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La plaquette en ivoire de Carthage à représentation cultuelle, Africa, XXI, 2007, 43-58.

2007, Africa, XXI

Plaquette en ivoire trouvée dans une strate de destruction d'habitat punique sur le flanc sud-est de la colline de Byrsa à Carthage. Elle représente une déesse debout sur le dos d'un sphinx à tête féminine. Derrière la déesse est placé un officiant.

RÉPUBLIQUE TUNISIENNE Ministère de la Culture et de la Sauvegarde du Patrimoine AFRICA XXI INSTITUT NATIONAL DU PATRIMOINE 2007 LA PLAQUETTE EN IVOIRE DE CARTHAGE À REPRÉSENTATION CULTUELLE Taoufik REDISSI La plaquette en ivoire, objet de cette étude a été trouvée dans un niveau de destruction au cours des travaux archéologiques entrepris dans la zone d'habitat punique à Carthage, sur le flanc sud-est de la colline de Byrsa1. Elle figure en relief accusé une déesse, vue de profil à gauche, debout sur le dos d'un sphinx androcéphale à tête féminine. Derrière la déesse, un officiant à pied, de profil à gauche, tenant dans la main gauche levée à hauteur du visage, le sceptre à tête de bélier ; de l'autre main abaissée, il tient un vase d'où surgit un motif allongé que l'on peut identifier avec un épi de blé. La déesse est vêtue d'une robe ample, ornée de franges nouées et bouclées. Elle porte sur la tête une corbeille flanquée de cornes, imitant maladroitement la coiffure hathorique. Dans la main droite tendue vers l'avant, elle tient un sceptre en forme de gerbe d'épis ; visage allongé d'aspect géométrique ; œil en amande légèrement incliné, démesurément grand par rapport au visage ; menton pointu ; une mèche de cheveux part derrière l'oreille et parvient jusqu'à l'épaule. La déesse salue avec la main gauche, paume tournée vers l'extérieur. Le sphinx sur lequel se tient debout la déesse est représentée dans l'attitude couchée ; visage joufflu ; traits épais ; cheveux arrangés en nattes ou tresses (queue de cheval) retenues à leurs extrémités par des barrettes ; poitrine couverte d'un pectoral dont la rangée inférieure est ornée d'un motif en forme de gouttes ; queue enroulée autour de la cuisse. Au-dessus de la tête du sphinx est placé le croissant, retenant entre ses pointes dirigées vers le haut le globe (fig. 1). L'état fragmentaire de cette pièce nous prive des meilleurs moyens pour restituer l'ensemble de la représentation qui, par son caractère cultuel, s'inscrit dans une tradition figurative orientale en rapport avec le thème des dieux de l'orage debout sur les animaux, 1. Chelbi (F.), Découverte d'un habitat punique sur le flanc sud-est de la colline de Byrsa, CEDAC, 3. 1980, 35, fig. 16. Nous n'avons pas pu examiner cette pièce de près, elle est introuvable dans les réserves du Musée National de Carthage. Cette plaquette présentée dans le catalogue d'exposition tenue à Tunis en 1986, atteint une hauteur de 0,03 m ; revers en queue d'aronde pour faciliter sa fixation Cf. Fantar (Med), 30 ans au service du patrimoine, Tunis, 1986, 74, n° 11. 28. 43 Africa XXI-2007, La plaquette en ivoire de Carthage à représentation cultuelle Taoufik REDISSI Fig. 1 amplement attesté en glyptique du IIIe millénaire2, dont l'origine est à situer probablement aux confins de la Mésopotamie du nord et en Anatolie. Au IIe millénaire, ce motif envahit le répertoire iconographique syrien, mitanien et babylonien3. Nous assistons au début du 1er millénaire à la diffusion de ce thème, essentiellement sur les cylindres-sceaux d'origine assyrienne de la fin IXe au VIIe s. av. J.-C., représentant plusieurs types de divinités qui utilisaient des animaux fabuleux comme montures4. Cette thématique à caractère cultuel est superbement illustrée par le bas-relief de Maltaï qui figure une procession de sept divinités dont cinq sont debout et une trônant, portées par des animaux fantastiques5. C'est du même schéma figuratif que s'inspirent les artisans phéniciens et syriens dans le décor d'une série de pendentifs en or représentant une divinité féminine de face, généralement nue, debout sur un lion dont le prototype est documenté au XIVe s. av. J.-C. à Ougarit6. Les autres pendentifs semblables, exécutés dans la même matière dateraient des ultimes années du IXe au VIIe s. av. J.-C. L'exemplaire provenant de Paphos7 se situe dans la même lignée iconographique orientale reprise par d'autres plaquettes à décor comparable, l'une repérée dans le marché des antiquités de Beyrouth8, l'autre est conservée au Musée du Louvre9. L'emploi de cette thématique dans d'autres branches d'art de tradition phénicienne est appuyée par les trouvailles de statuettes exceptionnelles 2. Vanel (A.), L'iconographie du dieu de l'orage dans le Proche Orient ancien jusqu'au 7e siècle av. J.-C., Paris, 1965, 59, 61, 63, 65, 80, 127, 154 160, fig. 28, 44, 58. 3. Keel (O) : Briend (J.) - Humbert (JB.), Tell Keisan, (OBO, Séries Archoeologica, 1), Fribourg, 1980, 267-269. En Egypte, Nefertoum fils de Sekmet est le troisième membre de la triade memphite, il est habituellement représenté debout sur le lion. Cf. Ouaegebeur (J.), Les divinités égyptiennes sur les animaux dangeureux : Les Cahiers du CEPAO, 2, L'animal, l'homme, le dieu dans le Proche Orient ancien, Louvain, 1985, 132 ; Györy (H.), Une amulette représentant Nefertoum sur le lion à Budapest, Sesto Conopesso Internazione di Egittologia, Atti, Turin, 1992, 233-236, pl. VI. 4. Moortgat (A.), Vorderasiatische Rollsiegel,Berlin, 1940, 144, pl. 78, n° 656 ; Porada (E.) Corpus of Ancient Near Eastern Seals in the American Collections, the Collection of the Pierpont Library, Washington, 1948, 85, pl. CII, 691 ; 692 ; pI. CIII, 694 ; pl. CIV, 702 ; Collon (D.), 1987, 78, n° 344, 351 ; 132-133, n° 559-561 (tablette d'argile de traité, époque d'Assarhadon, VIIe s. av. J.-C. Nimrud) ; 166, n° 773 ; 184, n° 879. 5. Conteneau (G.). Manuel d'archéologie orientale, IV, Paris, 1947, 2248, fig. 1273. 6. Lagarce (E.). Le rôle d'Ougarit dans l'élaboration du répertoire iconographique syro-phénicien du premier millénaire avant J.-C. : Atti I CISFP, 1983, 554, pl. IC, 3. 7. Karageorghis (V), A gold Ornement with a Représentation of an « Astarte », RSF, III, 1975,31, pl. VII, 1 8. Culican (W.), The Case for the Baurat Schiller Crowns : Opera Selecta. From Tyre to Tartessos, Göteborg, 1986, 506, fig. 8. 9. Gubel (E.), 1985, 192, fig. 7. 44 Africa XXI-2007, La plaquette en ivoire de Carthage à représentation cultuelle Taoufik REDISSI en bronze de Samos10, de plaques de harnachement en ivoire de Nimrud11 et en bronze de Salamine12, de Samos13 et de Tainat14. La même déesse de face, debout, foulant deux lions couchés, se retrouve au Ve s. av. J.-C. sur les ex-votos phéniciens en terre cuite en forme de naiskos, en provenance de la nécropole sidonienne de Hélaliéh15. Les analogies iconographiques observées sur ce genre de documents nous poussent à voir une tête de lion dans le piédestal en pierre, fortement endommagé sur lequel se tient debout le personnage égyptisant du naiskos du VIe s. av. J.-C. d'Amathonte16. Le sujet de la plaquette de Carthage prolonge une tradition figurative du thème des dieux sur les animaux qui a connu une grande fortune dans l'art syrien et phénicien du I er millénaire, époque qui fournit beaucoup de documents comparatifs. Les monuments les plus suggestifs à rapprocher au thème de notre exemplaire en ivoire sont représentés en l'espèce de deux grands monuments en pierre ; le plus ancien, attribuable à la fin du IXe et au début du VIIIe s. av. J.-C. est une stèle découverte récemment, en 1988 dans la montagne de Qadboun, en Syrie. Elle représente un dieu (Baal guerrier) vu de profil à gauche, dressé sur un lion. Le dieu tient certainement dans la main droite un miroir et dans l'autre une lance, il porte un pagne court et en guise de coiffure une couronne apparentée à celle de l’atef, pourvue de deux cornes ; du sommet de la coiffure pend un long ruban à extrémité enroulée17. La seconde pièce maîtresse de ce dossier est la stèle dite d'Arnrit, elle proviendrait certainement des environs de ce site, pas loin du Nahr elAbras ; sa datation qui ne fait pas l'unanimité de la communauté scientifique, pourrait être fixée aux alentours du VIe s. av. J.-C., elle offre un curieux mélange d'influences d'origine mésopotamienne par le motif des montagnes ornées de treillis et le lion que surmonte le dieu ; l'impact égyptien est défini par le globe ailé planant au-dessus de la scène, la shenti (vêtement), le pschent (couronne) et le geste de brandir une arme évoquant l'attitude victorieuse du pharaon triomphateur18. Plus récente est la stèle en pierre, de Tell Defenneh (Delta du Nil). Elle daterait de l'époque perse et représente dans un naiskos couronné d'une architrave à décor égyptisant (frise d'uraei et deux disques solaires ailés superposés), un dieu debout sur un lion, il se dirige vers un personnage représenté à une échelle plus petite (officiant ?), debout sur une estrade19. Dans notre recherche sur les comparada que l'on peut mettre en parallèle avec la plaquette de Carthage, il n'est pas sans intérêt d'évoquer la découverte récente à Tell Miqne- 10. 11. 12. 13. 14. 15. 16. 17. 18. Barnett (RD.), 19752, 142, fig. 50 a b (dieu debout sur un lion placé entre deux sphinx) Gubel(E.), 1985, 196,% 9. Karageorghis (V), Excavations in the Necropolis of Salamis, III, Haarlem, 1974, 22, pl. CCLXXII, (tombe 79). Stampolidis (N Ch.), Sea Routes... from Sidon to Huelva. Interconnections in the Méditerranéen 16th-6thB.C., Athènes, 2003.477. n° 860. Cette plaque porte une inscription phénicienne. Kantor (HJ.), 1962, 93-116, pl. X I, XV. Gubel (E.), Une nouvelle représentation du culte de la Baalat Gebal,. Religio Phoenicia, (St PH., IV), Louvain. 1986, 274, 276, fig., 10 = Nunn (A.), Derfigürliche Motivschatz Phöniziens, Syriens und Transjordaniens vom 6 bis zum 4. Jahrhundert v. Chr. (OBO, Series Archaeologica, 18), Fribourg, 2000, 16, pl. 2, 9. Karageorghis (V.), Un naiskos égyptisant d'Amathonte, Hommages à Jean Leclant, 3. (IFAO, Bibliothèque d'Etudes, 106/3), Le Caire, 1994, 307-313, fig.l, 2. Bounni (A.), La stèle de Qadboun, MEFRA, 103, 1991, 52, fig., 1 ; Ibid., 1992, 147, fig. 3. Le thème du dieu sur le lion est représenté dans le même article par la statuette en bronze, p. 149, fig. 9 et une plaquette en ivoire de Nimrud, p. 150, fig. 11. Cecchini (SM.), Ritorno alla « madrepatria » : I Feniciri oggi domani. Ricerche, scoperte, progetti. Rome, 3-5 marzo 1994, Rome, 1995, 488-489 ; Ibid. La stèle di Amrit. Aspetti e problemi iconografici e iconologici, CMAO, VII, 1997, 83-100, fig.l. Cette stèle présente d'analogies iconographiques avec celle de Tell Barsib, datable du XIe s. av. I.-C. Cf. Bounni (A.), 1992, 148, fig. 7 (dieu guerrier sur un taureau). 19. Gressmann (H.), Altorientalische Bilder zum Alten Testament, Leipzig, 1927, pl. CXLIV, 354 ; Keel (o ), Die Welt der altorientalischen Bildsymbolik und das Alte Testament. Am Beispiel der Psalmen, Cologne, 1992, 173, fig. 246. 45 Africa XXI-2007, La plaquette en ivoire de Carthage à représentation Taoufik REDISSI Ekron d'un médaillon en argent à décor de type néo-assyrien du VIIe s. av. J.-C. ; son motif montre un dieu debout sur un taureau qui se dirige vers un personnage debout, levant les bras en un geste d'adoration ; un brûle-parfums est placé entre l'animal et l'orant20. C'est dans l'univers glyptique oriental du 1er millénaire que le motif de la divinité debout sur un animal a connu un succès énorme, il était répété à profusion sur les scarabées et scaraboïdes. Malheureusement la plus grande partie de ces documents est issue de fouilles irrégulières, ce qui ne facilite pas leur étude chronologique. Les objets gravés de la scène de la divinité sur le lion dont le contexte de trouvaille est déterminé, se réduisent à l'exemplaire du VIIIe s. av. J.-C. en pierre noire, recueilli dans le temple de Nabou à Khorsabad ; il figure un lion couché surmonté d'un dieu debout, posant, en signe de victoire, le pied sur la tête de l'animal ; le dieu porte un carquois sur le dos et tient de chaque main un arc21. La même représentation au détail près est reprise sur un scaraboïde du VIIe s. av. J.-C., en calcédoine, extrait de la tombe 811 à Assour22. De telles imageries qui font intervenir le lion pour servir de montures aux personnages divins trouvent leurs parallèles, à la même séquence chronologique, dans l'empreinte de sceau en terre cuite de Ninive23, dans les scarabées et scaraboïdes en pierres dures diverses, conservés au Ashmolean Museum24, au Bible Lands Museum, Jérusalem25 et au Vorderasiatische Museum de Berlin26. Le scaraboïde en verre vert appartenant au Musée d'Art et d'Histoire de Genève27 et le cylindre-sceau en calcédoine bleu trouvé à Anapa en Russie, conservé au musée de Leningrad28 sont les plus récents de la série. Sur l'exemplaire de Genève, attribué au Ve s. av. J.-C., est représentée une version plus simplifiée d'un lion couché surmonté d'un personnage, probablement un dieu. La scène est complétée par un sphinx ailé, placé au-dessus de la tête du lion. Sur le cylindre-sceau de Leningrad, relevant des années 400-334 av. J.-C.29 est gravée la déesse Anahita debout sur un lion qui s'avance à la rencontre d'un roi perse levant les bras en un geste d'adoration. Toujours de 1'Orient du 1er millénaire nous parviennent des sceaux qui transmettent les images des personnages divins utilisant comme un moyen de monture un animal autre que le lion. Sur le conoïde octogonal en calcédoine gris-bleu de la fin du VIIe s. av. J.-C., en possession de la Bibliothèque Nationale de Paris c'est un taureau de type babylonien qui porte Hadad30. Le sphinx de la plaquette en ivoire de Carthage n'était pas l'animal favori des divinités pour leur servir de monture. Ses homologues surmontés de divinités sont peu nombreux en glyptique, ils sont représentés par le scaraboïde en calcédoine grisblond, datable d'après son inscription ouest-sémitique des VIIIe-VIIe s. av. J.-C. figurant un sphinx androcéphale à tête masculine, ptérophore, portant un génie à une paire d'ailes, 20. Golani (A.), Three Silver Jewelry Hoards from Tel Miqne-Ekron, Actas IV CIEFP, 2000, 988, pl. 2. 21. Loud (G.) -Altman (Ch B.), Khorsabad, II, The Citadel and the Town, Chicago, 1938, 98, pl. 58, n° 112. 22. Haller (A.), Die Gräber und Grüft von Assur, Berlin, 1954, 71,fig. 88, en haut, à gauche ; Jakob-Rost (L.), Die Stempelsiegel im Vorderasiatischen Museun, Berlin, 1975, pl. 9, n° 188. A la différence de la pièce de Khorsabad, le lion sur l'exemplaire d'Assour est représenté dans l'attitude de la marche. 23. Layard (AH.), Monuments of Niniveh, II, Londres, 1863, pI. 69, n° 16 (déesse sur un lion à la rencontre de deux orants qui lèvent les mains en un geste d'adoration). 24. Buchanan (B.) - Moorey (PRS) Catalogue of ancient Eastern Seals in the Ashmolean Museum III, The Iran Age Stamps Seals, Oxford, 1988, 59, pl. XII, 364 (scaraboïdes, agate, déesse armée sur un lion dans l'attitude de la marche). 25. Avigad (N.), 1997, 414-415, n° 1098 (scaraboïde, pierre de couleur noire et blanche, personnage sur un lion en marche). 26. Jakob-Rost (L.), Die Stempelsiegel im Vorderasiatischen Museum, Mayence, 1997, 58-59, n° 165 (scarabée, pierre noire, déesse sur un lion, tenant dans chaque main, par les pattes, un lion renversé). 27. Vollenweider (ML.), Catalogue raisonné des sceaux, cylindres, Mailles et camées, III, Mayence, 1983, 80, n° 116. 28. Colon (D.), 1987, 92, n° 432. 29. Nagel (W.), Datierte Glyptik aus Altvorderasien, AfO, 20, 1963, 134, fig. 11. 30. Orman (T.), 1993, 61, fig. 27. 46 Africa XXI-2007, La plaquette en ivoire de Carthage à représentation cultuelle Taoufik REDISSI il se dirige vers un autre génie tétraptère31 et par un scaraboïde taillé dans l'agate, du VIe-Ve s. av. J.-C., en provenance d'une tombe «philistine » de Gezer, reproduisant une scène de combat d'un roi perse debout sur un sphinx ptérophore, couché ; le roi saisit dans chaque main un sphinx ailé ; un disque également ailé, de type achéménide occupe le sommet du sceau32. Dans la même ligne d'interprétation des légendes iconographiques, outre le lion, le taureau et le sphinx d'autres animaux interviennent pour porter les divinités représentées sur les sceaux orientaux du Ier millénaire, tels que le chien33 et encore plus rarement l'antilope34. Le type de sphinx androcéphale, aptère, à tête féminine, gravé sur la plaquette de Carthage est incontestablement d'origine égyptienne. Bien qu'il soit en Egypte une invention de l'Ancien Empire, il n'a connu son apogée qu'avec le Nouvel Empire, essentiellement avec la XVIIIe dynastie35. L'allure du sphinx couché, aux pattes allongées, enroulant la queue autour de la cuisse ; le détail du pectoral orné d'une rangée de perles et l'arrangement des cheveux en queue de cheval retenue à son extrémité par des barrettes s'observent au VIIe s. av. J.-C., sur une série dépeignes en ivoire, gravés, originaires des nécropoles de Junon, à Carthage36 et de Cruz del Negro37, en Espagne. Les mêmes caractéristiques iconographiques se retrouvent sur un ensemble de cinq plaquettes du VIe s. av. J.-C., en ivoire ou en os, épousant la forme de cet animal fantastique. Elles sont diffusées d'un bout à l'autre de la Méditerranée. De la partie orientale, provient l'exemplaire de Beth Zur38 (Israël). De la partie opposée, proviennent les objets similaires de Monte Sirai39 (Sardaigne), d'Ibiza40, d'Ullastret41 et de Cadix42 (Espagne). Nous pouvons rapprocher étroitement des sphinx de ces documents en ivoire et en os les exemples glyptiques en pierres dures43 et sigillaires, en terre cuite44, produits dans l'aire levantine aux VIIe-VIe s. av. J.-C. Dans le domaine phénico-punique de la Méditerranée occidentale, de semblables représentations de sphinx couchés sont attestées aux Ve-IVe s. av. J.-C. sur les empreintes de sceaux en terre cuite45 et sur un scarabée de 31. Bordreuil (P.), Catalogue des sceaux ouest-sémitiques inscrits de la Bibliothèque Nationale, du Musée du Louvre et du Musée biblique de Bible et Terre Sainte, Paris, 1986, 55, n° 58. 32. Stern (E.), Assyrian and Babylonian Eléments in the Material Culture in the Persian Period, Transeuphratène. 7, 1994, 53, 59, fig. c. 33. Orrnan (T.), 1993, 62, fig. 34 (conoïde, déesse Gula trônant, assise sur un chien) ; 61, fig. 28 (scaraboïde ; calcaire ; une déesse trônant, portée par un chien ; elle reçoit deux fidèles. Ce dernier exemplaire est publié par Galling (K.), 1941. 189, pl. 8, n°112. 34. Avigad (N.), 1997, 414, n° 1097 (scaraboïde, agate, Ve s. av. J.-C. ; roi perse debout sur une antilope -non pas un lion comme il a été suggéré par l'auteur du corpus-, maîtrisant de chaque main un lion ; disque solaire ailé, de modèle achéménide. plane dans la partie supérieure du sceau) 35. Dessenne (A.), Le sphinx. Etude iconographique, I. Des origines à la fin du second millénaire, Paris, 1957, 106., pl. XIX, 244, représenté dans la tombe de Rekhmiré ; Hölbl (G.), 1979, 339-340. 36. Bisi (AM.), 1968, 17, pl. III, 1 (le dos du sphinx est surmonté d'une colombe). 37. Aubet (ME.), Los marfiles fenicios del Bajo Guadalquivir, BESAA, XLIV, 1978, 31, fig. 2. CN5 (sur le dos du sphinx est juchée une colombe). 38. D'Angelo (MC.), Artigianato eburneo da Ibiza : las sfinge, Actas IV CIEFP, 2000, fig. de la p. 1517. 39. Cecchini (SM.), 1976, 42, fig. 1, pl. VI, 1. 40. Aubet (ME.), Dos marfiles con representacion de esfinge de la necropolis punica de Ibiza, RSF, I, 1973, 60, fig. 1, pl. XXXIII, 1. 41. Idem., 63, fig., 2, pl. XXXIII, 2 42. D'Angelo (MC.), op. cit., fig. p. 1516, 1er exemplaire , en bas. 43. Gjerstad (E.) et al., The Swedish Cyprus Expédition II, Stokholm, 1935, 826, 833, pl. CLXXXVI, 10 (524) (scaraboïde, stéatite, Idalion) ; Vollenweider (ML.), Musée d'Art et d'Histoirede Genève. Catalogue raisonnedes sceaux cylindres et intailles, Genève, 1967,118-119,n° 150 (scarabée, jaspe ; un uraeus est placé au-dessus du dos du sphinx ; dans la partie inférieure, une inscription sémitique). 44. Keel (O.), Corpus der Stempelsiegel-Amulette ans Palästina/Israel (OBO Séries Archaeologica 13), Fribourg, 1997, 559, n° 80 (Akko ; une imitation de cartouche vide surmonte le dos du sphinx). 45. Redissi (T.), 1999, 19-20, 28, 69. 76, pl. 7, n° 82 (animal fantastique à tête hiéracocéphale ou criocéphale, surmonté par Horus faucon); pl. 11, n° 125-126. 47 Africa XXI-2007, La plaquette en ivoire de Carthage à représentation cultuelle Taoufik REDISSI jade46 de Carthage. Les nécropoles puniques de Tharros47 et d'Ibiza48 relevant de la même séquence chronologique, n'ont pas manqué de livrer des scarabées à décor comparable dont la majorité est taillée dans le jaspe vert. Les documents phénico-puniques en connexion avec le thème de divinités surmontant un animal sont difficiles à classer de façon rigoureuse au point de vue chronologique et thématique, car ils sont peu nombreux pour permettre un tel classement. Tant que nous sommes dans l'univers phénico-punique, il est utile d'évoquer les documents qui s'y trouvent associés avec cette conception figurative. Sur la bague en or du VIe s. av. J.C., exhumée de la tombe 505 de Borj-Jedid, à Carthage, le héros terrassant le lion sur lequel il pose le pied gauche, est identifié à Melqart49. S'il n'y a pas d'indices sérieux pour dater de manière précise le scarabée en pâte siliceuse, recueilli dans un contexte probablement funéraire à Tharros50, figurant une déesse apparentée à Isis-Hathor en compagnie de deux personnages (Horus-enfant et un officiant) représentés sur le dos d'un lion couché, c'est dans le courant du milieu du Ve et du début du IVe s. av. J.-C. qu'il faudrait placer les scarabées puniques, façonnés dans le jaspe, porteurs de thèmes comparables d'imageries de divinités sur le lion. L'exemplaire d'Ibiza51 montre devant un brûle-parfums, une déesse debout sur le dos d'un lion ; elle tient dans la main gauche une lance, dans l'autre une hache qu'elle place sur l'épaule. Le scarabée fragmentaire taillé dans le jaspe, faisant partie des collections de Munich, figure une version d'influence achéménide. Le roi ou le héros qui y est représenté surmonte un lion, il s'agenouille légèrement et s'apprête à tirer à l'arc52. La provenance de cet exemplaire de la Sardaigne est confirmée par un autre scarabée façonné dans la même matière, gravé exactement de la même scène. Il faisait jadis partie de la collection de Paolo Spano53. En Orient, plus précisément à Chypre, l'imagerie du héros tueur du lion a persisté jusqu'à la période hellénistique dans un laps de temps proche des IVe-IIe s. av. J.-C., ce que confirme une empreinte de sceau en terre cuite à iconographie phénicienne archaïsante, trouvée dans un lot de 11.000 autres exemplaires restitués par la strate IV de la Maison de Dionysos, à Paphos54. Le poncif oriental de ce thème jouissait d'une grande popularité à Carthage, ce qui justifie sa survivance à des périodes puniques tardives, comme en témoigne un fragment d'amulette en faïence, exhumé d'une tombe située dans le secteur de Sainte Monique, datable des IVe-IIIe s. av. J.-C., il conserve la partie inférieure en forme de lion couché sur lequel subsistent les pieds d'un personnage55. 46. Vercoutter (J.), 1945, n° 683. 47. Hölbl (G.), 1986, 323 n° 207 ( scarabée ; calcédoine ; au-dessus du dos du sphinx se trouve une imitation de cartouche vide, surmontée d'une inscription sémitique) ; 324, n° 209 (scarabée, cornaline, sphinx sur une fleur de lotus flanquée de deux boutons renfermés ; au-dessus du dos du sphinx, l'œil oujat et un globe solaire surmonté du croissant) ; Barnett (RD.) - Mendleson (C.), A Catalogue of Material in the British Museum from phoenician and other Tombs at Tharros, Sardinia, Londres, 1987, pl. 55, h.3/22 (scarabée, jaspe ; un singe surmonte le dos du sphinx). 48. Boardman (J.). 1984, pl. XXVI, 151-152 (scarabées, jaspe). Dans l'ouvrage d'Almagro-Gorbea (MJ.), Orfebreria fenicio-punica, Madrid, 1986, 208-209, pl. LXXXITI, 265 un scarabée, certainement en calcédoine, relevant de la fin VIe-début du Ve s. av. J.-C., représentant un faucon Horus placé sur le dos d'une sphinge couchée que l'on peut comparer aux sphinx des ivoires signalés à Junon (Carthage) et à Cruz del Negro (Espagne). 49. Quillard (B.), Bijoux carthaginois, II, Louvain-la-Neuve, 1987, 64-47, pl. XVII, 274. 50. Della Marmora (A.), 1853, pl. A. 26. 51. Boardman (J.), 1984, 44, pl. XI, 60. 52. Brandt(E.), Griechische Gemmen von mmoischer Zeit bis zum späten Hellenismiis, (AGDS, I), Munich, 1968, 50, pl. 24, n°221 ; Zazoff(R), Die antiken Gemmen, Munich, 1983, 91, pl. 22, n° 3. 53. Della Marmora (A.), 1853, pl. B. 82. 54. Nicolaou (K.), Oriental Divinities represented on the Clay Sealing of Paphos, Cyprus, Hommages à Maarten J. Vermaseren (EPRO, 68), Leyde, 1978, 852, pl. CLXXVIII, 15. Ce lot de datation tardive, contient d'autres exemples à décor phénicien archaïsant, tels que les Bès muni de deux paires d'ailes, pl. CLXXVIII, 13-14. 55. Delattre (A.), La nécropole des Rabs, Prêtres et Prêtresses de Cartilage. Troisième année des fouilles, Paris, 1905, 43, fig. 104. 48 Africa XXI-2007, La plaquette en ivoire de Carthage à représentation cultuelle Taoufik REDISSI Au milieu du IIe s. av. J.-C. la tradition de représenter ce genre de divinité était assurée par la coroplathie, dont l'exemplaire fragmentaire trouvé parmi les débris du sanctuaire de Salammbô constitue un document majeur dans le répertoire des terres cuites puniques de Tunisie56. Il offre la partie inférieure d'une statuette probablement d'une déesse assise sur un trône flanqué de sphinx ; sur le piédestal deux lions couchés, représentés de face sur lesquels la déesse pose les pieds. Plus tardif est le fragment de statue en terre cuite de grandeur nature, recueilli dans le sanctuaire de Siagu (Bir Bou Regba) , attribué au Ier s. ap. J.-C. ; il subsiste de la statue une bonne partie de la déesse debout sur le dos du lion couché57. Sur la plaquette de Carthage, la manière d'orner par des franges nouées et bouclées le manteau que porte la déesse est de tradition vestimentaire orientale, elle est documentée au Ile millénaire sur la statuaire de Sumer, en Mésopotamie58. Au début du 1er millénaire, elle est bien indiquée sur les bas-reliefs néo-hittites59, syriens60 et néo-assyriens61. D'une période plus proche, contemporaine des VIIe-VIIe s. av. J.-C., dateraient les ivoires figurant ce genre d'ornementation vestimentaire ; ceux de Samarie52, d'Arslan Tash63, de Khorsabad64, Zendjirli65 et de Nimrud66 demeurent les plus célèbres. Les servantes gravées sur les ivoires trouvés dans la tombe de Bernardini à Praeneste67 et les adorants représentés sur les plaquettes en ivoire, l'une recueillie dans une couche d'abandon à Malaga68, l'autre mise au jour dans la sépulture A.160 à Carthage69, portent des robes aux franges ornées de festons semblables. Ces objets en ivoire sur lesquels l'influence égyptienne s'exprime fortement dans le choix des composantes iconographiques de leurs scènes cultuelles, datent de la première partie du VIIe s. av. J.-C. L'officiant placé derrière la déesse figurée sur la plaquette de Carthage est chargé de deux ustensiles rituels. Le premier objet tenu dans la main gauche relevée à hauteur du visage est un sceptre en forme de tige recourbée, ornée dans son extrémité d'une tête de bélier, surmontée de deux petites cornes renfermant un globe solaire que le manque d'espace n'a pas permis de les représenter correctement. Au-dessus de la tête criocéphale pend un autre objet que l'on peut identifier avec une coupe faisant office d'encensoir. 56. Carton (L.), Un sanctuaire punique découvert à Carthage, Paris, 1929, 16. n° 29, pl. I, 2 ; Chérif (Z.), Terres cuites de Tunisie. Rome, 1997, 66-67, pl. XXIII, 192. 57. Merlin (A.), Le sanctuaire de Baal et de Tanit près de Siagu, (Notes et Documents, IV), Paris, 1910, 9-10. La statue porte au dos une inscription latine faisant allusion à Caelectis. 58. Parrot (A.), Sumer, Paris, 1960, 265, fig., 330 (statue d'Idi-ilum) 59. Akurgal (E.), Orient et Occident. La naissance de l'art grec, Paris, 1966. pl.14 (relief de Saktshageuzu, vers 730 av. J.-C.); pl. 29 (stèle funéraire de Marash, fin VIIIe-début du VIIe s. av. J.-C.) ; Genge (H.), Nordsyrisch-südanatolische Reliefs. Eine archäologisch-historische Untersuchung. Datierung und Bestimmung, Copenhague, 1979, fig., 47 (relief conservé à Boston, second quart du IXe s. av. J.-C.) ; 49 (relief, milieu du IXe s. av. J.-C.) ; 71 (relief, fin Xe s. av. J.-C.) 60. Bossert (H.), 1951, 33, 484 (relief représentant un génie portant deux paires d'ailes). 61. Idem., 75, n° 965 (obélisque de Salamanazar III 858 824 av. J.-C., de Nimrud ; 76, n° 971et 972 (détail de la même obélisque, tribus israéliennes). 62. Decamps de Mertzenfeld (C.), 1954, pl. VIII, 38. 63. Idem., pl. LXXXTJI - pl. LXXXVI, 817 - 828, 836, 837 ; Winter (I.), Is there a South Syrian Style of Ivory Carving in the early First Millennium B.C. ?, Iraq, XLIII, 1981, 104-105, pl. VII, a c, pl. VIII, c. 64. Idem., pl. C, 949 ; pl. CI, 1118. 65. Idem., pl. CXXX, 1130 abc, 1131 a. 66. Idem., pl. CXI, 986, 988 ; Mallowan (MEL.), 1966, n° 440, 469,470, 482, 540 ; Barnett (RD.), 19752, pl. III, Cl, 4, 8, 10 ; VIII, C, 48 ; XXII S. 2 ; LXXXVIII, S. 293 ; CXXXVI, Suppl, 20 ; Winter (L), Phoenician and North Syrian Ivory Carving in historical Context : Questions of Style and Distribution, ira?, XXXVIII,, 1976, 10, pl. VI, cd. 67. Aubet (ME.), Los marfiles orientalizantes de Praeneste, Barcelone, 1971, pl. I AB. 68. Gran-Aymerich Jean (J.-M.), La scène figurée sur l'ivoire de Malaga et l'imagerie phénicienne, Hommages à Maurice Sznycer, I, (Semitica, XXXVIII), 1990, 147, fig., la b. 69. Lancel (J.), La colline de Byrsa et l'occupation punique (VIIe-146 av. J.-C.), bilan de sept années de fouilles, CRAI, 1981, 161, fig, 5 ;De Carthage à Kairouan, Musée du Petit Palais de la ville de Paris (catalogue d'exposition), Paris, 1983, 76, n° 96. 49 Africa XXI-2007, La plaquette en ivoire de Carthage à représentation Taoufik REDISSI Le second objet tenu dans la main droite abaissée est un vase à panse piriforme d'où surgit un motif droit et allongé dans lequel nous pouvons reconnaître certainement une gerbe de blé. Le sceptre à tête de bélier traditionnellement connu sous le vocable de « sceptre Khnoum »70 est récemment mis en rapport par Gubel E. avec le dieu Atoum71. Il est bien documenté sur les monuments de l'époque libyenne de la XXIIe dynastie, à en croire les représentations du jubilé d'Osorkon II (874-850 av. J.-C.) à Bubastis72. Dès le IIe millénaire, cet emblème à protomé criocéphale apparaît conjointement avec le vase piriforme à libation ; ces deux objets liturgiques sont habituellement tenus par un officiant dans des scènes cultuelles bien connues en glyptique syrienne, sur la foi de quelques cylindres-sceaux73, dont le plus suggestif est celui de Tell Fakhariah74. Il se manifeste à Ougarit, sur une stèle du XIIIe s. av. J.-C.75, à Arslan Tash76 et à Nimrud77 sur les ivoires des IXe-VIIIe s. av. J.-C., à Sidon sur une série de naskoi en pierre, attribués aux IX-VIIIe s. av. J.-C.78 De la séquence chronologique comprise dans l'intervalle des VIIIe-VIIe s. av. J.-C. se rangerait le scarabée en stéatite originaire d'Akko, il représente une scène de culte figurant un dieu assis sur un trône, recevant comme offrande un ibex que lui présente un adorant ; derrière le dieu se trouve un personnage tenant le sceptre à tête de bélier ; un singe debout dans l'attitude d'adoration est placé derrière ce personnage79. Le début du VIe s. av. J.-C. conviendrait au scarabée de calcédoine recueilli en Asie Mineure. Cet exemplaire d'origine phénicienne se distingue par la qualité de sa facture et par la finesse des détails de la scène montrant deux personnages placés de part et d'autre d'un pilier djed sur lequel se trouve Horus enfant sous la protection du disque solaire ailé. Les deux personnages tiennent le sceptre à tête de bélier et le vase à libation, ils célèbrent une cérémonie en l'honneur du dieu juvénile80. C'est de l'époque perse, essentiellement de la fin du Ve et du début du IVe s. av. J.-C., que daterait l'usage intensif du sceptre à tête de bélier et du vase à libation à panse piriforme dans l'iconographie levantine à mettre en rapport avec la thématique d'adoration de divinités orientales, comme en indiquent les officiants tenant ces objets cultuels représentés sur les témoignages phéniciens de la niche rupestre de Wadi ‛Assour81, du basrelief en marbre du Caire82 , du linteau d'Oumm el-Amed83 , des deux bulles de scellement 70. Culican (W.), 1968,62-69. 71. Gubel (E.). 2001, 35-44. Le sceptre à tête de bélier, Wr-hk3west un instrument employé dans les rites égyptiens de « l'ouverture de la bouche ». 72. Fazzani (RA.), Egypt, Dynasty XXII-XXV, Leyde, 1988, 18, pl. XI, épisode II, 8 ; pl. XII, épisode III. 73. Gubel (E.), 2001, 37, fig. 6 et note 10. 74. Culican (W.), Problems of Phoenicio-punic Iconography . A Contribution : Opera Selecta. From Tyre to Tartessos, Göteborg, 1986, 282, fig. la. 75. Schaeffer (Cl.), Les fouilles de Ras Shamra-Ugarit, huitième campagne (printemps 1936), Syria, XVIII, 1937, 128-134, pl. XVII. 76. Decamps de Mertzenfeld (C.), 1954, 130, pl. LXXXVIII, 842. 77. Herrmann (G.), 1974, 106, pl. XCV, 87 ; Ibid., Ivories from Room SW 37. Fort Shalmaneser, Ivories of Nimrud (1949-1963), Londres, 1986, pl. 76, 337 ; pl. 80, 350. 78. Dunand (M.), Note sur quelques objets provenant de Saïda, Syria, VII. 1926, 126-127, pl. XXXIII, 2 a b (collection Durighelio J-A.) ; Aimé-Giron Noël (M.), Un naos phénicien de Sidon, BIFAO, XXXIV, 1934, 31-44, pl. I-II = Gubel (E.), Art phénicien. La sculpture de tradition phénicienne. Musée du Louvre. Département des Antiquités Orientales, Paris, 2000, 82, n° 71 (collection du Musée du Louvre). 79. Giveon (R.) - Lemaire (A.), Sceau phénicien inscrit d'Akko avec scène religieuse, Semitica, XXXV, 1985, 27-33, fig. 2, pl. V b. 80. Babelon (E.), 1899, 15, pl. IV 27. 81. Ronzevalle (S.), Deux sanctuaires phéniciens. Wadi Assour, Gebel Saydé, MUSJ, XXVI, 1944/1946, 84-93, pl. V, 1 82. Aimé-Giron Noël (M.), 1925, 191-211, pl. I. 83. Dunand (M.) - Duru (R.), 1962, pl. LXIII, 1 2 3 ; pl. XLIV 1 2 3 . 50 Africa XXI-2007, La plaquette en ivoire de Carthage à représentation cultuelle Taoufik REDISSI en terre cuite en possession du collectionneur Fouad A. Karam84, surtout sur les monnaies des doubles statères de Sidon85 et probablement sur un scarabée de facture sommaire, signalé dans la collection de Clercq86, originaire de la côte syro-phénicienne. Plus tardive est la sculpture fragmentaire de Baalbak, elle remonterait probablement au IIe s. av. J.-C. Elle figure une scène à caractère rituel dans laquelle interviennent deux officiants portant le sceptre à protomé criocéphale87. L'usage du sceptre à tête de bélier a persisté en Orient jusqu'à l'époque romaine, ce qu'a démontré le décor d'une scène d'offrande sculptée sur la porte du temple de Marjiyyat près de Chîm, au nord-ouest de Sidon88. Dans l'Occident, le scarabée en agate, du VIIe-VIe s. av. J.-C., , exhumé d'une tombe de Douimès constitue l'un des plus anciens témoignages attestant ce thème en glyptique des colonies phéniciennes, il figure Isis Hathor debout, allaitant Horus enfant. Cet acte d'allaitement est béni par deux personnages à tête hiéracocéphale, placés de part et d'autre de la scène principale, ils tiennent, chacun dans la main abaissée le vase rituel à libation89. Le site sarde de Tharros a livré un autre exemplaire en cornaline, unique en son genre, certainement originaire de la côte phénicienne, il est contemporain de celui de Douimès. La scène qui y est gravée, montre dans un édicule à décor égyptisant une cérémonie cultuelle en l'honneur de Baal majestueusement assis sur un trône encadré de sphinx, flanqué de deux officiants munis du sceptre à tête de bélier et du vase rituel90. Une version plus sommaire de cette thématique sera reprise dans la gravure des scarabées puniques de jaspe vert disséminés à travers les colonies de la Méditerranée occidentale. Les témoignages des Ve-IVe s. av J.-C., les mieux connus sont signalés dans le mobilier funéraire des sépultures de Carthage91, de Tharros92, d'Ibiza93 et de Villaricos94. Nous sommes dans l'ignorance quant à la matière dans laquelle fut taillé le scarabée signalé à Vulci95 en Etrurie, connu seulement par un croquis sommaire laissé par son éditeur. Les similitudes dans l'exécution de détails de la scène cultuelle de la déesse assise sur un trône devant un officiant portant le sceptre à tête de bélier et le vase à libation, se retrouvent sur la bulle de scellement en terre cuite, appartenant à la collection de Fouad A. Karam, en provenance de la côte phénicienne96. Ce document sigillographique qui daterait de l'époque perse (fin VIe- début du Ve s. av. J.-C.) permet d'attribuer la même chronologie relative au scarabée de Vulci. Carthage qui se distingue par l'abondance de ses documents glyptiques a restitué outre les scarabées des empreintes de sceaux en terre cuite97 et des 84. Culican (W.), 1968, 59, pl. II AB C. 85. Naster (P.), 1957, 5-20, pl. I ; Ibid., Le Bâal de Sidon, Jahrbuch für Kleinasiatische Forschung, II, (Festschrift H. T. Bossert), 1965,328-332. 86. De Ridder (A.), Collection de Clercq, catalogue, VII, les bijoux et les pierres gravées, 2, les pierres gravées, Paris, 1911, 545, pl. XVIII, 2746 (scarabée en pâte verte) ; Vandier (J.), Antiquités égyptiennes, La Revue du Louvre, 18, 1968, 309, fig. 1, n° 25.825. 87. Gubel(E.), 2001,35,% 2. 88. Nordiguian (L.), Le temple de Marjiyyat (Chhîn) à la faveur de nouvelles fouilles, Topoi, 7, 1997, 948-950, fig. 6. 89. Vercoutter (J.), 1945, n° 694. 90. Moscati (S.), Centri artgianali fenici in Italia, RSF, I, 1973. pl. XXXI. 1 a. 91. Vercoutter (J.), 1945, n° 617 ; 559 (cet exemplaire, en raison de sa matière de jaspe vert foncé et de sa facture soignée, serait un témoignage de la glyptique phénicienne du VIe s. av. J.-C. réntilisé dans un contexte funéraire carthaginois tardif, du IVe s. av. J.-C. ; l'officiant placé devant Isis assise sur un trône, tient dans la main droite abaissée le vase à panse piriforme). 92. Hölbl (G.), 1986, 303, n° 132 (personnage tenant le sceptre à tête de bélier et une lance). 93. Boardmann (J.), 1984, 34, pl. II, 7 (Osiris encadré par les deux officiants). 94. Siret (L.), Villaricos y Herreria, Madrid, 1907, 86 (462) (les deux personnages séparés par un thymiatérion), pl. XIX, 6 ; Padro y Parcerisa (P.), Egyptian-Type Documents from the Mediteiranean Littoral of the Iberian Peninsula before the Roman Conquest, III, Study of the Material. Andalusia (EPRO, 65), Leyden, 1985, 8-9, pl. LXXI, 23.05 (deux personnages à tête hiéracocéphale de part et d'autre d'un thymiatérion). 95. Hölbl (G.), 1979, 74-75, n° 350. 96. Culican (W.), 1968, 59, pl. II, B. 51 Africa XXI-2007, La plaquette en ivoire de Carthage à représentation Taoufik REDISSI hachettes-rasoirs98 en bronze, reproduisant des thèmes apparentés que l'on peut insérer dans un cadre chronologique s'étendant du Ve av. J.-C. à la fin du siècle suivant. Plus surprenant est le linteau en marbre du sanctuaire numide de Chemtou, en Tunisie, daté milieu du IIe s. av. J.-C. Il offre l'image en relief accusé d'un disque solaire à uraei, déployant ses ailes au-dessus d'une rangée de fleurs de lotus renversées en alternance avec des boutons fermés. Ce décor est complété par deux personnages debout placés aux extrémités des ailes éployées. Malheureusement de ces personnages subsistent seulement les jambes et la partie inférieure du sceptre". Bien que de ce monument soit fortement endommagé, il n'est pas sans rappeler le linteau du temple d'Oumm el-Amed de l'époque hellénistique, sur lequel sont représentés les deux personnages munis du sceptre100. Les têtes de bélier gravées sur quelques scarabées puniques de jaspe vert, attribués e au IV s. av. J.-C., peuvent être considérées comme des éléments de sceptres en usage dans des cérémonies rituelles ; en attestent quelques trouvailles en bronze, en provenance des fouilles de Dunand M. à Byblos101 et en bois en possession du musée égyptien de Turin102. Parmi les scarabées nous pouvons mentionner celui d'Ibiza, il figure la tête du bélier à corne recourbée et une partie du cou103. Au plat du scarabée de jaspe de Carthage, exhumé d'une sépulture du IVe s. av. J.-C. d'Ard el-Khéraïeb104, la tête du bélier figurée de profil porte une couronne hathorique constituée de deux cornes retenant le globe solaire. Le signe de l'or nwb sur lequel repose le protomé criocéphale, imite et remplace les appendices rayonnants que l'on relève sur l'objet de forme semi sphérique, suspendu à la tête du bélier tel que le montrent, pour ne citer que quelques témoignages, le bas-relief phénicien trouvé au Caire105, les scarabées de Tharros et de l'ancienne collection de Pauvert de la Chapelle106. Le motif qui surgit directement du vase tenu dans la main droite abaissée du personnage placé derrière la déesse debout sur le sphinx de la plaquette de Carthage pourrait être interprété comme un élément végétal (épi de blé ?). Il a ses équivalents sur les ivoires de Nimrud du VIIe s. av. J.-C. où se retrouvent les officiants tenant le sceptre à tête de bélier en association avec le vase d'où s'échappe un motif floral de palmette107. Plus curieuses sont les représentations des hachettes-rasoirs en bronze de Carthage des IV-IIIe s. av. J.-C. figurant des personnages, certainement à caractère divin, utilisant des vases semblables, à panse piriforme pour arroser un palmier108. Bien que l'acte d'offrande 97. Redissi (T.). 1999, 13-14. 37-38, 66, 83, pl. 5, n° 57 (Horus enfant sur un pilier djed, flanqué des deux officiants tenant les ustensiles rituels); pl. 15, n° 172 (personnage muni des mêmes ustensiles). 98. Picard (C.), 1966 , 72, pl. XXV fig. 60, n° 30 ; « l'astre rayonnant » placé à hauteur du visage du personnage serait certainement le sceptre à tête de bélier ; pl. XXXI, fig. 66, n° 40 ; Acquaro (E.),I rasoi punici (SS, 41), Rome, 1971, 52-53, fig. 61, pl. XII Ca. 61. 99. Rakob (F.), Simitthus II. Der Tempelberg und dos römische Loger, Mayence, 1994, 20-22, fig. 26 d, pl. 30 a ; pl. 31, a-d. Le sanctuaire de Chemtou date de 130 av. J.-C. contemporain du règne du roi numide Micipsa (148-118 av. J.-C.). 100. Dunand (M.)-Dura (R.), 1962, pl. LXIII 123; XLIV, 123. 101.Gubel (E.), Byblos : l'art de la métropole phénicienne : Biblo una città e la sua cultura, Acquaro (E.) et al., (éd.), Rome, 1994, 91, pl. IX, 1. 102. Naster (P.), 1957, fig. de la p. 20. L'exemplaire en marbre conservé au Honolulu Academy of Art peut être classé dans la même catégorie de ces sceptres Cf. Porada (E.), A Ram's Head from Iran in thé Honolulu Academy of Art, Archaeologia Iranica et Orientalis. Miscellanea in Honorent Louis van den Berghe, de Meyer L - Haerinck E, (éd.), Gent, 1989, 537-542, pl. I, II. 103. Padro (J.) - Fernandez (JH.), Escarabeos delMuseo Arqueologico de Ibiza, Madrid, 1982, 184, 188-189, n° 69. 104. Vercoutter (J.), 1945, n° 578. 105. Aimé-Giron Noël (M.), 1925, 206, fig. 18. 106.Hölbl (G.), 1986, 303, n° 132 (Tharros) ; Babelon (E.), 1899, 15, pl. IV, 27 (collection Pauvert de la Chapelle, Bibliothèque Nationale. Paris). Ce dernier exemplaire est reproduit dans l'étude de Culican (W.), 1968, 67, fig. 6. 107.Mallowan (MEL), 1966, 506, n° 412 ; Herrmann (G.), 1974,106, pl XCV, 87 ; Ibid., IvoriesfromRoom SW. 37 Fort Shalmaneser. Ivories of Nimrud (1949-1963), Londres, 1986, pl. 4, n° 23 (sur cet exemplaire, le personnage tient dans la main droite une fleur de lotus au lieu du sceptre habituel). 108.Picard (C.), 1966, pl. XXFV, n° 26 ; pl. XXV n° 30. 52 Africa XXI-2007, La plaquette en ivoire de Carthage à représentation Taoufik REDISSI de liquides au moyen de vases à libation soit bien attesté en glyptique, en ivoire, sur une patère en bronze de Nimrud109 et même dans le décor architectural110, il demeure mal défini dans le rituel religieux et la mythologie phénicienne et punique. Certainement, il devrait être mis en liaison avec les conceptions de fertilité et de fécondité. Cette même notion est suggérée par l'épi de blé que tient la déesse debout sur le dos du sphinx de la plaquette de Carthage. Cet élément végétal est largement illustré dans les scènes religieuses des divinités perpétuées par l'iconographie orientale archaïque des cylindres-sceaux de la Mésopotamie111. Comme pour toutes les images dépourvues de textes, nous sommes aux prises avec les problèmes d'identification de la déesse surmontant le dos du sphinx du document de Carthage. Reconnaître dans cette représentation Astarté sera à notre avis la meilleure des hypothèses. Grâce à son association avec le lion qui lui sert de monture, Astarté se rapproche d'Anat et du groupe du type de Qudshu112. La stèle du XIIe s. av. J.-C. de la collection de Winchester Collège apporte la preuve des liens de parenté qui unissent ces divinités, elle figure une déesse nue, de face, debout sur un lion, saisissant dans une main un bouquet de fleurs de lotus, dans l'autre un serpent. Une inscription hiéroglyphique égyptienne identifie cette déesse comme Qudshu-Anat-Astarté113. En Orient, Astarté est une déesse guerrière étroitement liée au cheval114. Son caractère farouche et belliqueux est renforcé par ses rapports avec le lion, avec les divinités à tête léonine et avec le sphinx. Ces animaux restent parmi ses emblèmes les mieux connus. En Egypte, c'est certainement à Memphis où son culte est bien attesté, qu'Astarté fut assimilée à Sekhmet, la déesse lionne115. Pour illustrer ses liens avec les divinités léontocéphales, Astarté sera représentée affublée de tête léonine sur les reliefs d'Edfou et de Kom Ombo116. L'œillère en bronze, du VIIIe-VIIe s. av. J.-C., originaire de Tell Tainat est un bel exemple qui montre le pouvoir des dieux sur les animaux, elle restitue un thème cher à l'iconographie orientale du « Maître des animaux ». En signe de victoire, la déesse en position légèrement agenouillée, ne se contente pas de s'appuyer sur les postérieurs de deux lions soumis, elle maîtrise dans chaque main un sphinx ailé qu'elle saisit par la queue. Sur cette pièce où la déesse domine en même temps les lions et les sphinx, deux autres déesses nues , debout, piétinent chacune une tête de lion vue de face117. Les trônes vides, flanqués de lions et de sphinx sont traditionnellement attribués à 118 Astarté . La statuette en calcaire du VIe s. av. J.-C., provenant de Chypre, actuellement conservée au musée de Vienne, est un bon exemple de prototype oriental qui met en exergue l'association d'Astarté avec le sphinx. Elle représente la déesse assise en majesté sur un trône, posant les mains sur des accoudoirs sculptés en forme de sphinx119 . D'autres 109. Barnett (RD.), The Nimrud Bowls in the British Muséum, RSF, II, 1974, 23, pl. XVII, a. 110 Renan (E.), Mission de Phénicie, Paris, 1864, pl. LIV, 6, élément architectural fragmentaire en provenance d'Arouad, conservant une partie de la main saisissant le vase à libation. 111. De Clercq (M.), Antiquités assyriennes, I, cylindres orientaux, Paris, 1888, 94, pl. XVI, 140 ; Amiet (P.), 1980, 93, pl. 45, n° 645, 647, 648, 649. 112. Leibovitch (J.), Kent et Qadech, Syria, XXXVI, 1961, 23-34, pl0. I-II ; Leclant (J.), Anat, LdÄ, 2, 1973, col. 253-258 ; Ibid., Astarté, LdÄ., 4, 1974, col. 499-509. 113. Edwards (IES.), A Relief of Qudshu-Astarte-Anath in the Winchester Collège Collection, JNES, XIV, 1955, 49-51, pl. III-IV. 114. Leclant (J.), 1961. 115. Leclant (J.), 1961, 55 ; Hermann (W.), Astarte, MIO, XV, 1969, 20-21, 50. 116. Leclant (J.), 1961., 54-58, pl. IV, A B ; Stadelmann (R.), Syrisch-palästinensische Gottheiten in Ägypten, Leyde, 1967, 104 ; Gubel (E.), 1985, 195. 117. Kantor (HI), 1962, 93-116, pl. XI-XV. 118. Delcor (M.), Les trônes d'Astarté ; Atti I CISFP, 1983, 777-787, pl. CXLVL-CL ; Ibid., Astarté, LIMC, III, 1984, 1077-1085. 119. Bisi (AM.), Una statuetta di Astarte nel Museo di Vienna, AION, 32, 1972, 372-378. 53 Africa XXI-2007, La plaquette en ivoire de Carthage à représentation cultuelle Taoufik REDISSI statuettes phéniciennes et puniques, majoritairement en pierre dure, sont à classer dans la même catégorie que celle de l'exemplaire conservé au musée de Vienne, elles s'échelonnent du VIIe au IIe s. av. J.-C,120. Sans renoncer à ses qualités de déesse guerrière, Astarté est aussi la déesse de l'amour et de fécondité. Elle est en liaison avec Bâal121. Bien qu'Astarté en étroite association avec Anat, soit connue dans les textes d'Ebla de la première partie du IIIe millénaire et d'Emar et d'Ougarit du IIe millénaire122, son dossier iconographique demeure une problématique majeure. Les imageries qui lui sont attribuées ne sont pas confirmées de manière rigoureuse et plusieurs interprétations ont été avancées, elles reconnaissent Astarté dans les nombreuses représentations de femmes nues, pressant les seins, des femmes enceintes, des joueuses de tambourin, des divinités armées ou tenant de sceptres, généralement assises sur un trône. Les spécialistes d'analyse iconographique ont proposé de rattacher Astarté à de multiples emblèmes tels que le lion, le sphinx, l'oiseau, le bétyle-aérolithe, les trônes vides, les brûlés-parfums qui épousent la forme de tête féminine123. Le sujet du document en ivoire de Carthage est à chercher dans le thème de la «rencontre » de deux partenaires divins pour célébrer le « mariage sacré », un rituel bien connu dans les représentations religieuses mésopotamiennes124. La citation de P. Amiet « La signification de ce mariage est aussi complexe ; à l'origine, ce devait être un rite magique destiné à provoquer le renouveau général de la nature, de la fécondité et de la fertilité »125 permet de nous éclairer sur le sens de cette pratique à caractère cultuel. Selon l'interprétation de E. Douglas van Buren, le couple est accompagné d'un autre personnage qui constituerait le troisième membre de la triade divine126. Il prend part aux rites de la «rencontre » des deux partenaires en tant que jeune acolyte. Si sur la plaquette de Carthage le partenaire masculin a disparu à cause de la cassure, le troisième personnage correspondant à l'acolyte muni des instruments liturgiques est représenté derrière la déesse debout sur le dos du sphinx. L'inscription punique de Pyrgi, datable des années 500 av. J.-C. est un document essentiel qui attesterait la pratique rituelle de l’hieros gamos dans l'Occident phénicopunique. L'expression de « parce qu'Astarté a été épousée par son intermédiaire dans la troisième année de son règne» que porte cette inscription, nous renseigne sur la nature de ce rite hiérogamique ; elle laisse supposer que le roi considéré comme l'époux astartéen joue le rôle du dieu mâle, il s'unissait au substitut de la divinité, probablement une 120. Les exemplaires les mieux connus sont rassemblés dans l'article de Uberti (ML.), Su un trono di Astarté a Mozia : Saggi fenici-1. Benigni (G.) et al. (éd.), Rome, 1975, 33-39. pl. II-III. Les statuettes les plus anciennes, en forme d'une déesse assise sur un trône flanqué de lions ou de sphinx à mettre en relation avec Astarté proviennent de Tutugi, près de Galera en Espagne (albâtre, VIIe s. av. J.-C.), d'Ajia Irini, à Chypre (terre cuite, VIIe s. av. J.-C.), de Pizzo Cannita, Solunte, en Sicile (pierre, VIe s. av. J.-C.), de Carthage, de Borj Jedid et du tophet de Salammbô (pierre, IVe-IIes. av. J.-C.). Un trône en pierre, occupé par la divinité est repéré à Sidon, il daterait de la fin de l'époque hellénistique et du début de la période romaine Cf. Mouterde (R.), Antiquités et inscriptions (Syrie, Liban), MUSJ, XXVI, 1944-1946, 51, pl. III. Trois bas-reliefs d'origine phénicienne d'un intérêt exceptionnel pour le dossier iconographique d'Astarté ou d'un divinité apparentée sont à signaler, ils dateraient des Ve-TVe s. av. J.-C. le premier provient du Caire Cf. Aimé-Giron (N.),1925 (marbre blanc) ; le second est repéré à Fi, aux environs de Tripoli. Cf. Galling (K.), Ein phönizischer Kultsockel aus der Umgebung von Tripoli erneut interpretiert, BM, 7, 1974, 85-95, pl. 11-12 (socle en pierre) ; le troisième est conservé au Musée de Beyrouth, il est de provenance inconnue, Cf. Gubel (E.), Phoenician Fumiture (St PH., VII), Louvain, 1987, 81, pl. XIII, 34 (pierre). 121. Bonnet (C.), 1996, 143. 122. Hvidberg-Hansen (EO.), La déesse TNT. Une étude sur la religion canaanéo-punique, Copenhague, 1979, 106-112 ; Bonnet (C.), 1996, 136 ; 139 ; 140-142. 123. Bonnet (C.), 1996,17,50-51,150-153. 124. van Buren (DE.), Religious Rites and Ritual in the Time of Uruk IV-III AfO, XIII, 1939, 32-45, surtout 35, fig. 5, 6 ; 38, fig. 7. 125. Amiet (P.). 1980, 100. Sur le mariage sacré d'après l'iconographie des cylindres-sceaux de la Mésopotamie, voir pp. 95-100. 126. van Buren (DE.), The Ear of Corn, Analecta Orientalia, XII, ( Miscellanea Orientalia, dedicato Antonio Deimei) 1935, 333. 54 Africa XXI-2007, La plaquette en ivoire de Carthage à représentation cultuelle Taoufik REDISSI prêtresse ou une hiérodule127. Nous pouvons inévitablement songer que le personnage disparu de la plaquette de Carthage et que la déesse salue, serait éventuellement le dieu Melqart avec qui elle entretenait des relations privilégiées surtout en ce qui concerne l’hieros gamos, un moment essentiel du déroulement du rituel qui préludait à l’egersis (résurrection du dieu après avoir été brûlé sur un bûcher)128. La présence de cette plaquette à Carthage est un témoignage iconographique majeur à verser au dossier d'Astarté en Afrique du Nord. L'inscription phénicienne du médaillon en or exhumé de la tombe de Yadamilk à Douimès (Carthage), relevant de l'extrême fin du VIIIe et du début du VIIe s. av. J.-C., mentionne le nom d'Astarté. Elle demeure un document exceptionnel en faveur de la présence de cette divinité à une époque archaïque. A Carthage, les documents épigraphiques puniques des IV-IIIe s. av. J.-C. témoignent de l'existence de serviteurs et d'un temple d'Astarté129. Hors de la métropole punique, une inscription néo-punique du Ier s. av. J.-C., recueillie à Mididi, a été récemment publiée, elle commémore la construction d'un sanctuaire en l'honneur d'Astarté « épouse de Bâal » ; une rosace à six pétales et un croissant lunaire accompagnent l'inscription130. En se basant sur le procédé technique de la gravure en relief accusé dans laquelle est exécutée la scène de la plaquette en ivoire de Carthage, il est possible de classer ce document comme l'une des plus anciennes productions orientales parvenues à la métropole phénicienne occidentale dans l'ultime partie du VIIIe s. et le début du VIIe s. av. J.-C. A l'opposé de la technique de la gravure en relief prononcé, les ateliers locaux de Carthage et du reste du monde punique de la Méditerranée occidentale ont préféré l'usage d'incision dans la gravure de l'ivoire131. Les maladresses de facture relevées sur les détails de la main gauche de la déesse, de la tête du sphinx représentés à une échelle plus grande par rapport aux dimensions conventionnelles et proportionnelles de la scène viennent s'ajouter à la déformation de la coiffure et des attributs tenus dans les mains des deux sujets. Le manque de soin porté à la gravure qui se contente de représenter des silhouettes vagues sans se soucier des détails du rendu interne et l'absence de documents puniques de comparaison satisfaisants nous orientent à chercher l'origine de cette plaquette dans un atelier périphérique en activité dans une zone que l'on peut placer dans les confins de la Phénicie septentrionale en contact de la Syrie. 127. Les travaux sur les lamelles en or de Pyrgi dont l'une porte une inscription punique sont nombreux, il est hors de notre propos de les mentionner dans leur exhaustivité; nous nous contentons d'indiquer quelques repères que nous avons pu consulter par exemple Février (J.), L'inscription punique de Pyrgi, CRA1,1965, 9-18, surtout p. 13 ; Delcor (M.), Le hieros gamos d'Astarté, SSF, II, 1974, 63-76, pl. XTXXXI, surtout pp. 74-75 ; Perron (I), Un traité d'alliance entre Caere et Carthage contemporain des derniers temps de la royauté étrusque à Rome ou l'avènement commémoré par la quasi-bilmgue de Pyrgi, ANRW, 1,1972,189-216, pl. 1-3. Hvidberg-Hansen (FO.), The Pyrgi Texts seen in an East-West Perspective, Acta Hyperborea, 1,1988,58-68. 128.Bonnet (C.),Melqart. Cultes et mythes de l'Héraclès tyrien en Méditerranée (St Ph., VIII), 1988,78-80 ; 104-112 ; Lipinski (E.), Dieux et déesses de l'univers phénicien et punique (St Ph., XTV), Louvain, 1995, 240-241. 129. Bonnet (C.), 1996, 97-108. L'auteur a rassemblé tous les documents épigraphiques des périodes phénicienne et punique en rapport avec la déesse Astarté à Carthage et en Afrique du Nord. 130. Ferjaoui (A.), Dédicace d'un sanctuaire à Astarté découverte à Mididi (Tunisie), Hommages à Maurice Sznycer (Semitica, XXXVIII), 1990, 113-119, pl. XXI-XXII. 131. Bisi (AM.), 1968 ; Cecchini (SM.), 1976, 44 surtout en ce qui concerne la gravure des peignes en ivoire. A l'époque archaïque, essentiellement au VIIe-début du VIe s. av. J.-C., les objets en ivoire ou en os gravés en relief accusé ou en ronde-bosse sont exceptionnels dans le monde phénico-punique occidental. A part les deux manches en ivoire en ronde-bosse, sculptés en forme de femme pressant le sein, Cf. Bisi (AM.), Une figurine phénicienne trouvée à Carthage, Mélanges de Carthage offerts à Ch. Saumagne, L. Poinssot, M. Pinard, 1964-1965, (Cahiers de Byrsa), 43-53, pl. 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