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Date de création : 30.11.2013
Dernière mise à jour : 03.02.2025
10725 articles


VINCENT LINDON

VINCENT LINDON

« Ne plus mentir, ça m’aide à mieux dormir »

Son rôle dans Jouer avec le feu, de Delphine et Muriel Coulin, sorti en salles mercredi, a valu à Vincent Lindon le prix d’interprétation à la dernière Mostra de Venise. Il y incarne un père confronté à la dérive vers l’ultra-droite d’un de ses fils. L’occasion de s’interroger avec l’acteur sur l’état du dialogue dans notre pays et les valeurs que l’on transmet à nos enfants.

Recueilli par Céline Rouden. Photos : Richard Dumas pour La Croix L'Hebdo

our la coréalisatrice de Jouer avec le feu, Delphine Coulin, l’histoire de Pierre, votre personnage, qui ne comprend plus son fils dérivant vers l’ultra-droite, c’est un peu celle de notre pays ces dernières années. Qu’en pensez-vous ?

Il y a deux histoires dans ce film, la grande et la petite. La radicalisation d’un des deux fils de Pierre, c’est la petite histoire, contrairement à ce qu’on pourrait penser. La grande histoire, l’universelle, c’est toujours la même depuis la nuit des temps, c’est l’amour. Pour moi, ce film raconte avant tout comment on peut aimer inconditionnellement un être humain, quelles que soient ses actions, ses pensées amoureuses ou politiques. C’est un papa qui a élevé ses deux enfants de la même façon mais ils n’ont ni la même destinée, ni le même regard sur le monde. L’un lui ressemble, l’autre est diamétralement opposé. Et pourtant, il les aime autant.

Comment expliquer alors que l’un d’entre eux se radicalise ?

Cet enfant, Fus, va à la facilité parce qu’il habite une région – la Lorraine – dans laquelle les grandes usines ont fermé, où la ville est sinistrée, où il ne reste que le désespoir. Certains enfants ont suffisamment de caractère pour s’extraire de cette situation. D’autres plus faibles, comme lui, restent : il est entouré de gens qui lui ressemblent, il ramasse ce qui passe, et ce n’est pas toujours alléchant. On se radicalise dans un sens ou dans un autre, la pensée se restreint parce qu’on tourne en boucle dans les mêmes cafés, les mêmes endroits, les mêmes terrains vagues…

Entre Pierre et son fils, tout dialogue semble devenu impossible. Leur difficulté à communiquer n’illustre-t-elle pas l’état d’une société de plus en plus polarisée où il devient difficile de se parler ?

Avant d’être politique, la dérive est domestique. Victor Hugo disait : « La forme, c’est le fond qui remonte à la surface. » La forme a son importance. Il y a une forme d’avachissement de la société, un terme très gaullien, mais je l’assume. Ce sont des sommes et des sommes de familiarités, d’égocentrismes, d’indifférences qui s’additionnent : un vélo qui grille un feu rouge, quelqu’un qui vous tutoie au bout de cinq minutes ou qui vous fait attendre quatre jours avant de répondre à votre message. Il y a moins de tenue, moins de respect, donc moins de crainte et un laisser-aller généralisé. Et quand on se laisse aller, on dit tout et n’importe quoi.

Et on ne s’écoute plus…

Il y a une expression à la mode, c’est : « J’entends ce que tu dis. » « J’entends », en gros, ça veut dire : « Je n’en ai rien à faire. » Il y a une autre phrase comme ça que j’adore, c’est : « Je ne suis pas loin de penser comme toi. » C’est-à-dire, pas loin ? Tu es à 20 mètres, à 600 mètres, à 8 kilomètres ? En fait, ça veut dire : « Je suis d’accord avec toi mais je n’ose pas le dire parce que je n’ai pas envie d’avoir des emmerdes. » C’est très compliqué aujourd’hui de dialoguer. Il y a des sujets sensibles sur lesquels la personne en face de vous n’essaie même pas de vous écouter. Si vous n’êtes pas d’accord à 100 % avec une idée, si vous émettez juste une réserve, on vous dit : « Bon, en fait, t’es contre ! » Vous devenez immédiatement un adversaire. C’est le résultat des réseaux sociaux, de la vitesse de circulation des idées. Les pensées se bousculent au portillon, nous sommes bombardés sans arrêt d’informations, tout est tragique, mais rien n’est grave. Alors qu’il y a des choses graves, bien sûr, mais elles sont immédiatement balayées par autre chose.

La technologie est-elle la seule responsable ?

Il y a eu trois révolutions qui ont bouleversé la planète : le feu, la roue et le numérique. Ce n’est pas que c’était mieux avant. Il n’y a pas d’avant. En 2000, nous pouvions dire « avant » en parlant de 1980, c’était dans le même monde. Aujourd’hui, nous avons changé de repères. C’est comme le franc et l’euro, nous sommes passés dans un autre système. Alors oui, les discussions sont encore possibles mais elles sont compliquées parce qu’elles requièrent de nombreux préalables : mettre son portable sur silencieux ou écouter l’autre sans déjà penser à ce qu’on va lui répondre. Ce que j’appelle la « méthode texto » : une forme d’empressement qui n’était pas possible quand on s’écrivait des lettres. Le temps s’est compressé et on a peur. La peur amène la panique, la panique la vitesse, et la vitesse au fait qu’on ne réfléchit plus, on réagit.

L’autre grand sujet du film est la transmission. Qu’est-ce qu’on arrive ou pas à transmettre à ses enfants ?

On ne sait pas, la preuve. Je crois qu’on transmet des choses sans s’en rendre compte. Les enfants, tout petits déjà, ils entendent tout. Pour annoncer quelque chose d’important à un enfant, les parents font souvent l’erreur d’attendre et d’en faire un moment solennel. Or, les enfants perçoivent tout et ont envie de savoir les choses vite. Quant à l’éducation, pour moi, c’est un mystère. Deux parents qui font le même métier, les conversations des adultes entendues lorsque l’enfant est dans sa chambre : tout peut avoir de l’importance dans leur apprentissage. Alors, bien sûr, on essaie comme on peut de leur inculquer des valeurs, mais elles ne passent pas toujours de la même façon, selon les enfants.

Dans votre cas, qu’est-ce que vos parents vous ont transmis ? En quoi leur avez-vous été fidèle ou peut-être infidèle ?

J’ai l’impression de leur avoir été fidèle en tout. Mes parents étaient très différents, ils n’avaient pas la même fonction. Ma mère m’a inculqué l’adaptation : pouvoir passer d’un milieu à l’autre, d’une chambre de luxe à une paillasse, déjeuner avec un ministre ou parler à un SDF, aller partout, manger de tout, ne pas être difficile, ne jamais se plaindre. Et les sept mots obligatoires de la langue française : bonjour, au revoir, merci, s’il vous plaît, pardon, je m’excuse et j’ai tort. Mon père, lui, avait une tout autre fonction. Il nous a transmis l’acharnement à la vie, au travail, à être droit dans ses bottes. Il était dur mais juste. C’était un industriel et dans son entreprise, sur les huit personnes qui travaillaient avec lui, sept sortaient de prison. J’ai été guidé par ce qu’il m’a appris. Le drame de ma vie, c’est qu’il est parti trop tôt et n’a pas vu le moment où j’ai commencé à ressembler un tout petit peu à ce qu’il aurait aimé voir de moi. Aujourd’hui, peut-être que je lirais dans ses yeux : « Ah dis donc, tu as été plus loin que ce que je pensais… »

Votre généalogie comporte beaucoup d’hommes illustres, y compris un président du Conseil, sous la IIIe République. Est-ce un héritage lourd à porter ?

Là, vous touchez un domaine qui me passionne mais dont nous ne savons pas grand-chose, c’est l’inconscient. Jamais je ne me suis dit consciemment : « Vincent, tu vas reprendre le flambeau. » C’est vrai que j’ai baigné là-dedans. Alors, inconsciemment, il y a dû avoir un Vincent qui s’est battu matin, midi, et soir pour essayer de ressembler à quelque chose qui aurait fait plaisir à ses aïeux. Mais je n’ai jamais vécu ça comme un poids.

Pourtant, on ressent chez vous, notamment dans votre façon d’affirmer vos convictions, cette volonté d’être toujours un peu plus qu’un acteur…

Parce que j’ai eu des parents, un grand-père, des oncles comme ça. Des personnes qui se sont mouillées et étaient animées par une cause. Que ce soit mon grand-père, devenu magistrat après avoir été avocat pour punir les collabos à la Libération (Raymond Lindon, avocat général à la Cour de cassation, NDLR), mon père caché dans un village en Auvergne pendant la guerre, qui en a gardé le goût pour la fréquentation des gens simples, ou mon oncle Jérôme Lindon, qui a pris des risques en littérature en lançant le Nouveau Roman. Ce sont des choses qui, inconsciemment, vous obligent.

Pierre pourrait être le syndicaliste d’En Guerre, de Stéphane Brizé, quelques années plus tard. Est-ce qu’il y a des rôles qui ont été des jalons dans votre carrière et qui vous définissent à la fois comme acteur et comme homme ?

Imaginons des parents qui invitent pour le Nouvel An leurs sept enfants : il y aurait sans doute le maître-nageur de Welcome, le premier ministre de Pater, le syndicaliste d’En guerre, le chômeur de La Loi du marché, le pompier de Titane, le professeur de Comme un fils et il y aurait Pierre. Ils se ressemblent beaucoup, forcément puisqu’ils ont mon nez, mes yeux, ma bouche et ma voix. Quand on demandait à Jacques Prévert de définir Jean Gabin, en tant acteur, il répondait « toujours pareil, jamais le même ; toujours le même, jamais pareil ». Il y a des acteurs qui adorent se transformer, ce n’est pas mon cas. Je l’ai fait pour jouer Rodin ou le professeur Charcot, mais ce n’est pas ma quête. Mes rôles sont comme un écho, ils sont le reflet de ce qui m’attire, mais je ne lis pas un scénario en recherchant à tout prix ce type de rôle social ou politique. Et si, demain, il y a un monstre à jouer et qu’il est formidablement bien écrit, je fonce.

Il y a souvent dans ces rôles une forme de rectitude, d’honnêteté morale. Vous vous reconnaissez là-dedans ? Vous dites souvent en interview : « je ne mens jamais »…

Oui, c’est important. Pas pour les autres, pour moi. Ça m’aide à mieux dormir. J’ai parfois menti ou omis des choses, par lâcheté, parce que c’est plus simple, mais comme tous les repentis quand ils basculent, ils exagèrent dans l’autre sens. C’est mon cas.

Qu’est-ce qui vous a fait changer ?

La mort de mon père. J’ai eu envie de prendre le relais. C’est comme si je lui disais : « Tu n’es plus là, donc je reprends la boutique. » Bon an, mal an, je m’y sens bien, mais c’est compliqué, j’y laisse des plumes. Dire non à un metteur en scène, n’être pas d’accord et l’affirmer, intervenir quand quelque chose se passe mal, quitter un dîner quand quelqu’un dit quelque chose d’inacceptable, ce n’est pas toujours facile mais ça m’arrive.

Il y a un personnage assez emblématique de cette disposition dans votre carrière, c’est le magistrat des douanes, Simon Weynachter, dans la série D’argent et de sang, de Xavier Giannoli, et sa fascination pour le concept judaïque de Tikkoun Olam, littéralement « réparer le monde ». C’est un concept qui vous parle ?

Nous nous ressemblons beaucoup avec Xavier Giannoli, et il m’a écrit ce personnage sur mesure. J’ai adoré l’interpréter, et ce concept de « réparer le monde », je pourrais le mettre partout. Si j’étais écrivain, j’écrirais un livre qui s’appellerait ainsi, si j’étais un homme politique, je mettrais ce slogan sur l’affiche, si je participais à un débat, je l’utiliserais. C’est très beau et très juste. Parce que ce n’est pas seulement ma famille, ma maison, ma région, ce n’est pas la France ou l’Europe, c’est le monde. Et dans le mot réparer, il y a une notion de progrès, de remettre en état. Contrairement à l’expression, on ne refait pas sa vie, on la continue. De la même façon, on ne refait pas le monde mais si chacun essayait un tant soit peu de le rafistoler à son échelle, ça irait sans doute un peu mieux…

Vous avez également joué pour Xavier Giannoli, dans L’Apparition, le rôle d’un journaliste qui essaie de percer le mystère de la foi. Cette dimension spirituelle vous intéresse-t-elle ?

Elle me passionne. Si on me demande si je crois en quelque chose de précis, je réponds non. Mais je ne suis pas sûr de ne pas croire. Je crois à des connexions, à des âmes qui se baladent. Je ne suis pas du tout dans une démarche de recherche, mais quand certaines choses m’arrivent, j’en accepte en quelque sorte le mystère.

Vous êtes un acteur engagé et en même temps vous revendiquez de n’être qu’une voix isolée. Quel est votre rapport à la politique, pour laquelle on vous a prêté parfois des ambitions, y compris pour la présidentielle ?

C’est ce que je suis, une voix isolée. Un simple citoyen. Par principe, je ne signe jamais de pétition. Je n’ai pas la réponse à toutes les questions, je n’ai pas toujours envie de prendre la parole mais quand je le fais, je le fais seul. D’abord parce que ça n’engage que moi et ensuite parce que j’ai davantage de place pour m’exprimer que simplement inscrire mon nom au bas d’un texte. Nous ne pensons pas tous pareil, et de toute façon, je n’ai jamais aimé les groupes, même quand j’étais petit.

Il y a cette expression que vous avez employée un jour : « Je veux être là ! » Qu’est-ce que ça veut dire ?

C’est une actrice qui a dit un jour de moi : « Vincent, il est là. » J’aime qu’on puisse dire ça de moi. Quand je suis dans un endroit, je ne suis pas ailleurs. Quand je pense un truc, je le pense vraiment, et quand je me trompe, je le dis. Oui, je suis là, je suis concerné par ce qui m’entoure, par mes proches, par mes contemporains, par ce pays, par l’Europe et par le monde. Parce que si on n’est pas concerné, ce n’est pas très intéressant, non ?

Vous avez reçu un prix d’interprétation à Cannes en 2015 et à Venise l’année dernière, vous êtes devenu un acteur incontournable et pourtant, vous dites que vous avez de plus en plus de peurs et de doutes. Comment l’expliquer ?

Pour user d’une métaphore simpliste, c’est comme un pilote de F1. Quand il fait son premier Grand Prix, il n’a pas peur puisqu’il ne connaît pas encore les dangers. Alors que s’il roule depuis longtemps, qu’il a vu des gens avoir des accidents ou mourir, il part la peur au ventre. Avec le temps, l’expérience, on devrait avoir de moins en moins peur, mais en tant qu’acteur qui dure, on frôle le risque plus souvent. Maintenant, je suis terrorisé à l’idée de tourner. J’ai peur de ne plus être bon, de ne plus savoir faire, de ne plus savoir apprendre un texte, de ne plus savoir jouer… À chaque fois que je commence un film, j’ai des crises de panique. Je ne dors pas de la nuit, j’ai la bouche pâteuse, j’ai le plexus tordu, je relis 43 fois la scène alors que je connais le texte par cœur. C’est un cauchemar !

Y a-t-il des rôles auxquels vous rêvez encore ou vous laissez-vous guider par ce qu’on vous propose ?

Je préfère me laisser la surprise de ce qu’on me propose. Je n’ai pas de rêves et je ne veux pas perdre du temps à essayer de changer ce qui ne peut pas l’être. En revanche, je ne dirais pas non à une très bonne comédie ou à un très bon polar. Avec vingt ans de moins, et une puce pour parler anglais, j’aurais adoré jouer dans Coup de foudre à Notting Hill et Love Actually. J’adore ces films.

Vous allez tourner dans Les Misérables. Jean Valjean, c’est le rôle d’une vie ?

Pour moi, c’est le graal. Avec ce rôle, tout m’arrive en même temps : Jean Valjean, Victor Hugo, Harry Baur, Jean Gabin, Lino Ventura, Jean-Paul Belmondo et Gérard Depardieu. C’est du costaud ! Le danger avec un rôle comme ça, c’est l’après. Il faut essayer de le contrôler pour faire en sorte qu’il ne soit qu’un très très grand rôle. S’il devient le rôle de votre vie, il vous prend tout et derrière, vous êtes vide. Il faut garder quelque chose pour soi.