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« Le concept d'Italie: des premiers colons grecs à la réorganisation augustéenne »

2010, in A. Colombo, S. Pittia & M. T. Schettino (éd.), Mémoires d’Italie. Identités, représentations, enjeux (Antiquité et Classicisme). À l’occasion du 150e anniversaire de l’Unité italienne (1861-2011), Côme, New Press edizioni (Biblioteca di Athenaeum, 56), 2010, p. 36-66.

Michel Humm LE CONCEPT D’ ITALIE: DES PREMIERS COLONS GRECS À LA RÉORGANISATION AUGUSTÉENNE Avec l’affirmation de la domination romaine, l’Italie antique connut un long processus d’unification politique et culturelle qui déboucha sur sa « romanisation » 1. Mais avant d’atteindre ce résultat, au demeurant assez inégal selon les régions et les milieux sociaux ou ethniques, l’Italie a d’abord été une mosaı̈que de peuples, de langues et de cultures aussi divers que nombreux : au Ve siècle av. J.-C., on distinguait, entre autres, des Ligures, des Celtes et des Vénètes au nord ; des Étrusques, des Ombriens, des Picentins plus au sud ; des Latins, des Sabins ainsi que les nombreuses autres populations sabelliques de langue osco-ombrienne en Italie centre-méridionale (Marses, Marrucins, Èques, Volsques, Herniques, Hirpins, Samnites, Péligniens, Lucaniens, Bruttiens, etc.) ; enfin une multitude de cités grecques, dont les ressortissants étaient également de diverses origines (Ioniens, EubéoChalcidiens, Béotiens, Athéniens, Péloponnésiens, Épirotes, etc.), dans la partie la plus méridionale de la Péninsule (Fig. 1) 2. Toutes ces populations possédaient des langues ou des dialectes qui leur étaient propres, avec leurs propres traditions culturelles, leur organisation politique, leur religion, etc. En dehors peut-être des 1 J.-M. David, La romanisation de l’Italie, Histoires, Paris, Aubier, 1994 ; E. Fentress, « Introduction : Cosa and the idea of the city », dans E. Fentress (dir.), Romanization and the City. Creation, Transformations, and Failures. Proceedings of a Conference held at the American Academy in Rome to celebrate the 50 th Anniversary of the Excavations at Cosa, 14-16 May, 1998, JRA, 38, Portsmouth (Rhode Island), Suppl. Journal of Roman Archeology, 2000, p. 9-24 ; P. Zanker, « The City as Symbol : Rome and the Creation of an Urban Image », dans Fentress (dir.), Romanization, p. 2541 ; sur le concept de romanisation, voir : P. Le Roux, « La romanisation en question », Annales (ESC), 59, mars-avril 2004, p. 287-311. 2 J. Bérard, La colonisation grecque de l’Italie me´ridionale et de la Sicile dans l’Antiquite´, Publications de la Faculté des Lettres de Paris, Paris, PUF, 1957, p. 37-299 ; J. Heurgon, Rome et la Me´diterrane´e occidentale jusqu’aux guerres puniques, Nouvelle Clio, 7, Paris, PUF, 1969, p. 53-91 ; M. Pallottino, Histoire de la premie`re Italie, Traduction et introduction de Edmond Frézouls, Contributions et travaux de l’Institut d’Histoire Romaine, 6, Strasbourg, Université des Sciences humaines de Strasbourg, 1993 (trad. fr. de la 1re éd. ital., Storia della prima Italia, Milan, Rusconi, 1984) ; A. M. Chieco Bianchi et G. Colonna (dir.), Italia omnium terrarum alumna. La civilta` dei Veneti, Reti, Liguri, Celti, Piceni, Umbri, Latini, Campani e Iapigi, Antica madre, 11, Milan, Scheiwiller, 1988 ; C. Ampolo (dir.), Italia omnium terrarum parens. La civilta`degli Enotri, Choni, Ausoni, Sanniti, Lucani, Brettii, Sicani, Siculi, Elimi, Antica madre, 12, Milan, Scheiwiller, 19912 (1989) ; G. Amiotti, M. Antico Gallina, A. Violante, Genti preromane nel paesaggio e nella storia, Popoli dell’Italia antica, Milan, Silvana Editoriale, 1994 ; M. Castoldi, C. Chiaramonte Treré, A. De Santis, Popoli italici e culture regionali, Popoli dell’Italia antica, Milan, Silvana Editoriale, 1997. — 37 — Grecs, aucune de ces populations ne semble avoir conçu ou développé une vision unitaire, ou unificatrice, de l’ensemble de la péninsule italienne : même si nos connaissances sur la langue ou la vision du monde de chacune des populations italiques anciennes est forcément assez limitée, rien ne semble indiquer, chez celles-ci, l’existence d’un nom ou d’un concept pour désigner ou définir l’ensemble de la Péninsule selon une vision globale d’ordre géographique, politique, ethnique ou culturel 3. La conception selon laquelle la Péninsule constituerait un ensemble dont les dénominateurs communs ou les principes unificateurs l’emporteraient sur la diversité et le fractionnement ne semble être apparue qu’avec les premiers colons grecs, venus à partir du VIIIe siècle pour chercher fortune dans ce « Far West » occidental, que l’imaginaire homérique peuplait de monstres, de divinités mystérieuses et de populations sauvages (ou « barbares ») qu’il fallait se rendre favorables ou auxquels il fallait échapper 4. L’« ITALIE », UN CONCEPT UNIFICATEUR DE L’HELLÉNISME OCCIDENTAL Cette terre a d’abord été appelée l’« Hespérie », définie comme le « pays du soleil couchant », c’est-à-dire l’Occident au sens propre 5. Le terme est attesté chez Apollonios de Rhodes (IIIe siècle av. J.-C.) à propos de Circé et d’Ulysse, et une scolie indique qu’il l’utilisait pour désigner l’Italie en s’inspirant du texte d’Hésiode 6. Les deux personnages apparaissent justement dans la partie finale de la The´ogonie d’Hésiode appelée He´roˆogonie, dont la rédaction remonte au moins au VIe siècle av. n. ère : la déesse magicienne y est identifiée comme la fille du Soleil (Hélios), probablement parce que la terre où elle habitait, le mont Circé au Latium, était identifiée avec le « pays du soleil couchant » (l’« Hespérie » au sens propre) 7. Le 3 Cf. M. Pallottino, « Sul concetto di storia italica », dans L’Italie pre´romaine et la Rome re´publicaine. Me´langes offerts a` Jacques Heurgon, CEFR, 27, Rome, École française de Rome, 1976, p. 771-789. 4 P. Fabre, Les Grecs et la connaissance de l’Occident. Thèse présentée devant l’Université de Paris 1 le 20 juin 1977, Lille, Université de Lille 3, Service de reproduction des thèses, 1981, spéc. p. 150-214. 5 D.H., A.R. 1.35.3 = Hellanic., FGrH 4 F 111 (= fr. 27 Ambaglio) ; voir aussi : Macr., Sat. 6.1.11 : Est locus, Hesperiam Grai cognomine dicunt. Ennius in I : ‘Est locus, Hesperiam quam mortales perhibebant’ (= Enn., Ann., fr. 23 Vahlen = 20 Skutsch). Cf. E. Wikén, Die Kunde der Hellenen von dem Lande und den Vo¨lkern der Apenninenhalbinsel bis 300 v. Chr., Lund, Håkan Ohlssons Buchdruckerei, 1937, p. 29. 6 Apoll. Rhod., Argonaut. 3.309-311 ; Schol. Apoll. Rhod. 3.309-313 (p. 229 Wendel = R. Merkelbach et M. L. West, Fragmenta Hesiodea, Oxford, Clarendon Press, 1967, nº 390 b). 7 Hes., Theog. 1011-1016 (= FGrH 840 F 6 a). Ces vers, mêmes s’ils devaient avoir été interpolés, attestent de la présence de la figure d’Ulysse en Italie centrale (Latium-Étrurie) dès le VIe siècle au moins : E. D. Phillips, « Odysseus in Italy », JHS, 73, 1953, p. 53-67 (spéc. p. 55-56) ; M. L. West, Hesiod, Theogony, Oxford, Clarendon Press, 1966, p. 433 sq. (les années 540 - 520 av. J.-C.) ; G. Arrighetti, Esiodo, Opere, Turin, Einaudi-Gallimard, 1998 (datation haute, VIIe siècle) ; C. Ampolo, « La ricezione dei miti greci nel Lazio : l’esempio di Elpenore ed Ulisse al Circeo », PP, 49, 1994, p. 268-280 (spéc. p. 271-272) (les deux — 38 — culte du Soleil est d’ailleurs attesté non loin de là, près de Lavinium, dans le Latium : il s’agissait d’un sanctuaire très ancien où l’on vénérait, à l’origine, Sol Indiges, en lien avec le héros éponyme local, Latinus, lui-même fils d’Ulysse et de Circé 8. La The´ogonie d’Hésiode met également en scène les Hespérides, filles de la Nuit, que l’on peut assimiler à des « Nymphes du Couchant » : l’une d’elles, Hesperaréthousa, porte un nom qui est parfois divisé en deux pour être appliqué à deux Hespérides distinctes, Hespéria et Aréthuse, qui personnifieraient respectivement l’Italie et la Sicile (la fontaine de la nymphe Aréthuse est localisée à Syracuse) 9. D’une manière générale, l’Italie semble avoir représenté, dans l’imaginaire collectif des premiers Grecs qui partaient à l’aventure dans cette « conquête de l’Ouest » méditerranéen, un pays de cocagne, identifié aussi avec le séjour des Bienheureux et l’entrée du royaume des morts (au cours de son odyssée, que la tradition homérique va rapidement situer le long des côtes italiennes, Ulysse se rend aux Enfers, dont l’une des ouvertures était située au lac Averne, près de Cumes, le plus ancien site colonial grec en Italie) 10. En tout cas, l’une des attestations les plus anciennes du terme « Hespérie » pour désigner l’Italie se trouve chez Stésichore, un poète grec du VIe siècle, qui est né à Matauros, en Grande Grèce (Bruttium), vécut à Himère, en Sicile, et mourut probablement à Catane : dans son \Iki* ot pe*qri| (« Prise de Troie »), il aurait évoqué, d’après la Table Iliaque capitoline (Fig. 2), le départ d’Énée ei\| sg+m <Erpeqi* am, « en direction de l’Hespérie » 11. Comme, de datations sont également possibles) ; L. Braccesi, Grecita` di frontiera. I percorsi occidentali della leggenda, Padoue, Esedra, 1994, p. 6-7 et p. 43-44 (datation haute, VIIe siècle) ; G. Vanotti, L’altro Enea. La testimonianza di Dionigi di Alicarnasso, Problemi e ricerche di storia antica, 17, Rome, « L’Erma » di Bretschneider, 1995, p. 19 (au plus tard milieu VIe siècle) ; A. Debiasi, L’epica perduta. Eumelo, il Ciclo, l’occidente, Hesperı̀a, 20, Rome, « L’Erma » di Bretschneider, 2004, p. 265-267. 8 Hes., Theog. 1011-1016 ; Plin., H.N. 3.56 ; Indiges signifierait « fondateur de la race » et semble avoir originellement désigné Latinus : cf. S. Weinstock, « Two Archaic Inscriptions from Latium », JRS, 50, 1960, p. 112-118 (spéc. p. 117-118) ; G. K. Galinsky, « Sol and the Carmen Saeculare », Latomus, 26, 1967, p. 619-633 ; F. Castagnoli, « I luoghi connessi con l’arrivo di Enea nel Lazio (Troia, Sol Indiges, Numicus) », ArchClass, 19, 1967, p. 1-13 (= F. Castagnoli, Topografia antica. Un metodo di studio, 2, Italia, Rome, Università degli Studi « La Sapienza », Libreria dello Stato, 1993, p. 863-873) ; G. Dury-Moyaers, E´ne´e et Lavinium. A` propos des de´couvertes arche´ologiques re´centes, Coll. Latomus, 174, Bruxelles, Latomus Revue d’Études latines, 1981, p. 143-153, 213-220. 9 Hes., Theog. 215 sq. ; cf. P. Grimal, Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, Paris, PUF, 1951, s.v. Hespe´rides, p. 209 ; Phillips, « Odysseus », p. 55. 10 Fabre, Les Grecs, p. 1-17 ; cf. Hom., Odyss. 11. 11 IG 14.1284 = FGrH 840 F 6 b = fr. A 151-185 Jahn = fr. 28 Page : Ai\mei* a| rt+m soi& | i\di* oi| a\pai* qxm ei\| sg+m <Erpeqi* am (« Énée partant avec ses compagnons vers l’Occident »). Cf. O. Jahn et A. Michaelis, Griechische Bilderchroniken, Bonn, Adolf Marcus, 1873, p. 32-38 ; A. Sadurska, Les Tables Iliaques, Varsovie, Panstwowe Wydawn Naukowe, 1964, p. 24-37 ; G. K. Galinsky, Æneas, Sicily and Rome, Princeton, University Press, 1969, p. 106-113 ; J. Heurgon, « La Magna Grecia e i santuari del Lazio », dans La Magna Grecia e Roma nell’eta` arcaica. Atti dell’ottavo Convegno di studi sulla Magna Grecia (Taranto, 6-11 Ottobre 1968), Naples, L’Arte Tipografica, 1969, p. 9-31 (spéc. p. 22-27) ; N. M. Horsfall, « Stesichorus at Bovil- — 39 — plus, sur la représentation figurée de la Table Iliaque, derrière Énée qui monte sur son bateau, se tient son compagnon Misènos qui porte la rame du gouvernail, la direction du voyage qui est suggérée par ce nom semble clairement indiquer la Campanie où se trouve le toponyme du cap Misène (un point de repère essentiel pour les navigateurs maritimes antiques, qui ferme, au nord, le golfe de Naples). Plus qu’un simple terme générique (comme le serait, en français, le mot « Occident »), « Hespérie » semble donc bien avoir, un temps, désigné la partie méridionale de la péninsule italienne pour les navigateurs grecs, à l’époque où cette région était encore en partie une terra incognita et semblait receler de fabuleuses richesses que la colonisation allait permettre de découvrir et d’exploiter. Comme pour « Hespérie », le mot « Italie » (\Isaki* a) est un concept d’origine grecque, apparu avec le développement de la colonisation grecque en Occident. En s’appuyant sur le témoignage d’Antiochos de Syracuse, le plus ancien historien d’Occident (Ve siècle av. n. ère), on considère généralement que l’Italie ne désignait, à l’origine, qu’un territoire très restreint, situé à l’extrémité la plus méridionale de la Péninsule, face à la Sicile, et dont la limite septentrionale était marquée par l’isthme de 160 km qui sépare le golfe de Vibo Valentia (anciennement Hipponion) ou golfe de Lamezia à l’ouest, et celui de Squillace (anciennement Scyllétion), près de Catanzaro, à l’est (Fig. 3) 12. Bref, l’Italie primitive se serait limitée, d’après la plus lae ? », JRS, 69, 1979, p. 26-48 ; Dury-Moyaers, E´ne´e et Lavinium, p. 48-53 ; F. Castagnoli, « La leggenda di Enea nel Lazio », StRom, 30, 1982, p. 1-15 (= Castagnoli, Topografia antica, p. 903-915) ; R. Rocca, s.v. Stesicoro, dans F. Della Corte (dir.), Enciclopedia Virgiliana, 4, Rome, Istituto della Enciclopedia Italiana, 1988, p. 1022-1023 ; F. Canciani, s.v. Tabulae Iliacae, dans Della Corte (dir.), Enciclopedia Virgiliana, 5, 1990, p. 36 ; Debiasi, L’epica perduta, p. 161-177. 12 Antioch. Syrac., FGrH 555 F 3 (ap. Strab. 6.1.4 C 255) : Sg+m d\ e<ng&| paqaki* am Bqe*ssioi le*vqi sot& Rijekijot& jase*votri poqhlot& rsadi* xm pemsg*jomsa jai+ sqiajori* xm e\pi+ soi& | viki* oi|. ugri+ d\ \Amsi* ovo| e\m s{& peqi+ sg&| \Isaki* a| rtccqa*llasi sat*sgm \Isaki* am jkghg&mai jai+ peqi+ sat*sg| rtccqa*ueim, pqo*seqom d\ Oi\mxsqi* am pqoracoqet*erhai. o%qiom d\ at\sg&| a\pouai* mei pqo+| le+m s{& Stqqgmij{& peka*cei so+ at\so+, o%peq jai+ sg&| Ketjami* a| e>ualem, so+m Ka&om posalo*m, pqo+| de+ s{& Rijekij{& so+ Lesapo*msiom. sg+m de+ Saqamsi* mgm, g= rtmevg+| s{& Lesapomsi* { e\rsi* m, e\jso+| sg&| \Isaki* a| o\mola*fei, \Ia*ptca| jakx&m. e>si d\ a\mx*seqom Oi\mxsqot*| se jai+ \Isakot+| lo*mot| e>ug jakei& rhai sot+| e\mso+| sot& i\rhlot& pqo+| so+m Rijekijo+m jejkile*mot| poqhlo*m. e>rsi d\ at\so+| o< i\rhlo+| e<jaso+m jai+ e<ng*jomsa rsa*dioi lesant+ dtei& m jo*kpxm, sot& se \Ippxmia*sot, o=m \Amsi* ovo| Mapgsi& mom ei> qgje, jai+ sot& Rjtkkgsijot&. peqi* pkot| d\ e\rsi+ sg&| a\pokalbamole*mg| vx*qa| pqo+| so+m poqhlo+m e\mso+| rsa*dioi dirvi* kioi. lesa+ de+ sat&sa e\pejsei* merhai* ugri sot>mola jai+ so+ sg&| \Isaki* a| jai+ so+ sx&m Oi\mxsqx&m le*vqi sg&| Lesapomsi* mg| jai+ sg&| Reiqi* sido|" oi\jg&rai ca+q sot+| so*pot| sot*sot| Vx&ma|, Oi\mxsqijo+m e>hmo| jasajorlot*lemom, jai+ sg+m cg&m o\mola*rai Vx*mgm. ot’so| le+m ot#m a<pkotrse*qx| ei> qgje jai+ a\qvai] jx&|, ot\de+m dioqi* ra| peqi+ sx&m Ketjamx&m jai+ sx&m Bqessi* xm (« Le reste du littoral jusqu’au détroit de Sicile, sur une longueur de 1 350 stades, appartient au Brettion. Dans son traité De l’Italie, Antiochos rapporte que cette région porte le nom d’Italie et que c’est elle qui fait l’objet de son étude, mais qu’elle était appelée autrefois Œnôtrie. Il lui assigne pour limites, du côté de la mer Tyrrhénienne, la même que celle que nous avons assignée pour la Lucanie, à savoir le cours du Laos, et du côté du détroit de Sicile la ville de Métaponte. Quant au territoire de Tarente, qui suit immédiatement Métaponte, il en fait mention comme d’un territoire extérieur à l’Italie et — 40 — ancienne définition grecque qui nous soit connue, à la petite péninsule constituée par la partie la plus méridionale de l’actuelle Calabre (le Bruttium antique) 13. D’après Antiochos, ce territoire se serait primitivement appelé Œnôtrie, et les Œnôtres auraient été les premiers habitants de l’Italie (Fig. 4). Denys d’Halicarnasse, qui s’appuie sur le témoignage de Phérécyde d’Athènes (milieu Ve siècle), considère ces Œnôtres comme des Aborigènes originaires d’Arcadie : ces Arcadiens auraient été « les premiers des Grecs à avoir traversé le golfe d’Ionie pour s’installer en Italie, sous la conduite d’Œnôtros, le fils de Lycaon » 14. Un peu plus loin, Denys rapporte ce que le généalogiste mythographe Phérécyde a écrit au sujet des rois d’Arcadie : « De Pélasgos et de Déjanire naquit Lykaon, qui épousa Kyllènè, une Naı̈ade, qui a donné son nom au mont Cyllène » 15 ; Denys ajoute que, dans son énumération de tous les descendants de Lykaon et de leurs implantations respectives, Phérécyde mentionne Œnôtros et Peukétios en ces termes : « Œnôtros, d’après qui les habitants de l’Italie sont appelés Œnôtres, et Peukétios, d’après qui ceux du golfe d’Ionie sont appelés Peucètes » 16. Autrement dit, d’après les anciennes sources grecques sur lesquelles s’appuyait l’historien d’époque augustéenne, les premiers habitants de l’Italie, les Œnôtres, auraient en fait été des Grecs (à l’instar des Peucètes d’Apulie), ce qui est naturellement une construction mythographique destinée à justifier la colonisation grecque en Italie du Sud 17. Pour Antiochos, l’« Œnôtrie » primitive se serait par la suite appelée « Italie » en tirant son nom de celui d’Italos, donne à ses habitants le nom d’Iapyges. Dans un temps plus reculé encore, à l’en croire, les noms d’Œnotriens et d’Italiens se seraient appliqués seulement aux peuples fixés en deçà de l’isthme, face au détroit de Sicile. L’isthme en question, large de 160 stades, est celui qui sépare les deux golfes nommés respectivement Golfe d’Hipponion – le Golfe Napitinos d’Antiochos – et le Golfe de Scyllétion. Le périple du pays compris entre l’isthme et le détroit de Sicile est de 2 000 stades. « Après cette époque », continue Antiochos, « on voit les deux noms d’Italie et d’Œnôtriens s’étendre jusqu’aux territoires de Métaponte et de Siris ». Et en effet, selon lui, ces lieux auraient été habités par des Chônes. Antiochos, on le voit, a simplifié à l’excès, et ses conceptions sont archaı̈ques, puisqu’il n’est entré dans aucune distinction relativement aux Lucaniens et aux Brettiens. » [traduction F. Lasserre, CUF, 1967]). Cf. aussi : Antioch. Syrac., FGrH 555 F 5 (ap. D.H., A.R. 1.35.1). Sur Antiochos de Syracuse, voir notamment : N. Luraghi, « Antioco di Siracusa », dans R. Vattuone (dir.), Storici greci d’Occidente, Bologne, Il Mulino, 2002, p. 55-89. 13 C. Lackeit, s.v. Italia, RE, Suppl. 3, 1918, col. 1248-1249 ; F. Klingner, Ro ¨mische Geisteswelt, Munich, Ellermann, 19655 (« Italien, Namen, Begriff und Idee im Altertum ») ; F. Prontera, « Imagines Italiae. Sulle più antiche visualizzazioni e rappresentazioni geografiche dell’Italia », Athenaeum, 74, 1986, p. 295320 ; S. Gély, Le nom de l’Italie : mythe et histoire, d’Hellanicos a` Virgile, Bibliothèque du voyage en Italie, 37, Genève, Slatkine, 1991, p. 22-23. 14 D.H., A.R. 1.11.2 : pqx&soi ca+q <Ekkg*mxm ot’soi peqaixhe*mse| so+m \Io*miom jo*kpom {>jgram \Isaki* am, a>comso| at\sot+| Oi\mx*sqot sot& Ktja*omo|. 15 D.H., A.R. 1.13.1 : Pekarcot& jai+ Dgiamei* qg| ci* mesai Ktja*xm" ot’so| calei& Jtkkg*mgm, Mgi* da mt*lugm, a\u\ g’| so+ o>qo| g< Jtkkg*mg jakei& sai. 16 Pherecyd. Ath., FGrH 3 F 156 (ap. D.H., A.R. 1.13.1) : jai+ Oi> mxsqo|, a\u\ ot’ Oi> mxsqoi jake*omsai oi< e\m \Isaki* z oi\je*omse|, jai+ Petje*sio|, a\u\ ot’ Petje*sioi jake*omsai oi< e\m s{& \Iomi* { jo*kp{. 17 Voir là-dessus Bérard, La colonisation grecque, p. 439-444. — 41 — un roi œnôtre (fils d’Œnôtros) qui régna sur cette région en faisant preuve de sagesse et de justice ; il aurait donné des institutions et des lois aux Œnôtres, et les auraient transformés de pasteurs nomades en agriculteurs sédentaires 18. Bref, on a là un éloge des bienfaits de la colonisation grecque sur le pays et les peuples de l’Italie méridionale : cette terre ne serait devenue « italienne » qu’en étant d’abord hellénisée. Toutefois, si les fragments cités par Stéphane de Byzance sont exacts, le premier auteur à avoir parlé de l’« Italie » aurait été Hécatée de Milet, un des plus anciens historiens et géographes grecs (vers 517 av. J.-C.). Or, dans son Voyage autour de la terre (Peqi* odo| cg&|, un ouvrage qui était accompagné d’une carte et qui couvrait l’Europe et l’Asie, à laquelle étaient rattachées l’Égypte et la Libye/Afrique), Hécatée considérait non seulement Locres, Medma, Caulonia et Crotalla (non identifiée : peut-être Crotonia ?) comme des « cités d’Italie » (po*kei| \Isaki* a|) 19, mais cette acception géographique s’appliquait aussi, pour lui, à Capoue et à l’ı̂le de Pithécusses d’une part 20, ainsi qu’à l’Iapygie d’autre part 21. On aurait donc eu, dès la fin du VIe siècle, une définition assez étendue du concept grec d’Italie, s’étendant au moins de la Campanie (en Italie centrale) aux Pouilles (dans le sud-est de la Péninsule). Cette définition d’une Italie déjà très étendue géographiquement, telle qu’elle est donnée dans les fragments d’Hécatée, a souvent été considérée comme le fruit de réélaborations manuscrites plus tardives. On la retrouve toutefois également dans un fragment de l’Iliou persis d’Arctinos de Milet (poète épique de la fin du VIIIe siècle), selon lequel Énée aurait transporté « les objets sacrés des Grands Dieux et le Palladion [...] jusqu’en Italie » (ei\| \Isaki* am) 22. Cette définition d’une Italie étendue à presque l’ensemble de la Péninsule par les deux auteurs milésiens refléterait-elle celle des navigateurs ioniens en Méditerranée occidentale à l’époque archaı̈que ? Pour E. Lepore, des raisons historiques locales permettent d’expliquer la définition très étendue du concept d’Italie que l’on trouve chez Hécatée : la connaissance qu’Hécatée pouvait avoir de la péninsule italienne proviendrait des relations que les commerçants et les navigateurs milésiens et ioniens entretenaient avec Sybaris et son empire commercial étendu au monde indigène italique 23. La puissance économique de Sybaris s’expliquerait précisément par sa Antioch. Syrac., FGrH 555 F 2 (ap. D.H., A.R. 1.12.3) ; FGrH 555 F 5 (ap. D.H., A.R. 1.35.1). Hecat., FGrH 1 F 81, 1 F 83, 1 F 84, 1 F 85 (ap. Steph. Byz., s.v. Le*dlg, Kojqoi+ \Epifeut*qioi, Jatkxmi* a, Jqo*sakka). 20 Hecat., FGrH 1 F 62-63 (ap. Steph. Byz., s.v. Japt*a, Japqig*mg). 21 Hecat., FGrH 1 F 86-87 (ap. Steph. Byz., s.v. \Iaptci* a, \Eket*sioi). 22 Arctin., Iliou persis, fr. 1 Bethe = 1 Bernabé (ap. D.H., A.R. 1.68.2-69.4). 23 E. Lepore, « L’ISAKIA nella formazione della comunità romano-italica », Klearchos, 5, 1963, p. 89113. 18 19 — 42 — situation géographique et sa position centrale entre Poséidonia et la Campanie étrusque d’une part, Tarente et l’Iapygie d’autre part. Mais, avec la destruction de Sybaris par Crotone à la fin du VIe siècle, cet empire commercial disparut en laissant derrière lui un vide géopolitique entre le golfe de Tarente et la mer Tyrrhénienne : selon E. Lepore, c’est ce qui expliquerait qu’après Hécatée, l’« Italie » ait fini par recevoir une définition géographique beaucoup plus étroite et étriquée, comme celle qui a été donnée par Antiochos de Syracuse. Toutefois, cette définition étriquée du concept d’Italie n’est pas encore celle des auteurs athéniens du siècle de Périclès. Au Ve siècle, Sophocle évoquait en effet, dans sa pièce intitulée Triptole`me, l’étendue des terres que Déméter aurait montrées au jeune héros et qu’il devait parcourir pour y semer les graines de blé qu’elle lui a données : Sophocle y distinguait une « Italie orientale qui s’étend du cap Iapygie jusqu’au détroit de Sicile », et une « Italie occidentale » qui commence par « la région occupée par les Œnôtres » et s’étend jusqu’au « golfe Tyrrhénien », selon une définition géographique qui rejoint celle que donnait Hécatée (Fig. 4) 24. De même, Hellanicos de Lesbos et Damaste de Sigée, deux auteurs athéniens contemporains de la guerre du Péloponnèse, évoquaient la venue d’Énée en Italie depuis le pays des Molosses (e\j Lokossx&m ei\| \Isaki* am e\kho*msa) : même si cette Italie devait d’abord correspondre, dans leur esprit, à la partie la plus méridionale de la Péninsule, où certains toponymes et certains ethnonymes rappelaient ceux de l’Épire (une cité nommée Pandosie existait aussi bien près du fleuve Achéron en Épire qu’auprès du fleuve homonyme dans le Bruttium, et les Chônes de Siritide ne sont pas sans rappeler les Chaones de Thesprotie), ces auteurs amenaient le héros troyen jusque dans le Latium où il aurait, selon eux, fondé Rome 25. Cette définition de l’Italie d’après les auteurs athéniens du Ve siècle correspondait en fait parfaitement aux ambitions impérialistes athéniennes dans la région aux époques de Cimon et de Périclès, déjà manifestes au temps de Thémistocle 26. Dès l’époque de Thémistocle en effet (et peut-être déjà de celle de Pisistrate), Athènes semble avoir nourri des ambitions politiques en direction de l’Italie, à Sybaris et en Siritide : Hérodote indique qu’au moment de la prise d’Athènes par les Perses, Thémistocle aurait évoqué la possibilité, pour les Athéniens, de se rendre « à Siris, en Italie, qui nous appartient depuis bien longtemps, et où, disent les oracles, nous devons établir une colonie » 27 ; d’après Plutarque, Thémistocle aurait même appelé deux de ses filles Italia et Sybaris en raison de ses projets en Italie mé24 Soph., Triptol., fr. 598 Radt (ap. D.H., A.R. 1.12.2) ; cf. G. Vanotti, « Sofocle e l’Occidente », dans I tragici greci e l’Occidente, Bologne, Patron, 1979, p. 103-112. 25 Hellanic., FGrH 4 F 84 = 840 F 8 = fr. 160 Ambaglio ; Damast., FGrH 5 F 3 = 840 F 9 (ap. D.H., A.R. 1.72.2). 26 J. Perret, « Athènes et les légendes troyennes d’Occident », dans L’Italie pre´romaine, 2, p. 791-803. 27 Hdt. 8.62. — 43 — ridionale 28. L’Athènes de Cimon et de Périclès a ensuite multiplié les initiatives en direction de l’Occident, notamment par le premier traité avec Rhégion qui lui ouvrait la route du détroit de Messine (vers 460), le traité avec Ségeste (en 458/457), et enfin la refondation de Sybaris (vers 446/445 - 444/443) avant la fondation, à proximité de l’ancienne Sybaris, de la colonie « panhellénique » de Thourioi (en 436/435 - 434/433) 29. Vers le milieu du Ve siècle, Athènes se substitua au « protectorat syracusain » en Campanie (celui-ci fut peut-être à l’origine d’une première « fondation » coloniale à Parthénopè, qui fut par la suite appelée « Palaeopolis » par opposition à la « Néapolis » 30) en conduisant, aux côtés d’habitants de Cumes et de Chalcidiens d’Eubée, l’a\poiji* a de Naples, devenue « le point d’appui de la politique italienne d’Athènes » (J. Bérard) 31. À un moment qui reste difficile à préciser, 28 Plut., Them. 32.2. Cf. Bérard, La colonisation grecque, p. 194-195 et p. 273 ; S. Mazzarino, Il pensiero storico classico, 1, Bari, Laterza, 1966, p. 119-121, 190 ; F. Raviola, « Temistocle e la Magna Grecia », dans Tre studi su Temistocle, Padoue, Editoriale Programma, 1986, p. 13-112 ; E. Lepore, « Il Mediterraneo e i popoli italici nella transizione del V secolo », dans A. Momigliano et A. Schiavone (dir.), Storia di Roma, 1, Roma in Italia, Turin, Einaudi, 1988, p. 485-503 (spéc. p. 491) ; L. Braccesi, « Troia, Atene e Siri », Hesperı`a, 5, 1995, p. 61-73 (spéc. p. 69-71). 29 E. Ciaceri, Storia della Magna Grecia, 2, La grande civilta `del Mezzogiorno d’Italia : sviluppo, potenza ed azione politica degli stati italioti, dal sec. VII alla meta` del sec. IV, Milan- Rome- Naples, FPE-Franco Pancallo Editore, 1927, p. 345 sq. ; E. Lepore, « La vita politica e sociale », dans Storia di Napoli, 1, Naples, ESI, 1967, p. 139-371 (spéc. p. 179-180) ; L. Braccesi, « Gli Elimi e la leggenda troiana », dans Gli Elimi e l’area elima fino all’inizio della prima guerra punica. Atti del seminario di studi : Palermo, Contessa, Entellina, 25-28 maggio 1989, Palerme, Società siciliana per la storia patria, 1991, p. 107-114 ; L. Braccesi, « La Sicilia prima dei Greci. Trattazione storica », dans E. Gabba et G. Vallet (dir.), La Sicilia antica, 1.1, Indigeni, Fenici-Punici e Greci, Palerme, A. Lombardi, 19922, p. 53-86 (spéc. p. 67-73) ; A. Coppola, « Fra continuità e cambiamento : Atene, Reggio e Leontini », Hesperı`a, 3, 1993, p. 85-97 ; A. Coppola, « L’Occidente : mire ateniesi e trame propagandistiche siracusane », Hesperı`a, 3, 1993, p. 99-113 ; E. Will, Le monde grec et l’Orient, 1, Le Ve sie`cle, Peuples et civilisations, Paris, PUF, 1972, p. 276-280. 30 « Palaepolis » ou « Ville Vieille » (Liv. 8.22.8-8.23.12 ; cf. D.H., A.R. 15.5-15.10 = fr. 15.H et 15.I Pittia) suppose l’existence de la « Ville Neuve » ou « Neapolis » (Naples) : la fondation de Naples a donc dû s’effectuer en deux étapes, comme le confirment les témoignages de Lutatius Catulus et Pline l’Ancien (infra note 31) : cf. Bérard, La colonisation grecque, p. 55-61. La première fondation (celle de Parthénopé ou « Palaepolis ») fut peut-être décidée après l’abandon de Pithécusses, évacuée par Syracuse par suite des manifestations volcaniques dans l’ı̂le (cf. Strab. 5.4.9 C 248), d’autant que des Pithécussains sont censés avoir participé, aux côtés des Cuméens, à cette première « fondation » (jsi* ri|) de Naples (sources note 31) : cf. F. Raviola, Napoli origini, Hesperı̀a, 6, Rome, « L’Erma » di Bretschneider, 1995, p. 93-195. 31 Lycophr., Alex. 717-721 : Naples est appelée « Phalère », et se trouve ainsi placée sous le patronage du héros athénien Phaléros (cf. aussi Steph. Byz., s.v. Ua*kgqom) ; Lutat. Cat., Comm. hist., fr. 7 P. = 9 Chassignet (ap. Schol. Vatic. in Virg., Georg. 4.563) : fondation de Parthénopè par des habitants de Cumes ; celleci voulut ensuite la détruire, mais après une épidémie et l’ordre d’un oracle, les Cuméens la relevèrent et instituèrent des cérémonies religieuses en l’honneur de la sirène Parthénopè, la nouvelle ville prenant désormais le nom de « Néapolis » ; Strab. 5.4.7 C 246 : Naples était un établissement des Cuméens qui fut colonisé plus tard par des Chalcidiens ainsi que par un certain nombre de Pithécussains et d’Athéniens, de qui elle reçut son nom de « Néapolis » ; Vell. 1.4.2 : longtemps après la fondation de Cumes, une partie de ses habitants fondèrent Naples ; Plin., H.N. 3.62 : fondation de Parthénopè par des Chalcidiens ; Ps.-Scymn. 251-252 Müller — 44 — mais qui doit se situer au temps de ou peu après la « refondation » de Naples, Athènes envoya en Campanie l’un de ses stratèges, Diotimos, à la tête d’une flotte et d’un petit corps expéditionnaire, sans doute pour en consolider la fondation 32. C’est dans ce contexte que les mystères éleusiniens du culte de Déméter, évoqués par Sophocle dans son Triptole`me, ont touché la Campanie en arrivant à Naples 33. Enfin la Campanie fut, dans la période comprise entre 480 et 425, un des plus grands marchés d’exportation pour la production céramique attique, aussi bien la céramique peinte que celle à vernis noir 34. La politique athénienne disputa alors à Syracuse le contrôle du marché du blé et des régions de production, aussi bien en Sicile, en Apulie, en Campanie, en Étrurie, et jusque dans la plaine du Pô 35. Ainsi, vers le milieu du Ve siècle, l’influence commerciale et politique de Syracuse céda la place, sur le théâtre italien, aux ambitions occidentales d’Athènes, désormais libérée de la menace perse. (= 242-243 Marcotte) : Naples fut fondée par Cumes pour obéir à un oracle ; cf. Bérard, La colonisation grecque, p. 55-61 ; Raviola, « Temistocle », p. 13-91. 32 Tim. Taur., FGrH 566 F 98 (ap. Tzetz., Ad Lycophr. Alex. 732-737) : ugri+ Si* laio| Dio*silom so+m \Ahgmai* xm mat*aqvom paqacemo*lemom ei\| Mea*pokim jasa+ vqgrlo+m ht&rai sz& Paqhemo*pz jai+ dqo*lom poig&rai kalpa*do|" dio+ jai+ le*vqi sot& mt&m sg&| kalpa*do| a\cx&ma [e\sgri* x| : Tzetzes] sekei& rhai paqa+ soi& | Meapoki* sai|. Diotimos est également mentionné par Thucydide (1.45.2) comme le chef de l’escadre athénienne envoyée contre Corcyre en 433 (L. Braccesi, Grecita` adriatica. Un capitolo della colonizzazione greca in Occidente, Bologne, Pàtron 19772, p. 306) ; Tzetzes (Ad Lycophr. Alex. 732-737) place l’expédition de Diotimos à Naples au moment d’une « guerre contre les Sicules » (o< Dio*silo| de+ ei\| Mea*pokim g#khe o%se rsqasgco+| x/m sx&m \Ahgmai* xm e\poke*lei soi& | Rijekoi& |), ce qui pourrait, selon certains, désigner la première expédition athénienne en Sicile, en 427-424, mais il s’agit-là d’une date trop tardive pour la refondation de Naples (notamment d’après ses monnaies et sa nécropole) : cf. Lepore, « La vita politica e sociale », p. 172-178 ; F. Raviola, « Tzetzes e la spedizione di Diotimo a Neapolis », dans L. Braccesi (dir.), Studi sulla grecita`di Occidente, Hesperı̀a, 3, Rome, 1993, « L’Erma » di Bretschneider, p. 67-83 ; Braccesi, Grecita` adriatica, p. 197-207 (433/432 ne peut constituer qu’un terminus ante quem pour l’expédition de Diotimos à Naples). 33 Cf. O. de Cazanove, « Le sanctuaire de Cérès jusqu’à la deuxième sécession de la plèbe. Remarques sur l’évolution d’un culte public », dans F.-H. Massa-Pairault (dir.), Crise et transformation des socie´te´s archaı¨ques de l’Italie antique au Ve sie`cle av. J.-C. Actes de la table ronde organise´e par l’E´cole française de Rome et l’Unite´ de recherches ´ etrusco-italiques associe´e au CNRS (UA 1132) (Rome, 19-21 novembre 1987), CEFR, 137, Rome, École française de Rome, 1990, p. 373-399, spéc. p. 390-398. 34 E. Lepore, « Parallelismi, riflessi e incidenza degli avvenimenti del contesto mediterraneo in Italia », dans Massa-Pairault (dir.), Crise et transformation, p. 289-297 (spéc. p. 294-295). 35 Lepore, « Il Mediterraneo », p. 489-492 ; c’est aussi vers ces régions que se tournent les exportations de céramique attique : G. Vallet, Le monde grec colonial d’Italie du Sud et de Sicile, CEFR, 218, Rome, École française de Rome, 1996, p. 231-252 (« Céramique et histoire grecque ») ; d’après Plutarque (Per. 20.3), dès l’époque de Périclès, à Athènes, certains songeaient déjà à attaquer non seulement la Sicile, mais aussi l’Étrurie et Carthage (jai+ Stqqgmi* a jai+ Jaqvgdx*m), « non sans espérances de succès, vu la grandeur de l’empire que possédaient alors les Athéniens et l’heureux cours de leurs affaires » ; enfin, dans les Gueˆpes d’Aristophane, Bdélycléon définit l’empire sur lequel règne Philocléon par « quantité de villes depuis le Pont jusqu’à la Sardaigne » (v. 700). — 45 — Cette présence athénienne en Italie méridionale contribue sans doute à expliquer, autant sinon plus que la destruction de Sybaris à la fin du VIe siècle, qu’on ait donné, vers la fin du Ve siècle, à Syracuse, une définition beaucoup plus restrictive au concept grec d’Italie, comme le fit Antiochos de Syracuse dans son traité Sur l’Italie (peqi+ sg&| \Isaki* a|) 36. Les Œnôtres qui occupaient ce territoire, prétendument après être venus de Grèce, auraient chassé vers la Sicile les Sikèles (ou Sicules) qui l’habitaient primitivement (Fig. 4). Selon Antiochos, l’Italie primitive se serait ensuite progressivement étendue, d’abord aux territoires de Métaponte et de Siris, puis jusqu’aux golfes de Poseidonia (Paestum) et de Tarente 37. Toujours selon Antiochos, les Sikèles chassés vers la Sicile auraient été commandés par un certain Sikélos, qui aurait lui-même été un exilé de Rome 38. Philistos de Syracuse, auteur d’une histoire de la Sicile et d’une monographie sur Denys l’Ancien et Denys le Jeune (vers 430356), racontait que ces Sikèles auraient en réalité été des Ligures (assimilés à des Celtes) chassés de la péninsule italienne par des Ombriens et des Pélasges (parfois identifiés aux Aborigènes auxquels la propagande athénienne assimilait les populations autochtones) 39. Ces récits légendaires permettaient à Syracuse de légitimer ses ambitions impérialistes en Italie, y compris contre des cités grecques (puisque les Siciliens auraient été originaires d’Italie, et donc ses premiers occupants), voire de légitimer les opérations militaires dirigées contre Rome et son allié Caeré par les alliés gaulois de Denys l’Ancien (puisque les Siciliens auraient été des Ligures, assimilés à des populations celtes, qui auraient été chassés de la Péninsule par des populations autochtones que la propagande athénienne assimilait à des Pélasges ou à des Aborigènes) 40. Mais selon Thucydide, qui donne là vraisemblablement la version athénienne du mythe, le roi des Sikèles aurait été Italos lui-même, l’éponyme de l’Italie 41. La notion d’Italie apparaı̂t bien ainsi comme un concept géopolitique d’origine grecque, même s’il n’a pas connu un développement linéaire : aux larges horizons de « l’observatoire sybaritique » (E. Lepore) et de l’impérialisme athénien du siècle de Thémistocle et de Périclès, se serait substitué, au temps de la guerre du Péloponnèse, l’horizon limité d’un centre comme celui de Rhégion, ou même le Voir supra note 12. Antioch. Syrac., FGrH 555 F 3 (ap. Strab. 6.1.4 C 255) ; FGrH 555 F 6 (ap. D.H., A.R. 1.73.4). 38 Antioch. Syrac., FGrH 555 F 6 (ap. D.H., A.R. 1.73.4-5). 39 Philist. Syrac., FGrH 556 F 46 (ap. D.H., A.R. 1.22.4-5) ; sur Philistos de Syracuse, voir notamment : C. Bearzot, « Filisto di Siracusa », dans Vattuone (dir.), Storici greci, p. 91-136. Sur les Pélasges et les Aborigènes en Italie, voir surtout : D. Briquel, Les Pe´lasges en Italie. Recherches sur l’histoire de la le´gende, BEFAR, 252, Rome, École française de Rome, 1984. 40 Briquel, Les Pe´lasges, p. 44-53 ; D. Briquel, Le regard des autres. Les origines de Rome vues par ses ennemis (de´but du IV e sie`cle / de´but du I er sie`cle av. J.-C.), Besançon, Annales littéraires de l’Université de FrancheComté, 1997, p. 34-36. 41 Thuc. 6.2.4. 36 37 — 46 — point de vue d’un centre extra-péninsulaire comme Syracuse. De concept géographique abstrait chez Hécatée, l’Italie serait devenue (au cours de la première moitié du Ve siècle) un concept ethno-culturel identifié à l’Œnôtrie, que l’on retrouve chez Antiochos de Syracuse, tout comme chez Hippys de Rhégion (l’unité géographique se faisant plutôt de part et d’autre du détroit de Sicile). Bref, la vision grecque de l’Italie traduisait essentiellement une définition territoriale, plus ou moins extensible, et qui répondait aux besoins unificateurs de l’impérialisme du moment. Au cours du IVe siècle, face à la pression politique, militaire et démographique des populations sabelliques (Fig. 5 : Samnites, Lucaniens, Bruttiens, etc.), les Grecs de Sicile ou de Grande Grèce tentèrent d’utiliser à plusieurs reprises le concept unificateur d’Italie pour essayer d’unir contre ces « Barbares » les forces de l’hellénisme italien. Le concept d’Italie fut d’abord utilisé en ce sens par le tyran Denys l’Ancien, qui mena une politique d’expansion impérialiste dans toute la péninsule italienne au cours des premières décennies du IVe siècle : l’impérialisme de Denys toucha d’abord la Grande Grèce (siège de Rhégion en 386), mais s’étendit aussi jusqu’en Tyrrhénie (par la destruction du port de Caeré, Pyrgi, en 384/383, et par son alliance avec les Gaulois contre Rome) et se prolongea le long de toute la côte adriatique de la Péninsule (par l’installation d’une colonie à Adria) 42. Or c’est dans ce contexte, à la cour de Denys l’Ancien puis de Denys le Jeune, que l’historien syracusain Alcimos a écrit une histoire de l’Italie (\Isakijg*), à côté d’une histoire de la Sicile 43 : dans un fragment conservé par Athénée, Alcimos expliquait pourquoi, selon lui, les femmes italiques s’abstenaient de boire du vin, un interdit que l’on retrouve à Rome et qui est présenté généralement comme une spécificité des femmes romaines 44 ; dans son histoire de l’Italie, Alcimos évoquait également les origines de Rome, dans lesquelles se seraient fondus, selon lui, des éléments troyens et aussi étrusques 45. Autrement dit, alors que Denys l’Ancien menait des opérations militaires 42 Cf. K. F. Stroheker, Dionysios I. Gestalt und Geschichte des Tyrannen von Syrakus, Wiesbaden, Steiner, 1958 ; B. Caven, Dionysios I, War-Lord of Sicily, New Haven- Londres, Yale University Press, 1990 ; Briquel, Le regard des autres, p. 16-26. 43 Sur Alcimos de Syracuse, voir notamment : R. Vattuone, Sapienza d’Occidente. Il pensiero storico di Timeo di Tauromenio, Bologne, Pàtron, 1991, p. 282-286 ; F. Muccioli, « La letteratura storiografica tra Filisto e Timeo », dans Vattuone (dir.), Storici greci, p. 137-176, spéc. p. 147-154 (bibliographie p. 174-175). 44 Alcim., FGrH 560 F 2 (ap. Ath., Deipn. 10.441a) ; cf. Fab. Pict., Ann., fr. 27 Peter = 11 Chassignet (ap. Plin., H.N. 14.89) ; Cat., Incert. libr. rel., fr. 14, p. 86 Jordan (ap. Plin., H.N. 14.90) ; D.H., A.R. 2.25.6 ; Plut., Num 25.10 ; Quaest. Rom. 6.265b ; Plb. 6.11a (ap. Ath., Deipn. 10.440e) ; Cic., Rep 4.7, fr. 4 Bréguet (ap. Non., p. 5 Lindsay ; Val. Max. 2.1.5 ; Gel., N.A. 10.23.1 ; Serv., Ad Verg. Æn. 1.737. Cf. M. Gras, « Vin et société à Rome et dans le Latium à l’époque archaı̈que », dans Modes de contacts et processus de transformation dans les socie´te´s anciennes. Actes du colloque de Cortone (24-30 mai 1981) organise´par la Scuola normale superiore et l’E´cole française de Rome avec la collaboration du Centre de recherches d’histoire ancienne de l’Universite´ de Besançon, CEFR, 67, Pise-Rome, École française de Rome, 1983, p. 1067-1075. 45 Alcim., FGrH 560 F 4 (ap. Fest., p. 326 L) ; cf. E. Manni, « La fondazione di Roma secondo Antioco, Alcimo e Callia », Kokalos, 9, 1963, p. 253-268 (spéc. p. 262-265) ; G. Vanotti, « Alcimos, Syracuse et — 47 — jusque contre Caeré et Rome, son historien de cour étendait le concept d’Italie jusqu’à ces cités, comme pour justifier le bienfondé ou la légitimité de l’impérialisme syracusain en Italie centrale. Par la suite, au cours du IVe siècle, le concept d’Italie fut successivement utilisé par Tarente, puis par Alexandre le Molosse, pour tenter d’unifier l’hellénisme italien contre la pression politique et militaire des populations « italiques » : d’abord avec la mainmise par Tarente sur la direction de la « ligue italiote » (une alliance de cités grecques d’Italie du Sud), dont le siège fut installé à Héraclée 46 ; puis avec la tentative d’Alexandre le Molosse de reconstituer une \Isaki* a grecque qui se serait étendue jusqu’à l’embouchure du Sele (près de Poseidonia) 47. Une autre tentative unificatrice a été portée par Agathoclès, à la fin du IVe siècle, et on retrouve avec elle de nouveau la composante sicilienne enrichie, comme pour les deux Denys, d’un intérêt pour la côte adriatique 48. C’est dans ce contexte que Callias de Syracuse, qui passe parfois pour le frère d’Agathoclès, écrivit une monographie en vingt-deux livres sur le tyran de Syracuse (sa+ peqi+ \Acahojke*a, ou bien peqi+ \Acahojke*a i< rsoqi* ai) 49. Dans cette histoire d’Agathoclès, Callias alla jusqu’à s’intéresser aux origines de Rome, puisqu’il est l’un des tout premiers historiens grecs à évoquer la légende de Romulus et Rémus : selon lui, Rhômos, Rhômulos et Télégonos auraient fondé la cité à laquelle ils auraient donné le nom de leur mère, Rhômè 50 ; selon un autre fragment, cité par Festus (si Caltinus peut bien être identifié à Callias), Rhômè aurait été la femme de Latinus, qui aurait fondé la ville « lorsqu’il se rendit maı̂tre de Rome : propagande et guerre à l’époque des deux Denys », dans E. Caire et S. Pittia (dir.), Guerre et diplomatie romaines (IV e-III e sie`cles). Pour un re´examen des sources, Aix-en-Provence, Publications de l’Université de Provence, 2006, p. 223-241. 46 P. Wuilleumier, Tarente des origines a ` la conqueˆte romaine, BEFAR, 148, Paris, De Boccard, 1939, p. 64-66 ; K. Lomas, Rome and the Western Greeks, 350 BC-AD 200, Conquest and Acculturation in Southern Italy, Londres, Routledge, 1993, p. 32-37. 47 Lepore, « L’ISAKIA », p. 97-100 ; cf. A. Mele, « Alessandro il Molosso e le città greche d’Italia », dans Alessandro il Molosso e i «condottieri» in Magna Grecia. Atti del quarantatreesimo Convegno di Studi sulla Magna Grecia, Taranto-Cosenza 26-30 settembre 2003, Tarente, Istituto per la storia e l’archeologia della Magna Grecia, 2004, p. 283-320. 48 Cf. H. Berve, Die Herrschaft des Agathocles, Munich, Sitzungsb. der Bayerisch. Akad. der Wissenschaft, 1953. 49 Muccioli, « La letteratura storiografica », p. 165-169. 50 Call. Syrac., FGrH 564 F 5a (ap. D.H., A.R. 1.72.5) : Jakki* a| de+ o< sa+| \Acahojke*ot| pqa*nei| a\macqa*wa| <Qx*lgm sima+ Sqxa*da sx&m a\uijmotle*mxm a%la soi& | a>kkoi| Sqxri+ m ei\| \Isaki* am cg*larhai Kasi* m{ s{& barikei& sx&m \Aboqici* mxm jai+ cemmg&rai sqei& | pai& da|, < Qx&lom jai+ <Qxlt*kom jai+ <Sgke*comom> [...] oi\ji* ramsa| de+ po*kim, a\po+ sg&| lgsqo+| at\sz& he*rhai sot>mola (« Callias [...], l’historien d’Agathoclès, raconte qu’une certaine Rhômè, une des femmes troyennes venues avec les autres Troyens en Italie, épousa Latinus, roi des Aborigènes, et mit au monde trois fils : Rhômos, Rhômulos et Télégonos, qui fondèrent une cité à laquelle ils donnèrent le nom de leur mère »). — 48 — l’Italie » 51. Or cet intérêt pour les origines de Rome ne se comprend que dans le cadre de la politique expansionniste d’Agathoclès en Grande Grèce et dans celui de sa tentative de donner un contenu politique au concept unificateur d’Italie. Enfin, l’ultime tentative grecque d’utiliser le concept d’Italie pour unifier les territoires méridionaux de la Péninsule sous la domination politique et culturelle du monde grec est venue de Pyrrhus, lorsqu’il chercha à créer un triple royaume à la fois épirote, italique et siciliote 52. Mais cette fois, le concept allait être confisqué par la nouvelle puissance romaine. L’« ITALIE » DES POPULATIONS SABELLIQUES À côté de ces premières définitions (grecques) du concept d’Italie, qui tendaient à faire de tout ou d’une partie de la Péninsule une excroissance du monde grec, une autre définition est apparue au Ve siècle. Hellanicos de Lesbos, un logographe et atthidographe contemporain de Thucydide, proposait une explication de nature étymologique au nom Italia : il associait l’origine du nom au périple d’Héraclès, qui aurait traversé la Péninsule à son retour de l’extrême Occident, en poussant les bœufs de Géryon devant lui ; un veau, appelé vitulus dans la langue italique, se serait échappé du troupeau et aurait parcouru la région qui se serait appelée, à partir de là, Vitulia et finalement, avec la disparition du digamma grec, Italia 53. 51 Call. Syrac., FGrH 564 F 5b (ap. Fest., p. 329 L, s.v. Romam) : yCaltinus, Agathoclis Siculi qui res gestas conscribsit, arbitratur e manu Troianorum fugientium Ilio capto, cuidam fuisse nomen Latino, eumque habuisse coniugem Rhomen, a qua, ut Italia sit potitus, urbem, quam condiderit, Romam appellavisse. Cf. Manni, « La fondazione di Roma », p. 265-268. 52 Cf. P. Lévêque, Pyrrhos, BEFAR, 185, Paris, De Boccard, 1957, spéc. p. 183-239, 262-284, 451-505. 53 Hellanic., FGrH 4 F 111 = 27 Ambaglio (ap. D.H., A.R. 1.35.2-3) : <Ekka*mijo| de+ o< Ke*rbio*| ugrim <Gqajke*a sa+| Cgqto*mot bot&| a\pekat*momsa ei\| >Aqco|, e\peidg* si| at\s{& da*laki| a\porjiqsg*ra| sg&| a\ce*kg| e\m \Isaki* y e\o*msi g>dg uet*cxm dig&qe sg+m a\jsg+m jai+ so+m lesant+ diamgna*lemo| po*qom sg&| haka*ssg| ei\| Rijeki* am a\ui* jeso, e\qo*lemom a\ei+ sot+| e\pivxqi* ot| jah\ ot=| e<ja*rsose ci* moiso dix*jxm so+m da*lakim, ei> pg* si| at\so+m e<xqajx+| ei> g, sx&m sz&de a\mhqx*pxm < Ekka*do| le+m ckx*ssg| o\ki* ca rtmie*msxm, sz& de+ pasqi* { uxmz& jasa+ sa+| lgmt*rei| sot& f{*ot jakot*msxm so+m da*lakim ot\i* sotkom, x%rpeq jai+ mt&m ke*cesai, e\pi+ sot& f{*ot sg+m vx*qam o\mola*rai pa&ram o%rgm o< da*laki| dig&khem Ot\isotki* am. lesaperei& m de+ a\ma+ vqo*mom sg+m o\molari* am ei\| so+ mt&m rvg&la ot\de+m hatlarso*m, e\pei+ jai+ sx&m < Ekkgmijx&m pokka+ so+ paqapkg*riom pe*pomhem o\mola*sxm. pkg+m ei> se x<| \Amsi* ovo*| ugrim e\p\ a\mdqo+| g<celo*mo|, o%peq i> rx| jai+ pihamx*seqo*m e\rsim, ei> h\ x<| < Ekka*mijo| oi> esai e\pi+ sot& sat*qot sg+m o\molari* am sat*sgm e>rvem, e\jei& mo* ce e\n a\luoi& m dg&kom, o%si jasa+ sg+m <Gqajke*ot| g<kiji* am g/ lijq{& pqo*rhem ot%sx| x\mola*rhg. sa+ de+ pqo+ sot*sxm % Ekkgme| le+m < Erpeqi* am jai+ At\romi* am at\sg+m e\ja*kotm, oi< d\ e\pivx*qioi Rasoqmi* am, x<| ei> qgsai* loi pqo*seqom. (« Mais Hellanicos de Lesbos déclare pour sa part, qu’Héraclès menait les vaches de Géryon à Argos, quand un bovillon s’échappa du troupeau alors qu’il se trouvait déjà en Italie et, dans sa fuite, traversa la péninsule, franchit à la nage le bras de mer intermédiaire et arriva en Sicile ; Héraclès ne cessait de demander à chaque indigène qu’il rencontrait en poursuivant le bovillon, s’il ne l’avait pas vu quelque part ; comme les gens du pays, bien que sachant quelques mots de grec, appelaient dans leur langue natale, d’après la description qu’il leur faisait de l’animal, le bovillon vitulus, comme c’est encore le cas aujourd’hui, — 49 — Pour E. Lepore et S. Mazzarino, Hellanicos aurait trouvé cette explication étymologique dans les travaux d’Hippys de Rhégion, auteur d’une Jsi* ri| \Isaki* a| (milieu Ve siècle) 54. Cette étymologie connut par la suite un grand succès, et est reprise par Timée, mais aussi par l’annaliste romain Calpurnius Pison et par l’antiquaire encyclopédiste Varron, et fut d’ailleurs revendiquée par les alliés (socii) italiens en guerre contre Rome au moment de la guerre sociale (bellum sociale, à savoir la guerre menée par Rome contre ses alliés italiens, de 91 à 88 av. J.-C.) 55. Autrement dit, au cours de la deuxième moitié du Ve siècle, le mythe généalogique des origines helléniques des proto-italiques Œnôtres a cédé la place au mythe étymologique de l’Italia, « pays du veau » (Vitulia) 56. Derrière cette invention étymologique, il faut sans doute voir l’apparition d’une nouvelle conception, de nature ethnique ou ethno-culturelle, de la notion d’Italie, qui se superposera, sans jamais la remplacer définitivement, à l’ancienne conception, de nature plus politique (ou géopolitique), de l’Italie hellénique (ou hellénisée). L’effacement du concept grec d’Italie, ou sa relégation au deuxième plan, est directement lié à la pénétration des populations sabelliques en Italie du Sud au cours du Ve siècle : après s’être emparé de Cumes en Campanie en 421/ 420, les Lucaniens étendirent leur domination sur Poseidonia, devenue Paestum vers 415/410 57. Les migrations de ces populations d’éleveurs transhumants obéisil tira du nom du bovillon celui de la région qu’il avait parcourue et l’appela Vitulia. Qu’avec le temps ce nom se soit transformé jusqu’à devenir ce qu’il est aujourd’hui, il n’y a là rien d’étonnant, puisque beaucoup de noms grecs ont subi le même genre d’altération. Et peu importe que ce soit, comme le dit Antiochos, d’un de ses chefs – cette hypothèse étant peut-être la plus vraisemblable – ou, comme le pense Hellanicos, du jeune taureau, que ce pays tient son nom, dans les deux cas une chose en tout cas est évidente : c’est à l’époque d’Héraclès, ou un peu avant, qu’il fut ainsi nommé. Car avant ces événements, les Grecs le nommaient Hespérie et Ausonie, et les indigènes Saturnie, comme je l’ai dit plus haut » [trad. V. Fromentin, CUF, 1998]). 54 Lepore, « L’ISAKIA », p. 91-94 et p. 105-106 ; Mazzarino, Il pensiero storico, 1, p. 211 ; cf. F. Jacoby, s.v. Hippys von Rhegion, RE, 8, 1913, col. 1927-1930. 55 Tim. Taur., FGrH 566 F 42a (ap. Gel., N.A. 11.1.1) : Timaeus in Historiis quas oratione Graeca de rebus populi Romani composuit et M. Varro in Antiquitatibus rerum humanarum terram Italiam de Graeco vocabulo appellatam scripserunt, quoniam boves Graeca vetere lingua i\sakoi* vocitati sunt, quorum in Italia magna copia fuerit, bucetaque in ea terra gigni pascique solita sint complurima. Tim. Taur., FGrH 566 F 42b (ap. Varr., R.R. 2.5.3) : Nam bos in pecuaria maxima debet esse auctoritate, praesertim in Italia, quae a bubus nomen habere sit existimata. Graecia enim antiqua, ut scribit Timaeus, tauros vocabat italos, a quorum multitudine et pulchritudine et fetu vitulorum Italiam dixerunt. [Alii scripserunt quod ex Sicilia Hercules persecutus sit eo nobilem taurum qui diceretur italus]. Calp. Pis., fr. 1 Peter = 1 Chassignet = 2 Forsythe (ap. Varr., R.R. 2.1.9) : Denique non Italia a vitulis, ut scribit Piso ? Varr., L.L. 5.96 : Vitulus, quod Graece antiquitus i\sako*| [...]. 56 Sur cette étymologie, voir l’article de Dominique Briquel, « Une alternative à la vision romaine : l’Italie dans le monnayage des insurgés de la guerre sociale », p. 83-100, dans ce même volume. 57 D.S. 12.76.4 ; Liv. 4.44.12 ; Polyaen. 2.10.2 ; Frontin., Strateg. 2.3.12 ; cf. M. Frederiksen, Campania, edited with additions by Nicholas Purcell, Rome, British School at Rome, 1984, p. 137-139. — 50 — saient à des nécessités démographiques et économiques, et trouvaient leur justification dans le rituel religieux du ver sacrum, le « printemps sacré » : en cas d’excès démographique, toute la production végétale, animale et humaine d’une année pouvait être consacrée à Mars, le dieu de la guerre ; arrivés à l’âge adulte, les jeunes nés l’année d’un ver sacrum devaient quitter leur foyer et chercher ensemble un nouveau site pour installer leur communauté, généralement en suivant un animal totémique consacré au dieu de la guerre 58. Ce vieux rituel italique se trouve ainsi à la base des légendes d’origine de chacun de ces peuples : c’est ainsi que les Samnites auraient suivi un taureau ou un bœuf (jusqu’à Bovianum, cité qui tirerait son nom de cet animal : bos/bovis en latin) 59, les Picentins (établis dans le Picenum) un pivert (picus) 60, et les Hirpins ainsi que les Lucaniens un loup (du sabin hirpus et du grec kt*jo| signifiant le « loup ») 61. D’après la tradition, les Bruttiens auraient d’ailleurs été des bouviers ou des bergers au service des Lucaniens, avant de se séparer d’eux en 356 pour constituer le Bruttium (dans l’actuelle Calabre) 62. La place que tenait l’élevage transhumant parmi toutes ces populations ainsi que les légendes de ver sacrum sur leurs origines expliquent sans doute la formation (et le succès) de la pseudoétymologie qui faisait de leur terre le « pays du veau ». Selon E. Lepore, l’unité culturelle des populations sabelliques (de dialectes osco-ombriens), particulièrement les liens entre Bruttiens, Lucaniens et Samnites, aurait favorisé une nouvelle dilatation du concept d’Italia, étendu à l’ensemble constitué par l’Italie méridionale et le Samnium (fin Ve et IVe siècle) : avec ces populations, l’Italia devint un concept unificateur permettant d’associer des populations indigènes (« italiques ») avec des éléments grecs sur un espace de plus en plus étendu au sein de la Péninsule 63. Mais ce concept unificateur répondait essentiellement à une définition ethnique dans laquelle les populations sabelliques largement hellénisées (comme les Lucaniens et 58 Cf. J. Heurgon, Trois ´ etudes sur le « Ver sacrum », coll. Latomus, 26, Bruxelles, Latomus - Revue d’Études latines, 1957 ; Heurgon, Rome et la Me´diterrane´e occidentale, p. 292-293 ; O. de Cazanove, « Sacrifier les bêtes, consacrer les hommes : le printemps sacré italique », dans S. Verger (dir.), Rites et espaces en pays celte et me´diterrane´en. E´tude compare´e a` partir du village d’Acy-Romance (Ardennes, France), CEFR, 276, Rome, École française de Rome, 2000, p. 253-276. 59 Strab. 5.4.12 C 250 ; cf. Th. Mommsen, Die unteritalischen Dialekte, Leipzig, G. Wigand, 1850, p. 173 ; F. Altheim, Ro¨mische Religionsgeschichte, 1, Die A¨lteste Schicht, Berlin-Leipzig, De Gruyter, 1931, p. 17 sq. et p. 299. 60 Fab. Pict., fr. 3 Lat. P. [= 7 f Chassignet] ; Strab. 5.4.2 C 241 ; Fest., p. 235 L, s.v. Picena. 61 Strab. 5.4.12 C 250 ; Fest., p. 93 L, s.v. Irpini ; Serv., Ad Verg. Æn. 11.785. 62 D.S. 16.15.1-2 (d’après Timée) ; Justin. 23.1.4-14 ; Strab. 6.1.4 C 255 ; cf. D. Musti, « I Brettii fra Greci e Roma : sulla storia di Thurii e sul nome Calabria », dans G. De Sensi Sestito (dir.), I Brettii, 1, Cultura, lingua e documentazione storico-archeologica. Atti del 1º corso seminariale – Rossano, 20-26 febbraio 1992, Catanzaro, Rubbettino, 1995, p. 5-11 ; A. Mele, « Riti di iniziazione giovanile e processi di liberazione : il caso dei Brettii », ibid., p. 13-32 ; S. N. Consolo Langher, « La politica di Siracusa verso Bruzi, Italioti e Punici nell’età di Agatocle », ibid., p. 93-108. 63 Lepore, « L’ISAKIA », p. 94-97. — 51 — les Bruttiens) pouvaient aisément se reconnaı̂tre. C’est d’ailleurs cette conception ethnique d’une Italie unificatrice, sinon unie, que l’on voit réapparaı̂tre au moment de la guerre sociale, au début du Ier siècle av. J.-C., lorsque l’image du taureau (italique) terrassant la louve (romaine) est reprise dans le monnayage des alliés (socii) italiens, essentiellement d’origine sabellique (Fig. 6) 64. Il existe un indice fort qui témoigne en faveur d’une utilisation du concept unificateur d’Italie par les populations sabelliques avant la conquête romaine (du Ve au début du IIIe siècle) : il s’agit du sanctuaire de Méfitis dans les vallées d’Ampsanctus, en Hirpinie (Fig. 7 : nº 8) 65. Méfitis était la déesse osque des odeurs pestilentielles et fétides ; elle est principalement attestée en Lucanie interne (de l’Hirpinie à la Campanie) et dans le Latium méridional (les inscriptions qui attestent son culte sont soit osques, soit latines) 66. Mais son lieu de culte le plus célèbre se trouvait dans un lieu désolé, aux frontières de l’Hirpinie, de la Lucanie et de l’Apulie : il était situé loin de toute habitation, à proximité d’un lac sulfureux dont les émanations de gaz étaient réputées mortelles et dont, du fait de ses propriétés géophysiques, on avait fait une des entrées des Enfers 67. Par sa situation géographique isolée, aux limites territoriales de l’Hirpinie, de la Lucanie et de l’Apulie, le culte célébré à Ampsanctus semble avoir été celui d’un sanctuaire de frontière, directement lié au concept d’Italie : pour Virgile, il était situé medio Italiae 68, et les « chorographes » (géographes régionaux) cités par son scholiaste Servius le qualifiaient d’« ombilic de l’Italie » (umbilicus Italiae) 69. Le lieu de culte pourrait avoir joué le rôle d’un sanctuaire fédéral : peut-être celui des Hirpins, mais on peut aussi imaginer un lieu de 64 Voir de nouveau dans ce volume, la contribution de Briquel, « Une alternative à la vision romaine », p. 83-100. 65 O. de Cazanove, « Le lieu de culte de Méfitis dans les Ampsancti ualles : des sources documentaires hétérogènes », dans O. de Cazanove et J. Scheid (dir.), Sanctuaires et sources ? Les sources documentaires et leurs limites dans la description des lieux de culte. Actes de la table ronde organise´e par le Colle`ge de France et le Centre Jean Be´rard a` Naples (30 novembre 2001), Naples, Centre Jean Bérard, 2003, p. 145-177. 66 Grimal, Dictionnaire, s.v. Me´fitis, p. 280. 67 Cic., De div. 1.79 : Quid enim, non videmus quam sint varia terrarum genera ? Ex quibus et mortifera quaedam pars est ut Ampsancti in Hirpinis et in Asia Plutonia, quae vidimus. 68 Virg., Æn. 7.563-571 : Est locus Italiae medio sub montibus altis, / nobilis et fama multis memoratus in oris, / Ampsancti valles ; densis hunc frondibus atrum / urget utrimque latus nemoris, medioque fragosus / dat sonitum saxis et torto vertice torrens. / Hic specus horrendum et saevi spiracula Ditis / monstrantur ruptoque ingens Acheronte vorago / pestiferas aperit fauces, quis condita Erinys, / invisum numen, terras caelumque levabat. 69 Serv., Ad Verg. Æn. 7.563-571 : ITALIAE MEDIO. Hunc locum umbilicum Italiae chorographi dicunt. Est autem in latere Campaniae et Apuliae, ubi Hirpini sunt, et habet aquas sulphureas, ideo graviores, quia ambitur silvis. Ideo autem ibi aditus esse dicitur inferorum ; quod grauis odor iuxta accedentes necat, adeo ut uictimae circa hunc locum non immolarentur, sed odore perirent ad aquam adplicatae, et hoc erat genus litationis. Sciendum sane Varronem enumerare quot loca in Italia sint huius modi : unde etiam Donatus dicit Lucaniae esse qui describitur locus, circa fluvium qui Calor vocatur. — 52 — culte qui aurait fédéré les différentes populations sabelliques de la région, unies autour du concept unificateur d’Italie, dont le centre sacré était l’umbilicus. Une pareille conception suggère une définition de nature religieuse de la terra Italia, et que cette définition proviendrait des populations d’origine sabellique qui ont occupé la partie méridionale de la Péninsule. Certes, Varron situait l’umbilicus Italiae en Sabine et l’identifiait avec les Eaux Cutiliennes (in agro Reatino), mais on peut penser que le Réatin manifestait ainsi son patriotisme local 70 ; surtout, il s’agit-là d’une conception géographique postérieure à celle des « chorographes » mentionnés par Servius parce qu’elle est conforme à une Italie établie dans ses frontières définitives, entre les Alpes et le détroit de Messine 71. Le sanctuaire d’Ampsanctus a d’ailleurs été identifié et retrouvé : il se trouve au sud des monts Picentini, dans un vallon montagneux, au lieu-dit Rocca S. Felice, théâtre d’activités paravolcaniques et parcouru par un torrent aux eaux sulfureuses ; à proximité, un toponyme a conservé le nom « Mufiti », et de nombreux ex-voto ont été retrouvés dans le lit du torrent. D’après la chronologie de ces ex-voto, le sanctuaire semble avoir été fréquenté principalement du Ve au IIIe siècle 72. Situé « au milieu de nulle part », à l’écart de toute cité, ce sanctuaire apparaı̂t comme celui des confins d’une population, ou plutôt de plusieurs populations, au cœur d’une « Italie » encore très méridionale. Le rôle que ce sanctuaire a pu jouer comme centre de l’Italie sabellique avant la conquête romaine est suggéré par les circonstances probables de l’importation à Rome du culte de Méfitis. Un temple de cette déesse est attesté sur les Esquilies, au milieu d’un bois sacré (lucus) qui dominait le vicus Patricius, du côté opposé au temple de Junon Lucina 73. Pour F. Coarelli, l’origine sabellique de ce culte suggère qu’il fut introduit à Rome à la suite d’une evocatio qui n’a pu survenir qu’au cours des guerres samnites 74 ; comme Tite-Live n’en parle pas dans les livres que nous avons conservés de lui, l’introduction du culte doit se situer après 293 ; enfin, la famille des Papirii semble être liée à l’existence de ce culte : d’une part, deux inscriptions liées à la domus des Papirii ont été retrouvées à proximité immédiate du temple ; d’autre part, le culte de Méfitis est attesté à Crémone, en Italie du Nord, une colonie déduite en 218 et dont l’un des triumvirs coloniaux était un Papirius 70 Varr., ap. Plin., H.N. 3.109 : In agro Reatino Cutiliae lacum, in quo fluctuetur insula, Italiae umbilicum esse M. Varro tradit. Solin. 2.23 (p. 37 Mommsen) : umbilicum, ut Varro tradit, in agro Reatino habet. 71 Cazanove, « Le lieu de culte de Méfitis », p. 156-157. 72 Pour O. de Cazanove (ibidem, p. 153 et 167), « les ex-voto retrouvés dans le lit du torrent se laissent dater entre le Ve et le IIIe siècle av. J.-C. » et « ne descendent pas plus bas que la fin du IIIe ou le début du IIe siècle ». 73 Fest., p. 476 L, s.v. Septimontio. 74 F. Coarelli, s.v. Mefitis, aedes, lucus, dans E. M. Steinby (dir.), Lexicon Topographicum Urbis Romae, 3, Rome, Quasar, 1996, p. 239-240. — 53 — (P. Papirius Maso) ; bref, pour F. Coarelli, le candidat le plus plausible pour l’introduction du culte de Méfitis à Rome (peut-être à la suite d’une evocatio) doit être L. Papirius Cursor, vainqueur et triomphateur des Lucaniens et des Samnites au cours de son deuxième consulat (en 272 av. J.-C.) 75. Or c’est précisément le moment où Rome s’approprie le concept d’Italie 76. C’est aussi au cours du IIIe siècle que le sanctuaire romain du mundus, associé au Comitium comme centre symbolique et cosmique de la cité, reçut une interprétation pythagoricienne qui en fit l’umbilicus Vrbis 77 : il est remarquable que cette identification se soit produite à l’époque où le culte sabellique de Méfitis, dont le principal sanctuaire était identifié à l’umbilicus Italiae, a été introduit à Rome même, probablement afin de manifester ainsi la nouvelle domination romaine sur cette terre italique. Autrement dit, il semble bien y avoir eu une forme de continuité conceptuelle entre l’umbilicus Italiae des populations sabelliques et l’umbilicus Vrbis des Romains, ce qui ne peut se concevoir qu’à partir du moment où Rome est devenue pleinement maı̂tresse d’une terre italienne qu’elle concevait comme une extension d’elle-même 78. LA « ROMANISATION » DU CONCEPT D’ITALIE Au cours de la première moitié du IIIe siècle, les victoires militaires de Rome et l’achèvement de la conquête romaine de l’Italie firent définitivement entrer l’Vrbs dans la conscience collective du monde grec, jusqu’au cœur des monarchies hellénistiques les plus prestigieuses. Aux dires de Strabon, Alexandre le Grand, puis Démétrios (Poliorcète) auraient tour à tour envoyé une ambassade aux Romains pour se plaindre des activités de piraterie pratiquées par des cités qui étaient placées sous leur responsabilité ou dans leur zone d’influence directe, comme Antium dans le Latium 79. Ces échanges diplomatiques, souvent encore méconnus, voire niés par l’historiographie moderne, prennent pourtant place dans un contexte diplomatique très cohérent : traité romano-carthaginois de 348, peut-être renouvelé cinq ans après (d’après S. Crouzet), traité romano-carthaginois de 306, traité d’amitié avec 75 Acta triumphalia, dans A. Degrassi (dir.), Inscriptiones Italiae, 13.1, Fasti consulares et triumphales, Rome, Ist. Poligr. dello Stato, 1947, p. 74-75 et p. 546. 76 Voir infra p. 53-57. 77 M. Humm, « Le mundus et le Comitium : représentations symboliques de l’espace de la cité », Hist. Urb., 10, 2004, p. 43-61 (Actes de la table ronde : M. Gaillard et M. Humm (dir.), Pouvoirs, violences et se´curite´ dans l’espace urbain : ruptures et continuite´ de l’Antiquite´ au haut Moyen Aˆge, Université Paris 13 CRESC, le 27 mars 2002). 78 Cf. P. Catalano, « Aspetti spaziali del sistema giuridico-religioso romano », ANRW, 2.16.1, 1978, p. 440-553, spéc. p. 465-466. 79 Strab. 5.3.5 C 232 ; cf. M. Humm, « Rome face à la menace d’Alexandre le Grand », dans Caire et Pittia (dir.), Guerre et diplomatie romaines, p. 175-196. — 54 — Rhodes en 304, traité avec Tarente en 303 80. La plupart de ces traités visaient, entre autres, à interdire la pratique de la piraterie qui était un mal endémique à l’époque, comme le rappelle l’affaire de Postumius, un « pirate » tyrrhénien ou romain capturé et mis à mort par Timoléon (vers 342 av. J.-C.) 81 : cela signifie que Rome commence alors à s’insérer dans le jeu des grandes puissances méditerranéennes et qu’il lui faut commencer à respecter certaines règles. Mais le concept d’Italie comme zone d’influence et de responsabilité pour Rome n’apparaı̂t qu’avec l’ambassade de Démétrios : d’après Strabon, Démétrios aurait demandé aux Romains de faire interdire la pratique de la piraterie dans les espaces maritimes placés sous leur contrôle, puisqu’ils commandaient désormais à l’Italie (sot+| at\sot+| a>mdqa| rsqasgcei& m [...] sg&| \Isaki* a|) 82. Le contexte historique et géopolitique dans lequel les Romains se sont retrouvés en position de pouvoir commander à l’Italie ne peut se concevoir qu’après la victoire romaine à Sentinum, en 295, une gigantesque bataille qui vit l’écrasement d’une vaste coalition militaire composée de Samnites, d’Étrusques et de Gaulois 83. Cette victoire permit de mettre un terme au long conflit qui opposait depuis presqu’un demi siècle Romains et Samnites pour la domination de l’Italie centrale. La bataille fut rapportée par Douris de Samos, un historien grec contemporain dont le témoignage montre l’écho que l’événement a obtenu au sein du monde hellénistique 84. Or l’Italie à laquelle Démétrios faisait allusion, et que les Romains commandaient à cette époque, devait principalement désigner la partie centrale et centro-méridionale de la Péninsule, que les Romains dominaient depuis Sentinum, même si l’expression pouvait aussi inclure la Lucanie et le Bruttium, dont les rivages avaient été inclus dans le traité des années 303/301 avec Tarente 85. 80 Sur les traités romano-carthaginois, voir notamment : F. W. Walbank, A Historical Commentary on Polybius, 1, Oxford, Clarendon Press, 1957, p. 337-355 ; A. Alföldi, Early Rome and the Latins, Ann Arbor, Michigan UP, 1963, p. 347-354 ; Heurgon, Rome et la Me´diterrane´e occidentale, p. 386-393 ; W. Huss, Geschichte der Karthager, Munich, Beck, 1985, p. 86-92, 149-155, 167-168, 204-206 ; B. Scardigli, I trattati romano-cartaginesi. Relazioni interstatali, Pise, Scuola Norm. Sup., 1991 ; R. E. A. Palmer, Rome and Carthage at Peace, Stuttgart, Steiner, 1997, p. 15-30 ; L. Loreto, « Sui trattati romano-cartaginesi », BIDR, 9899, 1995-1996 (2000), p. 779-821 ; S. Crouzet, Carthage et la conqueˆte romaine en Me´diterrane´e (IV e-II e sie`cle av. J.-C.) : ´ echanges, confrontations, exploitation ide´ologique, Thèse de doctorat, Université d’Aix-Marseille 1 (2004), sous la direction de X. Lafon. 81 D.S. 16.82.3 ; cf. F. Càssola, I gruppi politici romani nel III secolo a.C., Trieste, Arti grafiche Smolars, 1962, p. 28. 82 Strab. 5.3.5 C 232. 83 G. De Sanctis, Storia dei Romani, 2, La Conquista del primato in Italia, Turin, Bocca, 1907, p. 427 ; G. Nenci, Introduzione alle guerre persiane e altri saggi di storia antica, Pise, Libr. Goliardica, 1958, p. 278-279. 84 Dur. Sam., FGrH 76 F 56 a (ap. D.S. 21.6-Exc. Hoesch.) et 76 F 56 b (ap. Tzetz., Schol. ad Alex. Lycophr. 1378). 85 Liv. 10.2.1-2 ; D.S. 20.104.1-3 ; App., Sam. 7.1 (pakaix&m sot+| Saqamsi* mot| a\peli* lmgrje rtmhgjx&m) ; cf. D.C. 9, fr. 39.4 ; Zonar. 8.2. Cf. Lomas, Rome and the Western Greeks, p. 50 ; Crouzet, — 55 — Ces rivages faisaient d’ailleurs face à la Sicile, alors contrôlée par Agathoclès, avec qui le Diadoque venait de faire alliance 86 : cela signifie qu’à cette date, les Romains s’étaient appropriés le concept d’Italie et devaient non seulement considérer qu’ils en faisaient partie, mais aussi qu’ils en étaient devenus les maı̂tres 87. En soumettant l’Italia sabellique, les Romains semblent avoir importé et intégré l’idée d’une Italie conçue comme une unité territoriale à base ethnique et religieuse sur laquelle ils estimaient avoir une sorte de droit naturel à dominer (voir infra). C’est aussi de cette époque (début IIIe siècle) que datent divers fragments d’historiens grecs évoquant les origines mythiques de Rome en les liant soit à la domination romaine sur l’Italie, soit au personnage d’Italos. Ces fragments proviennent en partie de Callias de Syracuse 88, et en partie d’auteurs anonymes. Callias donne le nom de Latinus au chef des fugitifs troyens qui épousa Rhômè avant de fonder Rome puis de se rendre maı̂tre de l’Italie 89. Un autre fragment, dû à un certain Galitas (qui pourrait être une corruption du nom du même Callias 90), prétend qu’à la mort d’Énée, le pouvoir de commandement sur l’Italie revint à Latinus, fils de Télémaque et de Circé (ce qui rappelle naturellement la généalogie présente chez Hésiode dès le VIIe siècle 91), et que ce Latinus engendra d’une certaine Rhômè les fils Rhômos et Rhomulos qui fondèrent la ville. Enfin, chez des auteurs anonymes cités par Denys d’Halicarnasse et Plutarque, Rome devrait son nom à Rhômos ou à Rhômè, fils ou fille d’Italos 92 : dans ces deux derniers cas, la disparition de la figure de Latinus, entièrement remplacée par Italos l’Œnôtrien, indique une date un peu plus récente que les précédents fragments, certainement postérieure à la victoire de Rome sur les Latins en 338, mais qui ne peut pas être postérieure aux récits de fondation développés par Dioclès de Péparèthos et Fabius Pictor à la fin du IIIe siècle Carthage, p. 189. En même temps que ce traité avec Tarente, une nouvelle alliance a été conclue avec les Lucaniens, en 303 (D.S. 20.104.1) ou en 299 (Liv. 10.12.1-2). 86 Cf. J. G. Droysen, Geschichte des Hellenismus, 2, Geschichte der Diadochen, Gotha, F. A. Perthes, 18782 (rééd. Tübingen, 1952-1953 ; 1re éd. 1836), p. 281-283 ; E. Will, Histoire politique du monde helle´nistique (323-30 av. J.-C.), 1, Nancy, Presses universitaires de Nancy, 19792, p. 90-94. 87 Sur tout ceci, voir aussi M. Humm, « Rome et l’Italie dans le discours d’Appius Claudius Caecus contre Pyrrhus », Pallas, 79, 2009, p. 203-220. 88 Voir supra p. 47-48. 89 Call. Syrac., FGrH 564 F 5b (ap. Fest., p. 329 L, s.v. Romam) : voir supra note 51 ; cf. Call. Syrac., FGrH 564 F 5a (ap. D.H., A.R. 1.72.5), supra note 50. 90 Galitas, FGrH 818 F 1 (ap. Fest., p. 329 L) : Galitas scribit, cum post obitum Aeneae imperium Italiae pervenisset ad Latinum, Telemachi Circaeque filium, isque ex Rhome suscepisset filios Rhomum Romulumque, urbi conditae in Palatio causam fuisse appellandae potissimum Rhom<en> [...]. Pour une identification de ce mystérieux Galitas avec Callias de Syracuse : Manni, « La fondazione di Roma », p. 265-268 ; mais beaucoup de doute chez Muccioli, « La letteratura storiografica », p. 168-169. 91 Voir supra p. 37-38 et note 7. 92 D.H., A.R. 1.72.6 ; Plut., Rom. 2.1. — 56 — (où la figure d’Italos est complètement absente) 93. Ces récits de fondation, de conception grecque, datent de l’époque où Rome commença à s’imposer comme la puissance dominante en Italie et traduisent la vision grecque de l’expansion romaine dans la Péninsule. Toutefois, ils reflètent sans doute aussi l’adoption par les Romains de la conception grecque de l’Italie. À la conception ethnoculturelle du territoire italien héritée des populations sabelliques, les Romains ont en effet rapidement ajouté une dimension géographique et politique, comme on le perçoit dans la sententia donnée par le vieil Appius Claudius au Sénat (en 280/279 av. J.-C.) : Pyrrhus devait quitter l’Italie en tant qu’espace géographique (qui ne pouvait pas se limiter à la seule Italie des Grecs) 94, parce qu’en étant étranger aux populations de la Péninsule, il n’avait aucune légitimité à y jouer un rôle politique quel qu’il fût 95. La conception grecque d’une Italie perçue comme un ensemble géographique et politique se retrouve dans le traité romanocarthaginois de 279/278 (dirigé contre Pyrrhus) 96. En 268, une représentation de l’Italie (cartographiée ou allégorique ?) était peinte dans le temple de la Terre (Tellus) voué par le consul Publius Sempronius Sophus 97 : cela signifie qu’à cette date, les Romains avaient déjà pleinement admis qu’ils faisaient eux aussi partie de l’Italie et qu’ils avaient donc en quelque sorte un droit naturel, pour ainsi dire religieux (à cause de la continuité territoriale des auspices), à y exercer leur domination. La tradition annalistique se souvenait que l’intervention romaine en faveur des Mamertins (à Messine en 264) prenait également en compte leur origine italienne 98 et prétendait que c’étaient les Carthaginois qui, « parce qu’ils contrôlaient la Sardaigne et la plus grande partie de la Sicile, avaient conçu l’espoir de soumettre l’Italie » 99 : 93 J. Bayet, « Les origines de l’arcadisme romain », MEFR, 38, 1920, p. 64-143 (= J. Bayet, Ide´ologie et plastique, CEFR, 21, Paris, Ecole francaise de Rome, 1974, p. 43-123), spéc. p. 80 ; cf. J. Martinez-Pinna, « Il Lazio prelatino », A&R, 48, 2003, p. 63-77, spéc. p. 71-72 (pour l’auteur, ces versions anonymes peuvent difficilement être antérieures à la fin du IIIe siècle). 94 Sur la notion d’Italie à l’époque des guerres entre Rome et Pyrrhus, voir la contribution de Sylvie Pittia, « L’identité italienne au temps des guerres romano-pyrrhiques », p. 67-82, dans ce même volume. 95 Ined. Vat., cod. 435, fol. 220 = FGrH 839 F 1 (2) (\Apouhe*clasa <Qxlaija*) ; Plut., Pyrrh. 19.5 ; App., Sam. 10.2.3 ; cf. M. Humm, Appius Claudius Caecus. La Re´publique accomplie, BEFAR, 322, Rome, École française de Rome, 2005, p. 61-73 ; M. Humm, « Des fragments d’historiens grecs dans l’Ineditum Vaticanum ? », dans M.-L. Freyburger et D. Meyer (dir.), Visions grecques de Rome. Griechische Blicke auf Rom, Colloque du Collegium Beatus Rhenanus, Mulhouse, 12-13 novembre 2004, Paris, De Boccard, 2007, p. 277-318, spéc. p. 278-281 ; Humm, « Rome et l’Italie », p. 203-220. 96 Plb. 3.25.1-5 ; cf. Humm, « Rome et l’Italie », p. 203-220. 97 Varr., R.R. 1.2.1 (Italia picta). Cf. J.-P. Guilhembet, « Sur la peinture du temple de Tellus (Varron, Res rusticae, I,2,1), dans X. Lafon et G. Sauron (dir.), The´orie et pratique de l’architecture romaine. E´tudes offertes a` Pierre Gros, Aix-en-Provence, Publications de l’Université de Provence, 2005, p. 53-60. 98 D.C., fr. 43.6 Boissevain : dia+ so+ ce*mo| at\sx&m sg&| \Isaki* a| o%m. 99 Zonar. 8.8 : sg*m se Raqdx+ jai+ sg&| Rijeki* a| sa+ pkei* x jase*votrim o%hem jai+ sg+m \Isaki* am veiqx*rarhai di\ e\kpi* dxm pepoi* gmso. — 57 — cette perception géopolitique d’une Italie assiégée par les Puniques est sans doute directement responsable de la décision prise d’accepter la deditio des Mamertins et d’envoyer un corps expéditionnaire en Sicile. Mais l’existence de cette perception présuppose l’intégration, par la classe dirigeante romaine, du concept géographique et géopolitique d’Italie tel qu’il avait été conçu par les Grecs, puis développé dans un sens ethnique par les populations sabelliques du sud de la Péninsule 100. L’intégration par Rome du concept géopolitique d’Italie lui permettait de justifier et de légitimer sa politique à l’égard des populations grecques et oscosabelliques de la moitié sud de la Péninsule, qui avaient en premier développé ce concept : Rome a donc réutilisé le concept d’Italie comme un élément unificateur à son profit. Elle a aussi étendu ce concept à la Gaule cisalpine, conquise à la veille de la deuxième guerre punique, alors même que cette région est restée administrée comme une province jusqu’à la fin de la République, donc selon un statut juridique différent du reste de la Péninsule 101. Mais lorsque Hannibal franchit les Alpes, à l’automne 218, une lettre du Sénat prévint le consul Tiberius Sempronius, qui opérait en Sicile et dans les ı̂les de Vulcain, « du passage d’Hannibal en Italie » (de transitu in Italiam Hannibalis) 102. L’Italie, qui s’était longtemps limitée à la partie péninsulaire en excluant la Gaule cisalpine, semblait dès lors déjà s’étendre jusqu’aux pieds des Alpes. C’est ce que confirme un passage du discours Sur les Ache´ens, prononcé par Caton en 151, dans lequel celui-ci rappela combien la guerre d’Hannibal fut destructrice pour l’Italie (cumque Hannibal terram Italiam laceraret atque vexaret), ce qui ne peut pas concerner la seule Italie du Sud 103. Dans les Origines, il écrivit que « la presque totalité de l’Italie avait été soumise au droit étrusque » 104, ce qui peut difficilement concerner l’Italie la plus méridionale, mais doit par contre s’étendre 100 E. Gabba, « Roma e l’Italia », dans G. Pugliese Carratelli (dir.), Roma e l’Italia, radices imperii, Antica Madre, Milan, Scheiwiller, 1990, p. 43-87, spéc. p. 73 ; E. Gabba, « La prima guerra punica e gli inizi dell’espansione transmarina », dans A. Schiavone (dir.) et alii, Storia di Roma, 2, L’impero mediterraneo, 1, La repubblica imperiale, Turin, Einaudi, p. 55-67, spéc. p. 58-61. 101 Il est difficile de déterminer précisément à partir de quand la Gaule cisalpine fut organisée administrativement comme une province : peut-être pas avant la réorganisation syllanienne (entre 82 et 79 av. J.-C.) ; les plus anciennes attestations de la terminologie Gaule cisalpine datent du Ier siècle av. J.-C. (lex Vatinia de 59 ; Caes., B.G. 6.1.2 pour 54 ; lex Rubria entre 49 et 42), mais une province consulaire de « Gaule » (Gallia) est déjà attestée par les sources littéraires pour les IIIe et IIe siècles (Liv. 25.3.5 ; 38.35.8 ; 39.42.8) ; à l’époque de la deuxième guerre punique, Tite-Live parle d’une province « Ariminum » (provincia Ariminum), car « c’est ainsi qu’on appelait alors la Gaule » (Liv. 24.44.3 ; 28.38.13) ; quoi qu’il en soit, la région était administrée et exploitée comme une « province », et non comme les cités et territoires du reste de l’Italie, entrés dans une « fédération » avec Rome (c’est-à-dire dans un système d’alliances sanctionnées par des traités, foedera). 102 Liv. 21.51.5. 103 Cat., Orat. 35 Jordan = 187 Malcovati = 142 Cugusi. 104 Cat., Orig., fr. 2.14 Jordan = 62 Peter = 1.13 Chassignet (ap. Serv., Ad Verg. Æn. 11.567) : in Tuscorum iure paene omnis Italia fuerat. — 58 — à la Gaule cisalpine. D’ailleurs, ces mêmes Origines étendaient leur étude historique et ethnographique jusque « sur le versant italien des Alpes » 105 : Caton faisait même des Alpes la « frontière naturelle » qui protégeait l’Italie « à la manière d’un rempart » 106. On retrouve donc sous la plume d’un conservateur comme Caton, au milieu du IIe siècle, une définition de l’Italie qui correspond à celle qu’en donnait le Grec Polybe 107. En même temps, les Romains conçurent l’Italie comme une unité territoriale à base ethnique et religieuse sur laquelle ils estimaient avoir une sorte de droit naturel à dominer, à cause, notamment, de la continuité territoriale des auspices et du rapport entre le pomerium (la frontière religieuse de la ville de Rome) et la terra Italia 108. Un épisode de la deuxième guerre punique (en 210) indique que les séna105 Cat., Orig., fr. 2.5 Jordan = 41 Peter = 2.11 Chassignet (ap. Plin., H.N. 3.133) : Italiam pectore Alpium. 106 Cat., Orig., fr. 4.9 Jordan = 88 Peter = 4.10 Chassignet (ap. Serv., Ad Verg. Æn. 10.13) : Alpes quae secundum Catonem et Livium muri vice tuebantur Italiam. 107 Plb. 2.14.4-7 (partim) : Sg&| dg+ rtlpa*rg| \Isaki* a| s{& rvg*lasi sqicxmoeidot&| t<paqvot*rg|, sg+m le+m li* am o<qi* fei pketqa+m at\sg&| sg+m pqo+| sa+| a\masoka+| jejkile*mgm o% s\ \Io*mio| po*qo| jai+ jasa+ so+ rtmeve+| o< jasa+ so+m \Adqi* am jo*kpo|, sg+m de+ pqo+| lerglbqi* am jai+ dtrla+| sesqalle*mgm so+ Rijekijo+m jai+ Stqqgmijo+m pe*kaco|. at’sai d\ ai< pketqai+ rtlpi* psotrai pqo+| a\kkg*ka| joqtug+m poiot&ri sot& sqicx*mot so+ pqojei* lemom a\jqxsg*qiom sg&| \Isaki* a| ei\| sg+m lerglbqi* am, o= pqoracoqet*esai le+m Jo*jtmho|, diaiqei& de+ so+m \Io*miom po*qom jai+ so+ Rijekijo+m pe*kaco|. sg+m de+ koipg+m sg+m paqa* se sa+| a>qjsot| jai+ sg+m lero*caiam paqasei* motram o<qi* fei jasa+ so+ rtmeve+| g< sx&m %Akpexm paqx*qeia, kalba*motra sg+m le+m a\qvg+m a\po+ Larraki* a| jai+ sx&m t<pe+q so+ Raqd{&om pe*kaco| so*pxm, paqg*jotra de+ rtmevx&| le*vqi pqo+| so+m sot& pamso+| \Adqi* ot ltvo*m, pkg+m bqave*o|, o= pqojasakg*cotra kei* pei sot& lg+ rtma*pseim at\s{&. paqa+ de+ sg+m pqoeiqgle*mgm paqx*qeiam, g=m dei& moei& m x<ramei+ ba*rim sot& sqicx*mot, paqa+ sat*sgm a\po+ lerglbqi* a| t<po*jeisai pedi* a sg&| rtlpa*rg| \Isaki* a| seketsai& a pqo+| sa+| a>qjsot|. (« L’Italie dans son ensemble a la forme d’un triangle, dont un côté, celui qui est à l’orient, se trouve délimité par le canal Ionien, auquel fait suite le golfe Adriatique, et l’autre, celui qui regarde vers le midi et l’occident, par les mers Sicilienne et Tyrrhénienne. L’angle formé par la rencontre de ces deux côtés constitue la pointe méridionale de la péninsule qu’on appelle le Cokynthos et qui sépare le canal Ionien de la mer de Sicile. Quant au troisième côté, qui regarde vers le septentrion et l’intérieur du continent, il est délimité d’un bout à l’autre par la chaı̂ne des Alpes qui, depuis Massalia et les rivages de la mer de Sardaigne, s’étire sans interruption jusqu’au fond du golfe Adriatique, ne s’arrêtant qu’à une faible distance de la côte même. Cette chaı̂ne de montagnes doit être considérée comme la base de notre triangle et c’est au sud de ces montagnes que s’étend la plaine qui forme l’extrémité septentrionale de l’Italie » [trad. D. Roussel, Paris, Gallimard, 1970]). 108 Cf. Catalano, « Aspetti spaziali », p. 479-491 et p. 534 ; voir aussi infra note 112. Le pomerium constituait la frontière religieuse de la ville et entourait l’espace urbain inauguré par les auspices de fondation de la cité ; il délimitait par conséquent le périmètre des auspices urbains (finis urbani auspicii), en séparant les domaines où pouvaient s’exercer le pouvoir de commandement civil (imperium domi), à l’intérieur de la ville (urbs), et le pouvoir de commandement militaire (imperium militiae), à l’extérieur (ager) : cf. Varr., L.L. 5.143 ; Liv. 1.44.4-5 ; Tac., Ann. 12.24 ; Gel. 13.14.1 ; voir notamment A. Magdelain, « Le pomerium archaı̈que et le mundus », REL, 54, 1976-77, p. 71-109 (= A. Magdelain, Jus Imperium Auctoritas. E´tudes de droit romain, CEFR, 133, Rome, École française de Rome, 1990, p. 155-191) ; M. Andreussi, s.v. Pomerium, dans E. M. Steinby (dir.), Lexicon Topographicum Urbis Romae, 4, Rome, Quasar, 1999, p. 96-105. — 59 — teurs (patres) dirent au consul Marcus Valerius Laevinus « qu’il ne <lui> était pas possible de nommer un dictateur en dehors du territoire romain (ager Romanus), car celui-ci était limité à l’Italie (eum autem Italia terminari) » 109 : le consul avait en effet l’intention de se rendre en Sicile et, de là, nommer M. Valerius Messala comme dictateur ; les sénateurs (patriciens) mirent donc en avant un argument juridique qui devait avoir une raison religieuse (la continuité territoriale des auspices) pour s’opposer à son projet. Des raisons rituelles, d’ordre religieux, furent également invoquées en 205, lorsque les consuls Publius Cornelius Scipio (le futur « Africain ») et P. Licinius Crassus entrèrent en charge et durent se partager leurs « provinces » (c’est-à-dire leurs ordres de mission) : Scipion reçut la Sicile (ce qu’il voulait de toute manière), mais sans le tirage au sort habituel en pareil cas, car son collègue lui laissait cette province volontairement. Son collègue Licinius était en effet en même temps grand pontife, donc responsable en chef de la religion de l’État romain : or Tite-Live explique que Crassus laissa la Sicile à Scipion « parce que le soin de cérémonies religieuses retenait le grand pontife en Italie », et que c’est pour cela que son domaine de compétence se limitait au Bruttium 110. On voit ainsi, à travers ces anecdotes, que les Romains avaient, dès la fin du IIIe siècle (mais sans doute déjà bien avant), pleinement intégré le vieux concept grec d’Italie, tout en lui ayant ajouté la dimension religieuse que lui avaient donnée les populations sabelliques. C’est ainsi que la continuité territoriale entre Rome et l’Italie, par suite de l’expansion de l’ager Romanus (territoire sur lequel s’étendait l’organisation administrative des tribus de citoyens romains 111), leur avait permis d’étendre le champ dans lequel étaient pris les « auspices de départ » à l’ensemble de la Péninsule, sur laquelle ils avaient par conséquent le sentiment d’avoir une sorte de vocation naturelle, et pour ainsi dire religieuse, à commander 112. Mais au-delà de la Péninsule, c’est-à-dire 109 Liv. 27.5.15 : Illa disceptatio tenebat quod consul in Sicilia se M. Valerium Messalam qui tum classi praeesset dictatorem dicturum esse aiebat, patres extra Romanum agrum – eum autem Italia terminari – negabant dictatorem dici posse. 110 Liv. 28.38.12 : Quarto decimo anno Punici belli P. Cornelius Scipio et P. Licinius Crassus ut consulatum inierunt, nominatae consulibus provinciae sunt, Sicilia Scipioni extra sortem, concedente collega quia sacrorum cura pontificem maximum in Italia retinebat, Bruttii Crasso. 111 M. Humm, « Tribus et citoyenneté : extension de la citoyenneté romaine et expansion territoriale », dans M. Jehne et R. Pfeilschifter (dir.), Herrschaft ohne Integration ? Rom und Italien in republikanischer Zeit, Studien zur Alten Geschichte, 4, Francfort sur le Main, Verlag Antike, 2006, p. 39-64. 112 Les « auspices de départ » étaient les auspices qui permettaient d’obtenir le commandement militaire (imperium militiae) ; ils étaient pris par un magistrat romain au moment où il prenait son commandement, juste avant de quitter la ville de Rome ; l’observation rituelle du vol des oiseaux (auspicium) se faisait alors, non pas en direction de la ville (in urbem), comme pour le pouvoir de commandement civil (imperium domi), mais en direction de l’ager Romanus (in agrum) ; cf. A. Magdelain, Recherches sur l’« imperium ». La loi curiate et les auspices d’investiture, Paris, PUF, 1968, spéc. p. 40-67 ; A. Magdelain, « L’auguraculum de l’arx à Rome et dans d’autres villes », REL, 47, 1969, p. 253-269 (= Magdelain, Jus Imperium Auctoritas, p. 193207) ; A. Magdelain, « L’inauguration de l’urbs et l’imperium », MEFRA, 89, 1977, p. 11-29 (= Magdelain, — 60 — au-delà de cette continuité territoriale, un consul ne pouvait pas utiliser son imperium pour désigner un dictateur, ou convoquer le Sénat ou des comices, car il ne se trouvait plus dans le cadre spatial de l’ager effatus et liberatus (le territoire délimité <par la parole> et libéré <des esprits malfaisants>) 113 qui avait été défini au moment de la prise d’auspices qui lui avait permis d’obtenir son pouvoir de commandement. C’est pour cela qu’en dehors de l’Italie, le gouvernement romain ne pouvait s’exercer que dans le cadre de « provinces », alors qu’on ne créa jamais (du moins sous la République) de province à l’intérieur de la Péninsule. Cette conception juridicoreligieuse fut systématisée par la réforme constitutionnelle syllanienne, qui intervint après la guerre sociale, lorsque tous les habitants libres de l’Italie eurent reçu, au moins virtuellement, la citoyenneté romaine. À partir de ce moment-là, l’Italie péninsulaire fut le domaine réservé de l’imperium domi, et tout magistrat détenteur de l’imperium militiae devait se trouver dans une des provinces de l’empire. C’est ainsi que la Gaule cisalpine, soumise à l’imperium militiae d’un magistrat consulaire (un proconsul), s’est trouvée séparée de l’Italie proprement dite par une frontière juridico-religieuse marquée à un endroit par le cours du Rubicon. Il reste toutefois difficile de dire quelle est la part de la conception grecque, et celle de la conception « italique » (ou plutôt sabellique) dans la définition romaine de l’Italie : il y a sans doute eu un mélange des deux. En fait, ce fut la guerre sociale, entre 91 et 88, au cours de laquelle une grande partie des alliés italiens se révoltèrent contre Rome, principalement d’ailleurs les populations sabelliques, qui aboutit à l’unification des différentes conceptions de l’Italie (grecque, sabellique et romaine). En accordant à ses alliés ce qu’elle leur refusait au départ, c’est-à-dire la citoyenneté romaine à tous les habitants libres de cette Italie qu’elle avait préalablement soumise, Rome a finalement unifié le concept d’Italie en accordant à tous ses habitants les mêmes droits 114. À la veille de la grande confrontation militaire contre MarcJus Imperium Auctoritas, p. 209-228) ; Catalano, « Aspetti spaziali », p. 491-502 ; J. Linderski, « The Augural Law », ANRW, 2.16.3, 1986, p. 2146-2312, spéc. p. 2260-2279 ; M. Humm, « The curiate law and the religious nature of the power of Roman magistrates », dans O. Tellegen-Couperus (dir.), Law and Religion in the Roman Republic. International Conference, Tilburg University (11-12 December 2008), Leiden-Boston, Brill (à paraı̂tre). 113 Varr., L.L. 6.53 : [...] augures finem auspiciorum caelestum extra urbem agris<s> sunt effati ; Serv., ad Æn. 6.197 : ager, post pomeria, ubi captabantur auguria, dicebatur effatus. L’effatio est la délimitation augurale par la parole : un locus effatus est donc un espace qui a été délimité par la déclaration d’un augure pour une prise d’auspices ; la liberatio est une forme d’exorcisation visant à « libérer » un territoire des esprits malfaisants qui l’occupaient (l’ager qui faisait l’objet d’une prise d’auspices devait donc être au préalable effatus et liberatus) : cf. Magdelain, « L’inauguration de l’urbs et l’imperium », p. 13-15 et p. 23-24 (= Magdelain, Jus Imperium Auctoritas, p. 211-213 et p. 222). 114 H. Galsterer, « Rom und Italien vom Bundesgenossenkrieg bis zu Augustus », dans Jehne et Pfeilschifter (dir.), Herrschaft ohne Integration ?, p. 293-308. — 61 — Antoine et Cléopâtre, qui tenaient l’Orient méditerranéen, l’ensemble de l’Italie (tota Italia) prêta un serment d’allégeance unanime à Octavien, leader du monde (romain) occidental 115. La réorganisation de l’Italie voulue par Octavien devenu l’empereur Auguste, en restructurant administrativement l’Italie par la création de onze régions qui intégraient l’ancienne province de Gaule cisalpine, paracheva cette évolution (Fig. 8) 116. Ces onze régions ont été, pour l’essentiel, fondées à partir des groupes ethno-culturels qui composaient l’Italie (à l’exception de l’ancienne Gaule cisalpine, répartie entre les régions VIII, X et XI, ainsi que du Samnium, réparti entre les régions I, II et IV). Leurs fonctions administratives et juridiques se substituèrent progressivement à celles des anciennes tribus territoriales (qui continuèrent toutefois à se maintenir) ; mais en même temps, leur organisation tendit « à effacer les particularismes et à égaliser les choses et les hommes dans une taxinomie chiffrée qui rappelle celle des légions » (C. Nicolet) 117. Cette unification faisait de l’Italie, à côté de Rome, le centre d’un empire « mondial » (c’est-à-dire méditerranéen), dans lequel tous les habitants libres de la Péninsule partageaient avec les Romains de souche les responsabilités administratives et politiques d’organisation des territoires et d’exploitation des provinces. Mais l’unité politique, administrative, voire culturelle à laquelle le long processus de « romanisation » a abouti n’a jamais complètement effacé les nombreuses facettes locales d’une Italie romaine dont l’identité resta toujours en partie « inachevée » 118. 115 Res gestae divi Augusti 25.2 : Iuravit in mea verba tota Italia sponte sua et me be[lli], quo vici ad Actium, ducem depoposcit. 116 Plin., H.N. 3.46 sq. ; cf. Cl. Nicolet, L’inventaire du monde. Ge´ographie et politique aux origines de l’Empire romain, Paris, Fayard, 1988, p. 186-189 ; Cl. Nicolet, « L’Italie comme cadre juridique sous le HautEmpire », dans L’Italie d’Auguste a` Diocle´tien. Actes du colloque international organise´ par l’E´cole française de Rome, l’E´cole des hautes ´ etudes en sciences sociales, le Dipartimento di scienze storiche, archeologiche, antropologiche dell’Antichita` dell’Universita` di Roma La Sapienza et le Dipartimento di scienze dell’Antichita` dell’Universita` di Trieste (Rome, 25-28 mars 1992), CEFR, 198, Rome, École française de Rome, 1994, p. 377-398. 117 Nicolet, L’inventaire du monde, p. 221-223. 118 Cf. A. Giardina, « L’identità incompiuta dell’Italia romana », dans L’Italie d’Auguste a ` Diocle´tien, p. 1-89 ; A. Giardina, L’Italia romana. Storie di un’identita` incompiuta, Bari, Laterza, 1997. Fig. 1 : Populations et grandes aires culturelles en Italie vers la fin du VIe siècle av. J.-C. (M. Pallottino, Histoire de la premie`re Italie. Traduction et introduction d’Edmond Frézouls, Strasbourg, Université des Sciences humaines de Strasbourg, coll. « Contributions et travaux de l’Institut d’Histoire Romaine » 6, 1993, p. 91, fig. 6). Fig. 2 : Le départ d’Énée vers l’Hespérie (détail de la Table Iliaque capitoline, stèle de marbre d’époque augustéenne représentant des scènes de l’Iliou persis [« Prise de Troie »] de Stésichore, poète de Sicile et de Grande-Grèce au VIe siècle av. J.-C.). (O. Jahn - A. Michaelis (dir.), Griechischen Bilderchroniken, Bonn, 1873, pl. 1). Fig. 3 : La Calabre antique (ou Bruttium) et l’isthme golfe d’Hipponion – golfe de Skillétion (G. De Sensi Sestito (dir.), I Brettii, t. 1, Cultura, lingua e documentazione storico-archeologica. Atti del 1 corso seminariale - Rossano, 20-26 febbraio 1992, Catanzaro, Rubbettino, 1995, carte hors-texte). Fig. 4 : L’Italie « arcadienne » d’après les légendes de fondation grecques (P. Fabre, Les Grecs et la connaissance de l’Occident, Lille, thèse de Lettres, 1981, p. 44 bis, fig. 14). Fig. 5 : Expansion et répartition des populations sabelliques (de langue oscoombrienne) (M. Pallottino, Histoire de la premie`re Italie. Traduction et introduction d’Edmond Frézouls, Strasbourg, Université des Sciences humaines de Strasbourg, coll. « Contributions et travaux de l’Institut d’Histoire Romaine » 6, 1993, p. 105, fig. 8). Fig. 6 : Le taureau (italique) terrassant la louve (romaine) : monnaie produite par les « Alliés » italiens en guerre contre Rome (91-88 av. J.-C.) (Sydenham, 641). (S. Balbi de Caro, La moneta a Roma e in Italia, 1, Roma e la moneta, Milan, Amilcare Pizzi, 1993, p. 88, fig. 50). Fig. 7 : Localisation des cultes de Méfitis en Italie (d’après les inscriptions et les sources littéraires) (M. Lejeune, « Mefitis déesse osque », CRAI, 1986, p. 13, fig. 1). Fig. 8 : L’Italie des régions augustéennes (F. Bérard, et alii, Guide de l’e´pigraphiste. Bibliographie choisie des ´ epigraphies antiques et me´die´vales, Paris, Presses de l’École Normale Supérieure, 19892, p. 27, fig. IV).