Nothing Special   »   [go: up one dir, main page]

Academia.eduAcademia.edu
REVUE ECONOMIE & KAPITAL N°8 Printemps 2016 DEVELOPPEMENT DURABLE : OÙ EN EST LA FISCALITE AU MAROC ? Nabil BOUAYAD AMINE – Khalid ROUGGANI Professeurs de l’Enseignement Supérieur Habilités Université HASSAN I- Settat 48 REVUE ECONOMIE & KAPITAL N°8 Printemps 2016 Résumé Dans le contexte actuel, marqué par des dommages croissants à l’environnement, la mobilisation de la fiscalité environnementale présente un double intérêt. D’une part, elle permet d’atteindre au meilleur coût les objectifs ambitieux de développement durable. D’autre part, elle répond à la fois au principe pollueur payeur et à l’exigence de justice vis -à-vis des générations futures. L’instrument fiscal fait partie de l’arsenal de la politique de l’environnement, qu’il s’agisse de collecter des ressources pour financer la prévention ou la réparation des dommages, d’influencer les comportements dans un sens plus conforme à l’écologie, ou de combiner ces deux effets ; mais il ne constitue qu’un élément parmi d’autres et son utilisation n’est justifiée que si elle permet de respecter certaines exigences relevant à la fois de l’écologie, de l’économie et de la fiscalité. La fiscalité environnementale n’est pas au premier chef une fiscalité de rendement. C’est une fiscalité « d’incitation », c’est à dire de modification des comportements. Mots clés Fiscalité environnementale, réforme fiscale de l’environnement, environnementale (ou écotaxe), externalité, principe du pollueur- payeur. 49 taxe REVUE ECONOMIE & KAPITAL N°8 Printemps 2016 A l’aube du défi climatique que notre planète va devoir relever dans les années à venir, le développement durable se définit à l’Organisation des Nations Unies comme un développement qui « satisfait les besoins des générations présentes, sans compromettre la possibilité pour les générations à venir de satisfaire leurs propres besoins », en conciliant le progrès économique, la justice sociale et la préservation de l’environnement. Il ne s’agit donc nullement d’un effet de mode, mais d’une réalité que les citoyens doivent prendre à bras le corps. Le monde est confronté à une kyrielle de problèmes écologiques. Certains, de dimension locale, peuvent être provoqués par un petit nombre de pollueurs, comme les émissions de mercure dans l’air ou les rejets d’eaux usées dans les cours d’eau; d’autres sont de portée mondiale et sont le fait de millions d’acteurs différents, comme les émissions de gaz à effet de serre. Bien que ces problèmes puissent être considérés comme les effets secondaires négatifs du développement économique des pays, il ne faut pas oublier qu’à mesure que les pays s’enrichissent, se développent et perfectionnent leurs technologies, la volonté et la capacité de relever ces défis se renforcent également. Les pouvoirs publics ont à leur disposition toute une panoplie d’instruments de politique environnementale : instruments réglementaires, instruments de marché (comme les taxes et les permis négociables), accords négociés, subventions, systèmes de management environnemental et campagnes d’information. Bien qu’aucun instrument ne puisse être considéré comme intrinsèquement meilleur pour relever tous les défis écologiques, l’utilisation de la fiscalité environnementale (et des permis négociables) progresse dans les pays de l’OCDE. L’instrument économique est un levier considérable pour susciter des changements de comportement auprès de nos concitoyens. Il permet en effet d’intégrer dans le prix d’un objet son coût réel pour la société. Ainsi, l’augmentation du prix qui s’en suivra poussera les gens à une consommation plus respectueuse de l’environnement. 50 REVUE ECONOMIE & KAPITAL N°8 Printemps 2016 L’éco fiscalité est un incitant remarquable car elle permet de décourager les comportements nocifs pour l’environnement en augmentant le prix des ressources. Des exemples concrets européens montrent qu’une éco fiscalité réfléchie et bien construite permet de diminuer de manière importante la consommation d’énergie et, partant, les émissions nocives pour l’environnement. Les taxes sur la pollution incitent clairement les pollueurs à réduire leurs émissions et à rechercher des solutions plus propres. En attribuant un coût direct aux atteintes à l’environnement, les entreprises en quête de bénéfices maximums sont davantage enclines à en faire une utilisation parcimonieuse, au même titre que les autres facteurs de production. Face à d’autres instruments de politique environnementale, comme les réglementations sur l’intensité des émissions ou les prescriptions technologiques, la fiscalité environnementale encourage l’ensemble des pollueurs à prendre les mesures de réduction les moins coûteuses et incite également à agir au niveau de chaque installation polluante. Ces taxes peuvent également envoyer des signaux très clairs et permettre au citoyen de savoir si certains secteurs ou certaines sources de pollution sont privilégiés par rapport à d’autres. Longtemps considérée comme un instrument uniquement destiné à financer les besoins de dépenses de l’Etat, la fiscalité est aujourd’hui au Maroc reconnue comme un puissant moteur de modification des comportements individuels et collectifs. A ce titre, elle doit est un outil fondamental des politiques environnementales. La fiscalité écologique est, notamment, particulièrement bien adaptée à la lutte contre l’effet de serre et à la maîtrise des consommations d’énergie, à la condition de la manier sans se départir de ses bons principes d’usage, et sans oublier le pragmatisme nécessaire à son succès. Dans la protection de l’environnement, le législateur n’a pas vraiment sollicité la fiscalité. La faiblesse de la politique fiscale environnementale et de ses moyens s’accorde en fait avec le déséquilibre des acteurs du développement durable. 51 REVUE ECONOMIE & KAPITAL N°8 Printemps 2016 Pour faire mieux qu'aujourd'hui, le Maroc doit jouer sur les trois leviers que sont la responsabilité individuelle, l'offre des entreprises et les politiques publiques. La production d'un kilogramme de veau engendre douze fois plus d'effet de serre que celle d'un kilogramme d'oeufs, et la production de blé bio 85% de moins d'effet de serre que du blé conventionnel. Nos choix quotidiens de consommation ont donc bien un impact sur le climat, et ils ne peuvent (ni ne doivent) être dictés par les pouvoirs publics. Ils relèvent d'abord de notre responsabilité personnelle. L’article porte sur les enjeux du développement durable imputables à l’instauration de taxes environnementales. L’objet de cette recherche est de constituer une plate-forme de concertation visant à lancer le débat sur les diverses opportunités offertes par les instruments économiques identifiés pour préserver notre environnement à moindre coût. Il servira d’assise pour débattre des meilleurs outils jugés efficaces à mettre en oeuvre pour accompagner les divers programmes environnementaux de protection, de restauration et de valorisation de notre environnement. L’article vise à vérifier si la politique fiscale marocaine répond aux exigences du développement durable. Nous constatons que la politique fiscale marocaine en faveur du développement durable est limitée à l'environnement. D’une part la protection de l’environnement est le monopole de l’Etat, et d’autre part la fiscalité environnementale reste hésitante, puisqu’elle est composée surtout de dégrèvements fiscaux classiques et peu de taxes spécifiques à la protection de l'environnement. Préalablement au développement de propositions concrètes relatives à la problématique étudiée, il est capital de comprendre les fondements théoriques de l’éco fiscalité. Sont ainsi entre autres développés les concepts d’externalité et du principe du pollueur-payeur (1), les avantages et inconvénients des outils économiques au regard des outils réglementaires, les objectifs poursuivis par la fiscalité environnementale. (1) le principe du pollueur payeur, selon lequel toute personne dont les activités causent ou sont susceptibles de causer des dommages à l’environnement assume les frais de toutes les mesures de prévention de la pollution, de réduction de la pollution ou de remise en état des lieux et de leur environnement. 52 REVUE ECONOMIE & KAPITAL N°8 Printemps 2016 I- FONDEMENTS THEORIQUES A- Instruments économiques Outre les instruments réglementaires (quotas, normes, etc.), il existe une série d’outils économiques (taxes, redevances, permis négociables et systèmes de consignation) d’ordre incitatif. Ceux-ci sont mis en oeuvre dans le but premier de modifier les comportements des agents économiques, tant les consommateurs que les entreprises (Expérience européenne). 1- Externalités La mise en oeuvre d’outils économiques, à l’instar des taxes environnementales, requiert l’existence d’externalités (négatives) à l’égard de l’environnement. BAUMOL et OATES (1975) définissent le concept d’externalité (2) comme étant « l’influence sur la satisfaction d’un agent économique sur une ou plusieurs variables non choisies par cet agent, sans que cette influence ne donne lieu à échange ou à compensation monétaire». Une externalité peut être positive (ex. du producteur de miel et du fleuriste) ou négative. La pollution générée par des activités de production ou de consommation est pour sa part considérée comme externalité négative, que l’OCDE (2001) définit comme « un coût qu’impose à autrui un agent économique mais dont il ne tient pas compte dans sa décision de production ou de consommation». Le domaine environnemental est particulièrement frappé par des externalités négatives du fait que les ressources environnementales ne sont guère soumises à un droit de propriété ou une réglementation particulière. Chacun peut donc en disposer à sa guise. 2- Principe du pollueur-payeur La mesure fiscale est un outil de concrétisation du principe « pollueur payeur » (PPP), selon lequel il revient à charge du pollueur de prendre en compte les coûts de dépollution générés par son activité. Cela implique donc une internalisation des coûts externes, représentés ici par les coûts environnementaux (3) (Nicolaisen et al, 1991). (2) Dans son acceptation générique, l’externalité désigne « toute influence directe des actions d’un agent économique sur les fonctions objectifs (utilité du consommateur, possibilités de production d’une entreprise) d’autres agents » (Bréchet, 2003) (3) Par exemple les atteintes à la qualité de l’air, des sols, de l’eau, des écosystèmes, etc. 53 REVUE ECONOMIE & KAPITAL N°8 Printemps 2016 En d’autres termes, le coût de certains effets environnementaux est incorporé dans le prix du bien. Ce principe est né des travaux réalisés par l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE) sur la politique de l’environnement en 1972 : « Le pollueur doit supporter les dépenses d’application des mesures de protection de l’environnement décidées par les pouvoirs publics pour maintenir l’environnement dans un état acceptable. En d’autres termes, le coût de ces mesures doit se refléter dans le coût des biens et des services qui engendrent une pollution au stade de la production ou de la consommation. Ces mesures ne doivent pas s’accompagner de subventions qui entraîneraient des distorsions notables dans les échanges et investissements internationaux». 3- Objectifs poursuivis par une fiscalité environnementale La fiscalité environnementale (4) (qui englobe « impôts, taxes et redevances dont l’assiette est constituée par un polluant, ou plus généralement par un produit ou un service qui détériore l’environnement ou qui se traduit par un prélèvement sur des ressources naturelles renouvelables ou non renouvelables » (OCDE, 2001)) constitue une des mesures de concrétisation du principe du pollueur-payeur. L’objectif premier de la mise en oeuvre de taxes environnementales consiste à limiter la production et la consommation de produits polluants ainsi que les activités préjudiciables à l’environnement (OCDE, 2001). Parmi les objectifs secondaires, Francis HAUMONT (2004) relève :  la génération de recettes fiscales pouvant servir de financement aux actions de la politique environnementale ;  la prise en charge par le pollueur de sa quote-part dans le coût de cette politique (responsabilité environnementale) ;  l’incitation des citoyens à modifier leurs comportements dommageables à l’environnement ;  la distorsion de concurrence. (4) Il y a une corrélation entre l’économie et l’environnement, on constate que les activités des agents économiques créent des effets exogènes qui peuvent contenir des inconvénients. L’important inconvénient est la pollution. Cette situation nécessite l’intervention de l’Etat (les pouvoirs publics) par des procédures, des législations et des actions qui limitent le volet de la dégradation de l’environnement et qui avantage en même temps la sauvegarde de ce trésor public qui est à la fois local et international. 54 REVUE ECONOMIE & KAPITAL N°8 Printemps 2016 4- Efficacité des taxes environnementales Les taxes liées à l’environnement sont efficientes tant sur le plan statique que dynamique, ce qui incite les entreprises à modifier leur mode de production et les consommateurs à modifier leurs comportements d’achat. L’efficience statique s’observe au niveau des mesures de dépollution. L’outil réglementaire impose, faute de connaissance quant aux coûts marginaux de dépollution de chaque entreprise, uniformément des normes par branche d’activité. A contrario, les outils économiques encouragent les mesures de dépollution efficientes d’un point de vue économique. Celles-ci vont en effet favoriser les dépollutions dans les secteurs où les coûts de dépollution sont moindres, ces secteurs réduisant davantage la pollution générée par leurs activités. Les entreprises peuvent donc choisir entre supprimer une unité de pollution supplémentaire si le coût de cette unité est inférieur au montant de la taxe ou, dans le cas contraire, s’acquitter de la taxe, voire acheter un permis d’émission. En outre, les taxes environnementales se répercutent sur les prix relatifs et agissent ainsi sur la pollution : « La hausse des coûts de production due à l’application des taxes est en effet répercutée, en partie ou en totalité, sur les prix à la consommation des biens et des services qui sont nuisibles à l’environnement. Les consommateurs sont ainsi encouragés à se détourner de ce type de productions, la demande s’orientant vers des produits de substitution meilleur marché et moins préjudiciables à l’environnement » (OCDE, 2001). L’efficience dynamique pour sa part se manifeste par l’incitation permanente que créent les taxes environnementales, dans le chef des entreprises, à réduire constamment leurs coûts de dépollution. Alors que les normes réglementaires ne poussent pas les entreprises à aller au-delà de ce qui leur est imposé, « les taxes incitent davantage les entreprises à dépolluer constamment, grâce à des méthodes de dépollution rentables, l’adoption de technologies de production plus propres et de technologies de dépollution plus efficaces et à des restructurations industrielles » (OCDE, 2001). 55 REVUE ECONOMIE & KAPITAL N°8 Printemps 2016 Les taxes imposent en effet, en plus des coûts de dépollution, au pollueur de payer pour ses émissions résiduelles. Les consommateurs, eux, sont aussi encouragés à se tourner vers des produits plus « propres » et à limiter leurs comportements préjudiciables à l’environnement. 5- Effets négatifs des taxes environnementales L’instauration de taxes environnementales est toutefois susceptible d’exercer des effets négatifs sur certains secteurs de l’économie. Déficit de compétitivité des industries, coûts administratifs et déséquilibres sociaux sont le plus souvent relevés. L’impact sur la compétitivité peut être sensible, principalement pour les entreprises les plus polluantes telles celles issues de l’industrie lourde (à forte intensité énergétique), et entraînerait des risques de délocalisations (O’Brien et al. 2001). Comme le rappelle l’OCDE (2001), « les taxes perçues sur les facteurs de production se traduisent par des hausses de prix et des baisses de salaire, du taux de rentabilité du capital ou du prix des ressources » et des écotaxes prises sans mesures particulières peuvent dès lors poser un problème aux couches fragilisées. Il est néanmoins possible de contrer ces répercussions par le biais de mesures de compensation. La compétitivité industrielle peut être maintenue en opérant par exemple des exonérations et réductions fiscales, un allègement temporaire de la taxe, la mise en place d’instruments d'accompagnement, des ajustements fiscaux aux frontières, ou encore en coordonnant la fiscalité environnementale au niveau national ou international. Une réforme fiscale de l’environnement (RFE) (5) s’accompagnant théoriquement d’une neutralité fiscale ou budgétaire, l’impact social est contrecarré par des mesures d’abattement des charges fiscales sur l’emploi. (5) « La réforme environnementale des taxes consiste en une augmentation des taxes environnementales associées à une diminution proportionnelle des taxes sur le travail. La réforme environnementale de la fiscalité, prise dans le sens plus large de réforme fiscale qui touche les taxes environnementales, les subventions et autres mesures d’incitation ainsi que les changements de politique en matière d’énergie, est notre objectif global ». 56 REVUE ECONOMIE & KAPITAL N°8 Printemps 2016 Ce mécanisme, connu sous le nom de double dividende, implique un recyclage des recettes résultant de la taxation accrue sur les usages énergétiques dommageables à l’environnement vers d’autres taxes, généralement celles prélevées sur l’emploi (impôt sur le revenu des personnes physiques, etc.). De la sorte, la RFE réalise un double dividende : par une amélioration significative de la protection de l’environnement (1er dividende) et par la création d’emplois (2ème dividende) (Dyck- Madsen, 2003). C’est d’ailleurs cette même neutralité fiscale qui a permis, aux Pays-Bas, Danemark et Suède notamment (Etats membres pionniers en matière de RFE), de crédibiliser ladite réforme aux yeux des citoyens et de stimuler l’emploi (Ege Jorgensen, 2003). Il est aussi possible d’engranger un triple dividende, en y intégrant la dimension sociale (OCDE, 2002). Or, si les taxes environnementales remplissent leur objectif, à savoir réduire la pollution ou la consommation énergétique, elles érodent leur propre assiette. Les recettes publiques s’en trouveront en conséquence diminuées. Dans ce cas, quid du principe de neutralité budgétaire ? 6- Identification du redevable et de l’assiette de la redevance Le redevable de la taxe environnementale est le pollueur, soit celui qui dégrade directement ou indirectement l’environnement. Il n’est néanmoins pas toujours aisé d’identifier le redevable. Deux cas d’espèce pour illustrer cette difficulté : la pollution par le CO2 émis par les automobiles et celle générée par les déchets d’emballage. Le redevable de la première peut tant être le constructeur automobile, que le producteur de carburant que l’utilisateur du véhicule. La pollution générée par les déchets d’emballages pourrait pour sa part être attribuable au producteur des emballages, au distributeur du produit emballé, au consommateur ou au collecteur éliminateur desdits emballages. Selon N. de SADELEER (in Haumont, 2004), le redevable doit idéalement être l’agent le plus en amont possible, soit le producteur du produit polluant (constructeur automobile, producteur d’emballages dans les deux exemples précités) avec le risque que celui-ci fasse ensuite répercuter le montant de la taxe qui lui est imputable sur le prix à la consommation. 57 REVUE ECONOMIE & KAPITAL N°8 Printemps 2016 La redevance de la taxe doit idéalement être proportionnelle à la pollution émise, ce que peut traduire par exemple parfaitement une écotaxe sur les bouteilles en plastique non recyclées. II- EN QUOI LA FISCALITE EST-ELLE IMPORTANTE POUR LE DEVELOPPEMENT ? La stabilité des finances publiques constitue un élément essentiel du développement durable. Après tout, la couverture sociale, l’infrastructure et les services de base tels que l’éducation et les soins de santé sont déterminants en termes de développement. Pour assurer une certaine stabilité, il est essentiel que les méthodes de financement de ces biens et services publics proviennent dans la mesure du possible des propres ressources du gouvernement, à savoir les recettes fiscales. Cela explique la relation étroite entre la fiscalité et le développement. Pour plusieurs raisons, les pays en développement rencontrent des difficultés lorsqu’il s’agit de recueillir ces recettes fiscales nationales efficacement. Si les pays en développement étaient capables de percevoir des recettes fiscales suffisantes, ils pourraient devenir plus indépendants. Leur financement dépendrait alors moins des emprunts extérieurs, ce qui réduirait leurs problèmes de dette et leur dépendance vis-à-vis de l’aide étrangère. Cette indépendance favoriserait la stabilité du budget du gouvernement, étant donné que les recettes fiscales sont moins incertaines et imprévisibles que l’apport d’aide. Cela pourrait également encourager les gouvernements à mettre en place des politiques, vu que le contexte des politiques économiques est généralement associé à l’aide étrangère et aux emprunts extérieurs. Par ailleurs, l’amélioration du système de recettes fiscales pourrait renforcer l’obligation de rendre compte en démocratie et laisser la place aux baisses des taux marginaux d’imposition élevés dans de nombreux pays. III- QUEL ETAT DES LIEUX D’ECOFISCALITE AU MAROC ? Au Maroc, les hautes directives Royales ont toujours appelé à faire de la protection de l’environnement l’une des priorités de tous les projets de développement économique et de placer l’amélioration du cadre de vie environnemental du citoyen au coeur des 58 REVUE ECONOMIE & KAPITAL N°8 Printemps 2016 préoccupations des pouvoirs publics. L’avènement de l’Initiative nationale de développement humain (INDH), dont l’objectif est d’éradiquer la précarité et la vulnérabilité est venue consolider ces principes en incitant à la préservation de l’environnement et à la restauration de sa qualité et en mettant en place les bases d’une nouvelle orientation axée sur le concept du développement durable. C’est dans ce cadre que s’est inscrite la déclaration gouvernementale qui place l’environnement au centre du développement socio-économique du pays et de tous les plans de développement sectoriels nationaux et régionaux. Certes, des réalisations importantes ont été enregistrées dans plusieurs secteurs et ont permis d’assurer une croissance économique soutenue. Mais des efforts importants restent à faire pour inverser la tendance liée à la dégradation de l’environnement au niveau national. En effet, et selon les dernières études, le coût de dégradation de l’environnement est estimé annuellement à 3,7% du PIB (6) soit 13 milliards de Dirhams et le coût de remédiation est de l’ordre de 1,8% du PIB, alors que la dépense publique nationale en faveur de l’environnement reste très limitée et ne dépasse guère 0,7% du PIB annuellement. Cette situation témoigne du grand déficit enregistré en ressources financières publiques à mobiliser pour assurer la préservation et la restauration de la qualité de l’environnement. Pour remédier à cette situation de dégradation de l’environnement qui devient très alarmante, l’approche législative et réglementaire a été jusqu’à présent privilégiée. Force est de constater que cette approche ne peut, à elle seule, faire face à l’ampleur des préjudices subis par les écosystèmes et par le milieu de vie du citoyen. Il est donc nécessaire qu’elle soit appuyée et accompagnée par une démarche qui prend en considération également les aspects économiques et financiers, et ce pour atteindre les objectifs visés par la nouvelle stratégie de proximité adoptée récemment par le département de l’environnement. (6) Il y a lieu de noter que compte tenu de la complexité des problèmes environnementaux et de l’insuffisance des données concernant certains secteurs, ces dommages peuvent être encore plus importants. En effet, certains aspects n’ont pas été pris en compte tels que la dégradation et la surexploitation de l’eau, la salinisation des sols irrigués ou encore les déchets industriels et dangereux. Des études méso économiques ont été également menées au niveau de certains secteurs ou villes et ont mis en exergue l’importance de leur contribution à la dégradation de l’environnement. 59 REVUE ECONOMIE & KAPITAL N°8 Printemps 2016 Tableau 1 : Coût des dommages selon les domaines environnementaux (en % du PIB). 1- Coût de la remédiation et dépense publique environnementale Au Maroc, les pressions sur l’environnement se font de jour en jour, plus croissantes et plus complexes. Parallèlement, les coûts de remédiation nécessaires pour y faire face augmentent à leur tour. En effet, et eu égard au coût de la dégradation de l’environnement de 3,7% du PIB, le coût de remédiation est estimé à 1,8% du PIB alors que la dépense publique en faveur de l’environnement n’atteint guère 0,7 % du PIB. Il apparaît donc que les dépenses actuelles pour la préservation de l’environnement restent insuffisantes pour couvrir les coûts de remédiation. La dépense publique environnementale ne doit pas servir à restaurer les dommages mais à les éviter. Les efforts entrepris par les pouvoirs publics (7) pour faire face à la dégradation de l’environnement sont nombreux et variés (juridique, incitatif,…). Cependant, les objectifs poursuivis ne peuvent être atteints dans la mesure où les moyens financiers mis en oeuvre restent en deçà des besoins nécessaires à la mise en oeuvre de projets structurants de la protection de l’environnement. C’est la raison pour laquelle il est nécessaire d’envisager la mise en place d’autres instruments économiques pour combler ce déficit dont la solidarité par le biais d’une fiscalité environnementale. (7) La Tunisie a développé un système public de reprise et de valorisation des emballages utilisés (y compris les sacs en plastique). Ce système, basé sur le principe du « producteur-récupérateur », incite tout producteur, distributeur de produits emballés (en plastic ou en métal, d’une contenance supérieure ou égale à 100 ml), et toute personne responsable de leur première mise sur le marché à la collecte des emballages utilisés en vue de leur réutilisation ou de leur valorisation. 60 REVUE ECONOMIE & KAPITAL N°8 Printemps 2016 2- Fiscalité marocaine et l’environnement Le diagnostic de la situation actuelle de la fiscalité nationale, vis-à-vis de sa capacité à modifier les comportements des agents économiques en faveur de la préservation de l’environnement, a permis de dresser la matrice de données des impôts, des taxes et des redevances au Maroc. L’analyse a mis en exergue que le système fiscal national a une finalité budgétaire et seules quatre taxes et redevances ont partiellement un objectif d’orientation de comportement visant la protection de l’environnement :  Taxe de vérification des véhicules de plus de 5 ans.  Taxe sur les motocyclettes.  Redevance d’assainissement des eaux usées.  Redevance de déversement. Tableau 2 : Matrice des impôts, taxes et redevances concernant le Maroc. L’analyse du cadre juridique national a permis de montrer que ce dernier dispose d’ores et déjà d’un certain nombre de dispositions visant la mise en place des instruments économiques au service de la protection de l’environnement. 61 REVUE ECONOMIE & KAPITAL Lois N°8 Printemps 2016 Dispositions concernant les Instruments mis en place instruments économiques Loi n°11-03 relative à la protection et à la mise en valeur de l’environnement. Loi n°13-03 relative à la lutte contre la pollution de l’air. Cette loi ne contient pas de disposition instituant un impôt ou une taxe. Cependant, elle prévoit l’instauration d’un système d’incitations financières et fiscales visant l’encouragement des investissements et le financement des projets portant sur la protection et la mise en valeur de l’environnement ainsi qu’un Fonds national pour la protection et la mise en valeur de l’environnement, dont les ressources sont destinées au financement des mesures incitatives prévues par cette loi et exceptionnellement au financement des projets pilotes d’environnement et d’expérimentation. Cette loi ne contient aucune disposition instituant un impôt ou une taxe. Elle vise « la prévention et la lutte contre les émissions des polluants atmosphériques susceptibles de porter atteinte à la santé de l’homme, à la faune, au sol, au climat, au patrimoine culturel et à l’environnement en général». Cependant, elle prévoit un régime d’incitations financières et d’exonérations fiscales pour encourager l’investissement dans les projets et activités visant à prévenir la pollution de l’air, l’utilisation des énergies renouvelables et la rationalisation de l’usage des énergies et matières polluantes. Création du Fonds national pour la protection et la mise en valeur de l’environnement (FNE).  Loi n° 10-95 sur l’eau. Cette loi vise principalement à mettre en place une planification cohérente et souple de l’utilisation des ressources en eau et une gestion rationnelle de toutes les ressources, ainsi qu’à protéger et conserver, sur le plan quantitatif et qualitatif, le domaine public  hydraulique dans son ensemble. Elle prévoit le prélèvement de deux types de redevance : la redevance d’utilisation de l’eau et la redevance de déversement. Cette loi adopte le principe « pollueur-payeur » et « préleveur payeur ».  62 Redevance d’utilisation : Toute personne physique ou morale utilisant les eaux du domaine public hydraulique est soumise au paiement d’une redevance pour utilisation de l’eau qui peut être qualifiée de taxe causale dont l’objectif est essentiellement fiscal. Redevance de déversement : Aucun déversement, écoulement, rejet, dépôt dans une eau superficielle ou une nappe souterraine susceptible d’en modifier les caractéristiques physiques, ne peut être fait, sans une autorisation. Elle donne lieu au paiement de redevances de déversement, considérées comme taxe causale comportant un effet incitatif mettant en oeuvre le principe de causalité (principe du pollueur-payeur). Concours financier : Tout utilisateur des eaux usées peut bénéficier du concours financier de l’Etat et de l’assistance technique de l’agence de bassin si l’utilisation qu’il fait des eaux usées est conforme aux conditions fixées par l’administration et a pour effet de réaliser des économies d’eau et de préserver les ressources en eau contre la pollution. REVUE ECONOMIE & KAPITAL Loi n° 06-99 sur la liberté des prix et de la concurrence. Loi n°28-00 N°8 Printemps 2016 Redevance de l’assainissement Redevance de l’assainissement : cette redevance est prévue dans le décret n° 2-00854 du 17 septembre 2001 pris pour l’application de la loi n° 06-99 sur la liberté des prix et de la concurrence. Dans la mesure où cette redevance permet de financer l’assainissement de l’eau par l’Etat, elle peut être qualifiée de taxe causale. D’autre part, les tarifs comportant une partie proportionnelle dépendant du m3 d’eau, la redevance est partiellement incitative. Deux redevances sont prévues par cette loi : Les prestations rendues par le service relative à la public des déchets ménagers et assimilés, gestion quel que soit son mode de gestion, donnent lieu à la perception d’une redevance dont les des déchets et à taux sont fixés par le Conseil Communal. leur élimination.  Le service communal chargé de la gestion des stocks ménagers et assimilés, et le cas échéant les personnes autorisées à cet effet peuvent recevoir et gérer les déchets inertes, les déchets agricoles, les déchets ultimes et les déchets industriels non dangereux moyennant une redevance sur les services rendus. Les taux sont fixés par le conseil communal.  Ces redevances constitueraient des taxes causales à but fiscal et devraient contribuer à la mise en oeuvre des programmes locaux ou régionaux de gestion des déchets solides notamment du Programme National de Gestion des Déchets Ménagers. Par contre, pour les déchets dangereux, aucun système de taxation ou de redevance n’est prévu. Loi relative à l’exploitation des carrières. Cette loi ne contient aucune disposition à caractère fiscal. En particulier, aucune redevance ni autre contribution publique n’est prévue en contrepartie d’une autorisation accordée par les autorités. Par ailleurs, l’exploitant d’une carrière est obligé de produire une caution bancaire destinée à assurer le réaménagement du site après fermeture de la carrière. 3- Les incitations prévues Bien que ces instruments locaux existent depuis plusieurs années, ils restent cependant insuffisants, peu utilisés et mal connus par les bénéficiaires. Sont considérés comme aides financières à la réduction de la pollution et à la préservation de l’environnement, 63 REVUE ECONOMIE & KAPITAL N°8 Printemps 2016 le Fonds de dépollution industrielle (FODEP), le Fonds National pour la protection et la mise en valeur de l’Environnement (FNE), le Mécanisme pour un développement propre (MDP), ainsi que certaines exonérations fiscales favorables à l’environnement et les incitations publiques sectorielles. a- Le Fonds de dépollution industrielle (FODEP) Le FODEP, mis en place en partenariat avec l’Agence allemande de coopération financière (Kfw), a pour objectifs :  D’inciter au respect de l’environnement ;  De permettre une mise à niveau des industries marocaines de manière à les rendre plus compétitives dans la perspective des nouvelles règles de la mondialisation ;  D’anticiper sur la réglementation nationale en cours d’adoption (fixations des valeurs limites de rejet). L’approche suivie pour atteindre ces objectifs consiste à inciter les entreprises industrielles et artisanales à réaliser des investissements de dépollution, à faire des économies en ressources naturelles et à tenir compte de la dimension environnementale dans leurs projets de manière générale. Le FODEP intervient par l’octroi de dons dans les conditions suivantes :  20% pour les projets intégrés qui concernent l’économie des ressources naturelles et l’utilisation de technologies propres ;  40% pour les projets en aval qui consistent en une réduction de la pollution par le traitement ou l’élimination des déchets liquides, solides ou gazeux. Le complément de financement est constitué de fonds propres et de crédits bancaires dont la Caisse Centrale de Garantie se porte garante. Cet outil, qui reste une source de satisfaction par ses résultats et notamment par ses réalisations à travers les diverses régions du Royaume, doit être pérennisé et surtout élargi vers de nouveaux secteurs qui sont fortement polluants. Le FODEP a agréé depuis sa mise en oeuvre en 1998, 98 projets de dépollution pour un montant global de 480 MDH dont 183 MDH représentent la partie don. 64 REVUE ECONOMIE & KAPITAL N°8 Printemps 2016 b- Le Fonds National pour la protection et la mise en valeur de l’environnement (FNE) Le FNE prévoit l’appui financier notamment à la mise en oeuvre du Programme National des Déchets Ménagers et Assimilés PNDM. Le montant global des crédits ouverts au titre de l’exercice 2009 par ledit fonds est de l’ordre de 230 MDH. c- Le Mécanisme pour un Développement Propre (MDP) Le MDP est un mécanisme de flexibilité mis en place par le protocole de Kyoto permettant aux pays développés d’obtenir des crédits de réduction des émissions en finançant des projets de réduction des émissions dans les pays en développement. Ainsi, ce mécanisme permet :  D’aider les pays développés à satisfaire leurs obligations de limitation et de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre (GES),  D’aider les pays en développement à parvenir à un développement durable et à contribuer à la réduction de ces gaz. Le principe du MDP consiste en une transaction commerciale entre un vendeur de crédits carbone (entreprise, collectivité locale, organisme étatique) d’un pays en développement, qui grâce à son projet pourra économiser l’émission d’une quantité déterminée de GES (exprimée en URCE : Unités de Réduction Certifiée des Emissions), et un acheteur d’un pays développé soumis aux engagements du Protocole de Kyoto (gouvernement, opérateur financier international,…). Le Maroc a mis en place, depuis 2002, l’Autorité Nationale Désignée (AND) du MDP domiciliée auprès du Département de l’Environnement. Cette autorité constitue le représentant de l’Etat vis-à-vis des organismes opérateurs nationaux intéressés par le MDP et des organismes internationaux chargés du MDP. Elle doit se prononcer sur la conformité des projets aux critères nationaux de développement durable et leur contribution à ce développement. d- Les exonérations fiscales favorables à l’environnement au Maroc Certaines exonérations fiscales peuvent être considérées comme des aides financières à la réduction de la pollution : 65 REVUE ECONOMIE & KAPITAL N°8 Printemps 2016  L’encouragement du renouvellement du parc automobile.  La réduction de la T.V.A sur la location des compteurs d’eau et d’électricité.  La réduction de la T.V.A sur la voiture économique.  La suspension de la T.V.A à l’importation sur le gaz butane.  La réduction de la T.V.A sur les chauffe-eaux solaires.  L’exonération totale et permanente des revenus des plantations sylvestres, non fruitières destinées à préserver les sols de l’érosion due aux vents et aux pluies. IV- LIMITES DE LA FISCALITE ENVIRONNEMENTALE Les avantages de l’instrument fiscal par rapport à d’autres instruments des politiques de l’environnement sont maintenant bien connus. L’éco fiscalité présente, d’un point de vue économique, l’avantage de conduire chaque agent à arbitrer librement entre payer la taxe et polluer ou réduire sa pollution pour payer moins de taxe. Comme tous les agents consentent le même coût de réduction des pollutions puisqu’ils payent tous la même taxe, l’effort de réduction est identique pour tous. En ce sens, la fiscalité permet d’atteindre un objectif environnemental de façon efficace. Les limites de l’instrument fiscal résident essentiellement dans sa mise en oeuvre.  Le niveau de protection environnementale induit par une taxe ne se mesure qu’a posteriori. Il dépend de la sensibilité des agents aux prix (taxation ou subvention), ce qui peut en limiter la pertinence pour des pollutions dont les effets peuvent générer des dommages irréversibles au-delà d’un certain seuil.  La fiscalité écologique, de par sa finalité qui est de modifier les comportements portant atteinte à l’environnement, présente une spécificité par rapport à la fiscalité générale qui vise des objectifs de financement ou des objectifs redistributifs.  Une fiscalité environnementale « efficace » s’attachera à réduire son assiette, puisque l’assiette représente les dommages environnementaux, ce qui est contraire à une logique de financement. 66 REVUE ECONOMIE & KAPITAL N°8 Printemps 2016  L’éco fiscalité génère des effets redistributifs entre secteurs et entre catégories de ménages. Mais certaines dispositions peuvent être jugées trop pénalisantes, ce qui en réduit l’acceptabilité.  Les effets redistributifs peuvent alors appeler des mesures de compensation parfois complexes à cibler, et qui peuvent elles-mêmes aller à l’encontre des principes d’égalité devant l’impôt.  La fiscalité environnementale, également comme les autres instruments, mais de façon plus directe, peut poser des problèmes de compétitivité internationale dans le cas de politiques non coordonnées entre partenaires commerciaux. Les mesures visant à limiter les pertes de compétitivité peuvent aussi se révéler complexes à cibler et, parfois, aller à l’encontre d’objectifs environnementaux. V- PROPOSITIONS DES AXES DE LA REFORME DE LA FISCALITE ENVIRONNEMENTALE A l’instar de la démarche utilisée de par le monde, le processus de mise en oeuvre d’une approche fiscale environnementale doit répondre à un certain nombre de principes qui peuvent être comme suit :  L’incitation : Il s’agit d’encourager les comportements vertueux sans infliger de pénalités financières injustifiées, notamment en l’absence d’alternative crédible.  La progressivité de la mise en oeuvre : Les délais d’adaptation des acteurs sont respectés.  La simplicité et la lisibilité : sauf exceptions dûment justifiées, les dispositifs administrativement complexes doivent être évités. De ce fait, les domaines prioritaires proposés pour faire l’objet d’une fiscalité environnementale sont l’eau, les déchets et le littoral. Le choix porté sur ces secteurs peut se justifier par leur dégradation alarmante et la nécessité d’adopter une démarche progressive pour couvrir l’ensemble des autres secteurs à terme. 67 REVUE ECONOMIE & KAPITAL N°8 Printemps 2016 Propositions fiscales  Moduler la T.V.A en fonction de l’impact environnemental des produits, notamment en instaurant une T.V.A verte à taux réduit sur ceux qui respectent le mieux l’environnement  Taxes sur l’exploitation des ressources naturelles, par exemple le bois, le pétrole ;  Taxes sur les produits, par exemple les pesticides, les batteries ;  Taxes les polluants et les émissions, par exemple le dioxyde de soufre ;  Réforme des subventions préjudiciables à l’environnement ;  Mise en place d’un système d’échange de quotas / de droits d’émission ;  Subventions environnementales : Subventionner les technologies de réduction des émissions ;  Taxe sur l’électricité : Les signaux de prix auront pour effet de renforcer l’utilisation rationnelle de l’électricité. Des taux de taxation peuvent être fixés de manière à encourager l’utilisation de carburants plus propres ;  Prévoir un système d’encouragement aux voitures non polluantes à travers par exemple les exigences écologiques du bonus/malus sur les véhicules automobiles, et l'attribution d'aides à l'acquisition de véhicules « propres » ;  Instaurer des mesures pour faire reculer l'invasion publicitaire dont sont victimes nos sociétés. Directement polluante quand elle multiplie les imprimés et prospectus commerciaux non sollicités, la publicité contribue plus largement à la privatisation de l'espace public que cela soit dans les rues, les lieux publics, à l'écran ou sur les ondes. À titre conservatoire, il y a lieu d’augmenter sensiblement les taxes, aujourd'hui dérisoires, sur les publicités imprimées et prospectus ainsi que sur les spots publicitaires audiovisuels. Il faut mettre en chantier une nouvelle taxation générale de la publicité qui reposerait sur deux principes :  une taxation à la source de la dépense publicitaire des entreprises, qui contribuerait à contenir le gaspillage publicitaire auquel se livrent certaines firmes au détriment d'investissements d'avenir et de leurs salariés. 68 REVUE ECONOMIE & KAPITAL N°8 Printemps 2016  une taxation nationale de la publicité extérieure (enseignes, panneaux publicitaires) qui pourrait être majorée par les communes.  Prévoir un prélèvement exceptionnel sur les bénéfices des sociétés établies au Maroc qui réalisent leur chiffre d'affaires principalement dans le domaine de l'énergie, afin de financer l'effort d'investissement public pour la conversion écologique de l'économie ;  Etudier la mise en oeuvre d'un droit de base à l'énergie électrique grâce à la gratuité pour une première tranche minime de consommation électrique annuelle par foyer. Ce droit serait appuyé sur une forte taxation progressive des surconsommations, afin d'enrayer le mésusage et le gaspillage. De même, un dispositif identique doit être étudié pour l'eau ;  Transformation de la taxe à l’essieu en taxe sur les poids lourds, dont le taux est fonction des dommages et des émissions; Modification de la taxe d’atterrissage en fonction des émissions polluantes : surtaxe d’atterrissage ; Surtaxe sur les carburants afin d’équilibrer les prix diesel/essence ;  Taxe sur les véhicules légers, pour les automobiles et les deux roues, dont le taux est fonction des dommages et des émissions; A long terme: Taxe sur les COV (Composés organiques volatiles) ;  Redevance causale sur les déchets ménagers, forfaitaire dans un premier temps, puis avec une part proportionnelle;  Taxe d’élimination anticipée pour les piles (permettra la collecte et le traitement);  Taxe sur les sacs plastiques (principe de l’impôt écologique);  Taxe annuelle de stockage pour encourager le traitement (déchets industriels).  Taxe sur les carrières: instauration de la dimension incitative.  Contribution environnementale touristique : taxe forfaitaire payée par les touristes pour la préservation et la naturalisation du littoral et du paysage. 69 REVUE ECONOMIE & KAPITAL N°8 Printemps 2016 CONCLUSION Le système fiscal national accorde peu de place aux aspects de protection de l’environnement, dans la mesure où, l’objectif poursuivi est essentiellement budgétaire et n’encourage pas les comportements et attitudes jugées favorables à l’environnement. En revanche, les expériences internationales menées en matière d’éco fiscalité et d’utilisation des instruments économiques à des fins de protection de l’environnement, pas seulement en Europe, ont mis en exergue l’importance fondamentale de ces instruments en tant que leviers efficaces de développement de comportements collectifs nouveaux, favorables à l’environnement et au développement durable. En effet, les instruments économiques ont le mérite d’internaliser les coûts des dommages causés à l’environnement dans les décisions économiques, ce qui encourage les pratiques de développement durable et réduit les coûts collectifs de réhabilitation de ces dommages. L’instauration des instruments économiques combinée à l’approche réglementaire peut constituer une alternative pour atteindre les objectifs escomptés dans ce cadre. Pour ce faire, il serait opportun que notre pays mette en place un système fiscal adapté au contexte socioéconomique pour contribuer à la sauvegarde des milieux environnementaux soumis à un rythme accéléré de dégradation. Beaucoup de progrès restent à faire et la pratique française est à cet égard en retard par rapport à celle de nos principaux partenaires. Cette réforme fiscale environnementale va permettre non seulement de protéger l’environnement mais également de générer des ressources additionnelles et soulager ainsi le budget de l’Etat qui pourrait être consacré pour satisfaire d’autres besoins du développement. En effet, il ne revient pas à la dépense publique de couvrir, à elle seule, les coûts de la remédiation environnementale. Appuyée par l’aide internationale, elle sert de transition jusqu’à ce que les effets de la réforme fiscale environnementale se déploient pleinement. 70 REVUE ECONOMIE & KAPITAL N°8 Printemps 2016 BIBLIOGRAPHIE  Agence européenne pour l’environnement, Récents développements dans l’utilisation des écotaxes au sein de l’Union européenne, Série sur les problèmes environnementaux, 2000.  BOITEUX M., professeur agrégé de l’Université, membre de l’Institut, Eloge des écotaxes, revue Sociétal, n° 46, 4ème trimestre 2004.  Centre international de recherche sur l’environnement et le développement, FORTIN E., Effets redistributifs d’une écotaxe : présentation et analyse des résultats du modèle IMACLIM, 1998.  Chambre de commerce et d’industrie de Paris, Commission de l’aménagement régional, de l’environnement, du tourisme et des transports, BRUNET M., Fiscalité environnementale : se limiter à encourager l’écologie et l’innovation, septembre 1999.  GODARD O. et LE CACHEUX J. : « La fiscalité écologique », 20 Mai 2009.  Monpion Anne, (2007), « Le Principe Pollueur et L’Activité Agricole dans l’union Européenne », Thèse du doctorat, Université de Limoges, France.  PNUD-FEM (1998), « Changements Climatiques et Ressources en Eau dans les pays du Maghreb, Algérie - Maroc - Tunisie, enjeux et perspectives », Projet RAB/94/G31. 71