Mosè Cometta
Mosè Cometta is working as a post-doc at the Institute of Urban and Landscape Studies (ISUP) of the Università della Svizzera Italiana. A graduate in Philosophy from the University of Barcelona and a postgraduate from the Pontifical Gregorian University in Rome, he holds a doctorate in Geography from the University of Lausanne and has worked as a visiting researcher at the University of Turin and as an invited lecturer at the Federal University of Minas Gerais. His main research interests are identity construction dynamics, cultural hegemony struggles, political philosophy and social geography.
less
InterestsView All (8)
Uploads
Papers by Mosè Cometta
Le passage d’un modèle de centralisation décentralisée à un modèle de spécia- lisation fonctionnelle montre la transformation des objectifs de développement par les institutions. Cela permet de mieux comprendre les problèmes et les tensions des territoires périphériques.
Talks by Mosè Cometta
Le passage d’un modèle de centralisation décentralisée à un modèle de spécia- lisation fonctionnelle montre la transformation des objectifs de développement par les institutions. Cela permet de mieux comprendre les problèmes et les tensions des territoires périphériques.
How could space help our understanding of political identity? This is our main question.
First, it is necessary to clarify the notion of “space”. This should be understood not as a Cartesian ontologically-neutral field, a container. Instead, it should be seen as a relational field. Our spatial life is defined by how we interact with the material and social environment that surround us. Therefore, saying that the space influences our political identity is to recognize the importance of spatial practices in shaping our everyday life and our self-perception as a community.
Secondly, it is necessary to clarify how we interpret political identity. In the third book of his Politics (1280 b), Aristotle said that the very essence of political identity is the friendship within the community that is due to a shared vision on moral and ontological aspects of life. In this perspective, only a society that shares to a certain degree the same values on the “right way to live” could be seen as political. This notion was partially mobilized by Carl Schmitt, who affirmed that the essence of politics is the division between friends and enemies. This division could be operationalized in two ways: on one side, the community bond must be understood as friendship, that is, a shared perception of reality as stated by Aristotle; on the other, this bond could be underlined indicating the differences with other groups. At the same time, introducing the works of Gramsci, we could understand the construction of political friends and enemies as a constant struggle between different groups to achieve cultural hegemony.
What can be the usefulness of introducing spatial analysis in this context? First, as noted by Lefebvre, society can be understood as a production of space: Every society not only reacts to its material environment (building cities, extracting resources), but it will also forge its way of organizing social space. The way we organize space, at the same time, influences our daily practices. The production of space is in fact, one of the most effective ways to achieve long-term cultural hegemony – conditioning the very parameters by which we interact with reality and the conditions by which we build shared values and political identities. The binomial we/them, understood politically as friend/enemies, should therefore always include also spatial categories such as in/out. This is more important that it could seem. As pointed out by Harvey, production of space and urbanization are – together with the military – the major fields in which capitalism reproduces itself reinvesting capital surplus. Space is therefore fundamental to understand the construction of political identity, and in our intervention, we will try to demonstrate it.
Dans le panorama contemporain des sciences sociales et humaines, on assiste à un tournant spatial (Lévy, 1999 ; Soja, 1989), c’est-à-dire à une attention renouvelée pour les questions d’ordre spatial. Dans ce contexte, j’aimerais me pencher sur l’influence de cette nouvelle sensibilité en philosophie politique. Ce n’est pas la première fois que la philosophie s’intéresse à l’espace. Cette notion avait déjà occupé une place assez importante dans les réflexions de la période moderne, mais elle se limitait aux approches ontologiques ou épistémologiques. La philosophie politique demeurait en revanche à l’écart de ces questions. L’appropriation philosophique de la notion d’espace se jouait principalement sur un axe d’abstraction mathématique-géométrique. Cette approche a fortement influencé la géographie jusqu’au début du XX siècle : elle s’imaginait alors comme une science sans théorie, une science purement objective.
C’est seulement à partir de la deuxième moitié du XX siècle que les géographes ont commencé à penser d’une façon critique la notion d’espace. Dans ce tournant théorique et critique, nombre de philosophes ont joué un rôle important – notamment Heidegger et Foucault. La géographie a pu, grâce à cette hybridation avec la pensée critique, analyser d’une façon renouvelée les questions de l’espace social, de la dimension spatiale de la société. À partir de là, cette discipline est devenue une science sociale à part entière. La philosophie ne semble pas intégrer les possibilités que cette nouvelle discipline – la géographie sociale – pouvait ouvrir. Les échanges entre les représentants de ces deux disciplines ont en effet été assez limités. Ainsi, le spatial turn contemporain – la volonté d’intégrer dans les analyses philosophiques les questions d’ordre spatial – manifeste finalement un changement d’esprit et de sensibilité. Aujourd’hui, les conditions sont réunies pour un échange multidisciplinaire entre deux sciences mûres. Voyons donc quelles possibilités d’enrichissement réciproques peuvent exister entre géographie sociale et philosophie politique.
L’un des thèmes qui offre le plus d’opportunités d’échange et d’hybridation est clairement la construction des identités collectives, notamment des communautés politiques locales ou régionales.
En ce sens, il faut se demander quels sont les concepts spatiaux qui détiennent une valeur heurtistique pour comprendre l’apparition des phénomènes régionalistes à l’époque de la globalisation ?
Pour répondre à cette question, on veillera à une compréhension de la politique et de la formation des communautés, ce qui impliquera de mobiliser la notion d’amitié politique de la Politique d’Aristote (1280b). Cette notion nous permettra d’établir une première distinction spatiale entre le dedans de la communauté et le dehors – ce qui nous connectera avec les positions de Carl Schmitt. À la fois, on devra être attentif à la nature processuelle (Elias, 2003) de l’amitié politique. La construction des récits sera alors fondamentale pour entendre l’évolution des communautés, comme l’avait déjà souligné Platon dans le deuxième livre de la République (377b). La communauté n’est pas, donc, une essence invariable, sinon le résultat temporel d’une lutte constante pour l’hégémonie culturelle (Gramsci, 1975).
Etant donné que cette analyse des communautés politiques est menée depuis une perspective philosophique, que peut-apporter une perspective géographique ? Les communautés ne sont pas des atomes isolés. Elles sont dans une réalité dynamique construite sur plusieurs niveaux. Essayons d’analyser le concept de globalisation pour voire en quoi la géographie peut éclairer le chemin de la philosophie politique.
Ce que la mondialisation nous communique, c’est primairement que la réalité se compose de plusieurs échelles. La notion d’échelle est fondamentale pour essayer d’actualiser le modèle théorique que nous essayons de présenter. Grace à cette notion, en effet, l’on voit que les différents groupes qui luttent pour l’hégémonie peuvent avoir des échelles de fonctionnement différentes. Ainsi, certains groupes peuvent avoir une influence globale qui dépasse les barrières nationales, culturelles ou géographiques, pendant que d’autres sont limitées dans leurs actions. En poursuivant dans cette direction, l’on peut essayer d’interpréter la globalisation néolibérale comme la constitution d’un réseau d’influence globale de la part d’un groupe (pas stable et pas institutionnalisé) qu’on pourra appeler la classe globale. L’influence globale de ce groupe déstabilise tous les mécanismes traditionnels de fonctionnement des communautés aux échelles inferieures, dû au fait qu’il bouscule l’équilibre entre les instances de pouvoir et de contre-pouvoir. Les résistances à ce modèle de globalisation peuvent donc être comprises – selon cette hypothèse interprétative – comme une tentative de récupérer une partie de la souveraineté de la part des communautés aux échelles inferieures, en disputant l’hégémonie culturelle et institutionnelle de la classe globale (par exemple à travers les dénonciations des comportements des grandes compagnies multinationales). Cet exemple herméneutique démontre clairement que le tournant spatial contemporain est une façon de connecter des disciplines qui sont déjà implicitement convergentes, car elles visent à la compression de la réalité sociale.
On assiste donc à l’échange de différentes notions entre la philosophie politique et la géographie sociale : la notion d’échelle en est l’un des exemples les plus intéressants.
Bibliographie
ARISTOTE, Les politiques, Paris, Flammarion, 2015.
ELIAS, N., La dynamique de l’Occident, Paris, Pocket, 2003.
GRAMSCI, A., Masse e Partito, Roma, Editori Riuniti, 2016.
GRAMSCI, A., Quaderni del carcere, Torino, Einaudi, 1975.
HARVEY, D., Social Justice and the City, Oxford, Blackwell, 1973.
HEIDEGGER, M., « Qu’appelle-t-on penser ?», Paris, PUF, 1959.
HEIDEGGER, M., Ormai solo un Dio ci può salvare, Parma, Guanda, 2011.
HEIDEGGER, M., « La question de la technique », Essais et Conférences, Paris, Gallimard, 1958.
LEFEBVRE, H., Le droit à la ville, Paris, Anthropos, 2015.
LÉVY, J., Le tournant géographique, Paris, Belin, 1999.
PLATONE, La République, Paris, Gallimard, 1993.
RELPH, E., Place and Placelessness, London, Pion, 2008.
SCHMITT, C., La notion de politique – Théorie du partisan, Paris, Champs Classiques, 2009.
SCHMITT, C., Le nomos della Terre, Paris, PUF, 2001.
SOJA, E., Postmodern Geographies, London-New York, Verso, 1989.
TORRICELLI, G. P., Potere e spazio pubblico urbano, Milano, Academia Universa Press, 2009.
VERSTRYNGE, J., Sobre el poder del pueblo, Madrid, El viejo topo, 2000.
Dans le panorama contemporain des sciences sociales et humaines, on assiste à un tournant spatial (Lévy, 1999 ; Soja, 1989), c’est-à-dire à une attention renouvelée pour les questions d’ordre spatial. Dans ce contexte, j’aimerais me pencher sur l’influence de cette nouvelle sensibilité en philosophie politique. Ce n’est pas la première fois que la philosophie s’intéresse à l’espace. Cette notion avait déjà occupé une place assez importante dans les réflexions de la période moderne, mais elle se limitait aux approches ontologiques ou épistémologiques. La philosophie politique demeurait en revanche à l’écart de ces questions. L’appropriation philosophique de la notion d’espace se jouait principalement sur un axe d’abstraction mathématique-géométrique. Cette approche a fortement influencé la géographie jusqu’au début du XX siècle : elle s’imaginait alors comme une science sans théorie, une science purement objective.
C’est seulement à partir de la deuxième moitié du XX siècle que les géographes ont commencé à penser d’une façon critique la notion d’espace. Dans ce tournant théorique et critique, nombre de philosophes ont joué un rôle important – notamment Heidegger et Foucault. La géographie a pu, grâce à cette hybridation avec la pensée critique, analyser d’une façon renouvelée les questions de l’espace social, de la dimension spatiale de la société. À partir de là, cette discipline est devenue une science sociale à part entière. La philosophie ne semble pas intégrer les possibilités que cette nouvelle discipline – la géographie sociale – pouvait ouvrir. Les échanges entre les représentants de ces deux disciplines ont en effet été assez limités. Ainsi, le spatial turn contemporain – la volonté d’intégrer dans les analyses philosophiques les questions d’ordre spatial – manifeste finalement un changement d’esprit et de sensibilité. Aujourd’hui, les conditions sont réunies pour un échange multidisciplinaire entre deux sciences mûres. Voyons donc quelles possibilités d’enrichissement réciproques peuvent exister entre géographie sociale et philosophie politique.
L’un des thèmes qui offre le plus d’opportunités d’échange et d’hybridation est clairement la construction des identités collectives, notamment des communautés politiques locales ou régionales.
En ce sens, il faut se demander quels sont les concepts spatiaux qui détiennent une valeur heurtistique pour comprendre l’apparition des phénomènes régionalistes à l’époque de la globalisation ?
Pour répondre à cette question, on veillera à une compréhension de la politique et de la formation des communautés, ce qui impliquera de mobiliser la notion d’amitié politique de la Politique d’Aristote (1280b). Cette notion nous permettra d’établir une première distinction spatiale entre le dedans de la communauté et le dehors – ce qui nous connectera avec les positions de Carl Schmitt. À la fois, on devra être attentif à la nature processuelle (Elias, 2003) de l’amitié politique. La construction des récits sera alors fondamentale pour entendre l’évolution des communautés, comme l’avait déjà souligné Platon dans le deuxième livre de la République (377b). La communauté n’est pas, donc, une essence invariable, sinon le résultat temporel d’une lutte constante pour l’hégémonie culturelle (Gramsci, 1975).
Etant donné que cette analyse des communautés politiques est menée depuis une perspective philosophique, que peut-apporter une perspective géographique ? Les communautés ne sont pas des atomes isolés. Elles sont dans une réalité dynamique construite sur plusieurs niveaux. Essayons d’analyser le concept de globalisation pour voire en quoi la géographie peut éclairer le chemin de la philosophie politique.
Ce que la mondialisation nous communique, c’est primairement que la réalité se compose de plusieurs échelles. La notion d’échelle est fondamentale pour essayer d’actualiser le modèle théorique que nous essayons de présenter. Grace à cette notion, en effet, l’on voit que les différents groupes qui luttent pour l’hégémonie peuvent avoir des échelles de fonctionnement différentes. Ainsi, certains groupes peuvent avoir une influence globale qui dépasse les barrières nationales, culturelles ou géographiques, pendant que d’autres sont limitées dans leurs actions. En poursuivant dans cette direction, l’on peut essayer d’interpréter la globalisation néolibérale comme la constitution d’un réseau d’influence globale de la part d’un groupe (pas stable et pas institutionnalisé) qu’on pourra appeler la classe globale. L’influence globale de ce groupe déstabilise tous les mécanismes traditionnels de fonctionnement des communautés aux échelles inferieures, dû au fait qu’il bouscule l’équilibre entre les instances de pouvoir et de contre-pouvoir. Les résistances à ce modèle de globalisation peuvent donc être comprises – selon cette hypothèse interprétative – comme une tentative de récupérer une partie de la souveraineté de la part des communautés aux échelles inferieures, en disputant l’hégémonie culturelle et institutionnelle de la classe globale (par exemple à travers les dénonciations des comportements des grandes compagnies multinationales). Cet exemple herméneutique démontre clairement que le tournant spatial contemporain est une façon de connecter des disciplines qui sont déjà implicitement convergentes, car elles visent à la compression de la réalité sociale.
On assiste donc à l’échange de différentes notions entre la philosophie politique et la géographie sociale : la notion d’échelle en est l’un des exemples les plus intéressants.
Bibliographie
ARISTOTE, Les politiques, Paris, Flammarion, 2015.
ELIAS, N., La dynamique de l’Occident, Paris, Pocket, 2003.
GRAMSCI, A., Masse e Partito, Roma, Editori Riuniti, 2016.
GRAMSCI, A., Quaderni del carcere, Torino, Einaudi, 1975.
HARVEY, D., Social Justice and the City, Oxford, Blackwell, 1973.
HEIDEGGER, M., « Qu’appelle-t-on penser ?», Paris, PUF, 1959.
HEIDEGGER, M., Ormai solo un Dio ci può salvare, Parma, Guanda, 2011.
HEIDEGGER, M., « La question de la technique », Essais et Conférences, Paris, Gallimard, 1958.
LEFEBVRE, H., Le droit à la ville, Paris, Anthropos, 2015.
LÉVY, J., Le tournant géographique, Paris, Belin, 1999.
PLATONE, La République, Paris, Gallimard, 1993.
RELPH, E., Place and Placelessness, London, Pion, 2008.
SCHMITT, C., La notion de politique – Théorie du partisan, Paris, Champs Classiques, 2009.
SCHMITT, C., Le nomos della Terre, Paris, PUF, 2001.
SOJA, E., Postmodern Geographies, London-New York, Verso, 1989.
TORRICELLI, G. P., Potere e spazio pubblico urbano, Milano, Academia Universa Press, 2009.
VERSTRYNGE, J., Sobre el poder del pueblo, Madrid, El viejo topo, 2000.