REVUE ECONOMIE & KAPITAL
N°8 Printemps 2016
DEVELOPPEMENT DURABLE :
OÙ EN EST LA FISCALITE AU MAROC ?
Nabil BOUAYAD AMINE – Khalid ROUGGANI
Professeurs de l’Enseignement Supérieur Habilités
Université HASSAN I- Settat
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N°8 Printemps 2016
Résumé
Dans le contexte actuel, marqué par des dommages croissants à l’environnement, la
mobilisation de la fiscalité environnementale présente un double intérêt. D’une part,
elle permet d’atteindre au meilleur coût les objectifs ambitieux de développement
durable. D’autre part, elle répond à la fois au principe pollueur payeur et à l’exigence
de justice vis -à-vis des générations futures.
L’instrument fiscal fait partie de l’arsenal de la politique de l’environnement, qu’il
s’agisse de collecter des ressources pour financer la prévention ou la réparation des
dommages, d’influencer les comportements dans un sens plus conforme à l’écologie,
ou de combiner ces deux effets ; mais il ne constitue qu’un élément parmi d’autres et
son utilisation n’est justifiée que si elle permet de respecter certaines exigences
relevant à la fois de l’écologie, de l’économie et de la fiscalité.
La fiscalité environnementale n’est pas au premier chef une fiscalité de rendement.
C’est une fiscalité « d’incitation », c’est à dire de modification des comportements.
Mots clés
Fiscalité
environnementale,
réforme
fiscale
de
l’environnement,
environnementale (ou écotaxe), externalité, principe du pollueur- payeur.
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taxe
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A l’aube du défi climatique que notre planète va devoir relever dans les années à venir,
le développement durable se définit à l’Organisation des Nations Unies comme un
développement qui « satisfait les besoins des générations présentes, sans compromettre
la possibilité pour les générations à venir de satisfaire leurs propres besoins », en
conciliant le progrès économique, la justice sociale et la préservation de
l’environnement. Il ne s’agit donc nullement d’un effet de mode, mais d’une réalité
que les citoyens doivent prendre à bras le corps.
Le monde est confronté à une kyrielle de problèmes écologiques. Certains, de
dimension locale, peuvent être provoqués par un petit nombre de pollueurs, comme les
émissions de mercure dans l’air ou les rejets d’eaux usées dans les cours d’eau;
d’autres sont de portée mondiale et sont le fait de millions d’acteurs différents, comme
les émissions de gaz à effet de serre. Bien que ces problèmes puissent être considérés
comme les effets secondaires négatifs du développement économique des pays, il ne
faut pas oublier qu’à mesure que les pays s’enrichissent, se développent et
perfectionnent leurs technologies, la volonté et la capacité de relever ces défis se
renforcent également.
Les pouvoirs publics ont à leur disposition toute une panoplie d’instruments de
politique environnementale : instruments réglementaires, instruments de marché
(comme les taxes et les permis négociables), accords négociés, subventions, systèmes
de management environnemental et campagnes d’information.
Bien qu’aucun instrument ne puisse être considéré comme intrinsèquement meilleur
pour relever tous les défis écologiques, l’utilisation de la fiscalité environnementale (et
des permis négociables) progresse dans les pays de l’OCDE. L’instrument économique
est un levier considérable pour susciter des changements de comportement auprès de
nos concitoyens. Il permet en effet d’intégrer dans le prix d’un objet son coût réel pour
la société.
Ainsi, l’augmentation du prix qui s’en suivra poussera les gens à une consommation
plus respectueuse de l’environnement.
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L’éco fiscalité est un incitant remarquable car elle permet de décourager les
comportements nocifs pour l’environnement en augmentant le prix des ressources.
Des exemples concrets européens montrent qu’une éco fiscalité réfléchie et bien
construite permet de diminuer de manière importante la consommation d’énergie et,
partant, les émissions nocives pour l’environnement.
Les taxes sur la pollution incitent clairement les pollueurs à réduire leurs émissions et
à rechercher des solutions plus propres. En attribuant un coût direct aux atteintes à
l’environnement, les entreprises en quête de bénéfices maximums sont davantage
enclines à en faire une utilisation parcimonieuse, au même titre que les autres facteurs
de production. Face à d’autres instruments de politique environnementale, comme les
réglementations sur l’intensité des émissions ou les prescriptions technologiques, la
fiscalité environnementale encourage l’ensemble des pollueurs à prendre les mesures
de réduction les moins coûteuses et incite également à agir au niveau de chaque
installation polluante. Ces taxes peuvent également envoyer des signaux très clairs et
permettre au citoyen de savoir si certains secteurs ou certaines sources de pollution
sont privilégiés par rapport à d’autres.
Longtemps considérée comme un instrument uniquement destiné à financer les
besoins de dépenses de l’Etat, la fiscalité est aujourd’hui au Maroc reconnue comme
un puissant moteur de modification des comportements individuels et collectifs. A ce
titre, elle doit est un outil fondamental des politiques environnementales. La fiscalité
écologique est, notamment, particulièrement bien adaptée à la lutte contre l’effet de
serre et à la maîtrise des consommations d’énergie, à la condition de la manier sans se
départir de ses bons principes d’usage, et sans oublier le pragmatisme nécessaire à son
succès.
Dans la protection de l’environnement, le législateur n’a pas vraiment sollicité la
fiscalité. La faiblesse de la politique fiscale environnementale et de ses moyens
s’accorde en fait avec le déséquilibre des acteurs du développement durable.
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Pour faire mieux qu'aujourd'hui, le Maroc doit jouer sur les trois leviers que sont la
responsabilité individuelle, l'offre des entreprises et les politiques publiques.
La production d'un kilogramme de veau engendre douze fois plus d'effet de serre que
celle d'un kilogramme d'oeufs, et la production de blé bio 85% de moins d'effet de
serre que du blé conventionnel. Nos choix quotidiens de consommation ont donc bien
un impact sur le climat, et ils ne peuvent (ni ne doivent) être dictés par les pouvoirs
publics. Ils relèvent d'abord de notre responsabilité personnelle.
L’article porte sur les enjeux du développement durable imputables à l’instauration de
taxes environnementales.
L’objet de cette recherche est de constituer une plate-forme de concertation visant à
lancer le débat sur les diverses opportunités offertes par les instruments économiques
identifiés pour préserver notre environnement à moindre coût. Il servira d’assise pour
débattre des meilleurs outils jugés efficaces à mettre en oeuvre pour accompagner les
divers programmes environnementaux de protection, de restauration et de valorisation
de notre environnement. L’article vise à vérifier si la politique fiscale marocaine
répond aux exigences du développement durable. Nous constatons que la politique
fiscale marocaine en faveur du développement durable est limitée à l'environnement.
D’une part la protection de l’environnement est le monopole de l’Etat, et d’autre part
la fiscalité environnementale reste hésitante, puisqu’elle est composée surtout de
dégrèvements fiscaux classiques et peu de taxes spécifiques à la protection de
l'environnement.
Préalablement au développement de propositions concrètes relatives à la
problématique étudiée, il est capital de comprendre les fondements théoriques de l’éco
fiscalité. Sont ainsi entre autres développés les concepts d’externalité et du principe du
pollueur-payeur
(1),
les avantages et inconvénients des outils économiques au regard
des outils réglementaires, les objectifs poursuivis par la fiscalité environnementale.
(1) le principe du pollueur payeur, selon lequel toute personne dont les activités causent ou sont susceptibles de causer des
dommages à l’environnement assume les frais de toutes les mesures de prévention de la pollution, de réduction de la
pollution ou de remise en état des lieux et de leur environnement.
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I- FONDEMENTS THEORIQUES
A- Instruments économiques
Outre les instruments réglementaires (quotas, normes, etc.), il existe une série d’outils
économiques (taxes, redevances, permis négociables et systèmes de consignation)
d’ordre incitatif. Ceux-ci sont mis en oeuvre dans le but premier de modifier les
comportements des agents économiques, tant les consommateurs que les entreprises
(Expérience européenne).
1- Externalités
La mise en oeuvre d’outils économiques, à l’instar des taxes environnementales,
requiert l’existence d’externalités (négatives) à l’égard de l’environnement. BAUMOL
et OATES (1975) définissent le concept d’externalité (2) comme étant « l’influence sur
la satisfaction d’un agent économique sur une ou plusieurs variables non choisies par
cet agent, sans que cette influence ne donne lieu à échange ou à compensation
monétaire». Une externalité peut être positive (ex. du producteur de miel et du
fleuriste) ou négative. La pollution générée par des activités de production ou de
consommation est pour sa part considérée comme externalité négative, que l’OCDE
(2001) définit comme « un coût qu’impose à autrui un agent économique mais dont il
ne tient pas compte dans sa décision de production ou de consommation». Le domaine
environnemental est particulièrement frappé par des externalités négatives du fait que
les ressources environnementales ne sont guère soumises à un droit de propriété ou
une réglementation particulière. Chacun peut donc en disposer à sa guise.
2- Principe du pollueur-payeur
La mesure fiscale est un outil de concrétisation du principe « pollueur payeur » (PPP),
selon lequel il revient à charge du pollueur de prendre en compte les coûts de
dépollution générés par son activité. Cela implique donc une internalisation des coûts
externes, représentés ici par les coûts environnementaux (3) (Nicolaisen et al, 1991).
(2) Dans son acceptation générique, l’externalité désigne « toute influence directe des actions d’un agent économique sur les
fonctions objectifs (utilité du consommateur, possibilités de production d’une entreprise) d’autres agents » (Bréchet, 2003)
(3) Par exemple les atteintes à la qualité de l’air, des sols, de l’eau, des écosystèmes, etc.
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En d’autres termes, le coût de certains effets environnementaux est incorporé dans le
prix du bien. Ce principe est né des travaux réalisés par l’Organisation de Coopération
et de Développement Economiques (OCDE) sur la politique de l’environnement en
1972 : « Le pollueur doit supporter les dépenses d’application des mesures de
protection de l’environnement décidées par les pouvoirs publics pour maintenir
l’environnement dans un état acceptable. En d’autres termes, le coût de ces mesures
doit se refléter dans le coût des biens et des services qui engendrent une pollution au
stade de la production ou de la consommation. Ces mesures ne doivent pas
s’accompagner de subventions qui entraîneraient des distorsions notables dans les
échanges et investissements internationaux».
3- Objectifs poursuivis par une fiscalité environnementale
La fiscalité environnementale
(4)
(qui englobe « impôts, taxes et redevances dont
l’assiette est constituée par un polluant, ou plus généralement par un produit ou un
service qui détériore l’environnement ou qui se traduit par un prélèvement sur des
ressources naturelles renouvelables ou non renouvelables » (OCDE, 2001)) constitue
une des mesures de concrétisation du principe du pollueur-payeur.
L’objectif premier de la mise en oeuvre de taxes environnementales consiste à limiter
la production et la consommation de produits polluants ainsi que les activités
préjudiciables à l’environnement (OCDE, 2001). Parmi les objectifs secondaires,
Francis HAUMONT (2004) relève :
la génération de recettes fiscales pouvant servir de financement aux actions de
la politique environnementale ;
la prise en charge par le pollueur de sa quote-part dans le coût de cette politique
(responsabilité environnementale) ;
l’incitation des citoyens à modifier leurs comportements dommageables à
l’environnement ;
la distorsion de concurrence.
(4) Il y a une corrélation entre l’économie et l’environnement, on constate que les activités des agents économiques créent
des effets exogènes qui peuvent contenir des inconvénients. L’important inconvénient est la pollution. Cette situation
nécessite l’intervention de l’Etat (les pouvoirs publics) par des procédures, des législations et des actions qui limitent le volet
de la dégradation de l’environnement et qui avantage en même temps la sauvegarde de ce trésor public qui est à la fois local
et international.
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4- Efficacité des taxes environnementales
Les taxes liées à l’environnement sont efficientes tant sur le plan statique que
dynamique, ce qui incite les entreprises à modifier leur mode de production et les
consommateurs à modifier leurs comportements d’achat.
L’efficience statique s’observe au niveau des mesures de dépollution. L’outil
réglementaire impose, faute de connaissance quant aux coûts marginaux de
dépollution de chaque entreprise, uniformément des normes par branche d’activité.
A contrario, les outils économiques encouragent les mesures de dépollution efficientes
d’un point de vue économique. Celles-ci vont en effet favoriser les dépollutions dans
les secteurs où les coûts de dépollution sont moindres, ces secteurs réduisant
davantage la pollution générée par leurs activités. Les entreprises peuvent donc choisir
entre supprimer une unité de pollution supplémentaire si le coût de cette unité est
inférieur au montant de la taxe ou, dans le cas contraire, s’acquitter de la taxe, voire
acheter un permis d’émission.
En outre, les taxes environnementales se répercutent sur les prix relatifs et agissent
ainsi sur la pollution : « La hausse des coûts de production due à l’application des
taxes est en effet répercutée, en partie ou en totalité, sur les prix à la consommation
des biens et des services qui sont nuisibles à l’environnement. Les consommateurs
sont ainsi encouragés à se détourner de ce type de productions, la demande s’orientant
vers des produits de substitution meilleur marché et moins préjudiciables à
l’environnement » (OCDE, 2001).
L’efficience dynamique pour sa part se manifeste par l’incitation permanente que
créent les taxes environnementales, dans le chef des entreprises, à réduire
constamment leurs coûts de dépollution. Alors que les normes réglementaires ne
poussent pas les entreprises à aller au-delà de ce qui leur est imposé, « les taxes
incitent davantage les entreprises à dépolluer constamment, grâce à des méthodes de
dépollution rentables, l’adoption de technologies de production plus propres et de
technologies de dépollution plus efficaces et à des restructurations industrielles »
(OCDE, 2001).
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Les taxes imposent en effet, en plus des coûts de dépollution, au pollueur de payer
pour ses émissions résiduelles.
Les consommateurs, eux, sont aussi encouragés à se tourner vers des produits plus «
propres » et à limiter leurs comportements préjudiciables à l’environnement.
5- Effets négatifs des taxes environnementales
L’instauration de taxes environnementales est toutefois susceptible d’exercer des effets
négatifs sur certains secteurs de l’économie. Déficit de compétitivité des industries,
coûts administratifs et déséquilibres sociaux sont le plus souvent relevés.
L’impact sur la compétitivité peut être sensible, principalement pour les entreprises les
plus polluantes telles celles issues de l’industrie lourde (à forte intensité énergétique),
et entraînerait des risques de délocalisations (O’Brien et al. 2001).
Comme le rappelle l’OCDE (2001), « les taxes perçues sur les facteurs de production
se traduisent par des hausses de prix et des baisses de salaire, du taux de rentabilité du
capital ou du prix des ressources » et des écotaxes prises sans mesures particulières
peuvent dès lors poser un problème aux couches fragilisées.
Il est néanmoins possible de contrer ces répercussions par le biais de mesures de
compensation. La compétitivité industrielle peut être maintenue en opérant par
exemple des exonérations et réductions fiscales, un allègement temporaire de la taxe,
la mise en place d’instruments d'accompagnement, des ajustements fiscaux aux
frontières, ou encore en coordonnant la fiscalité environnementale au niveau national
ou international.
Une réforme fiscale de l’environnement (RFE)
(5)
s’accompagnant théoriquement
d’une neutralité fiscale ou budgétaire, l’impact social est contrecarré par des mesures
d’abattement des charges fiscales sur l’emploi.
(5) « La réforme environnementale des taxes consiste en une augmentation des taxes environnementales associées à une
diminution proportionnelle des taxes sur le travail. La réforme environnementale de la fiscalité, prise dans le sens plus large
de réforme fiscale qui touche les taxes environnementales, les subventions et autres mesures d’incitation ainsi que les
changements de politique en matière d’énergie, est notre objectif global ».
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Ce mécanisme, connu sous le nom de double dividende, implique un recyclage des
recettes résultant de la taxation accrue sur les usages énergétiques dommageables à
l’environnement vers d’autres taxes, généralement celles prélevées sur l’emploi (impôt
sur le revenu des personnes physiques, etc.). De la sorte, la RFE réalise un double
dividende : par une amélioration significative de la protection de l’environnement (1er
dividende) et par la création d’emplois (2ème dividende) (Dyck- Madsen, 2003).
C’est d’ailleurs cette même neutralité fiscale qui a permis, aux Pays-Bas, Danemark et
Suède notamment (Etats membres pionniers en matière de RFE), de crédibiliser ladite
réforme aux yeux des citoyens et de stimuler l’emploi (Ege Jorgensen, 2003). Il est
aussi possible d’engranger un triple dividende, en y intégrant la dimension sociale
(OCDE, 2002). Or, si les taxes environnementales remplissent leur objectif, à savoir
réduire la pollution ou la consommation énergétique, elles érodent leur propre assiette.
Les recettes publiques s’en trouveront en conséquence diminuées. Dans ce cas, quid
du principe de neutralité budgétaire ?
6- Identification du redevable et de l’assiette de la redevance
Le redevable de la taxe environnementale est le pollueur, soit celui qui dégrade
directement ou indirectement l’environnement. Il n’est néanmoins pas toujours aisé
d’identifier le redevable. Deux cas d’espèce pour illustrer cette difficulté : la pollution
par le CO2 émis par les automobiles et celle générée par les déchets d’emballage.
Le redevable de la première peut tant être le constructeur automobile, que le
producteur de carburant que l’utilisateur du véhicule. La pollution générée par les
déchets d’emballages pourrait pour sa part être attribuable au producteur des
emballages, au distributeur du produit emballé, au consommateur ou au collecteur
éliminateur desdits emballages. Selon N. de SADELEER (in Haumont, 2004), le
redevable doit idéalement être l’agent le plus en amont possible, soit le producteur du
produit polluant (constructeur automobile, producteur d’emballages dans les deux
exemples précités) avec le risque que celui-ci fasse ensuite répercuter le montant de la
taxe qui lui est imputable sur le prix à la consommation.
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La redevance de la taxe doit idéalement être proportionnelle à la pollution émise, ce
que peut traduire par exemple parfaitement une écotaxe sur les bouteilles en plastique
non recyclées.
II- EN QUOI LA FISCALITE EST-ELLE IMPORTANTE POUR LE
DEVELOPPEMENT ?
La stabilité des finances publiques constitue un élément essentiel du développement
durable. Après tout, la couverture sociale, l’infrastructure et les services de base tels
que l’éducation et les soins de santé sont déterminants en termes de développement.
Pour assurer une certaine stabilité, il est essentiel que les méthodes de financement de
ces biens et services publics proviennent dans la mesure du possible des propres
ressources du gouvernement, à savoir les recettes fiscales.
Cela explique la relation étroite entre la fiscalité et le développement. Pour plusieurs
raisons, les pays en développement rencontrent des difficultés lorsqu’il s’agit de
recueillir ces recettes fiscales nationales efficacement.
Si les pays en développement étaient capables de percevoir des recettes fiscales
suffisantes, ils pourraient devenir plus indépendants. Leur financement dépendrait
alors moins des emprunts extérieurs, ce qui réduirait leurs problèmes de dette et leur
dépendance vis-à-vis de l’aide étrangère. Cette indépendance favoriserait la stabilité
du budget du gouvernement, étant donné que les recettes fiscales sont moins
incertaines et imprévisibles que l’apport d’aide. Cela pourrait également encourager
les gouvernements à mettre en place des politiques, vu que le contexte des politiques
économiques est généralement associé à l’aide étrangère et aux emprunts extérieurs.
Par ailleurs, l’amélioration du système de recettes fiscales pourrait renforcer
l’obligation de rendre compte en démocratie et laisser la place aux baisses des taux
marginaux d’imposition élevés dans de nombreux pays.
III- QUEL ETAT DES LIEUX D’ECOFISCALITE AU MAROC ?
Au Maroc, les hautes directives Royales ont toujours appelé à faire de la protection de
l’environnement l’une des priorités de tous les projets de développement économique
et de placer l’amélioration du cadre de vie environnemental du citoyen au coeur des
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préoccupations des pouvoirs publics. L’avènement de l’Initiative nationale de
développement humain (INDH), dont l’objectif est d’éradiquer la précarité et la
vulnérabilité est venue consolider ces principes en incitant à la préservation de
l’environnement et à la restauration de sa qualité et en mettant en place les bases d’une
nouvelle orientation axée sur le concept du développement durable.
C’est dans ce cadre que s’est inscrite la déclaration gouvernementale qui place
l’environnement au centre du développement socio-économique du pays et de tous les
plans de développement sectoriels nationaux et régionaux.
Certes, des réalisations importantes ont été enregistrées dans plusieurs secteurs et ont
permis d’assurer une croissance économique soutenue. Mais des efforts importants
restent à faire pour inverser la tendance liée à la dégradation de l’environnement au
niveau national. En effet, et selon les dernières études, le coût de dégradation de
l’environnement est estimé annuellement à 3,7% du PIB
(6)
soit 13 milliards de
Dirhams et le coût de remédiation est de l’ordre de 1,8% du PIB, alors que la dépense
publique nationale en faveur de l’environnement reste très limitée et ne dépasse guère
0,7% du PIB annuellement. Cette situation témoigne du grand déficit enregistré en
ressources financières publiques à mobiliser pour assurer la préservation et la
restauration de la qualité de l’environnement.
Pour remédier à cette situation de dégradation de l’environnement qui devient très
alarmante, l’approche législative et réglementaire a été jusqu’à présent privilégiée.
Force est de constater que cette approche ne peut, à elle seule, faire face à l’ampleur
des préjudices subis par les écosystèmes et par le milieu de vie du citoyen. Il est donc
nécessaire qu’elle soit appuyée et accompagnée par une démarche qui prend en
considération également les aspects économiques et financiers, et ce pour atteindre les
objectifs visés par la nouvelle stratégie de proximité adoptée récemment par le
département de l’environnement.
(6) Il y a lieu de noter que compte tenu de la complexité des problèmes environnementaux et de l’insuffisance des données
concernant certains secteurs, ces dommages peuvent être encore plus importants. En effet, certains aspects n’ont pas été pris
en compte tels que la dégradation et la surexploitation de l’eau, la salinisation des sols irrigués ou encore les déchets
industriels et dangereux. Des études méso économiques ont été également menées au niveau de certains secteurs ou villes et
ont mis en exergue l’importance de leur contribution à la dégradation de l’environnement.
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Tableau 1 : Coût des dommages selon les domaines environnementaux (en % du PIB).
1- Coût de la remédiation et dépense publique environnementale
Au Maroc, les pressions sur l’environnement se font de jour en jour, plus croissantes et
plus complexes. Parallèlement, les coûts de remédiation nécessaires pour y faire face
augmentent à leur tour. En effet, et eu égard au coût de la dégradation de
l’environnement de 3,7% du PIB, le coût de remédiation est estimé à 1,8% du PIB
alors que la dépense publique en faveur de l’environnement n’atteint guère 0,7 % du
PIB.
Il apparaît donc que les dépenses actuelles pour la préservation de l’environnement
restent insuffisantes pour couvrir les coûts de remédiation.
La dépense publique environnementale ne doit pas servir à restaurer les dommages
mais à les éviter. Les efforts entrepris par les pouvoirs publics
(7)
pour faire face à la
dégradation de l’environnement sont nombreux et variés (juridique, incitatif,…).
Cependant, les objectifs poursuivis ne peuvent être atteints dans la mesure où les
moyens financiers mis en oeuvre restent en deçà des besoins nécessaires à la mise en
oeuvre de projets structurants de la protection de l’environnement. C’est la raison pour
laquelle il est nécessaire d’envisager la mise en place d’autres instruments
économiques pour combler ce déficit dont la solidarité par le biais d’une fiscalité
environnementale.
(7) La Tunisie a développé un système public de reprise et de valorisation des emballages utilisés (y compris les sacs en
plastique). Ce système, basé sur le principe du « producteur-récupérateur », incite tout producteur, distributeur de produits
emballés (en plastic ou en métal, d’une contenance supérieure ou égale à 100 ml), et toute personne responsable de leur
première mise sur le marché à la collecte des emballages utilisés en vue de leur réutilisation ou de leur valorisation.
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2- Fiscalité marocaine et l’environnement
Le diagnostic de la situation actuelle de la fiscalité nationale, vis-à-vis de sa capacité à
modifier les comportements des agents économiques en faveur de la préservation de
l’environnement, a permis de dresser la matrice de données des impôts, des taxes et
des redevances au Maroc. L’analyse a mis en exergue que le système fiscal national a
une finalité budgétaire et seules quatre taxes et redevances ont partiellement un
objectif d’orientation de comportement visant la protection de l’environnement :
Taxe de vérification des véhicules de plus de 5 ans.
Taxe sur les motocyclettes.
Redevance d’assainissement des eaux usées.
Redevance de déversement.
Tableau 2 : Matrice des impôts, taxes et redevances concernant le Maroc.
L’analyse du cadre juridique national a permis de montrer que ce dernier dispose
d’ores et déjà d’un certain nombre de dispositions visant la mise en place des
instruments économiques au service de la protection de l’environnement.
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Lois
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Dispositions concernant les
Instruments mis en place
instruments économiques
Loi n°11-03
relative à la
protection et à la
mise en valeur de
l’environnement.
Loi n°13-03
relative à la lutte
contre la pollution
de l’air.
Cette loi ne contient pas de disposition
instituant un impôt ou une taxe. Cependant, elle
prévoit l’instauration d’un système
d’incitations financières et fiscales visant
l’encouragement des investissements et le
financement des projets portant sur la
protection et la mise en valeur de
l’environnement ainsi qu’un Fonds national
pour la protection et la mise en valeur de
l’environnement, dont les ressources sont
destinées au financement des
mesures incitatives prévues par cette loi et
exceptionnellement au financement des projets
pilotes d’environnement et d’expérimentation.
Cette loi ne contient aucune disposition
instituant un impôt ou une taxe. Elle vise « la
prévention et la lutte contre les émissions des
polluants atmosphériques susceptibles de porter
atteinte à la santé de l’homme, à la
faune, au sol, au climat, au patrimoine culturel
et à l’environnement en général». Cependant,
elle prévoit un régime d’incitations financières
et d’exonérations fiscales pour encourager
l’investissement dans les projets et activités
visant à prévenir la pollution de l’air,
l’utilisation des énergies renouvelables et la
rationalisation de l’usage des énergies et
matières polluantes.
Création du Fonds national pour la
protection et la mise en valeur de
l’environnement (FNE).
Loi n° 10-95
sur l’eau.
Cette loi vise principalement à mettre en place
une planification cohérente et souple de
l’utilisation des ressources en eau et une
gestion rationnelle de toutes les ressources,
ainsi qu’à protéger et conserver, sur le plan
quantitatif et qualitatif, le domaine public
hydraulique dans son ensemble.
Elle prévoit le prélèvement de deux types de
redevance :
la redevance d’utilisation de l’eau et la
redevance de déversement.
Cette loi adopte le principe « pollueur-payeur »
et « préleveur payeur ».
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Redevance d’utilisation : Toute personne
physique ou morale utilisant les eaux du
domaine public hydraulique est soumise
au paiement d’une redevance pour
utilisation de l’eau qui peut être qualifiée
de taxe causale dont l’objectif est
essentiellement fiscal.
Redevance de déversement : Aucun
déversement, écoulement, rejet, dépôt
dans une eau superficielle ou une nappe
souterraine susceptible d’en modifier les
caractéristiques physiques, ne peut être
fait, sans une autorisation. Elle donne
lieu au paiement de redevances de
déversement, considérées comme taxe
causale comportant un effet incitatif
mettant en oeuvre le principe de
causalité (principe du pollueur-payeur).
Concours financier : Tout utilisateur des
eaux usées peut bénéficier du concours
financier de l’Etat et de l’assistance
technique de l’agence de bassin si
l’utilisation qu’il fait des eaux usées est
conforme aux conditions fixées par
l’administration et a pour effet de
réaliser des économies d’eau et de
préserver les ressources en eau contre la
pollution.
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Loi n° 06-99
sur la liberté des
prix et de la
concurrence.
Loi n°28-00
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Redevance de l’assainissement
Redevance de l’assainissement : cette
redevance est prévue dans le décret n° 2-00854 du 17 septembre 2001
pris pour l’application de la loi n° 06-99 sur
la liberté des prix et de la concurrence. Dans
la mesure où cette redevance permet de
financer l’assainissement de l’eau par l’Etat,
elle peut être qualifiée de taxe causale.
D’autre part, les tarifs comportant une partie
proportionnelle dépendant du m3 d’eau, la
redevance est partiellement
incitative.
Deux redevances sont prévues par cette loi :
Les prestations rendues par le service
relative à la
public des déchets ménagers et assimilés,
gestion
quel que soit son mode de gestion, donnent
lieu à la perception d’une redevance dont les
des déchets et à
taux sont fixés par le Conseil Communal.
leur élimination. Le service communal chargé de la gestion
des stocks ménagers et assimilés, et le cas
échéant les personnes autorisées à cet effet
peuvent recevoir et gérer les déchets inertes,
les déchets agricoles, les déchets
ultimes et les déchets industriels non dangereux
moyennant une redevance sur les services
rendus. Les taux sont fixés par le conseil
communal.
Ces redevances constitueraient des taxes
causales à but fiscal et devraient contribuer à la
mise en oeuvre des programmes locaux ou
régionaux de gestion des déchets
solides notamment du Programme National de
Gestion des Déchets Ménagers. Par contre,
pour les déchets dangereux, aucun système de
taxation ou de redevance
n’est prévu.
Loi relative
à l’exploitation
des carrières.
Cette loi ne contient aucune disposition à
caractère fiscal. En particulier, aucune
redevance ni autre contribution
publique n’est prévue en contrepartie d’une
autorisation accordée par les autorités.
Par ailleurs, l’exploitant d’une carrière est
obligé de produire une caution bancaire
destinée à assurer le réaménagement du site
après fermeture de la carrière.
3- Les incitations prévues
Bien que ces instruments locaux existent depuis plusieurs années, ils restent cependant
insuffisants, peu utilisés et mal connus par les bénéficiaires. Sont considérés comme
aides financières à la réduction de la pollution et à la préservation de l’environnement,
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le Fonds de dépollution industrielle (FODEP), le Fonds National pour la protection et
la mise en valeur de l’Environnement (FNE), le Mécanisme pour un développement
propre (MDP), ainsi que certaines exonérations fiscales favorables à l’environnement
et les incitations publiques sectorielles.
a- Le Fonds de dépollution industrielle (FODEP)
Le FODEP, mis en place en partenariat avec l’Agence allemande de coopération
financière (Kfw), a pour objectifs :
D’inciter au respect de l’environnement ;
De permettre une mise à niveau des industries marocaines de manière à les
rendre plus compétitives dans la perspective des nouvelles règles de la
mondialisation ;
D’anticiper sur la réglementation nationale en cours d’adoption (fixations des
valeurs limites de rejet).
L’approche suivie pour atteindre ces objectifs consiste à inciter les entreprises
industrielles et artisanales à réaliser des investissements de dépollution, à faire des
économies en ressources naturelles et à tenir compte de la dimension
environnementale dans leurs projets de manière générale.
Le FODEP intervient par l’octroi de dons dans les conditions suivantes :
20% pour les projets intégrés qui concernent l’économie des ressources
naturelles et l’utilisation de technologies propres ;
40% pour les projets en aval qui consistent en une réduction de la pollution par
le traitement ou l’élimination des déchets liquides, solides ou gazeux. Le
complément de financement est constitué de fonds propres et de crédits
bancaires dont la Caisse Centrale de Garantie se porte garante.
Cet outil, qui reste une source de satisfaction par ses résultats et notamment par ses
réalisations à travers les diverses régions du Royaume, doit être pérennisé et surtout
élargi vers de nouveaux secteurs qui sont fortement polluants.
Le FODEP a agréé depuis sa mise en oeuvre en 1998, 98 projets de dépollution pour
un montant global de 480 MDH dont 183 MDH représentent la partie don.
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b- Le Fonds National pour la protection et la mise en valeur de
l’environnement (FNE)
Le FNE prévoit l’appui financier notamment à la mise en oeuvre du Programme
National des Déchets Ménagers et Assimilés PNDM. Le montant global des crédits
ouverts au titre de l’exercice 2009 par ledit fonds est de l’ordre de 230 MDH.
c- Le Mécanisme pour un Développement Propre (MDP)
Le MDP est un mécanisme de flexibilité mis en place par le protocole de Kyoto
permettant aux pays développés d’obtenir des crédits de réduction des émissions en
finançant des projets de réduction des émissions dans les pays en développement.
Ainsi, ce mécanisme permet :
D’aider les pays développés à satisfaire leurs obligations de limitation et de
réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre (GES),
D’aider les pays en développement à parvenir à un développement durable et à
contribuer à la réduction de ces gaz.
Le principe du MDP consiste en une transaction commerciale entre un vendeur de
crédits carbone (entreprise, collectivité locale, organisme étatique) d’un pays en
développement, qui grâce à son projet pourra économiser l’émission d’une quantité
déterminée de GES (exprimée en URCE : Unités de Réduction Certifiée des
Emissions), et un acheteur d’un pays développé soumis aux engagements du Protocole
de Kyoto (gouvernement, opérateur financier international,…).
Le Maroc a mis en place, depuis 2002, l’Autorité Nationale Désignée (AND) du MDP
domiciliée auprès du Département de l’Environnement. Cette autorité constitue le
représentant de l’Etat vis-à-vis des organismes opérateurs nationaux intéressés par le
MDP et des organismes internationaux chargés du MDP.
Elle doit se prononcer sur la conformité des projets aux critères nationaux de
développement durable et leur contribution à ce développement.
d- Les exonérations fiscales favorables à l’environnement au Maroc
Certaines exonérations fiscales peuvent être considérées comme des aides financières
à la réduction de la pollution :
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L’encouragement du renouvellement du parc automobile.
La réduction de la T.V.A sur la location des compteurs d’eau et d’électricité.
La réduction de la T.V.A sur la voiture économique.
La suspension de la T.V.A à l’importation sur le gaz butane.
La réduction de la T.V.A sur les chauffe-eaux solaires.
L’exonération totale et permanente des revenus des plantations sylvestres, non
fruitières destinées à préserver les sols de l’érosion due aux vents et aux pluies.
IV- LIMITES DE LA FISCALITE ENVIRONNEMENTALE
Les avantages de l’instrument fiscal par rapport à d’autres instruments des politiques
de l’environnement sont maintenant bien connus.
L’éco fiscalité présente, d’un point de vue économique, l’avantage de conduire chaque
agent à arbitrer librement entre payer la taxe et polluer ou réduire sa pollution pour
payer moins de taxe.
Comme tous les agents consentent le même coût de réduction des pollutions puisqu’ils
payent tous la même taxe, l’effort de réduction est identique pour tous.
En ce sens, la fiscalité permet d’atteindre un objectif environnemental de façon
efficace.
Les limites de l’instrument fiscal résident essentiellement dans sa mise en oeuvre.
Le niveau de protection environnementale induit par une taxe ne se mesure qu’a
posteriori. Il dépend de la sensibilité des agents aux prix (taxation ou
subvention), ce qui peut en limiter la pertinence pour des pollutions dont les
effets peuvent générer des dommages irréversibles au-delà d’un certain seuil.
La fiscalité écologique, de par sa finalité qui est de modifier les comportements
portant atteinte à l’environnement, présente une spécificité par rapport à la
fiscalité générale qui vise des objectifs de financement ou des objectifs
redistributifs.
Une fiscalité environnementale « efficace » s’attachera à réduire son assiette,
puisque l’assiette représente les dommages environnementaux, ce qui est
contraire à une logique de financement.
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L’éco fiscalité génère des effets redistributifs entre secteurs et entre catégories
de ménages. Mais certaines dispositions peuvent être jugées trop pénalisantes,
ce qui en réduit l’acceptabilité.
Les effets redistributifs peuvent alors appeler des mesures de compensation
parfois complexes à cibler, et qui peuvent elles-mêmes aller à l’encontre des
principes d’égalité devant l’impôt.
La fiscalité environnementale, également comme les autres instruments, mais
de façon plus directe, peut poser des problèmes de compétitivité internationale
dans le cas de politiques non coordonnées entre partenaires commerciaux. Les
mesures visant à limiter les pertes de compétitivité peuvent aussi se révéler
complexes à cibler et, parfois, aller à l’encontre d’objectifs environnementaux.
V- PROPOSITIONS DES AXES DE LA REFORME DE LA FISCALITE
ENVIRONNEMENTALE
A l’instar de la démarche utilisée de par le monde, le processus de mise en oeuvre
d’une approche fiscale environnementale doit répondre à un certain nombre de
principes qui peuvent être comme suit :
L’incitation : Il s’agit d’encourager les comportements vertueux sans infliger de
pénalités financières injustifiées, notamment en l’absence d’alternative crédible.
La progressivité de la mise en oeuvre : Les délais d’adaptation des acteurs sont
respectés.
La simplicité et la lisibilité : sauf exceptions dûment justifiées, les dispositifs
administrativement complexes doivent être évités. De ce fait, les domaines
prioritaires proposés pour faire l’objet d’une fiscalité environnementale sont
l’eau, les déchets et le littoral. Le choix porté sur ces secteurs peut se justifier
par leur dégradation alarmante et la nécessité d’adopter une démarche
progressive pour couvrir l’ensemble des autres secteurs à terme.
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Propositions fiscales
Moduler la T.V.A en fonction de l’impact environnemental des produits,
notamment en instaurant une T.V.A verte à taux réduit sur ceux qui respectent
le mieux l’environnement
Taxes sur l’exploitation des ressources naturelles, par exemple le bois, le
pétrole ;
Taxes sur les produits, par exemple les pesticides, les batteries ;
Taxes les polluants et les émissions, par exemple le dioxyde de soufre ;
Réforme des subventions préjudiciables à l’environnement ;
Mise en place d’un système d’échange de quotas / de droits d’émission ;
Subventions environnementales : Subventionner les technologies de réduction
des émissions ;
Taxe sur l’électricité : Les signaux de prix auront pour effet de renforcer
l’utilisation rationnelle de l’électricité. Des taux de taxation peuvent être fixés
de manière à encourager l’utilisation de carburants plus propres ;
Prévoir un système d’encouragement aux voitures non polluantes à travers par
exemple les exigences écologiques du bonus/malus sur les véhicules
automobiles, et l'attribution d'aides à l'acquisition de véhicules « propres » ;
Instaurer des mesures pour faire reculer l'invasion publicitaire dont sont
victimes nos sociétés. Directement polluante quand elle multiplie les imprimés
et prospectus commerciaux non sollicités, la publicité contribue plus largement
à la privatisation de l'espace public que cela soit dans les rues, les lieux publics,
à l'écran ou sur les ondes. À titre conservatoire, il y a lieu d’augmenter
sensiblement les taxes, aujourd'hui dérisoires, sur les publicités imprimées et
prospectus ainsi que sur les spots publicitaires audiovisuels. Il faut mettre en
chantier une nouvelle taxation générale de la publicité qui reposerait sur deux
principes :
une taxation à la source de la dépense publicitaire des entreprises, qui
contribuerait à contenir le gaspillage publicitaire auquel se livrent
certaines firmes au détriment d'investissements d'avenir et de leurs
salariés.
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une taxation nationale de la publicité extérieure (enseignes, panneaux
publicitaires) qui pourrait être majorée par les communes.
Prévoir un prélèvement exceptionnel sur les bénéfices des sociétés établies au
Maroc qui réalisent leur chiffre d'affaires principalement dans le domaine de
l'énergie, afin de financer l'effort d'investissement public pour la conversion
écologique de l'économie ;
Etudier la mise en oeuvre d'un droit de base à l'énergie électrique grâce à la
gratuité pour une première tranche minime de consommation électrique
annuelle par foyer. Ce droit serait appuyé sur une forte taxation progressive des
surconsommations, afin d'enrayer le mésusage et le gaspillage. De même, un
dispositif identique doit être étudié pour l'eau ;
Transformation de la taxe à l’essieu en taxe sur les poids lourds, dont le taux est
fonction des dommages et des émissions; Modification de la taxe d’atterrissage
en fonction des émissions polluantes : surtaxe d’atterrissage ; Surtaxe sur les
carburants afin d’équilibrer les prix diesel/essence ;
Taxe sur les véhicules légers, pour les automobiles et les deux roues, dont le
taux est fonction des dommages et des émissions; A long terme: Taxe sur les
COV (Composés organiques volatiles) ;
Redevance causale sur les déchets ménagers, forfaitaire dans un premier temps,
puis avec une part proportionnelle;
Taxe d’élimination anticipée pour les piles (permettra la collecte et le
traitement);
Taxe sur les sacs plastiques (principe de l’impôt écologique);
Taxe annuelle de stockage pour encourager le traitement (déchets industriels).
Taxe sur les carrières: instauration de la dimension incitative.
Contribution environnementale touristique : taxe forfaitaire payée par les
touristes pour la préservation et la naturalisation du littoral et du paysage.
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CONCLUSION
Le système fiscal national accorde peu de place aux aspects de protection de
l’environnement, dans la mesure où, l’objectif poursuivi est essentiellement budgétaire
et
n’encourage
pas
les
comportements
et
attitudes
jugées
favorables
à
l’environnement. En revanche, les expériences internationales menées en matière
d’éco fiscalité et d’utilisation des instruments économiques à des fins de protection de
l’environnement, pas seulement en Europe, ont mis en exergue l’importance
fondamentale de ces instruments en tant que leviers efficaces de développement de
comportements
collectifs
nouveaux,
favorables
à
l’environnement
et
au
développement durable. En effet, les instruments économiques ont le mérite
d’internaliser les coûts des dommages causés à l’environnement dans les décisions
économiques, ce qui encourage les pratiques de développement durable et réduit les
coûts collectifs de réhabilitation de ces dommages.
L’instauration des instruments économiques combinée à l’approche réglementaire peut
constituer une alternative pour atteindre les objectifs escomptés dans ce cadre.
Pour ce faire, il serait opportun que notre pays mette en place un système fiscal adapté
au contexte socioéconomique pour contribuer à la sauvegarde des milieux
environnementaux soumis à un rythme accéléré de dégradation.
Beaucoup de progrès restent à faire et la pratique française est à cet égard en retard par
rapport à celle de nos principaux partenaires. Cette réforme fiscale environnementale
va permettre non seulement de protéger l’environnement mais également de générer
des ressources additionnelles et soulager ainsi le budget de l’Etat qui pourrait être
consacré pour satisfaire d’autres besoins du développement. En effet, il ne revient pas
à la dépense publique de couvrir, à elle seule, les coûts de la remédiation
environnementale.
Appuyée par l’aide internationale, elle sert de transition jusqu’à ce que les effets de la
réforme fiscale environnementale se déploient pleinement.
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BIBLIOGRAPHIE
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l’utilisation des écotaxes au sein de l’Union européenne, Série sur les
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Centre international de recherche sur l’environnement et le développement,
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résultats du modèle IMACLIM, 1998.
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Fiscalité environnementale : se limiter à encourager l’écologie et l’innovation,
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GODARD O. et LE CACHEUX J. : « La fiscalité écologique », 20 Mai 2009.
Monpion Anne, (2007), « Le Principe Pollueur et L’Activité Agricole dans
l’union Européenne », Thèse du doctorat, Université de Limoges, France.
PNUD-FEM (1998), « Changements Climatiques et Ressources en Eau dans les
pays du Maghreb, Algérie - Maroc - Tunisie, enjeux et perspectives », Projet
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