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"Le vote obligatoire"
Dandoy, Régis ; Delwit, Pascal ; Pilet, Jean-Benoît
Document type : Contribution à ouvrage collectif (Book Chapter)
Référence bibliographique
Dandoy, Régis ; Delwit, Pascal ; Pilet, Jean-Benoît. Le vote obligatoire. In: Frognier André-Paul,
De Winter Lieven, Baudewyns Pierre, Elections: le reflux ? Comportements et attitudes lors des
élections en Belgique, De Boeck : Bruxelles 2007, p. 95-126
Available at:
http://hdl.handle.net/2078.1/156986
[Downloaded 2019/04/19 at 07:29:32 ]
CHAPITRE IV
LE VOTE OBLIGATOIRE
Régis DANDOY, Pascal DELWIT, Jean-Benoit PILET
Introduction : la problématique contemporaine de l’abstention
Depuis vingt ans maintenant, nombre d’observateurs et d’acteurs
politiques des démocraties s’alarment vis-à-vis d’un déclin brutal de la
participation électorale. Toute élection est désormais examinée à l’aune
non seulement des résultats qu’elle dévoile mais aussi du niveau de
l’abstention. Dans la communauté des politologues, il est désormais
commun d’épingler, dans plusieurs situations nationales, le parti des
abstentionnistes comme la première formation dans leur Etat1.
L’accroissement spectaculaire de l’abstention2 est d’autant plus commenté
qu’il est fréquemment associé, dans l’analyse, à l’affaiblissement des
performances électorales des partis dits gouvernementaux ou centripètes
au profit de partis anti-système ou centrifuges, notamment d’extrêmedroite. On assisterait en parallèle à l’élévation de l’abstention électorale et
au choix croissant en faveur de formations politiques qualifiées de
protestataires, d’anti-système ou d’essence séparatiste3. Analysant les
élections européennes de juin 1999, Offerlé dénombrait ainsi 72%
d’électeurs ayant « utilisé une rhétorique anti-appareils politiques »4.
Ces deux phénomènes renvoient alors eux-mêmes au thème de la
légitimité de l’élection et, donc, du régime de démocratie représentative 5.
Plus la participation est élevée, plus est légitime la démocratie considérée.
1
CHICHE J., DUPOIRIER E., dans PERRINEAU P., YSMAL C., 1998, p. 141 et HERAN F., dans
CAUTRES B., MAYER N., 2004, p. 351.
2
DELWIT P., dans HASTINGS M., DE WAELE J.-M., 2007.
3
REIF K., in REIF K., 1985, p. 2.
4
OFFERLE M., 1999, p. 39.
5
PURDAM K., FIELDHOUSE E., KALRA V., RUSSELL A., 2002, 14 et REIF K., 1984, p. 245.
96
Elections : le reflux ?
A contrario, un fort abstentionnisme rend moins légitime et/ou moins
robuste le système démocratique.
Les interprétations relatives à cet affaiblissement de la participation
électorale sont extrêmement nombreuses 6. Sans être mutuellement
exclusives, les points d’ancrage mis en évidence dans la littérature
diffèrent sensiblement selon les auteurs. Dans une enquête réalisée au
début des années nonante, Andolfatto avait isolé pas moins de sept profils
d’abstentionnistes : de condition, de doctrine, de conjoncture, d’errance,
de combat, de raison et de réserve7.
L’abstentionnisme de condition est celui sur lequel se sont sans doute
penchés le plus d’auteurs. La participation serait d’autant plus forte que
sera élevé le capital social, et inversement. L’inégalité devant la
participation électorale a été maintes fois soulignée. Et dans un temps de
précarisation de la condition du salariat8, de chômage élevé et d’inégalités
socioéconomiques croissantes, il ne serait pas étonnant de découvrir la
montée de cet abstentionnisme de condition sociale. Mais, d’autres
données ont été avancées.
Le fait est bien connu, la participation électorale tient aussi dans l’essence
des scrutins. Depuis les travaux dédicacés aux mid-terms elections, aux
élections intermédiaires9 ou aux second order elections10, la littérature en
science politique a clairement établi des différences notables sous l’angle
de la participation électorale. Ces taux différenciés tiennent dans la
considération envers le scrutin. Les élections de premier ordre sont vécues
et perçues par l’électorat comme les plus cruciales, et donc, celles pour
lesquelles ils sont le plus à même de se mobiliser. Les élections de
deuxième ordre sont reçues avec moins d’intensité sinon parfois de
l’indifférence complète. Elles génèrent de la sorte une mobilisation
nettement moins marquée11.
Au-delà de l’essence différente des scrutins, l’ampleur de la participation
électorale ou de l’abstention tient aussi à la polarisation de la campagne.
6
SUBILEAU F., TOINET M.-F., 1993.
ANDOLFATTO D., 1992.
8
CASTEL R., 1995.
9
PARODI J.-L., 2004.
10
REIF K., SCHMITT H., 1980 et McALLISTER L., 2004.
11
RALLINGS C., THRASHER M., 2005 et DELWIT P., POIRIER P., 2005.
7
Le vote obligatoire
97
Comme l’avait déjà épinglé André Siegfried12 au début du vingtième
siècle, en distinguant les élections d’apaisement des élections de combat,
la mobilisation est elle-même liée à l’acuité de la compétition électorale.
Isolant la très faible mobilisation électorale au scrutin britannique de
1997, plusieurs politistes ont rappelé cette dimension et la perception
d’une élection jouée d’avance dans l’esprit de nombreux citoyens 13. Dans
les scrutins majoritaires, les circonscriptions jouées d’avance génèrent une
très faible mobilisation14.
Des déterminants d’ordre sociodémographiques apparaissent cruciaux
dans le rapport à la participation électorale. Le niveau de capital scolaire
retient désormais particulièrement l’attention. Van Egmond, de Graaf &
Van Der Eijk l’identifient pour attester les différences de participation
électorale dans le cas hollandais 15. Soulignons toutefois l’existence d’un
conflit d’interprétation. Si nombre d’auteurs soulignent le rapport au
capital scolaire comme élément distinctif parmi les niveaux de
participation, d’autres mettent en évidence une élévation tendancielle du
capital scolaire et … de l’abstention. Aussi, si le niveau de diplôme se
décline comme un élément discriminant dans la participation électorale, il
ne serait pas l’élément principal, à même d’expliquer l’élévation des taux
d’abstention électorale. Ou alors, l’approche consisterait à observer une
chute drastique de la participation électorale parmi les catégories sociales
à faible capital social et / ou scolaire16.
Cette problématique renvoie au développement de l’individualisme,
interprété dans toutes ses dimensions. La première, valorisée, concerne la
liberté de l’individu : celle de choisir de voter ou non. En la matière, les
électeurs seraient plus exigeants. « Les citoyens des sociétés modernes
votent de moins en moins par devoir et par principe, ils veulent être
convaincus qu’ils ont de bonnes raisons d’aller voter avant de se déplacer
aux urnes. Le vote se rationalise et s’individualise, ce qui fait à la fois sa
grandeur mais aussi sa fragilité » pointe Pierre Bréchon17. Sous cet angle,
la participation électorale des jeunes générations inquiète fortement les
12
SIEGFRIED A., 1964.
PATTIE C., JOHNSTON R., 2001, p. 287.
14
DUVERGER M., 1992.
15
VAN EGMOND M., DE GRAAF NAN D. & VAN DER EIJK NAN D., 1998.
16
PACEK A., RADCLIFF B., 1995, p. 138.
17
BRECHON P., 2002.
13
98
Elections : le reflux ?
autorités politiques de nombre d’Etats démocratiques et focalise
l’attention des politologues 18.
Ces explications s’inscrivent le plus souvent dans des approches dites de
choix rationnel également mises en avant par Narud et Valen19 dans le cas
norvégien, et développées théoriquement par Blais 20, mais que conteste
vigoureusement Crepaz : « When people vote, they hardly do so on a
narrow rational basis »21.
Plus globalement, la montée de l’individualisme est fréquemment associée
au déclin des structures d’encadrement social, culturel ou politique. Or,
ces structures sont souvent des véhicules de la mobilisation, en ce compris
électorale. Radcliff et Davis ont ainsi montré l’impact de la force du
mouvement ouvrier et de ses organisations dans le taux de participation
aux élections. Plus hauts sont les taux de syndicalisation, plus élevés sont
les niveaux de participation électorale22. Or, pour ne reprendre que
l’exemple syndical ou des partis politiques 23, les taux de syndicalisation
ou d’adhésion sont tendanciellement déclinants et la mobilisation
électorale en serait affectée24.
Même si l’abstention systématique est toujours minoritaire, il reste qu’elle
semble augmenter dans le temps, ce qui confirmerait une autre explication
de l’affaissement de la participation électorale : l’accroissement de
postures de retrait de la société ou de la vie politique 25. La croissance de
l’abstention serait un signe de l’indifférence voire de la méfiance envers
« le » politique et ses acteurs conventionnels, les partis. Ceux-ci sont
aujourd’hui les plus mal aimés parmi les organisations et les institutions
sociales et politiques. Leur incapacité supposée à agir sur la première
préoccupation des citoyens, l’emploi et le chômage, a conduit à un
désenchantement qui s’est traduit dans les urnes 26. Franklin en fait son
hypothèse centrale : « My basic contention is simple : people vote in order
to affect the outputs of government in ways there are meaningful to them.
18
BOUT DE L'AN C., GREFFET F., 2004, et BIRCH S., WATT B., 2004.
NARUD HANNE M., VALEN H., 1996.
20
BLAIS A., 2000.
21
CREPAZ M., 1990.
22
RADCLIFF B., DAVIS P., 2000.
23
MAIR P., VAN BIEZEN I., 2000.
24
WATTENBERG M. P., 2002.
25
DESESQUELLES A., 2004.
26
MAYER N., PERRINEAU P., 1992, p. 143.
19
Le vote obligatoire
99
Low turnout thus reflects a paucity of choices for a lack of evident
connection between electoral choice and policy change »27.
Quels sont les impacts de ce recul de la participation électorale ? Nous
l’avons mentionné, la légitimité du scrutin et du régime serait affectée.
Mais il en va de même des résultats. La volatilité électorale est moins
importante pour saisir un résultat que le niveau de participation. Marc
Swyngedouw a ainsi pointé en quoi la victoire des partis de la gauche
plurielle en France à l’élection de 1997 avait été acquise grâce une
mobilisation meilleure de leurs électeurs que les formations de centredroite28. Comme le souligne Bernard Dolez, « à l’heure où les
abstentionnistes sont parfois plus nombreux que les votants, cela nous
rappelle que l’issue d’un scrutin dépend tout autant des électeurs qui
restent à l’écart des urnes que de ceux qui choisissent de prendre part au
vote »29.
Examiné dans une perspective globale, quel est l’impact supposé d’un
affaissement de la participation électorale ? Analysant les résultats
électoraux dans dix-neuf démocraties entre 1950 et 1990, Pacek et
Radcliff isolent une corrélation entre le niveau de participation et les
résultats : plus l’abstention est basse, plus le score pour les partis de
gauche est élevé30. A contrario, plus la participation est faible, moins
important est le total des votes pour les partis de gauche. Le phénomène
serait d’autant plus marquant que nous avons affaire à des formations de
gauche étroitement associées et dépendantes du vote de la classe ouvrière
traditionnelle. En d’autres termes, les partis de gauche seraient
tendanciellement les victimes de la croissance de l’abstention.
Face à ce qui est présenté comme une déferlante de l’abstention, plusieurs
responsables scientifiques et politiques se sont interrogés sur les remèdes.
Un grand volet des propositions s’est articulé autour de solutions
techniques : ouverture plus large des bureaux de vote, voté différé, vote
postal, vote électronique, vote Internet, voire vote SMS. Une voie plus
audacieuse consiste à prôner un changement du système électoral dès lors
que le mode de scrutin de type proportionnel dégagerait des taux de
participation électorale plus élevés que les modes de scrutins mixtes ou
27
FRANKLIN M.N., 1999, p. 206.
SWYNGEDOUW M., 2000.
29
DOLEZ B., 2000.
30
PACEK A., RADCLIFF B., op. cit.
28
100
Elections : le reflux ?
majoritaires aux élections nationales 31; de 4,5 points - majoritaire
uninominal - à 11,5 points - majoritaire plurninominal32. Mais dans le
domaine de la contrainte institutionnelle, la posture la plus radicale vise à
l’introduction ou la réintroduction de l’obligation de vote. Arend Lijphart,
en particulier, a animé le débat scientifique en promouvant cette solution
face la montée de l’abstention : « Compulsory voting cannot solve the
entire conflict between the ideals of participation and equality, but by
making voting participation as equal as possible, it is a valuable partial
solution »33.
La question du vote obligatoire nous conduit directement à un petit village
qui résiste… la Belgique. A vrai dire, la Belgique n’est pas seule. Le
Grand-Duché de Luxembourg ou la Grèce vivent aussi sous le régime du
vote obligatoire. Cette longue tradition (Cf. infra) a épargné l’Etat belge
de la chute de la participation électorale. Compte tenu de l’obligation de
vote, l’abstention est sensiblement plus faible en Belgique que dans les
Etats ou le vote n’est pas obligatoire (Cf. Tableau 1).
Tableau 1 : Taux de participation aux élections fédérales en Belgique
2003
91,63
1999
90,58
1995
91,15
1991
92,71
1987
93,37
1985
93,59
1981
94,56
Comment les Belges et, en particulier, les Wallons voient-ils cette
singularité ? Comme un anachronisme, comme une modernité ou plus,
trivialement, comme une contrainte morale intériorisée ? Que feraient-ils
si l’obligation de vote était abandonnée ?
Pour répondre à ces questions, et après avoir dressé le contexte dans
lequel le vote obligatoire peut être perçu aujourd’hui, nous aborderons la
31
LIJPHART A., 1997, p. 7-8; CREPAZ M., op. cit., p. 193.
BLAIS A., CARTY R.K., 1990, p. 175.
33
LIJPHART A., op. cit., p. 11.
32
Le vote obligatoire
101
contribution en deux temps. En première étape, nous reviendrons sur
l’histoire même du vote obligatoire en Belgique et les débats que cette
règle a générés dans l’espace temps contemporain. Dans une seconde
étape, nous analysons comment les Belges perçoivent l’obligation de vote
et ce que pourrait être leur comportement si celle-ci était levée.
Le vote obligatoire en Belgique
Aux origines du vote obligatoire en Belgique
Le vote obligatoire a été introduit dans la législation belge à la fin du dixneuvième siècle. A cette époque, le parlementarisme belge se déclinait
sous la forme d’un régime clairement élitaire, réservant la participation
politique à une faible part de la population. Pour les élections
parlementaires nationales, le droit de vote était attribué aux citoyens âgés
de 21 ans et plus, et payant un cens d’au moins 20 florins 34. En 1878,
étaient venus s’ajouter des critères capacitaires pour les élections
communales. Le droit de suffrage pouvait être obtenu via la réussite à un
examen électoral. On dénombrait alors 136.755 votants 35. Dès les années
1860, le passage au suffrage universel devint l’une des problématiques
cruciales, sinon la question centrale, en politique belge. Les partisans de la
démocratisation des élections se trouvaient parmi les libéraux
progressistes, emmenés par la figure emblématique de Paul Janson. Dans
ce combat, leur allié le plus fidèle sera le parti ouvrier belge (POB), créé
en 1885. Au sein du parti catholique, une frange était aussi gagnée aux
idéaux démocratiques. Les opposants agrégeaient surtout les libéraux
doctrinaires et les catholiques conservateurs.
Finalement, cette lutte aboutit en 1893 au suffrage universel masculin
tempéré par le vote plural. Le nouvel article 47 de la constitution donnait
le droit de vote à tous les citoyens de sexe masculin. Une ou deux voix
supplémentaires pouvaient être accordées à certaines franges de la
population. Les pères de famille âgés d’au moins 35 ans et propriétaires
d’un logement pour lequel ils devaient verser au moins 5 francs d’impôts,
les propriétaires d’un immeuble valant au moins 2000 francs, et ceux
recevant une rente d’au moins 1000 francs obtenaient une voix de plus.
34
MAGNETTE P., LUYTEN D., dans GUBIN E., NANDRIN J.-P., GERARD E. et WITTE E.,
2003.
35
VAN EENOO R., dans GUBIN E., NANDRIN J.-P., GERARD E. et WITTE E., op. cit.
102
Elections : le reflux ?
Une seconde voix supplémentaire était conférée sur la base de critères
capacitaires 36. L’électorat passa de la sorte de 136.755 électeurs à
1.370.687 (853.628 ayant une voix, 293.678 deux et 223.381 trois)37.
En complément à cette décision, l’obligation de vote fut instaurée, après
avoir déjà été débattue en 1858, en 1865 et en 1887. En 1893, la Belgique
devint le premier pays à introduire cette règle sur l’ensemble de son
territoire38. Son adoption ne se fit toutefois pas sans discussions. La
plupart des progressistes (libéraux et socialistes) et la majorité du camp
catholique défendaient cette mesure. Mais les libéraux doctrinaires et
quelques catholiques conservateurs qui avaient milité contre le suffrage
universel tentèrent d’empêcher son instauration39.
Du côté des promoteurs de l’obligation de voter, l’un des principaux
arguments était (déjà) la lutte contre l’abstention. Le taux de participation
naviguait alors entre 30 % et 40 % des inscrits. En 1843, il avait atteint
même un plancher de 14 %40. Avec l’extension du droit de suffrage, les
dirigeants politiques craignaient que de nombreux nouveaux électeurs,
peu intéressés par la chose publique, ne se déplacent pas pour voter. Le
vote obligatoire, assorti de sanctions, résoudrait ce problème.
La deuxième motivation du vote obligatoire, et sans doute celle qui fut la
plus déterminante, était la crainte des électeurs radicaux. Les
conservateurs redoutaient que les plus modérés parmi les électeurs soient
plus enclins à rester chez eux le jour de l’élection tandis que les plus
radicaux, principalement au sein du mouvement ouvrier, iraient voter.
Pour décliner les arguments de l’époque, « ce sont les éléments les plus
conservateurs, dans le sens large du terme, qui s’abstiennent, ce sont des
braves gens, indifférents ou timides. Ils ne songent pas qu’en agissant de
la sorte, ils cèdent le haut du pavé aux excessifs et aux violents qui eux
n’ont jamais besoin d’être poussés à se rendre au scrutin »41. Cette crainte
était d’autant plus forte que la conquête du suffrage universel avait été
36
Elle était accordée aux citoyens porteurs d’un diplôme universitaire et à ceux ayant terminé avec
fruit leurs études secondaires supérieures.
37
VAN EENOO R., op. cit., p. 60.
38
STENGERS J., 1990.
39
A la Chambre des représentants, le vote obligatoire fut approuvé par 94 voix (la majorité des élus
du parti catholique et de la gauche progressistes en plus de quelques libéraux doctrinaires) contre 38
(la majorité des libéraux doctrinaires, trois membres du parti catholique et trois de la gauche
progressiste), et deux abstentions.
40
DEWACHTER W., 1967, p. 79.
41
DUPRIEZ L., 1901, p. 119.
Le vote obligatoire
103
teintée de diverses démonstrations de force du mouvement ouvrier. La
grève générale et des manifestations étaient régulièrement utilisées. En
particulier, les grèves d’avril 1893, qui se terminèrent par des
affrontements violents et le décès de plusieurs manifestants,
impressionnèrent les dirigeants conservateurs42. Le mouvement socialiste
ne cachait d’ailleurs pas son intention de se servir du suffrage universel
pour réformer en profondeur la société43. Pour eux, il s’agissait d’une
étape centrale dans la prise du pouvoir par des moyens non
révolutionnaires 44. Pour la droite catholique, qui soutenait massivement le
vote obligatoire, il fallait à tout prix éviter de laisser le champ libre au
mouvement ouvrier du fait de l’apathie électorale des plus modérés.
Enfin, les intérêts partisans étaient évidemment pris en compte. Dans le
camp catholique, traditionnellement mieux ancré dans les zones rurales, le
vote obligatoire devait permettre de s’assurer le vote des paysans. Il fallait
que ces électeurs, supposés fidèles, ne rechignent pas à se déplacer
jusqu’au bureau de vote. Le POB et les libéraux progressistes voyaient
aussi cette mesure comme une bonne manière d’optimiser leur potentiel
électoral étendu suite à l’adoption du suffrage universel. Ces deux
formations redoutaient que la fraude électorale, l’intimidation ou
l’influence dont pouvait disposer certains notables - les patrons ou le
clergé -, ne soient utilisées pour inciter certains citoyens à ne pas se
déplacer jusqu’au bureau de vote.
En revanche, parmi les opposants au vote obligatoire, était brandi le
spectre de l’Etat tentaculaire. Pour les libéraux doctrinaires et certains
catholiques conservateurs, l’obligation de voter était perçue comme une
contrainte supplémentaire imposée par un Etat trop puissant, restreignant
la liberté individuelle. Charles Woeste, l’un des plus virulents opposants à
cette nouvelle règle, illustre bien ce point de vue en parlant de
« l’obligation qui nous presse, qui voudrait nous étouffer »45. On retrouve
aussi cette position de défense de la liberté individuelle chez ceux pour
lesquels l’abstention est un droit permettant au citoyen de manifester son
mécontentement à l’égard de la politique et des options qui lui sont
proposées sur le bulletin de vote.
42
MABILLE X., 1997.
DELWIT P., 2003.
44
BERGOUNIOUX A., MANIN B., 1979 & DELWIT P., 1994.
45
DUPRIEZ L., op. cit., p. 121.
43
104
Elections : le reflux ?
Les mises en cause du vote obligatoire en Belgique
Entre la fin du dix-neuvième siècle et les années 1970, le vote obligatoire
fut l’objet d’un consensus passif dans la classe politique et la société
belges. Dans le dernier quart de siècle, un débat fut cependant lancé sur
l’opportunité de maintenir le principe de l’obligation de vote. Deux
raisons sont à l’origine de ces réflexions nouvelles. D’une part, les PaysBas abolirent l’obligation de voter en 1970. Or, les évolutions
institutionnelles néerlandaises sont fort suivies en Belgique, tout
particulièrement en Flandre. Cette réforme chez le voisin du Nord
inaugura des réflexions nouvelles en Belgique. Par ailleurs, de nouveaux
partis régionalistes (la Volksunie, le Rassemblement Wallon et le Front
Démocratique des Francophones) firent leur apparition dans les années
1960 et connurent un succès grandissant dans la décennie suivante 46.
Outre des revendications d’essence régionaliste ou linguistique, les
programmes de ces formations comportaient des préoccupations de type
New Politics47 : les questions environnementales, de qualité de vie, mais
aussi de démocratie directe et de dépilarisation de la société belge. Dans
cette optique, divers élus de la Volksunie et du Rassemblement Wallon se
firent les relais de la mise en cause du vote obligatoire en Belgique.
Dans les années quatre-vingt, les velléités de suppression du vote
obligatoire s’étendirent à d’autres partis. ECOLO, le parti vert
francophone, et Agalev, son alter ego flamand, inscrivirent ce point à leur
programme dès le début de cette décennie48. En 1985, le Partij voor
vrijheid en vooruitgang (PVV, libéral flamand) fit de même. Bien que
présent dans tous ces programmes, le vote obligatoire n’était pourtant pas
l’objet de vifs débats sur la place publique. Les choses évoluèrent au
début des années nonante. A ce moment, Guy Verhofstadt prit la tête du
PVV qu’il transforma en VLD (Vlaamse Liberale en Democraten). Outre
cette nouvelle appellation, le futur Premier ministre imprima fortement sa
marque sur le programme de son parti en matière de droit électoral. Le
passage de la démocratie représentative à ce qu’il nomme la « Démocratie
du citoyen » (Burgerdemocratie) était un axe central du programme du
VLD. Cela se traduisit par l’inscription de plusieurs modifications du
système électoral comme le passage au scrutin majoritaire, l’élection
directe des leaders d’exécutifs et des bourgmestres, ainsi que la
suppression du vote obligatoire. La promotion de ce dernier point par le
46
Voir PILET J.-B. dans DELWIT P., 2005 et VAN HAUTE E., dans DELWIT P., 2005.
MULLER-ROMMEL F., 1989.
48
Programme ECOLO de 1981 et Programme Agalev de 1985.
47
Le vote obligatoire
105
président d’un des grands partis traditionnels permit à la discussion
d’entrer réellement dans l’espace médiatique. En l’espèce, tous les partis
furent amenés à prendre explicitement position. Dans l’espace
francophone et en Flandre, les deux familles dominantes - socialiste et
social-chrétienne - marquèrent leur volonté de maintenir le vote
obligatoire. Le SP, le PS, le CVP et le PSC furent d’ailleurs rejoints en
1995 par un ancien défenseur de l’abolition, ECOLO. Pour leur part, les
libéraux francophones (PRL) apparaissent divisés sur la question. En
1995, le programme du PRL prend comme plus petit commun
dénominateur de demander l’ouverture du débat au parlement sur ce point,
sans préciser dans quelle direction le PRL souhaitait mener les
discussions49. Mais l’arrivée de Louis Michel à la tête du parti change la
donne : la ligne officielle est de défendre le vote obligatoire : « Selon moi,
ce droit est inséparable d’un devoir : le vote est aussi un devoir exercé au
nom et au profit de la société. C’est la raison pour laquelle je demeure
attaché au principe de l’obligation de vote »50. Quant à l’extrême-droite
flamande, bien que relativement discrète sur la question, elle se prononça
en faveur de la suppression du vote obligatoire comme en atteste une
proposition de loi déposée en 1994 par son chef de file, Filip Dewinter 51.
De façon intéressante, les arguments mobilisés au cours des années
nonante sont assez proches de ceux entendus un siècle plus tôt lors de
l’adoption du vote obligatoire. Dans le camp des abolitionnistes,
l’argument central est le même qu’un siècle auparavant : la liberté du
citoyen. Le fer de lance en la matière est le parti libéral flamand (VLD)
pour qui « nul ne peut être obligé à choisir ses représentants contre son
gré »52. Les partisans de la règle font, eux-aussi, appel au même répertoire
que leurs prédécesseurs de la fin du dix-neuvième siècle. En obligeant les
Belges à s’exprimer lors des élections, la démocratie belge en sortirait
renforcée. Le vote obligatoire permettrait que la voix du peuple évite de
laisser le pouvoir à une élite. Les propos inscrits dans le programme des
socialistes flamands pour les élections de 1995 illustrent parfaitement ce
point de vue. Pour le SP, « le vote obligatoire permet de veiller à ce que le
Parlement ne soit pas comme la Société Générale où seule une minorité
49
Programme PRL-FDF, Il y a du changement dans l’air, 1995.
MICHEL L., in DELWIT P., DE WAELE J.-M., 1998.
51
Document parlementaire 48K1332, Chambre des représentants, 28/02/1994 (signataire : Dewinter,
Filip – Vlaams Blok).
52
Texte du congrès du VLD De bugerdemocratie, Gand, 22-24/11/1993, p. 11.
50
106
Elections : le reflux ?
de riches actionnaires détient le pouvoir … grâce à l’absence d’une
majorité de petits actionnaires »53.
Comme en 1893, la question de l’abstention est au cœur du débat dans les
années nonante. Toutefois, à l’inverse de ce qui se passait à la fin du dixneuvième siècle, la non-participation aux élections est, cent ans plus tard,
un problème hypothétique et non plus réel en Belgique. En effet, comme
nous l’avons pointé, le vote obligatoire a permis de maintenir des taux de
participation très élevés, en décalage avec les évolutions dans d’autres
pays européens. La crainte d’un fort abstentionnisme dans l’hypothèse de
la suppression du vote obligatoire est très présente dans l’esprit des
décideurs. L’exemple de pays voisins les préoccupe fortement. Pour les
partisans du maintien, il serait paradoxal de mettre fin au vote obligatoire
au moment même où plusieurs responsables politiques et journalistes
étrangers s’intéressent à la mesure telle que pratiquée en Belgique pour
juguler la vague abstentionniste.
Pour les sociaux-chrétiens et des socialistes, la problématique de
l’abstention prend une connotation particulière. La fin du vote obligatoire
aboutirait à un participation beaucoup plus ténue des citoyens aux capital
social et culturel les plus faibles : « [le vote obligatoire] est la meilleure
garantie de la prise en compte de chacun dans notre système
démocratique. Il évite la mise à l’écart et assure que les moins éduqués,
des plus faibles restent encore à l’agenda politique »54. Pour l’ancien
vice-Premier ministre Herman Van Rompuy (CVP), « il faut bien se
rendre compte que ce sont les groupes de revenus les plus faibles qui
renonceront les premiers à exercer leur droit de vote »55.
La raison principale qui avait mené à l’adoption du vote obligatoire en
1893 était d’éviter que les électeurs les plus radicaux, donc les plus
mobilisés, ne fassent basculer le rapport de forces politique. Dans le camp
conservateur, la peur du mouvement ouvrier était forte. Un siècle plus
tard, la crainte de l’impact potentiel du vote obligatoire sur le rapport de
forces entre partis est encore bien présente dans le débat mais d’une toute
autre manière. Fin du dix-neuvième siècle, c’était un mouvement ouvrier
radical mais démocratique qui effrayait le pouvoir en place. Dans la
période contemporaine, il est question des partis anti-système, plus
particulièrement de l’extrême-droite flamande (Vlaams Blok). Face à cette
53
Programme SP, De Versterkte Democratie, 1995, p. 32.
SP, Toekomstcongres, 1998.
55
VAN ROMPUY H., 1993, p. 75.
54
Le vote obligatoire
107
menace, le vote obligatoire n’est plus forcément vu comme la solution
mais comme l’une des causes du problème. Pour les parlementaires de la
Volksunie, « les électeurs qui ne souhaitent pas participer au scrutin
votent inconsidérément ou, par réaction contre l’obligation de vote,
apportent leurs suffrages, sans partager eux-mêmes ces idées, à des partis
qui défendent les thèses les plus extravagantes ou les plus extrémistes, et
perturbent ainsi le fonctionnement normal de la démocratie »56. Le VLD
s’inscrit dans le même raisonnement : « L’obligation de vote génère
notamment un comportement électoral marqué par le mécontentement et
le rejet de la politique »57. Pour autant, cette opinion n’est pas
nécessairement vérifiée (Cf. infra).
Les Belges et le vote obligatoire
Quel jugement les Belges portent-ils sur le vote obligatoire ? Iraient-ils
toujours voter si l’obligation qui leur est faite de se rendre aux urnes le
jour d’un scrutin était levée ?
Il est bien sûr difficile de répondre à une supputation. La question soumise
aux sondés est virtuelle. Il n’en reste pas moins qu’elle permet d’évaluer
de façon globale le rapport au vote et à l’obligation qui y est assortie.
Interrogés sur leur comportement dans l’hypothèse de la suppression de
l’obligation de vote58, plus de 39% des Belges affirment, en 2003, qu’ils
se rendraient toujours aux urnes lors des élections nationales. Ce chiffre
est significatif mais en claire diminution par rapport à 1999.
En effet, en 1999 près de la moitié des répondants signalaient qu’ils
continueraient inconditionnellement à voter. Il y a ainsi un recul de huit
points quatre ans plus tard. De manière quasi similaire, le nombre de
répondants qui affirment qu’ils n’iraient plus jamais voter s’est accru de
plus de huit points entre 1999 et 2003, s’établissant désormais à 29,5% de
la population. Si la catégorie « J’irai toujours voter » est toujours de loin
56
Document parlementaire 48K1756, Chambre des représentants, 15/03/1995 (signataires : Sauwens,
Johan, Anciaux, Vic, Caudron, Johan, Lauwers, Herman, Olaerts, Hugo, Van Grembergen, Paul et
Van Vaerenbergh, Etienne – VU).
57
Document parlementaire 48K1768, Chambre des représentants, 23/03/1995 (signataires : Dewael,
Patrick, Chevalier, Pierre, Denys, André, Gabriels, Jaak et Verhofstadt, Guy – VLD).
58
La question est formulée dans les termes suivants : « Si le vote n’était plus obligatoire aux élections
nationales en Belgique, iriez-vous toujours voter, la plupart du temps voter, parfois voter, jamais
voter ou vous ne savez pas encore ? ».
108
Elections : le reflux ?
la plus importante, ces quelques 30% de répondants qui affirment ne plus
jamais se rendre aux urnes sont représentatifs d’une évolution non
négligeable.
Tableau 2 : Comportement des Belges dans l’hypothèse de la
suppression de l’obligation de vote
Toujours
La plupart du temps
Parfois
Jamais
Ne sait pas
2003
39,30%
14,30%
14,40%
29,50%
2,50%
1999
47,30%
14,90%
11,50%
21,50%
4,60%
Evolution
- 8,0 points
- 0,6 points
+ 2,9 points
+ 8,0 points
- 2,1 points
Pondéré par âge, sexe et éducation
Au plan régional, les différences restent importantes. Elles témoignent de
manière quasi uniforme de cette diminution par rapport à 1999. La
Flandre est la région belge où le nombre d’individus (35,9 %) affirmant
qu’ils se rendraient toujours aux urnes est le plus faible, soit un score
inférieur de près de 10 points à la Région bruxelloise, où une grande
proportion des répondants exerceraient systématiquement leur droit de
vote (44,7 %).
Néanmoins, l’affaissement des participationnistes systématiques est
corroboré dans les trois Régions, et principalement à Bruxelles (-14,3
points), par rapport à 1999. En parallèle, le nombre d’abstentionnistes
structurels s’est accru dans les trois Régions du Royaume. Il se fixe à
30,9 % en Flandre, à 27,9 % en Wallonie et à 25,5 % à Bruxelles.
Le vote obligatoire
109
Tableau 3 : Comportement dans les régions dans l’hypothèse de la
suppression de l’obligation de vote
Toujours
La plupart du temps
Parfois
Jamais
Ne sait pas
Flandre
35,9% (42,9%)
16,1% (17,9%)
14,6% (14,1%)
30,9% (25,1%)
2,50%
Wallonie
43,9% (51,3%)
11,5% (9,4%)
13,9% (10,0%)
27,9% (29,3%)
2,80%
Bruxelles
44,7% (59,0%)
13,0% (15,7%)
14,9% (10,4%)
25,5% (14,9%)
1,90%
Entre parenthèses: le score en 1999 - Pondéré par âge, sexe et éducation
Suppression de vote et profils sociodémographiques
Penchons-nous désormais sur les différents profils et leur rapport à la
suppression éventuelle de l’obligation de vote. De manière similaire à De
Winter, Dumont et Ackaert59, l’opérationnalisation des données pour les
analyses qui suivent s’est effectuée de façon dichotomisée. Pour des
raisons de traitement statistique, nous avons divisé les catégories de
réponse entre voter « toujours », d’une part, et, d’autre part, « la plupart
du temps ; parfois ; jamais » si on supprimait le vote obligatoire. Cela ne
nous laisse plus que deux catégories opposables et facilement
interprétables. Nous traiterons essentiellement du cas des Wallons.
En ce qui concerne le profil sociodémographique des Belges qui déclarent
toujours aller voter si le vote n’était plus obligatoire, certaines différences
non négligeables sont à remarquer. Outre le fait que les hommes auraient
légèrement plus tendance que les femmes à toujours se rendre aux urnes,
l’âge a une influence significative sur ce comportement. Les catégories les
plus jeunes de la population belge ainsi que spécifiquement wallonne sont
celles qui se rendraient toujours aux urnes (plus de 51 % des jeunes
wallons de 18 à 24 ans), alors que ce comportement électoral décroît
rapidement avec l’âge : ils ne sont plus que 46,8 % pour les 25-34 ans,
46,9 % pour la classe d’âge des 35-44 ans et seulement 42,9 % pour les
45-54 ans. Les catégories les plus âgées de la population se stabilisent
autour des 42 %. De manière notable, cette hypothèse irait à l’encontre
des observations relevées dans la littérature scientifique dédicacée aux
abstentionnistes. On y relève en effet un abstentionnisme
exceptionnellement élevé parmi les jeunes.
59
DE WINTER L., DUMONT P., ACKAERT J., dans FROGNIER A.-P., AISH A.-M., 2003.
110
Elections : le reflux ?
Tableau 4 : Pourcentage des électeurs qui iraient toujours voter (par
classe d’âge, en 2003)
18-24
25-34
35-44
45-54
55-64
65 et plus
Total
Belgique
44,80%
43,00%
40,80%
38,30%
40,00%
37,20%
N
103
161
173
148
120
166
871
Wallonie
51,20%
46,80%
46,90%
42,90%
42,20%
43,20%
N
43
59
68
60
43
67
340
Pondéré par âge, sexe et éducation
Le rapport à l’activité professionnelle est aussi une variable qui influence
fortement sur le comportement face à l’obligation de vote. La proportion
des individus ayant un emploi rémunéré affirmant qu’ils iraient toujours
voter est sensiblement supérieure à celle des inactifs professionnels –
chômeurs, pensionnés, étudiants, invalides.
Mais le type d’emploi est aussi déterminant. La catégorie socioprofessionnelle qui exercerait le plus son droit de vote est celle des cadres
et des dirigeants wallons : 59 % d’entre eux se rendraient
systématiquement aux urnes. A contrario, un peu plus de 30 % des
travailleurs non qualifiés iraient encore dans l’isoloir si le vote était
obligatoire. Entre ces deux extrêmes, se situent les indépendants (41,1 %),
les travailleurs qualifiés (41,7 %) et les employés (35,7 %).
Tableau 5 : Pourcentage des électeurs qui iraient toujours voter (par
profession, en 2003)
Cadres – Dirigeants
Employés
Indépendants
Travailleurs qualifiés
Travailleurs non qualifiés
Sans réponse
Total
Belgique
52,20%
35,20%
40,10%
39,20%
27,70%
34,20%
N
329
116
61
62
89
90
747
Wallonie
59,00%
35,70%
41,10%
41,70%
30,80%
46,60%
N
128
41
23
25
28
41
286
Pondéré par âge, sexe et éducation
Qu’en est-il de la relation au placement subjectif dans une classe sociale
déterminée ? En la matière, nous observons de sensibles différences. Les
individus wallons se situant dans une classe sociale moyenne supérieure
ou dans une classe supérieure (respectivement 58,1 % et 51,6 %)
Le vote obligatoire
111
annoncent beaucoup plus une propension au vote systématique que ceux
qui estiment appartenir aux classes moyennes inférieures ou ouvrière
(respectivement 41,7 % et 36,5 %).
Tableau 6 : Pourcentage des électeurs qui iraient toujours voter (par
classe sociale subjective, en 2003)
Classe ouvrière
Classe moyenne inférieure
Classe moyenne supérieure
Classe supérieure
Ne sait pas
Total
Belgique
28,30%
42,70%
52,70%
47,50%
45,50%
N
226
283
309
28
25
971
Wallonie
36,50%
41,70%
58,10%
51,60%
59,10%
N
104
85
122
16
13
340
Pondéré par âge, sexe et éducation
Ces différences significatives dans les domaines de l’emploi et de la
classe sociale pourraient-elle être expliquées par le niveau de capital
scolaire ? Cette relation avec le comportement de vote est conséquente et
paraît même linéaire. Seuls 29,7 % des électeurs wallons qui n’ont jamais
dépassé les études primaires iraient toujours voter. Ils seraient 40,1 %
parmi ceux qui ont atteint le secondaire inférieur et 45,8 % parmi ceux qui
ont terminé leurs secondaires. Parmi les répondants à fort capital scolaire,
le total s’élève : 55,9 % des répondants ayant effectué des études
supérieures non universitaires et 74,2 % des universitaires iraient
systématiquement voter. Les chiffres sont révélateurs : près de trois quarts
des universitaires se révèleraient être des participationnistes systématiques
pour moins d’un tiers des répondants wallons n’ayant pas dépassé les
études primaires.
112
Elections : le reflux ?
Tableau 7 : Pourcentage des électeurs qui iraient toujours voter (par
niveau de capital scolaire, en 2003)
Primaire
Secondaire inférieur
Secondaire supérieur
Supérieur
Universitaire
Total
Belgique
24,80%
34,60%
41,70%
52,80%
66,50%
N
121
149
295
189
117
871
Wallonie
29,70%
40,10%
45,80%
55,90%
74,20%
N
47
65
115
66
46
339
Pondéré par âge, sexe et éducation
Le rapport à la religion semble avoir un effet sur le comportement
électoral. La fréquence de la pratique religieuse, dans le chef des
répondants affirmant appartenir au catholicisme ou au christianisme, est
statistiquement liée au fait que le répondant irait toujours voter. Les
pratiquants réguliers wallons seraient plus nombreux (61,2 %) que les
pratiquants occasionnels (37,4 %) à annoncer un vote systématique. Les
tenant d’une autre religion ne semblent pas révéler de comportement
différent des chrétiens.
Enfin, remarquons que 51,9 % des libres penseurs wallons se rendraient
toujours aux urnes tandis que les athées ne seraient que 40,4 % à être des
participationnistes structurels.
Le vote obligatoire
113
Tableau 8 : Pourcentage des électeurs qui iraient toujours voter (par
croyance religieuse, en 2003)
Sans religion
Libre penseur
Autre religion
Catholique (ou chrétien) marginal
Catholique (ou chrétien) irrégulier
Catholique (ou chrétien) pratiquant
Sans réponse
Total
Belgique
43,60%
52,90%
43,50%
33,10%
43,30%
47,60%
12,50%
N
123
101
50
301
174
121
1
871
Wallonie
40,40%
51,90%
47,60%
37,40%
51,10%
61,20%
N
46
42
20
110
68
52
338
Pondéré par âge, sexe et éducation
L’autopositionnement des répondants sur un axe gauche-droite présente
un schéma particulier et extrêmement variable si le répondant déclare se
situer plutôt à gauche, au centre ou plutôt à droite. Sa représentation
graphique en forme de ‘M’ témoigne qu’il y a peu de différence flagrante
sur cette question de l’obligation de vote entre ceux qui se classent à
gauche et ceux qui se situent à droite. Par ailleurs, les catégories de la
population qui se positionnement exactement au centre de cet axe sont
celles qui iraient le moins souvent voter si le vote n’était plus obligatoire
en Belgique. A l’opposé, les individus se situant clairement à gauche (aux
alentours du chiffre « 2 ») ou clairement à droite (aux environs du chiffre
« 9 ») seraient les plus participationnistes. Plus globalement, on pourrait
supposer que les électeurs qui parviennent à se placer sur cet axe sont
ceux qui perçoivent la différence idéologique entre la gauche et la droite
ainsi que l’utilité, en cette matière, des élections et de l’importance du
vote.
114
Elections : le reflux ?
Graphique 1 : Pourcentage des électeurs belges qui iraient toujours
voter (autopositionnement gauche-droite, en 2003)
Pondéré par âge, sexe et éducation
Le graphique wallon (Graphique 2) témoigne de niveaux de participation
potentielle supérieurs, tant à gauche qu’à droite, tout en obéissant à la
même structure générale que celle de la figure précédente.
Le vote obligatoire
115
Graphique 2 : Pourcentage des électeurs wallons qui iraient toujours
voter (autopositionnement gauche-droite, en 2003)
Pondéré par âge, sexe et éducation
Si l’on croise le comportement en cas de suppression de l’obligation de
vote avec une variable de connaissance politique, les chiffres sont
éclairants. La connaissance politique est évaluée à partir de cinq questions
de « connaissance générale » sur la politique (allant de la politique locale
à la politique étrangère). Les résultats se donnent à voir sur une échelle
allant de 0 à 5 (0 = aucune bonne réponse et 5 signifiant cinq bonnes
réponses). 83,3 % des répondants wallons qui ont un maximum de bonnes
réponses continueraient à toujours aller voter, alors que 56,1 % de ceux
qui ont quatre bonnes réponses sur cinq adopteraient le même
comportement. On note une nette tendance à la baisse de participation
électorale en fonction du degré de connaissance politique : moins un
citoyen connaît la politique, moins il ira systématiquement voter. Pour
preuve, parmi les Wallons qui n’ont trouvé aucune bonne réponse aux
cinq questions posées, on ne recense que 31,1% d’entre eux qui se
rendraient toujours aux urnes.
116
Elections : le reflux ?
Tableau 9 : Pourcentage des électeurs qui iraient toujours voter (par
bonne réponse en matière de connaissance politique, en 2003)
5
4
Belgique
70,90%
52,80%
N
39
102
Wallonie
83,30%
56,10%
N
10
23
3
2
1
48,90%
41,70%
32,60%
209
292
174
57,00%
48,30%
36,80%
81
116
68
0
Total
21,90%
55
871
31,10%
41
339
Pondéré par âge, sexe et éducation
Pour résumer, la suppression de l’obligation de vote aurait un impact
considérable sur la frange particulièrement fragile de la population,
singulièrement en termes socioéconomiques. Certaines catégories de la
population déserteraient les isoloirs : les sans-emplois, les citoyens à
faible capital scolaire, les travailleurs non-qualifiés ou encore ceux
s’estimant appartenir à la classe ouvrière.
Suppression de l’obligation de vote et résultats électoraux
Quels pourraient être les effets de la suppression de l’obligation de vote
sur les rapports de force électoraux et politiques ?
Au sud de la frontière linguistique, le paysage politique est assez dispersé
sur le comportement relatif à l’éventualité de supprimer le vote
obligatoire. De manière générale, les électorats de tous les partis
enregistrent un déclin des participationnistes structurels comparé aux
données de 1999. Mis à part ECOLO, les trois partis dits « traditionnels »
voient une part significative de leur électorat affirmer ne plus vouloir
toujours voter. En 2003, près de 55,1 % des électeurs d’ECOLO et du
CDH affirment qu’ils continueraient à aller voter systématiquement,
tandis que seuls 42,8 % des électeurs socialistes feraient de même. Les
électeurs MR (52,2 %) se situent entre ces deux pôles. Sur cette base, on
pourrait imaginer que le PS a le plus à perdre d’une réforme alors que
ECOLO et le CDH, y auraient le plus à gagner. Cette interprétation rapide
doit être nuancée. Le même travail mené en 1999 conduisait à des
résultats différents. ECOLO semblait alors avoir le plus à perdre. Il s’agit
bien sûr de voir les « termes » de chaque élection pour saisir certaines
Le vote obligatoire
117
évolutions. En 1999, le PS était un perdant du scrutin et ECOLO le
principal gagnant. En 2003, c’était l’inverse. On ne s’adresse donc pas
nécessairement aux mêmes électeurs. Ceux d’ECOLO en 2003 constituent
le socle fidèle du parti. Leur profil n’est pas identique aux électeurs
volatils.
Tableau 10 : Electeurs wallons déclarant qu’ils iraient toujours voter
(par parti)
PS
MR
CDH
ECOLO
Total
2003
42,50%
51,80%
56,90%
56,10%
N
88
73
62
37
260
1999
58,10%
59,80%
71,00%
54,10%
N
180
171
115
131
597
Evolution
- 15,6 points
- 8,0 points
- 14,1 points
+ 2,0 points
Pondéré par âge, sexe et éducation
Par ailleurs, si l’on procède à la somme des voix des petits partis (Vivant,
RESIST, du Front National, du PTB-UA et des « autres partis ») (N=29)
dans l’échantillon belge pris ici comme référence pour obtenir un nombre
de cas suffisant, ils n’apparaissent pas comme les perdants potentiels de la
suppression de l’obligation de vote. En effet, 48,3 % des répondants
déclarent qu’ils continueraient à toujours voter. Ce chiffre est quasiment
identique à celui de la moyenne des autres partis, signifiant que, en votant
pour ces petits partis, les électeurs n’émettent pas nécessairement un
« vote de protestation » parce qu’ils sont obligés d’aller voter. Le vote
obligatoire en Belgique ne peut donc pas être considéré comme une règle
qui favorise l’émergence de nouveaux partis sur la scène politique.
Enfin, si l’on agrège, pour l’année 2003, les catégories « vote blanc »,
« vote nul » et « ne s’est pas rendu aux urnes », nous obtenons un
échantillon de 174 individus (8,4 % des électeurs de l’échantillon). Parmi
tous ces non-votants et ces bulletins nuls ou blancs, seuls 17,2 % des
sondés déclarent qu’ils iraient toujours voter. Ce sont principalement ceux
qui ont voté blanc et nul qui sont ceux qui se rendraient le moins souvent
aux urnes si le vote n’était plus obligatoire. Ils seraient respectivement
8,9 % et 5,6 % à participer systématiquement aux élections. En ce qui les
concerne, 28,7 % des électeurs qui n’ont pas voté en 2003 continueraient
toujours à aller voter lors des futures élections nationales. Cette donnée
atteste qu’une facette du vote de protestation en Belgique s’exprime par
un plus grand nombre de bulletins blancs ou non valables que la moyenne
européenne.
118
Elections : le reflux ?
Confiance et représentativité du Parlement
Lorsque l’on pose la question « Pensez-vous que les attentes des électeurs
sont très bien, assez bien, pas bien ou pas du tout représentées par les
élus ? », les résultats sont fortement liés au fait de se rendre aux urnes
dans l’hypothèse où le vote ne serait plus obligatoire. 54,3 % des
répondants wallons qui estiment être bien représentés par les élus
continueraient à toujours aller voter, tandis que les individus les plus
désabusés par rapport au processus électoral et au principe de la
représentation, c’est-à-dire ceux qui estiment ne pas du tout être
représentés par ceux qui siègent au parlement, ne sont qu’un peu plus du
quart (25,6 %) à affirmer leur volonté de voter à chaque élection. En
d’autres mots, si l’on estime être bien représenté lors des élections, on
aura plus tendance à continuer à aller voter systématiquement.
Tableau 11 : Pourcentage des électeurs qui iraient toujours voter (par
représentativité des électeurs, en 2003)
Belgique
Très bien
Assez bien
Pas bien
Pas du tout
Ne sait pas
Total
N
63,60%
46,80%
36,60%
23,60%
23,20%
Wallonie
42
532
203
34
60
871
N
54,30%
51,40%
41,80%
25,60%
33,00%
19
197
74
11
37
338
Pondéré par âge, sexe et éducation
Interrogés sur la question de savoir si leur vote peut faire la différence, ou
l’inverse, les résultats observés sont parallèles avec les réponses à la
question précédente. Plus l’individu est persuadé que son vote aura une
influence ou, à tout le moins, qu’il permet de faire une quelconque
différence, plus il aura tendance à toujours aller voter. A contrario, seuls
23,7 % des gens qui estiment que leur vote ne changera rien se rendraient
toujours aux urnes.
Le vote obligatoire
119
Tableau 12 : Pourcentage des électeurs qui iraient toujours voter (par
importance du vote, en 2003)
Voter ne changera rien (1)
-2
-3
-4
Voter fait une différence (5)
Ne sait pas / Non réponse
Total
Belgique
20,60%
28,30%
37,70%
49,90%
55,20%
23,60%
N
51
88
211
336
170
15
871
Wallonie
23,70%
33,30%
43,20%
59,40%
60,80%
36,40%
N
27
36
92
98
76
8
337
Pondéré par âge, sexe et éducation
Enfin, la question de la confiance dans le Parlement et dans les partis
politiques s’avèrerait aussi déterminante dans le comportement électoral,
dès lors que le vote ne serait plus obligatoire. Près de deux tiers des
citoyens wallons qui font confiance au Parlement (66,4 %) et / ou aux
partis politiques (60,4 %) affirment qu’ils voteraient toujours. A l’inverse,
ceux qui font le moins confiance en ces institutions seraient peu nombreux
à se rendre aux urnes (27,2 % pour ceux qui se méfient fortement du
parlement et 25,5 % pour ceux qui n’ont aucune confiance en les partis
politiques). Au final, les personnes qui font confiance au Parlement, qui
estiment être bien représentées et dont le vote a une quelconque influence
sont ceux qui, par définition, ont le plus tendance à toujours aller voter
dans l’hypothèse de la suppression du caractère obligatoire du vote. La
méfiance par rapport aux institutions (Parlement ou partis politiques), le
fait de croire que son vote ne changera rien ou que l’on est mal représenté
sont autant d’éléments qui contribuent à éloigner le citoyen des bureaux
de vote.
120
Elections : le reflux ?
Tableau 13 : Electeurs qui iraient toujours voter, en fonction de leur
confiance dans le Parlement (%, en 2003)
Beaucoup de confiance
Confiance
Ni confiance ni
méfiance
Méfiance
Beaucoup de méfiance
Ne sait pas
Total
Belgique
61,1%
64,6%
41,8%
N
11
254
387
Wallonie
42,9%
66,4%
47,3%
N
3
99
155
29,2%
19,3%
23,4%
169
38
11
870
32,5%
27,2%
33,3%
54
22
6
339
Pondéré par âge, sexe et éducation
Tableau 14 : Electeurs qui iraient toujours voter, en fonction de leur
confiance dans les partis politiques (%, en 2003)
Partis politiques
Beaucoup de confiance
Confiance
Ni confiance ni
méfiance
Méfiance
Beaucoup de méfiance
Ne sait pas
Total
Belgique
87,5%
63,8%
45,6%
N
7
150
419
Wallonie
80,0%
60,4%
50,8%
N
4
61
152
34,4%
19,2%
9,7%
242
51
3
872
40,8%
25,5%
22,2%
93
28
2
340
Pondéré par âge, sexe et éducation
Conclusion
Avec le Grand-Duché de Luxembourg, la Grèce et Chypre, la Belgique est
l’un des rares Etats européens à pratiquer le principe du vote obligatoire
pour tous les scrutins qui y sont organisés : élections communales,
provinciales, régionales, fédérales et européennes. Cette obligation a
permis de conserver des taux de participation très élevés alors même que
la participation électorale s’est largement érodée dans de nombreux Etats
européens ces trois dernières décennies.
L’obligation de vote est très ancienne puisqu’elle a été adoptée en 1893,
en même temps qu’était établi le suffrage universel masculin, tempéré par
le vote plural. Pendant près d’un siècle, cette obligation n’a soulevé que
peu d’interrogations ou de mises en cause. Durant les années quatre-vingts
et plus encore nonante, elle a, au contraire, été dénoncée par un certain
Le vote obligatoire
121
nombre de formations politiques, au premier rang desquelles le VLD.
Cette interpellation a généré un débat politique et social, certes confiné
mais nouveau.
Dans ce contexte, il était intéressant d’évaluer l’opinion des Belges et de
les tester à l’idée d’une suppression du vote obligatoire. D’une manière
générale, nous l’avons développé, la volonté de rester un électeur
inconditionnel s’est érodée entre 1999 et 2003. Le nombre de
participationnistes structurels a singulièrement diminué. Il est bien sûr
difficile de jauger une éventualité. Mais il semble que la prise de distance
voire l’expression de défiance envers le système politique s’est donc
quelque peu approfondie.
Si l’on décline les résultats par catégorie sociodémographique, il est
intéressant de noter que les résultats sont conformes aux attentes compte
tenu des observations réalisées dans d’autres Etats européens. Si
l’obligation de vote était levée, toutes choses égales par ailleurs, les
catégories aux positions sociales les plus fragiles ou au capital social et
scolaire les plus faibles seraient beaucoup plus enclines à l’abstention que
les catégories supérieures et les fortement diplômés. De même, les moins
intéressés par la chose publique ou les plus défiants dans le système
représentatif seraient de faibles participationnistes. Une observation de
l’enquête de 2003 surprend néanmoins en comparaison d’autres
configurations nationales : les jeunes seraient des participationnistes
relativement assidus. Cette donnée ne serait pas en phase avec les
observations recueillies lors des élections dans des pays où le vote n’est
pas obligatoire. Au contraire, les 18-24 ans sont généralement le groupe le
plus abstentionniste, même si à l’intérieur de ce groupe une ligne de
démarcation forte existe en fonction du niveau de diplôme.
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