AGNÈS BASTIT
LA FOI
D’IRÉNÉE
TEXTES D’IRÉNÉE DE LYON
EN TRADUCTION ORIGINALE
1
Avant-propos
Page de couverture : Irénée, vitrail d’A.-L. Vermonet,
Basilica of Our Lady Immaculate, Guelph, Ontario (vers 1900)
Page 2 : Allégorie de la foi, Giovanni Dupré,
seconde moitié du XIXe siècle, collection particulière.
2
Le 21 janvier 2022, le pape François a signé un décret déclarant saint
Irénée docteur de l’Église, un terme que l’Église catholique réserve à
des figures importantes de l’histoire de la théologie, qui sont aussi des
modèles d’enseignement et de vie chrétienne. Dans le cas d’Irénée, ce
titre de docteur de l’Église n’est pas seulement très mérité, mais il est
aussi particulièrement approprié, puisqu’il s’agit du premier théologien
de l’Église ancienne à avoir fait entendre sa voix après l’époque des
apôtres et des évangélistes.
Dans son introduction à ces extraits se rapportant à la foi chrétienne reçue, approfondie et confessée -, Agnès Bastit met en évidence quatre
caractéristiques majeures de la pensée de saint Irénée, qui sont toujours
pertinentes pour l’Église et la culture théologique de nos jours.
Premier point : la continuité dans la réflexion théologique d’Irénée,
sur la base de l’enseignement apostolique d’un côté et de la tradition
philosophique gréco-romaine de l’autre. Cette approche montre
comment, au cœur de la première théologie chrétienne, se rencontre une
harmonie entre la pensée philosophique hellénistique et la nouveauté
de la révélation. L’enseignement du Christ et des apôtres n’est pas
réductible à une simple tradition religieuse parmi d’autres, mais elle
implique la révélation plénière de Dieu en tant que Père, Fils et SaintEsprit. Cependant, cette nouveauté fait son apparition en s’appuyant
sur la toile de fond d’une recherche plus humaine et universelle de la
sagesse, une recherche qui a animé la vie intellectuelle des cultures
précédentes et dans laquelle on peut percevoir les travaux préparatoires
de l’Esprit-Saint, qui invite tous les hommes de manière implicite à
reconnaître plus parfaitement Dieu comme unique créateur du tout.
Cette vision intégrative qui est celle d’Irénée anticipe les divers
déploiements dynamiques postérieurs de cette rencontre entre la foi et
la raison dans la tradition de la pensée catholique.
3
Deuxième point : la théologie d’Irénée suggère que la profession
de foi collective de l’Église primitive repose sur l’acte primordial
de la réception et l’interprétation des Écritures comme parole de
Dieu communiquée de manière prophétique aux hommes. En tant
qu’éminent défenseur de l’inspiration de l’Ancien Testament (contre les
gnostiques) et de l’intégrité du Nouveau Testament (contre Marcion),
Irénée tient à enraciner la promulgation ecclésiale de la doctrine
chrétienne dans l’intégralité de la révélation communiquée d’abord à
Israël puis aux apôtres, dans la lumière de la venue du Christ. Nous
voyons, avec l’œuvre d’Irénée, l’émergence d’une vision très ancienne
des Écritures composant le « canon » biblique, comprises comme une
norme pour la confession de la foi, contrebalancée par une affirmation
d’égale importance : c’est l’Église, sa tradition, l’enseignement de ses
évêques qui fournit la norme et le contexte d’une juste interprétation des
Écritures. Les Écritures n’ont pas été inventées par l’Église, elles sont
reçues par elle, mais sans elle les Écritures ne peuvent être comprises
en toute plénitude et vérité, et ne porteront pas tout leur fruit. Ainsi, le
renouveau de la théologie se doit d’être à la fois scripturaire et ecclésial
: une étude de l’Écriture insuffisamment animée par la référence à
l’Église, à sa vie, à ses saints ne sera pas complète et authentique, mais
un renouveau de l’Église qui ne serait pas réceptive, pour s’en nourrir,
des voix vivantes de l’Écriture ne serait pas suffisamment fondée sur la
parole vivante du Christ, sa présence et son inspiration directe.
Troisième point : l’Église a un rôle à jouer dans le discernement de
la vérité catholique. À l’encontre des tendances individualistes,
ésotériques et élitistes des gnostiques, Irénée insiste sur la préservation
ecclésiale collective de la foi catholique, qui se fait par la voie d’un
enseignement public, exotérique, accessible à tous, y compris aux
illettrés, et qui est communiqué gratuitement, non seulement dans la
prédication mais aussi dans la pratique des sacrements. Le mystère de
Dieu peut être expérimenté, participé et sauvegardé par tous, même si
quelques-uns ont davantage d’autorité dans ce processus que d’autres.
Les évêques sont les chefs de l’Église et ont l’autorité de promouvoir
l’enseignement apostolique, mais il leur faut se référer aux Écritures, à
l’enseignement de leurs prédécesseurs et de ceux qui ont eu avant eux
une place d’autorité, et ils doivent aussi être à l’écoute du sensus fidei
(sens de la foi) du commun des fidèles et en particulier des confesseurs
et martyrs, comme voie pour discerner l’inspiration du Saint Esprit dans
la vie courante de l’Église. C’est pourquoi interviennent chez Irénée,
4
dans le cadre de son témoignage théologique, les figures de Clément de
Rome, d’Hermas, de Polycarpe ou de Justin le martyr, comme bornes
milliaires du passé récent de l’Église.
Quatrième et dernier point : la théologie d’Irénée suggère fortement
qu’il existe une intelligibilité intrinsèque du mystère de la révélation
divine.
Il tend vers ce que les théologiens catholiques du XIXe siècle appelleront
plus tard « analogie de la foi » (analogia fidei), à savoir la relation
entre les différents mystères dévoilés par Dieu. Comment le mystère
de l’incarnation du Verbe fait chair révèle-t-il Dieu et se rapporte-til à la connaissance de la sainte Trinité ? Comment ces mystères se
rapportent-ils à l’Église, à la révélation, au salut du genre humain, à la
vierge Marie, à la Loi de l’Ancien Testament, à l’attente du monde à
venir, à la résurrection générale ? La théologie catholique ne considère
pas chaque mystère de foi séparément, mais regarde les relations qui
existent entre eux comme une expression de l’unique sagesse de Dieu
qui se manifeste en tous. Irénée est l’une des voix théologiques les plus
importantes, et en tout état de cause la plus ancienne, qui a exploré cette
perspective de manière cohérente, profonde et systématique.
En bref, les pistes ouvertes par les extraits ici présentés et traduits par
Agnès Bastit constituent une véritable initiation à la foi chrétienne
et, au-delà, à la théologie catholique en tant que telle. Irénée, dans sa
propre conception de la foi, s’inscrit tout ensemble dans la continuité de
la foi d’Israël, initiée par Abraham, et de celle des apôtres, en particulier
de Paul. À l’encontre du spiritualisme gnostique, il insiste sur le fait que
la foi n’est pas seulement un accès à l’intelligence du mystère révélé par
Dieu, mais aussi une obligation à la justice, un engagement du croyant
à suivre la voie indiquée par Dieu, tout spécialement par le Christ, sans
quoi le fidèle « contriste l’Esprit » et se prive de la fécondité liée à la
communion de la grâce. La sagesse vraiment catholique – c’est-à-dire
universelle - d’Irénée, désormais le plus ancien docteur de l’Église après
les apôtres, nous incite à notre tour aujourd’hui à prendre au sérieux
les obligations créatives et les possibilités libératrices d’une vie vécue
pleinement, qui rende témoignage au Père, au Fils et au Saint Esprit.
Fr. Thomas Joseph White, op
Théologien dominicain
Recteur de l’Université Saint-Thomas (Angelicum), Rome
5
La foi d’Irénée
Je t’invoque, Seigneur Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu
de Jacob et Israël, qui es le Père de notre Seigneur JésusChrist, Dieu qui, par la surabondance de ta miséricorde,
as jugé bon que nous te connaissions, toi qui as fait le ciel
et la terre et qui domines toutes choses, toi le seul et vrai
Dieu au-dessus duquel il n’y a pas d’autre Dieu, toi qui,
par notre Seigneur Jésus-Christ, nous a encore fait don de
l’Esprit Saint, donne à toute personne lisant cet écrit de
connaître que tu es le seul Dieu, d’être affermi en toi et de
s’abstenir de toute opinion hérétique, athée et impie.1
Introduction
Un contexte riche, mais difficile
L’œuvre de saint Irénée qui nous a été conservée 2 est tout entière
consacrée à la mise en lumière de la foi chrétienne et, pour ce qui
est de son grand ouvrage Contre les hérésies, à sa défense contre des
déformations et des manières de la comprendre qui en faussent le
sens. Avec quelque recul du temps – un peu plus d’un siècle après les
premiers écrits chrétiens – les Églises prennent mieux conscience du
trésor que renferment les textes du Nouveau Testament, évangiles et
lettres des apôtres, et plus largement les Écritures, c’est-à-dire tous
les livres de l’Ancien Testament qui constituent le socle sur lequel
l’enseignement des évangélistes et des apôtres s’est appuyé. Tous ces
1
Contre les hérésies (Adversus haereses) III, 6, 4
Des œuvres d’Irénée que l’antiquité a pu connaître, comme l’atteste l’historien Eusèbe de Césarée,
nous n’avons conservé que deux ouvrages : a) un monument en cinq tomes couramment appelé
Adversus haereses (Contre les hérésies), ici abrégé en AH, qui nous est parvenu principalement en
traduction latine même s’il reste aussi un certain nombre de fragments dans la langue originale, le grec,
et b) une lettre-traité adressée à un certain Marcianus, qui était apparemment un chrétien de fraiche
date. Ce livret, qui propose une présentation simple de l’essentiel de la foi et de son enracinement
sur l’arrière-plan de la Bible, est intitulé en grec « Exposé de la prédication apostolique » (c’est-à-dire
de la prédication remontant aux apôtres de Jésus et authentifiée par eux). Il nous a été conservé dans
une traduction arménienne ancienne, dont le titre est Démonstration de la prédication apostolique, ici
abrégé Dém. Les traductions proposées ici sont miennes.
2
6
textes, ceux de la Bible des juifs et ceux du Nouveau Testament déjà
constitué pour l’essentiel, sont lus et expliqués aux fidèles le dimanche
lors des célébrations eucharistiques. Ils sont utilisés par les catéchètes
pour expliquer la foi chrétienne à ceux qui, dans l’empire romain, se
préparent à entrer dans l’Église par le baptême. Les catéchumènes ne
parviennent au seuil du baptême que nourris par cet enseignement qui
aboutit à la proclamation publique de leur foi en Dieu Père, Fils et
Esprit. Le condensé de cette foi s’exprime à travers des symboles ou
confessions de foi qui se distribuent en articles énonçant les principaux
points auxquels est donnée adhésion. En même temps, le catéchumène
se voit invité à abandonner toute compromission avec le culte des idoles
ou avec la violence (des jeux du cirque, par exemple) ainsi qu’avec
toute pratique sexuelle désordonnée. Positivement, il est encouragé à
se montrer sobre pour lui-même, juste et généreux à l’égard d’autrui.
Intégrité de la foi et pureté de vie sont étroitement liées, comme l’écrit
Irénée dans son petit écrit destiné à fortifier la foi d’un nouveau chrétien,
Marcianus : « notre corps doit être pur, c’est-à-dire que nous devons
éviter toute action honteuse et nous conduire avec justice. Notre âme
aussi doit être pure, c’est-à-dire que nous devons garder entière notre
foi en Dieu, sans rien y ajouter et sans rien en retirer […]. Le respect et
l’amour pour Dieu garderont leur beauté et leur force si la vérité reste
toujours dans l’âme comme la pureté dans le corps. Car cela ne sert
à rien de reconnaître en paroles ce qui est vrai, si nous rendons notre
corps impur et si nous obéissons à nos désirs mauvais. Mais un corps
pur n’est pas utile, si la vérité n’est pas dans l’âme. En effet, l’âme
et le corps partagent la même joie et ils ne font qu’un pour conduire
l’homme à Dieu » 3.
Le principal défi que doivent relever les pasteurs tels Irénée, en ce dernier
quart du deuxième siècle après Jésus-Christ, est celui des groupes chrétiens
« gnostiques », c’est-à-dire qui prétendent avoir accès à une connaissance
(« gnose » en grec) supérieure et secrète, réservée à ceux qui s’engagent
dans une initiation spécifique. Ces communautés célèbrent aussi les
sacrements – baptême, eucharistie 4 -, lisent pour la plupart les mêmes
textes sacrés et proclament à peu près le même symbole de foi, au
témoignage même d’Irénée, mais ils n’en comprennent pas les termes
de la même façon. Comme l’écrit Irénée dans la préface du Contre
les hérésies, « ils disent des choses semblables » (à ce que proclame
3
Dém. , § 2
Quoique, parfois, avec des usages spécifiques, comme de célébrer l’eucharistie avec du pain et de
l’eau au lieu de vin.
4
7
l’Église), « mais pensent de manière dissemblable ». Ainsi, par
exemple, ils déclarent croire « en un seul Dieu », mais ce Dieu suprême
et inconnaissable n’est pas le créateur de ce monde – la production du
monde visible étant, selon les gnostiques, indigne du Dieu supérieur
et réservée à une divinité subalterne. De même, ils reconnaissent
bien un Christ et un Sauveur, mais ces deux êtres, qui ne s’identifient
pas nécessairement, sont distincts d’une part du Fils unique du Dieu
suprême et, de l’autre, du Jésus visible dont parlent les évangiles. On le
voit, la séparation entre l’univers purement spirituel, d’origine divine,
et ce monde, de nature très inférieure, aboutit à multiplier les entités :
deux Dieux au lieu d’un unique Dieu Très-haut créateur, quatre êtres
pour un seul Sauveur Jésus-Christ etc. À terme aussi, l’homme n’est
promis au salut que s’il s’identifie à l’étincelle spirituelle qui lui vient
de la sphère divine, ce qui veut dire que le corps et l’âme sont voués à
la destruction, la mort se révélant simplement libératrice pour le noyau
spirituel interne (pour ceux qui en sont dotés), seul à subsister.
Deux catégories de fidèles sont particulièrement exposés à se laisser
égarer par l’enseignement marginal et ésotérique des maîtres gnostiques :
ceux qui ne sont pas en mesure de faire le départ entre l’enseignement
authentique de l’Église et sa contrefaçon séduisante, qu’Irénée appelle
les « inexpérimentés » et, plus spécifiquement, les néophytes ou
nouveaux baptisés, qui ne sont pas encore bien enracinés dans la foi
et peuvent se laisser entraîner malgré eux. Irénée se lance alors à corps
perdu dans une tentative visant, non seulement à mettre en garde les
fidèles les plus fragiles, mais même à s’efforcer d’arracher les égarés au
courant qui les emporte pour les ramener vers la foi de l’Église. C’est
ainsi qu’Irénée encourage de toutes ses forces celui auquel il s’adresse
dans son ouvrage, un autre pasteur qui lui a demandé de l’éclairer
sur les enseignements des gnostiques et de l’aider à leur répondre,
en écrivant au début de son dernier envoi 5 : « Je me suis efforcé de
toutes les manières, dans la mesure de mes capacités, de te procurer
le plus de secours possible à l’encontre de la contradiction portée par
les hérétiques, pour ramener les égarés et les faire revenir à l’Église
de Dieu, pour affermir aussi l’esprit des néophytes, de façon qu’ils
conservent ferme la foi qu’ils ont reçue gardée fidèlement par l’Église,
et qu’ils ne soient en aucune manière entraînés par ceux qui délivrent
un mauvais enseignement et s’efforcent de les détacher de la vérité ».
Il lui écrivait déjà plus haut : « (sur la base de ce que je t’ai exposé) tu
seras en mesure de leur résister avec assurance et fermeté, pour la seule
foi véritable et vivifiante, que l’Église a reçue des apôtres et diffusée
auprès de ses fils 7 ». On voit qu’ici Irénée comprend la foi appelée
à être défendue par son ami et destinataire comme un bien reçu dans
l’Église par transmission, une transmission qui remonte aux apôtres de
Jésus eux-mêmes.
Une foi fondée sur la tradition de l’Église, mais
aussi sur la Bible et la raison
Tradition et Écritures
Il est possible de relier ce souci pour la foi aux différentes strates
où s’exprime et irradie le noyau de la confession de foi chrétienne.
On trouve alors chez Irénée, à propos du contenu de la foi et de son
expression, trois étapes distinctes, mais articulées comme trois aspects
d’un même tout. Nous les rencontrerons à des degrés divers dans le
présent recueil :
1. Les proclamations de foi, qui prennent la forme d’un condensé de
type « symbole de foi » ou « credo ». Il n’y en a qu’un petit nombre,
dans toute l’œuvre d’Irénée, qui englobent la totalité du donné de la
foi chrétienne : l’œuvre du Père, du Fils fait homme pour le salut des
hommes, de l’Esprit, les grâces de l’Église et la résurrection finale.
En revanche, il parsème son exposé de multiples micro-confessions,
centrées sur la foi au Dieu unique créateur du monde, ou au Dieu
Père créateur qui a tout produit par son Fils et Verbe, ou un peu moins
souvent sur l’œuvre de salut accomplie par le Verbe fait homme. C’est
en ce sens qu’Irénée dit que le chrétien reçoit au baptême une « règle de
vérité » 8 - comme traduit le latin, mais il serait plus exact de parler de
« mesure de vérité » ou de « repère de vérité ».
2. Les attestations scripturaires, principalement du Nouveau Testament
(c’est-à-dire transmettant l’enseignement des apôtres), sur lesquelles se
fondent les éléments successifs de ces confessions de foi. Le troisième
Livre du Contre les hérésies est presque entièrement consacré à fonder
7
AH III, préface.
8
Irénée lui envoie en effet les cinq tomes du Contre les hérésies les uns après les autres. Il s’agit ici du
cinquième et dernier envoi.
6
AH V, préface.
En Dém. 3, Irénée évoque cette fois la « règle de foi » en la rapprochant du baptême « au nom du Père,
du Fils et de l’Esprit » et d’une explication des trois principaux articles du symbole de foi. Le mot grec
« canon », traduit en latin par « règle » désigne toute sorte de repère ou d’étalon dans une activité
artisanale ou technique (unité de mesure, fil à plomb des maçons, diapason des musiciens), ou encore,
dans un contexte plus artistique, la référence des bonnes proportions à observer (« canon » de beauté).
8
9
5
les deux premiers articles du Credo - ceux qui concernent respectivement
le Dieu Père créateur et son Fils le Verbe fait chair - sur les témoignages
apostoliques des livres du Nouveau Testament : évangiles, Actes des
apôtres et Lettres de Paul, avec quelques références aussi aux livres de
l’Ancien Testament.
À propos de Jean, « disciple du Seigneur » et auteur du quatrième
évangile, le plus tardif, Irénée indique par exemple que son prologue,
en particulier, a été formulé par l’apôtre pour barrer la voie aux
doctrines gnostiques, qui commençaient à émerger, et à l’inverse pour
« établir dans l’Église la mesure de vérité » (III, 11, 1). En ce sens, il
cite la déclaration solennelle de l’évangéliste en Jn 20, 31 : « ceci a été
écrit pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu »
(cf. AH III, 16, 5). Au livre IV, Irénée va plus loin encore en disant
que, si nous avons Dieu lui-même ou le Seigneur pour « maître » qui
nous enseigne, ses paroles sont pour nous « la mesure de la vérité »
(IV, 35, 4).
3. La transmission orale, mais aussi écrite, de ces articles de foi.
La transmission orale se fait par l’enseignement des responsables
des Églises, les « presbytres » ou anciens9 , ainsi que par celui des
catéchistes. Les uns et les autres transmettent à la fois la connaissance
des Écritures saintes avec leur explication, la signification des
rites chrétiens (en particulier du baptême et de l’eucharistie) et le
sens des différents articles de foi qui composent la proclamation
baptismale, par laquelle on devient pleinement chrétien.
À ce propos, Irénée évoque avec chaleur l’attachement vivant de
chrétiens illettrés, qui n’ont pas accès au grec des Écritures saintes, mais
qui gardent et font fructifier dans leur vie la foi « inscrite dans leur cœur
par l’Esprit Saint » (AH III, 4, 2), parce qu’ils l’ont apprise de l’Église.
Mais l’expression de cette foi se trouve aussi déjà, à l’époque d’Irénée,
dans des textes écrits, publiés et diffusés à travers l’empire romain :
Irénée mentionne ainsi des confessions de foi tirées d’ouvrages anciens,
qui comptent parmi les premiers de l’Église après les documents
apostoliques, comme la Première Lettre aux Corinthiens de Clément
de Rome (fin Ier s.), Le Pasteur d’Hermas (milieu IIe s.?) et même des
déclarations extraites d’ouvrages de son prédécesseur Justin, qui datent
environ d’une quarantaine d’années au moment où écrit Irénée 10 . Une
telle convergence est le signe de la « catholicité » de la foi car, sur la
base de la tradition apostolique, « la foi de tous (dans l’Église) est une
et identique » 11 .
En même temps, Irénée prend conscience, comme le montre son
entreprise, que la foi ne peut être défendue si elle n’est pas d’abord reçue,
assimilée, pénétrée dans toute sa richesse et approfondie dans toutes ses
implications. Pour ce faire, les deux voies de l’assimilation intelligente
des Écritures, par un « exercice prolongé »12 , et de l’approfondissement
de la confession de foi, par la recherche de sa cohérence interne, sont
poursuivies conjointement et se complètent l’une l’autre. On verra dans
la seconde partie de ce livret que pratiquement chaque énoncé relevant
du symbole de foi 13 est resitué par Irénée sur le fond d’une déclaration
scripturaire : la proclamation de foi ne se développe par pour elle-même
ou « hors sol », elle est toujours enracinée sur un fond biblique. Dans
un texte remarquable, par exemple, Irénée convoque simultanément la
Genèse, l’évangile de Jean et l’apôtre Paul à l’appui du segment de
confession : « et par lui tout a été fait » (cf. Jn 1, 3) 14.
Un témoignage ouvert
En ce qui concerne le premier article : « je crois en un seul Dieu Père
tout-puissant, créateur du ciel et de la terre » 15 , la justification ne vient
pas seulement – et ce de manière abondante – de la tradition ecclésiale et
des livres bibliques, mais conformément à ce qu’avançait déjà saint Paul
en écrivant à la communauté de Rome, elle repose sur la considération
attentive de l’univers : « ce qui, de Dieu, tombe sous la connaissance
Les « presbytres » sont des chrétiens confirmés, ayant passé la quarantaine et le plus souvent même la
cinquantaine, ordonnés pour se consacrer à la direction des communautés, à l’enseignement de la foi
et à la célébration des sacrements. La terminologie utilisée par Irénée ne distingue pas entre «l’évêque »
et son « presbyterium », même si la réalité d’une telle prééminence du premier par rapport aux autres
presbytres est attestée par l’œuvre d’Irénée elle-même, et par d’autres documents convergents.
Sans parler de l’évêque Polycarpe de Smyrne, dont Irénée mentionne la Lettre aux Philippiens
comme un témoin de sa foi et de la « proclamation de la vérité » (AH III, 3, 4).
11
« Le chemin de ceux qui appartiennent à l’Église fait le tour du monde entier, il maintient solidement
la tradition reçue des apôtres, et nous donne à voir que la foi de tous est une et identique » (V, 20, 1).
La suite de ce texte se trouve en première partie de ce recueil.
12
AH II, 27, 1 (le grec dit : « exercice quotidien »).
13
On ne sait pas bien quels symboles utilisaient les Églises auxquelles Irénée a été successivement rattaché.
14
AH IV, 32, 1, cf. déjà I, 22, 1 à propos du même point de foi, décisif pour Irénée (tout a été créé par
l’intermédiaire du Verbe divin, celui qui vient dans le monde sorti de ses mains).
15
Je me réfère ici de préférence au symbole du Concile de Constantinople (ici à son attaque), adopté à
côté de celui de Nicée par les « cent cinquante Pères » de ce Concile de 381 (du moins au témoignage
des Pères du concile suivant, celui de Chalcédoine), parce que ce texte se prête, mieux encore que le
« symbole des apôtres » et que celui de Nicée, au rapprochement avec les commentaires d’Irénée sur
les divers points de foi. Voir la deuxième partie de ce recueil.
10
11
9
10
a été manifesté parmi eux (les païens) : Dieu en effet s’est manifesté à
eux, car ce qui est invisible de Dieu, reçu dans l’intelligence, est vu à
partir de ses œuvres depuis la création du monde, avec sa puissance et
sa divinité invisibles […] » (Rm 1, 19-20). Irénée écrit de même, en II,
9, 1 : « les nations païennes apprennent l’existence du Dieu suprême
de la création elle-même » et, plus loin dans le même deuxième Livre,
il généralise ce qui était dit d’abord à propos des païens : « la création
elle-même où nous sommes, par ce qui se présente à notre vue, atteste
la même chose (que ce qu’affirment les Écritures), à savoir qu’unique
est celui qui l’a faite et la régit » (II, 27, 2). Il y a donc concordance
entre l’enseignement constant des Écritures et ce qu’Irénée appelle «
le témoignage à découvert sur Dieu », qui correspond à ce qu’il est
possible d’en connaître par ses œuvres. De fait, à l’époque d’Irénée,
dans le sillage de l’enseignement de philosophes comme Platon et
Aristote, la plupart des écoles philosophiques reconnaissaient un Dieu
suprême auteur et souverain de l’univers. Comme l’indique Irénée luimême : « certains parmi les nations païennes […] en sont venus à dire
que le « Père de toutes choses » 16 […] était l’auteur de cet univers (où
nous sommes) ». Dans la foulée, Irénée introduit une double citation de
Platon 17 par ces mots : « Platon apparaîtra plus religieux qu’eux (les
gnostiques), lui qui proclame un seul et même Dieu à la fois juste et
bon, ayant pouvoir sur toutes choses et exerçant lui-même le jugement
[…] » 18 . On voit que les segments qui composent le premier article de
la profession de foi – Dieu unique, tout-puissant, créateur du ciel et de la
terre -, qui ont un fort fondement biblique, se rencontrent parallèlement
dans ces passages de Platon invoqués par Irénée.
Mais le cas du premier article est particulier, même s’il est capital car
la polémique avec les gnostiques - et bien sûr avec les païens – tourne
principalement autour de l’unicité de Dieu et de son activité créatrice
(ou non). Plus largement, quand Irénée pose que ce sur quoi se fondent
les énoncés de la foi est « le témoignage sur Dieu placé à découvert »,
il distingue « ce qui tombe sous la vue dans la création » - qui concerne
le premier article - et ce que « l’ensemble des Écritures, aussi bien
prophétiques qu’évangéliques, disent à découvert, sans ambiguïté, de
façon à pouvoir être comprises de la même façon par tous » 19, qui
concerne le reste des articles de foi. Ces affirmations fermes constituent
la base à partir de laquelle la réflexion peut prendre pour objet les
mystères révélés dans les Écritures, avec leur part d’obscurité, mais
sans que jamais celle-ci ne vienne voiler la clarté lumineuse de la vérité
confessée. « Une compréhension saine, sans danger, respectueuse et
attachée au vrai, telle que Dieu en a donné la possibilité à l’intelligence
humaine et à notre capacité de connaissance, pénètrera rapidement ces
choses et y progressera, la connaissance de ces réalités devenant plus
facile par l’exercice quotidien. De quoi s’agit-il ? De ce qui nous tombe
sous les yeux et de ce qui est dit ouvertement, sans ambiguïté et en
propres termes dans les Écritures » 20.
Enfin, lorsqu’Irénée déclare : « nous avons pour mesure ou référence
(« règle ») la vérité elle-même », il faut comprendre qu’il englobe
toutes ces dimensions : celle de la connaissance naturelle, qui permet
d’accéder à une certaine vérité, celle des énoncés clairs et univoques des
Écritures, et même la référence à la personne de Jésus-Christ, à ce qu’il
est et à ses actes, comme à un point de repère vivant, qui est « la vérité
même » (« c’était la vérité même qui parlait », cf. Jn 14, 6 ) 21. Toutes
ces formes de révélation ne sont que des moments de l’unique autorévélation de Dieu par son Verbe, gardée et transmise dans l’Église.
De l’intelligence de la foi à l’adhésion vitale en vue
du salut
Ce qui est caractéristique de l’approche d’Irénée en effet, c’est qu’il
s’agit toujours de vie : vie de l’intelligence irriguée par la vérité, vie de
l’âme habitée et conduite par « l’Esprit de vérité, qui introduit à la vérité
plénière » (cf. Jn 16, 13, et déjà 14, 13 sq.), vie de l’homme tout entier
orienté vers Dieu. C’est pourquoi la foi, qui prend place dans le cadre
d’une relation réelle entre Dieu et l’homme, mobilise toute la personne,
éclairant son intelligence et accompagnant ses choix. Le premier texte
qui ouvre ce recueil est caractéristique en ce sens : commentant au
début de son quatrième Livre le verset de la Genèse, repris dans le
Nouveau Testament « Abraham eut foi dans le Seigneur, et cela lui fut
compté comme justice » (Gn 15, 6), Irénée déploie selon une double
19
AH II, 27, 2, en II, 27, 1 il disait de même : « ce qui tombe sous notre vue et tout ce qui a été dit en propres
termes, clairement et sans ambiguïté, dans les saintes Écritures ».
16
Platon, Timée 28 E (« l’auteur et père de ce tout »).
17
Platon, Lois IV, 715 E, suivi de Timée 29 C.
20
AH II, 27, 1.
18
AH III, 25, 5.
21
AH IV, 2, 6, cf. III, 5, 1.
12
13
PREMIÈRE
PARTIE
dimension l’acte de foi d’Abraham : sa foi est d’abord reconnaissance
de l’unicité de Dieu et de sa souveraineté universelle, qui s’exprime
dans la confession que le patriarche fait quelques versets plus haut :
« je lève la main vers le Dieu Très-haut, qui a créé le ciel et la terre
» (Gn 14, 22), puis confiance en sa promesse, sur la foi de laquelle il
quitte tout ce qu’il avait d’assuré pour « suivre la parole/Parole de Dieu
» (Gn 12, 4). L’exemple d’Abraham montre ainsi ce qu’est la foi en
tant que don reçu : d’abord une connaissance sur laquelle on se fonde,
mais aussi une révélation éclairante, qui incite à engager sa vie sur la
parole du Dieu vivant. Dans le cas d’Abraham, l’obéissance à la parole
de celui en qui il a mis sa foi le conduit à anticiper en la personne
de son propre fils le « sacrifice du Fils unique », et fait naître aussi
en lui le désir de connaître pleinement ce Verbe qui s’est révélé à lui,
si bien que Jésus pourra dire « Abraham a tressailli de joie à l’idée
de voir mon jour (c’est-à-dire ‘le jour de ma venue’), il l’a vu et s’en est
réjoui » (Jn 8, 56). La générosité d’Abraham se renouvelle chez ses
descendants, en particulier au seuil du Nouveau Testament, chez
Siméon, Marie et son époux Joseph, et surtout chez Jésus lui-même,
dont la foi devient à son tour le modèle de ceux qui adhèrent à son salut
et le confessent de bouche et de cœur, parfois jusqu’au martyre et à la
mort.
Telle est la dimension de la foi que nous prendrons en considération
en prologue et en épilogue aux deux parties de ce livret : la foi comme
adhésion entraînant des choix et des actes qui en découlent, la foi qui
ouvre aussi à la charité active et, ultimement, à l’espérance comme joie
anticipée d’une connaissance accrue et toujours plus profonde de Dieu.
Le lecteur pourra trouver réuni dans les ouvrages d’Irénée, augmenté
d’une dimension polémique, ce que nous avons séparé ici pour plus de
clarté : l’intelligence de la foi et l’engagement vital qu’elle implique.
LA FOI
ET SON
EXPRESSION
Agnès Bastit
Université de Lorraine
14
Le sacrifice d'Abraham, fresque des catacombes de Saints Pierre et Marcellin, Rome (IVe s.)
15
QU’EST-CE QUE LA FOI ?
EXEMPLES DE FOI
1. ABRAHAM
a) IV, 5, 3
« Abraham crut en Dieu, et cela lui fut compté comme justice » (Gn 15, 6, repris en Rm
4, 3 et Ga 3, 6), tout d’abord qu’il est lui-même le seul Dieu Créateur « du ciel et de la
terre » (Gn 14, 22 ), ensuite qu’il rendrait sa « descendance aussi nombreuse que les
étoiles du ciel » (Gn 15, 5) […]. C’est avec justice en effet que « laissant toute parenté
terrestre » (Gn 12, 1), il suivait le Verbe de Dieu (cf. Gn 12, 4), faisant route avec le
Verbe pour demeurer avec le Verbe.
b) IV, 5, 4
Abraham en effet, ayant été fidèle au précepte du Verbe de Dieu conformément à sa
foi, offrit de bon cœur son fils unique et bien-aimé en sacrifice à Dieu, afin que Dieu lui
aussi ait agréable d’offrir pour toute sa descendance son Fils unique et bien-aimé en vue
de notre rédemption.
c) IV, 5, 5
Le Seigneur n’était certes pas inconnu d’Abraham, lui dont « il a désiré voir le jour »
(Jn 8, 56), non plus que le Père du Seigneur. Il avait en effet appris du Verbe à connaître
Dieu et a eu foi en lui, c’est pourquoi « cela lui fut compté comme justice » par le Seigneur (cf. Gn 15, 6). De fait, la foi en Dieu justifie l’homme, c’est pourquoi il (Abraham) disait : « j’élèverai ma main vers le Dieu très-haut, qui a fait le ciel et la terre »
(Gn 14, 22)1.
d) IV, 7, 1
Et Abraham donc, ayant connu par (une révélation du) Verbe le Père, « qui a fait le ciel
et la terre », le confessait Dieu. Instruit par une vision de ce que le Fils de Dieu serait (un
jour) un homme parmi les hommes, lui par la venue duquel sa descendance « deviendrait aussi nombreuse que les étoiles du ciel » (Gn 15, 5), « désira voir ce jour » (cf. Jn
8, 56), afin de pouvoir lui aussi embrasser le Christ et, voyant ce jour prophétiquement
dans l’Esprit, il « exulta » (Jn 8, 56).
On le voit, la foi d’Abraham a plusieurs dimensions connexes :
1
« J’élèverai ma main vers le Dieu très-haut, qui a fait le ciel et la terre » (Gn 14, 22)
16
- Une dimension cognitive et intellectuelle : c’est la connaissance de l’unique Créateur
du ciel et de la terre qui lui a été révélée par le Verbe
- Une dimension éthique, dans l’obéissance à la parole de Dieu qui l’arrache à sa sédentarité, obéissance qui devient héroïque lorsqu’Abraham consent à sacrifier son fils
- Une dimension prophétique et mystique lorsqu’Abraham voit par avance dans l’Esprit
la venue humaine du Verbe de Dieu en qui il a mis sa foi.
Ces trois dimensions, cognitive, éthique et spirituelle ne sont pas spécifiques à
Abraham, mais constitutives de la foi selon Irénée.
e) IV, 25, 1
C’est ce qui convenait pour les fils d’Abraham que Dieu a tiré des pierres (cf. Lc 3, 8) et
qu’il a rangé auprès de celui qui a été l’initiateur et l’annonciateur de notre foi. Abraham a
reçu l’alliance de la circoncision après sa justification par la foi, qui eut lieu encore (sous
le régime du) prépuce. De la sorte se sont trouvées préfigurées les deux alliances, et il est
devenu le père de tous ceux qui suivent le Verbe de Dieu et cheminent en ce monde, des
croyants de la circoncision et de ceux qui viennent du prépuce, de même que le Christ est la
pierre d’angle qui soutient tout l’édifice, et qui réunit en une seule foi d’Abraham ceux qui,
provenant de chaque alliance, sont aptes à entrer dans l’édifice de Dieu.
2. JOSEPH : JUSTIFICATION ANGÉLIQUE ET RÉPONSE DE FOI
IV, 23, 1
C’est pourquoi à Joseph, qui avait connu la grossesse de Marie et pensé la répudier en
secret, un ange vint dire en songe : « ne crains pas de prendre Marie ton épouse : ce qu’elle
a dans son ventre vient de l’Esprit Saint. Elle mettra au monde un fils que tu appelleras
Jésus, car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés » (Mt 1, 20-21). L’ange a ajouté
pour le persuader : « cela s’est produit pour que s’accomplisse ce qui avait été dit par le
Seigneur par la voix du prophète : ‘voici que la vierge est enceinte, elle mettra au monde
un fils qu’on appellera Emmanuel’ (Is 7, 14) », s’efforçant de le persuader par les paroles
du prophète et déculpant Marie, en montrant qu’elle était la vierge annoncée par Isaïe,
celle qui est la mère de l’Emmanuel.
C’est pourquoi, persuadé et tiré du doute 2 , Joseph prit chez lui Marie et pour tout le reste
de l’éducation du Christ il offrit son service avec joie.
2
Naturellement, même instruit pas l’ange, il reste un acte de foi généreux à faire à Joseph. Néanmoins, on voit
comment Irénée insiste pour montrer que cet acte, aussi inattendu soit-il, n’est pas absurde. L’ange s’adresse à la
raison de Joseph et à sa connaissance de l’Écriture pour l’éclairer et lui permettre de mieux entrer dans les desseins
de Dieu.
3
L’acte de foi de Jésus à l’égard de son Père « répare » la défiance du premier couple à l’égard de Dieu. Sa foi ne sera
pas vaine car, au départ du tentateur, les anges de Dieu viennent servir Jésus (Mt 4, 11)
17
3. JÉSUS
a) V, 21, 2
Au commencement en effet, c’est par le biais de la nourriture qu’il (Satan) porta l’homme
qui n’éprouvait pas la faim à transgresser le commandement de Dieu, mais à la fin il ne
put empêcher celui qui éprouvait la faim d’attendre la nourriture qui vient de Dieu 3. De
fait, comme il le tentait et disait : « Si tu es le Fils de Dieu, dis que ces pierres deviennent
des pains », le Seigneur le repoussa en recourant au précepte de la Loi et en disant : « Il est
écrit : ce n’est pas seulement de pain que vivra l’homme… (Dt 8, 3a) » […]. C’est ainsi
que la satiété de l’homme dans le paradis, où il avait doublement goûté au fruit 4, s’est
trouvée effacée par l’indigence (de l’homme Jésus) en ce monde.
b) V, 22, 1
Le Seigneur Jésus ayant manifesté que le Dieu unique et véritable est le Seigneur
qui est appelé tel dans la Loi - celui que la Loi proclamait Dieu, le Christ montra qu’il était son Père et que c’était lui seul que devaient servir les disciples du
Christ -, il remporta la victoire sur notre Adversaire par les paroles de la Loi :
la Loi en effet incite à louer le Dieu Créateur et à le servir lui seul, et il n’y a plus à chercher un autre Père au-dessus de celui-ci […].
Celui qui est plus puissant que tout, c’est le Verbe (la Parole) de Dieu, qui s’écriait dans
la Loi : ‘écoute, Israël, le Seigneur ton Dieu est l’unique Seigneur, tu aimeras le Seigneur
ton Dieu de toute ton âme’ (Dt 6, 4-5)5 , ’tu l’adoreras et rendras un culte à lui seul’ (Dt 6,
13), et qui dans l’évangile détruisit l’apostasie par ces mêmes déclarations et a vaincu le
Fort par la parole du Père.
c) La liberté de la foi selon Jésus - IV, 37, 5
Et ce n’est pas seulement dans le domaine des actes, mais aussi dans celui de la foi que le Seigneur a montré que le pouvoir de décision de l’homme
est libre et autonome, en disant « qu’il te soit fait selon ta foi » (Mt 9, 29),
montrant ainsi que la foi est propre à l’homme, puisqu’il peut se faire sa propre conviction. Et encore : « tout est possible à celui qui croit » (Mc 9, 23). Et « va, qu’il t’arrive
comme tu as cru » (Mt 8, 13). Et toutes ces autres paroles qui montrent que l’homme est
libre dans le domaine de la foi.
L’EXPANSION DE LA FOI DE L’ÉGLISE ET
SA PROCLAMATION
DES ORIGINES AUX TEMPS DE L’ÉGLISE
1. AVANT LA RÉVÉLATION FAITE À ISRAËL
a) Le fondement naturel et biblique de la foi 1
IV, 6, 6
Le Verbe en effet, par la création elle-même, révèle Dieu son Créateur, par le monde le
Seigneur qui a fait le monde et par son œuvre façonnée l’artiste qui l’a façonnée ; et par
le Fils ce Père qui a engendré le Fils […]. Par la Loi et les prophètes le Verbe s’annonce
aussi lui-même ainsi que le Père […]. Le Père était manifesté par le Verbe, rendu visible
et palpable, et même si tous n’ont pas cru de la même façon, tous ont vu le Père dans le
Fils (cf. Jn 14, 9).
b) La foi des premiers hommes en un Dieu créateur 2
II, 9, 1
Les anciens conservant cette conviction (d’un Dieu créateur unique), qui provenait en
premier lieu d’une transmission venant du premier homme et chantant par leurs hymnes
un « unique Dieu créateur du ciel et de la terre », les générations suivantes recevant la
mémoire de cela par les prophètes de Dieu, alors que les païens l’apprenaient du monde
créé lui-même (cf. Rm1, 20).
De fait, la création montre celui qui en est l’Auteur, ce qui est fait suggère celui qui l’a
fait, et le monde manifeste celui qui l’a ordonné. Et chaque Église dans le monde entier
a reçu cette transmission des apôtres.
La foi, selon Irénée, est fondée sur la révélation, non seulement biblique mais déjà celle qui se fait
par la vue du monde et de l’homme. De même, la foi chrétienne au Père et au Fils repose aussi sur un
fait visible : l’incarnation du Verbe en Jésus-Christ.
1
En Démonstration de la prédication apostolique 87, Irénée mentionne le passage de Mt 22, 37-40
où ce premier commandement de Dt 6, 5 est associé au commandement de l’amour du prochain
en Lév. 19, 18.
Pour Irénée, la base de la foi correspond à la reconnaissance d’un Dieu unique, Créateur de l’univers,
et elle remonte selon lui aux origines de l’humanité. L’homme n’a jamais tout à fait perdu le contact
avec la source monothéiste, qui s’est trouvée nourrie et fortifiée par la révélation faite à Israël mais
qui, par le témoignage du monde, restait toujours accessible aux païens, comme l’attestent d’ailleurs
les philosophes grecs. Le premier article du symbole de foi transmis dans les Églises et provenant des
apôtres s’appuie sur ce double socle.
18
19
2
4
« Doublement » par les deux bouches d’Ève et d’Adam, les premiers parents.
5
2. LA RÉVÉLATION MONOTHÉISTE DONNÉE À ISRAËL
a) La reprise de la foi monothéiste par Jésus
AH V, 22, 1
Le plus puissant, c’est le Verbe de Dieu, qui s’écriait dans la Loi : « écoute, Israël, le
Seigneur ton Dieu est l’unique Seigneur 3, tu aimeras le Seigneur ton Dieu de toute ton
âme’ (Dt 6, 4-5), ’tu l’adoreras et rendras un culte à lui seul » (Dt 6, 13), et qui dans
l’évangile détruisit l’apostasie par ces mêmes déclarations et a vaincu le Fort 4 par la
parole du Père, revendiquant le précepte de la Loi comme ses propres déclarations, en
disant : « tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu (Dt 6, 16a) ».
b) La confession de Jésus
IV, 2, 2
Et notre Seigneur Jésus-Christ, à son tour, confesse le même Dieu comme
son Père, en disant : « je te confesse, Père, Seigneur du ciel et de la terre »
(Mt 11, 25). Quel Père devons-nous comprendre, selon ces sophistes pervers ? (celui
qu’ils avancent ? 5 ) ou bien – ce qui est vrai – le Créateur du ciel et de la terre, celui que
les prophètes ont proclamé, que le Christ confesse son Père, lui que la Loi annonçait en
disant : « Écoute, Israël, le Seigneur ton Dieu est l’unique Seigneur » (Dt 6, 4) ?
3. JÉSUS ET SES DISCIPLES PRÊCHANT AUX JUIFS
a) La proclamation du Christ aux juifs : il se manifestait lui-même
III, 5, 3
Cela ressort des paroles du Seigneur (Jésus) qui, à ceux qui venaient de la circoncision,
montrait que le Christ annoncé par les prophètes était le Fils de Dieu, en un mot il se
manifestait lui-même, lui qui a restauré la liberté des hommes et leur a attribué l’héritage de l’incorruptibilité.
b) L’annonce des apôtres aux juifs : la résurrection accomplit les Écritures
III, 12, 3
Elle est claire, cette proclamation que Pierre, avec Jean, leur a proclamé, leur portant la
bonne nouvelle que la promesse que Dieu avait faite à leurs pères avait été accomplie
par Jésus, n’annonçant pas un autre Dieu, mais faisant connaître à Israël le Fils de Dieu
qui s’est fait homme et a souffert, et proclamant en la personne de Jésus la résurrection
des morts, signifiant enfin que Dieu avait accompli tout ce que les prophètes avaient
annoncé à propos de la passion du Christ.
3
La profession de foi du « shema Israël », qui est la revendication du monothéisme juif, joue un rôle important
chez Irénée.
4
Le contexte de ce passage est la scène des tentations de Jésus par Satan : « l’apostasie » et « le Fort » (cf. Mt 12, 29
et parallèles) sont chez Irénée des désignations figurées de l’Adversaire.
5
Les valentiniens supposaient l’existence d’un Dieu « Père » au-delà du Créateur et distinct de lui.
20
c) La foi de l’Église de Jérusalem par la voix des apôtres
III, 12, 5
Tels sont les voix 6 de l’Église où toute Église trouve son commencement ; tels sont les
voix de la grande cité des citoyens du nouveau Testament ; tels sont les voix des apôtres,
les voix des disciples du Seigneur, de ceux qui, après l’assomption du Seigneur, rendus
parfaits par l’Esprit, invoquèrent « le Dieu qui a fait le ciel, la terre et la mer » (Ac 4,
24), lui qui a été proclamé par les prophètes, ainsi que son Fils Jésus, que Dieu a oint 7 –
et nul autre.
4. L’ANNONCE DU MONOTHÉISME AUX AUTRES NATIONS
a) La prédication de Paul aux Athéniens
III, 12, 9
(Paul), annonçant l’évangile aux Athéniens sur l’Aréopage, un lieu où, en l’absence de
juifs, il lui était possible de proclamer le vrai Dieu en toute liberté 8, leur dit : « le Dieu
qui a fait le monde et tout ce qui s’y trouve, lui qui est le Seigneur du ciel et de la terre,
n’habite pas dans des temples faits de mains d’homme et n’est pas servi par des mains
humaines comme s’il avait besoin de quoi que ce soit, alors qu’il donne à tous la vie et le
souffle […] » (Ac 17, 24-25). Là, non seulement il leur annonce que Dieu est le Créateur
du monde, et ce en l’absence de juifs, mais aussi qu’il « a fait habiter un unique genre
humain sur toute la terre » (cf. Ac 17, 26) 9.
b) La prédication de Paul aux païens
IV, 24, 1
L’apôtre (Paul), dans la première catéchèse qu’il donnait aux païens, leur apprenait,
comme nous l’avons montré au livre précédent, à quitter la superstition des idoles et
à honorer un Dieu unique, Créateur du ciel et de la terre et Auteur de tout l’univers,
que le Verbe, par lequel il a fait toutes choses, est son Fils, et que récemment il s’est
fait homme parmi les hommes pour régénérer le genre humain, d’une part en réduisant
à l’impuissance et en vainquant l’Adversaire de l’homme, de l’autre en faisant don à
l’homme, son œuvre, de la victoire contre son opposant.
6
Le récit des Actes mentionne le fait que les apôtres « élevèrent la voix vers Dieu » (Ac 4, 24) pour cette confession,
ce qui est un signe d’inspiration charismatique.
7
« Christ » veut dire « celui qui a reçu l’onction ». Quand Irénée écrit « son Fils Jésus, que Dieu a oint », il s’agit d’une
explicitation du nom « Jésus-Christ ».
8
Pour les gnostiques, le « vrai Dieu », qui est une divinité supérieure, n’est pas le Créateur du monde, mais
Jésus et les apôtres auraient parfois tenu un double langage, du fait de leur insertion dans le contexte juif. Irénée
souligne qu’à Athènes, Paul aurait eu toute liberté d’annoncer ce « vrai Dieu » gnostique, mais qu’il s’en est tenu à
une confession de foi en l’unique Créateur, tout en insistant sur l’unité du genre humain, qui appelle l’expansion
universelle de la foi chrétienne.
9
Irénée illustre ensuite cette affirmation de l’unicité du genre humain par une citation de Dt 32, 8-9, qui retrace
la division primitive du genre humain en nations, chacune sous la conduite d’un ange, tandis qu’Israël est
directement sous la puissance du Seigneur.
21
c) Un discours nouveau
IV, 24, 2
(C’était) un discours nouveau : (l’apôtre soutenait) non seulement que les dieux des
nations n’étaient pas des dieux, mais qu’ils étaient des idoles liées aux démons ; qu’il
n’y avait en revanche qu’un seul Dieu, « au-dessus de toute principauté, puissance et
domination ainsi que de tout nom qui se nomme » (Ep 1, 21) 10, et que son Verbe, invisible par nature, s’est fait palpable et visible parmi les hommes et « s’est abaissé jusqu’à
la mort, et la mort de la croix » (cf. Ph 2, 8) 11 ; et que ceux qui croient en lui, devenus
incorruptibles et impassibles, recevront le royaume des cieux.
d) Conversion des païens et unité du genre humain
III, 5, 3
À leur tour, les apôtres enseignaient les nations et leur apprenaient à délaisser les bois
et pierres insignifiantes qu’ils supposaient être des dieux, et à honorer le vrai Dieu qui a
constitué et fait l’ensemble du genre humain, qui le nourrit, l’accroît et le fortifie par sa
création, bref qui leur a donné d’être ; ainsi qu’à attendre son Fils Jésus-Christ qui nous
a rachetés de l’apostasie par son sang afin que nous soyons nous aussi un peuple sanctifié, lui qui descendra du ciel dans la puissance de son Père, pour exercer le jugement sur
tous et donner les biens de Dieu à ceux qui auront gardé ses préceptes.
C’est lui qui, apparu récemment (sur la terre), est « la pierre angulaire », a « rassemblé en
un seul (corps) » (Ep 2, 16) et a unifié « ceux qui étaient loin et ceux qui étaient proches »
(Ep 2, 17), c’est-à-dire la circoncision et le prépuce, dilatant Japhet et l’établissant dans
la demeure de Sem (cf. Gn 9, 27) 12.
5. L’EXPANSION DE LA FOI À TOUTE LA TERRE
a) La prophétie d’Isaïe « le loup et l’agneau paîtront ensemble,
le lion mangera du foin…13 » et la concorde des hommes de diverses
provenances - V, 33, 4
Je n’ignore pas que certains cherchent à transposer ce passage 14 aux hommes féroces,
provenant de diverses nations et de divers modes de vie qui, une fois devenus croyants,
vivent en harmonie avec les justes. Et même si cela arrive maintenant encore chez certains hommes qui, provenant de diverses nations, parviennent à l’unanimité de la foi,
cela se fera aussi à la résurrection des justes.
b) L’unanimité de la foi dans l’Église universelle
I, 10, 1
De fait, l’Église, disséminée sur tout le globe terrestre jusqu’aux confins de la terre, a
reçu des apôtres et de leurs disciples cette foi :
- en un seul Dieu Père tout-puissant, qui a fait le ciel et la terre et la mer et tout ce qui
s’y trouve ;
- et en un seul Christ Jésus le Fils de Dieu, qui s’est fait chair pour notre salut ;
- et en l’Esprit Saint, qui par les prophètes a proclamé à l’avance les dispositions de
Dieu : la venue, la naissance de la vierge, la passion et la résurrection des morts ainsi
que l’ascension aux cieux dans la chair de notre bien-aimé Seigneur Jésus-Christ, et
sa venue des cieux dans la gloire du Père, en vue de récapituler toutes choses et de
faire se relever toute chair du genre humain, afin que devant le Christ Jésus notre Seigneur, notre Dieu, notre Sauveur et notre Roi « tout genou fléchisse, selon le bon plaisir
du Père invisible, parmi les êtres célestes, terrestres et infernaux, que toute langue le
confesse » (Ph 2, 10-11), et qu’il procède pour tous à un juste jugement.
c) Les modalités de la proclamation unanime
I, 10, 2
10
« Principauté, puissance, domination, nom » sont des désignations d’esprits, angéliques ou démoniaques. Irénée
insiste ici sur la supériorité du vrai Dieu sur les « esprits » correspondant aux idoles des nations.
11
Dans ce passage où Irénée condense le contenu de la prédication de Paul aux païens, il y insère des extraits du
discours même de Paul dans ses Lettres.
L’Église, qui a reçu cette proclamation et cette foi, comme nous l’avons dit, bien que disséminée dans le monde entier, la garde avec soin, comme si elle n’habitait qu’une seule
maison ; elle y ajoute foi de la même façon, comme si elle n’avait qu’« une seule âme et un
seul cœur » (Ac 4, 32) ; elle l’annonce, l’enseigne et la transmet en plein accord, comme si
elle n’avait qu’une seule bouche. Car, même si dans le monde les langues sont différentes,
cependant la portée de ce qui est transmis est une seule et même. Les Églises établies en
Germanie ne croient et ne transmettent pas autrement, pas plus que celles qui sont chez
les Ibères, ou chez les Celtes, ou en Orient, ou en Égypte ou en Libye ni celles qui ont été
12
Dans la Démonstration de la prédication apostolique, Irénée expose cette interprétation ancienne des deux fils
bénis de Noé, l’aîné Sem, qui représente le peuple juif, et le cadet Japhet, qui représente les croyants venus des
nations païennes. La conversion des nations au Dieu d’Israël accomplit la bénédiction promise à Japhet et lui fait
trouver « sa place dans la demeure de Sem », comme l’explique Irénée dans la Démonstration : « Voici maintenant
la bénédiction de Japhet : ‘Que Dieu dilate l’espace de Japhet, qu'il habite dans la maison de Sem et que Cham
soit son esclave’ (Gn 9, 27). Cette bénédiction fleurit à la fin des temps, quand le Seigneur s’est manifesté. Alors,
Dieu élargit son appel en faveur de tous les autres peuples, car ‘la voix (des apôtres) s'est répandue sur toute la terre
et on l'a entendue jusqu'au bout du monde’ (Ps 18, 5 LXX). « Dilater » renvoie à ceux qui sont appelés parmi les
nations, c'est-à-dire à l'Église. Celle-ci habite donc dans la maison de Sem, c'est-à-dire dans l'héritage des ancêtres.
En effet, dans le Christ Jésus, ils reçoivent le droit d'être les aînés. Ainsi dans le rang où chacun des fils de Noé est
béni, dans le même rang il reçoit le fruit de sa bénédiction à travers ses descendants », Dém. 21.
Le contexte de ce développement est une réflexion sur la réception figurée, « transposée » ou au contraire littérale
de la prophétie d’Isaïe.
22
23
13
Irénée cite en entier ces passages d’11, 6-9 et 65, 25.
14
établies au milieu du monde habité 15, mais tout comme le soleil, cette créature de Dieu,
est un seul et même pour le monde entier, l’annonce de la vérité brille en tout lieu et éclaire
tous les hommes qui veulent accéder à la connaissance de la vérité.
d) L’universalité de la foi repose sur l’universalité de l’économie divine
I, 10, 3
En savoir plus ou moins, pour certains, du fait de leur intelligence, ne réside pas dans le
fait de modifier la structure de la foi ni dans le fait de penser par surcroît un autre Dieu à
côté de l’Auteur, Créateur et nourricier de ce tout, comme s’il ne suffisait pas, ou encore
un autre Christ ou autre Fils unique, mais à adjoindre et adapter ce qui a été dit en paraboles 16 à la structure de la foi, et à expliciter l’action et l’économie de Dieu à l’égard de
l’humanité, (c’est-à-dire) à éclairer la magnanimité de Dieu à l’occasion de l’apostasie des
anges déchus et de la désobéissance des hommes ; et à annoncer pourquoi un seul et même
Dieu a fait certaines réalités passagères, d’autres éternelles, certaines célestes d’autres terrestres ; et à comprendre pourquoi Dieu, qui est invisible, s’est fait voir des prophètes, non
pas sous une seule forme mais diversement pour chacun ; et donner à entendre pourquoi
plusieurs testaments ont été donnés à l’humanité et enseigner le caractère spécifique de
chacune de ces alliances ; et découvrir pourquoi Dieu « a tout enfermé dans l’incrédulité
pour faire miséricorde à tous » (Rm 11, 32) ; et rendre grâces de ce que le Verbe de Dieu «
se soit fait chair » (Jn 1, 14) et ait souffert ; et déployer le sens de ce qui, dans les Écritures,
concerne la fin et les réalités à venir ; et ne pas taire le pourquoi de ce que les « nations
rejetées ont reçu le même héritage et ont été incorporées au même corps » (cf. Ep 3, 6) ;
et annoncer comment « ce corps mortel revêtira l’immortalité et ce corps corruptible l’incorruptibilité » (cf. 1 Co 15, 53-54) ; et proclamer en quel sens (Dieu) dira : « toi qui n’est
pas peuple, tu es peuple ; toi qui n’est pas aimée, tu es bien-aimée » (Rm 9, 25, cf. Osée 2,
25) et encore en quel sens il est dit : « les enfants de la femme seule sont plus nombreux
que ceux de celle qui a un mari » (Ga 4, 27, cf. Is 54, 1).
C’est à propos de ces questions et d’autres similaires que l’apôtre s’est écrié : « Ô abîme
de la richesse, de la sagesse et de la connaissance de Dieu, comme ses jugements sont impénétrables et ses sentiers difficiles à suivre » (Rm 11, 33) 17, et non pas dans […] ce que
disent ces maîtres véritablement dépourvus d’intelligence divine, alors que l’Église tout
entière a une seule et même foi dans le monde entier, comme nous l’avons dit.
e) La confession de foi orale des barbares
III, 4, 2
À ce schéma adhèrent de nombreux peuples barbares, parmi ceux qui croient au Christ,
ayant le salut « inscrit dans leurs cœurs par l’Esprit-Saint », « sans papier ni encre » (cf.
2 Co 3, 3), eux qui conservent avec soin l’ancienne tradition, croyant :
- en un seul Dieu Créateur du ciel et de la terre et de tout ce qu’ils contiennent,
- et en Jésus-Christ le Fils de Dieu qui, par l’excès de son amour envers son œuvre, a
supporté la naissance de la vierge, unissant par lui-même l’homme à Dieu, lui qui a
souffert sous Ponce Pilate, est ressuscité et a été assumé dans la gloire, qui doit venir
glorieusement, en Sauveur de ceux qui sont sauvés et en juge de ceux qui sont jugés,
envoyant au feu éternel ceux qui déforment la vérité, méprisent son Père et sa propre
venue.
Ceux qui ont cru à cette foi sans connaître les lettres sont, quant à notre langue, des barbares 18, mais quant à leurs convictions, à leur mode de vie et à leur conduite du fait de leur
foi, ils sont vraiment sages et plaisent à Dieu, vivant selon toute justice, pureté et sagesse.
f) L’universalité de la foi, dans l’espace et dans le temps 19
V, 20, 1
Le chemin de ceux qui appartiennent à l’Église fait le tour du monde entier, il maintient
solidement la tradition reçue des apôtres, et nous donne à voir que la foi de tous est une
et identique, tous en effet reconnaissant un seul et unique Dieu Père, croyant en une
même économie de l’incarnation du Fils de Dieu, connaissant le même don de l’Esprit,
pratiquant les mêmes préceptes et conservant la même forme d’organisation pour ce
qui est de l’Église, attendant la même venue du Seigneur et affirmant le même salut de
l’homme tout entier, c’est-à-dire de l’âme et du corps. Ainsi, l’enseignement de l’Église
est véritable et solide, et c’est en elle qu’on peut voir une seule et même voie de salut
dans le monde entier.
15
C’est-à-dire à Rome, capitale de l’Empire, dont Irénée évoque ici les nations frontalières, au nord, à l’ouest au
sud et finalement à l’est, par rapport à Rome.
16
Les adversaires valentiniens d’Irénée s’appuyaient principalement sur les passages obscurs, énigmatiques et «
paraboliques » des Écritures pour proposer une doctrine secrète et ésotérique. À l’inverse, Irénée insiste sur la
nécessité de rattacher ce qui peut rester mystérieux dans la Bible aux grandes lignes de la révélation, de la création
à l’accomplissement final en passant par l’incarnation salvatrice et par l’appel des nations à la foi.
17
On voit que cette exclamation majeure de Paul aux Romains – qui fournissait aux valentiniens les noms de
leurs entités principales (« abîme », « sagesse » etc.) – a été précédée par cinq autres citations de Paul, dont
deux reprenaient des passages de l’Ancien Testament. L’apôtre apparaît ainsi comme une référence fiable dans
l’interprétation des Écritures et des mystères du salut, sur le fond de l’énumération des questions que doivent
chercher à élucider les théologiens.
24
18
Aux yeux de ceux dont la langue est le grec, les non hellénophones sont traditionnellement appelés « barbares
», c’est-à-dire dépourvus de langage rationnel et articulé. Ici, la non connaissance du grec – langue biblique – se
double d’illettrisme. Mais une telle lacune dans la culture humaine de ces chrétiens (Irénée pense sans doute à
certains fidèles de Gaule ou de Germanie) se trouve compensée par le don de l’Esprit Saint et de sa sagesse.
19
Il s’agit ici de la dernière confession de foi synthétique intervenant dans le Contre les hérésies, et elle fait écho à ce
qu’Irénée exprimait au Livre I (I, 10, 1 et 2, ci-dessus). Aux trois articles du symbole de foi – foi au Dieu Père, en
Jésus-Christ et au Saint Esprit – s’ajoute désormais une dimension morale et disciplinaire : non seulement l’Église
croit la même chose en tout lieu de la terre habitée, mais elle observe aussi les mêmes pratiques.
25
6. DE L’ORALITÉ AUX PREMIERS ÉCRITS CHRÉTIENS
NON SCRIPTURAIRES 20
a) Référence à la Lettre de Clément de Rome (fin Ier s.)
III, 3, 3
SECONDE
PARTIE
LE CREDO
D’IRÉNÉE1
(Clément) proclamait la tradition qu’il avait récemment reçue des apôtres, il proclamait
un seul Dieu tout-puissant, Créateur du ciel et de la terre, qui a façonné l’homme, a
envoyé le déluge, a appelé Abraham, a fait sortir le peuple de la terre d’Égypte, qui a
parlé avec Moïse, a disposé la Loi, a envoyé les prophètes et qui a préparé « le feu pour
le diable et ses anges » (Mt 25, 41). C’est lui qui était proclamé par les Églises 21 comme
étant le Père de Notre Seigneur Jésus-Christ, et ceux qui le veulent peuvent l’apprendre
de cet écrit même, et comprendre ainsi quelle est la tradition apostolique de l’Église 22.
« Tenons ferme l’affirmation
de notre foi » (He 4, 14)
b) Référence au début du Pasteur d’Hermas 23 IV, 20, 2
C’est à bon droit que cet écrit dit : « en tout premier lieu, crois qu’il n’y a qu’un seul
Dieu, qui a tout constitué, achevé et fait de rien, faisant passer toutes choses (du néant)
à l’existence, lui qui contient tout et n’est contenu par rien » (Le Pasteur 1, 1).
c) Référence au Contre Marcion de Justin (vers 150) IV, 6, 2
C’est à bon droit que Justin, dans son livre Contre Marcion, dit « je n’aurais pas accordé foi au Seigneur (Jésus) lui-même s’il avait proclamé un autre Dieu que l’Artisan,
le Créateur et notre nourricier » 24, et que « le Fils unique du seul Dieu, lui qui a fait
ce monde, nous a façonné, lui qui contient et organise toutes choses, est venu à nous,
récapitulant en lui-même son œuvre façonnée. De ce fait, ma foi en lui est solide, et
intangible mon amour envers le Père, le Seigneur (Jésus) nous montrant l’un et l’autre ».
En AH III 25, 3, 4, Irénée mentionne aussi la Lettre de Polycarpe de Smyrne aux chrétiens de Philippes, un texte « très pertinent », dont il dit que « ceux qui le désirent
peuvent y découvrir quelle était la nature de la foi de Polycarpe et la proclamation de la
vérité » qu’il professait.
20
Les écrits chrétiens d’origine apostolique – évangiles et lettres des apôtres – sont déjà compris par Irénée comme
« scripturaires », s’ajoutant à la Bible hébraïque pour en compléter la révélation. Le statut des écrits chrétiens cités
ici par Irénée est un peu différent : ce sont des témoins écrits de la tradition apostolique de l’Église, ils sont chargés
d’autorité, mais ne jouissent pas du même statut « canonique » que les documents du Nouveau Testament.
21
Ici, Irénée écrit « les Églises », dans la mesure où la Lettre de Clément se présente comme une lettre de l’Église
de Rome à l’Église de Corinthe. Clément y retrace effectivement, entre autres, les grandes étapes de l‘action de
Dieu dans l’Ancien Testament.
22
L’écrit de Clément est antérieur aux spéculations des maîtres gnostiques, et présente donc des échos d’une
tradition apostolique non contaminée par le gnosticisme.
23
La date du Pasteur d’Hermas est discutée, on situe cet écrit approximativement au milieu du deuxième siècle
de notre ère (vers 140 ?). Il s’agit, avec cette déclaration, de la plus ancienne affirmation chrétienne de la création
« ex nihilo », c’est-à-dire de rien, théorie développée ensuite au cours de la seconde moitié du deuxième siècle par
Théophile d’Antioche et Irénée lui-même.
24
Marcion est un chrétien qui en est arrivé à rejeter l’Ancien Testament et son Dieu, qualifié de « juste » (entendez
« méchant »), pour promouvoir un « Dieu bon » qui serait celui du Christ.
26
Le prophète Daniel en orant, ferme en sa foi au milieu des lions, sarcophage de Loudun
(Ve s.), Poitiers, musée Sainte-Croix
Dans cette partie, nous apporterons des textes d’Irénée illustrant les énoncés de foi successifs du Credo, en nous basant sur le symbole dit « de Constantinople », dont on ne connaît
pas bien la provenance et qui est sans doute plus ancien que le concile qui s’est tenu en 381
dans la capitale de l’empire. En tout cas, ce symbole se prête très bien aux rapprochements
avec l’œuvre d’Irénée (on le trouvera en annexe 2).
27
1
PREMIER ARTICLE
Dieu le Père tout-puissant
PREMIER ARTICLE : EXPRESSIONS GÉNÉRALES 2
II, 1, 1 la confession du Dieu créateur est le premier et le principal
article de foi
Il est donc bon de commencer par le premier et principal article, par le
Dieu Artisan, qui a fait le ciel et la terre et tout ce qui s’y trouve (que ces
gens, non sans blasphème, qualifient de “sous produit...”) et de montrer
qu’au-dessus de lui ou après lui il n’y a rien, qu’il n’a pas subi d’influence externe, mais a fait toute chose librement et de sa propre volonté,
dans la mesure où il est le seul Dieu, le seul Seigneur, le seul Créateur,
le seul Père, le seul à tout contenir et à donner à toute chose d’exister 3.
II, 35, 3 les noms de Dieu
Père de toutes choses 4, Dieu tout-puissant, le Très-Haut, le Seigneur des
cieux, le Créateur, l’Artisan etc. : tous ces noms ne s’appliquent pas à des
êtres distincts, mais sont des désignations et des noms d’un seul et même
être, par lesquels un seul Dieu et Père est montré, lui qui contient tout et
donne à toute chose d’exister.
IV, 11, 2 perfection et simplicité divines
Dieu est parfait en toute chose, parfaitement identique et égal à luimême, étant tout entier lumière, tout entier esprit (intellect), tout entier
substance, et source de tout bien.
2
Avant d’aborder les énoncés de foi se rapportant au premier article du symbole, nous regroupons ici quelques
textes plus généraux d’Irénée sur Dieu.
3
Dès les premières lignes de son ouvrage, encore dans la préface, Irénée s’oppose aux gnostiques sur le point du
Dieu créateur, « comme s’ils avaient quelque chose de plus élevé et de plus grand que ‘celui qui a fait le ciel et la
terre et tout ce qui s’y trouve’ » (AH, préface, 1).
4
Les adversaires valentiniens d’Irénée privilégiaient cette désignation de Dieu, qu’ils trouvaient aussi chez Platon.
28
1. « JE CROIS (NOUS CROYONS)5 EN UN SEUL DIEU
LE PÈRE TOUT-PUISSANT »
a) « je crois en un seul Dieu » (cf. Dt 6, 4)6
Unicité de Dieu, attestée par lui-même en Isaïe
IV, 5, 1
Il est lui-même le Créateur, le Dieu qui est au-dessus de tout, comme le
dit Isaïe : « j’en suis témoin, dit le Seigneur Dieu, ainsi que mon enfant,
mon élu, afin que vous connaissiez, que vous croyiez et que vous compreniez que JE SUIS 7 : avant moi il n’y avait pas d’autre dieu et après
moi il n’y en aura pas. Je suis Dieu, et il n’y a pas de salut en dehors de
moi : je l’ai annoncé et j’ai sauvé » (Is 43, 10-12) 8.
II, 7, 5 à l’encontre de la « remontée à l’infini »
Le discours sur les images, comme celui sur les dieux, tombera de la
même façon dans l’infini 9, si nous ne fixons pas notre esprit sur un unique
Artisan et un unique Dieu qui a fait par lui-même tout ce qui a été fait.
b) Le Dieu Père des gnostiques ne peut être « tout-puissant »
(cf. 2 Co 6, 18)
II, 1, 5
Il convient en effet, soit que soit unique celui qui contient tout et qui a fait
dans son propre domaine chacune des choses qui ont été faites conformément à sa volonté propre, soit qu’il y ait à l’inverse des créateurs et
des dieux multiples et en nombre indéterminé, dont les domaines commencent et se terminent là où commence ou se termine celui d’un autre,
et qu’ils soient contenus de l’extérieur par un (dieu) plus puissant 10 : il
faudra donc les reconnaître enclos et enfermés chacun dans son domaine,
5
La formule en « nous », plus ancienne, a cédé la place à une expression en « je », en particulier dans la traduction
latine de ce symbole (« credo in unum Deum »).
6
Pour chaque énoncé, nous nous efforçons d’indiquer une référence biblique correspondante. Le lecteur les
trouvera rassemblées dans l’annexe 2 : « Le symbole et ses fondements bibliques ».
7
Cette déclaration de Dieu en Isaïe fait référence au nom de Dieu révélé par lui-même à Moïse : « je suis »
(en hébreu ou, en grec, « celui qui est »), en Ex 3, 14. Irénée aime valoriser le « Dieu qui est » (cf. Dém. 2) par
opposition au Dieu suprême inventé par les gnostiques.
8
Cf. AH I, V, 4 : « (Dieu) dit par les prophètes : « je suis Dieu et en dehors de moi nul autre » (Is 45, 5 et 46, 9) ».
9
La « remontée à l’infini » est un défaut de raisonnement. Les philosophes de tradition grecque tentent souvent de
montrer qu’une thèse qu’ils combattent entraîne la « remontée à l’infini ». C’est ce que fait ici Irénée, pour opposer
le Dieu unique à la pluralité (au moins dualité) de dieux soutenue par les gnostiques.
10
À l’instar de poupées russes.
29
ce qui veut dire qu’aucun d’eux n’est le Dieu de toutes choses. Le nom de
Tout-puissant fera défaut à chacun d’eux, qui ne disposera que d’une infime partie (du tout) en comparaison du reste de la réalité, ce nom n’aura
plus de sens, et il sera nécessaire de tomber ainsi dans l’impiété.
II, 31, 1
Quant à ce que nous avons dit à l’encontre de leur « Plérôme » et de ce qui
lui reste extérieur, pour montrer que le Père de toutes choses est enclos
et circonscrit par ce qui lui est extérieur, du moins si quelque chose lui
est extérieur, et qu’il est nécessaire ainsi qu’il y ait plusieurs Pères, plusieurs Plérômes, et plusieurs créations du monde, commençant d’un côté
et cessant de l’autre pour chaque « tranche », et que, chaque ensemble
persévérant dans son domaine sans s’intéresser aux autres dans la mesure
où il n’y a aucune participation ni communication entre eux, aucun ainsi
n’est le « Dieu de toutes choses », mais que le nom de « Tout-puissant »
est alors vide de sens, cela vaut aussi contre les partisans de Marcion, de
Simon et de Ménandre et tous ceux qui séparent du Père cette création où
nous sommes 11.
2. “CRÉATEUR DU CIEL ET DE LA TERRE,
DE TOUTES LES CHOSES VISIBLES ET INVISIBLES”
a) “créateur du ciel et de la terre” (Gn 1, 1; cf. ps 120, 2 et 145, 6 ; Ac 4, 24)
I, 16, 3 Le « Créateur du ciel et de la terre », le seul Dieu tout-puissant,
au-dessus duquel il n’y a pas d’autre dieu…
III, 25, 1 les philosophes païens ont reconnu le Créateur
C’est pourquoi certains, parmi les nations, moins asservis à leurs plaisirs,
n’ont pas été conduits jusqu’au point d’admettre la superstition des idoles
[…], et se sont tournés à dire que le « Père de toutes choses » (cf. Timée
28 c) est « l’auteur de ce tout », qui le dispose et veille sur le monde où
nous sommes 12.
III, 10, 6 L’amour des chrétiens pour le Créateur.
De la sorte, il y a un seul et même Dieu et Père, qui a été proclamé par les
prophètes, auquel l’évangile se réfère, que nous chrétiens nous honorons
et « aimons de tout notre cœur » (cf. Dt 6, 4), le Créateur du ciel et de la
terre et de tout ce qui s’y trouve.
IV, 2, 1-2 La foi des prophètes reprise par la confession de Jésus
1. Moïse, en procédant, dans le Deutéronome, à la récapitulation de toute
la loi qu’il avait reçue du Créateur, parle ainsi: “sois attentif, ciel, je vais
parler, et que la terre entende les paroles de ma bouche” (Dt 32, 1); David
à son tour, disant que son secours est dans le Seigneur, dit: “mon secours
vient du Seigneur, qui a fait le ciel et la terre” (ps 120, 2); et Isaïe déclare
que ses paroles viennent de “celui qui a fait le ciel et la terre et exerce la
souveraineté sur eux” (cf. Is 1, 2 ...), puis encore: “ainsi parle le Seigneur
Dieu, qui a fait le ciel et l’a fixé, qui a affermi la terre et ce qui s’y trouve,
qui donne le souffle à ceux qui y vivent et l’Esprit à ceux qui la foulent”
(Is 42, 5); 2. et Jésus-Christ confesse que ce même (Dieu) est son Père
quand il dit: “je te confesse, Père, Seigneur du ciel et de la terre” (Mt 11, 25).
b) “de toutes les choses visibles et invisibles” (cf. Col 1, 16)13
II, 30, 9
Lui seul est Dieu, lui qui a fait toutes choses, lui seul est Tout-puissant
et lui seul est Père, constituant et faisant toutes choses par son Verbe de
puissance, les visibles comme les invisibles, celles qui sont dotées d’intelligence et celles qui en sont privées, les réalités célestes et les réalités
terrestres, et il a ajusté et disposé tout cela par sa Sagesse, lui qui embrasse tout et qui est le seul à n’être embrassé par rien.
III, 11, 1 L’enseignement de Jean
(Jean) le disciple du Seigneur, entendant repousser toutes ces conceptions et poser dans l’Église un critère de vérité, à savoir qu’il n’y a qu’un
seul Dieu tout-puissant, qui a tout fait par son Verbe, les réalités visibles
comme les invisibles… (commença ainsi son évangile).
11
« Tout-puissant » signifie « possédant tout et ayant pouvoir sur tout », comme on le voit par l’allusion à l’apologue
du « Fort » (cf. Mt 12, 29) en AH V, 1, 1 (« comme par nature nous dépendions du Dieu tout-puissant… »).
12
Platon parle en effet en Timée 28 c de « l’Auteur et Père de ce tout », dont il soutient l’intérêt providentiel pour le
monde des hommes au livre X des Lois. En AH II, 9, 2, Irénée dira que les gnostiques rendent leurs disciples « pires
que des païens », car au moins ces derniers « attribuent le premier rang de la divinité au Dieu artisan de ce tout ».
13
Pour les valentiniens, les réalités invisibles n’ont pas été créées par le même dieu que les réalités visibles (« le ciel
et la terre »), c’est pourquoi il est important, dans les symboles orientaux, de rappeler que les êtres spirituels ont
été créés par le même Dieu unique.
30
31
DEUXIÈME ARTICLE
Le Fils et Verbe de Dieu, incarné et passé
par la mort pour notre salut
1. “ET EN UN SEUL SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST, LE FILS UNIQUE
DE DIEU, ENGENDRÉ DU PÈRE AVANT TOUS LES SIÈCLES...
PAR QUI TOUT A ÉTÉ FAIT”
a) “Et en un seul Seigneur Jésus-Christ” (cf. 1 Co 8, 6)
III, 16, 6
Il n’y a en effet qu’un seul Dieu Père, comme nous l’avons montré, de
même il n’y a qu’un seul Christ Jésus notre Seigneur.
III, 6, 5
(Paul) a confessé personnellement avec force un unique Seigneur
Jésus-Christ.
b) “le Fils unique du Père” (cf. Jn 1, 14 et 18)
I, 9, 3
Le Fils unique (de Dieu), qui s’est incarné pour les hommes selon le bon
plaisir du Père.
c) “engendré du Père avant tous les siècles”
Dém. 30
Fils de Dieu selon l’Esprit 1, il préexiste auprès du Père, engendré avant
toute constitution de ce monde
Dém 43
Le prophète témoigne encore en s’exprimant ainsi : « Avant l’étoile du
matin je t’ai engendré (ps. 109, 3) » et « avant le soleil est ton nom »
(ps. 71, 17) 2, et celui-ci est avant la construction de ce monde, car les
astres aussi furent créés en même temps que ce monde […]. Car, pour
Dieu, le Fils était principe avant la constitution de ce monde, mais, pour
nous, c’est maintenant, alors qu’il est apparu ; mais, avant cela, il n’était
pas pour nous qui ne le connaissions pas. C’est pourquoi aussi son disciple Jean, exposant qui est le Fils de Dieu « qui était auprès du Père »
1
C’est-à-dire selon la divinité ou nature divine.
2
Cf. aussi Ps 2, 7 (« Tu es mon Fils, moi, aujourd’hui, je t’ai engendré »).
32
(cf. Jn 1, 1-2) avant que le monde fût créé dit que c’est « par son intermédiaire que toutes les choses qui ont été créées ici-bas l’ont été »
(cf. Jn 1, 3).
d) “ce qui est né de Dieu 3 est Dieu” 4
Dém. 47
Le Père est Dieu, et le Fils est Dieu, car ce qui est né de Dieu est Dieu. De
la sorte, selon sa substance, sa puissance et sa nature, on reconnaîtra un
seul Dieu. En revanche, selon la mise en œuvre de l’économie de notre
salut, il y a et le Père et le Fils.
e) “et par lui tout a été fait” (Jn 1, 3)
III, 11, 1 la « règle de Jean »
(Jean) le disciple du Seigneur, entendant repousser toutes ces conceptions
(protognostiques) 5 et établir dans l’Église un critère de vérité, à savoir
qu’il n’y a qu’un seul Dieu tout-puissant, qui a tout fait par son Verbe, les
réalités visibles comme les invisibles, donnant aussi à comprendre que,
par le Verbe par lequel Dieu a achevé sa création, il offre aussi le salut
aux hommes qui sont dans cette création, commença ainsi son enseignement selon l’évangile : « au commencement était le Verbe… » (suit une
longue citation de Jn 1, 1-5).
IV, 32, 1 référence conjointe à « Moïse » et à Jean
Si on croit en un seul Dieu qui, par son Verbe (= sa parole) a fait toutes
choses, comme le dit Moïse : « et Dieu dit : ” que le lumière soit ”, et la
lumière a été faite » (Gn 1, 3), de même que nous lisons dans l’évangile :
« par lui tout a été fait et sans lui rien ne fut fait » (Jn 1, 3) …
3
Cette formulation de la Démonstration se trouve aussi en AH I, 8, 5, sous la forme « ce qui est engendré de Dieu
est Dieu », dans un passage où une telle conviction est commune à la fois aux valentiniens qui lisent le prologue
de l’évangile de Jean et à Irénée lui-même. Un tel énoncé annonce celui qui sera inséré dans le symbole de Nicée,
en 325 : « Dieu de Dieu ».
4
Dans le prolongement des ajouts du Concile de Nicée, le symbole de Constantinople insère ici, entre « engendré
du Père avant tous les siècles » et « par qui tout a été fait » : « lumière de lumière, Dieu véritable de Dieu véritable,
engendré non pas créé, consubstantiel au Père », pour insister, à l’encontre de l’arianisme (apparu plus d’un siècle
après Irénée), sur la pleine égalité et unité du Fils avec le Père.
5
Irénée fait allusion au fait que le Dieu des valentiniens n’est pas directement créateur, et que la création relève
d’intermédiaires, qui ne sont pas proprement divins. À l’inverse, poser que Dieu crée par son Verbe, qui est un seul
Dieu avec le Père, signifie qu’il crée par lui-même.
33
I, 9, 2 Le « credo » du prologue de l’évangile de Jean.
Jean en effet, en annonçant un seul Dieu tout-puissant et un seul Fils
unique Jésus-Christ, dit « et par lui tout a été fait » (Jn 1, 3) : c’est lui le
Verbe de Dieu (Jn 1, 1…), lui le « Fils unique » (Jn 1, 14 et 18), lui le
Créateur de toutes choses (cf. Jn 1, 3), lui la « lumière véritable éclairant
tout homme » (Jn 1, 9), lui le Créateur du monde, « il est venu dans ce
qui était à lui » (Jn 1, 11), c’est le même qui « s’est fait chair et a habité
parmi nous » (Jn 1, 14).
2. « POUR NOUS LES HOMMES ET POUR NOTRE SALUT
DESCENDU DES CIEUX, IL A PRIS CHAIR DE L’ESPRIT SAINT
ET DE LA VIERGE MARIE ET S’EST FAIT HOMME »
III, 4, 2 L’incarnation et ce qu’elle entraîne
Et (croyant) en Jésus-Christ le Fils de Dieu qui, par l’excès de son amour
envers son œuvre, a supporté la naissance de la vierge, unissant par luimême l’homme à Dieu, lui qui a souffert sous Ponce Pilate, est ressuscité
et a été assumé dans la gloire, qui doit venir glorieusement, en Sauveur
de ceux qui sont sauvés et en juge de ceux qui sont jugés, envoyant au
feu éternel ceux qui déforment la vérité, méprisent son Père et sa propre
venue.
a) “pour nous les hommes et pour notre salut descendu des cieux”
(cf. Jn 3, 13 et 17 6 et Jn 6, 38 7 )
III, 9, 1 « toute chair verra le salut de Dieu » (Is 40, 5 en Lc 3, 6)
Il n’y a donc qu’un seul et même Dieu, le Père de notre Seigneur, qui a
promis par les prophètes d’envoyer un précurseur 8 et qui a rendu « son
Salut », c’est-à-dire son Verbe, visible pour toute chair, lui qui s’est incarné, pour qu’en tout il se manifeste comme étant leur roi 9.
6
« Personne n’est monté au ciel si ce n’est celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme » (Jn 3, 13).
« Je suis descendu du ciel, non pour faire ma volonté, mais la volonté de celui qui m’a envoyé » (Jn 6, 38).
8
Le précurseur est Jean-Baptiste, qui annonce la venue du Messie. Pour Irénée, « Salut » désigne le Christ Jésus,
dont le nom signifie « Dieu sauve » (cf. Mt 1, 21).
9
Cf. IV, 20, 2 : « de même qu’il détenait la primauté dans les cieux en tant que Verbe de Dieu, il fallait qu’il ait
aussi la primauté sur terre en tant qu’homme juste, qui « n’a pas commis de péché et dont la bouche était pure de
mensonge » (1 P 2, 22), et qu’il ait aussi la primauté sur ce qui est sous terre, lui qui est devenu « le premier-né
d’entre les morts » (Col 1, 18), afin qu’ainsi, comme nous l’avons dit plus haut, toutes choses voient leur roi ».
L’idée que « toutes choses doivent voir leur roi » est une idée-force chez Irénée, qui pense que nul ne peut se décider
librement s’il ignore de qui il dépend et à qui il doit son hommage.
7
34
III, 18, 2
Le Fils, étant Verbe de Dieu, est descendu d’auprès du Père, s’est incarné et est descendu jusque dans la mort pour accomplir l’oeuvre de notre
salut.
b) “il a pris chair de l’Esprit Saint et de la vierge Marie (cf. Luc 1, 35)
et s’est fait homme (cf. Ph 2, 7)”
III, 16, 7 Les multiples dimensions du Verbe
Notre Seigneur, quoique toujours identique à lui-même, est en même
temps riche et divers. Il s’est mis en effet au service de la volonté du
Père, qui est riche et diversifiée et, de ce fait, il est le Sauveur de ceux qui
sont sauvés, le Seigneur de ceux qui sont sous sa puissance, le Dieu des
réalités créées, le Fils unique du Père, lui qui est appelé Christ, le Verbe
de Dieu qui s’est incarné “lorsque fut venue la plénitude des temps” (Ga
4, 4), quand il convint que le Fils de Dieu devînt Fils de l’homme.
III, 18, 1 L’inscription de Jésus dans l’ascendance humaine
Nous avons montré en effet que le Fils de Dieu n’a pas commencé à ce
moment-là, puisqu’il était depuis toujours auprès du Père, mais au moment où il s’est incarné et s’est fait homme, il a récapitulé en lui-même le
long développement des (générations) humaines 10, nous offrant le salut
en raccourci, afin que ce que nous avions perdu en Adam – à savoir le
fait d’être selon l’image et la ressemblance de Dieu (Gn 1, 26) – nous le
retrouvions dans le Christ Jésus.
“De l’Esprit Saint” (Mt 1, 18 et 20)
III, 16, 2
Puis, pour libérer notre esprit de tout soupçon concernant Joseph, il (Matthieu) dit : “telle fut la génération du Christ: alors que sa mère était fiancée à Joseph, elle fut trouvée porter un fruit de l’Esprit Saint avant de
s’être unie à lui” (Mt 1, 18), et comme Joseph pensait renvoyer Marie du
fait qu’elle était enceinte, il (rapporte) qu’un ange vint le trouver et lui
dire : “ne crains pas de prendre chez toi Marie ton épouse, car l’enfant
qu’elle a dans son ventre vient de l’Esprit-Saint” (Mt 1, 20; cf. Lc 1, 35).
10
Comparer avec III, 22, 3 où, sur la base de la généalogie selon saint Luc, qui est ascendante et remonte les
générations jusqu’à Adam (Lc 3, 23-38), Irénée écrit : « il (Jésus) a récapitulé toutes les nations issues d’Adam et
dispersées, toutes les langues, enfin toutes les générations humaines avec Adam y compris ».
35
“(Né) de la vierge Marie” (cf. Lc 2, 7a et Ga 4, 4)
III, 21, 10
C’est ainsi que celui qui était le Verbe de Dieu en personne récapitula en
lui Adam, puisque de Marie qui était restée vierge il avait reçu à bon droit
une naissance dans la lignée d’Adam.
III, 19, 3
Ce Fils de Dieu donc notre Seigneur, lui qui est le Verbe du Père, est aussi Fils de l’homme, car de Marie, qui tirait son origine d’hommes et qui
était elle-même homme, il eut son origine selon les hommes et est devenu
Fils de l’homme 11.
III, 20, 3
C’est pourquoi le Seigneur “donna lui-même le signe” (Is 7, 14) de notre
salut 12, lui qui est l’Emmanuel né de la vierge : il était le Seigneur luimême qui sauvait ceux qui par eux-mêmes ne pouvaient accéder au salut.
3. “CRUCIFIÉ POUR NOUS SOUS PONCE PILATE, IL A SOUFFERT (SA PASSION) ET A ÉTÉ ENSEVELI”
a) « sous Ponce Pilate » (1 Tm 6, 13)
II, 32, 4
On ne peut dire le nombre de grâces que l’Église, dans le monde entier,
reçoit de Dieu, au nom du Christ Jésus crucifié sous Ponce Pilate 13 et
qu’elle accomplit chaque jour pour le bien des nations païennes, sans
exercer aucune séduction, sans prendre d’argent à personne : « comme
elle a reçu gratuitement de Dieu, elle le prodigue aussi gratuitement »
(cf. Mt 10, 8).
IV, 23, 2
(Philippe) persuada l’eunuque de croire en Jésus-Christ, qui a été crucifié
sous Ponce Pilate et a souffert ce que le prophète avait prédit, et qu’il est
le Fils de Dieu (cf. Ac 8, 37 14 ), qui donne aux hommes la vie éternelle.
V, 12, 5
Ce même (Paul) qui auparavant ignorait et persécutait l’Église, à la
suite d’une révélation reçue du ciel et après avoir parlé avec le Seigneur,
comme nous l’avons montré dans le troisième livre, annonçait le Fils de
Dieu, le Christ Jésus qui a été crucifié sous Ponce Pilate, son ignorance
antérieure ayant cédé la place à la connaissance postérieure.
III, 12, 9
Tel est le mystère dont (Paul) dit « qu’il lui a été manifesté par une révélation » (Ep 3, 3), à savoir que celui qui a souffert sous Ponce Pilate,
celui-ci est le Seigneur, le Roi, le Dieu et le Juge de tous, ayant reçu du
Dieu de toutes choses la puissance, car « il s’est soumis jusqu’à la mort,
et la mort de la croix » (Ph 2, 8).
b) « enseveli » (1 Co 15, 4 a) 15
III, 18, 3
« Je vous ai transmis, dit Paul, tout d’abord que le Christ est mort pour
nos péchés selon les Écritures, qu’il a été enseveli et qu’il est ressuscité
le troisième jour selon les Écritures » (1 Co 15, 3-4). Il est donc bien clair
que Paul ne connaît aucun autre Christ si ce n’est celui seul qui a souffert,
a été enseveli et est ressuscité, qui auparavant était né, et qu’il appelle
(ailleurs) « homme ».
14
Dans une perspective proche de celle d’Irénée, le symbole de foi arménien précise : « il prit d’elle (Marie) corps,
âme et esprit et tout ce qui est dans l’homme, en réalité et non fictivement ».
12
Le « signe » annoncé par Isaïe, qui correspond à une grossesse virginale, est une initiative divine, et dépasse les
conceptions humaines.
13
On voit que le groupe « Jésus-Christ crucifié sous Ponce Pilate » est devenu une désignation standard, utilisée
ici selon Irénée dans l’exercice de guérisons miraculeuses. C’est cette expression qui sera retenue par le symbole
de Constantinople (mais pas dans celui de Nicée). Une alternative à cette formule est « qui a souffert sous Ponce
Pilate », et en IV, 23, 2, Irénée emploie les deux concurremment. La mention « sous Ponce Pilate », outre le verset
de 1 Timothée 6, 13 (« Jésus-Christ, qui a rendu un beau témoignage sous Ponce Pilate »), était déjà présente chez
Ignace d’Antioche (Lettres aux Magnésiens 11 ; aux Tralliens 9, 1 ; aux Smyrniotes 1, 2).
« Si tu crois de tout ton cœur, cela est possible (d’être baptisé). L’eunuque répondit : je crois que Jésus-Christ
est le Fils de Dieu » (Ac 8, 37). Ce verset, absent du texte grec actuel des Actes, était apparemment présent dans
le texte dont disposait Irénée.
15
Ici, le symbole des apôtres mentionne la « descente aux enfers ». Cependant, cet ajout reste rare, au témoignage
de Rufin à la fin du quatrième siècle : « Il faut en effet savoir que, dans le Symbole de l’Église romaine, il n’y a pas
l’ajout : ‘il est descendu aux enfers’ ; il ne se trouve pas non plus dans (les symboles) des Églises orientales. Le sens
de cette expression équivaut à peu près à celui de ‘il a été enseveli’ » (Rufin d’Aquilée, Exposition du Symbole, §
16). Pour Irénée, la descente aux enfers n’a pas de portée salvifique, mais seulement de révélation : « c’est pourquoi
(l’ancien disait que) le Seigneur est descendu dans le domaine qui se trouve sous la terre, pour annoncer à ceux-ci
aussi (les morts) la bonne nouvelle de sa venue, lui qui est la rémission des péchés pour ceux qui croient en lui. Et
tous ceux, … justes, patriarches et prophètes..., qui avaient espéré en lui ont cru en lui » (AH IV, 27, 2, cf. aussi
ci-dessus n. 9, avec la citation d’AH IV, 20, 2).
36
37
11
4. « IL EST RESSUSCITÉ LE TROISIÈME JOUR SELON
LES ÉCRITURES, EST MONTÉ AUX CIEUX
ET S’EST ASSIS À LA DROITE DU PÈRE »
III, 16, 9
C’est un seul et même Jésus Christ Fils de Dieu, qui par sa passion nous
a réconciliés avec Dieu, est ressuscité des morts, est à la droite du Père et
(a été rendu) parfait en toutes choses.
a) “ressuscité le troisième jour selon les Écritures” (1 Co 15, 4 b)
III, 18, 3 La résurrection cause (finale) de l’incarnation
Après avoir dit : « si on proclame que le Christ est ressuscité des morts
» (1 Co 15, 12), il ajoute, pour rendre raison de son incarnation : « dans
la mesure où la mort est venue par un homme, c’est aussi par un homme
qu’est venue la résurrection des morts » (1 Co 15, 21)16.
V, 7, 1
Le Christ est ressuscité dans la substance de sa chair, il a montré aux disciples la marque des clous et son côté ouvert – toutes choses qui sont des
signes de sa chair ressuscitée.
b) ressuscité et élevé
III, 19, 3 L’Ascension de Jésus est aussi élévation de l’homme avec sa chair
C’est pourquoi “le Seigneur nous a donné lui-même un signe dans les
profondeurs et dans les hauteurs” (Is 7, 11 et 14), un signe que l’homme
n’avait pas demandé, dans la mesure où il ne pouvait s’attendre à ce
qu’une vierge puisse se trouver enceinte, elle qui était vierge, et mettre au
monde un fils, et que ce fils soit “Dieu avec nous”, et qu’il descende dans
les profondeurs de la terre, pour “rechercher la brebis qui était perdue”
(Lc 15, 6), qui était sa propre oeuvre façonnée, puis qu’il monte dans les
hauteurs, offrant et présentant à Dieu cet homme désormais “retrouvé”,
accomplissant en lui-même les “prémices de la résurrection” de l’homme
(cf. 1 Co 15, 20).
V, 31, 2 La résurrection et l’ascension de Jésus annoncent la gloire des élus
Si donc il est vrai que le Seigneur respecta la loi de la mort, pour devenir
le « premier-né d’entre les morts » (Col 1, 18), et qu’il est resté jusqu’au
troisième jour dans les profondeurs de la terre (cf. Ep 4, 9), ressuscitant ensuite dans la chair, au point de pouvoir montrer aux disciples les
marques des clous (Jn 20, 25 et 27) et que c’est ainsi qu’il monta vers le
Père […] et si le Seigneur « est allé dans l’ombre de la mort » (Ps 22, 4),
où étaient les âmes des morts, s’il est ensuite ressuscité avec son corps
et s’est élevé, il est clair que les âmes de ses disciples aussi, pour le bien
desquels il a opéré cela, s’en iront vers un lieu invisible qui leur est fixé
par Dieu et y demeureront jusqu’à la résurrection, en attendant la résurrection. Retrouvant ensuite leurs corps et ressuscitant pleinement, c’està-dire corporellement, de la même façon que le Seigneur est ressuscité,
ils s’en iront ainsi vers la face de Dieu.
c) “monté aux cieux”: l’ouverture des portes du ciel
IV, 33, 13
Certains (prophètes)17 ont dit “qu’il s’était endormi puis relevé, car le
Seigneur (le Père) l’a relevé” (cf. Ps 3, 6) et a donné l’ordre aux puissances des cieux d’ouvrir “les portes éternelles, pour qu’entre le roi de
gloire” (Ps 23, 7) : ils proclamaient ainsi par avance sa résurrection des
morts par la puissance du Père et son assomption dans les cieux.
III, 16, 8 dans la même chair
(Jean) ne connaît qu’un seul et même Jésus-Christ, pour lequel les portes
du ciel se sont ouvertes dans son assomption charnelle, qui reviendra
dans cette même chair dans laquelle il a souffert, pour révéler la gloire
du Père 18.
d) “assis à la droite du Père” (cf. Rm 8, 34)
III, 16, 3
David 19, connaissant par l’action de l’Esprit l’économie de sa venue,
par laquelle il serait le souverain des vivants et des morts, a confessé le
17
Irénée suit ici le fil du discours de Paul en 1 Co 15 (un chapitre consacré à la résurrection), en passant du
verset 12 au verset 21, et en montrant comment le second verset éclaire en profondeur le sens de la proclamation
évoquée par le premier : le Verbe s’est fait chair pour restaurer l’humanité et lui conférer l’incorruptibilité à travers
sa passion et sa résurrection.
Le psalmiste est considéré comme « prophète », c’est-à-dire qu’il parle « dans l’Esprit » et proclame par
anticipation les réalités du salut.
18
On peut trouver un écho à une telle vue dans le symbole de foi arménien, qui proclame : « monté aux cieux avec
le même corps, il est assis à la droite du Père. Il viendra, avec le même corps dans la gloire du Père ».
19
David est traditionnellement considéré comme l’auteur du psautier.
38
39
16
Seigneur siégeant à la droite du Père Très-haut (ps 109, 1, cité en Ac 2,
33-34, cf. 1 Pi 3, 22).
“Il reviendra dans la gloire juger les vivants et les morts (cf. 2 Tm 4, 1),
et son règne n’aura pas de fin” (Lc 1, 33)
a) retour glorieux en juge souverain (Ac 10, 42, cf. aussi Ac 17, 31)
IV, 20, 2 Jésus-Christ est le juge parce qu’il est d’abord agneau immolé
Le Seigneur dit de même : « toutes choses m’ont été remises par mon Père »
(Mt 11, 27), en désignant clairement celui qui a fait « toutes choses » :
ce ne sont pas des biens étrangers, mais ses biens propres qu’il lui a remis. C’est pourquoi aussi il est « le juge des vivants et des morts » (Ac
10, 42), « il a la clé de David : il ouvre et nul ne fermera ; il ferme et nul
n’ouvrira » (Ap 3, 7). « Nul autre en effet, ni au ciel, ni sur terre, ni sous
terre, n’était en mesure d’ouvrir le livre ni d’y jeter les yeux » (Ap 5, 3)
si ce n’est « l’agneau immolé » (Ap 5, 12), « qui nous a rachetés par son
sang » (Ap 5, 9, cf. Ep 1, 7).
b) “et son règne n’aura pas de fin” (Lc 1, 33)
III, 9, 2
(les mages ont apporté de) l’or, puisqu’il est le roi “dont le règne n’a
pas de fin”.
TROISIÈME ARTICLE
L’Esprit et l’Église
1. “ET EN L’ESPRIT SAINT, SEIGNEUR ET DONATEUR DE VIE 1
... QUI A PARLÉ PAR LES PROPHÈTES”
a) “Et en l’Esprit Saint, Seigneur et donateur de vie” (cf. Jn 6, 63)
III, 11, 8 La vie communiquée par l’Esprit, à travers les évangiles
La colonne et le soutien de l’Église, c’est l’évangile et l’Esprit de vie : en
conséquence, elle repose sur quatre colonnes 2 qui soufflent de tout côté
en répandant l’incorruptibilité, et qui réveillent la vie chez les hommes.
IV, 21, 3 L’Esprit donateur de vie au baptême
Signifiant que, selon la chair, le Christ engendrerait pour Dieu des enfants chez la femme libre comme chez l’asservie 3, donnant à tous de
manière semblable le don de l’Esprit qui nous vivifie.
V, 12, 2 La vie naturelle et la vie divine communiquée par l’Esprit
C’est pourquoi Isaïe, distinguant encore entre ces deux réalités, dit :
‘l’Esprit sortira de moi et c’est moi qui ai fait tout souffle’ (Is 57, 16),
plaçant spécifiquement l’Esprit du côté de Dieu, lui qui dans les derniers
temps devait se répandre sur l’humanité par l’adoption filiale, tandis qu’il
appelle ‘fait’ le souffle commun répandu sur la création, montrant qu’il
est créé. Autre en effet est ce qui est créé et celui qui crée. Le souffle
est temporaire, et l’Esprit éternel. Le souffle s’accroît quelque peu puis,
après s’être maintenu un certain temps, s’en va, laissant inanimé le corps
où il était auparavant, mais l’Esprit, enveloppant l’homme du dedans et
du dehors 4 et persistant toujours, ne l’abandonnera jamais.
1
Ici, le symbole de Constantinople insère : « lui qui procède du Père (cf. Jn 15, 26) ; avec le Père et le Fils il reçoit
même adoration et même gloire ».
2
Les quatre évangiles, qui apparaissent comme des « colonnes dynamiques » de l’Église.
3
Irénée reprend ici la réflexion de Paul en Ga 4, 22-28 à propos des deux fils d’Abraham : les enfants de la femme
libre ou de la servante sont les chrétiens issus du judaïsme ou des nations païennes, et tous reçoivent le même
Esprit vivificateur (ils sont aussi tous descendants d’Abraham par la foi).
4
Irénée fait allusion ici à l’arche d’alliance, dont le bois était plaqué de métaux précieux « du dedans et du dehors »,
selon Ex 25, 11. Le don de l’Esprit, qui à la résurrection confèrera ultimement l’incorruptibilité à l’homme «
du dedans et du dehors », c’est-à-dire de l’âme et du corps, transforme chaque baptisé en « arche d’alliance »
(cf. AH IV, 39, 2).
40
41
V, 11, 1 le fruit de salut produit par la vie de l’Esprit
Ce sont les actes spirituels qui communiquent la vie à l’homme, c’est-àdire la « greffe » de l’Esprit 5, de sorte que Paul dit : « le fruit de l’Esprit,
c’est charité, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité, douceur,
maîtrise de soi, chasteté … » (Ga 5, 22-23). Ainsi, celui qui progresse
dans le bien et produit le fruit de l’Esprit est sauvé par la communion de
l’Esprit, mais celui qui s’en tient aux actes charnels mentionnés (cf. Ga
5, 19-21), un tel homme est considéré comme charnel car ne recevant pas
l’Esprit de Dieu, et ne pourra pas posséder le royaume des cieux.
b) “Il a parlé par les prophètes” (He 1, 1; cf. 2 Pi 1, 216 )
I, 10, 1
Et dans l’Esprit Saint, qui par les prophètes a annoncé les actions de Dieu…
III, 17, 1
Et encore : « L’Esprit du Seigneur est sur moi, car il m’a oint » (Lc 4, 18
citant Is 61, 1) - cet Esprit dont le Seigneur dit : « ce n’est pas vous qui
parlez, mais l’Esprit de votre Père qui parle en vous » (Mt 10, 20). Et,
donnant aux disciples le pouvoir de la régénération, il leur disait : « allez,
enseignez toutes les nations, baptisez-les au nom du Père, du Fils et du
Saint Esprit » (Mt 28, 19). C’est lui qu’il a promis par les prophètes de
« répandre dans les derniers temps sur ses serviteurs et sur ses servantes
pour qu’ils prophétisent » (cf. Joël 3, 1-2). C’est pourquoi il descendit
sur le Fils de Dieu devenu Fils de l‘homme, s’habituant en lui à habiter
dans le genre humain, à reposer sur les hommes et à habiter dans l’œuvre
façonnée de Dieu 7, accomplissant en eux la volonté du Père et les renouvelant de la vétusté à la nouveauté du Christ.
IV, 20, 8
Dans la mesure donc où l’Esprit de Dieu signifiait par les prophètes ce
qui était à venir… Les prophètes en effet ne prophétisaient pas seulement
par la parole, mais aussi par la vision, par leur comportement et par les
actions qu’ils faisaient, selon ce que l’Esprit leur suggérait.
2. “ET EN L’ÉGLISE, UNE, SAINTE, CATHOLIQUE ET APOSTOLIQUE”
a) “une” (cf. Ep 2, 16)
III, 5, 3
C’est lui (Jésus) qui, apparu récemment (sur la terre), est « la pierre angulaire », qui a « rassemblé en un seul corps » (Ep 2, 16) et a unifié « ceux
qui étaient loin et ceux qui étaient proches » (Ep 2, 17), c’est-à-dire la
circoncision et le prépuce, dilatant Japhet et l’établissant dans la demeure
de Sem (cf. Gn 9, 27).
b) “sainte” (cf. Ep 5, 27)
III, 5, 3
À leur tour, les apôtres enseignaient les nations et leur apprenaient à honorer le vrai Dieu […] et à attendre son Fils Jésus-Christ qui nous a
rachetés de l’apostasie par son sang afin que nous soyons nous aussi un
peuple sanctifié, lui qui descendra du ciel dans la puissance de son Père,
pour exercer le jugement sur tous et donner les biens de Dieu à ceux qui
auront gardé ses préceptes.
c) “catholique (Mt 28, 19) et apostolique” (Mt 16, 18 et Ep 2, 20)
IV, 33, 8 apostolicité et universalité de l’Église
... l’enseignement des apôtres, l’ancienne organisation de l’Église dans le
monde entier, la forme spécifique du corps du Christ (qu’est l’Église) en
fonction de la succession des évêques auxquels les apôtres ont transmis
l’Église 8 en chaque lieu particulier.
V, 6, 1 les charismes et l’universalité des langues
C’est pourquoi l’apôtre dit aussi: “nous parlons de sagesse parmi les parfaits” (1 Co 2, 6), en appelant “parfaits” ceux qui ont reçu l’Esprit de
Dieu et parlent en toute sorte de langues sous la puissance de l’Esprit,
comme il le faisait lui-même et comme les nombreux frères que nous
entendons dans l’Église dotés de charismes prophétiques, qui parlent en
toutes langues sous la puissance de l’Esprit, dévoilent pour leur bien les
secrets des hommes et exposent les mystères de Dieu; ce sont eux que
l’apôtre appelle “spirituels”, dans la mesure où ils ont part à l’Esprit.
5
Au paragraphe précédent, en AH V, 10, 1, Irénée reprenait à Paul la comparaison horticole de la « greffe » au
ch. 11 de la Lettre aux Romains, pour décrire la « bonification » de l’humanité par l’insertion de l’Esprit de Dieu
dans l’homme.
6
Cf déjà 2 Rois LXX 23, 2 « L'esprit du Seigneur parle par moi, Et sa parole est sur ma langue ».
7
Il s’agit de l’homme avec sa corporéité, qui peut être régénérée par l’Esprit de Dieu.
42
8
La façon de s’exprimer d’Irénée donne à comprendre que l’Église est globalement une même s’il y a des successions
spécifiques en fonction des lieux particuliers : en chaque lieu, les apôtres ont transmis localement « l’Église » dans
sa dimension universelle, et non pas seulement telle ou telle Église locale.
43
V, 20, 1 la lumière universelle de l’Église
La prédication de l’Église est donc véridique et solide, elle où on ne voit
qu’un seul et même chemin de salut dans le monde entier.
C’est à elle qu’a été confiée la lumière de Dieu, et de ce fait la sagesse
de Dieu, par laquelle il sauve des hommes, “est chantée dehors, il en est
question librement sur les places, elle est proclamée au sommet des remparts, on en parle avec force aux portes de la cité” (Prov 1, 21). Partout en
effet l’Église proclame la vérité : elle est le “chandelier à sept branches”
(cf. Ex 25, 31), qui porte la lumière du Christ 9.
3. “JE CONFESSE UN SEUL BAPTÊME (cf. Ep 4, 5)
POUR LA RÉMISSION DES PÉCHÉS” (Ac 2, 38 et 10, 43)
IV, 32, 1 « Un seul baptême » (cf. Ep 4, 5)
Si on croit en un seul Dieu, qui a tout fait par son Verbe […], (comme)
l’apôtre Paul dit de même : « un seul Seigneur, une seule foi, un seul
baptême, un seul Dieu et Père de tous, qui est au-dessus de tous, à travers
toutes choses et en nous tous » (Ep 4, 5-6) : un tel homme restera attaché
à « la tête » 10 (en vue de la croissance du corps, cf Ep 4, 15-16 et Col 2, 19).
III, 12, 7 le baptême « pour la rémission des péchés » (Ac 2, 38 et Ac 10, 43)
Des paroles de Pierre il ressort clairement qu’il n’avait pas changé le Dieu
connu auparavant, mais qu’il a témoigné auprès d’eux (les juifs) que JésusChrist était le fils de Dieu, le « juge des vivants et des morts » (Ac 10, 42),
au nom duquel il les incita à être « baptisés pour la rémission des péchés »11.
Le baptême vivificateur
III, 17, 2
De même que la terre sèche, privée d’eau, ne donne pas de fruit, de même
nous, qui étions auparavant du « bois sec » (cf. Lc 23, 31) 12, n’aurions
jamais donné le fruit de vie sans la « pluie » venue volontairement d’en-haut
(ps 67, 10). Nos corps, par le bain, ont reçu l’unité (interne) en vue de
l’incorruptibilité, et nos âmes l’ont reçue par l’Esprit.
4. “J’ATTENDS LA RÉSURRECTION DES MORTS (1 Co 15, 13)
ET LA VIE DU MONDE À VENIR” (Cf. Mc 10, 30 et parallèles)
a) « j’attends la résurrection des morts » (1 Co 15, 13)
III, 19, 3 La résurrection des saints prolongement de celle de Jésus
« ‘Le Seigneur nous a donné un signe…’, et cet enfant est ‘Dieu avec nous’,
‘descendu dans les profondeurs’ de la terre pour rechercher ‘la brebis qui
s’était perdue’ (sa propre œuvre façonnée par lui) et ‘monté dans les hauteurs’, pour offrir et remettre au Père l’homme ainsi ‘retrouvé’, faisant en
lui-même les prémices de la résurrection de l’homme13, afin que, de même
que la tête est ressuscitée des morts, le reste du corps ressuscite aussi…
V, 7, 1 Résurrection par la puissance de l’Esprit
De la même façon en effet que le Christ est ressuscité dans la substance
de sa chair […], de la même façon aussi, dit (Paul), ‘il nous ressuscitera par sa puissance’ (1 Co 6, 14), car il écrit encore aux Romains : ‘si
l’Esprit qui a ressuscité Jésus des morts habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus des morts donnera aussi la vie à vos corps mortels’ (Rm 8, 11).
V, 12, 3 La résurrection de la chair
Ce n’est pas une autre réalité qui était morte et une autre qui a été vivifiée,
ni une autre réalité qui était perdue et une autre qui a été retrouvée, mais le
Seigneur est venu rechercher ce qui était perdu. Qu’est-ce qui était perdu ?
en tout état de cause, la substance de la chair (de l’homme).
V, 13, 1 L’appel à la vie
Il est lui-même celui qui peut apporter la guérison et communiquer la vie
à son œuvre façonnée, afin qu’on accorde foi à la résurrection (de la chair)
et qu’ainsi à la fin, au son de la dernière trompette les morts ressuscitent,
comme il le dit lui-même: “l’heure vient, où tous les morts qui sont dans les
tombeaux entendront la voix du Fils de l’homme » (Jn 5, 25) [… (Jn 5, 26-27)]
et sortiront, ceux qui ont fait le bien pour la résurrection de la vie, ceux qui
ont fait le mal pour la résurrection du jugement » (Jn 5, 28-29) 14. 15
9
Cette image du « chandelier à sept branches » (cf. Ex 25, 31), qui brillait dans le temple de Jérusalem devant
l’arche d’alliance, ajoute une dimension cultuelle à la dimension missionnaire de l’Église : l’Église, non seulement
éclaire le monde, mais brille d’abord pour Dieu.
10
Il s’agit à la fois du corps de l’Église et du corps de doctrine de la foi, dont la « tête » est la confession de l’unique Créateur.
11
Cf. Ac 10, 43, ce dernier verset étant contaminé ici avec Ac 2, 38, cité plus haut par Irénée en AH III, 12, 2.
Dans ces deux passages des Actes des apôtres, Pierre annonce le baptême « pour la rémission des péchés ».
12
Du fait du péché originel, qui affecte l’intégrité et la vitalité de l’homme.
En Jésus homme ressuscité, l’humanité est déjà ressuscitée et montée aux cieux par anticipation.
La déclaration de Jésus commencée en Jn 5, 25 s’interrompt pour une réflexion complémentaire en Jn 5, 26-27,
avant de reprendre en Jn 5, 28-29. Irénée ne tient pas compte de l’interruption dans sa citation, citant ainsi Jn 5,
25 et 28 dans la continuité (qui correspond d’ailleurs à une continuité de sens).
15
Le symbole de foi arménien note de même : « (je crois) au jugement éternel des âmes et des corps ».
44
45
13
14
b) « à la vie éternelle » (cf. Mt 25, 46)
V, 7, 2 Communion de l’Esprit
Ressuscitant par l’Esprit, les corps deviendront spirituels 16, afin qu’ils
aient la vie par l’Esprit demeurant toujours en eux.
V, 3, 3 Continuité
Si cette vie temporaire, quoique bien inférieure à la vie éternelle, a cependant le pouvoir de donner la vie à nos membres mortels, pourquoi cette
vie qui est éternelle ne vivifierait-elle pas la chair déjà exercée et habituée
à porter la vie ?
V, 8, 1
Si donc actuellement, ayant déjà reçu les arrhes (de l’Esprit, cf. Ga 4, 6),
nous crions : ‘Abba, Père’ (Rm 8, 15), qu’en sera-t-il quand, une fois ressuscités, nous le verrons face à face, quand tous les membres rassemblés 17
feront monter vers lui un hymne d’exultation 18, rendant gloire à celui qui
les aura ressuscités des morts et leur aura fait don de la vie éternelle ?
Si déjà les arrhes, embrassant l’homme et l’enveloppant en lui-même lui
font déjà dire : ‘Abba, Père’, que fera la grâce de l’Esprit tout entière,
qui sera donnée aux hommes par Dieu : elle nous rendra semblables à
lui (cf. 1 Jn 3, 2) et portera à son accomplissement la volonté du Père,
puisqu’elle rendra l’homme conforme « à l’image et à la ressemblance
de Dieu » (cf. Gn 1, 26).
POSTLUDE
Foi, espérance et charité
IV, 18, 4 Le culte véritable est enraciné dans la foi, l’espérance et la charité
Il nous convient en effet d’offrir l’oblation à Dieu et d’être trouvés en
toute choses pleins de gratitude à l’égard de notre Créateur, avec une
conviction pure et une foi sans hypocrisie, une espérance solide, une charité fervente, lui offrant les prémices de ses créatures.
IV, 12, 2 Dans ce monde et dans l’autre
Et Paul dit encore : « l’accomplissement de la loi, c’est la charité » (Rm
13, 10), et que « toutes les autres (vertus) ayant disparu, seules demeureront la foi, l’espérance et la charité, la plus grande de toutes étant la charité » (1 Co 13, 13) ; la connaissance dépourvue d’amour à l’égard de Dieu
n’apporte rien, et il en va de même pour la compréhension des mystères,
pour la foi ou la prophétie, et tout cela est vain et vide sans la charité.
C’est la charité qui fait la perfection de l‘homme, et celui qui aime Dieu
est parfait, dans ce monde et dans l’autre. Nous ne cesserons jamais d’aimer Dieu, car plus nous le contemplerons plus nous l’aimerons.
II, 28, 3 La foi des bienheureux
Comme le dit l’apôtre : « les autres (vertus) ayant disparu, seules demeureront la foi, l’espérance et la charité » (1 Co 13, 13). La foi à l‘égard de
notre maître (le Christ) demeurera toujours solide, nous assurant qu’il est
le seul vrai Dieu, afin que nous l’aimions toujours, lui qui est notre seul
Père, et que nous espérions toujours plus recevoir de lui et apprendre toujours plus de lui 1, lui qui est bon, qui dispose de « richesses inépuisables »
(cf. Ep 2, 7), dont « le règne n’a pas de fin » et la science est infinie.
16
« Spirituel », comme le précise bien Irénée lui-même face aux gnostiques, ne veut pas dire « incorporel » ou «
immatériel », mais animé par l’Esprit de Dieu (cf. AH V, 8, 2).
17
Il s’agit d’abord des membres du corps humain retrouvant la vie, mais au-delà des membres du corps entier de
l’humanité sauvée.
18
On se rappelle (voir le deuxième texte du ch. 2 sur « l’expansion de la foi ») que l’activité des premiers hommes
était de « chanter un hymne au Dieu créateur », c’est cette dimension de louange qui s’accomplit pleinement dans
la vie éternelle.
1
On voit que, pour Irénée, les trois vertus de foi, espérance et charité ont vocation à s’accroître toujours plus dans
la vie éternelle, nourries par la richesse infinie de Dieu.
46
47
ANNEXE 1 :
Quelques pistes sur la confession de foi
des valentiniens
« Il disent des choses semblables, mais pensent différemment », écrit
Irénée à propos des valentiniens au début de la préface du Contre
les hérésies. Il conviendrait de faire une recherche approfondie et
systématique à partir des indices fournis par Irénée sur les points de foi
professés par ses adversaires. Nous nous contenterons ici de quelques
éléments relevés au passage, qui suggèrent qu’effectivement les groupes
gnostiques combattus par Irénée professaient la même foi ou à peu près
que les chrétiens dits « de la Grande Église », mais donnaient un sens
particulier aux formules de foi communes.
IV, 33, 3 La profession de foi des Valentiniens
(le chrétien éclairé) jugera tous ceux qui suivent la doctrine de Valentin, eux qui de langue confessent « un unique Dieu Père de qui viennent
toutes choses » (1 Co 8, 6), mais disent que celui qui a fait toutes choses
n’est qu’un fruit de défection et de chute ; et (ils confessent) de même de
langue « un unique Seigneur Jésus-Christ Fils de Dieu » (cf. 1 Co 8, 6),
mais attribuent dans leur vision une émission propre au Fils unique, une
au Verbe, une autre au Christ, une autre encore au Sauveur, de sorte que
ce qu’ils disent « un » doit être selon eux compris séparément et avoir été
émis pour chacun à son niveau.
ni Basilide, ni les anges ni les archanges ni les principautés ni les puissances (célestes), mais « seul le Père qui l’a engendré et le Fils » qui est
né (cf. Mt 24, 36). Si donc ‘sa génération est ineffable’ (cf. Is 53, 8), tous
ceux, quels qu’ils soient, qui essaient d’expliquer les générations et les
émissions sont hors de sens, puisqu’ils promettent de dire ce qui est indicible. Que de la Pensée et de l’Intellect procède le Verbe, tout le monde
le sait assurément. Ils n’ont donc rien trouvé de bien grand, ceux qui ont
inventé les émissions, ni découvert un bien secret mystère, en transposant dans le Verbe, Fils unique de Dieu, ce qui est compris par tout le
monde : celui qu’ils disent ineffable et innommable, ils le nomment et le
décrivent, et, comme s’ils en avaient fait eux-mêmes l’accouchement, ils
racontent son émission et sa génération premières, en assimilant le Verbe
de Dieu au verbe que profèrent les hommes.
I, 30, 11 Né de Marie
(selon certains gnostiques) il y eut deux hommes émis, l’un d’Elisabeth
la stérile, l’autre de la vierge Marie.
I, 30, 2 La sainteté de l’Église reconnue par les gnostiques valentiniens
Et telle serait (selon eux) l’Église “sainte” et véritable : l’appel 2, l’assemblée et la communion du “Père de toutes choses”...
I, 22, 1 Confession d’un Dieu unique
Presque tous ces hérétiques, autant qu’ils sont, affirment un Dieu unique,
mais par leur pensée viciée ils en changent la nature, se montrant ingrats
envers le Dieu qui les a faits, comme les païens par l’idolâtrie.
II, 31, 2 La résurrection des morts? pas autre chose que l’illumination
présente.
La résurrection des morts (pour eux) n’est que la connaissance de la
vérité dont ils parlent.
1
2
II, 28, 6 La génération du Fils
Si l’un d’eux nous dit : comment le Fils a-t-il été émis par le Père ? Nous
lui répondons qu’une telle émission, ou génération, ou énonciation ou
révélation, de quelque nom qu’ils désignent « son ineffable génération »
(cf. Is 53, 8), « nul ne l’a connue », ni Valentin, ni Marcion, ni Saturnin 1,
Irénée énumère ici les chefs de groupes gnostiques avec lesquels il polémique.
48
« Appel » est le sens étymologique et premier du mot « ecclesia » en grec, qui a donné « Église ».
49
ANNEXE 2 :
Le symbole de Constantinople
et ses fondements bibliques
PREMIER ARTICLE
Articles du symbole de foi
Références bibliques
Je crois (nous croyons) en un seul
Dieu
cf. Dt 6, 4 : « le Seigneur ton Dieu
est unique » ;
1 Co 8, 6 « un seul Dieu Père »
le Père tout-puissant
cf. 2 Co 6, 18 « je serai pour
vous un Père[…], dit le Seigneur
tout-puissant »
créateur du ciel et de la terre
il a pris chair de l’Esprit Saint
Mt 1, 18 et 20 « ce qui est engendré
en elle vient de l’Esprit Saint »
et de la vierge Marie
Lc 1, 35 « L’esprit Saint viendra sur toi »
cf. Ph 2, 7 “reconnu comme homme à
sa forme”
et s’est fait homme
Mt 27, 35 ; Mc 15, 24 ; Lc 23, 33 ;
Jn 19, 18 « ils le crucifièrent » ;
Crucifié pour nous
Jn 19, 16 « alors Pilate le leur livra,
pour qu’il soit crucifié » (cf Mt 27, 26
Mc 15, 15 ; Lc 23, 24-25) ; cf. Ac 2,
23 « vous l’avez fait mourir par la
main des infidèles »
sous Ponce Pilate
Gn 1, 1 : « au commencement,
Dieu créa le ciel et la terre »
de toutes les choses visibles et
invisibles
DEUXIÈME ARTICLE
Et en un seul Seigneur Jésus-Christ
Col 1, 16: “en lui toutes choses ont
été constituées... les visibles comme
les invisibles”
Il souffrit sa passion
cf. 1 Co 8, 6 “et un seul Seigneur
Jésus-Christ”
Il ressuscita le troisième jour
selon les Écritures
Jn 1, 14 et 18 “fils unique”
le Fils unique du Père
Jn 1, 1 ; cf. Ps 109, 3 LXX : « de
mon sein avant l’aurore je t’ai engendré »
Engendré du Père avant tous les
siècles (1)
Jn 1, 3 « et par lui tout a été fait »
et par lui tout a été fait
Pour nous les hommes et pour notre
salut,
Jn 3, 17 « Dieu a envoyé son fils
dans le monde … pour que le monde
soit sauvé par lui »
Jn 3, 13 nul n’est monté au ciel si ce
n’est celui qui est descendu du ciel,
le Fils de l’homme ;
Jn 6, 38 : « je suis descendu du ciel »
il descendit des cieux
Ici, le symbole de Constantinople, dans le prolongement des ajouts du Concile de Nicée, insère : «
lumière de lumière, Dieu véritable de Dieu véritable, engendré non pas créé, consubstantiel au Père »
1
50
Mt 27 ; Mc 15 ; Lc 23 ; Jn 19
Mt 27, 60 ; Mc 15, 46 ; Lc 23, 53 ;
Jn 19, 42
et fut enseveli
1 Co 15, 4 « ressuscita le troisième
jour selon les Écritures »
Mc 16, 29 a « le Seigneur Jésus … fut
élevé au ciel »; Lc 24, 51; cf. Ac 1, 11
et il monta aux cieux
Mc 16, 29 b « … et s’assit à la droite
de Dieu » ; voir aussi ps 109, 1,
cité en Ac 2, 33-34 ; 1 Pi 3, 22 et
Rm 8, 34 ; cf. Ep 1, 20
et s’assit à la droite du Père.
Tite 2, 13 « la venue glorieuse de
Notre Seigneur Jésus Christ »
Il reviendra dans la gloire
Ac 10, 42, cf. 17, 31 « juge des
vivants et des morts »
juger les vivants et les morts
Lc 1, 33 : « et son règne n’aura pas
de fin »
et son règne n’aura pas de fin.
51
TROISIÈME ARTICLE
Je crois en l’Esprit Saint
Ep 4, 4 « un seul Esprit »
Seigneur et donateur de vie (2)
Jn 6, 63 « l’Esprit est donateur de vie »
He 1, 1 « Dieu a parlé à nos pères
par les prophètes », cf. 2 Pi 1, 21 :
“c’est portés par l’Esprit Saint que des
hommes ont parlé de la part de Dieu”
Il a parlé par les prophètes
Ep 2, 16 “il a réconcilié les uns et les
autres en un seul corps pour Dieu par
sa croix”
Et en l’Église une
sainte,
Cf. Ep 5, 27 “afin de ses présenter à
lui-même l’Église glorieuse ... sainte
et irréprochable”
catholique
Mt 28, 19 “allez, de toutes les nations
faites des disciples”; cf. Mc 16, 15
et apostolique.
Ep 2, 20 “sur le fondement des apôtres”
Je reconnais un seul baptême
Ep 4, 5 « un seul baptême »
pour la rémission des péchés
Ac 2, 38 : « que chacun de vous se fasse
baptiser au nom de Jésus-Christ pour la
rémission de ses péchés » ; cf. Ac 10, 43
1 Co 15, 13 « s’il n’y a pas de résurrection des morts, le Christ n’est pas
ressuscité »
J’attends la résurrection des morts
Cf. Mc 10, 30 « et la vie éternelle
dans le monde à venir »
et la vie du monde à venir
Amen
À ce propos, écoutons pour finir Rufin d’Aquilée qui, vers
la fin du IVe siècle, écrivait au destinataire de son Explication du symbole des apôtres :
« Je sais qu’un vrai amour et zèle pour les Saintes Écritures
te tient, et tu me diras sans aucun doute qu’il convient que
j’appuie ces articles de foi sur les témoignages les plus évidents tirés des Saintes Écritures. De fait, plus ce qui est à
croire est important, et plus ces articles ont besoin de témoins appropriés et indubitables. C’est tout à fait vrai et
conséquent. Pour ma part cependant, comme je m’adresse
à des connaisseurs de la Bible, j’ai laissé derrière moi cette
forêt de témoignages, au profit de la brièveté. J’en avancerai pourtant, s’il en est besoin, quelques-uns pris parmi
beaucoup, conscient que, devant tous ceux qui étudient
les Saintes Écritures, s’étend une mer immense de témoignages ».
Rufin d’Aquilée,
Explication du symbole des apôtres, § 16
Ici, le symbole de Constantinople insère : « lui qui procède du Père (cf. Jn 15, 26) ; avec le Père et le
Fils il reçoit même adoration et même gloire ».
2
52
53
POUR ALLER PLUS LOIN
Irénée de Lyon, La foi démontrée, Paris (Cerf), 2021.
Irénée de Lyon, Contre les hérésies, Dénonciation et réfutation
de la gnose au nom menteur, Paris (Cerf), 2001.
Rufin d’Aquilée, Le Credo des apôtres (Explication du symbole
des apôtres), Paris, Collection « Les Pères dans la foi » (DDB),
1997.
H. Denzinger, Symboles et définitions de la foi catholique, Paris
(Cerf), 1996. On y trouvera, aux pages 56-58, le texte complet du
« symbole de Constantinople » utilisé ici. Aux pp. 19-20, on lira
aussi le texte du « Grand symbole de foi de l’Église arménienne »,
auquel il est fait référence ici en note à trois reprises.
I. Ortiz de Urbina, Nicée et Constantinople (en 324 et 381),
Histoire des conciles œcuméniques, t. 1, Paris (Fayard), 2006.
Thomas d’Aquin, Ce que je crois, Paris (Cerf), 2021.
(Commentaire très clair et nourrissant du « symbole des apôtres »).
J. Ratzinger, Foi, Écriture et tradition, Paris (Téqui), 2012 (Texte
bref et très éclairant sur les sources de la foi chrétienne, originellement inclus dans l’ouvrage de Ratzinger Les Principes de théologie catholique).
J. Ratzinger, La foi chrétienne hier et aujourd’hui, Paris (Cerf),
2005. (Une réflexion récente sur la foi et son expression dans le
symbole).
H. de Lubac, La foi chrétienne. Essai sur la structure du symbole
des apôtres, Œuvres complètes V, Paris (Cerf), 2008.
(Une réflexion moderne sur la foi et la confession de foi)
TABLE DES MATIÈRES
P. 3
P. 6
Avant-Propos (Th. J. White)
Introduction (A. Bastit)
P. 15 Première partie : La foi et son expression
P. 16 Ch. 1. Qu’est-ce que la foi ? Exemples de foi
P. 19 Ch. 2. L’expansion de la foi de l’Église et sa proclamation.
Des origines aux temps de l’Église
P. 27 Seconde partie : le « credo » d’Irénée
P. 28 Ch. 1. Premier article : Dieu le Père tout-puissant
P. 32 Ch. 2. Deuxième article : le Fils et Verbe de Dieu,
incarné et passé par la mort pour notre salut
P. 41 Ch. 3 : L’Esprit et l’Église
P. 47 Postlude : Foi, espérance et charité
P. 48 Annexe 1:
Quelques pistes sur la confession de foi des valentiniens
P. 50 Annexe 2 :
Le symbole de Constantinople et son soubassement
scripturaire
P. 54 Pour aller plus loin
K. Wojtyla, Paroles pour un monde qui ne croit plus, Paris, 2020.
(Commentaire clair et profond de la prédication des apôtres, et des
principaux points du « symbole des apôtres »).
54
55
Allégorie de l’espérance,
Giovanni Dupré, seconde moitié
du XIXe siècle, collection particulière.
Irénée de Lyon, qui écrit au deuxième siècle de notre ère (vers 180), a accordé beaucoup d’importance à la proclamation, à la compréhension et à la
défense de la foi chrétienne, à l’encontre de fausses interprétations.
Ce livret présente un choix de textes d’Irénée en traduction originale, qui
illustrent la richesse et la profondeur de son approche de la foi en tant
qu’ouverture à la révélation, qui nous rapproche de ce que Dieu fait connaître
de lui-même.
Au passage, apparaissent plus clairement plusieurs dimensions de la foi
chrétienne : son lien avec la capacité pour la raison de remonter de la vue du
monde à la reconnaissance d’un Dieu créateur, son enracinement dans les
formulations bibliques - surtout les paroles de Jésus, mais aussi celles de ses
apôtres et de ses prophètes -, son retentissement enfin sur les choix concrets,
la foi engageant toute l’existence du croyant impliquant aussi la charité et
l’espérance.
La seconde partie de ce recueil propose un « commentaire » du Credo long
de la messe (symbole de Constantinople) sur la base de textes d’Irénée.
La sélection et la traduction sont d’Agnès Bastit, de l’Université de Lorraine
Avant-propos du fr. Thomas Joseph White, recteur de l’Université saintThomas (Rome)
SAINT
IRÉNÉE
Solidarité - Éducation
Culture - Communication
HERITAGE
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