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LIVRET LA FOI D'IRÉNÉE Bdéf

2022, Fondation St Irénée

This small book is an anthology of texts from Irenaeus of Lyon (late 2nd century), in original translation, dealing with the various points of the symbol of faith. The excerpts, which covers the three main articles of the Christian faith (God the Father and Creator, Son made man and Savior, Holy Spirit vivifying the Church) are preceded by a set of texts illustrating the attitude of faith, based on the model of Abraham, and followed by an expansion to the evocation of the three virtues of faith, hope and charity. In appendix we find a list of scriptural sources of the Nicaea-Constantinople’s symbol (381). The Dominican theologian Thomas Joseph White, rector of the University of St Thomas in Rome (Angelicum), prefaced the booklet. Ce travail est une anthologie de textes d’Irénée de Lyon (fin IIème s.), en traduction originale, portant sur les divers points du symbole de foi. La série abordant les trois principaux articles de la foi chrétienne (Dieu Père et créateur, Fils devenu homme et sauveur, Esprit Saint vivifiant l’Église) est précédée par un groupe de textes illustrant l’attitude de foi, à partir du modèle d’Abraham, et suivie d’un élargissement à l’évocation des trois vertus de foi, d’espérance et de charité. En annexe on trouvera une liste de sources scripturaires de symbole dit de Nicée-Constantinople (381). Le théologien dominicain Thomas Joseph White, recteur de l’Université Saint Thomas de Rome (Angelicum), a préfacé le recueil.

AGNÈS BASTIT LA FOI D’IRÉNÉE TEXTES D’IRÉNÉE DE LYON EN TRADUCTION ORIGINALE 1 Avant-propos Page de couverture : Irénée, vitrail d’A.-L. Vermonet, Basilica of Our Lady Immaculate, Guelph, Ontario (vers 1900) Page 2 : Allégorie de la foi, Giovanni Dupré, seconde moitié du XIXe siècle, collection particulière. 2 Le 21 janvier 2022, le pape François a signé un décret déclarant saint Irénée docteur de l’Église, un terme que l’Église catholique réserve à des figures importantes de l’histoire de la théologie, qui sont aussi des modèles d’enseignement et de vie chrétienne. Dans le cas d’Irénée, ce titre de docteur de l’Église n’est pas seulement très mérité, mais il est aussi particulièrement approprié, puisqu’il s’agit du premier théologien de l’Église ancienne à avoir fait entendre sa voix après l’époque des apôtres et des évangélistes. Dans son introduction à ces extraits se rapportant à la foi chrétienne reçue, approfondie et confessée -, Agnès Bastit met en évidence quatre caractéristiques majeures de la pensée de saint Irénée, qui sont toujours pertinentes pour l’Église et la culture théologique de nos jours. Premier point : la continuité dans la réflexion théologique d’Irénée, sur la base de l’enseignement apostolique d’un côté et de la tradition philosophique gréco-romaine de l’autre. Cette approche montre comment, au cœur de la première théologie chrétienne, se rencontre une harmonie entre la pensée philosophique hellénistique et la nouveauté de la révélation. L’enseignement du Christ et des apôtres n’est pas réductible à une simple tradition religieuse parmi d’autres, mais elle implique la révélation plénière de Dieu en tant que Père, Fils et SaintEsprit. Cependant, cette nouveauté fait son apparition en s’appuyant sur la toile de fond d’une recherche plus humaine et universelle de la sagesse, une recherche qui a animé la vie intellectuelle des cultures précédentes et dans laquelle on peut percevoir les travaux préparatoires de l’Esprit-Saint, qui invite tous les hommes de manière implicite à reconnaître plus parfaitement Dieu comme unique créateur du tout. Cette vision intégrative qui est celle d’Irénée anticipe les divers déploiements dynamiques postérieurs de cette rencontre entre la foi et la raison dans la tradition de la pensée catholique. 3 Deuxième point : la théologie d’Irénée suggère que la profession de foi collective de l’Église primitive repose sur l’acte primordial de la réception et l’interprétation des Écritures comme parole de Dieu communiquée de manière prophétique aux hommes. En tant qu’éminent défenseur de l’inspiration de l’Ancien Testament (contre les gnostiques) et de l’intégrité du Nouveau Testament (contre Marcion), Irénée tient à enraciner la promulgation ecclésiale de la doctrine chrétienne dans l’intégralité de la révélation communiquée d’abord à Israël puis aux apôtres, dans la lumière de la venue du Christ. Nous voyons, avec l’œuvre d’Irénée, l’émergence d’une vision très ancienne des Écritures composant le « canon » biblique, comprises comme une norme pour la confession de la foi, contrebalancée par une affirmation d’égale importance : c’est l’Église, sa tradition, l’enseignement de ses évêques qui fournit la norme et le contexte d’une juste interprétation des Écritures. Les Écritures n’ont pas été inventées par l’Église, elles sont reçues par elle, mais sans elle les Écritures ne peuvent être comprises en toute plénitude et vérité, et ne porteront pas tout leur fruit. Ainsi, le renouveau de la théologie se doit d’être à la fois scripturaire et ecclésial : une étude de l’Écriture insuffisamment animée par la référence à l’Église, à sa vie, à ses saints ne sera pas complète et authentique, mais un renouveau de l’Église qui ne serait pas réceptive, pour s’en nourrir, des voix vivantes de l’Écriture ne serait pas suffisamment fondée sur la parole vivante du Christ, sa présence et son inspiration directe. Troisième point : l’Église a un rôle à jouer dans le discernement de la vérité catholique. À l’encontre des tendances individualistes, ésotériques et élitistes des gnostiques, Irénée insiste sur la préservation ecclésiale collective de la foi catholique, qui se fait par la voie d’un enseignement public, exotérique, accessible à tous, y compris aux illettrés, et qui est communiqué gratuitement, non seulement dans la prédication mais aussi dans la pratique des sacrements. Le mystère de Dieu peut être expérimenté, participé et sauvegardé par tous, même si quelques-uns ont davantage d’autorité dans ce processus que d’autres. Les évêques sont les chefs de l’Église et ont l’autorité de promouvoir l’enseignement apostolique, mais il leur faut se référer aux Écritures, à l’enseignement de leurs prédécesseurs et de ceux qui ont eu avant eux une place d’autorité, et ils doivent aussi être à l’écoute du sensus fidei (sens de la foi) du commun des fidèles et en particulier des confesseurs et martyrs, comme voie pour discerner l’inspiration du Saint Esprit dans la vie courante de l’Église. C’est pourquoi interviennent chez Irénée, 4 dans le cadre de son témoignage théologique, les figures de Clément de Rome, d’Hermas, de Polycarpe ou de Justin le martyr, comme bornes milliaires du passé récent de l’Église. Quatrième et dernier point : la théologie d’Irénée suggère fortement qu’il existe une intelligibilité intrinsèque du mystère de la révélation divine. Il tend vers ce que les théologiens catholiques du XIXe siècle appelleront plus tard « analogie de la foi » (analogia fidei), à savoir la relation entre les différents mystères dévoilés par Dieu. Comment le mystère de l’incarnation du Verbe fait chair révèle-t-il Dieu et se rapporte-til à la connaissance de la sainte Trinité ? Comment ces mystères se rapportent-ils à l’Église, à la révélation, au salut du genre humain, à la vierge Marie, à la Loi de l’Ancien Testament, à l’attente du monde à venir, à la résurrection générale ? La théologie catholique ne considère pas chaque mystère de foi séparément, mais regarde les relations qui existent entre eux comme une expression de l’unique sagesse de Dieu qui se manifeste en tous. Irénée est l’une des voix théologiques les plus importantes, et en tout état de cause la plus ancienne, qui a exploré cette perspective de manière cohérente, profonde et systématique. En bref, les pistes ouvertes par les extraits ici présentés et traduits par Agnès Bastit constituent une véritable initiation à la foi chrétienne et, au-delà, à la théologie catholique en tant que telle. Irénée, dans sa propre conception de la foi, s’inscrit tout ensemble dans la continuité de la foi d’Israël, initiée par Abraham, et de celle des apôtres, en particulier de Paul. À l’encontre du spiritualisme gnostique, il insiste sur le fait que la foi n’est pas seulement un accès à l’intelligence du mystère révélé par Dieu, mais aussi une obligation à la justice, un engagement du croyant à suivre la voie indiquée par Dieu, tout spécialement par le Christ, sans quoi le fidèle « contriste l’Esprit » et se prive de la fécondité liée à la communion de la grâce. La sagesse vraiment catholique – c’est-à-dire universelle - d’Irénée, désormais le plus ancien docteur de l’Église après les apôtres, nous incite à notre tour aujourd’hui à prendre au sérieux les obligations créatives et les possibilités libératrices d’une vie vécue pleinement, qui rende témoignage au Père, au Fils et au Saint Esprit. Fr. Thomas Joseph White, op Théologien dominicain Recteur de l’Université Saint-Thomas (Angelicum), Rome 5 La foi d’Irénée Je t’invoque, Seigneur Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob et Israël, qui es le Père de notre Seigneur JésusChrist, Dieu qui, par la surabondance de ta miséricorde, as jugé bon que nous te connaissions, toi qui as fait le ciel et la terre et qui domines toutes choses, toi le seul et vrai Dieu au-dessus duquel il n’y a pas d’autre Dieu, toi qui, par notre Seigneur Jésus-Christ, nous a encore fait don de l’Esprit Saint, donne à toute personne lisant cet écrit de connaître que tu es le seul Dieu, d’être affermi en toi et de s’abstenir de toute opinion hérétique, athée et impie.1 Introduction Un contexte riche, mais difficile L’œuvre de saint Irénée qui nous a été conservée 2 est tout entière consacrée à la mise en lumière de la foi chrétienne et, pour ce qui est de son grand ouvrage Contre les hérésies, à sa défense contre des déformations et des manières de la comprendre qui en faussent le sens. Avec quelque recul du temps – un peu plus d’un siècle après les premiers écrits chrétiens – les Églises prennent mieux conscience du trésor que renferment les textes du Nouveau Testament, évangiles et lettres des apôtres, et plus largement les Écritures, c’est-à-dire tous les livres de l’Ancien Testament qui constituent le socle sur lequel l’enseignement des évangélistes et des apôtres s’est appuyé. Tous ces 1 Contre les hérésies (Adversus haereses) III, 6, 4 Des œuvres d’Irénée que l’antiquité a pu connaître, comme l’atteste l’historien Eusèbe de Césarée, nous n’avons conservé que deux ouvrages : a) un monument en cinq tomes couramment appelé Adversus haereses (Contre les hérésies), ici abrégé en AH, qui nous est parvenu principalement en traduction latine même s’il reste aussi un certain nombre de fragments dans la langue originale, le grec, et b) une lettre-traité adressée à un certain Marcianus, qui était apparemment un chrétien de fraiche date. Ce livret, qui propose une présentation simple de l’essentiel de la foi et de son enracinement sur l’arrière-plan de la Bible, est intitulé en grec « Exposé de la prédication apostolique » (c’est-à-dire de la prédication remontant aux apôtres de Jésus et authentifiée par eux). Il nous a été conservé dans une traduction arménienne ancienne, dont le titre est Démonstration de la prédication apostolique, ici abrégé Dém. Les traductions proposées ici sont miennes. 2 6 textes, ceux de la Bible des juifs et ceux du Nouveau Testament déjà constitué pour l’essentiel, sont lus et expliqués aux fidèles le dimanche lors des célébrations eucharistiques. Ils sont utilisés par les catéchètes pour expliquer la foi chrétienne à ceux qui, dans l’empire romain, se préparent à entrer dans l’Église par le baptême. Les catéchumènes ne parviennent au seuil du baptême que nourris par cet enseignement qui aboutit à la proclamation publique de leur foi en Dieu Père, Fils et Esprit. Le condensé de cette foi s’exprime à travers des symboles ou confessions de foi qui se distribuent en articles énonçant les principaux points auxquels est donnée adhésion. En même temps, le catéchumène se voit invité à abandonner toute compromission avec le culte des idoles ou avec la violence (des jeux du cirque, par exemple) ainsi qu’avec toute pratique sexuelle désordonnée. Positivement, il est encouragé à se montrer sobre pour lui-même, juste et généreux à l’égard d’autrui. Intégrité de la foi et pureté de vie sont étroitement liées, comme l’écrit Irénée dans son petit écrit destiné à fortifier la foi d’un nouveau chrétien, Marcianus : « notre corps doit être pur, c’est-à-dire que nous devons éviter toute action honteuse et nous conduire avec justice. Notre âme aussi doit être pure, c’est-à-dire que nous devons garder entière notre foi en Dieu, sans rien y ajouter et sans rien en retirer […]. Le respect et l’amour pour Dieu garderont leur beauté et leur force si la vérité reste toujours dans l’âme comme la pureté dans le corps. Car cela ne sert à rien de reconnaître en paroles ce qui est vrai, si nous rendons notre corps impur et si nous obéissons à nos désirs mauvais. Mais un corps pur n’est pas utile, si la vérité n’est pas dans l’âme. En effet, l’âme et le corps partagent la même joie et ils ne font qu’un pour conduire l’homme à Dieu » 3. Le principal défi que doivent relever les pasteurs tels Irénée, en ce dernier quart du deuxième siècle après Jésus-Christ, est celui des groupes chrétiens « gnostiques », c’est-à-dire qui prétendent avoir accès à une connaissance (« gnose » en grec) supérieure et secrète, réservée à ceux qui s’engagent dans une initiation spécifique. Ces communautés célèbrent aussi les sacrements – baptême, eucharistie 4 -, lisent pour la plupart les mêmes textes sacrés et proclament à peu près le même symbole de foi, au témoignage même d’Irénée, mais ils n’en comprennent pas les termes de la même façon. Comme l’écrit Irénée dans la préface du Contre les hérésies, « ils disent des choses semblables » (à ce que proclame 3 Dém. , § 2 Quoique, parfois, avec des usages spécifiques, comme de célébrer l’eucharistie avec du pain et de l’eau au lieu de vin. 4 7 l’Église), « mais pensent de manière dissemblable ». Ainsi, par exemple, ils déclarent croire « en un seul Dieu », mais ce Dieu suprême et inconnaissable n’est pas le créateur de ce monde – la production du monde visible étant, selon les gnostiques, indigne du Dieu supérieur et réservée à une divinité subalterne. De même, ils reconnaissent bien un Christ et un Sauveur, mais ces deux êtres, qui ne s’identifient pas nécessairement, sont distincts d’une part du Fils unique du Dieu suprême et, de l’autre, du Jésus visible dont parlent les évangiles. On le voit, la séparation entre l’univers purement spirituel, d’origine divine, et ce monde, de nature très inférieure, aboutit à multiplier les entités : deux Dieux au lieu d’un unique Dieu Très-haut créateur, quatre êtres pour un seul Sauveur Jésus-Christ etc. À terme aussi, l’homme n’est promis au salut que s’il s’identifie à l’étincelle spirituelle qui lui vient de la sphère divine, ce qui veut dire que le corps et l’âme sont voués à la destruction, la mort se révélant simplement libératrice pour le noyau spirituel interne (pour ceux qui en sont dotés), seul à subsister. Deux catégories de fidèles sont particulièrement exposés à se laisser égarer par l’enseignement marginal et ésotérique des maîtres gnostiques : ceux qui ne sont pas en mesure de faire le départ entre l’enseignement authentique de l’Église et sa contrefaçon séduisante, qu’Irénée appelle les « inexpérimentés » et, plus spécifiquement, les néophytes ou nouveaux baptisés, qui ne sont pas encore bien enracinés dans la foi et peuvent se laisser entraîner malgré eux. Irénée se lance alors à corps perdu dans une tentative visant, non seulement à mettre en garde les fidèles les plus fragiles, mais même à s’efforcer d’arracher les égarés au courant qui les emporte pour les ramener vers la foi de l’Église. C’est ainsi qu’Irénée encourage de toutes ses forces celui auquel il s’adresse dans son ouvrage, un autre pasteur qui lui a demandé de l’éclairer sur les enseignements des gnostiques et de l’aider à leur répondre, en écrivant au début de son dernier envoi 5 : « Je me suis efforcé de toutes les manières, dans la mesure de mes capacités, de te procurer le plus de secours possible à l’encontre de la contradiction portée par les hérétiques, pour ramener les égarés et les faire revenir à l’Église de Dieu, pour affermir aussi l’esprit des néophytes, de façon qu’ils conservent ferme la foi qu’ils ont reçue gardée fidèlement par l’Église, et qu’ils ne soient en aucune manière entraînés par ceux qui délivrent un mauvais enseignement et s’efforcent de les détacher de la vérité ». Il lui écrivait déjà plus haut : « (sur la base de ce que je t’ai exposé) tu seras en mesure de leur résister avec assurance et fermeté, pour la seule foi véritable et vivifiante, que l’Église a reçue des apôtres et diffusée auprès de ses fils 7 ». On voit qu’ici Irénée comprend la foi appelée à être défendue par son ami et destinataire comme un bien reçu dans l’Église par transmission, une transmission qui remonte aux apôtres de Jésus eux-mêmes. Une foi fondée sur la tradition de l’Église, mais aussi sur la Bible et la raison Tradition et Écritures Il est possible de relier ce souci pour la foi aux différentes strates où s’exprime et irradie le noyau de la confession de foi chrétienne. On trouve alors chez Irénée, à propos du contenu de la foi et de son expression, trois étapes distinctes, mais articulées comme trois aspects d’un même tout. Nous les rencontrerons à des degrés divers dans le présent recueil : 1. Les proclamations de foi, qui prennent la forme d’un condensé de type « symbole de foi » ou « credo ». Il n’y en a qu’un petit nombre, dans toute l’œuvre d’Irénée, qui englobent la totalité du donné de la foi chrétienne : l’œuvre du Père, du Fils fait homme pour le salut des hommes, de l’Esprit, les grâces de l’Église et la résurrection finale. En revanche, il parsème son exposé de multiples micro-confessions, centrées sur la foi au Dieu unique créateur du monde, ou au Dieu Père créateur qui a tout produit par son Fils et Verbe, ou un peu moins souvent sur l’œuvre de salut accomplie par le Verbe fait homme. C’est en ce sens qu’Irénée dit que le chrétien reçoit au baptême une « règle de vérité » 8 - comme traduit le latin, mais il serait plus exact de parler de « mesure de vérité » ou de « repère de vérité ». 2. Les attestations scripturaires, principalement du Nouveau Testament (c’est-à-dire transmettant l’enseignement des apôtres), sur lesquelles se fondent les éléments successifs de ces confessions de foi. Le troisième Livre du Contre les hérésies est presque entièrement consacré à fonder 7 AH III, préface. 8 Irénée lui envoie en effet les cinq tomes du Contre les hérésies les uns après les autres. Il s’agit ici du cinquième et dernier envoi. 6 AH V, préface. En Dém. 3, Irénée évoque cette fois la « règle de foi » en la rapprochant du baptême « au nom du Père, du Fils et de l’Esprit » et d’une explication des trois principaux articles du symbole de foi. Le mot grec « canon », traduit en latin par « règle » désigne toute sorte de repère ou d’étalon dans une activité artisanale ou technique (unité de mesure, fil à plomb des maçons, diapason des musiciens), ou encore, dans un contexte plus artistique, la référence des bonnes proportions à observer (« canon » de beauté). 8 9 5 les deux premiers articles du Credo - ceux qui concernent respectivement le Dieu Père créateur et son Fils le Verbe fait chair - sur les témoignages apostoliques des livres du Nouveau Testament : évangiles, Actes des apôtres et Lettres de Paul, avec quelques références aussi aux livres de l’Ancien Testament. À propos de Jean, « disciple du Seigneur » et auteur du quatrième évangile, le plus tardif, Irénée indique par exemple que son prologue, en particulier, a été formulé par l’apôtre pour barrer la voie aux doctrines gnostiques, qui commençaient à émerger, et à l’inverse pour « établir dans l’Église la mesure de vérité » (III, 11, 1). En ce sens, il cite la déclaration solennelle de l’évangéliste en Jn 20, 31 : « ceci a été écrit pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu » (cf. AH III, 16, 5). Au livre IV, Irénée va plus loin encore en disant que, si nous avons Dieu lui-même ou le Seigneur pour « maître » qui nous enseigne, ses paroles sont pour nous « la mesure de la vérité » (IV, 35, 4). 3. La transmission orale, mais aussi écrite, de ces articles de foi. La transmission orale se fait par l’enseignement des responsables des Églises, les « presbytres » ou anciens9 , ainsi que par celui des catéchistes. Les uns et les autres transmettent à la fois la connaissance des Écritures saintes avec leur explication, la signification des rites chrétiens (en particulier du baptême et de l’eucharistie) et le sens des différents articles de foi qui composent la proclamation baptismale, par laquelle on devient pleinement chrétien. À ce propos, Irénée évoque avec chaleur l’attachement vivant de chrétiens illettrés, qui n’ont pas accès au grec des Écritures saintes, mais qui gardent et font fructifier dans leur vie la foi « inscrite dans leur cœur par l’Esprit Saint » (AH III, 4, 2), parce qu’ils l’ont apprise de l’Église. Mais l’expression de cette foi se trouve aussi déjà, à l’époque d’Irénée, dans des textes écrits, publiés et diffusés à travers l’empire romain : Irénée mentionne ainsi des confessions de foi tirées d’ouvrages anciens, qui comptent parmi les premiers de l’Église après les documents apostoliques, comme la Première Lettre aux Corinthiens de Clément de Rome (fin Ier s.), Le Pasteur d’Hermas (milieu IIe s.?) et même des déclarations extraites d’ouvrages de son prédécesseur Justin, qui datent environ d’une quarantaine d’années au moment où écrit Irénée 10 . Une telle convergence est le signe de la « catholicité » de la foi car, sur la base de la tradition apostolique, « la foi de tous (dans l’Église) est une et identique » 11 . En même temps, Irénée prend conscience, comme le montre son entreprise, que la foi ne peut être défendue si elle n’est pas d’abord reçue, assimilée, pénétrée dans toute sa richesse et approfondie dans toutes ses implications. Pour ce faire, les deux voies de l’assimilation intelligente des Écritures, par un « exercice prolongé »12 , et de l’approfondissement de la confession de foi, par la recherche de sa cohérence interne, sont poursuivies conjointement et se complètent l’une l’autre. On verra dans la seconde partie de ce livret que pratiquement chaque énoncé relevant du symbole de foi 13 est resitué par Irénée sur le fond d’une déclaration scripturaire : la proclamation de foi ne se développe par pour elle-même ou « hors sol », elle est toujours enracinée sur un fond biblique. Dans un texte remarquable, par exemple, Irénée convoque simultanément la Genèse, l’évangile de Jean et l’apôtre Paul à l’appui du segment de confession : « et par lui tout a été fait » (cf. Jn 1, 3) 14. Un témoignage ouvert En ce qui concerne le premier article : « je crois en un seul Dieu Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre » 15 , la justification ne vient pas seulement – et ce de manière abondante – de la tradition ecclésiale et des livres bibliques, mais conformément à ce qu’avançait déjà saint Paul en écrivant à la communauté de Rome, elle repose sur la considération attentive de l’univers : « ce qui, de Dieu, tombe sous la connaissance Les « presbytres » sont des chrétiens confirmés, ayant passé la quarantaine et le plus souvent même la cinquantaine, ordonnés pour se consacrer à la direction des communautés, à l’enseignement de la foi et à la célébration des sacrements. La terminologie utilisée par Irénée ne distingue pas entre «l’évêque » et son « presbyterium », même si la réalité d’une telle prééminence du premier par rapport aux autres presbytres est attestée par l’œuvre d’Irénée elle-même, et par d’autres documents convergents. Sans parler de l’évêque Polycarpe de Smyrne, dont Irénée mentionne la Lettre aux Philippiens comme un témoin de sa foi et de la « proclamation de la vérité » (AH III, 3, 4). 11 « Le chemin de ceux qui appartiennent à l’Église fait le tour du monde entier, il maintient solidement la tradition reçue des apôtres, et nous donne à voir que la foi de tous est une et identique » (V, 20, 1). La suite de ce texte se trouve en première partie de ce recueil. 12 AH II, 27, 1 (le grec dit : « exercice quotidien »). 13 On ne sait pas bien quels symboles utilisaient les Églises auxquelles Irénée a été successivement rattaché. 14 AH IV, 32, 1, cf. déjà I, 22, 1 à propos du même point de foi, décisif pour Irénée (tout a été créé par l’intermédiaire du Verbe divin, celui qui vient dans le monde sorti de ses mains). 15 Je me réfère ici de préférence au symbole du Concile de Constantinople (ici à son attaque), adopté à côté de celui de Nicée par les « cent cinquante Pères » de ce Concile de 381 (du moins au témoignage des Pères du concile suivant, celui de Chalcédoine), parce que ce texte se prête, mieux encore que le « symbole des apôtres » et que celui de Nicée, au rapprochement avec les commentaires d’Irénée sur les divers points de foi. Voir la deuxième partie de ce recueil. 10 11 9 10 a été manifesté parmi eux (les païens) : Dieu en effet s’est manifesté à eux, car ce qui est invisible de Dieu, reçu dans l’intelligence, est vu à partir de ses œuvres depuis la création du monde, avec sa puissance et sa divinité invisibles […] » (Rm 1, 19-20). Irénée écrit de même, en II, 9, 1 : « les nations païennes apprennent l’existence du Dieu suprême de la création elle-même » et, plus loin dans le même deuxième Livre, il généralise ce qui était dit d’abord à propos des païens : « la création elle-même où nous sommes, par ce qui se présente à notre vue, atteste la même chose (que ce qu’affirment les Écritures), à savoir qu’unique est celui qui l’a faite et la régit » (II, 27, 2). Il y a donc concordance entre l’enseignement constant des Écritures et ce qu’Irénée appelle « le témoignage à découvert sur Dieu », qui correspond à ce qu’il est possible d’en connaître par ses œuvres. De fait, à l’époque d’Irénée, dans le sillage de l’enseignement de philosophes comme Platon et Aristote, la plupart des écoles philosophiques reconnaissaient un Dieu suprême auteur et souverain de l’univers. Comme l’indique Irénée luimême : « certains parmi les nations païennes […] en sont venus à dire que le « Père de toutes choses » 16 […] était l’auteur de cet univers (où nous sommes) ». Dans la foulée, Irénée introduit une double citation de Platon 17 par ces mots : « Platon apparaîtra plus religieux qu’eux (les gnostiques), lui qui proclame un seul et même Dieu à la fois juste et bon, ayant pouvoir sur toutes choses et exerçant lui-même le jugement […] » 18 . On voit que les segments qui composent le premier article de la profession de foi – Dieu unique, tout-puissant, créateur du ciel et de la terre -, qui ont un fort fondement biblique, se rencontrent parallèlement dans ces passages de Platon invoqués par Irénée. Mais le cas du premier article est particulier, même s’il est capital car la polémique avec les gnostiques - et bien sûr avec les païens – tourne principalement autour de l’unicité de Dieu et de son activité créatrice (ou non). Plus largement, quand Irénée pose que ce sur quoi se fondent les énoncés de la foi est « le témoignage sur Dieu placé à découvert », il distingue « ce qui tombe sous la vue dans la création » - qui concerne le premier article - et ce que « l’ensemble des Écritures, aussi bien prophétiques qu’évangéliques, disent à découvert, sans ambiguïté, de façon à pouvoir être comprises de la même façon par tous » 19, qui concerne le reste des articles de foi. Ces affirmations fermes constituent la base à partir de laquelle la réflexion peut prendre pour objet les mystères révélés dans les Écritures, avec leur part d’obscurité, mais sans que jamais celle-ci ne vienne voiler la clarté lumineuse de la vérité confessée. « Une compréhension saine, sans danger, respectueuse et attachée au vrai, telle que Dieu en a donné la possibilité à l’intelligence humaine et à notre capacité de connaissance, pénètrera rapidement ces choses et y progressera, la connaissance de ces réalités devenant plus facile par l’exercice quotidien. De quoi s’agit-il ? De ce qui nous tombe sous les yeux et de ce qui est dit ouvertement, sans ambiguïté et en propres termes dans les Écritures » 20. Enfin, lorsqu’Irénée déclare : « nous avons pour mesure ou référence (« règle ») la vérité elle-même », il faut comprendre qu’il englobe toutes ces dimensions : celle de la connaissance naturelle, qui permet d’accéder à une certaine vérité, celle des énoncés clairs et univoques des Écritures, et même la référence à la personne de Jésus-Christ, à ce qu’il est et à ses actes, comme à un point de repère vivant, qui est « la vérité même » (« c’était la vérité même qui parlait », cf. Jn 14, 6 ) 21. Toutes ces formes de révélation ne sont que des moments de l’unique autorévélation de Dieu par son Verbe, gardée et transmise dans l’Église. De l’intelligence de la foi à l’adhésion vitale en vue du salut Ce qui est caractéristique de l’approche d’Irénée en effet, c’est qu’il s’agit toujours de vie : vie de l’intelligence irriguée par la vérité, vie de l’âme habitée et conduite par « l’Esprit de vérité, qui introduit à la vérité plénière » (cf. Jn 16, 13, et déjà 14, 13 sq.), vie de l’homme tout entier orienté vers Dieu. C’est pourquoi la foi, qui prend place dans le cadre d’une relation réelle entre Dieu et l’homme, mobilise toute la personne, éclairant son intelligence et accompagnant ses choix. Le premier texte qui ouvre ce recueil est caractéristique en ce sens : commentant au début de son quatrième Livre le verset de la Genèse, repris dans le Nouveau Testament « Abraham eut foi dans le Seigneur, et cela lui fut compté comme justice » (Gn 15, 6), Irénée déploie selon une double 19 AH II, 27, 2, en II, 27, 1 il disait de même : « ce qui tombe sous notre vue et tout ce qui a été dit en propres termes, clairement et sans ambiguïté, dans les saintes Écritures ». 16 Platon, Timée 28 E (« l’auteur et père de ce tout »). 17 Platon, Lois IV, 715 E, suivi de Timée 29 C. 20 AH II, 27, 1. 18 AH III, 25, 5. 21 AH IV, 2, 6, cf. III, 5, 1. 12 13 PREMIÈRE PARTIE dimension l’acte de foi d’Abraham : sa foi est d’abord reconnaissance de l’unicité de Dieu et de sa souveraineté universelle, qui s’exprime dans la confession que le patriarche fait quelques versets plus haut : « je lève la main vers le Dieu Très-haut, qui a créé le ciel et la terre » (Gn 14, 22), puis confiance en sa promesse, sur la foi de laquelle il quitte tout ce qu’il avait d’assuré pour « suivre la parole/Parole de Dieu » (Gn 12, 4). L’exemple d’Abraham montre ainsi ce qu’est la foi en tant que don reçu : d’abord une connaissance sur laquelle on se fonde, mais aussi une révélation éclairante, qui incite à engager sa vie sur la parole du Dieu vivant. Dans le cas d’Abraham, l’obéissance à la parole de celui en qui il a mis sa foi le conduit à anticiper en la personne de son propre fils le « sacrifice du Fils unique », et fait naître aussi en lui le désir de connaître pleinement ce Verbe qui s’est révélé à lui, si bien que Jésus pourra dire « Abraham a tressailli de joie à l’idée de voir mon jour (c’est-à-dire ‘le jour de ma venue’), il l’a vu et s’en est réjoui » (Jn 8, 56). La générosité d’Abraham se renouvelle chez ses descendants, en particulier au seuil du Nouveau Testament, chez Siméon, Marie et son époux Joseph, et surtout chez Jésus lui-même, dont la foi devient à son tour le modèle de ceux qui adhèrent à son salut et le confessent de bouche et de cœur, parfois jusqu’au martyre et à la mort. Telle est la dimension de la foi que nous prendrons en considération en prologue et en épilogue aux deux parties de ce livret : la foi comme adhésion entraînant des choix et des actes qui en découlent, la foi qui ouvre aussi à la charité active et, ultimement, à l’espérance comme joie anticipée d’une connaissance accrue et toujours plus profonde de Dieu. Le lecteur pourra trouver réuni dans les ouvrages d’Irénée, augmenté d’une dimension polémique, ce que nous avons séparé ici pour plus de clarté : l’intelligence de la foi et l’engagement vital qu’elle implique. LA FOI ET SON EXPRESSION Agnès Bastit Université de Lorraine 14 Le sacrifice d'Abraham, fresque des catacombes de Saints Pierre et Marcellin, Rome (IVe s.) 15 QU’EST-CE QUE LA FOI ? EXEMPLES DE FOI 1. ABRAHAM a) IV, 5, 3 « Abraham crut en Dieu, et cela lui fut compté comme justice » (Gn 15, 6, repris en Rm 4, 3 et Ga 3, 6), tout d’abord qu’il est lui-même le seul Dieu Créateur « du ciel et de la terre » (Gn 14, 22 ), ensuite qu’il rendrait sa « descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel » (Gn 15, 5) […]. C’est avec justice en effet que « laissant toute parenté terrestre » (Gn 12, 1), il suivait le Verbe de Dieu (cf. Gn 12, 4), faisant route avec le Verbe pour demeurer avec le Verbe. b) IV, 5, 4 Abraham en effet, ayant été fidèle au précepte du Verbe de Dieu conformément à sa foi, offrit de bon cœur son fils unique et bien-aimé en sacrifice à Dieu, afin que Dieu lui aussi ait agréable d’offrir pour toute sa descendance son Fils unique et bien-aimé en vue de notre rédemption. c) IV, 5, 5 Le Seigneur n’était certes pas inconnu d’Abraham, lui dont « il a désiré voir le jour » (Jn 8, 56), non plus que le Père du Seigneur. Il avait en effet appris du Verbe à connaître Dieu et a eu foi en lui, c’est pourquoi « cela lui fut compté comme justice » par le Seigneur (cf. Gn 15, 6). De fait, la foi en Dieu justifie l’homme, c’est pourquoi il (Abraham) disait : « j’élèverai ma main vers le Dieu très-haut, qui a fait le ciel et la terre » (Gn 14, 22)1. d) IV, 7, 1 Et Abraham donc, ayant connu par (une révélation du) Verbe le Père, « qui a fait le ciel et la terre », le confessait Dieu. Instruit par une vision de ce que le Fils de Dieu serait (un jour) un homme parmi les hommes, lui par la venue duquel sa descendance « deviendrait aussi nombreuse que les étoiles du ciel » (Gn 15, 5), « désira voir ce jour » (cf. Jn 8, 56), afin de pouvoir lui aussi embrasser le Christ et, voyant ce jour prophétiquement dans l’Esprit, il « exulta » (Jn 8, 56). On le voit, la foi d’Abraham a plusieurs dimensions connexes : 1 « J’élèverai ma main vers le Dieu très-haut, qui a fait le ciel et la terre » (Gn 14, 22) 16 - Une dimension cognitive et intellectuelle : c’est la connaissance de l’unique Créateur du ciel et de la terre qui lui a été révélée par le Verbe - Une dimension éthique, dans l’obéissance à la parole de Dieu qui l’arrache à sa sédentarité, obéissance qui devient héroïque lorsqu’Abraham consent à sacrifier son fils - Une dimension prophétique et mystique lorsqu’Abraham voit par avance dans l’Esprit la venue humaine du Verbe de Dieu en qui il a mis sa foi. Ces trois dimensions, cognitive, éthique et spirituelle ne sont pas spécifiques à Abraham, mais constitutives de la foi selon Irénée. e) IV, 25, 1 C’est ce qui convenait pour les fils d’Abraham que Dieu a tiré des pierres (cf. Lc 3, 8) et qu’il a rangé auprès de celui qui a été l’initiateur et l’annonciateur de notre foi. Abraham a reçu l’alliance de la circoncision après sa justification par la foi, qui eut lieu encore (sous le régime du) prépuce. De la sorte se sont trouvées préfigurées les deux alliances, et il est devenu le père de tous ceux qui suivent le Verbe de Dieu et cheminent en ce monde, des croyants de la circoncision et de ceux qui viennent du prépuce, de même que le Christ est la pierre d’angle qui soutient tout l’édifice, et qui réunit en une seule foi d’Abraham ceux qui, provenant de chaque alliance, sont aptes à entrer dans l’édifice de Dieu. 2. JOSEPH : JUSTIFICATION ANGÉLIQUE ET RÉPONSE DE FOI IV, 23, 1 C’est pourquoi à Joseph, qui avait connu la grossesse de Marie et pensé la répudier en secret, un ange vint dire en songe : « ne crains pas de prendre Marie ton épouse : ce qu’elle a dans son ventre vient de l’Esprit Saint. Elle mettra au monde un fils que tu appelleras Jésus, car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés » (Mt 1, 20-21). L’ange a ajouté pour le persuader : « cela s’est produit pour que s’accomplisse ce qui avait été dit par le Seigneur par la voix du prophète : ‘voici que la vierge est enceinte, elle mettra au monde un fils qu’on appellera Emmanuel’ (Is 7, 14) », s’efforçant de le persuader par les paroles du prophète et déculpant Marie, en montrant qu’elle était la vierge annoncée par Isaïe, celle qui est la mère de l’Emmanuel. C’est pourquoi, persuadé et tiré du doute 2 , Joseph prit chez lui Marie et pour tout le reste de l’éducation du Christ il offrit son service avec joie. 2 Naturellement, même instruit pas l’ange, il reste un acte de foi généreux à faire à Joseph. Néanmoins, on voit comment Irénée insiste pour montrer que cet acte, aussi inattendu soit-il, n’est pas absurde. L’ange s’adresse à la raison de Joseph et à sa connaissance de l’Écriture pour l’éclairer et lui permettre de mieux entrer dans les desseins de Dieu. 3 L’acte de foi de Jésus à l’égard de son Père « répare » la défiance du premier couple à l’égard de Dieu. Sa foi ne sera pas vaine car, au départ du tentateur, les anges de Dieu viennent servir Jésus (Mt 4, 11) 17 3. JÉSUS a) V, 21, 2 Au commencement en effet, c’est par le biais de la nourriture qu’il (Satan) porta l’homme qui n’éprouvait pas la faim à transgresser le commandement de Dieu, mais à la fin il ne put empêcher celui qui éprouvait la faim d’attendre la nourriture qui vient de Dieu 3. De fait, comme il le tentait et disait : « Si tu es le Fils de Dieu, dis que ces pierres deviennent des pains », le Seigneur le repoussa en recourant au précepte de la Loi et en disant : « Il est écrit : ce n’est pas seulement de pain que vivra l’homme… (Dt 8, 3a) » […]. C’est ainsi que la satiété de l’homme dans le paradis, où il avait doublement goûté au fruit 4, s’est trouvée effacée par l’indigence (de l’homme Jésus) en ce monde. b) V, 22, 1 Le Seigneur Jésus ayant manifesté que le Dieu unique et véritable est le Seigneur qui est appelé tel dans la Loi - celui que la Loi proclamait Dieu, le Christ montra qu’il était son Père et que c’était lui seul que devaient servir les disciples du Christ -, il remporta la victoire sur notre Adversaire par les paroles de la Loi : la Loi en effet incite à louer le Dieu Créateur et à le servir lui seul, et il n’y a plus à chercher un autre Père au-dessus de celui-ci […]. Celui qui est plus puissant que tout, c’est le Verbe (la Parole) de Dieu, qui s’écriait dans la Loi : ‘écoute, Israël, le Seigneur ton Dieu est l’unique Seigneur, tu aimeras le Seigneur ton Dieu de toute ton âme’ (Dt 6, 4-5)5 , ’tu l’adoreras et rendras un culte à lui seul’ (Dt 6, 13), et qui dans l’évangile détruisit l’apostasie par ces mêmes déclarations et a vaincu le Fort par la parole du Père. c) La liberté de la foi selon Jésus - IV, 37, 5 Et ce n’est pas seulement dans le domaine des actes, mais aussi dans celui de la foi que le Seigneur a montré que le pouvoir de décision de l’homme est libre et autonome, en disant « qu’il te soit fait selon ta foi » (Mt 9, 29), montrant ainsi que la foi est propre à l’homme, puisqu’il peut se faire sa propre conviction. Et encore : « tout est possible à celui qui croit » (Mc 9, 23). Et « va, qu’il t’arrive comme tu as cru » (Mt 8, 13). Et toutes ces autres paroles qui montrent que l’homme est libre dans le domaine de la foi. L’EXPANSION DE LA FOI DE L’ÉGLISE ET SA PROCLAMATION DES ORIGINES AUX TEMPS DE L’ÉGLISE 1. AVANT LA RÉVÉLATION FAITE À ISRAËL a) Le fondement naturel et biblique de la foi 1 IV, 6, 6 Le Verbe en effet, par la création elle-même, révèle Dieu son Créateur, par le monde le Seigneur qui a fait le monde et par son œuvre façonnée l’artiste qui l’a façonnée ; et par le Fils ce Père qui a engendré le Fils […]. Par la Loi et les prophètes le Verbe s’annonce aussi lui-même ainsi que le Père […]. Le Père était manifesté par le Verbe, rendu visible et palpable, et même si tous n’ont pas cru de la même façon, tous ont vu le Père dans le Fils (cf. Jn 14, 9). b) La foi des premiers hommes en un Dieu créateur 2 II, 9, 1 Les anciens conservant cette conviction (d’un Dieu créateur unique), qui provenait en premier lieu d’une transmission venant du premier homme et chantant par leurs hymnes un « unique Dieu créateur du ciel et de la terre », les générations suivantes recevant la mémoire de cela par les prophètes de Dieu, alors que les païens l’apprenaient du monde créé lui-même (cf. Rm1, 20). De fait, la création montre celui qui en est l’Auteur, ce qui est fait suggère celui qui l’a fait, et le monde manifeste celui qui l’a ordonné. Et chaque Église dans le monde entier a reçu cette transmission des apôtres. La foi, selon Irénée, est fondée sur la révélation, non seulement biblique mais déjà celle qui se fait par la vue du monde et de l’homme. De même, la foi chrétienne au Père et au Fils repose aussi sur un fait visible : l’incarnation du Verbe en Jésus-Christ. 1 En Démonstration de la prédication apostolique 87, Irénée mentionne le passage de Mt 22, 37-40 où ce premier commandement de Dt 6, 5 est associé au commandement de l’amour du prochain en Lév. 19, 18. Pour Irénée, la base de la foi correspond à la reconnaissance d’un Dieu unique, Créateur de l’univers, et elle remonte selon lui aux origines de l’humanité. L’homme n’a jamais tout à fait perdu le contact avec la source monothéiste, qui s’est trouvée nourrie et fortifiée par la révélation faite à Israël mais qui, par le témoignage du monde, restait toujours accessible aux païens, comme l’attestent d’ailleurs les philosophes grecs. Le premier article du symbole de foi transmis dans les Églises et provenant des apôtres s’appuie sur ce double socle. 18 19 2 4 « Doublement » par les deux bouches d’Ève et d’Adam, les premiers parents. 5 2. LA RÉVÉLATION MONOTHÉISTE DONNÉE À ISRAËL a) La reprise de la foi monothéiste par Jésus AH V, 22, 1 Le plus puissant, c’est le Verbe de Dieu, qui s’écriait dans la Loi : « écoute, Israël, le Seigneur ton Dieu est l’unique Seigneur 3, tu aimeras le Seigneur ton Dieu de toute ton âme’ (Dt 6, 4-5), ’tu l’adoreras et rendras un culte à lui seul » (Dt 6, 13), et qui dans l’évangile détruisit l’apostasie par ces mêmes déclarations et a vaincu le Fort 4 par la parole du Père, revendiquant le précepte de la Loi comme ses propres déclarations, en disant : « tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu (Dt 6, 16a) ». b) La confession de Jésus IV, 2, 2 Et notre Seigneur Jésus-Christ, à son tour, confesse le même Dieu comme son Père, en disant : « je te confesse, Père, Seigneur du ciel et de la terre » (Mt 11, 25). Quel Père devons-nous comprendre, selon ces sophistes pervers ? (celui qu’ils avancent ? 5 ) ou bien – ce qui est vrai – le Créateur du ciel et de la terre, celui que les prophètes ont proclamé, que le Christ confesse son Père, lui que la Loi annonçait en disant : « Écoute, Israël, le Seigneur ton Dieu est l’unique Seigneur » (Dt 6, 4) ? 3. JÉSUS ET SES DISCIPLES PRÊCHANT AUX JUIFS a) La proclamation du Christ aux juifs : il se manifestait lui-même III, 5, 3 Cela ressort des paroles du Seigneur (Jésus) qui, à ceux qui venaient de la circoncision, montrait que le Christ annoncé par les prophètes était le Fils de Dieu, en un mot il se manifestait lui-même, lui qui a restauré la liberté des hommes et leur a attribué l’héritage de l’incorruptibilité. b) L’annonce des apôtres aux juifs : la résurrection accomplit les Écritures III, 12, 3 Elle est claire, cette proclamation que Pierre, avec Jean, leur a proclamé, leur portant la bonne nouvelle que la promesse que Dieu avait faite à leurs pères avait été accomplie par Jésus, n’annonçant pas un autre Dieu, mais faisant connaître à Israël le Fils de Dieu qui s’est fait homme et a souffert, et proclamant en la personne de Jésus la résurrection des morts, signifiant enfin que Dieu avait accompli tout ce que les prophètes avaient annoncé à propos de la passion du Christ. 3 La profession de foi du « shema Israël », qui est la revendication du monothéisme juif, joue un rôle important chez Irénée. 4 Le contexte de ce passage est la scène des tentations de Jésus par Satan : « l’apostasie » et « le Fort » (cf. Mt 12, 29 et parallèles) sont chez Irénée des désignations figurées de l’Adversaire. 5 Les valentiniens supposaient l’existence d’un Dieu « Père » au-delà du Créateur et distinct de lui. 20 c) La foi de l’Église de Jérusalem par la voix des apôtres III, 12, 5 Tels sont les voix 6 de l’Église où toute Église trouve son commencement ; tels sont les voix de la grande cité des citoyens du nouveau Testament ; tels sont les voix des apôtres, les voix des disciples du Seigneur, de ceux qui, après l’assomption du Seigneur, rendus parfaits par l’Esprit, invoquèrent « le Dieu qui a fait le ciel, la terre et la mer » (Ac 4, 24), lui qui a été proclamé par les prophètes, ainsi que son Fils Jésus, que Dieu a oint 7 – et nul autre. 4. L’ANNONCE DU MONOTHÉISME AUX AUTRES NATIONS a) La prédication de Paul aux Athéniens III, 12, 9 (Paul), annonçant l’évangile aux Athéniens sur l’Aréopage, un lieu où, en l’absence de juifs, il lui était possible de proclamer le vrai Dieu en toute liberté 8, leur dit : « le Dieu qui a fait le monde et tout ce qui s’y trouve, lui qui est le Seigneur du ciel et de la terre, n’habite pas dans des temples faits de mains d’homme et n’est pas servi par des mains humaines comme s’il avait besoin de quoi que ce soit, alors qu’il donne à tous la vie et le souffle […] » (Ac 17, 24-25). Là, non seulement il leur annonce que Dieu est le Créateur du monde, et ce en l’absence de juifs, mais aussi qu’il « a fait habiter un unique genre humain sur toute la terre » (cf. Ac 17, 26) 9. b) La prédication de Paul aux païens IV, 24, 1 L’apôtre (Paul), dans la première catéchèse qu’il donnait aux païens, leur apprenait, comme nous l’avons montré au livre précédent, à quitter la superstition des idoles et à honorer un Dieu unique, Créateur du ciel et de la terre et Auteur de tout l’univers, que le Verbe, par lequel il a fait toutes choses, est son Fils, et que récemment il s’est fait homme parmi les hommes pour régénérer le genre humain, d’une part en réduisant à l’impuissance et en vainquant l’Adversaire de l’homme, de l’autre en faisant don à l’homme, son œuvre, de la victoire contre son opposant. 6 Le récit des Actes mentionne le fait que les apôtres « élevèrent la voix vers Dieu » (Ac 4, 24) pour cette confession, ce qui est un signe d’inspiration charismatique. 7 « Christ » veut dire « celui qui a reçu l’onction ». Quand Irénée écrit « son Fils Jésus, que Dieu a oint », il s’agit d’une explicitation du nom « Jésus-Christ ». 8 Pour les gnostiques, le « vrai Dieu », qui est une divinité supérieure, n’est pas le Créateur du monde, mais Jésus et les apôtres auraient parfois tenu un double langage, du fait de leur insertion dans le contexte juif. Irénée souligne qu’à Athènes, Paul aurait eu toute liberté d’annoncer ce « vrai Dieu » gnostique, mais qu’il s’en est tenu à une confession de foi en l’unique Créateur, tout en insistant sur l’unité du genre humain, qui appelle l’expansion universelle de la foi chrétienne. 9 Irénée illustre ensuite cette affirmation de l’unicité du genre humain par une citation de Dt 32, 8-9, qui retrace la division primitive du genre humain en nations, chacune sous la conduite d’un ange, tandis qu’Israël est directement sous la puissance du Seigneur. 21 c) Un discours nouveau IV, 24, 2 (C’était) un discours nouveau : (l’apôtre soutenait) non seulement que les dieux des nations n’étaient pas des dieux, mais qu’ils étaient des idoles liées aux démons ; qu’il n’y avait en revanche qu’un seul Dieu, « au-dessus de toute principauté, puissance et domination ainsi que de tout nom qui se nomme » (Ep 1, 21) 10, et que son Verbe, invisible par nature, s’est fait palpable et visible parmi les hommes et « s’est abaissé jusqu’à la mort, et la mort de la croix » (cf. Ph 2, 8) 11 ; et que ceux qui croient en lui, devenus incorruptibles et impassibles, recevront le royaume des cieux. d) Conversion des païens et unité du genre humain III, 5, 3 À leur tour, les apôtres enseignaient les nations et leur apprenaient à délaisser les bois et pierres insignifiantes qu’ils supposaient être des dieux, et à honorer le vrai Dieu qui a constitué et fait l’ensemble du genre humain, qui le nourrit, l’accroît et le fortifie par sa création, bref qui leur a donné d’être ; ainsi qu’à attendre son Fils Jésus-Christ qui nous a rachetés de l’apostasie par son sang afin que nous soyons nous aussi un peuple sanctifié, lui qui descendra du ciel dans la puissance de son Père, pour exercer le jugement sur tous et donner les biens de Dieu à ceux qui auront gardé ses préceptes. C’est lui qui, apparu récemment (sur la terre), est « la pierre angulaire », a « rassemblé en un seul (corps) » (Ep 2, 16) et a unifié « ceux qui étaient loin et ceux qui étaient proches » (Ep 2, 17), c’est-à-dire la circoncision et le prépuce, dilatant Japhet et l’établissant dans la demeure de Sem (cf. Gn 9, 27) 12. 5. L’EXPANSION DE LA FOI À TOUTE LA TERRE a) La prophétie d’Isaïe « le loup et l’agneau paîtront ensemble, le lion mangera du foin…13 » et la concorde des hommes de diverses provenances - V, 33, 4 Je n’ignore pas que certains cherchent à transposer ce passage 14 aux hommes féroces, provenant de diverses nations et de divers modes de vie qui, une fois devenus croyants, vivent en harmonie avec les justes. Et même si cela arrive maintenant encore chez certains hommes qui, provenant de diverses nations, parviennent à l’unanimité de la foi, cela se fera aussi à la résurrection des justes. b) L’unanimité de la foi dans l’Église universelle I, 10, 1 De fait, l’Église, disséminée sur tout le globe terrestre jusqu’aux confins de la terre, a reçu des apôtres et de leurs disciples cette foi : - en un seul Dieu Père tout-puissant, qui a fait le ciel et la terre et la mer et tout ce qui s’y trouve ; - et en un seul Christ Jésus le Fils de Dieu, qui s’est fait chair pour notre salut ; - et en l’Esprit Saint, qui par les prophètes a proclamé à l’avance les dispositions de Dieu : la venue, la naissance de la vierge, la passion et la résurrection des morts ainsi que l’ascension aux cieux dans la chair de notre bien-aimé Seigneur Jésus-Christ, et sa venue des cieux dans la gloire du Père, en vue de récapituler toutes choses et de faire se relever toute chair du genre humain, afin que devant le Christ Jésus notre Seigneur, notre Dieu, notre Sauveur et notre Roi « tout genou fléchisse, selon le bon plaisir du Père invisible, parmi les êtres célestes, terrestres et infernaux, que toute langue le confesse » (Ph 2, 10-11), et qu’il procède pour tous à un juste jugement. c) Les modalités de la proclamation unanime I, 10, 2 10 « Principauté, puissance, domination, nom » sont des désignations d’esprits, angéliques ou démoniaques. Irénée insiste ici sur la supériorité du vrai Dieu sur les « esprits » correspondant aux idoles des nations. 11 Dans ce passage où Irénée condense le contenu de la prédication de Paul aux païens, il y insère des extraits du discours même de Paul dans ses Lettres. L’Église, qui a reçu cette proclamation et cette foi, comme nous l’avons dit, bien que disséminée dans le monde entier, la garde avec soin, comme si elle n’habitait qu’une seule maison ; elle y ajoute foi de la même façon, comme si elle n’avait qu’« une seule âme et un seul cœur » (Ac 4, 32) ; elle l’annonce, l’enseigne et la transmet en plein accord, comme si elle n’avait qu’une seule bouche. Car, même si dans le monde les langues sont différentes, cependant la portée de ce qui est transmis est une seule et même. Les Églises établies en Germanie ne croient et ne transmettent pas autrement, pas plus que celles qui sont chez les Ibères, ou chez les Celtes, ou en Orient, ou en Égypte ou en Libye ni celles qui ont été 12 Dans la Démonstration de la prédication apostolique, Irénée expose cette interprétation ancienne des deux fils bénis de Noé, l’aîné Sem, qui représente le peuple juif, et le cadet Japhet, qui représente les croyants venus des nations païennes. La conversion des nations au Dieu d’Israël accomplit la bénédiction promise à Japhet et lui fait trouver « sa place dans la demeure de Sem », comme l’explique Irénée dans la Démonstration : « Voici maintenant la bénédiction de Japhet : ‘Que Dieu dilate l’espace de Japhet, qu'il habite dans la maison de Sem et que Cham soit son esclave’ (Gn 9, 27). Cette bénédiction fleurit à la fin des temps, quand le Seigneur s’est manifesté. Alors, Dieu élargit son appel en faveur de tous les autres peuples, car ‘la voix (des apôtres) s'est répandue sur toute la terre et on l'a entendue jusqu'au bout du monde’ (Ps 18, 5 LXX). « Dilater » renvoie à ceux qui sont appelés parmi les nations, c'est-à-dire à l'Église. Celle-ci habite donc dans la maison de Sem, c'est-à-dire dans l'héritage des ancêtres. En effet, dans le Christ Jésus, ils reçoivent le droit d'être les aînés. Ainsi dans le rang où chacun des fils de Noé est béni, dans le même rang il reçoit le fruit de sa bénédiction à travers ses descendants », Dém. 21. Le contexte de ce développement est une réflexion sur la réception figurée, « transposée » ou au contraire littérale de la prophétie d’Isaïe. 22 23 13 Irénée cite en entier ces passages d’11, 6-9 et 65, 25. 14 établies au milieu du monde habité 15, mais tout comme le soleil, cette créature de Dieu, est un seul et même pour le monde entier, l’annonce de la vérité brille en tout lieu et éclaire tous les hommes qui veulent accéder à la connaissance de la vérité. d) L’universalité de la foi repose sur l’universalité de l’économie divine I, 10, 3 En savoir plus ou moins, pour certains, du fait de leur intelligence, ne réside pas dans le fait de modifier la structure de la foi ni dans le fait de penser par surcroît un autre Dieu à côté de l’Auteur, Créateur et nourricier de ce tout, comme s’il ne suffisait pas, ou encore un autre Christ ou autre Fils unique, mais à adjoindre et adapter ce qui a été dit en paraboles 16 à la structure de la foi, et à expliciter l’action et l’économie de Dieu à l’égard de l’humanité, (c’est-à-dire) à éclairer la magnanimité de Dieu à l’occasion de l’apostasie des anges déchus et de la désobéissance des hommes ; et à annoncer pourquoi un seul et même Dieu a fait certaines réalités passagères, d’autres éternelles, certaines célestes d’autres terrestres ; et à comprendre pourquoi Dieu, qui est invisible, s’est fait voir des prophètes, non pas sous une seule forme mais diversement pour chacun ; et donner à entendre pourquoi plusieurs testaments ont été donnés à l’humanité et enseigner le caractère spécifique de chacune de ces alliances ; et découvrir pourquoi Dieu « a tout enfermé dans l’incrédulité pour faire miséricorde à tous » (Rm 11, 32) ; et rendre grâces de ce que le Verbe de Dieu « se soit fait chair » (Jn 1, 14) et ait souffert ; et déployer le sens de ce qui, dans les Écritures, concerne la fin et les réalités à venir ; et ne pas taire le pourquoi de ce que les « nations rejetées ont reçu le même héritage et ont été incorporées au même corps » (cf. Ep 3, 6) ; et annoncer comment « ce corps mortel revêtira l’immortalité et ce corps corruptible l’incorruptibilité » (cf. 1 Co 15, 53-54) ; et proclamer en quel sens (Dieu) dira : « toi qui n’est pas peuple, tu es peuple ; toi qui n’est pas aimée, tu es bien-aimée » (Rm 9, 25, cf. Osée 2, 25) et encore en quel sens il est dit : « les enfants de la femme seule sont plus nombreux que ceux de celle qui a un mari » (Ga 4, 27, cf. Is 54, 1). C’est à propos de ces questions et d’autres similaires que l’apôtre s’est écrié : « Ô abîme de la richesse, de la sagesse et de la connaissance de Dieu, comme ses jugements sont impénétrables et ses sentiers difficiles à suivre » (Rm 11, 33) 17, et non pas dans […] ce que disent ces maîtres véritablement dépourvus d’intelligence divine, alors que l’Église tout entière a une seule et même foi dans le monde entier, comme nous l’avons dit. e) La confession de foi orale des barbares III, 4, 2 À ce schéma adhèrent de nombreux peuples barbares, parmi ceux qui croient au Christ, ayant le salut « inscrit dans leurs cœurs par l’Esprit-Saint », « sans papier ni encre » (cf. 2 Co 3, 3), eux qui conservent avec soin l’ancienne tradition, croyant : - en un seul Dieu Créateur du ciel et de la terre et de tout ce qu’ils contiennent, - et en Jésus-Christ le Fils de Dieu qui, par l’excès de son amour envers son œuvre, a supporté la naissance de la vierge, unissant par lui-même l’homme à Dieu, lui qui a souffert sous Ponce Pilate, est ressuscité et a été assumé dans la gloire, qui doit venir glorieusement, en Sauveur de ceux qui sont sauvés et en juge de ceux qui sont jugés, envoyant au feu éternel ceux qui déforment la vérité, méprisent son Père et sa propre venue. Ceux qui ont cru à cette foi sans connaître les lettres sont, quant à notre langue, des barbares 18, mais quant à leurs convictions, à leur mode de vie et à leur conduite du fait de leur foi, ils sont vraiment sages et plaisent à Dieu, vivant selon toute justice, pureté et sagesse. f) L’universalité de la foi, dans l’espace et dans le temps 19 V, 20, 1 Le chemin de ceux qui appartiennent à l’Église fait le tour du monde entier, il maintient solidement la tradition reçue des apôtres, et nous donne à voir que la foi de tous est une et identique, tous en effet reconnaissant un seul et unique Dieu Père, croyant en une même économie de l’incarnation du Fils de Dieu, connaissant le même don de l’Esprit, pratiquant les mêmes préceptes et conservant la même forme d’organisation pour ce qui est de l’Église, attendant la même venue du Seigneur et affirmant le même salut de l’homme tout entier, c’est-à-dire de l’âme et du corps. Ainsi, l’enseignement de l’Église est véritable et solide, et c’est en elle qu’on peut voir une seule et même voie de salut dans le monde entier. 15 C’est-à-dire à Rome, capitale de l’Empire, dont Irénée évoque ici les nations frontalières, au nord, à l’ouest au sud et finalement à l’est, par rapport à Rome. 16 Les adversaires valentiniens d’Irénée s’appuyaient principalement sur les passages obscurs, énigmatiques et « paraboliques » des Écritures pour proposer une doctrine secrète et ésotérique. À l’inverse, Irénée insiste sur la nécessité de rattacher ce qui peut rester mystérieux dans la Bible aux grandes lignes de la révélation, de la création à l’accomplissement final en passant par l’incarnation salvatrice et par l’appel des nations à la foi. 17 On voit que cette exclamation majeure de Paul aux Romains – qui fournissait aux valentiniens les noms de leurs entités principales (« abîme », « sagesse » etc.) – a été précédée par cinq autres citations de Paul, dont deux reprenaient des passages de l’Ancien Testament. L’apôtre apparaît ainsi comme une référence fiable dans l’interprétation des Écritures et des mystères du salut, sur le fond de l’énumération des questions que doivent chercher à élucider les théologiens. 24 18 Aux yeux de ceux dont la langue est le grec, les non hellénophones sont traditionnellement appelés « barbares », c’est-à-dire dépourvus de langage rationnel et articulé. Ici, la non connaissance du grec – langue biblique – se double d’illettrisme. Mais une telle lacune dans la culture humaine de ces chrétiens (Irénée pense sans doute à certains fidèles de Gaule ou de Germanie) se trouve compensée par le don de l’Esprit Saint et de sa sagesse. 19 Il s’agit ici de la dernière confession de foi synthétique intervenant dans le Contre les hérésies, et elle fait écho à ce qu’Irénée exprimait au Livre I (I, 10, 1 et 2, ci-dessus). Aux trois articles du symbole de foi – foi au Dieu Père, en Jésus-Christ et au Saint Esprit – s’ajoute désormais une dimension morale et disciplinaire : non seulement l’Église croit la même chose en tout lieu de la terre habitée, mais elle observe aussi les mêmes pratiques. 25 6. DE L’ORALITÉ AUX PREMIERS ÉCRITS CHRÉTIENS NON SCRIPTURAIRES 20 a) Référence à la Lettre de Clément de Rome (fin Ier s.) III, 3, 3 SECONDE PARTIE LE CREDO D’IRÉNÉE1 (Clément) proclamait la tradition qu’il avait récemment reçue des apôtres, il proclamait un seul Dieu tout-puissant, Créateur du ciel et de la terre, qui a façonné l’homme, a envoyé le déluge, a appelé Abraham, a fait sortir le peuple de la terre d’Égypte, qui a parlé avec Moïse, a disposé la Loi, a envoyé les prophètes et qui a préparé « le feu pour le diable et ses anges » (Mt 25, 41). C’est lui qui était proclamé par les Églises 21 comme étant le Père de Notre Seigneur Jésus-Christ, et ceux qui le veulent peuvent l’apprendre de cet écrit même, et comprendre ainsi quelle est la tradition apostolique de l’Église 22. « Tenons ferme l’affirmation de notre foi » (He 4, 14) b) Référence au début du Pasteur d’Hermas 23 IV, 20, 2 C’est à bon droit que cet écrit dit : « en tout premier lieu, crois qu’il n’y a qu’un seul Dieu, qui a tout constitué, achevé et fait de rien, faisant passer toutes choses (du néant) à l’existence, lui qui contient tout et n’est contenu par rien » (Le Pasteur 1, 1). c) Référence au Contre Marcion de Justin (vers 150) IV, 6, 2 C’est à bon droit que Justin, dans son livre Contre Marcion, dit « je n’aurais pas accordé foi au Seigneur (Jésus) lui-même s’il avait proclamé un autre Dieu que l’Artisan, le Créateur et notre nourricier » 24, et que « le Fils unique du seul Dieu, lui qui a fait ce monde, nous a façonné, lui qui contient et organise toutes choses, est venu à nous, récapitulant en lui-même son œuvre façonnée. De ce fait, ma foi en lui est solide, et intangible mon amour envers le Père, le Seigneur (Jésus) nous montrant l’un et l’autre ». En AH III 25, 3, 4, Irénée mentionne aussi la Lettre de Polycarpe de Smyrne aux chrétiens de Philippes, un texte « très pertinent », dont il dit que « ceux qui le désirent peuvent y découvrir quelle était la nature de la foi de Polycarpe et la proclamation de la vérité » qu’il professait. 20 Les écrits chrétiens d’origine apostolique – évangiles et lettres des apôtres – sont déjà compris par Irénée comme « scripturaires », s’ajoutant à la Bible hébraïque pour en compléter la révélation. Le statut des écrits chrétiens cités ici par Irénée est un peu différent : ce sont des témoins écrits de la tradition apostolique de l’Église, ils sont chargés d’autorité, mais ne jouissent pas du même statut « canonique » que les documents du Nouveau Testament. 21 Ici, Irénée écrit « les Églises », dans la mesure où la Lettre de Clément se présente comme une lettre de l’Église de Rome à l’Église de Corinthe. Clément y retrace effectivement, entre autres, les grandes étapes de l‘action de Dieu dans l’Ancien Testament. 22 L’écrit de Clément est antérieur aux spéculations des maîtres gnostiques, et présente donc des échos d’une tradition apostolique non contaminée par le gnosticisme. 23 La date du Pasteur d’Hermas est discutée, on situe cet écrit approximativement au milieu du deuxième siècle de notre ère (vers 140 ?). Il s’agit, avec cette déclaration, de la plus ancienne affirmation chrétienne de la création « ex nihilo », c’est-à-dire de rien, théorie développée ensuite au cours de la seconde moitié du deuxième siècle par Théophile d’Antioche et Irénée lui-même. 24 Marcion est un chrétien qui en est arrivé à rejeter l’Ancien Testament et son Dieu, qualifié de « juste » (entendez « méchant »), pour promouvoir un « Dieu bon » qui serait celui du Christ. 26 Le prophète Daniel en orant, ferme en sa foi au milieu des lions, sarcophage de Loudun (Ve s.), Poitiers, musée Sainte-Croix Dans cette partie, nous apporterons des textes d’Irénée illustrant les énoncés de foi successifs du Credo, en nous basant sur le symbole dit « de Constantinople », dont on ne connaît pas bien la provenance et qui est sans doute plus ancien que le concile qui s’est tenu en 381 dans la capitale de l’empire. En tout cas, ce symbole se prête très bien aux rapprochements avec l’œuvre d’Irénée (on le trouvera en annexe 2). 27 1 PREMIER ARTICLE Dieu le Père tout-puissant PREMIER ARTICLE : EXPRESSIONS GÉNÉRALES 2 II, 1, 1 la confession du Dieu créateur est le premier et le principal article de foi Il est donc bon de commencer par le premier et principal article, par le Dieu Artisan, qui a fait le ciel et la terre et tout ce qui s’y trouve (que ces gens, non sans blasphème, qualifient de “sous produit...”) et de montrer qu’au-dessus de lui ou après lui il n’y a rien, qu’il n’a pas subi d’influence externe, mais a fait toute chose librement et de sa propre volonté, dans la mesure où il est le seul Dieu, le seul Seigneur, le seul Créateur, le seul Père, le seul à tout contenir et à donner à toute chose d’exister 3. II, 35, 3 les noms de Dieu Père de toutes choses 4, Dieu tout-puissant, le Très-Haut, le Seigneur des cieux, le Créateur, l’Artisan etc. : tous ces noms ne s’appliquent pas à des êtres distincts, mais sont des désignations et des noms d’un seul et même être, par lesquels un seul Dieu et Père est montré, lui qui contient tout et donne à toute chose d’exister. IV, 11, 2 perfection et simplicité divines Dieu est parfait en toute chose, parfaitement identique et égal à luimême, étant tout entier lumière, tout entier esprit (intellect), tout entier substance, et source de tout bien. 2 Avant d’aborder les énoncés de foi se rapportant au premier article du symbole, nous regroupons ici quelques textes plus généraux d’Irénée sur Dieu. 3 Dès les premières lignes de son ouvrage, encore dans la préface, Irénée s’oppose aux gnostiques sur le point du Dieu créateur, « comme s’ils avaient quelque chose de plus élevé et de plus grand que ‘celui qui a fait le ciel et la terre et tout ce qui s’y trouve’ » (AH, préface, 1). 4 Les adversaires valentiniens d’Irénée privilégiaient cette désignation de Dieu, qu’ils trouvaient aussi chez Platon. 28 1. « JE CROIS (NOUS CROYONS)5 EN UN SEUL DIEU LE PÈRE TOUT-PUISSANT » a) « je crois en un seul Dieu » (cf. Dt 6, 4)6 Unicité de Dieu, attestée par lui-même en Isaïe IV, 5, 1 Il est lui-même le Créateur, le Dieu qui est au-dessus de tout, comme le dit Isaïe : « j’en suis témoin, dit le Seigneur Dieu, ainsi que mon enfant, mon élu, afin que vous connaissiez, que vous croyiez et que vous compreniez que JE SUIS 7 : avant moi il n’y avait pas d’autre dieu et après moi il n’y en aura pas. Je suis Dieu, et il n’y a pas de salut en dehors de moi : je l’ai annoncé et j’ai sauvé » (Is 43, 10-12) 8. II, 7, 5 à l’encontre de la « remontée à l’infini » Le discours sur les images, comme celui sur les dieux, tombera de la même façon dans l’infini 9, si nous ne fixons pas notre esprit sur un unique Artisan et un unique Dieu qui a fait par lui-même tout ce qui a été fait. b) Le Dieu Père des gnostiques ne peut être « tout-puissant » (cf. 2 Co 6, 18) II, 1, 5 Il convient en effet, soit que soit unique celui qui contient tout et qui a fait dans son propre domaine chacune des choses qui ont été faites conformément à sa volonté propre, soit qu’il y ait à l’inverse des créateurs et des dieux multiples et en nombre indéterminé, dont les domaines commencent et se terminent là où commence ou se termine celui d’un autre, et qu’ils soient contenus de l’extérieur par un (dieu) plus puissant 10 : il faudra donc les reconnaître enclos et enfermés chacun dans son domaine, 5 La formule en « nous », plus ancienne, a cédé la place à une expression en « je », en particulier dans la traduction latine de ce symbole (« credo in unum Deum »). 6 Pour chaque énoncé, nous nous efforçons d’indiquer une référence biblique correspondante. Le lecteur les trouvera rassemblées dans l’annexe 2 : « Le symbole et ses fondements bibliques ». 7 Cette déclaration de Dieu en Isaïe fait référence au nom de Dieu révélé par lui-même à Moïse : « je suis » (en hébreu ou, en grec, « celui qui est »), en Ex 3, 14. Irénée aime valoriser le « Dieu qui est » (cf. Dém. 2) par opposition au Dieu suprême inventé par les gnostiques. 8 Cf. AH I, V, 4 : « (Dieu) dit par les prophètes : « je suis Dieu et en dehors de moi nul autre » (Is 45, 5 et 46, 9) ». 9 La « remontée à l’infini » est un défaut de raisonnement. Les philosophes de tradition grecque tentent souvent de montrer qu’une thèse qu’ils combattent entraîne la « remontée à l’infini ». C’est ce que fait ici Irénée, pour opposer le Dieu unique à la pluralité (au moins dualité) de dieux soutenue par les gnostiques. 10 À l’instar de poupées russes. 29 ce qui veut dire qu’aucun d’eux n’est le Dieu de toutes choses. Le nom de Tout-puissant fera défaut à chacun d’eux, qui ne disposera que d’une infime partie (du tout) en comparaison du reste de la réalité, ce nom n’aura plus de sens, et il sera nécessaire de tomber ainsi dans l’impiété. II, 31, 1 Quant à ce que nous avons dit à l’encontre de leur « Plérôme » et de ce qui lui reste extérieur, pour montrer que le Père de toutes choses est enclos et circonscrit par ce qui lui est extérieur, du moins si quelque chose lui est extérieur, et qu’il est nécessaire ainsi qu’il y ait plusieurs Pères, plusieurs Plérômes, et plusieurs créations du monde, commençant d’un côté et cessant de l’autre pour chaque « tranche », et que, chaque ensemble persévérant dans son domaine sans s’intéresser aux autres dans la mesure où il n’y a aucune participation ni communication entre eux, aucun ainsi n’est le « Dieu de toutes choses », mais que le nom de « Tout-puissant » est alors vide de sens, cela vaut aussi contre les partisans de Marcion, de Simon et de Ménandre et tous ceux qui séparent du Père cette création où nous sommes 11. 2. “CRÉATEUR DU CIEL ET DE LA TERRE, DE TOUTES LES CHOSES VISIBLES ET INVISIBLES” a) “créateur du ciel et de la terre” (Gn 1, 1; cf. ps 120, 2 et 145, 6 ; Ac 4, 24) I, 16, 3 Le « Créateur du ciel et de la terre », le seul Dieu tout-puissant, au-dessus duquel il n’y a pas d’autre dieu… III, 25, 1 les philosophes païens ont reconnu le Créateur C’est pourquoi certains, parmi les nations, moins asservis à leurs plaisirs, n’ont pas été conduits jusqu’au point d’admettre la superstition des idoles […], et se sont tournés à dire que le « Père de toutes choses » (cf. Timée 28 c) est « l’auteur de ce tout », qui le dispose et veille sur le monde où nous sommes 12. III, 10, 6 L’amour des chrétiens pour le Créateur. De la sorte, il y a un seul et même Dieu et Père, qui a été proclamé par les prophètes, auquel l’évangile se réfère, que nous chrétiens nous honorons et « aimons de tout notre cœur » (cf. Dt 6, 4), le Créateur du ciel et de la terre et de tout ce qui s’y trouve. IV, 2, 1-2 La foi des prophètes reprise par la confession de Jésus 1. Moïse, en procédant, dans le Deutéronome, à la récapitulation de toute la loi qu’il avait reçue du Créateur, parle ainsi: “sois attentif, ciel, je vais parler, et que la terre entende les paroles de ma bouche” (Dt 32, 1); David à son tour, disant que son secours est dans le Seigneur, dit: “mon secours vient du Seigneur, qui a fait le ciel et la terre” (ps 120, 2); et Isaïe déclare que ses paroles viennent de “celui qui a fait le ciel et la terre et exerce la souveraineté sur eux” (cf. Is 1, 2 ...), puis encore: “ainsi parle le Seigneur Dieu, qui a fait le ciel et l’a fixé, qui a affermi la terre et ce qui s’y trouve, qui donne le souffle à ceux qui y vivent et l’Esprit à ceux qui la foulent” (Is 42, 5); 2. et Jésus-Christ confesse que ce même (Dieu) est son Père quand il dit: “je te confesse, Père, Seigneur du ciel et de la terre” (Mt 11, 25). b) “de toutes les choses visibles et invisibles” (cf. Col 1, 16)13 II, 30, 9 Lui seul est Dieu, lui qui a fait toutes choses, lui seul est Tout-puissant et lui seul est Père, constituant et faisant toutes choses par son Verbe de puissance, les visibles comme les invisibles, celles qui sont dotées d’intelligence et celles qui en sont privées, les réalités célestes et les réalités terrestres, et il a ajusté et disposé tout cela par sa Sagesse, lui qui embrasse tout et qui est le seul à n’être embrassé par rien. III, 11, 1 L’enseignement de Jean (Jean) le disciple du Seigneur, entendant repousser toutes ces conceptions et poser dans l’Église un critère de vérité, à savoir qu’il n’y a qu’un seul Dieu tout-puissant, qui a tout fait par son Verbe, les réalités visibles comme les invisibles… (commença ainsi son évangile). 11 « Tout-puissant » signifie « possédant tout et ayant pouvoir sur tout », comme on le voit par l’allusion à l’apologue du « Fort » (cf. Mt 12, 29) en AH V, 1, 1 (« comme par nature nous dépendions du Dieu tout-puissant… »). 12 Platon parle en effet en Timée 28 c de « l’Auteur et Père de ce tout », dont il soutient l’intérêt providentiel pour le monde des hommes au livre X des Lois. En AH II, 9, 2, Irénée dira que les gnostiques rendent leurs disciples « pires que des païens », car au moins ces derniers « attribuent le premier rang de la divinité au Dieu artisan de ce tout ». 13 Pour les valentiniens, les réalités invisibles n’ont pas été créées par le même dieu que les réalités visibles (« le ciel et la terre »), c’est pourquoi il est important, dans les symboles orientaux, de rappeler que les êtres spirituels ont été créés par le même Dieu unique. 30 31 DEUXIÈME ARTICLE Le Fils et Verbe de Dieu, incarné et passé par la mort pour notre salut 1. “ET EN UN SEUL SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST, LE FILS UNIQUE DE DIEU, ENGENDRÉ DU PÈRE AVANT TOUS LES SIÈCLES... PAR QUI TOUT A ÉTÉ FAIT” a) “Et en un seul Seigneur Jésus-Christ” (cf. 1 Co 8, 6) III, 16, 6 Il n’y a en effet qu’un seul Dieu Père, comme nous l’avons montré, de même il n’y a qu’un seul Christ Jésus notre Seigneur. III, 6, 5 (Paul) a confessé personnellement avec force un unique Seigneur Jésus-Christ. b) “le Fils unique du Père” (cf. Jn 1, 14 et 18) I, 9, 3 Le Fils unique (de Dieu), qui s’est incarné pour les hommes selon le bon plaisir du Père. c) “engendré du Père avant tous les siècles” Dém. 30 Fils de Dieu selon l’Esprit 1, il préexiste auprès du Père, engendré avant toute constitution de ce monde Dém 43 Le prophète témoigne encore en s’exprimant ainsi : « Avant l’étoile du matin je t’ai engendré (ps. 109, 3) » et « avant le soleil est ton nom » (ps. 71, 17) 2, et celui-ci est avant la construction de ce monde, car les astres aussi furent créés en même temps que ce monde […]. Car, pour Dieu, le Fils était principe avant la constitution de ce monde, mais, pour nous, c’est maintenant, alors qu’il est apparu ; mais, avant cela, il n’était pas pour nous qui ne le connaissions pas. C’est pourquoi aussi son disciple Jean, exposant qui est le Fils de Dieu « qui était auprès du Père » 1 C’est-à-dire selon la divinité ou nature divine. 2 Cf. aussi Ps 2, 7 (« Tu es mon Fils, moi, aujourd’hui, je t’ai engendré »). 32 (cf. Jn 1, 1-2) avant que le monde fût créé dit que c’est « par son intermédiaire que toutes les choses qui ont été créées ici-bas l’ont été » (cf. Jn 1, 3). d) “ce qui est né de Dieu 3 est Dieu” 4 Dém. 47 Le Père est Dieu, et le Fils est Dieu, car ce qui est né de Dieu est Dieu. De la sorte, selon sa substance, sa puissance et sa nature, on reconnaîtra un seul Dieu. En revanche, selon la mise en œuvre de l’économie de notre salut, il y a et le Père et le Fils. e) “et par lui tout a été fait” (Jn 1, 3) III, 11, 1 la « règle de Jean » (Jean) le disciple du Seigneur, entendant repousser toutes ces conceptions (protognostiques) 5 et établir dans l’Église un critère de vérité, à savoir qu’il n’y a qu’un seul Dieu tout-puissant, qui a tout fait par son Verbe, les réalités visibles comme les invisibles, donnant aussi à comprendre que, par le Verbe par lequel Dieu a achevé sa création, il offre aussi le salut aux hommes qui sont dans cette création, commença ainsi son enseignement selon l’évangile : « au commencement était le Verbe… » (suit une longue citation de Jn 1, 1-5). IV, 32, 1 référence conjointe à « Moïse » et à Jean Si on croit en un seul Dieu qui, par son Verbe (= sa parole) a fait toutes choses, comme le dit Moïse : « et Dieu dit : ” que le lumière soit ”, et la lumière a été faite » (Gn 1, 3), de même que nous lisons dans l’évangile : « par lui tout a été fait et sans lui rien ne fut fait » (Jn 1, 3) … 3 Cette formulation de la Démonstration se trouve aussi en AH I, 8, 5, sous la forme « ce qui est engendré de Dieu est Dieu », dans un passage où une telle conviction est commune à la fois aux valentiniens qui lisent le prologue de l’évangile de Jean et à Irénée lui-même. Un tel énoncé annonce celui qui sera inséré dans le symbole de Nicée, en 325 : « Dieu de Dieu ». 4 Dans le prolongement des ajouts du Concile de Nicée, le symbole de Constantinople insère ici, entre « engendré du Père avant tous les siècles » et « par qui tout a été fait » : « lumière de lumière, Dieu véritable de Dieu véritable, engendré non pas créé, consubstantiel au Père », pour insister, à l’encontre de l’arianisme (apparu plus d’un siècle après Irénée), sur la pleine égalité et unité du Fils avec le Père. 5 Irénée fait allusion au fait que le Dieu des valentiniens n’est pas directement créateur, et que la création relève d’intermédiaires, qui ne sont pas proprement divins. À l’inverse, poser que Dieu crée par son Verbe, qui est un seul Dieu avec le Père, signifie qu’il crée par lui-même. 33 I, 9, 2 Le « credo » du prologue de l’évangile de Jean. Jean en effet, en annonçant un seul Dieu tout-puissant et un seul Fils unique Jésus-Christ, dit « et par lui tout a été fait » (Jn 1, 3) : c’est lui le Verbe de Dieu (Jn 1, 1…), lui le « Fils unique » (Jn 1, 14 et 18), lui le Créateur de toutes choses (cf. Jn 1, 3), lui la « lumière véritable éclairant tout homme » (Jn 1, 9), lui le Créateur du monde, « il est venu dans ce qui était à lui » (Jn 1, 11), c’est le même qui « s’est fait chair et a habité parmi nous » (Jn 1, 14). 2. « POUR NOUS LES HOMMES ET POUR NOTRE SALUT DESCENDU DES CIEUX, IL A PRIS CHAIR DE L’ESPRIT SAINT ET DE LA VIERGE MARIE ET S’EST FAIT HOMME » III, 4, 2 L’incarnation et ce qu’elle entraîne Et (croyant) en Jésus-Christ le Fils de Dieu qui, par l’excès de son amour envers son œuvre, a supporté la naissance de la vierge, unissant par luimême l’homme à Dieu, lui qui a souffert sous Ponce Pilate, est ressuscité et a été assumé dans la gloire, qui doit venir glorieusement, en Sauveur de ceux qui sont sauvés et en juge de ceux qui sont jugés, envoyant au feu éternel ceux qui déforment la vérité, méprisent son Père et sa propre venue. a) “pour nous les hommes et pour notre salut descendu des cieux” (cf. Jn 3, 13 et 17 6 et Jn 6, 38 7 ) III, 9, 1 « toute chair verra le salut de Dieu » (Is 40, 5 en Lc 3, 6) Il n’y a donc qu’un seul et même Dieu, le Père de notre Seigneur, qui a promis par les prophètes d’envoyer un précurseur 8 et qui a rendu « son Salut », c’est-à-dire son Verbe, visible pour toute chair, lui qui s’est incarné, pour qu’en tout il se manifeste comme étant leur roi 9. 6 « Personne n’est monté au ciel si ce n’est celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme » (Jn 3, 13). « Je suis descendu du ciel, non pour faire ma volonté, mais la volonté de celui qui m’a envoyé » (Jn 6, 38). 8 Le précurseur est Jean-Baptiste, qui annonce la venue du Messie. Pour Irénée, « Salut » désigne le Christ Jésus, dont le nom signifie « Dieu sauve » (cf. Mt 1, 21). 9 Cf. IV, 20, 2 : « de même qu’il détenait la primauté dans les cieux en tant que Verbe de Dieu, il fallait qu’il ait aussi la primauté sur terre en tant qu’homme juste, qui « n’a pas commis de péché et dont la bouche était pure de mensonge » (1 P 2, 22), et qu’il ait aussi la primauté sur ce qui est sous terre, lui qui est devenu « le premier-né d’entre les morts » (Col 1, 18), afin qu’ainsi, comme nous l’avons dit plus haut, toutes choses voient leur roi ». L’idée que « toutes choses doivent voir leur roi » est une idée-force chez Irénée, qui pense que nul ne peut se décider librement s’il ignore de qui il dépend et à qui il doit son hommage. 7 34 III, 18, 2 Le Fils, étant Verbe de Dieu, est descendu d’auprès du Père, s’est incarné et est descendu jusque dans la mort pour accomplir l’oeuvre de notre salut. b) “il a pris chair de l’Esprit Saint et de la vierge Marie (cf. Luc 1, 35) et s’est fait homme (cf. Ph 2, 7)” III, 16, 7 Les multiples dimensions du Verbe Notre Seigneur, quoique toujours identique à lui-même, est en même temps riche et divers. Il s’est mis en effet au service de la volonté du Père, qui est riche et diversifiée et, de ce fait, il est le Sauveur de ceux qui sont sauvés, le Seigneur de ceux qui sont sous sa puissance, le Dieu des réalités créées, le Fils unique du Père, lui qui est appelé Christ, le Verbe de Dieu qui s’est incarné “lorsque fut venue la plénitude des temps” (Ga 4, 4), quand il convint que le Fils de Dieu devînt Fils de l’homme. III, 18, 1 L’inscription de Jésus dans l’ascendance humaine Nous avons montré en effet que le Fils de Dieu n’a pas commencé à ce moment-là, puisqu’il était depuis toujours auprès du Père, mais au moment où il s’est incarné et s’est fait homme, il a récapitulé en lui-même le long développement des (générations) humaines 10, nous offrant le salut en raccourci, afin que ce que nous avions perdu en Adam – à savoir le fait d’être selon l’image et la ressemblance de Dieu (Gn 1, 26) – nous le retrouvions dans le Christ Jésus. “De l’Esprit Saint” (Mt 1, 18 et 20) III, 16, 2 Puis, pour libérer notre esprit de tout soupçon concernant Joseph, il (Matthieu) dit : “telle fut la génération du Christ: alors que sa mère était fiancée à Joseph, elle fut trouvée porter un fruit de l’Esprit Saint avant de s’être unie à lui” (Mt 1, 18), et comme Joseph pensait renvoyer Marie du fait qu’elle était enceinte, il (rapporte) qu’un ange vint le trouver et lui dire : “ne crains pas de prendre chez toi Marie ton épouse, car l’enfant qu’elle a dans son ventre vient de l’Esprit-Saint” (Mt 1, 20; cf. Lc 1, 35). 10 Comparer avec III, 22, 3 où, sur la base de la généalogie selon saint Luc, qui est ascendante et remonte les générations jusqu’à Adam (Lc 3, 23-38), Irénée écrit : « il (Jésus) a récapitulé toutes les nations issues d’Adam et dispersées, toutes les langues, enfin toutes les générations humaines avec Adam y compris ». 35 “(Né) de la vierge Marie” (cf. Lc 2, 7a et Ga 4, 4) III, 21, 10 C’est ainsi que celui qui était le Verbe de Dieu en personne récapitula en lui Adam, puisque de Marie qui était restée vierge il avait reçu à bon droit une naissance dans la lignée d’Adam. III, 19, 3 Ce Fils de Dieu donc notre Seigneur, lui qui est le Verbe du Père, est aussi Fils de l’homme, car de Marie, qui tirait son origine d’hommes et qui était elle-même homme, il eut son origine selon les hommes et est devenu Fils de l’homme 11. III, 20, 3 C’est pourquoi le Seigneur “donna lui-même le signe” (Is 7, 14) de notre salut 12, lui qui est l’Emmanuel né de la vierge : il était le Seigneur luimême qui sauvait ceux qui par eux-mêmes ne pouvaient accéder au salut. 3. “CRUCIFIÉ POUR NOUS SOUS PONCE PILATE, IL A SOUFFERT (SA PASSION) ET A ÉTÉ ENSEVELI” a) « sous Ponce Pilate » (1 Tm 6, 13) II, 32, 4 On ne peut dire le nombre de grâces que l’Église, dans le monde entier, reçoit de Dieu, au nom du Christ Jésus crucifié sous Ponce Pilate 13 et qu’elle accomplit chaque jour pour le bien des nations païennes, sans exercer aucune séduction, sans prendre d’argent à personne : « comme elle a reçu gratuitement de Dieu, elle le prodigue aussi gratuitement » (cf. Mt 10, 8). IV, 23, 2 (Philippe) persuada l’eunuque de croire en Jésus-Christ, qui a été crucifié sous Ponce Pilate et a souffert ce que le prophète avait prédit, et qu’il est le Fils de Dieu (cf. Ac 8, 37 14 ), qui donne aux hommes la vie éternelle. V, 12, 5 Ce même (Paul) qui auparavant ignorait et persécutait l’Église, à la suite d’une révélation reçue du ciel et après avoir parlé avec le Seigneur, comme nous l’avons montré dans le troisième livre, annonçait le Fils de Dieu, le Christ Jésus qui a été crucifié sous Ponce Pilate, son ignorance antérieure ayant cédé la place à la connaissance postérieure. III, 12, 9 Tel est le mystère dont (Paul) dit « qu’il lui a été manifesté par une révélation » (Ep 3, 3), à savoir que celui qui a souffert sous Ponce Pilate, celui-ci est le Seigneur, le Roi, le Dieu et le Juge de tous, ayant reçu du Dieu de toutes choses la puissance, car « il s’est soumis jusqu’à la mort, et la mort de la croix » (Ph 2, 8). b) « enseveli » (1 Co 15, 4 a) 15 III, 18, 3 « Je vous ai transmis, dit Paul, tout d’abord que le Christ est mort pour nos péchés selon les Écritures, qu’il a été enseveli et qu’il est ressuscité le troisième jour selon les Écritures » (1 Co 15, 3-4). Il est donc bien clair que Paul ne connaît aucun autre Christ si ce n’est celui seul qui a souffert, a été enseveli et est ressuscité, qui auparavant était né, et qu’il appelle (ailleurs) « homme ». 14 Dans une perspective proche de celle d’Irénée, le symbole de foi arménien précise : « il prit d’elle (Marie) corps, âme et esprit et tout ce qui est dans l’homme, en réalité et non fictivement ». 12 Le « signe » annoncé par Isaïe, qui correspond à une grossesse virginale, est une initiative divine, et dépasse les conceptions humaines. 13 On voit que le groupe « Jésus-Christ crucifié sous Ponce Pilate » est devenu une désignation standard, utilisée ici selon Irénée dans l’exercice de guérisons miraculeuses. C’est cette expression qui sera retenue par le symbole de Constantinople (mais pas dans celui de Nicée). Une alternative à cette formule est « qui a souffert sous Ponce Pilate », et en IV, 23, 2, Irénée emploie les deux concurremment. La mention « sous Ponce Pilate », outre le verset de 1 Timothée 6, 13 (« Jésus-Christ, qui a rendu un beau témoignage sous Ponce Pilate »), était déjà présente chez Ignace d’Antioche (Lettres aux Magnésiens 11 ; aux Tralliens 9, 1 ; aux Smyrniotes 1, 2). « Si tu crois de tout ton cœur, cela est possible (d’être baptisé). L’eunuque répondit : je crois que Jésus-Christ est le Fils de Dieu » (Ac 8, 37). Ce verset, absent du texte grec actuel des Actes, était apparemment présent dans le texte dont disposait Irénée. 15 Ici, le symbole des apôtres mentionne la « descente aux enfers ». Cependant, cet ajout reste rare, au témoignage de Rufin à la fin du quatrième siècle : « Il faut en effet savoir que, dans le Symbole de l’Église romaine, il n’y a pas l’ajout : ‘il est descendu aux enfers’ ; il ne se trouve pas non plus dans (les symboles) des Églises orientales. Le sens de cette expression équivaut à peu près à celui de ‘il a été enseveli’ » (Rufin d’Aquilée, Exposition du Symbole, § 16). Pour Irénée, la descente aux enfers n’a pas de portée salvifique, mais seulement de révélation : « c’est pourquoi (l’ancien disait que) le Seigneur est descendu dans le domaine qui se trouve sous la terre, pour annoncer à ceux-ci aussi (les morts) la bonne nouvelle de sa venue, lui qui est la rémission des péchés pour ceux qui croient en lui. Et tous ceux, … justes, patriarches et prophètes..., qui avaient espéré en lui ont cru en lui » (AH IV, 27, 2, cf. aussi ci-dessus n. 9, avec la citation d’AH IV, 20, 2). 36 37 11 4. « IL EST RESSUSCITÉ LE TROISIÈME JOUR SELON LES ÉCRITURES, EST MONTÉ AUX CIEUX ET S’EST ASSIS À LA DROITE DU PÈRE » III, 16, 9 C’est un seul et même Jésus Christ Fils de Dieu, qui par sa passion nous a réconciliés avec Dieu, est ressuscité des morts, est à la droite du Père et (a été rendu) parfait en toutes choses. a) “ressuscité le troisième jour selon les Écritures” (1 Co 15, 4 b) III, 18, 3 La résurrection cause (finale) de l’incarnation Après avoir dit : « si on proclame que le Christ est ressuscité des morts » (1 Co 15, 12), il ajoute, pour rendre raison de son incarnation : « dans la mesure où la mort est venue par un homme, c’est aussi par un homme qu’est venue la résurrection des morts » (1 Co 15, 21)16. V, 7, 1 Le Christ est ressuscité dans la substance de sa chair, il a montré aux disciples la marque des clous et son côté ouvert – toutes choses qui sont des signes de sa chair ressuscitée. b) ressuscité et élevé III, 19, 3 L’Ascension de Jésus est aussi élévation de l’homme avec sa chair C’est pourquoi “le Seigneur nous a donné lui-même un signe dans les profondeurs et dans les hauteurs” (Is 7, 11 et 14), un signe que l’homme n’avait pas demandé, dans la mesure où il ne pouvait s’attendre à ce qu’une vierge puisse se trouver enceinte, elle qui était vierge, et mettre au monde un fils, et que ce fils soit “Dieu avec nous”, et qu’il descende dans les profondeurs de la terre, pour “rechercher la brebis qui était perdue” (Lc 15, 6), qui était sa propre oeuvre façonnée, puis qu’il monte dans les hauteurs, offrant et présentant à Dieu cet homme désormais “retrouvé”, accomplissant en lui-même les “prémices de la résurrection” de l’homme (cf. 1 Co 15, 20). V, 31, 2 La résurrection et l’ascension de Jésus annoncent la gloire des élus Si donc il est vrai que le Seigneur respecta la loi de la mort, pour devenir le « premier-né d’entre les morts » (Col 1, 18), et qu’il est resté jusqu’au troisième jour dans les profondeurs de la terre (cf. Ep 4, 9), ressuscitant ensuite dans la chair, au point de pouvoir montrer aux disciples les marques des clous (Jn 20, 25 et 27) et que c’est ainsi qu’il monta vers le Père […] et si le Seigneur « est allé dans l’ombre de la mort » (Ps 22, 4), où étaient les âmes des morts, s’il est ensuite ressuscité avec son corps et s’est élevé, il est clair que les âmes de ses disciples aussi, pour le bien desquels il a opéré cela, s’en iront vers un lieu invisible qui leur est fixé par Dieu et y demeureront jusqu’à la résurrection, en attendant la résurrection. Retrouvant ensuite leurs corps et ressuscitant pleinement, c’està-dire corporellement, de la même façon que le Seigneur est ressuscité, ils s’en iront ainsi vers la face de Dieu. c) “monté aux cieux”: l’ouverture des portes du ciel IV, 33, 13 Certains (prophètes)17 ont dit “qu’il s’était endormi puis relevé, car le Seigneur (le Père) l’a relevé” (cf. Ps 3, 6) et a donné l’ordre aux puissances des cieux d’ouvrir “les portes éternelles, pour qu’entre le roi de gloire” (Ps 23, 7) : ils proclamaient ainsi par avance sa résurrection des morts par la puissance du Père et son assomption dans les cieux. III, 16, 8 dans la même chair (Jean) ne connaît qu’un seul et même Jésus-Christ, pour lequel les portes du ciel se sont ouvertes dans son assomption charnelle, qui reviendra dans cette même chair dans laquelle il a souffert, pour révéler la gloire du Père 18. d) “assis à la droite du Père” (cf. Rm 8, 34) III, 16, 3 David 19, connaissant par l’action de l’Esprit l’économie de sa venue, par laquelle il serait le souverain des vivants et des morts, a confessé le 17 Irénée suit ici le fil du discours de Paul en 1 Co 15 (un chapitre consacré à la résurrection), en passant du verset 12 au verset 21, et en montrant comment le second verset éclaire en profondeur le sens de la proclamation évoquée par le premier : le Verbe s’est fait chair pour restaurer l’humanité et lui conférer l’incorruptibilité à travers sa passion et sa résurrection. Le psalmiste est considéré comme « prophète », c’est-à-dire qu’il parle « dans l’Esprit » et proclame par anticipation les réalités du salut. 18 On peut trouver un écho à une telle vue dans le symbole de foi arménien, qui proclame : « monté aux cieux avec le même corps, il est assis à la droite du Père. Il viendra, avec le même corps dans la gloire du Père ». 19 David est traditionnellement considéré comme l’auteur du psautier. 38 39 16 Seigneur siégeant à la droite du Père Très-haut (ps 109, 1, cité en Ac 2, 33-34, cf. 1 Pi 3, 22). “Il reviendra dans la gloire juger les vivants et les morts (cf. 2 Tm 4, 1), et son règne n’aura pas de fin” (Lc 1, 33) a) retour glorieux en juge souverain (Ac 10, 42, cf. aussi Ac 17, 31) IV, 20, 2 Jésus-Christ est le juge parce qu’il est d’abord agneau immolé Le Seigneur dit de même : « toutes choses m’ont été remises par mon Père » (Mt 11, 27), en désignant clairement celui qui a fait « toutes choses » : ce ne sont pas des biens étrangers, mais ses biens propres qu’il lui a remis. C’est pourquoi aussi il est « le juge des vivants et des morts » (Ac 10, 42), « il a la clé de David : il ouvre et nul ne fermera ; il ferme et nul n’ouvrira » (Ap 3, 7). « Nul autre en effet, ni au ciel, ni sur terre, ni sous terre, n’était en mesure d’ouvrir le livre ni d’y jeter les yeux » (Ap 5, 3) si ce n’est « l’agneau immolé » (Ap 5, 12), « qui nous a rachetés par son sang » (Ap 5, 9, cf. Ep 1, 7). b) “et son règne n’aura pas de fin” (Lc 1, 33) III, 9, 2 (les mages ont apporté de) l’or, puisqu’il est le roi “dont le règne n’a pas de fin”. TROISIÈME ARTICLE L’Esprit et l’Église 1. “ET EN L’ESPRIT SAINT, SEIGNEUR ET DONATEUR DE VIE 1 ... QUI A PARLÉ PAR LES PROPHÈTES” a) “Et en l’Esprit Saint, Seigneur et donateur de vie” (cf. Jn 6, 63) III, 11, 8 La vie communiquée par l’Esprit, à travers les évangiles La colonne et le soutien de l’Église, c’est l’évangile et l’Esprit de vie : en conséquence, elle repose sur quatre colonnes 2 qui soufflent de tout côté en répandant l’incorruptibilité, et qui réveillent la vie chez les hommes. IV, 21, 3 L’Esprit donateur de vie au baptême Signifiant que, selon la chair, le Christ engendrerait pour Dieu des enfants chez la femme libre comme chez l’asservie 3, donnant à tous de manière semblable le don de l’Esprit qui nous vivifie. V, 12, 2 La vie naturelle et la vie divine communiquée par l’Esprit C’est pourquoi Isaïe, distinguant encore entre ces deux réalités, dit : ‘l’Esprit sortira de moi et c’est moi qui ai fait tout souffle’ (Is 57, 16), plaçant spécifiquement l’Esprit du côté de Dieu, lui qui dans les derniers temps devait se répandre sur l’humanité par l’adoption filiale, tandis qu’il appelle ‘fait’ le souffle commun répandu sur la création, montrant qu’il est créé. Autre en effet est ce qui est créé et celui qui crée. Le souffle est temporaire, et l’Esprit éternel. Le souffle s’accroît quelque peu puis, après s’être maintenu un certain temps, s’en va, laissant inanimé le corps où il était auparavant, mais l’Esprit, enveloppant l’homme du dedans et du dehors 4 et persistant toujours, ne l’abandonnera jamais. 1 Ici, le symbole de Constantinople insère : « lui qui procède du Père (cf. Jn 15, 26) ; avec le Père et le Fils il reçoit même adoration et même gloire ». 2 Les quatre évangiles, qui apparaissent comme des « colonnes dynamiques » de l’Église. 3 Irénée reprend ici la réflexion de Paul en Ga 4, 22-28 à propos des deux fils d’Abraham : les enfants de la femme libre ou de la servante sont les chrétiens issus du judaïsme ou des nations païennes, et tous reçoivent le même Esprit vivificateur (ils sont aussi tous descendants d’Abraham par la foi). 4 Irénée fait allusion ici à l’arche d’alliance, dont le bois était plaqué de métaux précieux « du dedans et du dehors », selon Ex 25, 11. Le don de l’Esprit, qui à la résurrection confèrera ultimement l’incorruptibilité à l’homme « du dedans et du dehors », c’est-à-dire de l’âme et du corps, transforme chaque baptisé en « arche d’alliance » (cf. AH IV, 39, 2). 40 41 V, 11, 1 le fruit de salut produit par la vie de l’Esprit Ce sont les actes spirituels qui communiquent la vie à l’homme, c’est-àdire la « greffe » de l’Esprit 5, de sorte que Paul dit : « le fruit de l’Esprit, c’est charité, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité, douceur, maîtrise de soi, chasteté … » (Ga 5, 22-23). Ainsi, celui qui progresse dans le bien et produit le fruit de l’Esprit est sauvé par la communion de l’Esprit, mais celui qui s’en tient aux actes charnels mentionnés (cf. Ga 5, 19-21), un tel homme est considéré comme charnel car ne recevant pas l’Esprit de Dieu, et ne pourra pas posséder le royaume des cieux. b) “Il a parlé par les prophètes” (He 1, 1; cf. 2 Pi 1, 216 ) I, 10, 1 Et dans l’Esprit Saint, qui par les prophètes a annoncé les actions de Dieu… III, 17, 1 Et encore : « L’Esprit du Seigneur est sur moi, car il m’a oint » (Lc 4, 18 citant Is 61, 1) - cet Esprit dont le Seigneur dit : « ce n’est pas vous qui parlez, mais l’Esprit de votre Père qui parle en vous » (Mt 10, 20). Et, donnant aux disciples le pouvoir de la régénération, il leur disait : « allez, enseignez toutes les nations, baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit » (Mt 28, 19). C’est lui qu’il a promis par les prophètes de « répandre dans les derniers temps sur ses serviteurs et sur ses servantes pour qu’ils prophétisent » (cf. Joël 3, 1-2). C’est pourquoi il descendit sur le Fils de Dieu devenu Fils de l‘homme, s’habituant en lui à habiter dans le genre humain, à reposer sur les hommes et à habiter dans l’œuvre façonnée de Dieu 7, accomplissant en eux la volonté du Père et les renouvelant de la vétusté à la nouveauté du Christ. IV, 20, 8 Dans la mesure donc où l’Esprit de Dieu signifiait par les prophètes ce qui était à venir… Les prophètes en effet ne prophétisaient pas seulement par la parole, mais aussi par la vision, par leur comportement et par les actions qu’ils faisaient, selon ce que l’Esprit leur suggérait. 2. “ET EN L’ÉGLISE, UNE, SAINTE, CATHOLIQUE ET APOSTOLIQUE” a) “une” (cf. Ep 2, 16) III, 5, 3 C’est lui (Jésus) qui, apparu récemment (sur la terre), est « la pierre angulaire », qui a « rassemblé en un seul corps » (Ep 2, 16) et a unifié « ceux qui étaient loin et ceux qui étaient proches » (Ep 2, 17), c’est-à-dire la circoncision et le prépuce, dilatant Japhet et l’établissant dans la demeure de Sem (cf. Gn 9, 27). b) “sainte” (cf. Ep 5, 27) III, 5, 3 À leur tour, les apôtres enseignaient les nations et leur apprenaient à honorer le vrai Dieu […] et à attendre son Fils Jésus-Christ qui nous a rachetés de l’apostasie par son sang afin que nous soyons nous aussi un peuple sanctifié, lui qui descendra du ciel dans la puissance de son Père, pour exercer le jugement sur tous et donner les biens de Dieu à ceux qui auront gardé ses préceptes. c) “catholique (Mt 28, 19) et apostolique” (Mt 16, 18 et Ep 2, 20) IV, 33, 8 apostolicité et universalité de l’Église ... l’enseignement des apôtres, l’ancienne organisation de l’Église dans le monde entier, la forme spécifique du corps du Christ (qu’est l’Église) en fonction de la succession des évêques auxquels les apôtres ont transmis l’Église 8 en chaque lieu particulier. V, 6, 1 les charismes et l’universalité des langues C’est pourquoi l’apôtre dit aussi: “nous parlons de sagesse parmi les parfaits” (1 Co 2, 6), en appelant “parfaits” ceux qui ont reçu l’Esprit de Dieu et parlent en toute sorte de langues sous la puissance de l’Esprit, comme il le faisait lui-même et comme les nombreux frères que nous entendons dans l’Église dotés de charismes prophétiques, qui parlent en toutes langues sous la puissance de l’Esprit, dévoilent pour leur bien les secrets des hommes et exposent les mystères de Dieu; ce sont eux que l’apôtre appelle “spirituels”, dans la mesure où ils ont part à l’Esprit. 5 Au paragraphe précédent, en AH V, 10, 1, Irénée reprenait à Paul la comparaison horticole de la « greffe » au ch. 11 de la Lettre aux Romains, pour décrire la « bonification » de l’humanité par l’insertion de l’Esprit de Dieu dans l’homme. 6 Cf déjà 2 Rois LXX 23, 2 « L'esprit du Seigneur parle par moi, Et sa parole est sur ma langue ». 7 Il s’agit de l’homme avec sa corporéité, qui peut être régénérée par l’Esprit de Dieu. 42 8 La façon de s’exprimer d’Irénée donne à comprendre que l’Église est globalement une même s’il y a des successions spécifiques en fonction des lieux particuliers : en chaque lieu, les apôtres ont transmis localement « l’Église » dans sa dimension universelle, et non pas seulement telle ou telle Église locale. 43 V, 20, 1 la lumière universelle de l’Église La prédication de l’Église est donc véridique et solide, elle où on ne voit qu’un seul et même chemin de salut dans le monde entier. C’est à elle qu’a été confiée la lumière de Dieu, et de ce fait la sagesse de Dieu, par laquelle il sauve des hommes, “est chantée dehors, il en est question librement sur les places, elle est proclamée au sommet des remparts, on en parle avec force aux portes de la cité” (Prov 1, 21). Partout en effet l’Église proclame la vérité : elle est le “chandelier à sept branches” (cf. Ex 25, 31), qui porte la lumière du Christ 9. 3. “JE CONFESSE UN SEUL BAPTÊME (cf. Ep 4, 5) POUR LA RÉMISSION DES PÉCHÉS” (Ac 2, 38 et 10, 43) IV, 32, 1 « Un seul baptême » (cf. Ep 4, 5) Si on croit en un seul Dieu, qui a tout fait par son Verbe […], (comme) l’apôtre Paul dit de même : « un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous, qui est au-dessus de tous, à travers toutes choses et en nous tous » (Ep 4, 5-6) : un tel homme restera attaché à « la tête » 10 (en vue de la croissance du corps, cf Ep 4, 15-16 et Col 2, 19). III, 12, 7 le baptême « pour la rémission des péchés » (Ac 2, 38 et Ac 10, 43) Des paroles de Pierre il ressort clairement qu’il n’avait pas changé le Dieu connu auparavant, mais qu’il a témoigné auprès d’eux (les juifs) que JésusChrist était le fils de Dieu, le « juge des vivants et des morts » (Ac 10, 42), au nom duquel il les incita à être « baptisés pour la rémission des péchés »11. Le baptême vivificateur III, 17, 2 De même que la terre sèche, privée d’eau, ne donne pas de fruit, de même nous, qui étions auparavant du « bois sec » (cf. Lc 23, 31) 12, n’aurions jamais donné le fruit de vie sans la « pluie » venue volontairement d’en-haut (ps 67, 10). Nos corps, par le bain, ont reçu l’unité (interne) en vue de l’incorruptibilité, et nos âmes l’ont reçue par l’Esprit. 4. “J’ATTENDS LA RÉSURRECTION DES MORTS (1 Co 15, 13) ET LA VIE DU MONDE À VENIR” (Cf. Mc 10, 30 et parallèles) a) « j’attends la résurrection des morts » (1 Co 15, 13) III, 19, 3 La résurrection des saints prolongement de celle de Jésus « ‘Le Seigneur nous a donné un signe…’, et cet enfant est ‘Dieu avec nous’, ‘descendu dans les profondeurs’ de la terre pour rechercher ‘la brebis qui s’était perdue’ (sa propre œuvre façonnée par lui) et ‘monté dans les hauteurs’, pour offrir et remettre au Père l’homme ainsi ‘retrouvé’, faisant en lui-même les prémices de la résurrection de l’homme13, afin que, de même que la tête est ressuscitée des morts, le reste du corps ressuscite aussi… V, 7, 1 Résurrection par la puissance de l’Esprit De la même façon en effet que le Christ est ressuscité dans la substance de sa chair […], de la même façon aussi, dit (Paul), ‘il nous ressuscitera par sa puissance’ (1 Co 6, 14), car il écrit encore aux Romains : ‘si l’Esprit qui a ressuscité Jésus des morts habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus des morts donnera aussi la vie à vos corps mortels’ (Rm 8, 11). V, 12, 3 La résurrection de la chair Ce n’est pas une autre réalité qui était morte et une autre qui a été vivifiée, ni une autre réalité qui était perdue et une autre qui a été retrouvée, mais le Seigneur est venu rechercher ce qui était perdu. Qu’est-ce qui était perdu ? en tout état de cause, la substance de la chair (de l’homme). V, 13, 1 L’appel à la vie Il est lui-même celui qui peut apporter la guérison et communiquer la vie à son œuvre façonnée, afin qu’on accorde foi à la résurrection (de la chair) et qu’ainsi à la fin, au son de la dernière trompette les morts ressuscitent, comme il le dit lui-même: “l’heure vient, où tous les morts qui sont dans les tombeaux entendront la voix du Fils de l’homme » (Jn 5, 25) [… (Jn 5, 26-27)] et sortiront, ceux qui ont fait le bien pour la résurrection de la vie, ceux qui ont fait le mal pour la résurrection du jugement » (Jn 5, 28-29) 14. 15 9 Cette image du « chandelier à sept branches » (cf. Ex 25, 31), qui brillait dans le temple de Jérusalem devant l’arche d’alliance, ajoute une dimension cultuelle à la dimension missionnaire de l’Église : l’Église, non seulement éclaire le monde, mais brille d’abord pour Dieu. 10 Il s’agit à la fois du corps de l’Église et du corps de doctrine de la foi, dont la « tête » est la confession de l’unique Créateur. 11 Cf. Ac 10, 43, ce dernier verset étant contaminé ici avec Ac 2, 38, cité plus haut par Irénée en AH III, 12, 2. Dans ces deux passages des Actes des apôtres, Pierre annonce le baptême « pour la rémission des péchés ». 12 Du fait du péché originel, qui affecte l’intégrité et la vitalité de l’homme. En Jésus homme ressuscité, l’humanité est déjà ressuscitée et montée aux cieux par anticipation. La déclaration de Jésus commencée en Jn 5, 25 s’interrompt pour une réflexion complémentaire en Jn 5, 26-27, avant de reprendre en Jn 5, 28-29. Irénée ne tient pas compte de l’interruption dans sa citation, citant ainsi Jn 5, 25 et 28 dans la continuité (qui correspond d’ailleurs à une continuité de sens). 15 Le symbole de foi arménien note de même : « (je crois) au jugement éternel des âmes et des corps ». 44 45 13 14 b) « à la vie éternelle » (cf. Mt 25, 46) V, 7, 2 Communion de l’Esprit Ressuscitant par l’Esprit, les corps deviendront spirituels 16, afin qu’ils aient la vie par l’Esprit demeurant toujours en eux. V, 3, 3 Continuité Si cette vie temporaire, quoique bien inférieure à la vie éternelle, a cependant le pouvoir de donner la vie à nos membres mortels, pourquoi cette vie qui est éternelle ne vivifierait-elle pas la chair déjà exercée et habituée à porter la vie ? V, 8, 1 Si donc actuellement, ayant déjà reçu les arrhes (de l’Esprit, cf. Ga 4, 6), nous crions : ‘Abba, Père’ (Rm 8, 15), qu’en sera-t-il quand, une fois ressuscités, nous le verrons face à face, quand tous les membres rassemblés 17 feront monter vers lui un hymne d’exultation 18, rendant gloire à celui qui les aura ressuscités des morts et leur aura fait don de la vie éternelle ? Si déjà les arrhes, embrassant l’homme et l’enveloppant en lui-même lui font déjà dire : ‘Abba, Père’, que fera la grâce de l’Esprit tout entière, qui sera donnée aux hommes par Dieu : elle nous rendra semblables à lui (cf. 1 Jn 3, 2) et portera à son accomplissement la volonté du Père, puisqu’elle rendra l’homme conforme « à l’image et à la ressemblance de Dieu » (cf. Gn 1, 26). POSTLUDE Foi, espérance et charité IV, 18, 4 Le culte véritable est enraciné dans la foi, l’espérance et la charité Il nous convient en effet d’offrir l’oblation à Dieu et d’être trouvés en toute choses pleins de gratitude à l’égard de notre Créateur, avec une conviction pure et une foi sans hypocrisie, une espérance solide, une charité fervente, lui offrant les prémices de ses créatures. IV, 12, 2 Dans ce monde et dans l’autre Et Paul dit encore : « l’accomplissement de la loi, c’est la charité » (Rm 13, 10), et que « toutes les autres (vertus) ayant disparu, seules demeureront la foi, l’espérance et la charité, la plus grande de toutes étant la charité » (1 Co 13, 13) ; la connaissance dépourvue d’amour à l’égard de Dieu n’apporte rien, et il en va de même pour la compréhension des mystères, pour la foi ou la prophétie, et tout cela est vain et vide sans la charité. C’est la charité qui fait la perfection de l‘homme, et celui qui aime Dieu est parfait, dans ce monde et dans l’autre. Nous ne cesserons jamais d’aimer Dieu, car plus nous le contemplerons plus nous l’aimerons. II, 28, 3 La foi des bienheureux Comme le dit l’apôtre : « les autres (vertus) ayant disparu, seules demeureront la foi, l’espérance et la charité » (1 Co 13, 13). La foi à l‘égard de notre maître (le Christ) demeurera toujours solide, nous assurant qu’il est le seul vrai Dieu, afin que nous l’aimions toujours, lui qui est notre seul Père, et que nous espérions toujours plus recevoir de lui et apprendre toujours plus de lui 1, lui qui est bon, qui dispose de « richesses inépuisables » (cf. Ep 2, 7), dont « le règne n’a pas de fin » et la science est infinie. 16 « Spirituel », comme le précise bien Irénée lui-même face aux gnostiques, ne veut pas dire « incorporel » ou « immatériel », mais animé par l’Esprit de Dieu (cf. AH V, 8, 2). 17 Il s’agit d’abord des membres du corps humain retrouvant la vie, mais au-delà des membres du corps entier de l’humanité sauvée. 18 On se rappelle (voir le deuxième texte du ch. 2 sur « l’expansion de la foi ») que l’activité des premiers hommes était de « chanter un hymne au Dieu créateur », c’est cette dimension de louange qui s’accomplit pleinement dans la vie éternelle. 1 On voit que, pour Irénée, les trois vertus de foi, espérance et charité ont vocation à s’accroître toujours plus dans la vie éternelle, nourries par la richesse infinie de Dieu. 46 47 ANNEXE 1 : Quelques pistes sur la confession de foi des valentiniens « Il disent des choses semblables, mais pensent différemment », écrit Irénée à propos des valentiniens au début de la préface du Contre les hérésies. Il conviendrait de faire une recherche approfondie et systématique à partir des indices fournis par Irénée sur les points de foi professés par ses adversaires. Nous nous contenterons ici de quelques éléments relevés au passage, qui suggèrent qu’effectivement les groupes gnostiques combattus par Irénée professaient la même foi ou à peu près que les chrétiens dits « de la Grande Église », mais donnaient un sens particulier aux formules de foi communes. IV, 33, 3 La profession de foi des Valentiniens (le chrétien éclairé) jugera tous ceux qui suivent la doctrine de Valentin, eux qui de langue confessent « un unique Dieu Père de qui viennent toutes choses » (1 Co 8, 6), mais disent que celui qui a fait toutes choses n’est qu’un fruit de défection et de chute ; et (ils confessent) de même de langue « un unique Seigneur Jésus-Christ Fils de Dieu » (cf. 1 Co 8, 6), mais attribuent dans leur vision une émission propre au Fils unique, une au Verbe, une autre au Christ, une autre encore au Sauveur, de sorte que ce qu’ils disent « un » doit être selon eux compris séparément et avoir été émis pour chacun à son niveau. ni Basilide, ni les anges ni les archanges ni les principautés ni les puissances (célestes), mais « seul le Père qui l’a engendré et le Fils » qui est né (cf. Mt 24, 36). Si donc ‘sa génération est ineffable’ (cf. Is 53, 8), tous ceux, quels qu’ils soient, qui essaient d’expliquer les générations et les émissions sont hors de sens, puisqu’ils promettent de dire ce qui est indicible. Que de la Pensée et de l’Intellect procède le Verbe, tout le monde le sait assurément. Ils n’ont donc rien trouvé de bien grand, ceux qui ont inventé les émissions, ni découvert un bien secret mystère, en transposant dans le Verbe, Fils unique de Dieu, ce qui est compris par tout le monde : celui qu’ils disent ineffable et innommable, ils le nomment et le décrivent, et, comme s’ils en avaient fait eux-mêmes l’accouchement, ils racontent son émission et sa génération premières, en assimilant le Verbe de Dieu au verbe que profèrent les hommes. I, 30, 11 Né de Marie (selon certains gnostiques) il y eut deux hommes émis, l’un d’Elisabeth la stérile, l’autre de la vierge Marie. I, 30, 2 La sainteté de l’Église reconnue par les gnostiques valentiniens Et telle serait (selon eux) l’Église “sainte” et véritable : l’appel 2, l’assemblée et la communion du “Père de toutes choses”... I, 22, 1 Confession d’un Dieu unique Presque tous ces hérétiques, autant qu’ils sont, affirment un Dieu unique, mais par leur pensée viciée ils en changent la nature, se montrant ingrats envers le Dieu qui les a faits, comme les païens par l’idolâtrie. II, 31, 2 La résurrection des morts? pas autre chose que l’illumination présente. La résurrection des morts (pour eux) n’est que la connaissance de la vérité dont ils parlent. 1 2 II, 28, 6 La génération du Fils Si l’un d’eux nous dit : comment le Fils a-t-il été émis par le Père ? Nous lui répondons qu’une telle émission, ou génération, ou énonciation ou révélation, de quelque nom qu’ils désignent « son ineffable génération » (cf. Is 53, 8), « nul ne l’a connue », ni Valentin, ni Marcion, ni Saturnin 1, Irénée énumère ici les chefs de groupes gnostiques avec lesquels il polémique. 48 « Appel » est le sens étymologique et premier du mot « ecclesia » en grec, qui a donné « Église ». 49 ANNEXE 2 : Le symbole de Constantinople et ses fondements bibliques PREMIER ARTICLE Articles du symbole de foi Références bibliques Je crois (nous croyons) en un seul Dieu cf. Dt 6, 4 : « le Seigneur ton Dieu est unique » ; 1 Co 8, 6 « un seul Dieu Père » le Père tout-puissant cf. 2 Co 6, 18 « je serai pour vous un Père[…], dit le Seigneur tout-puissant » créateur du ciel et de la terre il a pris chair de l’Esprit Saint Mt 1, 18 et 20 « ce qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint » et de la vierge Marie Lc 1, 35 « L’esprit Saint viendra sur toi » cf. Ph 2, 7 “reconnu comme homme à sa forme” et s’est fait homme Mt 27, 35 ; Mc 15, 24 ; Lc 23, 33 ; Jn 19, 18 « ils le crucifièrent » ; Crucifié pour nous Jn 19, 16 « alors Pilate le leur livra, pour qu’il soit crucifié » (cf Mt 27, 26 Mc 15, 15 ; Lc 23, 24-25) ; cf. Ac 2, 23 « vous l’avez fait mourir par la main des infidèles » sous Ponce Pilate Gn 1, 1 : « au commencement, Dieu créa le ciel et la terre » de toutes les choses visibles et invisibles DEUXIÈME ARTICLE Et en un seul Seigneur Jésus-Christ Col 1, 16: “en lui toutes choses ont été constituées... les visibles comme les invisibles” Il souffrit sa passion cf. 1 Co 8, 6 “et un seul Seigneur Jésus-Christ” Il ressuscita le troisième jour selon les Écritures Jn 1, 14 et 18 “fils unique” le Fils unique du Père Jn 1, 1 ; cf. Ps 109, 3 LXX : « de mon sein avant l’aurore je t’ai engendré » Engendré du Père avant tous les siècles (1) Jn 1, 3 « et par lui tout a été fait » et par lui tout a été fait Pour nous les hommes et pour notre salut, Jn 3, 17 « Dieu a envoyé son fils dans le monde … pour que le monde soit sauvé par lui » Jn 3, 13 nul n’est monté au ciel si ce n’est celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme ; Jn 6, 38 : « je suis descendu du ciel » il descendit des cieux Ici, le symbole de Constantinople, dans le prolongement des ajouts du Concile de Nicée, insère : « lumière de lumière, Dieu véritable de Dieu véritable, engendré non pas créé, consubstantiel au Père » 1 50 Mt 27 ; Mc 15 ; Lc 23 ; Jn 19 Mt 27, 60 ; Mc 15, 46 ; Lc 23, 53 ; Jn 19, 42 et fut enseveli 1 Co 15, 4 « ressuscita le troisième jour selon les Écritures » Mc 16, 29 a « le Seigneur Jésus … fut élevé au ciel »; Lc 24, 51; cf. Ac 1, 11 et il monta aux cieux Mc 16, 29 b « … et s’assit à la droite de Dieu » ; voir aussi ps 109, 1, cité en Ac 2, 33-34 ; 1 Pi 3, 22 et Rm 8, 34 ; cf. Ep 1, 20 et s’assit à la droite du Père. Tite 2, 13 « la venue glorieuse de Notre Seigneur Jésus Christ » Il reviendra dans la gloire Ac 10, 42, cf. 17, 31 « juge des vivants et des morts » juger les vivants et les morts Lc 1, 33 : « et son règne n’aura pas de fin » et son règne n’aura pas de fin. 51 TROISIÈME ARTICLE Je crois en l’Esprit Saint Ep 4, 4 « un seul Esprit » Seigneur et donateur de vie (2) Jn 6, 63 « l’Esprit est donateur de vie » He 1, 1 « Dieu a parlé à nos pères par les prophètes », cf. 2 Pi 1, 21 : “c’est portés par l’Esprit Saint que des hommes ont parlé de la part de Dieu” Il a parlé par les prophètes Ep 2, 16 “il a réconcilié les uns et les autres en un seul corps pour Dieu par sa croix” Et en l’Église une sainte, Cf. Ep 5, 27 “afin de ses présenter à lui-même l’Église glorieuse ... sainte et irréprochable” catholique Mt 28, 19 “allez, de toutes les nations faites des disciples”; cf. Mc 16, 15 et apostolique. Ep 2, 20 “sur le fondement des apôtres” Je reconnais un seul baptême Ep 4, 5 « un seul baptême » pour la rémission des péchés Ac 2, 38 : « que chacun de vous se fasse baptiser au nom de Jésus-Christ pour la rémission de ses péchés » ; cf. Ac 10, 43 1 Co 15, 13 « s’il n’y a pas de résurrection des morts, le Christ n’est pas ressuscité » J’attends la résurrection des morts Cf. Mc 10, 30 « et la vie éternelle dans le monde à venir » et la vie du monde à venir Amen À ce propos, écoutons pour finir Rufin d’Aquilée qui, vers la fin du IVe siècle, écrivait au destinataire de son Explication du symbole des apôtres : « Je sais qu’un vrai amour et zèle pour les Saintes Écritures te tient, et tu me diras sans aucun doute qu’il convient que j’appuie ces articles de foi sur les témoignages les plus évidents tirés des Saintes Écritures. De fait, plus ce qui est à croire est important, et plus ces articles ont besoin de témoins appropriés et indubitables. C’est tout à fait vrai et conséquent. Pour ma part cependant, comme je m’adresse à des connaisseurs de la Bible, j’ai laissé derrière moi cette forêt de témoignages, au profit de la brièveté. J’en avancerai pourtant, s’il en est besoin, quelques-uns pris parmi beaucoup, conscient que, devant tous ceux qui étudient les Saintes Écritures, s’étend une mer immense de témoignages ». Rufin d’Aquilée, Explication du symbole des apôtres, § 16 Ici, le symbole de Constantinople insère : « lui qui procède du Père (cf. Jn 15, 26) ; avec le Père et le Fils il reçoit même adoration et même gloire ». 2 52 53 POUR ALLER PLUS LOIN Irénée de Lyon, La foi démontrée, Paris (Cerf), 2021. Irénée de Lyon, Contre les hérésies, Dénonciation et réfutation de la gnose au nom menteur, Paris (Cerf), 2001. Rufin d’Aquilée, Le Credo des apôtres (Explication du symbole des apôtres), Paris, Collection « Les Pères dans la foi » (DDB), 1997. H. Denzinger, Symboles et définitions de la foi catholique, Paris (Cerf), 1996. On y trouvera, aux pages 56-58, le texte complet du « symbole de Constantinople » utilisé ici. Aux pp. 19-20, on lira aussi le texte du « Grand symbole de foi de l’Église arménienne », auquel il est fait référence ici en note à trois reprises. I. Ortiz de Urbina, Nicée et Constantinople (en 324 et 381), Histoire des conciles œcuméniques, t. 1, Paris (Fayard), 2006. Thomas d’Aquin, Ce que je crois, Paris (Cerf), 2021. (Commentaire très clair et nourrissant du « symbole des apôtres »). J. Ratzinger, Foi, Écriture et tradition, Paris (Téqui), 2012 (Texte bref et très éclairant sur les sources de la foi chrétienne, originellement inclus dans l’ouvrage de Ratzinger Les Principes de théologie catholique). J. Ratzinger, La foi chrétienne hier et aujourd’hui, Paris (Cerf), 2005. (Une réflexion récente sur la foi et son expression dans le symbole). H. de Lubac, La foi chrétienne. Essai sur la structure du symbole des apôtres, Œuvres complètes V, Paris (Cerf), 2008. (Une réflexion moderne sur la foi et la confession de foi) TABLE DES MATIÈRES P. 3 P. 6 Avant-Propos (Th. J. White) Introduction (A. Bastit) P. 15 Première partie : La foi et son expression P. 16 Ch. 1. Qu’est-ce que la foi ? Exemples de foi P. 19 Ch. 2. L’expansion de la foi de l’Église et sa proclamation. Des origines aux temps de l’Église P. 27 Seconde partie : le « credo » d’Irénée P. 28 Ch. 1. Premier article : Dieu le Père tout-puissant P. 32 Ch. 2. Deuxième article : le Fils et Verbe de Dieu, incarné et passé par la mort pour notre salut P. 41 Ch. 3 : L’Esprit et l’Église P. 47 Postlude : Foi, espérance et charité P. 48 Annexe 1: Quelques pistes sur la confession de foi des valentiniens P. 50 Annexe 2 : Le symbole de Constantinople et son soubassement scripturaire P. 54 Pour aller plus loin K. Wojtyla, Paroles pour un monde qui ne croit plus, Paris, 2020. (Commentaire clair et profond de la prédication des apôtres, et des principaux points du « symbole des apôtres »). 54 55 Allégorie de l’espérance, Giovanni Dupré, seconde moitié du XIXe siècle, collection particulière. Irénée de Lyon, qui écrit au deuxième siècle de notre ère (vers 180), a accordé beaucoup d’importance à la proclamation, à la compréhension et à la défense de la foi chrétienne, à l’encontre de fausses interprétations. Ce livret présente un choix de textes d’Irénée en traduction originale, qui illustrent la richesse et la profondeur de son approche de la foi en tant qu’ouverture à la révélation, qui nous rapproche de ce que Dieu fait connaître de lui-même. Au passage, apparaissent plus clairement plusieurs dimensions de la foi chrétienne : son lien avec la capacité pour la raison de remonter de la vue du monde à la reconnaissance d’un Dieu créateur, son enracinement dans les formulations bibliques - surtout les paroles de Jésus, mais aussi celles de ses apôtres et de ses prophètes -, son retentissement enfin sur les choix concrets, la foi engageant toute l’existence du croyant impliquant aussi la charité et l’espérance. La seconde partie de ce recueil propose un « commentaire » du Credo long de la messe (symbole de Constantinople) sur la base de textes d’Irénée. La sélection et la traduction sont d’Agnès Bastit, de l’Université de Lorraine Avant-propos du fr. Thomas Joseph White, recteur de l’Université saintThomas (Rome) SAINT IRÉNÉE Solidarité - Éducation Culture - Communication HERITAGE 56