« L'Affaire Tournesol » : différence entre les versions
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| légende = Haut de couverture de l'album ''L'Affaire Tournesol''
| personnages = [[Tintin]]<br>[[Milou]]<br>[[Capitaine Haddock]]<br>[[Professeur Tournesol]]<br>[[Bianca Castafiore]]
| lieu = {{Belgique}}<br>{{Suisse}}<br>{{France}}<br>
| langue = [[Français]]
| nombre de pages = 62
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| album suivant = [[Coke en stock]]
| ISBN =
| prépublication = ''[[Tintin (périodique)|Le Journal de Tintin]]''
| éditeur = [[Casterman]]
}}
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'''''L'Affaire Tournesol''''' est le dix-huitième album de la série de [[bande dessinée]] ''[[Les Aventures de Tintin]]'', créée par le dessinateur [[Belgique|belge]] [[Hergé]]. L'histoire est d'abord pré-publiée du {{date-|22 décembre 1954}} au {{date-|22 février 1956}} dans les pages du journal ''[[Tintin (périodique)|Tintin]]'', avant d'être éditée en album de soixante-deux planches aux éditions [[Casterman]].
Dans cette nouvelle aventure aux allures de [[Thriller (genre)|thriller]], Hergé s'inspire librement du contexte de la [[guerre froide]] pour donner corps à une histoire d'espionnage haletante. Le récit s'ouvre au [[château de Moulinsart]], frappé par une série de phénomènes étranges qui sont en réalité le fait d'un appareil à
Considéré par de nombreux
Salué pour sa qualité narrative, ''L'Affaire Tournesol'' l'est aussi par la précision et la richesse de ses dessins. Pour la première fois, Hergé se déplace sur les lieux de son action, en Suisse, pour effectuer une série de repérages et représenter les décors le plus fidèlement possible. Ainsi la [[Gare de Genève-Cornavin|gare de Genève]], l'[[hôtel Cornavin]] et les bords du lac [[Léman]], entre autres, sont soigneusement reproduits dans l'album. Malgré la tension permanente, le récit se double d'une succession de gags parmi les plus célèbres de la série, comme ceux du sparadrap du capitaine Haddock et de l'appel à la [[boucherie Sanzot]]. ''L'Affaire Tournesol'' marque également la première apparition de l’agent d’assurances [[Séraphin Lampion]], figure de l'éternel casse-pieds qui deviendra l'un des personnages récurrents des derniers albums.
== L'histoire ==
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{{Commentaire biblio|''Les éléments de l'intrigue décrits ci-dessous concernent l'édition en couleurs de ''L'Affaire Tournesol''.''}}
[[Fichier:Château de Moulinsart.jpg|vignette|gauche|Le [[château de Moulinsart]] d'après une photographie modifiée du [[château de Cheverny]].]]
Au cours d'un orage, de mystérieux évènements frappent le [[château de Moulinsart]] : verres, miroirs et porcelaines volent tour à tour en éclats. Un assureur, [[Séraphin Lampion]], passait devant les grilles quand les vitres de sa voiture ont explosé : à la suite de l'incident, il se réfugie dans le château. Bien qu'agacé par la présence de ce nouvel arrivant très envahissant, le [[capitaine Haddock]] lui sert un verre de whisky, puis se sert par la même occasion, quand son verre éclate dans sa main. D'abord hilare, Séraphin Lampion est pris de panique quand il se produit la même chose avec son propre verre. L'orage ayant cessé, il décide de prendre congé{{sfn|id=Affaire|texte=L'Affaire Tournesol|1956|loc={{nobr|planches 1 à 6}}|gr=H}}. Immédiatement, des coups de feu sont échangés dans le parc. Tintin et Haddock s'y précipitent et rencontrent le [[professeur Tournesol]] regagnant le château, imperturbable. Cependant, deux trous, visiblement causés par des balles,
Les bris de verre se poursuivent à Moulinsart les jours suivants, attirant les badauds, et ne cessent qu'après le départ urgent pour [[Genève]] du [[professeur Tournesol]]{{sfn|id=Affaire|texte=L'Affaire Tournesol|1956|loc={{nobr|planches 10 à 13}}|gr=H}}. Convaincus que ce dernier est en lien avec les phénomènes étranges des derniers jours, Tintin et le capitaine pénètrent dans son laboratoire, où ils tombent sur un individu masqué qui parvient à s'enfuir. Milou réussit à arracher la poche de son manteau, dans laquelle se trouvent une clé et un paquet de cigarettes [[Bordurie|bordure]] sur lequel est inscrite l'adresse de l'[[hôtel Cornavin]], où Tournesol a prévu de descendre{{sfn|id=Affaire|texte=L'Affaire Tournesol|1956|loc={{nobr|planches 14 à 16}}|gr=H}}.
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Craignant pour la sécurité de leur ami à [[Genève]], les deux héros décident de l'y rejoindre, mais le ratent de peu. Apprenant que Tournesol doit rencontrer un confrère à [[Nyon]], ils se mettent immédiatement en route, mais leur taxi finit sa course dans le [[Léman|lac Léman]], victime d'une queue de poisson opérée par une mystérieuse [[Citroën Traction Avant|Citroën 15]] noire.
Ils atteignent finalement Nyon, et plus précisément le domicile du [[
[[Fichier:Citroen 15-6 1952 06011701.jpg|gauche|vignette|alt=Photographie d'un véhicule noir.|Une [[Citroën Traction Avant|Citroën 15]].]]▼
▲Ils atteignent finalement Nyon, et plus précisément le domicile du [[Liste des personnages des Aventures de Tintin#ancre Alfredo Topolino|professeur Topolino]], où la même voiture noire manque de les écraser{{sfn|id=Affaire|texte=L'Affaire Tournesol|1956|loc={{nobr|planches 17 à 21}}|gr=H}}. Ils pénètrent dans la maison et découvrent d'abord le parapluie de Tournesol, attestant de sa venue, avant de délivrer Topolino qui était enfermé et bâillonné dans sa cave. Ce dernier accuse Tournesol de l'avoir agressé{{sfn|id=Affaire|texte=L'Affaire Tournesol|1956|loc={{nobr|planches 23 à 25}}|gr=H}}.
En échangeant avec Topolino, Tintin comprend qu'un individu, selon toute vraisemblance un agent secret bordure, s'est fait passer pour Tournesol avant de l'assommer, pour ensuite endosser le rôle de Topolino, accueillir Tournesol et l'enlever. Le professeur explique le motif de leur rencontre : Tournesol travaillait sur une arme à [[ultrason]]s, {{citation|mais les conséquences de son invention l'effrayaient tellement}} qu'il souhaitait en discuter avec un spécialiste. Quelques instants plus tard, une bombe explose dans la maison{{sfn|id=Affaire|texte=L'Affaire Tournesol|1956|loc={{nobr|planche 26}}|gr=H}}. Tintin et Haddock s'en sortent miraculeusement, et une fois rétablis, prennent la route de l'ambassade bordure à [[Rolle (Vaud)|Rolle]], où ils pensent que le professeur est retenu prisonnier{{sfn|id=Affaire|texte=L'Affaire Tournesol|1956|loc={{nobr|planches 27 à 29}}|gr=H}}. Ils y arrivent en barque, de nuit, et tombent au milieu d'une bagarre rangée entre agents bordures et [[Syldavie|syldaves]]. Tournesol leur échappe encore, et au terme d'une course-poursuite rocambolesque, d'abord en hélicoptère, puis en voiture et à pied, Tintin ne peut empêcher un avion syldave de décoller, emmenant à son bord le professeur{{sfn|id=Affaire|texte=L'Affaire Tournesol|1956|loc={{nobr|planches 30 à 41}}|gr=H}}.
En attendant l'avion qui doit les conduire à Klow, la capitale syldave, Tintin et Haddock découvrent dans le journal que l'avion des ravisseurs syldaves a finalement été détourné vers la [[Bordurie]]. Ils embarquent donc pour Szohôd, la capitale bordure, où leur arrivée est annoncée par des agents secrets. Dès leur atterrissage, ils subissent une surveillance rapprochée dont ils ne se débarrassent qu'en se réfugiant dans les coulisses de l'opéra, où ils retrouvent [[Bianca Castafiore]] qui les cache dans sa loge quand survient le [[
Ils regagnent alors la frontière syldave, puis la Suisse où dans la poursuite, Tintin et Haddock avaient égaré le parapluie de Tournesol. Ce dernier leur confie avoir caché les plans de son arme secrète dans le manche de l'objet, mais quand celui-ci est retrouvé, les plans ne s'y trouvent pas. C'est finalement à Moulinsart, où Séraphin Lampion s'est entre-temps installé avec sa famille, que Tournesol les retrouve, oubliés dans sa table de chevet. Craignant une mauvaise utilisation de son invention, le professeur décide de détruire les microfilms des plans, avant de provoquer involontairement le départ de Séraphin Lampion{{sfn|id=Affaire|texte=L'Affaire Tournesol|1956|loc={{nobr|planches 59 à 62}}|gr=H}}.
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=== Personnages ===
[[Fichier:Citroen 2cv 1949 060117.jpg|vignette|gauche|alt=Photographie en couleurs d'une voiture.|Une [[Citroën 2 CV|2 CV]] similaire à celle des [[Dupondt]], qui apparaît pour la première fois dans cet album.]]
Le [[capitaine Haddock]] acquiert une nouvelle posture dans cet album, en confiant dès l'entame à Tintin qu'il n'aspire plus qu'au repos. Cette résistance à l'aventure devient peu à peu une constante des derniers albums de la série{{refnec}}, mais elle est à chaque fois contredite par les besoins de l'intrigue. En l'occurrence, il s'agit de libérer le [[professeur Tournesol]], au cœur d'une lutte acharnée entre agents bordures et syldaves qui veulent s'accaparer une arme secrète dont il est l'inventeur. Le professeur joue donc une nouvelle fois le rôle de catalyseur de l'aventure, comme auparavant dans ''[[Le Temple du Soleil]]''.
Les détectives [[Dupond et Dupont]] sont présents dans l'aventure, mais c'est la première fois depuis ''[[L'Étoile mystérieuse]]'' qu'un nombre aussi faible
C'est la troisième fois que [[Bianca Castafiore]] apparaît physiquement dans la série, mais au contraire de ses précédentes apparitions, elle n'est pas moquée dans cette aventure {{refnec}} et bien que sa tenue ne perde rien de son extravagance, elle est d'une aide précieuse pour le capitaine et Tintin, jouant un rôle décisif dans la libération du professeur<ref name="rouvière"/>. D'autres personnages font leur première apparition, comme le [[
=== Lieux de l'action ===
[[Fichier:Gare de Cornavin, entrée principale.jpg|vignette|alt=Photographie en couleurs de la façade d'une gare.|La [[gare de Genève-Cornavin]].]]
L'histoire s'ouvre au [[château de Moulinsart]] et dans sa campagne environnante. Apparue dans le diptyque formé par ''[[Le Secret de La Licorne]]'' et ''[[Le Trésor de Rackham le Rouge]]'', cette demeure décentrée, qui est aussi un château, représente pour les lecteurs contemporains d'Hergé un refuge paisible et idéal, préservé des nuisances et des conflits dans le contexte de la [[guerre froide]]. Pour autant, ''L'Affaire Tournesol'' rompt avec cette image de sérénité : dès la deuxième planche, dans la dernière case, [[Tintin]] et le [[capitaine Haddock]] qui se promènent dans le parc sont espionnés à leur insu par un agent secret [[Syldavie|syldave]], lui-même observé par un contre-espion [[Bordurie|bordure]]. Cette composition [[Mise en abyme|en abyme]] introduit la menace dans cet environnement d'apparente tranquillité et révèle ce qui sera le cœur de l'intrigue dans la suite de l'album<ref name="moulinsart">{{article|titre=Moulinsart,
demeure aspirante et refoulante|auteur=[[Pierre Fresnault-Deruelle]]|périodique=Médiation et Information|numéro=27|titre numéro=Habiter, communiquer|date=mars 2008|pages=89-96|lire en ligne=https://mei-info.com/wp-content/uploads/revue27/8MEI-27.pdf}}.</ref>.
[[Fichier:Nyon Panorama.jpg|vignette|gauche|Le [[Léman|lac Léman]] à [[Nyon]].|alt=photographie d'un lac sous un ciel bleu.]]
À partir de la {{nobr|planche 17}}, l'action se déroule
Pendant la course-poursuite qu'ils mènent en hélicoptère pour tenter de rejoindre les ravisseurs de Tournesol, Tintin et le capitaine traversent le lac et se trouvent alors en [[France]], et plus précisément en [[Haute-Savoie]], d'abord sur une route dans les environs de [[Cervens]]{{sfn|id=Affaire|texte=L'Affaire Tournesol|1956|loc={{nobr|planche 33}}|gr=H}}, puis dans un village qui ressemble à celui de [[Bons-en-Chablais]]<ref>{{lien web|url=http://bale.ch/journal/quand-tintin-et-haddock-parlent-patois-sur-les-bords-du-leman-savoyard-et-suisse/|titre=Quand Tintin et Haddock parlent patois sur les bords du Léman savoyard et suisse|auteur=Elodie Silva|date=7 février 2019|éditeur=''Journal de Bâle et Genève''|consulté le=31 janvier 2021}}.</ref>. Réduits à faire de l'auto-stop à la suite de la panne de leur hélicoptère, ils sont embarqués à bord d'une [[Lancia Aurelia|Lancia Aurelia B20]], un véritable bolide, conduit par un Italien qui parvient à coincer la grosse voiture américaine des ravisseurs par une « savantissime petite queue dé sardine... ». Toutefois les malfaiteurs — qui ont dissimulé Tournesol (chloroformé) dans une cachette sous la banquette arrière — réussissent à s'échapper avec les excuses du conducteur italien, qui prend Tintin et Haddock pour des imposteurs.
L'aventure se poursuit en [[Bordurie]], où Tintin et le Capitaine retrouvent la trace du professeur Tournesol. Ce pays imaginaire, créé avant la [[Seconde Guerre mondiale]] par Hergé pour ''[[Le Sceptre d'Ottokar]]'', en même temps que la [[Syldavie]] dont il est l'antagoniste, présente de nombreuses caractéristiques qui le rapprochent de l'[[Union des républiques socialistes soviétiques|Union soviétique]]{{sfn|Peeters|2006|p=326}}.
Les deux héros séjournent d'abord dans la capitale, Szohôd, avant de délivrer le professeur à la forteresse de Bakhine{{sfn|id=Affaire|texte=L'Affaire Tournesol|1956|loc={{nobr|planche 55}}|gr=H}}. Après leur fuite, ils effectuent même un court passage à la frontière syldave, avant de rentrer à Moulinsart via la Suisse{{sfn|id=Affaire|texte=L'Affaire Tournesol|1956|loc={{nobr|planche 60}}|gr=H}}. == Création de l'œuvre ==
=== Contexte d'écriture ===
[[Fichier:CroppedStalin1943.jpg|vignette|redresse|alt=Photographie en noir et blanc du chef d'état soviétique assis sur une chaise, en tenue militaire.|[[Joseph Staline]] a inspiré le personnage du [[Liste des personnages des Aventures de Tintin#
Quand il entame la création de ''L'Affaire Tournesol'', [[Hergé]] souffre depuis plusieurs années d'une [[Dépression (psychiatrie)|dépression]] chronique{{sfn|Goddin|2007|p=503-513}}, ce qui le fatigue et le pousse parfois à interrompre la publication de ses œuvres{{sfn|Assouline|1996|p=397-398}}. Pour autant, Tintin devient peu à peu une icône internationale : les ventes d'albums s'envolent et les [[studios Hergé]] poursuivent leur développement en faisant l'acquisition de bureaux plus grands, sur l'[[avenue Louise]] à [[Bruxelles]]{{sfn|Goddin|2007|p=516-523}}. Le journal ''[[Tintin (périodique)|Tintin]]'', créé en 1946, profite de l'émulation qui naît de sa rivalité avec ''[[Spirou]]'', les deux hebdomadaires adoptant des tons totalement différents, ce qui leur permet de toucher un large public sans souffrir de la concurrence<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Hugues|nom1=Dayez|lien auteur1=Hugues Dayez|titre=Le Duel Tintin-Spirou|sous-titre=Dix-sept témoignages qui donnent un éclairage passionnant sur l'histoire du neuvième art|lieu=Bruxelles
Pour mettre au point son scénario, Hergé l'inscrit dans le contexte de la [[guerre froide]]<ref name="laffage"/>, qu'il transpose dans une rivalité entre la [[Syldavie]] et la [[Bordurie]], deux États fictifs qui font leur réapparition, quinze ans après ''[[Le Sceptre d'Ottokar]]''{{sfn|Assouline|1996|p=516}}. La création de cette aventure commence quelques mois seulement après la mort du dirigeant soviétique [[Joseph Staline]], dont Hergé s'inspire librement pour créer le personnage du [[Liste des personnages des Aventures de Tintin#
=== Écriture du scénario et conception de l'œuvre ===
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=== Sources et documentation ===
[[Fichier:Ehg+palais des nations.jpg|vignette|gauche|alt=Photographie en couleur de deux bâtiments officiels vus de haut.|L'[[école hôtelière de Genève]], à droite.]]
Pour la première fois dans l'histoire de la série, Hergé, qui a l'habitude de séjourner en Suisse, effectue des repérages sur les lieux de l'action, c'est pourquoi de nombreux lieux sont reproduits fidèlement{{sfn|Assouline|1996|p=517}}. Tintin et le capitaine Haddock atterrissent à l'[[Aéroport international de Genève|aéroport de Genève-Cointrin]] dont l'aérogare est fidèlement représentée{{sfn|id=suisse|texte=La Suisse, carnet de voyage|p=68-69}}. Un autobus de la compagnie [[Swissair]] les conduit ensuite à la [[gare de Genève-Cornavin]] dont le fronton est lui aussi représenté fidèlement. En revanche, Hergé s'inspire probablement d'une gare belge pour dessiner une verrière à l'intérieur de celle de Genève qui n'en comporte pas{{sfn|id=suisse|texte=La Suisse, carnet de voyage|p=72-73}}.
Pour la première fois dans l'histoire de la série, Hergé, qui a l'habitude de séjourner en Suisse, effectue des repérages sur les lieux de l'action, c'est pourquoi de nombreux lieux sont reproduits fidèlement{{sfn|Assouline|1996|p=517}}. Le dessinateur profite de ses voyages pour réaliser une série de croquis, notamment de paysages ou de propriétés situées à [[Rolle (Vaud)|Rolle]] et [[Nyon]], ainsi que sur les rives du lac Léman pour repérer l'endroit précis où une voiture peut quitter la route et chuter dans l'eau, après la sortie de Genève{{sfn|Assouline|1996|p=518}}. La maison du professeur Topolino, sur la route de Saint-Cergue à [[Nyon]], existe elle aussi, même si elle porte en réalité le {{numéro|113}} et non le {{numéro|57 bis}} comme dans l'album<ref>{{Ouvrage|prénom1=Albert|nom1=Algoud|lien auteur1=Albert Algoud|titre=Le Tournesol illustré|sous-titre=Éloge d'un oublié de l'Histoire des Sciences|lieu=Tournai|éditeur=[[Casterman]]|collection=Bibliothèque de Moulinsart|année=1994|pages totales=96|passage=71|isbn=2-203-01712-0}}.</ref>{{,}}<ref>{{Article|prénom1=Xavier|nom1=Lafargue|titre=On habite dans la maison de Tintin|périodique=Le Matin|lien périodique=Le Matin (Suisse)|jour=28|mois=mai|année=2007}}.</ref>. De même, l'[[école hôtelière de Genève]] sert de modèle à l'ambassade de Bordurie<ref name="fribourg">{{ouvrage|titre=Tintin à Fribourg|sous-titre=dits et interdits|auteur1=Alain-Jacques Tornare|auteur2=Jean Rime|éditeur=Bibliothèque cantonale et universitaire de Fribourg|pages totales=38|année=2013}}.</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|auteur1=Patrick Mérand|titre=La géographie et l'histoire dans l'œuvre d'Hergé|éditeur=Sépia|année=2015|passage=82-83}}.</ref>. L'[[hôtel Cornavin]] de [[Genève]] est lui aussi fidèlement reproduit, même si Hergé commet une erreur en logeant le professeur Tournesol dans la {{citation|chambre 122}}, au premier étage, qui n'existe pas. Depuis la parution de l'album, la direction de l'hôtel a néanmoins installé une porte contre un mur, portant le {{numéro|122}}, afin que la réalité rejoigne la fiction<ref>{{article|auteur=Pascal Bieri|titre=La boîte aux lettres du professeur Tournesol|périodique=''[[La Suisse]]''|date=10 février 1994|pages=23}}.</ref>.▼
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Quand Tintin et Haddock marchent dans les rues de la ville après leur sortie de l'hôpital, ils passent devant la statue dite de « Maître Jacques »{{sfn|id=Affaire|texte=L'Affaire Tournesol|1956|loc={{nobr|planche 29}}, {{nobr|case 4}}|gr=H}}{{,}}{{sfn|id=suisse|texte=La Suisse, carnet de voyage|2016|p=11}}. De même, deux bâtiments réels servent de modèle à l'ambassade de [[Bordurie]] que l'auteur situe à [[Rolle (Vaud)|Rolle]] : d'une part le [[château du Reposoir]], à [[Pregny-Chambésy]], où Hergé avait rendu visite au roi des Belges [[Léopold III (roi des Belges)|Léopold III]], en exil en 1947{{sfn|id=suisse|texte=La Suisse, carnet de voyage|p=86-87}}, d'autre part l'[[école hôtelière de Genève]]<ref name="fribourg">{{Ouvrage|auteur1=Alain-Jacques Tornare|auteur2=Jean Rime|titre=Tintin à Fribourg|sous-titre=dits et interdits|éditeur=Bibliothèque cantonale et universitaire de Fribourg|année=2013|pages totales=38|isbn=}}.</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|auteur1=Patrick Mérand|titre=La géographie et l'histoire dans l'œuvre d'Hergé|éditeur=Sépia|année=2015|passage=82-83|isbn=}}.</ref>{{,}}{{sfn|id=suisse|texte=La Suisse, carnet de voyage|p=86-87}}.
L'[[hôtel Cornavin]] de [[Genève]] est lui aussi fidèlement reproduit, même si Hergé commet une erreur en logeant le professeur Tournesol dans la {{citation|chambre 122}}, au premier étage, qui n'existe pas. Depuis la parution de l'album, la direction de l'hôtel a néanmoins installé une porte contre un mur, portant le {{numéro|122}}, afin que la réalité rejoigne la fiction<ref>{{article|auteur=Pascal Bieri|titre=La boîte aux lettres du professeur Tournesol|périodique=''[[La Suisse]]''|date=10 février 1994|pages=23}}.</ref>. Hergé reproduit néanmoins fidèlement la [[porte tambour]] de l'entrée de l'hôtel et l'utilise pour mettre en scène un gag aux dépens du capitaine{{sfn|id=suisse|texte=La Suisse, carnet de voyage|p=74-75}}. D'autres éléments de détail apportent une couleur locale aux différentes scènes. Ainsi, un tableau représentant le mont [[Cervin]] orne les murs du salon de la villa du professeur Topolino, tandis que des affiches à l'entrée vantent les mérites touristiques du [[lac des Quatre-Cantons]] et de la station de [[Saint-Moritz]]. À la réception de l'hôtel Cornavin figure un morceau d'une autre affiche promouvant la ville de [[Lugano]]{{sfn|id=suisse|texte=La Suisse, carnet de voyage|p=22-23}}.
Chez le professeur Topolino, le capitaine Haddock porte un intérêt tout particulier à une bouteille de {{nobr|[[La Côte (AOC)|La Côte]] 1947}}{{sfn|id=suisse|texte=La Suisse, carnet de voyage|p=44}}. Hergé apporte également un soin à la précision des [[Plaque d'immatriculation suisse|plaques d'immatriculation]] : le taxi qui conduit les héros de l'aéroport au centre de Genève porte une plaque commençant par les lettres « GE », qui correspond au [[Canton de Genève]], tandis que les véhicules suivants, comme la jeep des pompiers de [[Nyon]], portent des plaques commençant par « VD », l'indicatif du [[Canton de Vaud]]{{sfn|id=suisse|texte=La Suisse, carnet de voyage|p=36}}.
La reproduction de véritables titres de presse renforce le réalisme de l'œuvre. Ainsi dans le hall de l'hôtel Cornavin, les deux agents bordures qui espionnent Tintin et le capitaine sont en train de lire un numéro du ''[[Journal de Genève]]'', un quotidien dans lequel Haddock apprend, un peu plus tard, que l'avion des ravisseurs syldaves de Tournesol a été dérouté vers la
Hergé s'est également documenté sur les voitures
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Simca aronde 1954 06011702.jpg
▲[[Fichier:Citroen 15-6 1952 06011701.jpg|gauche|vignette|alt=Photographie d'un véhicule noir.|Une [[Citroën Traction Avant|Citroën 15]] des agents bordures.]]
Cars from Tintin 2011-10 --002.jpg|alt=Photographie d'une voiture rouge stationnée devant un camion sur lequel est reproduit en grande taille une vignette de l'album.|La [[Lancia Aurelia]] utilisée pour la course poursuite.
Chrysler New Yorker Newport (5129621802).jpg|La [[Chrysler New Yorker]] utilisée par les ravisseurs.
</gallery>
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L'amplification par [[ultrason]]s que met au point le professeur Tournesol est librement inspirée des recherches conduites sous le [[Troisième Reich]] par les services du [[Ministère de l'Armement et des Munitions du Reich|ministère de l'Armement]] d'[[Albert Speer]]. Certains de ces travaux visaient à construire des projecteurs paraboliques capables d'amplifier grandement le son. Toutefois ce programme ne dépassa pas le stade expérimental<ref>{{article|titre=Tintin au pays des savants|auteur=Nicolas Witkowki|date=2002|périodique=Alliage|lire en ligne=http://www.tribunes.com/tribune/alliage/47/Witkowski_47.htm}}.</ref>.
Pour dessiner le laboratoire du professeur Tournesol à [[château de Moulinsart|Moulinsart]], Hergé suit les conseils de l'astronome [[Armand Delsemme]], qui lui fournit également un exemplaire du livre de [[Leslie Earl Simon]], ''{{lang|en|German Research in World War II}}'' (en français : ''Recherche allemande pendant la Seconde Guerre Mondiale''), dont Hergé reproduit la couverture dans une des cases de l'album, en prenant soin de retirer la [[Croix gammée nazie|croix gammée]] qui orne l'avion{{sfn|Assouline|1996|p=518-519}}.
Dans cet album, Hergé fait de la [[Bordurie]] un État totalitaire. Pour ce faire, il s'inspire directement de l'[[Union des républiques socialistes soviétiques|Union soviétique]] et de son dirigeant [[Joseph Staline]], mort quelques mois avant la publication de la première planche. Comme en {{abréviation discrète|URSS|Union des républiques socialistes soviétiques}}, le [[Liste des personnages des Aventures de Tintin#
[[Fichier:Eduard von Fischer.jpg|vignette|redresse|[[Moustache en guidon|Moustaches en guidon]], comme celles portées par Plekszy-Gladz.]]
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Hergé introduit des éléments de cohérence entre ses albums afin de donner à son œuvre une {{citation|apparence massive, compacte et cohérente}}. Ainsi, utilisant le même procédé que de grands auteurs de la fin du {{s-|XIX}}, il convoque dans chaque nouvelle aventure des personnages issus de précédentes histoires{{sfn|Assouline|1996|p=326}}. Outre les personnages récurrents dans la série que sont [[Tintin]], [[Milou]], le [[capitaine Haddock]], le [[professeur Tournesol]], [[Nestor (Tintin)|Nestor]] et les détectives [[Dupond et Dupont|Dupondt]], Hergé fait appel à des personnages plus ou moins installés dans son œuvre. C'est le cas de la cantatrice [[Bianca Castafiore]], déjà vue dans ''[[Le Sceptre d'Ottokar]]'' et ''[[Les Sept Boules de cristal]]''.
C'est d'ailleurs au ''Sceptre d'Ottokar'' que ''L'Affaire Tournesol'' fait directement référence<ref group="Note">Lors de la poursuite en hélicoptère, un des agents syldaves s'exclame d'ailleurs "Par le sceptre d'Ottokar !", ce qui constitue une référence tout à fait explicite.</ref>. En effet, ces deux albums exploitent chacun à leur manière l'antagonisme entre la [[Syldavie]] et la [[Bordurie]], deux pays sortis tout droit de l'imaginaire d'Hergé, mais non dénués de références historiques et géographiques. Par ailleurs, certains éléments du scénario de cette nouvelle aventure constituent autant de renvois plus ou moins évidents à de précédents albums. Ainsi l'épisode de l'enlèvement d'un personnage est un motif récurrent de la série, apparu avec ''[[Tintin en Amérique]]'' et de nouveau exploité dans ''[[Le Temple du Soleil]]''. D'ailleurs, c'est déjà le professeur Tournesol qui en est la victime dans ce dernier album<ref>{{article|auteur=Jean Rime|titre=Tintin face à l'actualité : la transposition de l'affaire Lindbergh dans Tintin en Amérique|périodique=[[Contextes (revue)|Contextes]]|numéro=24|année=2019|lire en ligne=http://journals.openedition.org/contextes/8281}}.</ref>. De même, Hergé prend l'habitude d'inscrire ses récits dans un même genre narratif : ainsi ''L'Affaire Tournesol'' s'apparente à une œuvre de [[science-fiction]], comme l'ont été ''[[Objectif Lune]]'' et ''[[On a marché sur la Lune]]'', une catégorie que rejoindra plus tard ''[[Vol 714 pour Sydney]]''<ref>{{article|auteur=Philippe Marion|titre=Étoile mystérieuse et boule de cristal|périodique=Textyles|numéro=10|année=1993|pages=205-221}}.</ref>. De manière plus directe, lorsque les trois héros s'enfuient à bord d'un blindé bordure, Tintin s'exclame {{Citation|Je n'ai pas piloté de char depuis la Lune, moi !}}''{{sfn|id=Affaire|texte=L'Affaire Tournesol|1956|loc={{nobr|planches 57 et 58}}|gr=H}}'', en référence à ''On a marché sur la Lune''<ref>{{Ouvrage|langue=fr
=== Apparitions et clin d'œil ===
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Alors que Tintin et le capitaine tentent de bloquer la voiture des ravisseurs de Tournesol, cette dernière contourne l'hélicoptère en détruisant les bordures d'un champ. Le capitaine s'exclame alors {{Citation|C'est au moins Fangio qui est au volant !}}, en référence au pilote argentin [[Juan Manuel Fangio]], triple champion du monde de Formule 1 à l'époque de la parution de l'album<ref name=":2" />. Dans la traduction anglaise de 1960, Fangio est remplacé par le pilote australien [[Jack Brabham]]<ref name=":2" />, et supprimé entièrement dans la traduction suédoise<ref name=":2" />.
La chanson populaire n'est pas en reste : dans la dernière planche de l'album, [[Séraphin Lampion]] entonne la chanson ''[[Ça vaut mieux que d'attraper la scarlatine]]'' de [[Ray Ventura]]<ref>{{
== Parution ==
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== Analyse ==
=== Analyse critique et place de l'album au sein de la série ===
Pour de nombreux [[wikt:tintinologue|tintinologues]], ''L'Affaire Tournesol'' est considéré comme l'album le plus abouti de la série. C'est le cas de Harry Thompson, qui regrette néanmoins la fin précipitée de l'histoire{{sfn|Thompson|1991|p=160}}, de Michael Farr, pour qui il s'agit de l'une des meilleures créations d'Hergé<ref>{{
Frédéric Soumois présente ''L'Affaire Tournesol'' comme un album charnière, marquant le début du deuxième cycle des ''Aventures de Tintin''. À partir de cet album, Tintin et le capitaine Haddock accomplissent des missions qu'ils n'ont pas choisies mais qui se sont imposées à eux. L'aventure nait de la nécessité de secourir un ami, et les héros n'aspirent qu'à retrouver la quiétude du [[château de Moulinsart]] une fois celle-ci terminée{{sfn|id=autos|texte=Tintin, Hergé et les autos|2004|p=5}}. Ce deuxième cycle, qu'il qualifie de {{citation|domestique}}, fait suite au premier cycle dit {{citation|d'aventures}} dans lequel Tintin prend l'essentiel de l'initiative{{sfn|id=autos|texte=Tintin, Hergé et les autos|2004|p=5}}.
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=== Portée philosophique ===
[[Fichier:Flag of Borduria (Tintin - 1956).svg|vignette|gauche|alt=Cercle blanc contenant des moustaches à guidon noires, le tout sur fond rouge.|Le brassard porté par les militaires bordures.]]
Pierre Skilling analyse le rôle des ''Aventures de Tintin'' dans la formation de la conscience politique des enfants et considère à ce titre que ''L'Affaire Tournesol'' est une {{citation|synthèse du [[totalitarisme]]}}. Le maréchal Plekszy-Gladz, omniprésent dans l'album sans jamais être montré, mène une dictature qui intègre à la fois {{citation|des éléments du fascisme nazi et du communisme stalinien}}, comme le culte de la personne symbolisé par les moustaches, tout en ayant des prétentions à la domination mondiale pour son pays. Il voit ainsi dans cet album une version adaptée aux enfants de l'essai de [[Hannah Arendt]] sur ''[[Les Origines du totalitarisme]]'', publié au début des {{nobr|années 1950}}<ref name="skilling">{{
Par ailleurs, ''L'Affaire Tournesol'' interroge la représentation du savant dans la bande dessinée. Pour Catherine Allamel-Raffin et Jean-Luc Gangloff, ce personnage remplit souvent la fonction d'amorce du récit dans la mesure où l'objet de sa création fournit une matrice narrative évidente. Ils soulignent également que, dans la bande dessinée, les inventions potentiellement néfastes sont le plus souvent rapportées à un créateur individuel : ainsi, l'invention du professeur Tournesol est à ce point attachée à son créateur que se l'approprier se traduit par l'enlèvement de celui-ci<ref>{{article|auteur1=Catherine Allamel-Raffin|auteur2=Jean-Luc Gangloff|titre=Le savant dans la bande dessinée : un personnage contraint|périodique=Communication et langages|numéro=154|année=2007|pages=123-133}}.</ref>.
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Parmi les autres signes graphiques, les gouttelettes de sueur sont les plus employées et se présentent quasiment à chaque page. Entourant le visage des personnages, elles manifestent le plus souvent leur stupéfaction<ref name="signes"/>, comme lorsque le verre se brise dans les mains du capitaine Haddock{{sfn|id=Affaire|texte=L'Affaire Tournesol|1956|loc={{nobr|planche 5}}, {{nobr|ligne 4}}, {{nobr|case 3}}|gr=H}}. De leur côté, les étoiles colorées constituent selon [[Jérôme Dupuis]] le {{citation|symbole d'une violence tempérée par l'humour}}<ref name="signes"/>, comme lors de la première rencontre « frappante » entre Haddock et [[Séraphin Lampion]]{{sfn|id=Affaire|texte=L'Affaire Tournesol|1956|loc={{nobr|planche 5}}, {{nobr|ligne 1}}, {{nobr|case 3}}|gr=H}}. Enfin, les spirales ont pour effet de {{citation|souligner l'effet comique [en] introduisant une sensation de vacillement dans l'univers bien ordonné d'Hergé}} et traduisent le plus souvent l'étourdissement du personnage<ref name="signes"/>, comme quand le capitaine se retrouve à terre, propulsé par la [[porte tambour]] de l'hôtel{{sfn|id=Affaire|texte=L'Affaire Tournesol|1956|loc={{nobr|planche 19}}, {{nobr|ligne 3}}, {{nobr|case 3}}|gr=H}}.
Par ailleurs, certaines cases témoignent de la maîtrise d'Hergé dans la composition tout en livrant des indices sur la suite de son récit. C'est le cas de la dernière case de la deuxième planche : dans le parc du château, un agent syldave espionne Tintin, le capitaine Haddock et Nestor, tandis qu'il est lui-même observé par un agent bordure. Cette composition [[Mise en abyme|en abyme]] anticipe sur la course que mèneront les deux pays rivaux pour s'attacher les services du professeur Tournesol. De même, dans la septième case de la {{nobr|planche 14}}, sans texte, Tintin et le capitaine pénètrent dans le laboratoire du professeur. Tandis qu'ils entrent par le fond de la pièce, le lecteur est introduit par le premier plan où le regard est attiré par une [[Antenne parabolique|parabole]] de grande dimension et représentée en gros plan, comme un signe avant-coureur de la suite du récit. La forme de l'objet peut même être vue comme une [[métaphore]] de l'avenir des deux héros, qui seront absorbés dans une affaire qui va rapidement les dépasser<ref name="moulinsart"/>.
Dans un autre registre, l'album contient de nombreuses cases dans lesquelles l'appendice du [[Phylactère (bande dessinée)|phylactère]] ne renvoie à aucun personnage et indique seulement la provenance des paroles tandis que le locuteur n'est pas représenté dans l'image. Il s'agit là d'un élément de jonction du récit, l'appendice fonctionnant alors en un certain sens comme une flèche à suivre, indiquant au lecteur un élément qui ne lui sera révélé que dans l'image suivante. Hergé utilise régulièrement ce procédé dans la dernière case d'une planche de manière à maintenir l'attention du lecteur tout en créant chez lui l'impatience de connaître la suite<ref name="fresnault"/>. Par un autre procédé, Hergé intéresse son lecteur à un élément du récit sans utiliser le moindre texte. C'est le cas notamment d'une case sans parole de la {{nobr|planche 15}} qui montre un paquet de cigarettes et une clé dans les mains de Tintin{{sfn|id=Affaire|texte=L'Affaire Tournesol|1956|loc={{nobr|planche 15}}, {{nobr|ligne 3}}, {{nobr|case 3}}|gr=H}}. Elle est un exemple de ce que [[Pierre Fresnault-Deruelle]] nomme les {{citation|images-constats}} : il s'agit d'un grossissement qui {{citation|équivaut à un regard attentif}} pour souligner la force d'un détail<ref name="fresnault">{{article|auteur=[[Pierre Fresnault-Deruelle]]|titre=Le verbal dans les bandes dessinées|périodique=[[Communications]]|numéro=15|date=1970|pages=145-161|lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/comm_0588-8018_1970_num_15_1_1219}}.</ref>.
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capitaine Haddock ?… Non, pas pour le moment… Il est en promenade… }}, et dans la case suivante, ce dernier apparaît en pleine campagne, sa canne à la main, aux côtés de Tintin<ref name="incipit"/>.
En outre, en figurant un téléphone qui sonne, c'est seulement la deuxième fois dans la série qu'un objet seul occupe la première vignette du récit, après la pompe à essence de ''[[Tintin au pays de l'or noir]]''. Dans les deux cas, le dessin agit comme une [[synecdoque]], l'objet servant à représenter un cadre plus général : le téléphone introduit le lecteur à Moulinsart tandis que la pompe à essence introduit le thème de la route et de la conduite qui sert de cadre à la première partie de cette autre aventure<ref name="incipit">{{
Le choix de la représentation du téléphone, surmonté des quatre {{citation|DRRING}}, n'est pas anodin : la répétition de l'[[onomatopée]] induit une dramatisation immédiate qui contrebalance la quiétude de la promenade de Tintin et du capitaine dans la suite de la planche<ref name="incipit"/>.
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Le deuxième comique de répétition de l'album concerne le gag du sparadrap, qui a acquis une notoriété certaine. Soumis à Hergé par son collaborateur [[Jacques Martin (auteur)|Jacques Martin]], ce gag s'étend sur plusieurs planches tout en étant totalement étranger à l'intrigue en cours, comme une {{citation|histoire dans l'histoire}}. Le fait d'être collé au personnage du capitaine Haddock renforce sa portée philosophique. Selon [[Christophe Barbier]], pour qui Haddock {{citation|est l'homme rattrapé par ses actes}}, le sparadrap constitue {{citation|l'avatar visible du remords, [...] le petit châtiment dévolu aux petites bêtises}}. Il symbolise l'acte répréhensible commis par chaque être humain, un temps caché mais qui finit par rattraper son auteur. C'est d'ailleurs le sens retenu par l'expression « le sparadrap du capitaine Haddock », passée dans le langage courant<ref name="sparadrap"/>. Il peut aussi être vu comme une {{citation|fatalité intérieure}}, un caractère qui s'impose malgré soi et relève {{citation|plus de l'ordre de l'involontaire que du volontaire}}<ref>Laurence Devillairs, ''Quand le capitaine tempête'', in {{harvsp|id=philo|texte=Tintin et le trésor de la philosophie|2020|p=66-69}}.</ref>. Par ailleurs, le fait que pendant le trajet en avion, le sparadrap passe par plusieurs personnages différents avant de revenir vers le capitaine semble rappeler au lecteur l'humilité de la condition humaine, comme le souligne encore Barbier : {{citation|Le vol [...] relie Genève à la Bordurie, soit une ville bien connue à un pays imaginaire ; il est un temps suspendu vers un lieu inconnu, il est le condensé de l'humanité : ne sommes-nous pas tous les passagers d'un même voyage vers un même mystère ?}}<ref name="sparadrap">[[Christophe Barbier]], ''Le gag du sparadrap : la métaphore de l'éternel retour'', in {{harvsp|id=Rire|texte=Le rire de Tintin|2014|p=82-85}}.</ref>
==== L'art de l'intrigue parallèle ====
Dans son récit, Hergé met en place des intrigues parallèles qui se déroulent en arrière-plan de l'intrigue principale et sans influer sur elle. C'est le cas du gag du sparadrap mais également de deux personnages qui se retrouvent à plusieurs reprises à proximité immédiate des deux héros. Un homme et une femme sont assis côte à côte dans l'autobus qui mène les héros du centre de [[Genève]] à l'[[Aéroport international de Genève|aéroport]], apparemment sans se connaître. L'homme remarque le sparadrap accrochée au chapeau de sa voisine, et le retire, suscitant un regard réprobateur. Plus tard, cette même femme semble dîner seule au restaurant de l'hôtel Sznorr, à [[Bordurie|Szohôd]], puis les deux personnages sont surpris de se rencontrer pendant l'entracte à l'opéra de la capitale bordure. Dans l'album suivant, ''[[Coke en stock]]'', le lecteur les retrouve dès la troisième vignette de l'aventure, marchant côte à côte devant Tintin et Haddock à la sortie du cinéma. Le fait de les retrouver ensemble laisse à penser qu'ils se sont mariés entre les deux aventures, du moins qu'ils ont entamé une vie commune. Sans qu'aucun de ces deux personnages ne pèse sur l'intrigue des deux albums, Hergé s'autorise en quelque sorte une digression<ref name="brague">{{article|auteur=[[Rémi Brague]]|titre=Tintin, ce n'est pas rien !|périodique=[[Le Débat]]|éditeur=[[Éditions Gallimard|Gallimard]]|pages=136-142|date=mai-août 2017|numéro=195|titre numéro=Le sacre de la bande dessinée|lire en ligne=https://www.cairn.info/revue-le-debat-2017-3-page-136.htm}}.</ref>.
==== Un album bruyant et rythmé ====
Tout au long de l'album, de nombreuses explosions et éclats de verre, bris de vaisselle, coups de feu et autres déflagrations retentissent. Ces {{Citation|dix détonations annoncent les pulsations de l'affaire bordure, bordée du début à la fin par un bruitage excessif}}<ref name=":4">{{Ouvrage|langue=fr
[[Charles-Henri de Choiseul Praslin]], qui consacre un ouvrage aux voitures représentées dans ''Les Aventures de Tintin'', estime que les automobiles jouent un rôle plus important que jamais dans ''L'Affaire Tournesol''. À la fin de l'album, Tintin, Haddock et le professeur Tournesol, qui vient d'être extrait de sa prison, s'enfuient à bord d'un cabriolet. Tintin perd le contrôle du véhicule en voulant éviter le char qui leur barre la route, mais cette sortie de route accidentelle, dont ils sortent miraculeusement indemnes, est avant tout un coup de pouce du destin qui relance le récit et leur permet d'échapper définitivement à leurs ennemis. C'est la dernière fois qu'Hergé représente l'automobile comme une {{citation|divinité salvatrice}} pour le héros, une fonction qu'elle revêt fréquemment dans les aventures précédentes{{sfn|id=autos|texte=Tintin, Hergé et les autos|2004|p=32}}.
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Dans les albums du diptyque lunaire, le [[capitaine Haddock]] exprime son désir de rentrer à [[Château de Moulinsart|Moulinsart]] et d'y rester définitivement. Aussi dès la première planche de cette nouvelle aventure, alors qu'il dialogue avec Tintin au cours de leur promenade champêtre, le capitaine reformule ce vœu et dit n'aspirer qu'au calme et au repos, ce qui sera bientôt contredit par la nécessité de sauver le professeur des dangers qui le guettent<ref name="nerfs"/>. Bien avant de se lancer à la recherche de Tournesol, le calme de Moulinsart est rompu par les mystérieux bris de verre, phénomène alors inexpliqué et qui attire la presse internationale, comme en témoigne la septième case de la {{nobr|planche 13}}, qui reproduit la [[Une (journalisme)|une]] de nombreux titres internationaux, ''London Magazine'', ''Il Popolo'', ''Libération dimanche'', ''Petit Suisse'' et ''Hamburger Tageszeitung''<ref name="porret"/>. En ce sens, ''L'Affaire Tournesol'' marque un tournant dans la posture du capitaine : dans les albums suivants, sa résistance à l'aventure est de plus en plus forte et quand il s'engagera avec Tintin, ce sera le plus souvent à contrecœur<ref name="nerfs"/>.
Sur un autre plan, si l'[[alcoolisme]] de Haddock est un trait largement reconnu, la [[cécité]] semble être également un problème récurrent de ce personnage. L'essayiste [[Jean-Marie Apostolidès]] remarque qu'il entretient un rapport curieux avec les miroirs, symbole d'une difficulté à se voir lui-même. Ainsi dans cet album, au deuxième jour de l'action, le miroir devant lequel il fait sa toilette se brise en plusieurs morceaux, lui renvoyant une image déroutante de sa personne{{sfn|id=Affaire|texte=L'Affaire Tournesol|1956|loc={{nobr|planche 10}}, {{nobr|lignes 3 et 4}}|gr=H}}. Plus loin, il est perturbé par son reflet déformé dans l'étrange instrument qu'il découvre dans le laboratoire de Tournesol{{sfn|id=Affaire|texte=L'Affaire Tournesol|1956|loc={{nobr|planche 14}}, {{nobr|ligne 3}}, {{nobr|case 3}}|gr=H}}, comme il l'avait été dans ''[[Le Trésor de Rackham le Rouge]]'' en se regardant dans un [[miroir convexe]]<ref name="cecite">{{
Le critique [[Nicolas Rouvière]] explique que le personnage de [[Bianca Castafiore]] évolue de façon positive au fil des albums et abandonne {{citation|peu à peu son caractère de dondon casse-tympan}}. Il note que son allure est cette fois resplendissante, alors qu'elle était tournée en ridicule dans ''[[Le Sceptre d'Ottokar]]''<ref name="rouvière"/>. Le capitaine, qui la rencontre pour la première fois<ref group="Note">Dans ''Les Sept Boules de cristal'', le capitaine assiste à son récital au music-hall, mais ne la rencontre pas personnellement.</ref>, en est troublé au point de bafouiller son propre nom, ce qui, selon plusieurs spécialistes, semble indiquer son [[Sexualité humaine|trouble sexuel]] et préfigure les nombreux symboles érotiques qui peuvent être décryptés dans ''[[Les Bijoux de la Castafiore]]''<ref name="nerfs">{{article|auteur=Cristina Alvares|titre=Les nerfs du Capitaine : La fonction du compagnon inséparable du héros dans Les aventures de Tintin de Hergé|périodique=Cincinnati Romance Review|année=2017|numéro=43|pages=216-225}}.</ref>{{,}}<ref name="rouvière"/>. En outre, la Castafiore se montre habile et résolue en cachant Tintin et le capitaine dans sa loge juste avant l'entrée du colonel Sponsz, sauvant ainsi la vie des deux héros<ref name="rouvière">{{article|auteur=[[Nicolas Rouvière]]|titre=Trois figures antimusicales de la BD franco-belge : la Castafiore, Gaston Lagaffe et Assurancetourix|périodique=[[Recherches & Travaux]]|numéro=78|année=2011|pages=195-212|lire en ligne=https://journals.openedition.org/recherchestravaux/463}}.</ref>. La philosophe [[Manon Garcia]] en fait {{citation|une figure de la ruse féminine}}, feignant la sottise pour mieux aider ses deux amis<ref>[[Manon Garcia]], ''La Castafiore, c'est la puissance féminine que les hommes redoutent'', in {{harvsp|id=philo|texte=Tintin et le trésor de la philosophie|2020|p=86-89}}.</ref>.
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''L'Affaire Tournesol'' est l'occasion pour Hergé d'enrichir sa galerie de personnages. Le premier d'entre eux est appelé à devenir l'un des personnages récurrents des derniers albums : [[Séraphin Lampion]], des [[Compagnie d'assurances|assurances]] « Mondass », revêt dès sa première apparition le costume du {{citation|fâcheux par excellence}}. Il effectue une entrée fracassante dès les premières planches de l'album en faisant irruption au château de Moulinsart pour y trouver refuge pendant l'orage. Il y prend immédiatement ses aises et se fait servir un apéritif sans y être invité par le capitaine Haddock<ref>[[François Rivière]], ''Séraphin Lampion'', in {{harvsp|id=Rire|texte=Le rire de Tintin|2014|p=34}}.</ref>. De même, lors de la poursuite en hélicoptère, le capitaine tombe sur sa fréquence de [[Radioamateur|radio amateur]], mais Lampion refuse de croire au sérieux de la situation et rit au nez de Haddock, l'empêchant de prévenir les autorités de l'enlèvement de Tournesol<ref name=":3">{{Article |langue=fr |auteur1= |prénom1=Frédéric |nom1=Garcias |titre=Clin d'œil. Séraphin Lampion : portrait de l'assureur en parasite |périodique=Entreprises et Histoire |volume=72 |numéro=3 |date=2013 |issn=1161-2770 |issn2=2100-9864 |doi=10.3917/eh.072.0136 |lire en ligne=http://www.cairn.info/revue-entreprises-et-histoire-2013-3-page-136.htm |consulté le=2021-02-01 |pages=136 }}.</ref>.
Décrit comme un {{citation|personnage carnavalesque}} par [[Jan Baetens]]{{sfn|Baetens|2011|p=15}}, Lampion intervient tout au long de l'album, au point d'installer sa famille à Moulinsart dans les dernières planches de l'album. Il revêt ainsi une dimension archétypale et symbolise l'éternel casse-pieds, {{citation|un importun à l'humour pesant dont on ne sait comment se débarrasser}}<ref name=":3" />. De fait, Lampion s'inscrit dans la longue tradition littéraire et cinématographique du gêneur, du personnage ennuyeux et collant<ref>Dominique de La Tour, ''L'éternel emmerdeur'', in {{harvsp|id=Rire|texte=Le rire de Tintin|2014|p=35-37}}.</ref>. [[Benoît Peeters]] relève que si les personnages principaux de la série sont célibataires et sans enfants, Lampion est entouré d'une famille nombreuse, ce qui offre à Hergé l'occasion de {{citation|mettre en scène sa hantise des liens biologiques}}{{sfn|Peeters|2006|p=441}}. Le nom de ce personnage s'avère aussi ironique : si son prénom renvoie à l'univers des anges, le personnage se révèle au contraire grossier et envahissant, {{citation|incapable de la même élévation}}, ce que renforce son [[nom de famille]], Lampion, qui évoque une lumière grossière<ref name="bidaud">{{article|auteur=Samuel Bidaud|titre=À propos des noms de personnages de Tintin. Note d'onomastique littéraire|périodique={{lang|en|Irish Journal of French Studies}}|pages=209-225|volume=16|année=2016}}.</ref>. C'est en même temps un personnage {{Citation|banal, inscrit dans son époque (...), [là] où les autres personnages paraissent échapper aux pesanteurs du temps comme de la société}}<ref name=":3" /> : il représente la [[classe moyenne]] consumériste et l'intrusion du [[capitalisme]], lorsqu'il cherche à vendre à tout prix ses assurances, à l'inverse des valeurs de courage et de prise de risques incarnées par Tintin<ref name=":3" />.
L'automobiliste italien [[Liste des personnages des Aventures de Tintin#
Enfin, le [[
==== Les agents bordures : des {{citation|petits Dupondt}} ? ====
À mesure que la série des ''Aventures de Tintin'' progresse, la vie au château se fige peu à peu autour d'un cercle dont sont exclus les détectives [[Dupond et Dupont]]{{sfn|Baetens|2011|p=107}}. Pour autant, leur rôle et leur influence grandissent à partir de ce moment, au travers de ce que le philosophe [[Michel Serres]] a nommé le {{citation|devenir Dupondt}} des albums. Celui-ci se traduit par la répétition caractéristique de l'être de ces deux sosies dans les dernières aventures<ref>{{article|auteur=[[Michel Serres]]|titre=Tintin ou le picaresque d'aujourd'hui|périodique=[[Critique (revue)|Critique]]|numéro=358|année=1977|passage=204}}.</ref>. [[Jan Baetens]] constate que c'est dans ''L'Affaire Tournesol'' que ce procédé apparaît. Si les similitudes sont nombreuses entre l'[[Union des républiques socialistes soviétiques|Union soviétique]] de [[Joseph Staline|Staline]] et la [[Bordurie]], de nombreux signes renvoient cette dernière au modèle interne que représente la gémellité des Dupondt dans la série. Le critique souligne par exemple que le costume des agents bordures, qui sont autant de {{citation|parfaits robots à l'image de l'État totalitaire qui les emploie}}, n'est qu'une variante du {{citation|déguisement de l'agent secret en civil qui est aussi celui des Dupondt}}{{sfn|Baetens|2011|p=107}}. Leur présence transparaît également dans le grand nombre de couples d'agents introduits dans la série, mais plus encore dans le choix de la moustache comme symbole par excellence du pouvoir totalitaire du chef [[Liste des personnages des Aventures de Tintin#
Enfin, Jan Baetens considère que la reproduction du modèle des Dupondt culmine dans la représentation de Kronick et Himmerszeck, les deux agents chargés de surveiller Tintin et le capitaine Haddock après leur arrivée en Bordurie. Tout d'abord, leur nom évoque l'un des traits les plus significatifs de la personnalité des Dupondt, à savoir la répétition : si Kronick évoque le {{citation|malade chronique}}, Himmerszeck est une transposition phonétique du flamand ''{{lang|nl|immer ziek}}'' qui signifie « toujours malade ». Ce trait paraît d'autant plus renforcé que ces deux personnages sont d'emblée présentés à Tintin comme des interprètes, comme si leur parole ne devait que redoubler celle de leurs interlocuteurs. Par ailleurs, alors que les deux agents sont enivrés du champagne que leur ont fait boire Tintin et le capitaine en vue de leur soutirer le nom de la prison où est retenu le professeur Tournesol, leur façon de s'exprimer rassemble de nombreux signes du {{citation|style Dupondt}} : redites, lapsus et aveu involontaire{{sfn|Baetens|2011|p=109-110}}.
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<ref>{{Lien web|titre=Hergé * L'Affaire Tournesol|url=https://www.discogs.com/Herg%C3%A9-Tintin-LAffaire-Tournesol/release/6942754|site=mange-disque.com|consulté le=31 janvier 2021}}.</ref>, puis rediffusée en {{date-|août 2015}} sur [[France Culture]]<ref>dont la présentation est disponible sur {{Lien web|auteur1=Philippe Garbit|titre=Les Aventures de Tintin : L'Affaire Tournesol 1/6 : Épisodes 1 à 4|url=https://www.franceculture.fr/emissions/les-nuits-de-france-culture/les-aventures-de-tintin-laffaire-tournesol-16-episodes-1-a-4|site=franceculture.fr|consulté le=31 janvier 2021}}.</ref>.
En 1964 est diffusé le [[téléfilm]] ''[[L'Affaire Tournesol (téléfilm)|L'Affaire Tournesol]]'', septième et dernier volet de la série animée ''[[Les Aventures de Tintin, d'après Hergé|Les Aventures de Tintin, par Hergé]]'' produite par la société [[Belvision]]. Réalisé par [[Ray Goossens]], il présente de nombreuses différences avec la version en album. [[Georges Poujouly]] prête sa voix à Tintin tandis que le rôle du capitaine Haddock est joué par Marcel Painvin, le professeur Tournesol par [[Fernand Fabre]] et Bianca Castafiore par [[Lita Recio]]<ref>{{lien web|url=https://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=135053.html|titre=L'Affaire Tournesol|site=allocine.fr|consulté le=31 janvier 2021}}.</ref>{{,}}<ref>{{lien web|url=https://www.rtbf.be/tv/guide-tv/detail_l-affaire-tournesol?uid=2286854303668&idschedule=3f71c2d061917bed981d6784c5f7fbe4|titre=L'Affaire Tournesol|site=rtbf.be|consulté le=31 janvier 2021}}.</ref>. L'album est ensuite repris en 1992 dans la série animée ''[[Les Aventures de Tintin (série télévisée d'animation)|Les Aventures de Tintin]]'', un ensemble de trente-neuf épisodes dont les {{numéros|28}} et 29 sont consacrés à ''L'Affaire Tournesol''<ref>{{lien web|url=https://www.imdb.com/title/tt0179552/?ref_=ttep_ep_tt|titre=Les aventures de Tintin|site=imdb.com|éditeur=[[Internet Movie Database]]|consulté le=31 janvier 2021}}.</ref>.
Après le succès au cinéma du film ''[[Les Aventures de Tintin : Le Secret de La Licorne]]'', sorti en 2011, le tournage d'un deuxième volet est confirmé au début de l'année 2019 : son réalisateur, [[Peter Jackson]], déclare alors vouloir travailler sur un épisode d'espionnage syldave, qui mêlerait ''[[Le Sceptre d'Ottokar]]'' et ''L'Affaire Tournesol'', ou bien un scénario adapté du diptyque lunaire ''[[Objectif Lune]]'' et ''[[On a marché sur la Lune]]''<ref>{{Lien web|auteur=Corentin Palanchini|titre=90 ans de Tintin : enfin des nouvelles du deuxième film réalisé par Peter Jackson !|url=http://www.allocine.fr/article/fichearticle_gen_carticle=18678150.html|site=AlloCiné|consulté le=6 décembre 2020}}.</ref>.
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La fresque dédiée à Tintin dans le [[parcours BD de Bruxelles]], située dans la [[Rue de l'Étuve (Bruxelles)|rue de l'Étuve]], reproduit une case de ''L'Affaire Tournesol''. On y voit le capitaine Haddock et Tintin s'échappant d'un bâtiment, en l'occurrence l'hôtel où ils doivent être surveillés par les agents bordures, par l'escalier de service{{sfn|id=Affaire|texte=L'Affaire Tournesol|1956|loc={{nobr|planche 50}}, {{nobr|ligne 3}}, {{nobr|case 3}}|gr=H}}{{,}}<ref>{{lien web|url=https://www.lavenir.net/cnt/dmf20180507_01167874/a-bruxelles-les-fresques-bd-desormais-a-3m-de-haut|titre=À Bruxelles, les fresques BD désormais à 3m de haut|site=lavenir.net|éditeur=''[[L'Avenir (Belgique)|L'Avenir]]''|date=7 mai 2018|consulté le=24 janvier 2021}}.</ref>.
Par ailleurs, le musicien allemand [[Klaus Schulze]], pionnier de la [[musique électronique]], rend hommage à l'album dans une composition de près de vingt minutes<ref name=klaus>{{Lien web|titre=Klaus Schulze – La Vie Electronique 8|url=https://www.discogs.com/fr/Klaus-Schulze-La-Vie-Electronique-8/release/10190099|site=discogs.com|consulté le=31 janvier 2021}}.</ref>. Intitulée ''L'Affaire Tournesol'', elle se compose de deux
L’album fait une brève apparition dans le film ''[[Le Cerveau]]'' (1:07:44), dans lequel il est lu par un membre de la police militaire chargé de garder le transfert de fonds.
=== Traductions ===
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==== Arpitan / francoprovençal ====
[[Fichier:Bundesarchiv Bild 102-13738, Auguste Piccard.jpg|redresse|vignette|[[Auguste Piccard]], le savant qui a inspiré le personnage du professeur Tournesol.]]
À l'occasion du centenaire de la naissance d’Hergé en 2007, les éditions [[Casterman]] se sont associées à l'association ''Aliance culturèla arpitana'' pour adapter ''L'Affaire Tournesol'' dans la langue originelle des régions où une partie de l'action de l'album se déroule, l'arpitan (ou [[francoprovençal]])<ref name=":0" />. L'album ainsi traduit s'intitule ''L'Afére Pecârd''. En effet, le professeur Tournesol se voit transformé en Pecârd, du nom du savant vaudois [[Auguste Piccard]] qui sert de modèle à Hergé pour créer son personnage. Dans cette adaptation, Tintin parle en [[Savoyard (langue)|arpitan savoyard]] alors que les personnages du [[canton de Vaud]] communiquent en [[Vaudois (langue)|vaudois]]. Le capitaine Haddock, quant à lui, jure en patois lyonnais-forézien<ref name=":0">{{article|auteur=Laurent Missbauser|titre=Quand Haddock fait l'éloge du fendant|périodique=[[Le Nouvelliste (Valais)|Le Nouvelliste]]|lieu=Sion|date=31 mars 2007}}.</ref>. Ainsi, le château de Moulinsart se trouve « téléporté » dans les [[monts du Lyonnais]]<ref>{{Lien web|langue=fr|titre=Tintin au pays des Arpitans|url=https://www.arpitania.eu/index.php/nos-publications/69-tintin-patois-arpitan-vaudois-savoyard-genevois-valdotain-lyonnais-forezien|site=Arpitania.eu|consulté le=2021-01-31}}.</ref>. Le projet de traduction a permis d'utiliser la première orthographe standardisée de l'arpitan, développée par le linguiste Dominique Stich<ref>{{Article|titre=L'affaire arpitane, ou les défis d'une adaptation régionale|périodique=[[Le Courrier]]|date=2012|lire en ligne=https://www.arpitania.eu/index.php/component/content/article/57-presse/99-l-afere-pecard-revue-de-presse}}.</ref>.
==== Autres langues régionales ====
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{{légende plume}}
==== Album en couleurs ====
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Hergé]]|titre=L'Affaire Tournesol|lieu=Tournai|éditeur=[[Casterman]]|année=1956|pages totales=62
==== Ouvrages sur l'œuvre d'Hergé ====
* {{Ouvrage|
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Jan|nom1=Baetens|lien auteur1=Jan Baetens|titre=Hergé écrivain|
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Collectif|titre=Le rire de Tintin|sous-titre=Les secrets du génie comique d'Hergé|éditeur=''[[L'Express]]'', ''[[Beaux Arts Magazine]]''|année=2014|pages totales=136|
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Collectif|titre=Tintin et le trésor de la philosophie|éditeur=''[[Philosophie Magazine]]''|année=2020|pages totales=100|
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Geoffroy Kursner|titre=Hergé et la presse|sous-titre=Ses bandes dessinées dans les journaux du monde entier|lieu=Bruxelles|éditeur=[[Les Impressions nouvelles]]|année=2021|pages totales=616|isbn=978-2874499210}}.
* {{
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Jean Rime|auteur2=[[Tintinimaginatio|Moulinsart]]|titre=La Suisse|sous-titre=Carnet de voyage|éditeur=[[Tintinimaginatio|Moulinsart]]|année=2016|pages totales=99|format=pdf|isbn=|lire en ligne=https://cdn001.tintin.com/public/tintin/img/books/205/CarnetSuisse_fr.pdf|id=suisse}}.
==== Ouvrages sur Hergé ====
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Jean-Marie|nom1=Apostolidès|lien auteur1=Jean-Marie Apostolidès|titre=Hergé|lieu=Paris|éditeur=[[Groupe Flammarion|Flammarion]]|collection=Champs|année=2006|pages totales=435|isbn=978-2-08-120048-7}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Pierre|nom1=Assouline|lien auteur1=Pierre Assouline|titre=Hergé|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Gallimard|Gallimard]]|collection=Folio|année=1996|pages totales=820|isbn=978-2-07-040235-9|plume=oui}}.
* {{Ouvrage|prénom1=Philippe|nom1=Goddin|titre=
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Benoît|nom1=Peeters|lien auteur1=Benoît Peeters|titre=Le monde d'Hergé|lieu=Tournai|éditeur=[[Casterman]]|année=1983|pages totales=320|isbn=2-203-23124-6}}.
* {{Ouvrage|prénom1=Benoît|nom1=Peeters|lien auteur1=Benoît Peeters|titre=Hergé, fils de Tintin|lieu=Paris|éditeur=[[Groupe Flammarion|Flammarion]]|collection=Champs essais|année=2006|mois=novembre|pages totales=627|isbn=978-2-08-123474-1|lire en ligne=https://books.google.com/books?id=cGLhkAMreEkC&printsec=frontcover|plume=oui}}.
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=== Liens externes ===
* {{Autorité}}
* {{Bases}}
* {{Dictionnaires}}
* {{imdb titre|id=0270386}}
* [http://www.bellier.co/l%27affaire%20tournesol%201954/vue1.htm Les planches originales parues dans le ''Journal de Tintin'' à partir de 1954]
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