxyde
d’azote et les composés organiques volatils), les coûts de la pollution sonore et les
coûts de la congestion. Lorsque qu’un État membre décide d’inclure le coût d’une ou
plusieurs de ces externalités dans le prix du péage, ces coûts doivent au moins être
équivalant aux montants indiqués dans les trois tableaux suivants pour la pollution
atmosphérique, sonore et la congestion.
Coût de la pollution atmosphérique due au trafic
Centimes d’euro/véhicule.kilomètre
Axes suburbains
Autres axes interurbains
16
11
9
7
4
3
13
8
8
6
4
2
EURO 0
EURO I
EURO II
EURO III
EURO IV
EURO V et moins polluant
Valeurs en centimes d’euro, en 2000.
(1) Le texte final de la directive a été entériné le 7 juin 2011 par le Parlement. Le bruit et la pollution
pourront désormais être pris en compte dans les péages autoroutiers. La congestion ne sera que
partiellement comptabilisée : les États pourront relever le tarif des péages d’au maximum 175 % par
rapport à la moyenne pendant au plus cinq heures de pointe.
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- 262 -
Octobre 2011
- Chapitre 5 -
Coût de la pollution sonore due au trafic
Centimes d’euro/véhicule.kilomètre
Jour
Axes suburbains
Nuit
1,1
Autres axes interurbains
2
0,13
0,23
Valeurs en centimes d’euro, en 2000.
Coût imputables de la congestion due au trafic
Période creuse
(flux de trafic
stable)
Période de pic ou
proche du pic (flux
de trafic instable)
Période de pic
extrême (état de la
circulation contraint
ou à l’arrêt)
Axes suburbains
0
20
65
Autres axes interurbains
0
2
7
Centimes d’euro/
véhicule.kilomètre
Valeurs en centimes d’euro, en 2000.
Les valeurs de ces tableaux sont tirées du Handbook on Estimation of External
Costs in the Transport Sector publié par la Commission en 20081. Ce document
indique également des valeurs pour la biodiversité (et pour l’eau, le sol, les
paysages, etc.). Mais la directive telle que révisée en 2011 ne prend pas en compte
ces valeurs.
Il est par conséquent possible d’avancer que la future Eurovignette, bien que
marquant une avancée certaine dans le processus d’internalisation, ne permettra pas
d’internaliser la totalité des externalités environnementales dont celles sur la
biodiversité.
La redevance poids lourds liée aux prestations (RPLP) mise en œuvre par la Suisse
cherche, en revanche, à internaliser les différents coûts des transports notamment
ceux correspondant aux dommages causés sur la biodiversité (voir encadré suivant).
(1) Commission européenne (2008), Handbook on Estimation of External Costs in the Transport
sector.
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- 263 -
Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
La RPLP suisse
Le but premier de la RPLP est de couvrir l’ensemble des coûts liés aux transports que ces
derniers soient des coûts directs non couverts ou des coûts externes sur l’environnement et
sur la santé.
La redevance est calculée à partir de trois éléments : la distance (mesurée en véhiculeskilomètres), les émissions du véhicule et le poids admissible de ce dernier.
Le calcul de la redevance prend en compte les catégories de coûts externes du tableau
suivant :
Coûts externes
du transport routier
en millions
de francs suisses
Coûts
en pourcentage
du coût total
Accidents
2 017
25 %
Bruit (pris en compte par les coûts sur la santé
des personnes exposés, et par la baisse des
loyers qu’il entraîne)
1 101
14 %
Coûts de la santé dus à la pollution de l’air
1 834
23 %
274
3%
1 256
16 %
687
9%
63
1%
Dégâts aux bâtiments dus à la pollution de l’air
Climat
Nature et paysage
Pertes agricoles du fait de l’azote au sol
Dégâts aux forêts du fait de l’acidification
Dégâts aux sols
Coûts supplémentaires en zone urbaine du fait
des pertes de temps pour les piétons
Processus en amont et en aval
Total
64
1%
107
1%
78
1%
593
7%
8 074
100 %
Les coûts externes du transport routier pour l’année 2005 sont évalués à 8 074 millions de
francs suisses. La dégradation de la biodiversité – prise en compte dans la catégorie Nature
et Paysage – représente environ 9 % des coûts totaux (3 % pour les pertes d’habitats et
6 % pour la fragmentation) soit 687 millions pour la route.
Dans les coûts externes de la circulation des camions, la partie Nature et Paysage
représente 59 millions d’euros. C’est cette partie des coûts externes qui doit être couverte
dans la redevance poids lourds. La somme à couvrir par la RPLP doit être peu ou prou
égale à cette somme.
Remarque : les valeurs des externalités proposées dans le rapport suisse sont en dessous
des valeurs Boiteux II et également des valeurs européennes.
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Octobre 2011
- Chapitre 5 -
Les véhicules particuliers
Les véhicules particuliers ne relèvent pas de la directive Eurovignette. Bien que très
variables d’un réseau à l’autre, il existe toutefois des tarifications applicables à ces
véhicules :
•
en général, les réseaux sont gratuits, même si on peut considérer que les usagers
s’acquittent dans certains cas d’un péage indirect via les taxes sur les carburants
ou les frais de stationnement ;
•
dans le cas des réseaux payants, les prix visent à recouvrir tout ou partie de
l’usage de l’infrastructure, la construction, l’entretien, le renouvellement et la
gestion de l’infrastructure, et, dans certains cas, les coûts externes liés aux
transports.
Les véhicules de société
Les véhicules de société représentent la moitié des nouvelles immatriculations en
1
Europe . Divers dispositifs visent à limiter leurs coûts pour les sociétés, notamment :
•
déduction de la TVA sur l’achat de véhicules utilitaires ;
•
amortissement des véhicules de société déductible des bénéfices imposables ;
•
les véhicules de tourisme utilisés par les sociétés supportent en revanche une taxe
annuelle (taxe sur les véhicules de société - TVS) dont le montant est déterminé en
2
3
fonction des émissions de CO2 ou de la puissance fiscale (cf. article 1010 du
code général des impôts). Il existe plusieurs exonérations totales ou partielles de
cette TSV pour :
−
les véhicules qui fonctionnent au moyen de l’énergie électrique, du gaz naturel
(GNV) ou du gaz liquéfié (GPL) ;
−
les véhicules qui fonctionnent alternativement au moyen de super carburant et
de gaz liquéfié (exonération à 50 %) ;
−
pour la société complète selon l’activité qu’elle exerce. C’est le cas notamment
pour certains secteurs liés à l’automobile (en particulier taxis, sociétés de
transports automobiles, location).
Autres types de véhicules
La taxe spéciale sur certains véhicules routiers (taxe à l’essieu) a pour objet de
compenser les dépenses d’entretien de la voirie, occasionnées par la circulation de
certaines catégories de véhicules de fort tonnage. Le fait générateur de la taxe est la
circulation sur la voie publique d’un véhicule de transport, d’un poids autorisé égal ou
supérieur à 12 tonnes. Certains véhicules en sont exonérés, ce qui constitue une aide
favorisant leur usage, alors qu’ils sont par ailleurs émetteurs de pollution. Cela
concerne :
•
les véhicules spécialement conçus pour le transport de personnes ;
(1) www.foes.de/veranstaltungen/dokumentation/2011/bruessel-28022011/ ?lang=en#presentation.
er
(2) Pour les véhicules dont la première mise en circulation intervient à compter du 1 juin 2004, et
er
qui n’étaient pas possédés ou utilisés par la société avant le 1 janvier 2006.
(3) Pour les autres véhicules.
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Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
•
les véhicules destinés à l’exploitation agricole ou forestière (sous certaines
conditions) ;
•
les véhicules exclusivement affectés au transport intérieur dans les chantiers ou
les entreprises ;
•
les véhicules militaires, y compris les véhicules des corps de pompiers ;
•
les véhicules destinés à la vente ou effectuant des essais (sous certaines
conditions. Les véhicules spécialisés de travaux publics et industriels immatriculés
utilisés exclusivement pour le transport d’équipements installés à demeure
(exonérés jusqu’au 31/12/2014).
2 Les sols
Un état des lieux succinct de la pollution des sols en France et de ses origines est
présenté dans un premier temps. Les différentes aides publiques pouvant influer sur le
niveau de ces pollutions dans un second.
2.1. Une pollution à la fois diffuse et ponctuelle
La pollution des sols est abordée sous trois grand thèmes : les sites et sols pollués, la
pollution diffuse et les risques de contamination des sols agricoles par l’épandage des
boues de station d’épuration.
L’existence de nombreux sites et sols pollués
1
Selon le MEEDDTL , « un site pollué est un site qui présente une pollution susceptible
de provoquer une nuisance ou un risque pérenne pour les personnes ou
l’environnement ».
La pollution est ici le plus souvent locale. Elle présente un caractère concentré, à savoir
des teneurs souvent élevées et sur une surface réduite (quelques dizaines d’hectares
mais certains sites supérieurs à 1 000 hectares ont été durablement pollués).
Plus de 230 000 sites sont recensés en France pour avoir connu une activité
industrielle ou de service selon la base de données BASIAS, et plus de 4 300 sites
sont pollués ou potentiellement pollués selon la base BASOL. Il s’agit le plus souvent
2
de (Afsset, 2006 ) :
•
anciennes décharges ;
•
dépôts de résidus miniers et d’incinération ;
•
produits chimiques abandonnés ;
•
infiltrations ou déversements de substances (par exemple. hydrocarbures, PCB) ;
•
retombées de poussières (par exemple, métaux), consécutives à des rejets atmosphériques accumulés sur de longues périodes.
(1) http://basol.ecologie.gouv.fr/accueil.php.
(2) Afsset (2006), « Sites et sols pollués », Environnement et milieux, 6 p.
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- Chapitre 5 -
Les activités passées d’extraction de phosphore dans les mines de potasse d’Alsace
pour la production d’engrais phosphatés produisent encore des rejets de cadmium,
1
(environ 70 tonnes de cadmium par an ).
2
Parmi les 4 300 sites recensés dans BASOL :
•
environ 10 % sont « banalisables », autrement dit, les travaux de réhabilitation ont
été réalisés et il n’existe plus aucune restriction ni surveillance nécessaire ;
•
environ 10 % sont en cours de traitement. Une pollution résiduelle est révélée par
les diagnostics et/ou travaux menés sur ces sites qui autorise leur usage actuel
mais qui nécessite des précautions particulières avant d’en changer l’usage ;
•
un peu plus de 50 % sont sous surveillance. Plusieurs cas de figures possibles : le
diagnostic a été réalisé et le site ne nécessite pas de travaux de réhabilitation dans
l’immédiat, ou, le site est déjà traité et une surveillance est imposée ;
•
un peu plus de 20 % sont pollués et sont en cours d’évaluation. Le diagnostic de
ces sites est prescrit par arrêté préfectoral ;
•
environ 5 % sont potentiellement pollués mais cela n’a pas encore été vérifié.
Il a, par ailleurs, été possible d’établir un lien entre ces sites et la pollution des sols ou
de la nappe d’eau souterraine environnante dans environ 70 % des cas. Les dix
principaux polluants observés (seuls ou en mélange) sont, par ordre d’occurrence
décroissant, les hydrocarbures, le Plomb, les HAP, les solvants halogénés, le Chrome,
le Cuivre, l’Arsenic, le Nickel, le Zinc et le Cadmium.
La pollution diffuse des sols d’origine atmosphérique et agricole
La contamination des sols par les éléments traces (métaux (cuivre, plomb, nickel),
métalloïdes (Bore, Arsenic) ou non-métaux (Fluor, Chlore, Brome) est peut-être la
mieux suivie. Les contaminations diffuses sont liées aux apports par voie aérienne
(rejets industriels, transports) et aux épandages agricoles. L’épandage de lisier de
porc, par exemple, peut contenir des teneurs en Cuivre et Zinc provenant des
3
aliments (Gourmelen et al., 2002 ). On trouve également des résidus vétérinaires dans
les lisiers.
Quelques éléments traces, appelés oligo-éléments, sont indispensables, en quantités
très faibles, à la vie (Cuivre, Fer, Arsenic). Au-delà d’un certain seuil et suivant leur
nature chimique, ils peuvent, en revanche, devenir toxiques pour un grand nombre
d’espèces végétales ou animales, s’accumuler dans les chaînes alimentaires des
écosystèmes et altérer la biodiversité des sols.
En France métropolitaine, 55 % des sites du réseau de mesure de la qualité des sols
présentent, en surface, des teneurs en plomb inférieures à 30 mg/kg. Pour 43,5 % des
sites, les teneurs sont comprises entre 30 et 100 mg/kg. En revanche, les teneurs
(1) Source : DRIRE Alsace Bilan 2003, in INERIS (2005), « Cadmium et ses dérivés », Données
technico-économiques sur les substances chimiques en France, 25 p.
(2) Statistiques à partir de http://basol.environnement.gouv.fr/tableaux/home.htm.
(3) Gourmelen C., Royer E. et Rugraff Y. (2002), Facteurs de croissance et produits alternatifs en
alimentation porcine, Institut technique du porc, 11 p.
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Les aides publiques dommageables à la biodiversité
supérieures à 100 mg/kg ne représentent que 1,5 % des sites. Un tiers d’entre eux est
situé à moins de 30 km d’une grande agglomération (Grenoble, Lille, Lyon,
Montpellier, Nantes, Paris, Strasbourg…). Un autre tiers est localisé dans un rayon de
30 km autour d’agglomérations plus modestes (Alès, Arras, Belfort, Lens, Tarbes…).
Les sols des Antilles ont de très faibles teneurs en plomb, puisque les sols développés
1
dans les basaltes sont particulièrement pauvres en plomb .
Il n’existe pas de normes de concentration maximale pour les sols qui permettraient
de distinguer, réglementairement, les sols pollués des sols non pollués ou de définir
des teneurs non acceptables en éléments traces.
Les phytosanitaires ont un effet direct sur la matière organique du sol en réduisant le
2
nombre de vers de terre et d’arthropode du sol (Le Roux et al., 2008) .
L’utilisation d’engrais phosphatés contenant du Cadmium est également un
déterminant de pollution des sols. La Commission européenne a publié à ce sujet
plusieurs textes et décisions concernant les dispositions nationales relatives à la
3
teneur maximum admissible en cadmium des engrais .
L’emploi de bouillie bordelaise en agriculture et en viticulture est aussi une source de
pollution/accumulation des sols au Cuivre.
4
L’épandage des boues de station d’épuration peut être à l’origine d’une certaine
contamination des sols par des éléments traces métalliques (Cuivre, Chrome,
Plomb…), les HAP, PCB, micro-organismes pathogènes et résidus de médicaments.
Les boues d’origine urbaine sont moins chargées en éléments traces que les boues
5
d’origine industrielle (Wiart, 2000 ). En 2004, 60 % de ces boues sont épandues sur
les sols agricoles, dont 16 % sous la forme de boues compostées. Les épandages se
font sur 2 % à 3 % de la surface agricole utile française, à raison de 25 tonnes par
6
hectare de matière brute (SOeS ).
Le décret du 8 décembre 1997 relatif à l’épandage des boues issues du traitement
des eaux usées fixe les précautions d’usage vis-à-vis de la qualité des boues et des
(1) www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/lessentiel/article/272/1122/contamination-solselements-traces.html.
(2) Le Roux X. et al. (2008), op. cit.
(3) Décisions 2006/347/CE, 2006/348/CE, 2006/349/CE, 2006/390/CE : dérogations s’appliquant à
la teneur maximum admissible en cadmium des engrais notifiées par la Suède, Finlande, Autriche et
République tchèque.
(4) Les boues urbaines issues du traitement des eaux reçoivent, en vertu du droit positif, deux
qualifications a priori opposées. D’un côté, elles sont considérées comme des déchets au sens de
la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975, et ce en vertu de l’article 2 du décret n° 97-1133 sur l’épandage
des boues municipales. De l’autre, elles constituent des « matières fertilisantes » au sens de la loi du
13 juillet 1979, et sont visées à ce titre par la définition figurant à l’article L. 255-1 du code rural
(« tous les produits dont l’emploi est destiné à assurer ou à améliorer la nutrition des végétaux ainsi
que les propriétés physiques, chimiques et biologiques des sols »). Cette dichotomie paraît en fait
conforme aux caractéristiques bactériologiques et chimiques des boues, qui associent potentiellement les effets d’un engrais et d’un polluant. La première catégorie d’effets tient à la
concentration indéniable de ces boues en azote, phosphore, chaux et potasse.
(5) Wiart J. (2000), Les boues d’épuration municipales et leur utilisation en agriculture, Dossier
ADEME.
(6) www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/lessentiel/article/272/1122/lepandage-bouesstations-depuration-urbaines-sols.html.
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propriétés des sols. Il en est de même pour l’épandage de composts de déchets
fermentescibles alimentaires et/ou ménagers. Aussi l’ensemble des produits
d’épandage issus de déchets organiques est encadré par la norme NFU-44-051
relative aux amendements organiques.
Les eaux de ruissellement provenant de surfaces imperméabilisées, toitures,
matériaux de construction enterrés et superficiels entraînent des quantités
relativement importantes de substances chimiques vers les sols, puis vers le
compartiment aquatique. Le diagramme suivant illustre l’exemple du DEHP,
substance figurant dans la liste des substances dangereuses prioritaires de la DCE
dont les rejets, émissions ou pertes doivent être progressivement arrêtés ou
supprimés dans un délai de vingt ans. Le DEHP, ainsi que cinq autres substances
viennent, en outre, d’être transférés de la liste des substances candidates à la liste
des substances soumises à autorisation dans le règlement REACH.
Material Flow Analysis pour le DEHP en tonnes en Europe en 1997
(avec certains chiffres de 2004)
Source : projet européen SOCOPSE, WP2, 2007
Ce diagramme montre que les trois quarts des quantités de DEHP présentes dans
l’environnement sont dans les sols (9 187 tonnes), dont les quatre cinquième
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Les aides publiques dommageables à la biodiversité
(7 240 tonnes) proviennent de déchets et dépôts transportés par ruissellement
(« remaining waste » dans le diagramme).
Les résidus de dragage peuvent également contenir des concentrations élevées
notamment de HAP, groupe de substances classé parmi les substances prioritaires et
dangereuses prioritaires de la directive-cadre sur l’eau.
Outre-mer et aux Antilles plus précisément, l’utilisation du chlordécone, pesticide
organochloré, a été interdite en septembre 1993. La contamination des sols est
durable. Sa présence actuelle dans les sols de cette région est principalement liée aux
pratiques agronomiques dans les bananeraies entre 1971 et 1993 (Cabidoche et al.,
1
2006 ).
2.2. Les aides liées aux déterminants de la pollution ponctuelle des sols
(« sites pollués »)
Certains mécanismes peuvent s’apparenter à des formes de soutien à la pollution des
sites. Beaucoup d’entre eux découlent du fait que le principe pollueur-payeur n’est ou
n’a pas été pleinement appliqué en la matière. Le responsable de la pollution des sols
est insolvable ou a organisé son insolvabilité. La pollution est parfois découverte des
décennies après que l’activité l’ayant engendré a cessé, son auteur n’existant plus
juridiquement. Le terrain est alors déclaré « site orphelin ». Un exemple bien connu
est celui de la restructuration du groupe français Metaleurop qui a conduit à la
liquidation en mars 2003 de sa filiale Metaleurop Nord, qui exploitait une fonderie à
Noyelles-Godault (Pas de Calais).
L’État se substitue alors à l’exploitant et fait exécuter les travaux par l’ADEME. Après
quoi celle-ci se retourne vers les responsables (exploitant et propriétaire) pour tenter
de récupérer les sommes engagées. En réalité, elle a peu de chances de rentrer dans
ses fonds, et de faire respecter le principe pollueur-payeur. En d’autres termes,
l’externalité pollution du sol n’est pas supportée par son auteur, et ce dispositif peut,
in fine, s’apparenter à une subvention de l’État aux entreprises polluantes. Le tableau
suivant montre que les dépenses de l’État pour la gestion des sites et sols pollués
augmentent sur la période 2000-2008.
Dépenses de l’État pour la gestion des sites et sols pollués
(millions d’€)
Gestion des sols pollués
2000
2004
2005
2006
2007
2008p
276
388
366
445
601
686
Source : CGDD (2010), L’économie de l’environnement en 2008, rapport de la Commission
des comptes et de l’économie de l’environnement (édition 2010), Références, 102 p.
(1) Cabidoche Y-M., Jannoyer M. et Vannière H. (2006), « Pollution par les organochlorés aux Antilles :
aspects agronomiques », Conclusions du Groupe d’étude et de prospective, CIRAD-INRA, 66 p.
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Octobre 2011
- Chapitre 5 -
2.3. Les aides liées aux déterminants de la pollution diffuse des sols
Les dépôts atmosphériques
Les contaminations diffuses des sols en éléments traces métalliques d’origine
humaine sont, en partie, liées aux dépôts atmosphériques (rejets industriels,
transports). Les aides publiques intervenant dans ce domaine sont traitées dans la
partie précédente relatives à la pollution de l’air.
L’épandage agricole des boues de station d’épuration
La taxe sur les boues d’épuration urbaines et industrielles et le dispositif d’indemnisation des risques liés à l’épandage agricole de ces boues peuvent être considérés
comme une aide de l’État perverse pour la biodiversité.
1
Un fonds de garantie est chargé d’indemniser les dommages subis par les exploitants
agricoles et les propriétaires des terres agricoles et forestières dans les cas où ces
terres, ayant reçu des épandages de boues d’épuration urbaines ou industrielles,
deviendraient totalement ou partiellement impropres à la culture (risques sanitaire ou
de survenance de dommages écologiques liés à l’épandage).
Par l’institution du fonds de garantie, l’autorité réglementaire reconnaît assez
clairement le danger que présente la pollution par épandage de boues. La prévention
de ce danger fait en outre l’objet de diverses mesures préventives et de contrôle,
relevant parfois de la police administrative, ce qui témoigne également de la
dangerosité de la pratique. Une « cellule nationale de veille sanitaire vétérinaire des
épandages de boues » a été créée en 1997 réunissant les écoles nationales
vétérinaires, l’ADEME et des institutions publiques et privées. Dans un ordre d’idées
similaire, l’article L. 251-1 du code rural organise la « surveillance biologique du
territoire », préoccupation certes introduite par la loi de 2008 sur les organismes
génétiquement modifiés, mais qui se donne pour objet, plus généralement, de
« s’assurer de l’état sanitaire et phytosanitaire des végétaux et de suivre l’apparition
2
éventuelle d’effets non intentionnels des pratiques agricoles sur l’environnement » .
Le montant maximal du fonds de garantie est fixé à 45 millions d’euros. Il est financé
en majeure partie par une taxe annuelle due par les producteurs de boues d’épuration
urbaines ou industrielles (article 302 bis ZF du code général des impôts). Les boues
produites dans un autre État et introduites en France ne sont pas soumises à la taxe.
Le montant de la taxe est fixé par décret en Conseil d’État dans la limite d’un plafond
de 0,5 euro par tonne de matière sèche de boue produite. Les redevables procèdent à
la liquidation de la taxe due au titre de l’année précédente lors du dépôt de leur
déclaration de taxe sur la valeur ajoutée du mois de mars ou du premier trimestre de
l’année civile.
(1) Décret n° 2009-550 du 18 mai 2009.
(2) Cet objectif doit être poursuivi par un « comité de surveillance biologique du territoire » institué
par le décret n° 2008-1282 du 8 décembre 2008. Selon l’article premier de cet instrument, le Comité
– non encore institué – devra être consulté notamment sur les protocoles et méthodologies requises
pour suivre les effets sur les écosystèmes de l’utilisation des « matières fertilisantes » mentionnées
aux articles L. 253-1 et L. 255-1 du code rural.
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Les aides publiques dommageables à la biodiversité
L’indemnisation assurée au moyen du fonds est soumise à plusieurs conditions,
1
énumérées à l’article L 425-1 du code des assurances . Le montant de l’indemnisation
est fonction du préjudice subi et ne peut excéder, pour le propriétaire des terres, la
valeur de celles-ci.
Il est par ailleurs important de noter qu’une certaine proportion de boues destinées aux
usages agricoles est importée, et donc introduite en France. Les quantités concernées
sont difficiles à mesurer, notamment du fait de la relative imprécision de la nomen2
clature agrégée des activités et produits français (NAF-CPF) . Il est sûr, néanmoins, que
ce mouvement échappe au règlement de la taxe annuelle. L’existence d’une directive
consacrée à l’utilisation des boues d’épuration dans le contexte agricole (n° 86/278 du
12 juin 1986) laisse penser que les boues venant des autres États membres présentent
des caractéristiques similaires à celles produites par les opérateurs français. De fait, la
directive introduit quelques contraintes d’usage en matière d’épandage (interdiction
de la pratique à certaines périodes de l’année sur les cultures fourragères et
maraîchères), et un système de limitation des concentrations en métaux lourds.
Nonobstant cette première observation, qui tient aux caractères intrinsèques des
boues employées, il est assez frappant que des substances importées, destinées à un
usage dont le législateur français a implicitement reconnu qu’il présentait un danger
potentiel, ne soit pas soumis aux mêmes contraintes fiscales que le produit généré
localement. De surcroît, le décret du 8 décembre 1997 ne règle pas la question de
savoir si un dommage généré par l’usage de boues importées peut donner lieu à
indemnisation au même titre qu’un préjudice provoqué par des boues « locales ». Il
conviendrait donc d’étudier la faisabilité d’une taxation aux frontières de ces produits,
ne serait-ce que pour assurer leur alignement comparatif au regard de la contribution
au fonds d’indemnisation.
3 L’eau
Un objectif clé de la directive-cadre sur l’eau (DCE) est de promouvoir une utilisation
durable de l’eau, fondée sur la protection à long terme des ressources en eau
disponibles (article 1). Par « utilisation de l’eau », la directive entend tous les services
liés à l’utilisation de l’eau ainsi que toute autre activité susceptible d’influer de manière
sensible sur l’état des eaux. Elle définit, en outre, les « services liés à l’utilisation de
l’eau » comme tous les services qui couvrent, pour les ménages, les institutions
publiques ou une activité économique quelconque :
•
le captage, l’endiguement, le stockage, le traitement et la distribution d’eau de
surface ou d’eau souterraine ;
•
les installations de collecte et de traitement des eaux usées qui effectuent ensuite
des rejets dans les eaux de surface.
(1) Les conditions sont les suivantes : que le risque ou le dommage n’ait pu être connu au moment
de l’épandage, qu’il n’ait pu faire l’objet d’un contrat d’assurance de responsabilité civile du
producteur des boues, et que ces dernières proviennent de secteurs industriels déterminés, en
l’occurrence les stations d’épuration urbaines (on parle alors de boues STEP), l’industrie alimentaire,
et celle des papiers et cartons.
(2) Cette nomenclature fait voisiner les boues d’épuration et les ordures ménagères dans une même
catégorie statistique (désignée E 37Z) : il en résulte que le volume de ces exportations demeure
relativement confidentiel et en tout cas peu transparent.
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Octobre 2011
- Chapitre 5 -
En matière d’objectifs environnementaux, la DCE précise que les États membres
doivent mettre en œuvre les mesures nécessaires visant à (article 4) :
•
un bon état écologique et chimique des masses d’eau superficielles d’ici 2015.
Les États membres doivent, en particulier, réduire progressivement la pollution
due aux substances prioritaires et arrêter ou supprimer progressivement les
émissions, les rejets et les pertes de substances dangereuses prioritaires ;
•
un bon état quantitatif et chimique des masses d’eau souterraines d’ici 2015.
Enfin, dans son article 9, la DCE indique que les États membres doivent respecter le
principe de récupération des coûts des services liés à l’utilisation de l’eau, y compris
les coûts pour l’environnement et les ressources et conformément, en particulier, au
1
principe du pollueur-payeur . Elle demande alors aux États membres de veiller à ce
que d’ici 2010 :
•
la politique de tarification de l’eau incite les usagers à utiliser les ressources de
façon efficace et contribue ainsi à la réalisation des objectifs environnementaux de
la directive ;
•
les différents secteurs économiques, décomposés en distinguant au moins le
secteur industriel, le secteur des ménages et le secteur agricole, contribuent de
manière appropriée à la récupération des coûts des services de l’eau compte tenu
du principe du pollueur-payeur.
Cette partie présente un état des lieux des pollutions observées dans les masses
d’eau françaises, puis, les différentes aides publiques pouvant aggraver certaines de
ces pollutions (essentiellement azote et pesticides).
3.1. Un bilan critique des pollutions de l’eau
État chimique des masses d’eau au sens de la DCE
La France comporte 574 masses d’eau souterraines et 11 523 masses d’eau de
surface (dont 94 % sont des cours d’eau).
L’état chimique des masses d’eau est évalué à partir de 33 substances ou groupes de
substances listées dans l’annexe X de la directive-cadre sur l’eau. Cette liste
rassemble, notamment, des métaux (Cadmium, Plomb, Mercure, Nickel), des
hydrocarbures aromatiques polycycliques, le Di(2-éthylhexyl)phthalate (plastifiant du
PVC) et des pesticides dont certains déjà interdits (exemple de l’atrazine).
L’évaluation de l’état chimique des masses d’eau en 2009 indique des résultats
globalement moyens :
•
21 % des masses d’eau superficielles ont un état chimique jugé pas bon et 34 %
ont un état chimique indéterminé ;
•
24 % des masses d’eau fortement modifiées ou masses d’eau artificielles ou
semi-artificielles (représentent 7 % des masses d’eau de surface) ont un état
chimique jugé mauvais ;
(1) Le principe de récupération des coûts a été transposé dans l’article L. 210-1 du code de
l’environnement.
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Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
•
41 % des masses d’eau souterraines ne sont pas en bon état chimique.
Près de 17 % des masses d’eau superficielles font l’objet d’une dérogation à l’objectif
de bon état chimique de 2015.
Environ 36 % des masses d’eau souterraines font l’objet d’une dérogation pour
l’objectif bon état chimique
État des milieux aquatiques vis-à-vis de l’azote
La France dispose, de longue date, de plusieurs réseaux de suivi de la qualité des
eaux de surface et souterraines (réseau de connaissance générale, réseau phytosanitaire), qui rassemblent plus de 3 300 points de mesure. Ce dispositif d’observation
1
permet d’établir que la teneur moyenne en nitrates (NO3) des eaux de surface est ainsi
e
e
passée de 3 mg/l au début du XX siècle à 16 mg/l au début du XXI siècle ; sur la
même période, celle des eaux souterraines est passée de 2 mg/l à 21 mg/l.
Évolution par bassin versant de l’indice nitrates (1998-2007)
Source : Agences de l’eau, OIEau (BNDE), MEEDDM ; traitements : SOeS
(1) 4,4 grammes de NO3 = 1 gramme d’azote.
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Les tendances récentes observées sur la période 1998-2007 montrent une absence
1
d’amélioration de la concentration en nitrates des eaux de surface au niveau national ,
stable autour de 16 mg/l en moyenne, mais avec des niveaux et des évolutions
2
contrastées par bassin . Au nord d’une ligne Bordeaux-Nancy, les secteurs
hydrographiques présentent généralement des concentrations supérieures à 20 mg/l,
25 d’entre eux affichant même des concentrations supérieures à 30 mg/l, tandis que
les secteurs hydrographiques au sud de cette ligne présentent des concentrations
inférieures à 10 mg/l (à l’exception de certains bassins aquitains). Pour la moitié des
bassins présentant les concentrations les plus élevées (au-dessus de la moyenne
nationale) en 2007, on a pu observer une tendance à la baisse entre 1998 et 2007, en
Bretagne notamment de l’ordre de – 20 % ; symétriquement, deux tiers des bassins
aux concentrations inférieures à la moyenne ont connu une évolution plutôt
défavorable. En mars 2007, la Commission européenne a tout de même de nouveau
saisi la CJCE en raison de la non-conformité persistante de 11 points de captage (la
France ayant été condamnée une première fois en 2001 pour la non-conformité de
37 points de captage en Bretagne pour non-respect du seuil de 50 mg/l) et le risque
de condamnation financière n’est pas encore écarté, comme le notait dernièrement la
3
Cour des Comptes .
Pour les eaux souterraines, la tendance à la dégradation observée depuis les années
1960 se poursuit sur les dix dernières années : la part des points de mesure
enregistrant des concentrations supérieures à 40 mg/l est passée de 9 % à 12 %, les
stations enregistrant des concentrations inférieures à 10 mg/l étant devenues
minoritaires (de 56 % à 48 %). L’azote actuellement stocké représente trois années de
capacité d’absorption totale du couvert végétal et du sol, et il faudrait au minimum
17 années consécutives sans aucun nouvel apport pour que nos eaux souterraines
diluent de moitié leurs nitrates.
On note également que la teneur moyenne en nitrates de notre ressource continentale
est déjà de 3 à 4 fois supérieure au seuil de déclenchement du phénomène des algues
vertes en baie côtière (5 mg/l de nitrates selon le rapport de février 2011 du comité
scientifique sur les algues vertes). Ce phénomène, de plus en plus fréquent et précoce
d’année en année, est donc inéluctablement appelé à se pérenniser.
Les impacts des nitrates sur les milieux aquatiques et littoraux sont bien
4
documentés : en tant que matière nutritive, ils favorisent le développement des
plantes macroscopiques, des micro-algues ou des bactéries microscopiques. Ces
dernières peuvent provoquer, par l’importance des quantités d’oxygène qu’elles
consomment, une asphyxie du milieu (dite eutrophisation) si les quantités de
nutriments sont importantes. À terme, ces déséquilibres ont de nombreuses
conséquences dommageables pour la biodiversité, telles que le développement de
plantes ou de bactéries indésirables ou toxiques (cyanobactéries, phytoplancton),
(1) Ce, malgré les investissements spectaculaires de traitement tertiaire de l’azote des rejets urbains
(près de 1 100 millions d’euros de 2006 à 2011 sur l’azote pour le SIIAP/Grand Paris à titre illustratif).
(2) CGDD (2009), « La qualité des rivières s’améliore pour plusieurs polluants – À l’exception des
nitrates », Le Point Sur, n° 18, et CGDD (2010), « Des nitrates toujours très présents », in
L’environnement en France, Références, juin.
(3) Cour des Comptes (2010), Les instruments de la gestion durable de l’eau, rapport public annuel,
février, p. 617-655.
(4) Voir par exemple GIP Bretagne Environnement-INRA-ARS (2006), Les impacts des nitrates sur la
santé et l’environnement.
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Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
l’asphyxie de poissons et la diminution de la richesse du milieu en espèces animales
et végétales.
Les nitrates, qui suivent naturellement l’écoulement de l’eau du bassin versant jusqu’à
la mer, jouent surtout un rôle prépondérant dans la dégradation de la qualité des eaux
côtières. Les concentrations excessives d’azote, au-delà de 5 mg/l de nitrates
(Rapport 2011 du Comité scientifique sur les algues vertes), favorisent en effet la
prolifération d’algues vertes. Au cours de ces vingt dernières années, ce phénomène a
pris une ampleur considérable en Bretagne (essentiellement sur la côte nord de la
Bretagne dans les eaux littorales peu brassées, mais également sur la côte sud), tant
par sa régularité que par son extension. 2008 et 2009 ont été les années record de
surfaces couvertes, tonnages cumulés et pics saisonniers d’ulves en Bretagne, avec
près de 200 000 tonnes ramassées. La précocité inédite de ce phénomène s’est
confirmée en 2010 et 2011.
Les nitrates sont aussi des nutriments qui stimulent le développement du
phytoplancton marin qui peut être toxique, notamment celui de trois espèces
d’algues phytoplanctoniques toxiques régulièrement répertoriées en Bretagne. En
2009, elles ont généré des toxines lipophiles et des toxines amnésiantes dans les
moules, donax, palourdes roses, coques et coquilles Saint-Jacques du Finistère et du
Morbihan : la concentration de toxines amnésiantes dans les Saint-Jacques a atteint
33 mg/kg en rade de Brest et 40 mg/kg en baie de Quiberon, soit le double du seuil
de sécurité sanitaire (20 mg/kg). Pour la pêche à pied, le pourcentage des sites de
bonne qualité est passé de 39 % en 1997 à 6 % en 2009, et la consommation directe
de coquillages issus de 20 % des sites bretons a été interdite en 2009. Dans son Bilan
2009, la DREAL Bretagne note ainsi que « l’examen des résultats microbiologiques
des treize dernières années fait apparaître, malgré la légère amélioration de 2006, une
tendance générale à la dégradation des gisements naturels de coquillages en
Bretagne ». Concernant l’évolution des 116 zones conchylicoles classées en Bretagne
sur les dix dernières années : trois zones ont connu une amélioration alors que
er
42 zones se sont dégradées et 72 n’affichent pas d’évolution. Au 1 janvier 2010,
seules deux de ces 116 zones affichaient encore une bonne qualité (A).
1
Les nitrates ont peu d’effets nocifs directs sur la faune aquatique . Des études
réalisées par l’INRA montrent que l’enrichissement du milieu peut avoir deux types
d’impacts antagonistes sur les populations de salmonidés : une croissance accélérée
de leur population due à l’augmentation des teneurs en nutriments (nitrates et
phosphore) entraînant de fait celle de la production primaire de la rivière et donc de la
productivité de l’écosystème ; un taux de mortalité élevé des œufs et des alevins dû à
un phénomène important de colmatage des frayères conduisant à un manque
d’oxygène. Ce taux de mortalité serait renforcé par la présence de nitrites (réduction
des nitrates) dans les frayères durant la phase de vie sous graviers des truites et des
saumons entraînant une réduction de l’abondance en juvéniles.
La pollution par les pesticides
La concentration en pesticides de l’ensemble des ressources en eau ne cesse de
progresser et une proportion croissante des eaux potables doit être traitée avant
(1) Voir le site www.observatoire-eau-bretagne.fr.
.
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- 276 -
Octobre 2011
- Chapitre 5 -
distribution pour respecter les normes de santé publique (100 % des eaux de surface
d’Île-de-France et plus de 65 % de l’ensemble des capacités de production bretonnes
en 2009).
Concentration totale en pesticides dans les cours d’eau,
moyenne annuelle 2007
Source : Agences de l’eau – MEEDDM, BD Carthage 2008 ; traitements : SOeS
1
En 2005 , les pesticides sont présents sur une grande partie des points de mesure et
plus souvent dans les eaux de surface. Les substances actives recherchées ont été
quantifiées au moins une fois dans respectivement 91 % des points de mesure des
cours d’eau et dans 55 % des points de mesure des nappes souterraines. Les niveaux
de contamination sont souvent significatifs : 36 % des points de mesure en eaux de
surface ont une qualité moyenne à mauvaise.
(1) Note de cadrage de l’atelier « Pollutions ».
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Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
Si l’interdiction progressive des molécules les plus toxiques a supprimé les mortalités
massives d’organismes non cibles, « la dégradation des écosystèmes causée par ces
substances est avérée, mais inégalement quantifiée », comme le concluait le rapport
1
d’expertise INRA-CEMAGREF . Les effets directs recensés qui subsistent sont
notamment la diminution de l’abondance des proies ou de l’abondance des
prédateurs, des troubles du comportement des proies et une augmentation de leur
vulnérabilité, ou des troubles du comportement des prédateurs et une diminution de
l’efficacité de leur capture, des modifications de l’habitat (par exemple. mort des
plantes), une diminution de l’abondance de certains compétiteurs…Le rapport notait
que « ces effets, moins visibles, le plus souvent non létaux, sont plus difficilement
détectables et faisait observer « qu’il est très difficile de quantifier leurs impacts réels
sur le milieu naturel et d’analyser leur évolution ».
Selon la note de cadrage de l’atelier « Pollutions » de la Conférence française pour la
2
biodiversité , les populations les plus directement exposées aux pesticides sont la
faune (macro- et micro-faune) et les micro-organismes de l’écosystème cultivé. Les
estimations des impacts sont difficiles à faire, faute d’un dispositif d’observation
adéquat. Par des méthodes indirectes, pour les risques létaux cette estimation a pu
être faite à l’échelle des États-Unis, et aboutit à un chiffre significatif (Mineau et
Whiteside, 2006, Environmental toxicology and chemistry). À partir d’un suivi sur le
long terme, il a été montré une corrélation entre le déclin de certaines espèces
d’oiseaux et l’utilisation d’insecticides (Mineau et al., 2005, Ecoscience).
La pollution par les médicaments
Avec les progrès de l’analyse physico-chimique, les résidus médicamenteux (antibiotiques, antidépresseurs, bêtabloquants, contraceptifs oraux, etc.) sont retrouvés
désormais dans tous les compartiments des milieux aquatiques : l’eau de surface et
souterraine, les sédiments et les biotes. Certains sites comme les effluents de stations
d’épuration sont davantage contaminés. À l’inverse des pesticides qui présentent des
variabilités saisonnières en qualité et quantité très importantes, la présence de
médicaments dans les milieux est plus constante, due à une consommation régulière
par un grand nombre de personnes.
Parmi les résidus médicamenteux détectés systématiquement dans les eaux de
surface, les composés hormonaux peuvent induire des perturbations endocriniennes
qui provoquent, par exemple, des altérations de la croissance, du développement des
organes ou de la reproduction. Les antibiotiques constituent également un groupe de
produits à risque. L’exposition permanente de l’environnement aux résidus
d’antibiotiques est suspectée de favoriser le développement de souches bactériennes
3
anti-biorésistantes susceptibles ensuite d’infecter les animaux .
Les effets de ces résidus sur la biodiversité sont toutefois encore très méconnus. Les
exemples qui illustrent des relations de cause à effet des substances pharmaceutiques, sur de nombreuses espèces non cibles, sont néanmoins de plus en plus
(1) Aubertot J.-N. et al. (dir.) (2005), Pesticides, agriculture et environnement. Réduire l’utilisation
des pesticides et limiter leurs impacts environnementaux, Expertise scientifique collective, synthèse
du rapport, INRA et Cemagref.
(2) Vindimian É. et Parfait G. (2010), op. cit.
(3) Source : www.onema.fr/Medicaments-dans-l-eau.
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- Chapitre 5 -
nombreux. « Ces relations, établies au laboratoire, ne laissent pas de doute sur la
1
capacité de ces substances actives à induire des réponses biologiques » .
La maîtrise des risques liés aux résidus médicamenteux dans les eaux fait d’ailleurs
partie des engagements du Grenelle (engagement 103).
La pollution thermique
La pollution thermique de l’eau doit également être considérée avec attention. Elle
apparaît lorsque l’eau est utilisée comme liquide de refroidissement par les industriels
(centrales thermiques et nucléaires, notamment). L’eau est pompée dans les cours
d’eau ou le milieu marin côtier puis restituée au sortir de l’usine à une température
plus élevée de 4 °C à 5 °C. Ces rejets réchauffent ainsi les eaux dans lesquelles ils
sont déversés, ce qui peut perturber la vie aquatique, animale ou végétale, notamment
en modifiant les rythmes physiologiques des espèces (reproduction, survie hivernale,
2
etc.) . Par ailleurs, la concentration en O2 de l’eau diminue avec la température, et
l’activité de consommation biologique de O2 augmente. Les activités de certains
pathogènes peuvent être stimulées.
Les pollutions accidentelles
La pollution du compartiment aquatique peut aussi être d’origine accidentelle. Selon
l’association Robin des bois, le nombre de « marées noires intérieures » recensées sur
une durée de trois ans entre janvier 2008 et décembre 2010 est de 643, chiffre en
hausse par rapport à leur inventaire sur une durée de quatre ans entre janvier 2004 et
3
décembre 2007 (Robin des bois, 2010) .
En outre, les pollutions marines peuvent provenir de déversements liés aux aléas du
trafic maritime, aux pollutions de nature accidentelle en milieu portuaire, ainsi qu’aux
4
opérations illicites de rejets depuis les navires (Marchand, 2003) . Le tableau suivant
recense les accidents et incidents les plus significatifs sur les côtes françaises entre
5
1979 et 2001 ainsi que la nature des polluants déversés (source : Cedre ).
(1) Conférence française pour la biodiversité – 10-12 mai 2010 – Note de cadrage – Atelier
« Pollutions » – « Réduire les pollutions et les impacts sur la biodiversité » – 26 avril 2010.
(2) www.cnrs.fr/cw/dossiers/doseau/decouv/degradation/12_pollution.htm.
(3) Robin des bois (2010), Atlas des marées noires dans les eaux intérieures, édition 2008-210, 69 p.
(4) Marchand M. (2003), « Les pollutions marines accidentelles : au-delà du pétrole brut, les produits
chimiques et autres déversements en mer », Responsabilité et Environnement, Annales des Mines,
p. 70-92.
(5) Centre de documentation, de recherche et d’expérimentations sur les pollutions accidentelles
des eaux.
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Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
Bilan sur les accidents et incidents, les plus significatifs
ayant entraîné des pollutions ou menaces de pollutions
(période 1979-2001)
Pollutions ou menaces de pollutions
Nombre d’accidents
ou d’incidents
Hydrocarbures
Cas les plus importants :
Amoco Cadiz (1978) : 227 000 t
Gino (1979) : 41 000 t
Tanio (1980) : 6 000 t
Erika (1999) : 20 000 t
18
Perte de conteneurs avec substances dangereuses
Cas les plus importants :
Brea (1988) : 700 fûts (produits divers)
Perintis (1989) : 14 conteneurs (pesticides dont 5 t de lindane)
Sherbro (1993) : 88 conteneurs (pesticides)
11
Déversement de produits chimiques
Cas les plus récents :
Allegra (1997) : 700 t d’huile de palme
Ievoli Sun (2000) : 4 000 t de styrène
Balu (2001) : 8 000 t d’acide sulfurique
8
Cas atypiques
Cas concernés :
Atlantique (1993) : échouement de 23 000 détonateurs
Fenes (1996) : 2 600 t de blé
2
3.2. Les aides publiques liées aux déterminants de la pollution azotée
Les sources d’émission
Les principales activités sources de pollutions azotées de l’eau sont l’agriculture, qui
utilise 2 370 000 tonnes d’azote minéral par an, et l’élevage, dont les épandages de
lisiers sur les sols représentent un volume annuel de 1 410 000 tonnes d’azote
1
organique . Ces apports aux sols d’azote non gazeux atteignent ainsi un volume
annuel de 3 780 000 tonnes, alors que la totalité des rejets bruts (avant traitement)
industriels et urbains ne représentent pas plus de 360 000 tonnes. L’exportation
d’azote par le sol, le couvert végétal et les cultures étant estimée à 3 064 000 tonnes,
et les stations de traitement permettant d’éliminer 270 000 tonnes, le rejet final dans
les eaux souterraines et superficielles serait d’environ 806 000 tonnes par an.
(1) Sources : Conseil d’État, Agreste, études CGDD.
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Octobre 2011
- Chapitre 5 -
Apports et résidus azotés dans les milieux aquatiques pour l’année 2001
(en tonnes et en millions d’équivalents-habitants)
Production brute d’azote
Productions domestiques et industrielles d’azote
360 000 tonnes
80 MEH
Épandage agricole d’engrais minéraux
2 370 000 tonnes
540 MEH
Épandage de lisiers et déjections d’élevage
1 410 000 tonnes
320 MEH
Total brut de la production d’azote
4 140 000 tonnes
940 MEH
Traitement-Épuration
Épuration des eaux usées domestiques et industrielles
270 000 tonnes
60 MEH
Agriculture et couvert végétal
3 064 000 tonnes
698 MEH
Total traité et épuré
3 334 000 tonnes
758 MEH
90 000 tonnes
20 MEH
Excédent minéral
416 000 tonnes
94 MEH
Excédent organique
300 000 tonnes
68 MEH
Total résiduel des contaminations des ressources
806 000 tonnes
182 MEH
Dont résidus de l’agriculture et de l’élevage
716 000 tonnes
162 MEH
Excédents-Pollutions rejetés aux milieux aquatiques
Rejet azoté domestique et industriel après traitement
Source : Agreste (Primeur n° 123, avril 2003)
Apports et résidus azotés dans les milieux aquatiques
(1988 à 2001)
1988
1990
1993
1995
1997
2001
Engrais minéral
2 489
2 621
2 132
2 243
2 432
2 370
Engrais organiques
1 318
1 152
1 278
1 266
1 240
1 410
- 3 322
- 3 052
- 3 147
- 3 191
- 3 265
- 3 064
485
715
263
318
407
Utilisation par le couvert végétal
Excédent (+)
716
Source : Agreste (Primeur n° 53, mars 1999 et Primeur n° 123, avril 2003)
1
Sur la période récente , la tendance à la baisse des apports azotés minéraux observée
entre 2000 et 2005 (– 10 %) s’est interrompue et ces apports avaient presque retrouvé
leur niveau de la fin des années 1990 en 2007-2008.
(1) Voir CGDD (2010), « L’agriculture », in Rapport sur l’état de l’environnement, juin.
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Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
Comparaisons européennes
Les quatre pays les plus intensifs en apport azoté minéral sont les Pays-Bas, la Slovénie,
l’Allemagne et l’ensemble Belgique-Luxembourg, avec des ratios de kilogramme d’azote à
l’hectare supérieur à 100 (voir Eurostat, Environmental Statistics and Accounts, 2010). La
France, avec 85 kg/ha, est dans une situation intermédiaire, les autres pays affichant
ensuite des ratios inférieurs à 80. La tendance baissière des volumes d’engrais azotés
utilisés observée sur 1998-2006 est plus marquée en France (– 11 %) qu’en Allemagne ou
en Belgique (– 6,5 %), mais nettement moindre que celle observée aux Pays-Bas (– 25 %).
Le nouveau pic observé en 2008 par rapport à 2006 est en revanche plus marqué en France
(Source : Eurostat (env_ag_fert)).
Utilisation d’engrais et de pesticides en Europe, 2008
Un défaut d’internalisation patent
Dans le domaine de l’eau, les instruments économiques de tarification existent dans
une certaine mesure, mais sans être toujours fixés aux bons taux ou sans couvrir
l’intégralité des sources de ces pollutions. Cette absence d’internalisation constitue
une aide publique implicite qui aggrave ces dommages, en contradiction avec le
principe du pollueur-payeur.
Le principe d’un tel mécanisme financier avait pourtant été défini par la loi sur l’eau
de 1964 et mis en œuvre par les Agences de l’eau dans d’autres domaines. L’article
9 de la directive-cadre sur l’eau l’avait exprimé comme un principe de « récupération
des coûts » par catégorie d’usage ou de pollution, même si la récupération totale
des coûts n’était pas posée comme principe intangible. La transposition en droit
français (loi n° 2004-338 du 21 avril 2004, art.1) a retenu cette nuance importante en
disposant que « les coûts liés à l’utilisation de l’eau, y compris les coûts pour
l’environnement et les ressources elles-mêmes, sont supportés par les utilisateurs
en tenant compte des conséquences sociales, environnementales et économiques
ainsi que des conditions géographiques et climatiques ». Via le système des
redevances collectées par les Agences de l’eau, il existe ainsi un transfert implicite
des ménages vers le secteur agricole. Les redevances perçues permettent
notamment aux Agences de financer des actions visant à réduire les rejets d’azote,
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- 282 -
Octobre 2011
- Chapitre 5 -
mais les contributions des agriculteurs et éleveurs aux budgets des Agences de
1
l’eau restent significativement inférieures aux aides qu’ils perçoivent . Les
contributions des ménages aux dépollutions agricoles financées par les Agences
(principalement par la redevance de pollution domestique) étaient ainsi comprises
2
entre 40 et 70 millions d’euros en 2003 .
Au-delà des principes, la maîtrise des pollutions azotées était l’objectif prioritaire du
projet de loi sur l’eau et les milieux aquatiques (LEMA) déposé en 1999. Ce projet
initial, prenant acte de l’échec du système Agences sur les pollutions diffuses
agricoles, visait à refondre l’ensemble des redevances et à créer une fiscalité
efficace sur l’azote (TGAP). Il n’existe pas de fiscalité sur l’azote minéral mais la
LEMA, finalement adoptée en décembre 2006, a instauré une redevance « élevage »,
dont l’assiette est l’unité de gros bétail (UGB), soit l’équivalent d’une vache laitière
rejetant 85 kg d’azote par an. Elle est due par les exploitations disposant de plus de
90 UGB (150 en zone de montagne), avec un taux de chargement supérieur à
1,4 UGB/ha. Cette redevance n’a pas vocation à concerner uniquement les rejets
azotés, mais vise également les autres rejets liés à l’élevage (microbiologiques,
3
organiques, phosphorés). Ses recettes totales sont estimées à 5,5 millions d’euros en
2008 (l’ensemble des redevances agences rapportant un peu moins de 2 milliards
d’euros).
Plusieurs pistes d’évolution peuvent être évoquées : création d’une taxe spécifique
sur les engrais azotés, élargissement de l’assiette de la redevance pollution diffuse
(voir section 3.3. « Les aides publiques liées aux déterminants des pollutions par les
produits phytosanitaires ») afin d’y intégrer les produits azotés, mise en place d’un
marché de droits d’épandages. La dernière analyse de l’OCDE concernant les
4
politiques environnementales menées en France recommandait, en application du
principe pollueur-payeur, d’instaurer une taxe sur les engrais azotés ou un marché
de quotas pour les exploitants agricoles. Dans son dernier rapport consacré au
5
sujet, la Cour des comptes évoquait d’ailleurs l’expérience danoise où la mise en
place de quotas d’azote (couplée à une taxe sur les pesticides) avait permis de
réaliser en une dizaine d’années un véritable découplage entre la production (qui a
augmenté de 3 %) et les apports en azote, pesticides et phosphore (qui ont, eux,
diminué de 30 %).
Les analyses précédentes montrent que des éléments quantitatifs sont disponibles
pour contribuer au paramétrage d’une fiscalité destinée à couvrir les coûts induits par
les excédents d’azote minéral.
(1) La Cour des comptes (2010) rapportait que ce ratio aides/redevances s’élevait à 10 pour le
e
e
7 programme, et 4,8 pour le 8 programme (2001-2006). Sur la période récente connue (20072009), cette tendance à la baisse semble se confirmer avec des rations de l’ordre de 3 (Jaunes
budgétaires Agences de l’eau, annexes aux PLF).
(2) Cette estimation ancienne est probablement une estimation basse. En effet, en 2009, les aides
de dépollution versées par l’Agence de l’eau Loire-Bretagne au secteur agricole sur les quatre
départements bretons représentaient 22,7 millions d’euros (Bilan 2009, DREAL Bretagne, 2011),
alors que ce secteur n’avait versé que 1,55 million d’euros de redevances (totalité des
redevances de prélèvement et de pollution perçues du secteur agricole). Sur ces quatre
départements, la contribution des ménages aux aides agricoles de l’Agence de l’eau a ainsi été
de 19,5 millions d’euros.
(3) À titre illustratif, le taux appliqué dans le bassin Seine-Normandie est de 3 euros/UGB/an.
(4) OCDE (2011), Étude économique de la France 2011, Chapitre 3 : Les politiques environnementales.
(5) Cour des Comptes (2010), Les instruments de la gestion durable de l’eau.
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- 283 -
Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
Dans une approche par les coûts de restauration, on pourrait envisager de récupérer
les coûts de traitement des excédents azotés annuels issus de l’agriculture et de
l’élevage. Ces coûts de traitement peuvent être inférés des coûts unitaires de
traitement des nitrates par les stations de potabilisation des eaux destinées à la
1
consommation humaine qui se situent entre 59 à 106 euros par kg d’azote traité .
Dans ce scénario hypothétique de restauration, l’élimination complète des 716 000
tonnes d’excédents d’azote apportés annuellement aux milieux naturels pour
maintenir ces milieux dans leur état actuel représenterait une dépense annuelle de
traitement comprise entre 42 et 76 milliards d’euros. Générer de telles recettes à partir
de l’assiette des 2 370 000 tonnes d’azote minéral reviendrait à paramétrer une
redevance comprise entre 17 à 32 euros par unité d’azote (kg), soit 30 à 60 fois le prix
d’achat actuel de l’azote.
2
D’autres références plus anciennes (Von Blottnitz et al., 2006 ), citées notamment
dans le rapport de l’OCDE (cité supra), évaluait les coûts externes des engrais
azotés à 0,15 euro/kg (hors production) : les dommages externes ainsi valorisés
provenaient essentiellement (0,12 euro/kg) du changement climatique (via les
émissions de N2O), l’eutrophisation restant marginale (0,3 euro/kg), mais très
approximativement évaluée.
3
Une étude récente à l’échelle européenne a cherché à estimer le coût des dommages
induits par des différents composés azotés (NOx, N2O, NO3, etc.) en matière de santé,
de climat et d’état des écosystèmes. Elle concluait que les 11 millions de tonnes de
fertilisants azotés épandus (dont la moitié est excédentaire) étaient à l’origine de
20 milliards d’euros de dommages en termes de biodiversité. La récupération du coût
de ces dommages sur l’ensemble des fertilisants utilisés conduirait ainsi à une fiscalité
de l’ordre de 1,82 euro/kg d’azote. Cet ordre de grandeur est cohérent avec celui de
plusieurs autres études indiquant que le seuil d’efficacité d’une taxe nitrates se
situerait entre 1,5 à 2 euros par kilogramme d’azote.
(1) Le coût unitaire de « restauration » des milieux pris en référence ici est le coût unitaire estimé
dans les traitements de nitrification aux fins de potabilisation. Comme l’a fait remarquer la
Commission eau potable de l’ASTEE (professionnels de l’eau et de l’environnement), ce coût de
restauration est peut-être surestimé si la restauration des milieux vise des niveaux de concentration
très inférieurs au niveau requis pour la potabilisation (seuil de 5 mg/l pour le déclenchement des
marées vertes contre 50 mg/l pour la directive nitrates) et que le coût moyen de dénitrification est
décroissant.
(2) Blottnitz, H. et al. (2006), « Damage Costs of Nitrogen Fertilizer in Europe and their
Internalization », Journal of Environmental Planning and Management, vol. 49, n° 3, p. 413-433.
(3) Sutton, M. A. et al. (dir.) (2011), The European Nitrogen Assessment, Cambridge University
Press.
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Octobre 2011
- Chapitre 5 -
Les impacts sur la santé humaine… vers des coûts externes totaux ?
Outre les impacts sur les écosystèmes évoqués ci-dessus, les nitrates, au-delà de certains
niveaux de concentration, présentent également des risques pour la santé humaine. Les
actions entreprises pour prévenir ces risques représentent un ensemble de coûts
économiques directs, ou indirects, supportés in fine par les ménages, identifiés et évalués
ci-dessous à partir de l’analyse effectuée par le SEEIDD.
Coûts économiques directs des pollutions azotées
(en millions d’euros par an)
Coûts économiques directs des pollutions azotées
Min.
Max.
Coûts des traitements de potabilisation (curatifs)
Coûts dus aux traitements de potabilisation liés aux nitrates
Coûts dus aux traitements d’épuration des eaux usées liés aux nitrates agricoles
Coûts de nettoyage générés par l’eutrophisation des captages
Coûts entraînés par le déplacement des captages utilisés
Coûts des interconnexions par les producteurs d’eau potable
Coûts des actions de prévention
Coûts des actions de réduction de la pollution agricole (Agences de l’eau)
Total des coûts répercutés sur les ménages via la facture d’eau (a)
320
120
100
60
20
20
710
360
150
100
60
40
60
380
70
780
Coûts de substitution de l’eau du robinet vers l’eau en bouteille dus aux nitrates
Coûts de filtrage de l’eau du robinet dus aux pollutions agricoles
Total des coûts supportés par les ménages
(non répercutés via la facture d’eau) (b)
220
140
220
160
360
380
Coûts du nettoyage des algues vertes sur les littoraux
Pertes de recettes économiques dues à l’eutrophisation (préjudice touristique)
Total des autres coûts supportés par les collectivités (c)
30
70
100
50
100
150
Total des coûts économiques directs des pollutions azotées (a) +(b) +(c)
840
1 310
Source : SEEIDD, 2010-2011
Dépenses des collectivités répercutées sur les ménages via la facture d’eau
Les coûts et volumes annuels de traitement des nitrates par les stations de potabilisation
des eaux destinées à la consommation humaine1 sont connus grâce à diverses études et à
un récent travail de synthèse réalisé en 2011 par le SEEIDD2 avec l’aide de la commission
(1) Selon le décret n° 2001-1220 du 20/12/01 relatif aux eaux destinées à la consommation
humaine, à l’exclusion des eaux minérales naturelles, les eaux destinées à la consommation
humaine doivent ne pas contenir un nombre ou une concentration de micro-organismes, de
parasites ou de toute autre substance constituant un danger potentiel pour la santé des personnes
et être conformes aux limites de qualité définies par le même décret. Les nitrates, par exemple, ne
doivent pas dépasser 50 mg/l.
(2) CGDD (2011), Le coût des principales pollutions agricoles de l’eau, à paraître.
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Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
eau potable de l’ASTEE. Ces coûts induits incluent les coûts de traitement des nitrates
dans les installations de potabilisation, mais également les déplacements des captages ou
encore le mélange des eaux brutes contaminées avec des eaux de bonne qualité.
Les stations de potabilisation des services publics de l’eau et de l’assainissement (SPEA)
traiteraient environ entre 3 000 et 7 000 tonnes d’azote par an pour respecter la norme
nitrates de 50 mg/l dans l’eau potable. Les coûts unitaires de traitement se situent dans
une fourchette de 59 à 106 euros par kg d’azote traité. Cette fourchette est cohérente
avec une valeur moyenne de 74 euros par kg d’azote publiée suite à une étude lourde de
modélisation des coûts sur la région flamande en 2010. La quantité d’azote potabilisée
par les SPEA par hectare d’aire d’alimentation de captage cultivée en céréales est
estimée entre 35 et 40 kg, ce qui revient à une dépense par hectare comprise entre 2 065
et 4 240 euros.
Les coûts annuels du traitement de l’azote réalisé par les SPEA pour 2003 (voir tableau)
seraient ainsi compris entre 220 et 510 millions d’euros (entre 120 et 360 millions d’euros
pour les surcoûts dus aux traitements de potabilisation liés aux nitrates et entre 100 et
150 millions d’euros pour les surcoûts dus aux traitements tertiaires d’épuration des eaux
usées liés aux nitrates agricoles), auxquels s’ajoutent les autres surcoûts induits pour ces
services par les nitrates agricoles évalués dans une fourchette de 100 à 200 millions
d’euros par an (entre 60 et 100 millions d’euros pour le nettoyage mécanique des captages
et conduites d’aspiration eutrophysées, entre 20 et 60 millions d’euros pour les délocalisations de captage et, entre 20 et 40 millions d’euros pour les interconnexions effectuées
par les producteurs d’eau potable).
Ces coûts de traitement et d’intervention, directement répercutés sur la facture d’eau,
seraient ainsi compris entre 320 et 710 millions d’euros par an. Ces dépenses ne
permettent de traiter qu’environ 3 000 tonnes d’azote, soit à peine 0,4 % de l’excédent
rejeté dans les milieux aquatiques.
Les ménages acquittent les redevances de pollution et de prélèvement domestique aux
Agences de l’eau via leurs factures d’eau et d’assainissement. Ces redevances permettent
notamment aux agences de financer des aides aux agriculteurs et aux éleveurs pour réduire
leurs rejets d’azote aux ressources et milieux aquatiques. Ces aides spécifiques des
agences devraient en théorie être couvertes par les redevances acquittées par les
agriculteurs ; mais d’une part, ces contributions des agriculteurs et éleveurs aux budgets
des agences de l’eau restent significativement inférieures aux aides qu’ils perçoivent de ces
budgets, d’autre part il n’existe pas de redevance de pollution azotée. Les contributions
des ménages aux dépollutions agricoles financées par les Agences (principalement par la
redevance de pollution domestique) étaient ainsi comprises entre 60 et 70 millions d’euros
en 2008-2009. Cette estimation paraît cependant très faible puisque le bilan 2009 dressé
par la DREAL Bretagne en février 2011 sur les quatre départements bretons chiffrait à 22,7
millions d’euros les aides de dépollution reçues en 2009 de l’Agence de l’eau LoireBretagne par le secteur agricole de ces départements, qui n’avait versé que 1,55 million
d’euros de redevances (totalité des redevances de prélèvement et de pollution perçues du
secteur agricole). Le rapport notait également que 89 % de la totalité des redevances
(domestique, industrielle, agricole) perçues en 2009 de ces départements venaient du
secteur domestique. Dans ces quatre départements, la contribution de la facture d’eau
domestique aux aides agricoles de l’agence de l’eau a ainsi été de 19,5 millions d’euros
en 2009.
Le total des dépenses des ménages engagées par les SPEA et les Agences de l’eau du fait
des pollutions azotées agricoles et recouvrées par la facture d’eau est ainsi estimé entre
380 et 780 millions d’euros, soit 3,94 % à 8,19 % des recettes de la facture d’eau
domestique.
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Octobre 2011
- Chapitre 5 -
Autres coûts supportés par les collectivités
L’accumulation des algues vertes sur les plages peut être à l’origine de phénomènes
d’anoxie lors de leur décomposition, et d’émissions toxiques pour l’homme (mission INERIS
2010) et la faune, ce qui nécessite un ramassage régulier. Les dépenses annuelles de
nettoyage des littoraux ont été estimées par le Service de l’économie, de l’évaluation et de
l’intégration du développement durable (SEEIDD, ministère de l’Écologie) à travers le Plan
national de lutte contre les algues vertes. Par ailleurs, 8 millions d’euros ont été dépensés en
2009 par des collectivités bretonnes et l’ADEME pour l’incinération de 55 000 tonnes d’algues
vertes (sur un total de 90 000 tonnes ramassées en Bretagne). Les dépenses annuelles
totales de nettoyage des littoraux sont ainsi estimées entre 30 et 50 millions d’euros.
Par ailleurs, la présence et l’accumulation d’algues vertes sur les littoraux peut causer un
préjudice touristique et détourner la fréquentation touristique vers d’autres littoraux : cette
perte de recettes économiques liée à une moindre activité touristique a été estimée, par une
étude interagences de 1991 (en cours de réactualisation), dans une fourchette de 70 à
100 millions d’euros.
Sur le plan de la biodiversité, des études sont en cours : on constate que les échouages
peuvent altérer des herbiers, des écosystèmes. Les composés de l’ulve peuvent stimuler
les conditions d’existences de bactéries fécales et pathogènes alors que leurs facteurs
limitants (lumière, ressources nutritives) sont modifiés. Par ailleurs, le ramassage sur l’estran
en perturbe grandement l’écologie et le soumet à des pollutions (engins lourds, raclage,
etc.). Enfin, souvent les contributions de l’estran à l’écosystème sont altérées bien que,
parfois, cet habitat ne soit pas hostile à certains oiseaux (bernaches).
Coût du contentieux communautaire (pour mémoire)
Il s’agit des parties imputables à l’agriculture pour le non-respect des anciennes directives
nitrates, eau potable et eaux souterraines. D’autres directives pourraient également être
concernées : baignades, eaux conchylicoles, directive-cadre sur l’eau. Les rejets de nitrates
de l’agriculture et de l’élevage sont clairement le plus gros obstacle visible1 à l’atteinte du
bon état écologique des eaux continentales et marines. Le coût du contentieux engendré
par le non-respect ou le retard d’application de ces directives n’a pas été évalué.
Au total, les dépenses courantes connues entraînées par les pollutions azotées de
l’agriculture et de l’élevage sont estimées dans une fourchette allant de 840 à 1 310 millions
d’euros par an, dont 740 à 1 160 millions engagés par les ménages et 100 à 150 millions
supportés par les collectivités territoriales.
3.3. Les aides publiques liées aux déterminants des pollutions
par les produits phytosanitaires
Comme précédemment, on peut approcher un coût de restauration des milieux
aquatiques en utilisant les coûts des traitements de potabilisation mis en œuvre par
les SPEA pour respecter les normes sanitaires en matière de pesticides. Sur la base
2
des coûts unitaires des techniques employées , les coûts de dépollution (avec un
objectif d’abaissement moyen de concentration de 1 mg/l) du total des flux annuels de
(1) Les pesticides constituent une autre source de pollution avérée, mais dont les impacts sur les
milieux aquatiques ne sont pas encore clairement appréhendés.
(2) Note interne du SEEIDD, cité supra.
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Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
pesticides véhiculés par nos ressources aquatiques sont estimés à près de
1
20 milliards d’euros par an .
Le seul instrument « internalisant » existant est la redevance « pour pollution diffuse »,
instaurée par la LEMA, qui a succédé à la TGAP sur certains produits phytosanitaires.
Selon les cas, elle taxe les substances entre 0,9 euro/kg et 5,1 euros/kg (0,6 et
3,7 euros jusqu’en 2010) et rapporte environ 60 millions d’euros dont environ
31,8 millions d’euros par an pour les agences et le reste pour le financement du plan
Ecophyto. Ces montants sont donc nettement inférieurs aux seuls coûts des
traitements de potabilisation des eaux contaminées, et sans commune mesure avec
les coûts externes d’un traitement hypothétique de l’ensemble des flux annuels
chiffrés ci-dessus. Par ailleurs, si les coûts environnementaux des pesticides sont
2
encore mal évalués (car leurs effets sont eux-mêmes difficilement mesurables ), une
3
étude américaine estime les coûts externes en matière de santé humaine à environ
2 euros/kg. Les chiffrages précédents et ces références laissent penser que les taux
actuels de la redevance pour « pollution diffuse » sont insuffisants pour couvrir
l’ensemble des coûts externes, non seulement sanitaires, mais également
environnementaux.
(1) Les professionnels de l’ASTEE font cependant valoir que la mise en place de filières spécifiques
de traitement des pesticides à grande échelle conduirait à une baisse certaine des coûts de
traitement.
(2) Alors qu’on commence à évaluer les services liés à la biodiversité (étude sur la valeur de la
pollinisation, des vers de terre – dans le sol des prairies pâturées – ou des insectes auxiliaires), il n’y
a que peu d’études permettant de faire le lien avec l’exposition passive des milieux aux
phytosanitaires.
(3) Tegtmeier E. M. et Duffy M. D. (2004), « External costs of agriculture production in the United
States », International Journal of Agricultural Sustainability, 2(1), p. 1-20.
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Octobre 2011
Chapitre 6
Les aides publiques
qui favorisent l’introduction
et la dissémination des espèces
exotiques envahissantes
Les espèces exotiques envahissantes (EEE) sont considérées comme étant l’un des
1
plus grands périls menaçant la diversité biologique . Leurs impacts sont multiples et
leur intensité variable selon les situations, ce qui rend une évaluation globale de leurs
dommages difficile. Après avoir montré comment certaines activités humaines
peuvent favoriser l’introduction d’EEE, ce chapitre présente les différents types
d’aides influant sur ces activités.
1 Les activités préjudiciables
L’homme est devenu aujourd’hui l’acteur principal, non seulement par le transport
volontaire (commerce) ou fortuit d’espèces végétales ou animales mais également par
les profondes modifications des écosystèmes qu’il a engendrées, les rendant aptes à
accueillir certaines espèces qui n’auraient pas pu s’établir sans ces modifications.
Ainsi, les voies d’introduction des espèces exotiques envahissantes sont directement
ou indirectement associées aux déplacements d’espèces associées aux déplacements
de personnes et de biens. Le développement rapide des activités commerciales et
des transports augmente le risque d’introduction d’espèces exotiques envahissantes,
tandis que les pressions exercées sur l’environnement tel que le changement
climatique et tout particulièrement la dégradation des habitats, pourraient favoriser le
déplacement d’espèces, leur propagation et prolifération.
La majeure partie des plantes vasculaires et des vertébrés exotiques a été introduite
volontairement dans un but économique (agriculture, foresterie, élevage, aquaculture,
etc.), scientifique (acclimatation, pédagogique tel le Jardin d’acclimatation construit à
e
la fin du XIX siècle) ou pour la satisfaction d’activités de loisir dans un but récréatif
comme la chasse, la pêche sportive (invasivité liée aux appâts vivants de pêche), les
plantes ornementales (et l’horticulture associée).
Ces différentes activités engendrent un risque d’invasion biologique qui peut être
structurel, accidentel, intentionnel, ou résulter d’une négligence ou méconnaissance,
ou encore résulter indirectement de la modification des habitats permettant la
prolifération d’espèces potentiellement envahissantes.
(1) Évaluation des écosystèmes pour le Millénaire, 2005.
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Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
1.1. Les activités qui engendrent un risque d’introduction structurel
Le commerce international est sans conteste l’une des causes de la dispersion
d’espèces sur la planète. Une analyse réalisée par Westphal et al. (2008) montre que
les importations de marchandises sont la variable la plus explicative : plus grand est le
degré de commerce international, plus élevé est le nombre d’espèces exotiques
1
envahissantes. À titre d’exemple, Cohen et Carlton (1998) ont calculé que la baie de
San Francisco avait reçu de 1850 à 1960 une nouvelle espèce tous les 55 mois, contre
une nouvelle espèce tous les 14 mois entre 1965 et 1995.
Les nouvelles modalités de transactions commerciales via Internet favorisent la
disponibilité d’espèces végétales ornementales et animales. Ce commerce porte sur
des espèces animales ou végétales, protégées ou non, exotiques, voire rares,
proposées par des entreprises réputées mais également par des particuliers par le
biais de nombreux sites de petites annonces (certaines espèces animales se
reproduisant bien en captivité permettent des compléments de revenus non
négligeables pour les vendeurs). Les transactions commerciales qui concernent ces
espèces semblent encore très souvent négliger ou ignorer les risques d’invasion dans
le pays récepteur, autant qu’elles négligent les pressions sur les populations prélevées
dans les pays émetteurs.
Le transport de longue distance est également une cause importante de
dissémination d’espèces exotiques envahissantes. En effet, 60 % des marchandises
(en volume) sont transportées par voie maritime. Les eaux de ballast, avec entre 3 et
5 milliards de tonnes d’eaux transportées par les navires à travers le monde et jusqu’à
7 000 espèces différentes déplacées chaque jour, sont un des plus puissants vecteurs
d’introduction d’espèces dans les eaux littorales.
La crise économique mondiale provoque un ralentissement du trafic maritime. Les
rotations de navires diminuent, ce qui va favoriser l’installation d’organismes
(biofouling) sur les coques des navires inemployés et à l’ancre. Cette accumulation
d’organismes pendant l’immobilisation puis leur transport sont aussi une voie
d’introduction par la navigation de plaisance.
1.2. Les activités pouvant engendrer un risque d’introduction accidentel
On peut citer les exemples d’activité suivants :
•
collections vivantes, musées, aquariums qui peuvent laisser échapper des
spécimens (par exemple, la caulerpe en Méditerranée a incarné cette voie qui
passe néanmoins plutôt par les équipements des particuliers) ;
•
événements ponctuels (parasites du bois arrivés avec les caisses en bois de
l’armée américaine, etc.) ;
•
des conséquences imprévues (moustiques arrivés dans des cargaisons de pneus
à recycler, frelon asiatique dans des poteries, etc.) ;
(1) Cohen A. N. et Carlton J. T. (1998), « Accelerating invasion rate in a highly invaded estuary »,
Science, vol. 279, n° 5350, p. 555-558.
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Octobre 2011
- Chapitre 6 -
•
le commerce de matériaux vivants (tels le bois de chauffage, les animaux de rente)
peut accroître l’aire de répartition des pathogènes, commensaux et parasites
associés.
1.3. Les activités introduisant intentionnellement certaines espèces
envahissantes
Ainsi en est-il des nouvelles cultures, nouveaux auxiliaires : on peut mentionner en
particulier l’introduction de Crassostrea gigas au début des années 1970 pour la
relance de la conchyliculture ou celle de la palourde japonaise, qui ont pour objectif
de valoriser le caractère invasif de ces espèces (voir les impacts socioéconomiques
en section 3., infra). Il y a aussi les tentatives infructueuses d’élevage tel que celui du
e
ragondin (Myocastor coypus), introduit au XIX siècle pour sa fourrure, qui prolifère
dans les zones humides, minant berges et digues.
La lutte biologique ou intégrée est à l’origine de plusieurs introductions volontaires.
Par exemple, pour lutter contre l’envahissement de la vigne marronne (Rubus
alceifolius) à la Réunion, recouvrant et asphyxiant la végétation indigène, le Centre de
coopération Internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) a
introduit la mouche bleue (tenthrède Cibdela janthina) début 2008 après des études
écologiques, biologiques et génétiques vérifiant que la larve de la tenthrède ne se
nourrira que de la vigne maronne. Cela étant, il s’est avéré depuis que des tenthrèdes
adultes ont été observées sur des fraisiers présentant des défoliations. C’est la raison
pour laquelle l’Académie des Sciences a refusé l’introduction d’un animal brouteur de
Caulerpe en Méditerranée, les risques associés étant potentiellement importants, dans
un site considéré comme un hotspot de biodiversité. Cela étant, ce dispositif a
l’avantage de se substituer aux pesticides.
Les importations intentionnelles de nouveaux animaux de compagnie (NAC) ont
également été la cause d’invasions biologiques. Gergominy et al. (1998) décrivent
l’évolution temporelle des motivations des introductions en prenant l’exemple des
vertébrés en Nouvelle-Calédonie et montrent la croissance brutale, à partir des
années 1950, de l’argument « loisir ». Ainsi en est-il des tortues de Floride, des
écureuils de compagnie et autres rongeurs d’agrément, prolifiques, vendus selon les
modes du moment (par exemple à la suite du film « Ratatouille ») et relâchés en milieu
urbain.
1.4. L’introduction d’espèces envahissantes par négligence
ou méconnaissance
Le relâcher d’individus, telles que les tortues de Floride, dans le milieu naturel par des
citoyens.
Plus spécifique à l’Outre-mer, une cause courante d’invasion est le retour à l’état
sauvage d’animaux domestiques comme les chats et les chiens. On parle alors
d’espèce marronnes (chats marrons ou chats harets). C’est aussi le cas pour des
retours sauvages de taxons végétaux domestiqués acquérant en s’échappant des
gènes dominants par mutations et croisements sauvages et sélectionnés (taxons
féraux).
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Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
1.5. Les activités engendrant une modification des habitats permettant
la prolifération d’espèces potentiellement envahissantes
La perturbation, transformation et dégradation des habitats en créant des espaces
vides ou déséquilibrés, riches en ressources, créent des opportunités pour des
espèces opportunistes, y compris indigènes, capables de croître rapidement, avec de
fortes capacités de dispersion. Cela permet notamment d’expliquer le succès
foudroyant de l’ambroisie en vallée du Rhône ainsi que la prévalence des espèces
exotiques supérieures après l’éradication de la balsamine de l’Himalaya.
La transformation des habitats, en remettant en question les adaptations locales, est
une cause majeure. Face à ces nouvelles conditions, espèces locales et exotiques
sont en quelque sorte sur un pied d’égalité en termes d’adaptation. L’eutrophisation
favorise la jacinthe d’eau, la jussie ou encore la moule zébrée introduite par bateaux
en Amérique du Nord. Certaines pratiques agricoles qui dénudent ou déstructurent les
sols dégradent les habitats, ce qui contribue aux déplacements d’espèces et peut
avoir des effets facilitateurs sur l’implantation et la prolifération d’EEE. Par exemple,
les coupes forestières à blanc facilitent la prolifération du cerisier noir américain
(Prunus serotina) ; la forte disponibilité en nitrate des milieux côtiers bretons, résultant
du lessivage des terres agricoles, a un effet facilitant sur la prolifération de mollusques
exotiques comme la crépidule (Crepidula fornicata), qui monopolise l’espace et les
ressources des hauts-fonds sableux qui constituent l’habitat de la coquille saintjacques.
Les infrastructures de transport représentent à la fois des structures d’accueil et des
voies de dispersion pour des espèces introduites. En outre, elles favorisent le
déplacement des espèces (rongeurs le long des routes et rocades, poissons,
mollusques et autres organismes aquatiques le long des canaux, etc.). Elles sont donc
indirectement responsables de l’extension de l’aire de répartition de nombreuses
espèces. Par exemple, plusieurs espèces d’invertébrés aquatiques d’Europe de l’Est
ont profité de la connexion fluviale entre le bassin du Danube et celui du Rhin pour
coloniser les hydrosystèmes français (43 espèces d’invertébrés exotiques ont été
e
signalées dans les hydrosystèmes français depuis le milieu du XIX siècle). C’est
également le cas du crabe chinois Eriocheir sinensis).
La création dans un but environnemental de corridors écologiques pourrait également
contribuer à la circulation d’espèces exotiques envahissantes. Une ingénierie de
qualité doit donc présider à leur établissement et la seule continuité n’est pas une
garantie de qualité écologique. Par exemple, l’écureuil à ventre rouge semble avoir
quitté Antibes en passant sous l’autoroute via les passages faune (qui sont des
continuités dans un but écologique). En fait, c’est le principe même de la continuité
écologique qui fonctionne tant pour la biodiversité normale que pour l’exposition aux
espèces (et/ou pathogènes associés) à potentiel invasif et migration rapide. Mais, à
l’inverse, certaines espèces exogènes peuvent progresser via des milieux dégradés ou
transformés. Dans ces cas, la rencontre d’écosystèmes sains et préservés peut
constituer un frein à leur progression.
Par ailleurs, certaines espèces indigènes, peuvent devenir envahissantes (sangliers) en
raison de perturbation de l’écosystème et rompre l’équilibre agro-sylvo-biologicocynégétique : par exemple, baisse de prédateurs, affouragement excessif ou lâchers
sauvages.
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- Chapitre 6 -
Enfin, les espèces exotiques peuvent s’accompagner de pertes de biodiversité, mais
elles peuvent souvent être le symptôme de cette dégradation, plutôt que la cause. En
d’autres termes, une manière efficace de limiter les invasions serait de limiter les
perturbations des habitats pour favoriser leur résilience.
Certaines de ces activités sont encouragées par des subventions publiques.
2 Les aides publiques identifiées
Les subventions publiques en faveur de certaines activités ont pour effet de faciliter
l’introduction, la dissémination des espèces à potentiel invasif, ou la fragilisation du
milieu permettant l’installation et la prolifération des espèces exotiques envahissantes.
De manière générale, il semble exister peu de cas de subventions directes à
l’introduction, la dissémination d’espèces exotiques envahissantes, par exemple des
aides d’État à la culture ou l’élevage de certaines espèces. Ces subventions sont
principalement indirectes, résultant largement de l’inaction publique dans la lutte
contre les espèces exotiques envahissantes au niveau réglementaire et par la non
internalisation des coûts externes négatifs.
De nombreux points de blocage entravent encore une gouvernance efficace des
espèces exotiques envahissantes. Tout particulièrement :
•
les difficultés de définition et de mise en œuvre d’une réglementation efficace par
méconnaissance des espèces concernées et l’absence de moyens de surveillances dédiés ;
•
les réticences des responsables politiques à intervenir du fait des enjeux
socioéconomiques ;
•
les difficultés à évaluer correctement les enjeux de la gestion des espèces
exotiques envahissantes et les financements nécessaires ;
•
le différentiel bénéfices à court terme / coûts à long terme.
En outre, l’éradication des espèces exotiques envahissantes nécessite aussi des
actions à un niveau supranational.
2.1. Les subventions directes
Des subventions publiques peuvent être versées par l’Union européenne, l’État ou les
collectivités locales en soutien à certaines activités, en tenant compte, parfois, de
leurs impacts sur la biodiversité mais pas forcément du risque d’introduction d’EEE.
Dans le domaine des transports
Les activités de transports, ainsi que les infrastructures routières, les ports et les aéroports, sont très largement subventionnées par l’État et les collectivités territoriales.
Les aides publiques à la réalisation d’infrastructures de transports, d’aménagements
urbanistiques ou à l’agriculture intensive qui perturbent les habitats contribuent
indirectement à l’installation et la dissémination d’EEE.
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Les aides publiques dommageables à la biodiversité
Dans le domaine de la pêche et de l’agriculture
Certaines cultures labellisées sont subventionnées alors qu’elles peuvent être considérées comme envahissantes : certains résineux exotiques (l’épicéa de Sitka – Picea
sitchensis Bong. Carr. – a souffert d’un puceron ou aphide, Elatobium (Aphis)
abietinum), plantes envahissantes pour la bioénergie (Miscanthus giganteus dont le
tissu de rhizomes et racines du miscanthus agrocultivé est dense et semble difficile à
détruire rapidement ou facilement).
En outre, des subventions sont versées à la recherche sur la sélection variétale et la
diffusion de plantes importées présentant des potentiels d’invasivité, par exemple
pour les plantes supports de production de biomasse et d’agrocarburants. Le
Programme mondial sur les espèces invasives (GISP en anglais) a recensé l’ensemble
des variétés utilisées actuellement pour la production d’agrocarburants ou dont
l’utilisation est envisagée, et les ont catégorisées en fonction du niveau de risque
qu’elles présentent en tant qu’espèces exotiques envahissantes potentielles (elle
croissent vite et se multiplient facilement). La canne de Provence (Arundo donax), par
exemple, est une plante pressentie pour la production d’agrocarburants, originaire
d’Asie mineure. Elle est déjà considérée comme invasive sur une partie de l’Amérique
du Nord et de l’Amérique centrale. Naturellement inflammable, elle accroît le risque
d’incendie. En Afrique du Sud, elle est considérée comme un véritable fléau, de part
sa consommation d’eau de l’ordre de 2 mètres cubes par plan pour chaque mètre de
croissance, ce qui la fait entrer en compétition avec les besoins en eau de la
1
population du pays) . Si, de surcroît, la défiscalisation des agrocarburants et
l’utilisation de biomasse se poursuit indifféremment selon le caractère potentiellement
invasif des plantes support, il y aura un cas d’école de non prise en compte des
impacts sur la biodiversité.
Les subventions pour la conchyliculture qui visent à contrecarrer les récentes
mortalités d’huîtres ont pu être versées sans étude d’impact préalable : notamment le
recours massif aux naissains d’écloserie en lien avec une éventuelle introduction
d’une nouvelle souche résistante (naissains triploïdes aux origines réduites) a été
réalisé sans étude d’impact sur fonds publics dictés par « l’urgence économique ».
Les activités des associations de pêche sont subventionnées alors qu’elles peuvent
entraîner un risque d’invasivité (invasivité de certains appâts de pêche, alevinage
homogène de divers plans d’eau, y compris des lacs alpins au détriment des faunes
invertébrées endogènes) ou de poser des problèmes de biodiversité intraspécifique.
Des travaux associent des associations et des scientifiques sur la prise en compte de
la biodiversité inter et intraspécifique dans les politiques d’alevinage. Les controverses
existent aussi au sein même des associations sur la portée de la renaturation des
milieux par rapport à la gestion des populations de poissons.
(1) Le rapport publié par le GISP, Biofuel Crops and Non Natives Species: Mitigating the risks of
invasion, appelle les pays à évaluer les risques avant de lancer la culture de nouvelles semences. Il
exhorte les gouvernements à utiliser des espèces à faible niveau de risque, et à mettre en place des
procédures adaptées pour maîtriser le risque lié aux espèces exotiques envahissantes.
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- Chapitre 6 -
2.2. Les dépenses fiscales
Des dépenses fiscales (exonération, taux réduits) sont accordées en soutien à
certaines activités.
Exonérations d’impôt
Les transports de longue distance bénéficient d’un certain nombre d’avantages
fiscaux (par exemples : exonérations, taux réduits de TIC ou TVA) ce qui a pour effet
de très largement les sous-tarifés par rapport aux externalités environnementales
qu’ils induisent (voir chapitre 5).
De manière indirecte les dépenses fiscales en faveur des infrastructures routières et
des ports (voir chapitre 3) contribuent à la dégradation des habitats et, par
conséquent, à l’installation et à la prolifération des EEE
Les dépenses fiscales appliquées aux bois et forêts (exonérations temporaires ou
partielles de taxe foncière, de droits de mutation ou d’ISF) s’appliquent parfois
indifféremment selon les essences plantées, ce qui peut inciter à la culture d’espèces
exotiques envahissantes (cf. chapitre « Dégradation des habitats »)
Taux réduits de TVA
Les plantes ornementales, indigènes ou non, sont soumises au taux de TVA réduit de
5,5 % au même titre que les plantes destinées à l’alimentation ou au reboisement. En
application du 3° de l’article 278 bis du code général des impôts, bénéficient du taux
réduit de 5,5 % les produits de l’horticulture qui n’ont subi aucune transformation,
c’est à dire les produits dans l’état où ils sont généralement obtenus au stade agricole
(que ces produits soient cultivés en France ou non) :
•
les fleurs fraîches ou séchées, vendues avec ou sans feuillage ;
•
les plantes vivantes ;
•
le gazon en plaque ;
•
les plants horticoles (arbres et arbustes) d’ornement, ainsi que les plants utilisés
pour l’horticulture maraîchère et les arbres fruitiers. Les plantes d’aquarium (dont
nombre d’entre elles sont exotiques), qui n’ont subi aucune transformation,
devraient également pouvoir bénéficier du taux de TVA réduit.
La TVA est perçue au taux réduit en ce qui concerne les droits d’entrée pour la visite
des parcs zoologiques (quelle que soit l’espèce animale présentée, par exemple les
papillons tropicaux, sous réserve que la présence des animaux constitue l’attraction
principale de ces parcs) et botaniques (279, b ter du CGI).
Les parcs botaniques contenant des espèces indigènes ou non ne sont pas assujettis
à la TVA :
•
lorsqu’ils sont exploités par une personne morale de droit public (CGI art. 256 B)
ou par un organisme sans but lucratif susceptible de bénéficier de l’exonération
prévue par l’article 261, 7-1° du CGI ;
•
lorsque leur visite ne donne pas lieu à la perception d’un droit d’entrée.
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- 295 -
Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
Toutefois, cette dépense fiscale a également des effets positifs puisqu’elle facilite la
recherche et les découvertes naturalistes et scientifiques, ainsi que le rôle
pédagogique de ces établissements.
2.3. La non-internalisation
Certaines activités économiques engendrent indirectement l’introduction d’espèces
exotiques envahissantes de manière structurelle mais ne l’internalisent pas et par
suite, sont sous-tarifées. Tel est le cas du transport maritime, aérien ou terrestre, du
tourisme, de la réalisation d’infrastructures de transports.
En outre, le bilan socioéconomique de l’étude d’impact des infrastructures de
transport ne tient pas compte de leurs effets sur la dissémination des espèces
exotiques envahissantes.
Par ailleurs, des droits de douane différenciés déséquilibrent les flux d’échanges en
faveur des produits potentiellement les plus invasifs. En effet, les droits de douane,
tendent à s’accroître avec le degré de transformation des produits. Or, la probabilité
d’introduction d’espèces exotiques diminue avec le degré de transformation (bois,
produits agroalimentaires, etc.). En 2003, des économistes ont étudié le cas d’un pays
qui protègerait son agriculture par des droits de douane élevés. Une baisse de ces
droits sur les biens agricoles se traduirait par une hausse de ses importations, et donc
de la probabilité d’introduction d’espèces nuisibles à ces cultures (Costello et
1
McAusland, 2003) .
2.4. Un cadre réglementaire insuffisant ?
Une surveillance internationale insuffisante ?
D’une manière générale, les conventions internationales en matière de protection de la
nature, antérieures à la prise en compte du phénomène des dangers des EEE pour
l’environnement, ne prévoient pas de mesures de surveillance concernant les EEE.
La Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore
er
sauvage menacées d’extinction (CITES) (entrée en vigueur le 1 juillet 1975) contrôle
et réglemente le commerce international des spécimens d’espèces inscrites à ses
annexes. Toute importation, exportation, réexportation (exportation d’un spécimen
importé) ou introduction de spécimens des espèces couvertes par la Convention doit
être autorisée dans le cadre d’un système de permis. Même si cela n’est pas son
objectif principal, elle pourrait être adaptée de manière, dans le cadre de son activité
de contrôle, à contribuer à une surveillance coordonnée des espèces potentiellement
exotiques envahissantes. En effet, le trafic illégal d’espèces animales ou végétales
peut être la cause d’une d’invasion biologique.
La Convention sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune
sauvage (CMS), aussi appelée la Convention de Bonn (entrée en vigueur le
(1) Costello C. et McAusland C. (2003), « Protectionsim, trade and measures of damage from exotic
species introductions », American Journal of Agricultural Economics, vol. 85, p. 964-975, repris par
Gozlan E. et Thomas A. (2009), « Une espèce invasive, combien ça coûte ? », in Pour la science,
dossier n° 65, octobre-décembre, p. 102-107.
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Octobre 2011
- Chapitre 6 -
er
1 novembre 1983), a pour but d’assurer la conservation des espèces migratrices et
de leurs habitats par une protection stricte des espèces migratrices en danger
inscrites à l’Annexe I de la Convention, en concluant des Accords multilatéraux pour la
conservation et la gestion des espèces migratrices inscrites à l’Annexe II ; et en
entreprenant des activités de recherche, de surveillance coordonnées et d’échange de
renseignements entre les Parties. Plus précisément, la CMS prévoit en son article III
que : « Les Parties qui sont des États de l’aire de répartition d’une espèce migratrice
figurant à l’Annexe I s’efforcent […] c) lorsque cela est possible et approprié, de
prévenir, de réduire ou de contrôler les facteurs qui mettent en danger ou risquent de
mettre en danger davantage ladite espèce, notamment en contrôlant strictement
l’introduction d’espèces exotiques ou en surveillant ou éliminant celles qui ont déjà
été introduites ».
1
Les structures qui peuvent exercer des surveillances existent, mais semblent peu
adaptées face à l’ampleur des échanges commerciaux et manquer de moyens pour
réaliser les contrôles nécessaires.
Pour ce qui concerne les eaux de ballast, une convention internationale sur la gestion
des eaux de ballast et sédiments des navires devrait obliger les bateaux à traiter leurs
eaux avant le déballastage (à partir de 2011 vraisemblablement). La Convention
internationale pour le contrôle et la gestion des eaux de ballast des navires et
sédiments des navires a été proposée en 2004 par l’Organisation maritime internationale (OMI), concernant des procédures de renouvellement de ballast, et de
standardisation/approbation des équipements de traitement des ballasts. Son entrée
en vigueur était prévue après ratification par 30 États au moins, devant représenter
35 % du tonnage brut mondial. Or, six ans plus tard, début 2010, seuls 22 pays (qui
transportent 22,65 % du tonnage de fret mondial maritime) l’avaient ratifiée. La France
e
l’a ratifiée en 2008. Lors de sa 60 réunion du 22 au 27 mars 2010, l’OMI a voté une
résolution appelant les États à ratifier cette convention et à rapidement faire installer
des systèmes de gestion d’eau de lest pour tous les navires, conformément aux dates
d’application contenues dans la Convention (entre 2009 et 2016 suivant la taille et
l’âge du navire). Selon les termes de cette convention, les États parties s’engagent à
prévenir, atténuer et éliminer le transport d’organismes aquatiques nuisibles et
pathogènes par les navires grâce à un contrôle et à des mesures de gestion des eaux
de ballast et des sédiments. La convention prévoit deux règles contraignantes :
•
les navires auront, dans un premier temps, l’obligation de renouveler au moins
95 % des eaux de ballast en haute mer ;
•
les navires devront, dans un second temps, disposer d’un système de gestion des
eaux de ballast par traitement afin de pouvoir garantir le respect d’une teneur
maximale en micro-organismes vivants.
Les navires construits avant 2009 devront respecter la première règle jusqu’en 2014
ou 2016, en fonction du volume de leur ballast. À partir de ces dates, ils devront
satisfaire à la seconde. Les navires construits entre 2009 et 2012 devront satisfaire
immédiatement à la seconde règle, à l’exception de ceux dont le volume de ballast est
supérieur à 5 000 tonnes qui pourront ne l’appliquer qu’à partir de 2012. Tous les
navires construits à partir de 2012 devront satisfaire à la seconde règle dès leur
(1) En France, existe les Points d’introduction frontaliers (PIF) où les services vétérinaires, avec les
douanes, contrôlent et valident ou pas les introductions.
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Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
construction. Cela étant, la vidange des cuves après traitement constituera en tout
état de cause un apport de matière organique dans le milieu récepteur et, par suite,
cela ne saurait supprimer les risques d’invasion biologique.
En attendant les mises en œuvre effectives de ces mesures, les coûts externes induits
par les eaux de ballast sur la biodiversité ne sont pas internalisés.
Le transport aérien est aussi un vecteur d’introduction d’espèces exotiques envahissantes, lesquelles voyagent soit en cabine soit en soute et bénéficient de la rapidité du
voyage pour arriver « vivantes » à destination. Ce facteur est croissant avec le
développement des liaisons longue distance, depuis la dérégulation progressive du
secteur aérien (dans les années 1980) qui a fait chuter les prix du transport aérien et,
par suite, la démocratisation du transport longue distance de passagers et le recours
accru au fret aérien.
En outre, ces invasions biologiques sont facilitées et renforcées par le changement
climatique. Il permet la survie d’espèces trouvant des conditions climatiques moins
contrastées par rapport à leur milieu d’origine qu’auparavant. La chrysomèle
réapparaît aussi près des aéroports européens.
La faible prise en compte du sujet par les politiques communautaires
Le commerce est une compétence exclusive de la Communauté, et dès lors que
des marchandises sont mises sur le marché communautaire, elles peuvent circuler
librement. Les questions liées au commerce ne peuvent être réglées efficacement
qu’au niveau des frontières extérieures de la Communauté européenne. En raison du
marché unique, une espèce invasive introduite sur le territoire d’un État membre, en
tant que marchandise négociée ou véhiculée par une marchandise négociée, peut se
propager (commercialement) rapidement dans toute l’Union européenne. Seule une
politique communautaire pourrait permettre de lutter efficacement contre les espèces
exotiques envahissantes. Or, au sein de l’Union européenne :
•
il n’existe pas de mécanisme susceptible de favoriser l’harmonisation ou la
cohérence des approches suivies par les pays voisins ou par les pays d’une même
1
sous-région (hormis pour certaines activités ) ;
•
il n’y a aucune exigence formelle d’analyse des risques systématique en cas
d’introduction intentionnelle d’espèces non indigènes pouvant avoir un impact sur
la diversité biologique ;
(1) Le règlement (CE) n° 535/2008 de la Commission du 13 juin 2008 portant modalités d’application
du règlement (CE) n° 708/2007 du Conseil relatif à l’utilisation en aquaculture des espèces exotiques
et des espèces localement absentes prévoit que « Les États membres établissent et tiennent à jour
un système d’information contenant les données détaillées de toutes les demandes de permis
relatives à l’introduction d’espèces exotiques ou au transfert d’espèces localement absentes. Pour
chaque demande de permis, les États membres remplissent une fiche de renseignements contenant
les données prévues à l’annexe du présent règlement et conforme au modèle présenté dans cette
annexe ». La directive 2006/88/CE du Conseil du 24 octobre 2006 relative aux conditions de police
sanitaire applicables aux animaux et aux produits d’aquaculture, et relative à la prévention de
certaines maladies chez les animaux aquatiques et aux mesures de lutte contre ces maladies fixe
au niveau communautaire les règles de police sanitaire régissant ce secteur et prévoit des mesures
de traçabilité afin de favoriser la prévention des maladies animales et la lutte contre ces maladies.
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Octobre 2011
- Chapitre 6 -
•
les introductions accidentelles ou par négligence échappent encore dans une
large mesure à la réglementation, tant au niveau national qu’à l’échelle
communautaire ;
•
il n’existe pas de système unitaire permettant de surveiller et de contenir les
1
espèces exotiques envahissantes et leur incidence sur la biodiversité européenne .
Cette situation peut surprendre. En effet, la Commission européenne s’est faite le
héraut du principe d’intégration de l’environnement dans les politiques publiques,
depuis plusieurs décennies. En l’espèce, ce principe semble tarder à s’appliquer.
La stratégie européenne : une politique de lutte contre les espèces exotiques
envahissantes est en cours d’élaboration au niveau communautaire.
La Commission européenne a adopté le 3 décembre 2008, une communication
intitulée « Vers une stratégie de l’Union européenne relative aux espèces
envahissantes » (COM (2008)789 final) proposant plusieurs options de stratégie
communautaire, susceptible d’intégrer un dispositif réglementaire, en vue de favoriser
l’harmonisation et la cohérence de la lutte contre ces espèces et leurs impacts
négatifs. La législation communautaire existante couvre partiellement différents
aspects des espèces exotiques envahissantes et la Commission estime qu’il est
difficile d’en assurer la mise en œuvre coordonnée et de facto cohérente entre les
différents États membres. Aussi, quatre options stratégiques sont proposées par la
Commission pour lever cette difficulté :
•
A) Statu quo ;
•
B) Optimisation de l’utilisation des instruments juridiques existants couplée à des
mesures volontaires : la réalisation des évaluations des risques est proposée en
recourant aux procédures et aux institutions existantes, telle que l’agence
européenne de sécurité aérienne (AESA). Les États membres intégreraient de
manière spontanée les questions d’espèces exotiques envahissantes dans leur
procédure de contrôle aux frontières ;
•
B+) Adaptation de la législation existante : c’est une variante de l’option B qui
prévoit de surcroît une modification de la législation phytosanitaire et vétérinaire
existante pour couvrir un « éventail plus large d’organismes potentiellement
envahissants, et une extension de la liste des espèces constituant une menace
écologique dont l’importation et les mouvements intérieurs sont interdits par le
règlement CITES ». Cette approche comme l’option B ne nécessite pas de
nouveau texte législatif mais permet d’améliorer la sécurité juridique des éléments
existants et de combler quelques lacunes. Il faut considérer que cette vision forte
de l’interdiction efface la question de l’internalisation des risques pour le
commerce des espèces à risques. Il ne resterait que celui des activités
(1) Le règlement (CE) n° 708/2007 du Conseil du 11 juin 2007 relatif à l’utilisation en aquaculture des
espèces exotiques et des espèces localement absentes prévoit que les transferts d’espèces
exotiques et localement absentes sont soumis à un permis délivré par l’autorité nationale
compétente, éventuellement précédé d’une mesure de quarantaine, voire dans certains cas d’une
évaluation des risques environnementaux. Lorsque les incidences environnementales, potentielles
ou avérées, d’un transfert d’espèces sont susceptibles d’affecter des États membres voisins, ces
derniers doivent déférer la décision d’autorisation prise par la Commission au Conseil qui peut
arrêter une décision différente.
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Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
d’importation susceptibles de s’accompagner d’invasions (parasitaires par
exemple, cf. le bois) ;
•
C) Instrument juridique communautaire spécifique et complet : cet instrument doit
prévoir des procédures indépendantes d’évaluation et d’intervention tenant
compte de la législation existante. Une agence spécialisée pourrait être chargée
de la mise en œuvre des aspects techniques de cette nouvelle législation. Les
États membres et les régions ultrapériphériques (RUP) seraient tenus de procéder
à des contrôles aux frontières portant sur les espèces exotiques envahissantes et
d’échanger des informations au sujet de ces espèces. Des procédures obligatoires
de surveillance et de communication des informations et des mécanismes
efficaces de réaction rapide doivent être également envisagées.
C’est, du point de vue de la Commission, cette option qui paraît la plus efficace en
offrant une plus grande efficacité juridique et technique. Néanmoins, c’est la plus
coûteuse administrativement pour les États membres et en coûts directs pour les
opérateurs économiques. La Commission n’exclut pas a priori le panachage entre
options (en particulier entre les options B+ et C) ; en revanche, elle souligne qu’une
nouvelle approche réglementaire homogène serait de nature à simplifier l’exercice.
Le groupe de travail pourrait encourager la position de la France à soutenir l’option C.
Le Comité des régions, dans son avis sur « Un nouvel élan pour enrayer la diminution
e
de la biodiversité » (80 session plénière des 17 et 18 juin 2009 ; DEVE-IV-039) se
félicite que la Commission accorde une grande attention au problème des espèces
exotiques devenues invasives, qui constituent un danger grave pour la diversité
biologique locale. À cet égard, il réitère sa recommandation quant à l’urgence de la
prise en charge des espèces exotiques envahissantes (CdR 159/2006 fin) par une
stratégie volontaire et claire, impliquant les collectivités locales et régionales et estime
indispensable l’instauration d’une directive ad hoc, au regard de l’absence de
dispositions réglementaires adaptées à l’échelle européenne pour la maîtrise des
introductions d’espèces végétales et animales exotiques et de l’hétérogénéité des
dispositions et mesures nationales ce qui handicape fortement l’efficacité des
stratégies de lutte contre ces espèces. En outre, il recommande l’instauration urgente
de mesures de strict contrôle d’importations, au moins celles volontaires, d’espèces
non indigènes au territoire européen.
Les conclusions du Conseil de l’Union du 25 juin 2009 ont incité la Commission à
s’orienter vers une combinaison des options B+ et C.
La Commission souhaite désormais se doter d’une stratégie d’ici 2012. Pour cela elle
a lancé à l’automne 2010 trois groupes de travail, chacun en charge de traiter un
thème :
•
prévention ;
•
détection précoce et éradication rapide ;
•
gestion d’espèces installées et restauration d’écosystèmes.
La directive 85/337/CEE du Conseil du 27 juin 1985 concernant l’évaluation des
incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement ne prévoit pas au
titre du suivi des impacts environnementaux des projets, les risques de dissémination
d’espèces exotiques envahissantes (voir chapitre 3).
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Octobre 2011
- Chapitre 6 -
La directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004
sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la
réparation des dommages environnementaux, transposée par la loi n° 2008-757 du
er
1 août 2008 relative à la responsabilité environnementale et à diverses dispositions
d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de l’environnement ne semble
pas pouvoir s’appliquer au cas des activités entraînant l’introduction d’espèces
exotiques envahissantes. En effet, les activités professionnelles concernées par
l’introduction et la dissémination de ces espèces (jardineries, transports, etc...) ne sont
pas celles énumérées dans l’annexe III de la directive (industries à risque). Par suite,
c’est le second régime de responsabilité, c’est-à-dire le régime de responsabilité pour
faute qui devrait être mis en œuvre lorsqu’un dommage, ou une menace imminente de
dommage, est causé aux espèces et habitats naturels protégés par la législation
communautaire. Dans ce cas, la responsabilité du professionnel ne sera engagée que
si celui-ci a commis une faute ou s’est montré négligent. Appliquée aux espèces
exotiques envahissantes, cette responsabilité pourra être engagée en cas de non
respect de la réglementation sur les espèces exotiques envahissantes, telle que
l’introduction dans le milieu naturel d’une espèce interdite. En revanche cette
responsabilité semble plus difficile à établir pour les activités qui ont un effet diffus (tel
que le transport).
Un cadre réglementaire national insuffisant ?
Conditionnée par les règles communautaires du marché unique, la réglementation des
importations sur le territoire national se limite essentiellement aux mesures phytosanitaires et zoosanitaires, élaborées par la Commission européenne et mises en
œuvre par le ministère de l’Agriculture (articles L. 251-4, L. 251-6, L. 251-12, L. 25118, L. 251-20 du code rural). Les contrôles portent principalement sur l’absence de
ravageurs (sur plantes) et de maladies et sont appliqués conformément aux standards
phytosanitaires et zoosanitaires en vigueur. Les DOM, régions ultra-périphériques
européennes, sont concernés par ce cadre réglementaire. Ce n’est pas le cas des
autres territoires ultramarins. En matière aquacole, le règlement (CE) n° 708/2007 du
Conseil du 11 juin 2007 relatif à l’utilisation en aquaculture des espèces exotiques et
des espèces localement absentes prévoit que les transferts d’espèces exotiques sont
soumis à un permis délivré par l’autorité compétente, éventuellement précédé d’une
mesure de quarantaine, voire dans certains cas d’une évaluation des risques
environnementaux.
L’article L. 411-3 du code de l’environnement pose des règles générales relatives à
l’introduction d’espèces non indigènes dans les milieux naturels. Cet article dans sa
forme originelle (1995) comprenait un régime général d’interdiction d’introduction
d’espèces non indigènes dans le milieu naturel. En 2005, la loi sur le Développement
des territoires ruraux a élargi son champ d’application pour permettre l’interdiction du
commerce et du transport des espèces non indigènes et l’a également fait évoluer en
instaurant un système de listes d’espèces interdites d’introduction dans le milieu
1
naturel . Le décret d’application du 4 janvier 2007 prévoit la préparation d’arrêtés
interministériels fixant les listes des espèces dont (a) l’introduction dans le milieu
(1) Ce système de listes permet de couper court aux batailles d’experts pour statuer sur le caractère
indigène ou exogène de l’espèce, qui posaient problème à l’application du L. 411-3 du code de
l’environnement dans sa forme originelle.
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- 301 -
Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
naturel et (b) la commercialisation sont interdites. Concernant les espèces animales,
seul l’arrêté du 30 juillet 2010 interdisant sur le territoire métropolitain l’introduction
dans le milieu naturel de certaines espèces d’animaux vertébrés a été pris à ce jour.
En ce qui concerne les espèces végétales, un arrêté complet est en cours de
rédaction et dans l’attente, l’arrêté du 2 mai 2007 interdisant la commercialisation,
l’utilisation et l’introduction dans le milieu naturel de Ludwigia grandiflora et Ludwigia
peploides l’interdiction de l’introduction d’espèces végétales est applicable.
Un arrêté du 30 juillet 2010 modifiant l’arrêté du 10 août 2004 fixant les conditions
d’autorisation de détention d’animaux de certaines espèces non domestiques dans
les établissements d’élevage, de vente, de location, de transit ou de présentation au
public d’animaux d’espèces non domestiques et l’arrêté du 10 août 2004 fixant les
règles générales de fonctionnement des installations d’élevage d’agrément d’animaux
d’espèces non domestiques est également venu compléter les dispositions en matière
de faune sauvage captive permettant de définir des conditions à la détention et à la
vente de certaines espèces de vertébrés.
En outre, l’article L. 432-10 du code de l’environnement interdit l’introduction dans les
eaux concernées d’espèces susceptibles de provoquer des déséquilibres biologiques
dont la liste est fixée par décret.
Au final, il s’agit de réglementations sectorielles qui ne résultent pas d’une approche
globale :
•
les transferts de cheptels conchylicoles sont basés sur le volet sanitaire et
zoosanitaire ;
•
le seul volet sanitaire (seuils pour limiter les transferts et la commercialisation) ne
permet pas de limiter le transfert de souches exotiques ou toxiques (e.g., phyto.
toxiques).
Cette transversalité fait défaut.
La stratégie nationale : sans attendre l’évolution du cadre européen, une stratégie
nationale de lutte contre les espèces exotiques envahissantes ayant un impact négatif
sur la biodiversité est mise en œuvre conformément à l’article 23 de la loi n° 2009-967
du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de
l’environnement.
Celle-ci comprend notamment :
•
la constitution d’un réseau de surveillance, permettant d’agir dès la détection de
l’arrivée d’une nouvelle espèce ou de l’expansion de l’aire de présence d’une
espèce déjà installée ;
•
le renforcement des moyens de prévention de l’introduction d’espèces exotiques
envahissantes en élargissant la liste actuelle des espèces de jussies actuellement
réglementées en application de l’article L. 411-3 du code de l’environnement à
d’autres espèces exotiques envahissantes. Cette liste en cours de préparation doit
faire l’objet d’une analyse des risques précise sur l’ensemble du territoire national,
basée sur des évaluations scientifiques ;
•
la mise en place de plans nationaux de lutte contre les espèces exotiques
envahissantes qui sont à la fois présentes sur le territoire et les plus préoccupantes. Ces espèces sont identifiées sur la base d’un travail de hiérarchisation
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Octobre 2011
- Chapitre 6 -
des espèces concernées en fonction de l’intérêt à agir. La rédaction de deux plans
nationaux d’actions a été lancée en 2009 et cela doit se poursuivre en 2010 par la
rédaction de quatre nouveaux plans d’action ;
•
un volet communication qui doit également permettre de sensibiliser le public à
propos des bons gestes à adopter et des conséquences écologiques de certains
de ses actes.
Des dispositions particulières sont applicables aux territoires d’outre-mer (milieux
insulaires, fort taux d’endémisme des espèces, etc.).
Pour la mise en œuvre de cette stratégie, le ministère chargé de l’environnement s’est
entouré d’un réseau d’experts (Muséum national d’histoire naturelle, Fédération
nationale des conservatoires botaniques nationaux, Office national de la chasse et de la
faune sauvage, etc.).
3 Une tentative de quantification des impacts pour les cas
les mieux connus
Impacts socioéconomiques
Les impacts économiques incluent :
•
les effets préjudiciables des EEE sur les rendements agricoles et piscicoles (pertes
de cultures, maladies du bétail... par exemple le bonamia sur l’huître plate) ;
•
le coût de restauration des infrastructures (dommages aux canalisations, aux
installations électriques) ;
•
l’augmentation du coût du contrôle (des adventices, des prédateurs…) ;
•
le coût de la restauration des milieux naturels ;
•
les effets des pathogènes introduits sur les espèces sauvages et les impacts sur la
santé des hommes ;
•
plus difficiles à estimer, les impacts sur les services rendus par les écosystèmes ;
•
des coûts additionnels importants peuvent inclure une modification de l’usage de
certains habitats envahis et une baisse d’opportunité de valorisation directe
(industrie pharmaceutique, par exemple) ou indirecte des ressources. Par
exemple, le tourisme sur les Grands Lacs américains (10 milliards de dollars de
chiffre d’affaires, deux cent cinquante mille emplois) est menacé par la
prolifération des espèces nuisibles introduites (moules zébrées, septicémie
hémorragique virale, carpe asiatique bientôt), sans parler du secteur de la pêche
professionnelle.
Le ragondin originaire d’Amérique du Sud (Myocastor coypu) illustre parfaitement
comment une seule espèce exotique peut avoir des impacts multiples : dommages
aux cultures ; réduction, par consommation de la végétation aquatique, de la surface
de roselières utilisées par diverses oiseaux aquatiques pour les besoins de leur
reproduction, et par des poissons d’eau douce comme frayères ; dégradation des
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Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
berges des cours d’eau, accélération du colmatage du lit des rivières et perturbation
1
du régime hydraulique .
Les coûts et bénéfices dépendent fortement des caractères des écosystèmes
considérés. Ainsi, la moule zébrée présente un coût élevé actuellement car elle envahit
les canalisations des villes situées aux bords des Grands Lacs américains ainsi que
les infrastructures portuaires et accroît l’entretien des bateaux en Irlande. Néanmoins,
elle a aussi la vertu d’ôter partiellement les excès de phosphates dans les Grands
Lacs, problème écologique majeur. Cet avantage n’a pas été chiffré, mais il pourrait
2
dépasser les coûts précédents .
Un autre exemple est celui de l’introduction de l’huître creuse (Crassostrea gigas) au
début des années 1970 pour remplacer Crassostrea angulata qui avait disparu. Le cas
de Crassotrea gigas est intéressant puisque son introduction a été économiquement
bénéfique à la filière conchylicole, mais en devenant une espèce invasive elle a généré
des coûts sociaux importants qu’il est difficile d’évaluer (risque d’accident pour les
plaisanciers, compétition avec les autres espèces exploitées par la conchyliculture,
nettoyage des ports et des plages).
Enfin, la prolifération des algues macrophytes (« marées vertes »), qui sont le fruit de
facteurs humains et naturels, a engendré un coût de 10 millions d’euros entre 2002 et
2006 selon le Centre d’étude et de valorisation des algues.
Dans une politique de non éradication, il s’agirait alors de chiffrer l’ensemble des
avantages et inconvénients liés à l’implantation des espèces exotiques.
En effet, ces espèces exotiques envahissantes sont également parfois à l’origine de
bénéfices dans la mesure où beaucoup d’EEE introduites au cours des siècles passés
l’ont été volontairement pour des usages agricoles, aquacoles (la quasi-totalité de
l’aquaculture est basée sur des espèces exotiques, hormis moules et bars), horticoles
ou récréatifs et continuent de générer parfois des bénéfices importants. À cet égard,
certaines espèces envahissantes peuvent être considérées comme ayant un impact
positif par certaines catégories d’usagers. Tel est le cas du goyavier de la Réunion
dont l’extension de La culture, souhaitée par certains et aidée par les subventions
européennes, accroîtra inévitablement son invasion dans les milieux naturels, ou
encore de l’introduction de la palourde japonaise (Ruditapes philippinarum) pour
l’aquaculture, qui est devenue invasive mais ne semble pas avoir généré de coût
économique négatif pour l’instant. En effet, cet impact positif ne peut être que
temporaire et devenir potentiellement négatif si ces espèces sont hors de
contrôle (avec des coûts induits).
Autre exemple, considérant que l’invasion des écrevisses introduites en métropole
dont l’écrevisse américaine Orconectes limosus, l’écrevisse du Pacifique Pacifastacus
leniusculus et l’écrevisse rouge de Louisiane Procambarus clarkii, était inéluctable, le
législateur a autorisé le transport vivant de ces espèces afin qu’elles puissent être
(1) Bertolino S. et Genovesi P. (2007), « Aquatic alien mammals introduced into Italy : impacts and
control strategies », in Gherardi F. (ed.), Biological invaders in inland waters: Profiles, distribution
and threats, Springer.
(2) À condition de prendre également en compte la réduction des populations d’oiseaux sur les
sources de nourriture (benthos/clams) dans les Grands Lacs dans l’évaluation de la perte de
biodiversité.
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Octobre 2011
- Chapitre 6 -
commercialement exploitées (loi sur l’eau et les milieux aquatiques de 2006). Le
bénéfice de cette mesure reste à démontrer autant d’un point de vue économique
qu’écologique. À noter que l’arrêté du 21 juillet 1983 relatif à la protection des
écrevisses indigènes et interdisant l’importation à l’état vivant de l’écrevisse de
Louisiane n’a pas été abrogé, ce qui crée un flou juridique concernant cette espèce.
Enfin, on peut mentionner la perspective de commercialisation de la crépidule,
mollusque gastéropode ayant envahi les parcs à huîtres, à des fins agroalimentaires.
Les impacts économiques des espèces exotiques envahissantes ont ainsi été évalués :
En 1993, une première estimation des dommages causés aux États-Unis par
79 espèces exotiques envahissantes faisait état de 97 milliards de dollars de perte en
85 ans. Une étude ultérieure en 2003, prenant en compte dix fois plus d’espèces,
parvenait à une valeur de 137 milliards de dollars par an. Pour le bassin des Grands
Lacs nord-américains, Pimentel a évalué les pertes économiques et environnementales à environ 5,7 milliards de dollars par an (Pimentel, 2005) et à l’échelle des
États-Unis, un montant annuel total de perte s’élevant à 120 milliards de dollars
(Pimentel et al., 2005).
En Europe, une première estimation a permis de situer leurs coûts annuels entre 9,6 et
1
12,7 milliards d’euros par an . Cela étant cette évaluation est considérée comme
sous-estimée, car ces chiffres sont basés sur le cumul des dépenses actuelles des
interventions de gestion des espèces exotiques envahissantes et des coûts des
impacts économiques de ces espèces mais les évaluations économiques disponibles
dans ce domaine ne concernent qu’une partie des États membres. Les coûts réels
seront donc probablement beaucoup plus élevés.
En France, plusieurs estimations sont toutefois disponibles. Par exemple :
•
l’impact économique de la prolifération de la crépidule en rade de Brest sur la
production de coquille Saint-Jacques a été évalué à 28 millions d’euros, résultant
pour l’essentiel de la réduction des surfaces exploitables, alors que la valeur totale
de la pêcherie, abstraction faite du processus invasif, était estimé à 30 millions
d’euros, ce qui revient à une valeur de la pêcherie équivalente à 2 millions d’euros.
Pour lutter contre les conséquences négatives de la prolifération de crépidules
pour la pêche coquillière en rade de Brest, un programme a été élaboré en 2001
combinant une opération d’enlèvement des crépidules avec un ensemencement
des zones draguées avec des juvéniles de coquilles Saint-Jacques. Une évaluation
économique du projet a fait apparaître un rendement social positif. Cette
modélisation reste cependant sommaire car les hypothèses de calcul n’ont pu
prendre en compte toute la complexité du système considéré et les aléas
environnementaux. Ce projet d’élimination de la crépidule est toutefois contesté
pour la rade de Brest ;
•
en matière conchylicole, le Bonamia sur l’huître plate a causé des pertes importantes globalement estimées à 1,6 milliard de francs en 1984 en chiffre d’affaires
et 1,3 milliard de francs en valeur ajoutée (ce qui est très supérieur à des
(1) Kettunen et al. (2008), Technical support to EU strategy on invasive species (IS) – Assessment of
the impacts of IS in Europe and the EU, Final Module Report for the European Commission,
Bruxelles, Institute for European Environmental Policy (IEEP), 40 p. + Annexes.
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- 305 -
Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
catastrophes comme l’Amoco Cadiz – cf. note de Meuriot et Grizel, 1984). Ces
dommages sont à cumuler dans le temps (la situation n’a pas pu revenir à la
normale trente ans après) et également d’un point de vue spatial car quasiment
toutes les productions européennes d’huîtres plates sont maintenant affectées et
effondrées ;
•
à la Réunion, l’éradication d’un hectare de longose (Hedychium gardnerianum) a
été estimée à environ 24 000 euros. Les politiques basées sur des contrôles
biologiques permettent de réduire les coûts de l’éradication de façon parfois
importante. Tel est le cas pour l’Afrique du Sud dans le cadre de son programme
de lutte contre les invasions biologique qui a eu recours, jusqu’au début des
années 2000, à deux types de lutte : 1) le contrôle biologique comme substitut
1
efficace aux moyens biochimiques (herbicides) , et 2) l’éradication mécanique, très
intensive en main-d’œuvre. Ce dispositif a permis à un nombre important de
demandeurs d’emploi dans les zones rurales défavorisées de travailler à
l’éradication dans des régions proches de leur domicile. Les retombées ont été
apparemment importantes sur les économies locales (développement du
commerce de détail et de la sous-traitance), et ont agi comme une véritable
redistribution, des catégories aisées de la population vers les plus défavorisées.
En effet, les fonds collectés pour financer ce programme appelé « Working for
Water » ont en réalité servi à d’autres programmes sociaux et éducatifs. La
motivation d’une telle diversion repose sur l’idée du double dividende inversé : les
fonds destinés aux programmes sociaux peuvent être utilisés pour fournir du
travail aux demandeurs d’emploi dans le domaine de la restauration de
2
l’environnement ;
•
en Nouvelle-Calédonie, la fourmi électrique (Wasmannia auropunctata) affecte un
grand nombre de secteurs économiques (maraîchage, production fruitière,
élevage, etc.) en occasionnant des dommages aux plantes et aux fruits en raison
de son association avec des cochenilles ou des pucerons, ou en gênant la
conduite des récoltes à cause des piqûres.
Une étude récente a permis de commencer à estimer les impacts des espèces
exotiques envahissantes sur les différents services rendus par les écosystèmes en
3
Europe . Sur les 11 000 espèces exotiques envahissantes cataloguées par l’étude
DAISIE (Delivering alien invasive species inventories for Europe), 11 % ont un impact
écologique et 13 % un impact économique. Au total 15 % des espèces exotiques
envahissantes sont néfastes. L’oie du Canada, la moule zébrée, le cerf Sika, l’omble
de fontaine et l’écrevisse de Louisiane sont parmi ceux qui nuisent le plus aux services
rendus par les écosystèmes (régulation, approvisionnement, culturel…). Les records en
coûts économiques annuels sont détenus par une algue (Chrysochromulina polylepis)
unicellulaire toxique en Norvège, (8,2 millions d’euros), par la jacinthe d’eau en
Espagne (3,4 millions d’euros) et par le ragondin en Italie (2,8 millions d’euros).
(1) Attention, l’efficacité de la lutte biologique n’est pas toujours avérée. Il convient de rester prudent
quant aux conséquences, en termes d’invasions biologiques, de cette lutte biologique (exemple de
la vigne marronne à la Réunion).
(2) Thomas A., Gozlan E. et Loope L. (2006), Les espèces envahissantes dans l’archipel néocalédonien – Question 5, © IRD.
(3) Vilà et al. (2010), How well do we understand the impacts of alien species on ecosystem
services? A pan-European cross-taxa assessment. Frontiers in Ecology and the Environment, 8(3),
p. 135-144.
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Octobre 2011
- Chapitre 6 -
Espèces exotiques envahissantes
ayant généré les coûts les plus importants en Europe
Espèces
Pays
Mesures
Objectif
de financement
Période
Coût
(M€/an)
Carpobrotus spp
Plante terrestre
Espagne
Localité
Contrôle/éradication
2002-2007
0.58
Anoplophora chinensis
Invertébré terrestre
Italie
Pays
Contrôle
2004-2008
0.53
Cervus nippon
Vertébré terrestre
Écosse
Localité
Contrôle
Myocastor coypus
Vertébré terrestre
Italie
Localité
Contrôle/dommages
1995-2000
2.85
Sciurus carolinensis
Vertébré terrestre
GB
Pays
Contrôle
1994-1995
0.46
Azolla filiculoides
Plante d’eau douce
Espagne
Aire protégée
Contrôle/éradication
2003
1.00
2005-2007
3.35
2007-2010
0.75
Eichhornia crassipes
Plante d’eau douce
Espagne
Bassin
Contrôle/éradication
hydrographique
Oxyura jamaicensis
Vertébré d’eau
douce
GB
Oays
Chrysochromulina polylepis
Algue marine
Norvège
Pays
Floraison toxique
littoral
Dommages aux
infrastructures
Rhopilema nomadica
Invertébré marin
Israël
Eradication
0.82
8.18
2001
0.04
Source : Vilà et al. (2010). How well do we understand the impacts of alien species on ecosystem services?
A pan-European cross-taxa assessment, Frontiers in Ecology and the Environment, 8(3), p. 135-144
Il ressort de cette étude qu’en Europe, la plupart des dépenses générées par ces
espèces exotiques envahissantes relèvent des coûts de gestion, incluant l’éradication,
de contrôle, de surveillance, et des programmes d’éducation environnementale visant
des zones naturelles emblématiques bénéficiant de financement spécifiques. Par
exemple, sur les 100 programmes LIFE destinés à éradiquer des espèces exotiques
envahissantes, les dépenses totalisent plus de 27 millions d’euros. Par extrapolation à
partir des ventes d’herbicides, Williamson (2002) a estimé que le coût de la lutte
chimique pour 30 espèces exotiques envahissantes au Royaume-Uni pourrait être
supérieure à 150 millions d’euros par an.
Les coûts de la prévention sont certainement inférieurs aux coûts d’éradication et de
gestion lorsque les espèces sont implantées ainsi qu’aux coûts de restauration.
Les coûts engendrés par les espèces envahissantes et leur contrôle sont sans
conteste élevés mais la perception de qui les supporte réellement reste souvent
diffuse :
•
les coûts environnementaux et les coûts de restauration sont supportés par la
société, mais plus spécifiquement par les communautés locales ainsi que par un
certain nombre de fréquentations des écosystèmes concernés ;
•
les dommages aux cultures et les maladies du bétail sont supportés directement
par les agriculteurs, qui en général paient également des traitements sanitaires et
phytosanitaires nécessaires ;
•
le partage des coûts des mesures préventives (inspections et quarantaines) varie
d’un pays à l’autre. Aux États-Unis, sur un budget de 590 millions de dollars
consacré en 2000 à ces mesures, 141 millions provenaient de taxes prélevées sur
les usagers (importateurs, transporteurs, affréteurs et voyageurs), et le reste,
provenant de fonds publics votés par le Congrès, était donc à la charge du
contribuable (Mumford, 2002). Une évaluation récente du système d’inspection
français par l’Union européenne souligne qu’aucune charge n’est prélevée auprès
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Octobre 2011
Les aides publiques dommageables à la biodiversité
des usagers pour l’analyse phytosanitaire des échantillons dans les ports et les
aéroports ;
•
le coût des « effets de marché » des réglementations (normes sanitaires, quarantaine, etc.) est plus difficile à établir. En première approche, les producteurs
étrangers supportent le coût de mise en conformité avec les normes d’importation
locales : Mumford (2002) estime, par exemple, que la réglementation imposant le
traitement souvent obligatoire des palettes en bois (par la chaleur ou par du
méthylbromide) coûte entre 3 et 27 dollars par palette, et leur remplacement par
des palettes en plastique est encore plus coûteux (60 dollars pour une palette en
plastique contre 9 pour celle en bois). Mais une partie de ces coûts est
probablement reportée sur les prix, de sorte que le surplus des consommateurs
domestiques est également réduit. Quant aux mesures de quarantaine, elles sont
clairement bénéfiques aux producteurs domestiques, préservés de la concurrence
d’importations étrangères, tandis que les consommateurs domestiques supportent
1
le coût de ces prix plus élevés sur le marché domestique . Cette préférence de fait
pour les productions locales est donc en premier niveau un frein aux invasions
liées aux importations. Néanmoins, pour les produits industriels, il s’avère que les
risques d’importations d’espèces exotiques envahissantes diminuent avec le
degré d’élaboration industrielle des produits importés. Donc si les productions
domestiques favorisées accroissent les importations de matières premières
risquées, le mécanisme pourrait être contreproductif, d’autant que souvent le taux
de TVA ou de droits de douane augmente avec le degré d’élaboration des produits
importés.
(1) Thomas A., Gozlan E. et Loope L. (2006), op. cit.
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Annexes
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Annexe 1
Lettre de saisine
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Annexe 2
Liste des membres
Président
Guillaume Sainteny, maître de conférence à l’École polytechnique.
Vice-président
Jean-Michel Salles, directeur de recherche, CNRS, UMR 5474 LAMETA, Montpellier
Rapporteurs
Géraldine Ducos, chargée de mission, Département Développement durable, Centre
d’analyse stratégique
Vincent Marcus, chef du bureau Fiscalité, CGDD/SEED, ministère de l’Écologie, du
Développement durable, des Transports et du Logement
assisté de Peggy Duboucher, chargée de mission, bureau Fiscalité, CGDD/SEED,
ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement ;
Avec le concours d’Erwann Paul, Département Développement Durable, Centre
d’analyse stratégique.
Coordinateurs
Dominique Auverlot, chef du Département Développement Durable, Centre d’analyse
stratégique
Jean-Luc Pujol, Mission d’anticipation Recherche/Société & Développement durable,
INRA
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Membres
Christophe Aubel, directeur de la Ligue Roc
Michel Badré, président de l’Autorité environnementale, Conseil général de
l’Environnement et du Développement durable (CGEDD), ministère de l’Écologie, du
Développement durable, des Transports et du Logement
Sylvain Bellion, responsable Département Ville Urbanisme Habitat, Association des
Maires de France
Gilles Benest, France Nature Environnement (FNE)
Christian Béranger, directeur Environnement et Foncier, Cemex France, président de
la commission environnement de l’UNICEM (Union nationale des industries de
carrières et matériaux de Construction)
Olivier Bommelaer, chef de bureau, CGDD/SEEI/ERNR2, ministère de l’Écologie, du
Développement durable, des Transports et du Logement
Jean-Pierre Bompard, secrétaire confédéral, délégué à l’énergie, à l’environnement
et au développement durable, CFDT
Xavier Bonnet, sous-directeur Politiques sectorielles, Direction générale du Trésor,
ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie ; assisté de : Timothée Ollivier
et Anita Drouet de la Direction générale du Trésor
1
Louis Cayeux , sous-directeur, FNSEA
Christophe Chassande, adjoint à la sous-directrice de la biomasse et de
l’environnement, Service de la stratégie agroalimentaire et de l’environnement,
Direction générale des politiques agricole, agroalimentaire et des territoires, ministère
de l’Agriculture, de l’Alimentation, de la Pêche, de la Ruralité et de l’Aménagement du
territoire
Guillaume Cortot, coordinateur du Pôle eau & milieux aquatiques, FNE
Denis Couvet, professeur au Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) et à l’École
polytechnique, correspondant à l’Académie d’agriculture de France
Aurélien Daubaire, chef du bureau Environnement-Agriculture, Direction générale du
Trésor, ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie
Valérie David, directeur Développement Durable, Eiffage
(1) La FNSEA a souhaité ne plus participer aux réflexions de la mission à partir du mois de mai 2011
en raison de leurs divergences de vue avec les travaux menés dans le Groupe.
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- Liste des membres -
Paul Delduc, sous-directeur de la protection et de la valorisation des espèces et de
leurs milieux, Direction de l’eau et de la biodiversité, Direction générale de
l’aménagement, du logement et de la nature, ministère de l’Écologie, du
Développement durable, des Transports et du Logement
Benjamin Eloire, chargé d’études, ADF
Stéphane Gozlan, chef de cabinet du président de la région Languedoc-Roussillon,
Association des Régions de France
Hervé Guyomard, directeur scientifique, INRA Rennes
Philippe Herscu, chef de service, Assemblée des Départements de France
Bernard Labat, chargé de mission, Ligue Roc
Kirstell Labous, chargée de mission Eau et biodiversité, FNSEA
Eric Lainé, FNSEA
Patrice Lallement, chef du bureau Fiscalité et aménagement durable, Sous-direction
de l’aménagement durable, Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages
(DHUP), Direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN),
ministère de l’Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement
Christiane Lambert, vice-présidente, FNSEA
Philippe Le Goffe, professeur d’économie de l’environnement, INRA Rennes
Maud Lelievre, déléguée générale de l’association Éco Maires
Elen Lemaitre-Curri, chef du Bureau des biens publics globaux, ministère de
l’Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement
Harold Levrel, économiste, Département économie maritime, Ifremer
Claude Napoléone, ingénieur de recherche, Unité écodéveloppement, INRA PACA
Gilles Pipien, membre du Comité d’experts de la Ligue Roc, Préservation de la faune
sauvage
Marie Pittet, magistrate à la Cour des comptes, conseiller maître à la Cour des
comptes
Eugénia Pommaret, chef du Service environnement, FNSEA
Jean-Baptiste Poncelet, chargé de mission transport et mobilité durables, FNE
Gwénola Stephan, chargée de mission Développement durable, Association des
Maires de France
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Marie-Agnès Vibert, adjointe au sous-directeur biomasse et environnement,
MAAPRAT-DGPAAT-SDBE
Lionel Vilain, conseiller technique, FNE
Michel Yahiel, délégué général, Association des Régions de France
Intervenants externes au groupe de travail
Nils Axel Braathen, administrateur principal, Direction de l’environnement, OCDE
Pascaline Cousin, adjointe au chef de service Loire, Bassin Loire-Bretagne, DREAL
Centre (anciennement SETRA)
Henri Havard, sous-Directeur, DGDDI/Sous-direction droits indirects
Christina Hürzeler et Ueli Balmer, collaborateurs scientifiques au département
fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication,
Suisse
Laurent Levrad, directeur Études et supports, Lyonnaise des Eaux
Sébastien Loubier, Cemagref
Robin Miège, chef de l’unité Instruments économiques et environnement,
DG Environnement, Commission européenne
Aude Neuville, membre de l’unité Biodiversité, DG Environnement, Commission
européenne
Dominique Richard, directrice-adjointe, Centre thématique européen sur la diversité
biologique
Frédéric Tiberghien, président de la Section du rapport et des études du Conseil
d’État
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Octobre 2011
Annexe 3
Personnes auditionnées
Délégation générale à l’Outre-mer (ministère de l’Intérieur, de l’Outre-mer
et des Collectivités territoriales)
Vincent Bouvier, préfet, directeur, délégué général à l’Outre-mer
Marc Del Grande, chef du Service des politiques publiques
Jean-Bernard Nilam, chef du Département de la vie économique, de l’emploi et de la
formation
Coralie Noël, chef du Département écologie, logement, développement et aménagement
durables
Patrick Plumain, Département écologie, logement, développement et aménagement
durables
Ministère de l’Écologie, du Développement durable, des Transports
et du Logement
Anne-Laure Barberousse, chargée de mission « Parlement européen et LIFE+ »,
bureau de l’Environnement et des Risques, Sous-direction de la régulation
européenne, Direction des affaires européennes et internationales, ministère de
l’Écologie, de l’Énergie, du Développement durable et de la Mer
Jean-Pierre Dutruge, délégué général d’Enviropea, mission d’assistance aux porteurs
de projet LIFE Environnement français du ministère de l’Écologie, de l’Énergie, du
Développement durable et de la Mer
Béatrice Lecomte, chef de service, ministère de l’Écologie, de l’Énergie, du
Développement durable et de la Mer
Julien Legros, chargé de mission Nature et biodiversité, ministère de l’Écologie, de
l’Énergie, du Développement durable et de la Mer
Timothée Monsaingeon, chargé de mission au Bureau des agences et des offices de
l’eau, DGALN, DEB, ministère de l’Écologie, du Développement Durable, des
Transports et du Logement
Jean-Pierre Rideau, adjoint au sous-directeur, DGALN/DEB
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Les aides publiques dommageables à la biodiversité
Ministère des Affaires étrangères et européennes
François Gave, sous-directeur de l’Environnement et des ressources naturelles
Marcel Jouve, chargé de mission, pôle Biodiversité et forêt, GM/BPM/NAP
Philippe Thiébaud, directeur, Direction générale de la mondialisation, du développement
et des partenariats
Direction du Budget (ministère des Finances)
Hervé Bec, chef du bureau des Affaires étrangères et de l’aide au développement
e
Denis Charissoux, sous-directeur, 7 Sous-direction
Marion Dewagenaere, cabinet du ministre du Budget, des Comptes publics et de la
Réforme de l’État
Nicolas Ragache, cabinet du ministre du Budget, des Comptes publics et de la
Réforme de l’État
Direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI, ministère
des Finances)
Henri Havard, sous-directeur des droits indirects
Isabelle Peroz, administrative civile, bureau Fiscalité de l’énergie, de l’environnement
et Lois de finances
Collectivités locales
Bretel Anem, délégué général de l’Association nationale des Élus de la montagne
Jérôme Bignon, président de l’Association Rivages de France
Philippe Girardin, président du Parc naturel régional des Ballons des Vosges
Philippe Laurent, président de la Commission finances de l’AMF
Thierry Mougey, chargé de mission Biodiversité et gestion des espaces, Fédération
des Parcs naturels régionaux de France
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Octobre 2011
Annexe 4
Sigles et acronymes
TVS
AASQA
ACE
ACV
AEE
AEI
AFD
AMP
APD
ASA
ASTEE
BBC
BCAE
CAS
CDB
CET
CFC
CFE
CGAER
CGCT
CGDD
CGEDD
CGI
CGPPP
CIADT
CJCE
CLC
CNPN
COFP
COS
COVNM
CRE
CTE
CVAE
DAFN
DCE
DCTP
DGE
Taxe sur les véhicules de société
Associations agréées de surveillance de la qualité de l’air
Aide aux cultures énergétiques
Analyse de cycle de vie
Agence européenne de l’environnement
Agence internationale de l’énergie
Agence française de développement
Aires marines protégées
Aide publique au développement
Association syndicale autorisée
Association scientifique et technique pour l’eau et l’environnement
Bâtiment basse consommation
Bonnes conditions agricoles et environnementales
Changement d’affectation des sols
Convention sur la biodiversité
Cotisation économique territoriale
ChloroFluoroCarbones
Contribution Cotisation foncière des entreprises
Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux
Code général des collectivités territoriales
Commissariat général au développement durable
Conseil général de l’environnement et du développement durable
Code général des impôts
Code général de la propriété des personnes publiques
Comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire
Cour de Justice des Communautés européennes
Corine Land Cover
Conseil national de la protection de la nature
Coût d’opportunité des fonds publics
Coefficient d’occupation des sols
Composés organiques volatils non méthaniques
Commission de régulation de l’énergie
Contribution économique territoriale
Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises
Droit annuel de francisation et de navigation
Directive-cadre sur l’eau
Dotation de compensation de la taxe professionnelle
Dotation globale d’équipement
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Les aides publiques dommageables à la biodiversité
DGF
DPSIR
DPT
DPU
DREAL
DSR
EEE
EPCI
FAO
FDC
FEADER
FEM
FEP
FFEM
FNE
FRB
GES
HAP
HCB
ICPE
IFN
IGD
IGF
IREP
LEMA
LGV
LMA
Lois NRE
LOLF
LPO
MAE
MEA
NAC
NOx
OCDE
OGM
OMC
OMI
ONCFS
ONEMA
ONF
OPIE
PAC
PAE
Dotation globale de fonctionnement
Modèle « Driver-Pressure-State-Impact-Response »
Document de politique transversale
Droit à paiement unique
Directions régionales de l’environnement, de l’aménagement
et du logement
Dotation de solidarité rurale
Espèces exotiques envahissantes
Établissements publics de coopération intercommunale
Food and Agriculture Organisation of the United Nations
Fédérations départementales de chasseurss
Fonds européen agricole pour le développement rural
Fonds pour l’environnement mondial
Fonds européen de la pêche
Fonds français pour l’environnement mondial
France Nature Environnement
Fondation pour la recherche sur la biodiversité
Gaz à effet de serre
Hydrocarbure aromatique polycyclique
Hexachlorobenzène
Installation classée pour la protection de l’environnement
Inventaire forestier national
Indicateur de gestion durable
Inspection générale des Finances
Registre français des émissions polluantes
Loi sur l’eau et les milieux aquatiques
Ligne à grande vitesse
Loi de modernisation de l’agriculture
Lois relatives aux nouvelles régulations économiques
Loi organique relative aux lois de finances
Ligue pour la protection des oiseaux
Mesure agro-environnementale
Millennium Ecosystem Assessment
Nouveaux animaux de compagnie
Oxydes d’azote (NOx = NO + NO2)
Organisation de coopération et de développement économiques
Organisme génétiquement modifié
Organisation mondiale du commerce
Organisation maritime internationale
Office national de la chasse et de la faune sauvage
Office national de l’eau et des milieux aquatiques
Office national des forêts
Office pour l’information éco-entomologique
Politique agricole commune
Programme d’aménagement d’ensemble
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- Sigles et acronymes -
PAS
PCP
PDRH
PED
PIB
PLF
PLU
PM1,0
PM10
PM2,5
PMTVA
PNR
PNUE
POP
PPTE
PSE
PSLA
PTS
PTZ
PVI
QIT
RFF
RGPP
RPLP
RTM
SAU
SCOT
SEM
SETRA
SFEPM
SGP
SIH
SNB
SNIT
SOeS
SPEA
SRCE
STH
STOC
TA
TAAF
TASCOM
TCSP
Prêt à l’accession sociale
Politique commune de la pêche
Plan de développement rural hexagonal
Pays en développement
Produit intérieur brut
Projet de loi de finances
Plan local d’urbanisme
Particules fines inférieures à 1,0 µm
Particules fines inférieures à 10 µm
Particules fines inférieures à 2,5 µm
Prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes
Parc naturel régional
Programme des Nations unies pour l’environnement
Polluant organique persistant
Pays pauvre très endettés
Paiement pour services environnementaux
Prêt social de location-accession
Particules totales en suspension
Prêt à taux zéro
Plus-value immobilière
Quota individuel transférable
Réseau ferré de France
Révision générale des politiques publiques
Redevance poids lourds liée aux prestations
Restauration des terrains en montagne
Surface agricole utile
Schéma de cohérence territoriale
Société d’économie mixte
Service d’études sur les transports, les routes et les aménagements
Société française pour l’étude et la protection des mammifères
Société du Grand Paris
Système d’informations halieutiques
Stratégie nationale pour la biodiversité
Schéma national des infrastructures de transport
Service de l’observation et des statistiques (ministère
du Développement durable)
Service public de l’eau et de l’assainissement
Schéma régional de cohérence écologique
Surface toujours en herbe
Suivi temporel des oiseaux communs
Taxe d’aménagement
Terres australes et antarctiques françaises
Taxe sur les surfaces commerciales
Transport en commun en site propre
Centre d’analyse stratégique
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Les aides publiques dommageables à la biodiversité
TDCAUE
TDENS
TEEB
TFBN
TFNB
TFTC
TGAP
TGV
THLV
TIC
TICGN
TLB
TLE
TLV
TVA
TVB
TVI
TVS
UE
UICN
UTA
UTH
UVP
VNF
VSD
ZEE
ZNIEFF
Taxe départementale pour le financement des conseils d’architecture,
d’urbanisme et de l’environnement
Taxe départementale des espaces naturels sensibles
The Economics of Ecosystems and Biodiversity
Taxe sur le foncier bâti
Taxe sur le foncier non bâti
Taxe forfaitaire sur la cession de terrains devenus constructibles
Taxe générale sur les activités polluantes
Train à grande vitesse
Taxe d’habitation sur les logements vacants
Taxe intérieure de consommation
Taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel
Taxe locale sur les bureaux
Taxe locale d’équipement
Taxe sur les logements vacants
Taxe sur la valeur ajoutée
Trame verte et bleue
Taxe de valorisation immobilière
Taxe sur les véhicules de société
Union européenne
Union internationale pour la conservation de la nature
Unité de travail agricolehumain
Unité de travail humain
Unité de véhicule particulier
Voies navigables de France
Versement pour sous-densité
Zone économique exclusive
Zone naturelle d’intérêt écologique faunistique et floristique
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