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La phrase négative en breton : de la phonologie à la syntaxe

2009, La Bretagne linguistique

La Bretagne Linguistique 14 | 2009 Varia La phrase négative en breton : de la phonologie à la syntaxe The negative sentences in Breton: from phonology to syntax Erwan Le Pipec Édition électronique URL : https://journals.openedition.org/lbl/2528 ISSN : 2727-9383 Éditeur Université de Bretagne Occidentale – UBO Édition imprimée Date de publication : 1 juin 2009 Pagination : 57-67 ISBN : 978-2-901737-83-8 ISSN : 1270-2412 Référence électronique Erwan Le Pipec, « La phrase négative en breton : de la phonologie à la syntaxe », La Bretagne Linguistique [En ligne], 14 | 2009, mis en ligne le 01 décembre 2022, consulté le 15 janvier 2024. URL : http://journals.openedition.org/lbl/2528 ; DOI : https://doi.org/10.4000/lbl.2528 Ce document a été généré automatiquement le 15 janvier 2024. Le texte seul est utilisable sous licence CC BY 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire. La phrase négative en breton : de la phonologie à la syntaxe La phrase négative en breton : de la phonologie à la syntaxe The negative sentences in Breton: from phonology to syntax Erwan Le Pipec L’accent dans le breton de Malguénac : rappels 1 Au cours d’une précédente contribution (Le Pipec, 2005), j’avais caractérisé le breton de Malguénac (Morbihan) comme une langue ayant une accentuation à groupe de sens. Contrairement aux parlers bretons du nord-ouest, mieux décrits et mieux connus de la plupart des chercheurs, l’accent n’y affecte pas une position syllabique fixe, mais émerge en fonction des nécessités de hiérarchisation de l’information. En résumé et pour faire simple, un pic de perceptibilité est décelable sur la dernière syllabe d’un groupe de sens, mais également très souvent sur la première, quoique de façon plus aléatoire1. Ce modèle, présenté jusqu’alors comme systématique, ne semble pas devoir être remis en cause, mais comme on va le voir, il doit être amendé sur le point des phrases négatives. Ce qui suggère au passage quelques pistes de réflexion supplémentaires dans le champ de la syntaxe. 2 Les exemples donnés ci-dessous sont empruntés à mon corpus de thèse. Ils transcrivent des extraits d’un ensemble de conversations enregistrées auprès de locuteurs empiriques à Malguénac entre 2000 et 2001 principalement. Les chiffres entre parenthèses qui les suivent permettent de référencer les extraits et de les localiser avec précision dans l’ensemble du corpus. Lorsque les extraits se présentent sous forme de petits tableaux, la première colonne donne les initiales de l’informateur, dans la deuxième colonne, la première ligne présente le texte en phonétique, la deuxième a pour but d’en faciliter la lecture grâce à une transposition en breton littéraire, tandis que la troisième ligne en donne la traduction en français. La dernière colonne en présente les références chiffrées. Le soulignement des exemples transcrits sous forme phonologique est motivé par l’impératif de différencier les segments accentuables (soulignés) des non-accentuables (non-soulignés), cf. Le Pipec, 2005. La Bretagne Linguistique, 14 | 2009 1 La phrase négative en breton : de la phonologie à la syntaxe La phrase négative : où l’accent est réalisé conformément à la règle 3 D’un point de vue théorique, la négation s’exprime dans le breton de Malguénac comme ailleurs, par un double morphème /nə (…) ˈcət/, encadrant le verbe. Dans la réalité cependant, le premier élément est très rarement réalisé (moins de 12 % des phrases négatives du corpus, probablement pour des raisons de débit, cf. Dressler, 1974). Ce / nə/ n’apparaît la plupart du temps que lorsque le verbe commence par un /h-/ (issu ou non d’une mutation) : [n ɛlɔm ˈcət mɔˈnɛt]2, on ne pouvait pas aller (13-24-27), ou par une voyelle. Auquel cas, c’est une variante /nəd/ qui prévaut, mais elle-même se réduit généralement à un simple /d-/ proclitique3 : [ˈdə cə brəˈtõː], c’est pas du breton (5-08-7). La négation peut donc très bien être exprimée par le seul /ˈcət/. 4 Cet élément /ˈcət/ et le verbe dont il marque la forme négative constituent bien sûr un groupe accentuel autant que sémantique. D’où il s’ensuit que l’accent l’affecte, puisqu’il clôt le groupe, au détriment du verbe même, qui ne reçoit plus qu’un éventuel accent d’attaque : ɡʎəɥam ˈcət MJ LB 7-11 ‘glevamp ket… 5 On n’entend pas… ˈọlan ˈcəd 8-12 PBt ’oulant ket, 10 ils ne veulent pas, 5 En cas de suffixation, par un pronom ou un adverbe, les mêmes règles prévalant toujours, /ˈcət/ se voit naturellement désaccentué : wiɑ͂ cə ˈme ALP ‘ouian ket-me… 5-08 3 je sais pas… ɡõˑzam cə ˈcæ͂jn… ALP ‘gomzamp ket ken… 5-08 13 on parle plus… La Bretagne Linguistique, 14 | 2009 2 La phrase négative en breton : de la phonologie à la syntaxe 6 L’expansion du groupe verbal provoque également le même effet, dans la mesure où malgré la présence de plusieurs groupes syntaxiques, sur le plan accentuel, on a bien la persistance d’un seul et même groupe : wiɑ͂ˑ cə ˌre JD ‘ouian ket re, 13-22 20 je sais pas trop, wiɐ cə ˈkõːs 13-24 TB ‘ouia ket komz. 95 elle ne sait pas le parler. ˌfɛrmɛn cə mə ˈduˑᵊr 9-14 MLG ’fermen ket ma dor 12 je fermais pas ma porte 7 Cependant, lorsque l’expansion du groupe verbal prend une certaine ampleur, il peut devenir nécessaire de diviser la séquence en plusieurs groupes accentuels. Les exemples ci-dessous montrent plusieurs cas de figure, illustrant des expansions de diverses natures : Groupe nominal ˈjə wiɛ ˈcə n dra ˈzə… SC eñ ‘ouie ket an dra-se… 4-05 45 Il ne savait pas ça… dəwi ˈcə ur ˈjœɦ arˈɡɑ͂ːt 12-20 MT ‘devoa ket ur yoc’h argant 33 Ils n’avaient pas beaucoup d’argent ma ɡõˑza ˈcə u ˈryd MLM ma gomza ket o zud La Bretagne Linguistique, 14 | 2009 5-08 98 3 La phrase négative en breton : de la phonologie à la syntaxe si leurs parents ne parlent pas Verbe (infinitif) ˈnɛlan ˈcə kõˈpɛrn 12-21 JnLB n’hellant ket kompren… 4 ils ne peuvent pas comprendre… nɛlɔm ˈcət mɔˈnɛ tə 13-24 TB N’hellemp ket monet da 27 On ne pouvait pas aller mə ˈmam ule ˈcə mɔnɛ 12-20 MT ma mamm c’houle ket 14 ma mère voulait pas Adverbe ɡõˑzam ˈcə trwaˈsət ALP ‘gomzamp ket troa-set 5-08 89 on parle pas assez ri ˈjɥæ͂ˑk ʃɔmɛn ˈcə triˈmæː TB ‘re yaouank ‘choment ket dre-mañ 13-24 71 les jeunes restaient pas ici Pronom relatif + subordonnée wiɑ͂ˑ ˈcə pəˈnoː TB ‘ouian ket penaos La Bretagne Linguistique, 14 | 2009 13-24 41 4 La phrase négative en breton : de la phonologie à la syntaxe Je ne sais pas comment wiˌ ɑ͂ ˈcə pəˈtrɑˑ lɑˑˈrɛt 4-05 VC ‘ouian ket petra lâret. 1 Je ne sais pas quoi dire. Conjonction + subordonnée wiɑ͂ ˈcət ma dwe PBt ‘ouian ket ket ma doa 8-12 12 je sais pas s’il y a 8 Il serait trop long de détailler l’analyse en groupes pour chaque phrase. Il suffit de dire qu’à chaque fois, l’accent portant sur /ˈcət/ indique la frontière entre les groupes, comme dans le schéma suivant, adapté de l’un des exemples ci-dessus : 9 [dəwi ˈcə ur ˈjœɦ arˈɡɑ͂ːt] / dəwe ˈcət 10 ur °jœh ɑrˈɡɑ͂d / Ces exemples sont somme toute assez simples à expliquer. Ils illustrent une fois de plus et tout simplement les principes généraux exposés précédemment (Le Pipec, 2005). Là où le mécanisme se grippe… 11 Tout à la quiétude de la belle régularité qui organisait en apparence l’économie accentuelle du breton de Malguénac, c’est à l’occasion d’une campagne de collectage préparatoire à l’Atlas Morphologique de la Basse-Bretagne, que je dus remettre en cause mes certitudes. À la question « on ne voit pas ça souvent », que je lui demandais de traduire, mon informatrice me répondit [ɥəˈlam cə n ˌdra zə liˈjiːs]. Forme qui me semblait cependant curieuse : selon le modèle développé jusqu’alors, l’accent, en vertu des groupes de sens, devait plutôt porter sur [ˈcət]. J’ai d’ailleurs pu vérifier que cette prononciation conforme au modèle est bien celle d’une locutrice de la génération suivante (c’est-à-dire celle des terminal speakers). J’ai donc estimé avoir mal entendu la première fois. Mais suite à un nouvel entretien, la forme que j’estimais erronée est à nouveau apparue, en concurrence cette fois avec un nombre infini de variantes4. En tirant le fil de la pelote, j’ai même pu constater que mon corpus de thèse comporte également un bon nombre de cas désorientants. Les phrases négatives se répartissent en fait en deux groupes, qui semblent numériquement équivalents : les uns se soumettent aux règles générales, le verbe et sa particule négative formant à eux deux La Bretagne Linguistique, 14 | 2009 5 La phrase négative en breton : de la phonologie à la syntaxe un groupe sémantique, et où l’accent affecte cette dernière ; mais pour le deuxième groupe, qui relève pourtant a priori des types de construction habituels, inexplicablement l’accent affecte la dernière syllabe du verbe et délaisse le /ˈcət/. La liste non-exhaustive d’exemples suivants en apporte l’illustration en soulignant les différents types d’expansion : Adjectif (et adjectif verbal) nə ɥəˈɛn cə kuˈpɑːp 13-24 TB ne vehen ket koupapl 110 je ne serais pas capable ɥəˈzį cə ˈlaˌkə di ˈɥe 5-08 MLM veze ket lakaet div wezh 128 on ne servait pas deux fois ɥəˈzɔm cə ˈpejə MT ‘vezemp ket paeet 12-20 33 on n’était pas payés Verbe (infinitif) a n əˈlɔm cə mɔˈnɛ tə JoLB Ha n’hellemp ket monet da 1-01 16 Et on ne pouvait pas aller riˈkɔm cə ɡɔˈbir PBt ‘rikehemp ket gober, 8-12 35 on ne devrait pas, wiˈjɑ͂ˑ cə ˈlɑˑrə in brəˈto͂ː MLG ‘ouian ket lâret en breton je sais pas dire en breton La Bretagne Linguistique, 14 | 2009 9-14 18 6 La phrase négative en breton : de la phonologie à la syntaxe Adverbe atraˈpam cə fɔˈnɑːb aˈnɛː ALP ‘atrapamb ket fonnabl anezhe 5-08 85 on les attrape pas vite ɥəˈlɔm cə ˌʒamɛ niˈtra MT ‘welemp ket james netra 12-20 53 on ne voyait jamais rien Pronom relatif + subordonnée wiˈɑ͂ˑ cə pəˈnɔz i wę PBt ‘ouian ket penaos e oa, 8-12 22 je sais pas comment c’était, wiˈɑ͂ cə pəˈtra z pə ˈɡrwɛj ˈtæ͂jn JLB ‘ouian ket petra ‘zo bet gwraet din ! 12-21 70 Je sais pas ce qu’on m’a fait ! Conjonction + subordonnée a uˈlan cə mˈhæj ər mirˈçɛ PBt ha ‘oulant ket m’hay ar merc’hed ne veulent pas que les filles aillent wiˈɑ͂ˑ cə ma ˌran ˈce͂jn TB ‘ouian ket ma rant ken… je sais pas s’ils font encore… La Bretagne Linguistique, 14 | 2009 12-21 9 8-12 10 7 La phrase négative en breton : de la phonologie à la syntaxe 12 Partant, en rapprochant deux des exemples donnés plus haut, l’organisation en groupes accentuels semble donc se répartir selon deux schèmes bien déterminés : Schème n° 1 : / nə hɛlɔm ˈcət mɔˈnɛt də… / (13-24-27) Schème n° 2 : /ɑ nə həˈlɔm cət mɔˈnɛt də… / (1-01-16) 13 Au vu de leurs occurrences dans le corpus, les deux schèmes semblent à peu près aussi courants l’un que l’autre. Tous les locuteurs ayant une bonne pratique de la langue les emploient et les font alterner sans problème. En revanche, comme on l’a mentionné brièvement plus haut, il y aurait chez la génération des terminal speakers une tendance à réaliser préférentiellement le schème n° 1. Ce qui est peu surprenant puisque celui-ci est à la fois le plus attendu et le plus conforme à la logique du français, seule langue bien maîtrisée par les jeunes générations et qui découpe également les groupes de souffle en fonction de leur congruence sémantique. Il n’est donc pas exclu que le schème n° 1 se soit développé (ou étendu) sous l’influence du français, même s’il serait imprudent de conclure trop rapidement dans ce sens. Éléments d’explication 14 Il reste que cette désaccentuation de /ˈcət/ est fort curieuse. Elle constitue une nette exception à la règle, puisque dans chacun des exemples mentionnés ci-dessus, le découpage sémantique ne se prête pas à ambiguïté. La réalisation de l’accent sur la dernière syllabe du verbe est même incohérente, puisque comme le montre la transcription phonologique illustrant le schème n° 2, le /cət/ se trouve de fait hors groupe accentuel. Or ce détail permet d’entrevoir une explication. En fait, il est possible que la répartition de l’accent reflète un état ancien de la langue. L’expression de la négation par /ˈcət/ est en effet une évolution relativement récente. Le vieux-breton l’exprimait uniquement par le premier élément, noté ne, ni, nit (Fleuriot, 1964b, § 126 & 182) et dont /nə/ et /nəd/ sont la continuation directe. Le /ˈcət/ apparaît dans la période du moyen-breton, c’est-à-dire entre la fin du Moyen Âge et les débuts des Temps Modernes. Mais encore faut-il préciser qu’il n’a pas dès cette époque un sens négatif, mais plutôt de renforcement de l’expression (indeed, Hemon, 1975, § 185). Or, ce que montre le schème n° 2, c’est que la langue continue à fonctionner conformément à la syntaxe ancienne, comme si le /ˈcət/ n’existait pas. Un trait général de la phrase négative ? 15 Cette caractéristique de la phrase négative n’est pas sans en rappeler une autre, que l’on peut observer sur le plan de la syntaxe. Les langues néo-celtiques, dans leurs états les plus anciens connus plaçaient généralement le verbe en tête de proposition (Even, 1987, p. 230, 320)5, sauf tournures particulières. C’est d’ailleurs toujours l’usage majoritaire en irlandais moderne, comme c’était la règle en vieux-breton (Fleuriot, 1964, § 182). Le breton, comme le gallois, n’en conservent que des traces, plus atténuées dans le cas du breton. Elles se voient néanmoins dans l’usage initial de certains verbes La Bretagne Linguistique, 14 | 2009 8 La phrase négative en breton : de la phonologie à la syntaxe forts (Favereau, 1997, § 538) ou par la forme locative du verbe être : -ema/emañ- (ibid., § 537). Ceci bien que les grammaires prescriptives à usage didactique soient souvent assez discrètes sur ce point, et tendent à traiter les occurrences de verbes en première position comme des exceptions. Le vieux-breton était donc une langue à structure V + S (verbe + sujet) majoritaire. L’évolution ultérieure de la langue a introduit une grande souplesse syntaxique, déplaçant le verbe en deuxième position, pour laisser la place à divers éléments, dont le sujet, en tête de la phrase (pour un résumé détaillé cf. Favereau, ibid., § 550). Rémanence de la syntaxe ancienne cependant, la tournure V + S reste à ce jour la plus attestée, au moins dans les parlers du Centre-Bretagne (Favereau, 2000). 16 Or la phrase négative semble bien abonder également dans le même sens. Les exemples suivants montrent les commutations possibles à partir d’une phrase assez simple, à la forme affirmative, et où le verbe est encadré et le sujet souligné6 : 17 La seule particularité remarquable, quoique bien connue, est la disparition du sujet en 2), exprimé par un morphème suffixé au verbe. À la forme négative, ces exemples se transforment pour donner les phrases suivantes : 18 La particule négative « ne » fait partie intégrante du groupe verbal. En revanche, la distribution accentuelle a montré que le second élément « ket » n’en est qu’un appendice optionnel, d’où sa notation en pointillé ici. Le fait central à observer cependant, est que la structure S + V disparaît. Même si dans l’exemple 3’), le groupe « An dud » représente le sujet sémantique, il ne remplit pas la fonction de sujet grammatical, puisque celui-ci est exprimé, comme dans l’exemple 2’) grâce au morphème « -ent ». La phrase 3’) peut donc donner l’illusion d’un schéma S + V, mais en réalité, le verbe continue de précéder le sujet, comme en vieux-breton. 19 Pour des raisons que l’on n’entrevoit guère, peut-être une moindre fréquence, il semblerait ainsi que l’on puisse parler, tant sur le plan phonologique que syntaxique, d’une tendance conservatrice de la phrase négative. La Bretagne Linguistique, 14 | 2009 9 La phrase négative en breton : de la phonologie à la syntaxe BIBLIOGRAPHIE DRESSLER W., « Essai sur la stylistique phonologique du breton », Études Celtiques, n° 14, 1974. EVEN A., Istor ar yezhoù keltiek, Lesneven, Hor Yezh, 1987 (reprint). FAVEREAU F., Grammaire du breton contemporain, Morlaix, Skol Vreizh, 1997. « Evolution of Bilingual Education in Brittany », Donostia: Ikastaria 12/Cuarnedos de Educacion, 2000. FLEURIOT L., Le vieux-breton, éléments d’une grammaire, Paris, Klincksieck, 1964. HEMON R., A Historical Morphology and Syntax of Breton, Dublin: Dublin Institute for Advanced Studies, 1975. LE PIPEC E., « Monet en-dro an taolioù-mouezh e brezhoneg Malgeneg », Hor Yezh, n° 243, 2005. NOTES 1. Ce qui est avancé ici est probablement vrai dans l’ensemble des parlers haut-vannetais, mais selon des modalités qui pourraient varier localement et qui restent donc à confirmer et à préciser. 2. Le matériau phonétique reproduit ici doit s’analyser phonologiquement en /nə hɛlɔm ˈcət/. 3. Cette tournure est générale et n’a pas de valeur emphatique dans le parler de Malguénac contrairement à d’autres parlers qui opposeraient des formes du type [nə ˈde ˈcət] à un plus faible [ne ˈcət] (selon A. BOCHÉ, cité par FAVEREAU, 1997, § 490). 4. Ceci parce que la composition des groupes sémantiques (et donc accentuels) peut varier très significativement selon la volonté qu’a le locuteur de mettre tel ou tel élément en exergue. Un échange un peu pointu fait rapidement émerger une collection de formes diverses telles que [ɥə ˈlam cə n ˌdra zə liˈjiːs] ; [ˈɥəlam cə n ˈdra ˈzə liˈjiːs] ; [ɥəlam ˈcə n dra zə liˈjiːs], etc. 5. Les inscriptions gauloises cependant présentent généralement un ordre Sujet + Verbe + Objet (EVEN, 1987, p. 44). 6. Les exemples avancés dans cette section sont proposés selon les normes littéraires que chacun reconnaîtra. RÉSUMÉS Le breton parlé à Malguénac (Morbihan) est une langue à accentuation par groupe de sens. L’accent principal émerge en fonction de la hiérarchisation de l’information, avec un pic de perceptibilité sur la dernière syllabe d’un groupe. L’examen des phrases négatives a cependant révélé un schéma inattendu. Les phrases négatives se répartissent en effet en deux catégories, à La Bretagne Linguistique, 14 | 2009 10 La phrase négative en breton : de la phonologie à la syntaxe peu près équivalentes : les unes se soumettent aux règles générales ; mais les autres accentuent la dernière syllabe du verbe et délaissent la particule négative /cət/, la laissant hors groupe accentuel. Ce détail refléterait un état ancien de la langue. L’expression de la négation par /ˈcət/ est en effet relativement récente. Le deuxième schéma accentuel montrerait donc que la prosodie de la langue continue bien souvent à fonctionner conformément à la syntaxe ancienne, avant l’apparition du /ˈcət/. On peut donc parler d’une tendance conservatrice de la phrase négative, qui doit être prise en compte dans l’analyse syntaxique de ces mêmes phrases. The Breton variety spoken in Malguénac (Morbihan) is a language in which stress depends on the meaning groups. The main stress emerges according to the hierarchy of information, with a peak of perceptibility on the last syllable of a group. A survey of the negative sentences, however, revealed an unexpected pattern. The negative sentences actually fall into two categories, which are roughly equivalent: some follow the general rules, but others stress the last syllable of the verb and leave the negative particle /cət/ out of the stress group. This detail would reflect an ancient state of the language. The expression of negation by /ˈcət/ is indeed relatively recent. The second accentual pattern would therefore show that the prosody of the language often continues to function according to the old syntax, before the appearance of /ˈcət/. We can therefore speak of a conservative tendency of the negative sentence, which must be taken into account in the syntactic analysis of these very sentences. INDEX Keywords : Breton (language), phonology, accentuation, prosody, negation, linguistics Mots-clés : breton (langue), phonologie, accentuation, prosodie, négation, linguistique AUTEUR ERWAN LE PIPEC Membre associé du CRBC-Rennes 2/UEB. La Bretagne Linguistique, 14 | 2009 11