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« Esthétique » : différence entre les versions

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{{Voir homonymes|Esthétique (homonymie)}}
 
[[Fichier:Aesthetica.png|vignette|Première page du livre intitulé ''Æsthetica'' de [[Alexander Gottlieb Baumgarten|Baumgarten]], 1750. On lui doit ce néologisme.]]
 
L''''esthétique''' mode(ou coiffeur'''philosophie de l'art''') est une discipline de la [[philosophie]] ayant pour objet les [[perception#Perception au sens philosophique|perceptions]], les [[Sens (physiologie)|sens]], le [[beau]] (dans la [[nature]] ou l'[[art]]), ou exclusivement ce qui se rapporte au concept de l'[[art]].
L'esthétique correspond ainsi au domaine désigné jusqu'au {{s-|XVIII|e}} par « science du beau » ou « critique du [[goût (esthétique)|goût]] », et devient depuis le {{s-|XIX|e}} la '''philosophie de l'art'''. Elle se rapporte, par exemple, aux [[émotion]]s provoquées par une œuvre d'art (ou certains gestes, attitudes, choses), aux [[jugement (philosophie)|jugements]] de l'œuvre, à ce qui est spécifique ou singulier à une expression (artistique, littéraire, poétique, etc.), à ce qui pourrait se définir comme beau par opposition à l'[[utile]] et au fonctionnel.
 
Dans le [[registre de langue|langage courant]], l'adjectif «  esthétique  » se rapproche de «  beau  ». Comme nom, «  esthétique  » est une notion désignant l'ensemble des caractéristiques qui déterminent l'apparence d'une chose, souvent synonyme de [[cosmétique]], d'aspect physique et paradoxalement de [[design]] ou d'aspect physique.
 
== Définition ==
=== Étymologie et sémantique ===
Le mot ''esthétique'' est dérivé du grec {{grec ancien|αίσθησιs|aisthesis}} signifiant ''beauté/sensation''. L'esthétique définit étymologiquement la science du ''sensible''. Ce sens est présent, par exemple, dans la ''[[Critique de la Raison pure]]'' de [[Emmanuel Kant|Kant]], où l'esthétique est l'étude de la sensibilité ou des sens. Mais l'usage a donné au mot une autre signification qui est, sans rapport àavec l'étymologie, lorsque lle terme d'esthétique désigne la science du [[beau]] ou la philosophie de l'art<ref>Bénard, article "Esthétique", 1875, {{p.|477}}</ref>. Bien que le mot ''esthétique'' ait unesoit d'étymologie grecque, il était inconnu dedans l'antiquitéAntiquité, car la science de l'esthétique n'est apparue qu'à l'époque moderne et dans un contexte allemand.
C'est le philosophe allemand [[Alexander Gottlieb Baumgarten]], disciple de [[Christian Wolff (philosophe)|Christian Wolff]], qui introduit, au {{s-|XVIII|e}}, introduit le néologisme « esthétique » (en latin : a''Aestheticaesthetica'') et, lui donnadonnant son acception moderne avecpar la publication du premier volume de son ''Aesthetica'', en 1750. Il délimite une discipline philosophique nouvelle et indépendante, en se basantfondant initialement sur la distinction platonicienne entre les choses sensibles (''aisthêta'') et intelligibles (''noêta'')<ref>Sur l'étymologie et la portée sémantique de ''esthétique'' voir notamment : [[Marc Jimenez]], « [http://robert.bvdep.com/public/vep/Pages_HTML/ESTHETIQUE.HTM esthétique] », dans [[Barbara Cassin]], ''Vocabulaire européen des philosophies : dictionnaire des intraduisibles'', Seuil, Dictionnaires le Robert, 2004 {{ISBN|2-02-030730-8}}.</ref>. Dans l'ouvrage ''Méditations philosophiques''<ref>Alexander Gottlieb Baumgarten, ''Meditationes philosophicae de nonnullis ad poema pertinentibus'' (''Méditations philosophiques sur quelques aspects de l'essence du poème''), Halae Magdeburgicae, 1735.</ref> (1735), Baumgarten définit l'esthétique comme race coiffeur humaine des marocaines spécifique gautiér ou smétha ou rastha« la science du mode de connaissance et d'exposition sensible », puis dans ''Æsthetica'' (1750) : « L'esthétique (ou théorie des [[arts libéraux]], [[gnoséologie]] inférieure, art de la beauté du penser, art de l'[[analogon]] de la raison) est la science de la connaissance sensible »<ref>''Esthétique'', vol. 1, trad. fr. J.-Y. Pranchère, {{p.|121}}.</ref>. En effet, Baumgarten considère l'idée du beau comme une perception confuse ou un ''sentiment,'' et ,de ce fait, comme une forme inférieure de connaissance, d'où l'usage du terme esthétique<ref name="Béna_480">Bénard, art. "Esthétique", {{p.|480}}</ref>. L'esthétique s'oppose à la logique comme les idées confuses s'opposent, dans l'école de Wolff et de [[Leibniz]], aux idées distinctes. Son esthétique est également une théorie des beaux-arts. Elle se substitue historiquement à la ''Poétique'' initiéeconçue par [[Aristote]].
 
Le terme ''esthétique'' prend une signification différente selon les langues, n'ayant pas été adopté aux mêmes périodes, etni à la suite desous l'influence des mêmes œuvres philosophiques (celles de [[Emmanuel Kant|Kant]] et de [[Georg Wilhelm Friedrich Hegel|Hegel]] notamment). DeEn plusoutre, ce domaine d'étude est également désigné par des termes synonymes ou proches<ref>Vers 1780, [[Emmanuel Kant|Kant]] signale ainsi que « les Allemands sont les seuls à se servir du mot « esthétique » pour désigner ce que d'autres appellent la critique du goût. » (''Critique de la raison pure'') et [[Georg Wilhelm Friedrich Hegel|Hegel]] mentionne également : « À nous autres Allemands ce terme est familier; les autres peuples l'ignorent » (''Esthétique'')</ref>. L'esthétique est {{Citation|la théorie, non de la beauté elle-même, mais du jugement qui prétendprétendant évaluer avec justesse la beauté, comme la laideur}}<ref>Michel Blay, ''Dictionnaire des concepts philosophiques'', Larousse, CNRS éditions, 2006, {{ISBN|2-03-582657-8}}, {{pp.}}50-53.</ref>.}} Dans la langue anglaise, le champ de l'esthétique était traditionnellement catégoriséclassé dans la catégorie de la ''Critic'', à la suite de ''{{Langue|en|Elements of Criticism}}'' (1762) du philosophe [[Henry Home]], et se définissaitdéfinissant généralement comme « critique d'art » (''critic of art''). Depuis les années 1950, l'influence dominante de la philosophie analytique dans le monde anglo-saxon tend également à restreindre la portée de ''aesthetics'' à unela seule philosophie de l'art (Voir [[#L'esthétique analytique|esthétique analytique]]). Dans la langue française, ce champ d'étude était généralement désignédéfini, avant le {{s-|XIX|e}}, comme « théorie des arts » ou « critique du goût ». Dans ses commentaires sur les Salons de la deuxièmeseconde moitié du {{s-|XVIII}}, [[Diderot]] utilise les termes de « manière » ou de « goût » dans sa critique d'art. [[Charles de Villers]] écrit en 1799 : {{citation|Diderot a voulu introduire dans l'Encyclopédie ce terme d'Esthétique, mais cela n'a pas pris. Nous n'avons sur les principes du goût que des ouvrages fragmentaires et une doctrine éclectique : ces principes ne sont pas rédigés dans un code certain et suivant une méthode vraiment scientifique, il est évident que nous n'avons point d'esthétique}}<ref>Élisabeth Décultot, Ästhetik/esthétique. Étapes d’une naturalisation (1750-1840), ''Revue de Métaphysique et de Morale''
2002/2, {{n°|34}}, {{p.|14}} [www.cairn.info/load_pdf.php?ID_ARTICLE=RMM_022_0007]</ref>.}} Le mot ''esthétique'' entre dans la langue française à la fin du {{s-|XVIII|e}} et dans le ''Dictionnaire de l'Académie française'' en 1835 seulement. Sa première apparition dans un dictionnaire philosophique est due à [[Charles Magloire Bénard]] (le traducteur français de [[Georg Wilhelm Friedrich Hegel|Hegel]]) en 1845<ref>Décultot, 2002, {{p.|21}}</ref>. Le nom désigne « la science du beau » et la « philosophie des beaux-arts ».
 
Le terme esta aussi dérivédes dérivés : l'[[esthétisme]], qui caractérise l'évaluation des valeurs humaines du seul point de vue esthétique (selon le beau et l'agréable), puis; désignepar ultérieurementla suite il désigne un mouvement artistique et littéraire anglais du {{s-|XIX|e}}. L'esthétisation (allemand : ''Ästhetisierung''), processus de transformation en réalité esthétique d'un phénomène initialement non esthétique. L'[[esthétisme|esthète]], personne sensible au beau. L'esthéticien, [[philosophe]] spécialisé dans lale branchedomaine de l'esthétique.
 
{{Article connexe|Goût (esthétique)}}
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Le caractère de métaphysique du beau est progressivement remplacé par une '''philosophie de l'art''' ([[Georg Wilhelm Friedrich Hegel|Hegel]]), qui prend pour objet les œuvres faites par les hommes au lieu des constructions ''a priori'' de ce qu'est le beau. Par suite, l'esthétique apparaît comme une réflexion sur les techniques ou sur les conditions sociales qui font tenir pour « artistique » un certain type d'action, qui réfléchit également sur la légitimité du concept de l'[[art]].
 
== Histoire en occidentOccident ==
L'esthétique, compriseComprise dans son sens traditionnel ([[wikt:kantien|kantien]]) comme l'étude philosophique des perceptions, émotions, du beau et de l'art, l'esthétique recouvre un domaine de recherche aussi ancien que la [[philosophie]] elle-même, mais la discipline est moderne, car les Grecs ne distinguaient pas dans la philosophie quelque chose dequi telressemblât à qu'une esthétique dans la philosophie. C'est donc de façon rétrospective que l'on peut parler d'une esthétique antique comme science du beau ou science du sensible. L'histoire de l'esthétique se développe en parallèleparallèlement à l'histoire du [[rationalisme]]. Il faut dater « l'invention » de l'esthétique du milieu du {{s-|XVIII}} et; si l'on considère la philosophie de l'art, il faut attendre le {{s-|XIX|e}} ([[Georg Wilhelm Friedrich Hegel|Hegel]])<ref>[[Marc Jimenez]], ''Qu'est-ce que l'esthétique'', Gallimard, 1997, {{p.|26}}, {{p.|181}}. [[Alain Patrick Olivier]], ''Hegel, la genèse de l'esthétique'', Presses universitaires de Rennes, 2008, {{p.|10}}</ref>.
 
=== Antiquité ===
[[Fichier:Platon-2.jpg|vignette|150px| [[Platon]].]]
 
Dans la Grèce antique, la question du [[beau]] est une question centrale, mais elle n'est pas rapportée nécessairement à la question de l'art. Elle C'est aussi bien une question qui touche aussi bien à la morale et qu'à la politique chez [[Platon]]<ref name="Béna_479">Bénard, art. "Esthétique", {{p.|479}}</ref>. La période phare de l'esthétique s'étend principalement auxdu {{-s2s-|V|e}} au {{s-|IV|e}}, à l'époque de la démocratie des cités grecques, bien que des notions et désignationsprécisions esthétiques furentaient été énoncées dans des temps plus anciens :
 
[[Homère]] (vers la fin du {{s-|VIII|e}}) parle notamment de « ''beauté »'', « d'''harmonie »'', etc., toutefois sans toutefois les fixerpréciser théoriquement. Par travail artistique, il comprenait la production d'un travail manuel, à traverspar laquelle agissait une divinité agissait. [[Héraclite d'Éphèse]] explique le Beau comme qualité matérielle du [[Vérité en philosophie|vrai]]. L'art serait alors la manifestation d'un accord opposé par une imitation de la nature. [[Démocrite]] voit la nature du Beau dans l'ordre sensible de la symétrie et de l'harmonie des parties, envers un tout. Dans les représentations cosmologiques et esthétiques des [[pythagore|pythagoriciens]], les principes numérairesnumériques et proportionnels jouent un grand rôle pour l'Harmonie et le Beau.
 
==== Platon ====
La philosophie de l'art commence, chez [[Platon]], par une condamnation des beaux-arts<ref name=":0">{{Ouvrage|prénom1=Jean|nom1=Lacoste|titre=La philosophie de l'art|date=2019|isbn=978-2-7154-0220-1|isbn2=2-7154-0220-1|oclc=1134688464|lire en ligne=https://www.worldcat.org/oclc/1134688464|consulté le=2022-01-03}}</ref>. L'art n'est jamais, dans le cadre de la [[théorie des Idées]], qu'une copie du réel ; or, ce qui est perçu comme le réel par les sens n'est qu'une copie des [[idée|Idées]], c'est-à-dire des formes intelligibles uniquement accessibles à l'intellect . L'art est donc un {{Citation|simulacre de simulacre}}<ref>La théorie des trois lits : L'idée du lit (monde intelligible), la copie du lit par le menuisier (réalité sensible), et la version dégradée du lit peint par l'artiste (copie de copie).</ref>.[[Fichier:Aristoteles Louvre.jpg|vignette|150px|[[Aristote]].]]
[[Fichier:Aristoteles Louvre.jpg|vignette|150px|[[Aristote]].]]
 
Pour [[Socrate]], par le truchement de Platon, défend la thèse de l'équivalence du beau, du bon et ledu bien, sonttous trois mêlés. L'art représentatif consiste principalement à représenter une personne belle de corps et d'esprit. [[Platon]] ne conçoit pas le beau comme quelque chose de seulementd'uniquement sensible, mais comme une [[idée]] : la beauté a un caractère sur-naturelsurnaturel, elle est quelque chose d'intelligible, qui s'adresse à la pensée. Elle appartient à une sphère qui est supérieure à celle des sens et de l'[[L'entendement|entendement]]<ref name="Béna_479"/>. Les choses ne sont que des reflets des idées, et l'art copie seulement ces reflets. Et il évalue particulièrement négativement l'art, en tant que copie non fidèle, puisque réalisée de manière imparfaite par l'homme<ref>La théorie des trois lits : L'idée du lit (monde intelligible), la copie du lit par le menuisier (réalité sensible), et la version dégradée du lit peint par l'artiste (copie de copie).</ref>. Il différencie néanmoins deux techniques d'imitation : la « copie » (''eikastikè'') telle la peinture ou la poésie, et « l'illusion » (''phantastikè'') telles les œuvres architecturales monumentales. Si Platon est favorable au beau, il demeure hostile à l'art et particulièrement à la poésie et la peinture. Son œuvre demeure néanmoins comme la première codification idéologique et politique de l'art.
 
Il différencie néanmoins deux techniques d'imitation : la « copie » (''eikastikè'') telle la peinture ou la poésie, et « l'illusion » (''phantastikè'') telles les œuvres architecturales monumentales. Si Platon est favorable au beau, il est réticent par rapport à l'art, en particulier à la poésie et à la peinture. Son œuvre passe néanmoins pour la première codification idéologique et politique de l'art.
 
==== Aristote ====
[[Aristote]] n'a traité ni du beau ni de l'art en général. Sa ''[[Poétique (Aristote)|Poétique]]'' est un fragment sur l'[[art dramatique]] et, ne comprendcomprenant que les règles de la [[tragédie]]. Son point de vue est en outre plus expérimental que théorique. Il déduit des règles à partir des chefs-d'œuvre du théâtre grec<ref name="Béna_479"/>. Il développe néanmoins une théorie générale de l'[[Mimésis|imitation]], qui peut s'appliquer à différentsdes arts divers : « L'épopée, la poésie tragique, la comédie, la poésie dithyrambique, le jeu de la flûte, le jeu de la cithare, sont toutes, de manière générale, des imitations » (ch. 1). Pour Aristote, les arts se différencient par les objets qu'ils imitent et par les moyens artistiques utilisés pour réaliser cette imitation. L'art imite la nature ou bien achève des choses que la nature est incapable de réaliser. La pensée d'Aristote devient ainsi une base pour les « théories de l'art » ultérieures (au sens moderne), par sa dialectique de la connaissance et par son évaluation du rôle de la nature et de l'apparence dans la beauté artistique. Il met en place les concepts de l'imitation ([[mimèsis]] introduite par Platon), de l'[[émotion]], du [[plaisir]] du spectateur ([[katharsis]]), les [[figure de style|figures de style]] ou encore le rôle de l'[[œuvre d'art]]. Ces théories seront aussi bien reprises, pour l'esthétique classique, par [[Nicolas Boileau|Boileau]] ({{s-|XVII|e}}) aussi bien que dans le cas de l'esthétique [[marxisme|marxiste]].
 
==== Néoplatonisme ====
[[Fichier:Plotinos.jpg|vignette|150px|Plotin]]
 
Dans l'[[Antiquité tardive]], la théorie du beau est particulièrement systématisée autour des concepts néoplatoniciens de [[Plotin]] (204-270). Dans les ''[[Énnéades (Plotin)|Énnéades]]'', celui-ci reprend et dépasse les distinctions de [[Platon]]. L'essence du Beau réside dans l'intelligible et plus précisément dans l'idée. Ensuite la beauté s'identifie à « l'Unité », dont dépendent tous les êtres. Le beau est ainsi de nature spirituelle (relié à l'âme) et sa contemplation est un guide pour approcher l'Intelligible. De mêmeSemblablement, la beauté réside dans la [[forme (art)|forme]] de l'œuvre, et non dans sa matière. Ainsi pour Plotin, l'art véritable ne copie pas simplement la nature, mais cherche plutôt à s'élever. Plotin fonde ainsi l'esthétique d'œuvres symbolistes et peu réalistes, dont les exemples sont les [[IcôneIcone (religion)|icônes]] byzantines ou les peintures et sculptures de l'[[art roman]]<ref name="boeck">Atelier d'esthétique (collectif), ''Esthétique et philosophie de l'art : Repères historiques et thématique'', Bruxelles, De Boeck, 2002</ref>. L'esthétique [[Rome antique|romaine]] reprend les concepts de la Grèce, commetelles les réflexions sur la relation entre [[nature]] et beauté, par exemple dans l'''[[Art poétique]]'' de [[Horace]], par exemple, ou biendans les théories de [[Sénèque]] sur le beau<ref name="boeck" />.
 
=== Moyen Âge ===
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[[Fichier:Boethius initial consolation philosophy.jpg|vignette|gauche|220px|[[Boèce]] enseignant, manuscrit de ''la Consolation de la philosophie'', [[1385]].]]
 
L’esthétique du [[Moyen Âge]] reprend les principes du néoplatonisme en les rattachant au modèle théologique du [[christianisme]]. On considère alors que dans la création artistique se distille une dignité créatrice, comparable à la création divine. L’artL'art est un moyen de transcendance vers l’intelligiblel'intelligible. Au symbolisme de Plotin est ajouté l’l'[[allégorisme]], qui n’estn'est plus considéré comme simple [[figure de style]] (rhétorique), mais comme un moyen privilégié de correspondance avec les idées. Du fait de son caractère hautement symbolique, l'esthétique médiévale se prête difficilement au clivage moderne entre [[abstraction (art)|abstraction]] et [[art figuratif|figuration]]. En effet, un même symbole peut être indifféremment représenté à l'aide d'une figure géométrique ou humaine. Par exemple, on trouve des représentations de la [[Trinité chrétienne|Trinité]] aussi bien sous forme de trois sphères, trois cercles, un triangle ou trois personnes humaines au visage identique<ref>v.''Initiation à la symbolique romane'' de [[Marie-Madeleine Davy]], Flammarion, 1977, {{p.|160}},169 et 223, {{ISBN|2080810197}}.</ref>. À l'époque [[art roman|romane]], l'[[art sacré]] est l'objet d'une opposition entre partisans d'une esthétique du dépouillement en accord avec les idéaux contemplatifs ([[Bernard de Clairvaux|Saint Bernard]] et les [[Cistercien]]s, les [[Chartreux]]) et partisans d'une esthétique plus ornementale dont [[Abbaye de Cluny|Cluny]] est le fruit et dont [[Suger]] semble l'émule<ref>v. ''Initiation à la symbolique romane'', {{p.|206-210}}.</ref>. Suger n'est pas seulement le « créateur de l'art gothique »<ref>Selon le mot de [[Georges Duby]] in ''Le temps des cathédrales'', Paris, 1976, {{p.|175}}.</ref>, il développe une esthétique de la lumière en rapport étroit avec la liturgie<ref>Selon Suger, la liturgie terrestre doit être l'image de la splendeur céleste, v. [https://books.google.fr/books?id=GYTn75GWXW0C&pg=PA95&dq=esthetique+de+Suger&hl=fr&ei=LwDdTLrlOtGWOsCJhZsP&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=1&ved=0CDQQ6AEwAA#v=onepage&q&f=false ''Les écrits de Suger comme source d'une esthétique médiévale''] d'[[Andreas Speer]] in ''Suger en question: regards croisés sur Saint-Denis'', sous la direction de Rolf Grosse, éd. Oldenbourg Wissenschaftsverlag, 2004, {{ISBN|3486568337|9783486568332}}.</ref>. L'église est considérée comme une préfiguration de la [[Jérusalem céleste]], la cité promise aux élus. Aucun des éléments architecturaux, liturgiques, décoratifs ou iconographiques n'est gratuit. Tout est là pour manifester et célébrer la gloire divine dont la lumière est le meilleur symbole.
 
En musique [[Hildegard von Bingen]] conçoit la musique comme une réminiscence du paradis. Là aussi, l'esthétique y est inséparable de la métaphysique et de la spiritualité. La musique est d'essence trinitaire, ses lois dérivent du Verbe ainsi que leurs propriétés mathématiques : intervalles, modes, rythmes, etc.<ref>V. [https://books.google.fr/books?id=LTU3G9IOWnAC&printsec=frontcover&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false ''La musique chez Hildegard de Bingen''] in ''Miroirs du Moyen Âge'' de Patrick Ringgenberg, éd. Les Deux Océans, 2006, {{p.|89-142}}, {{ISBN|2866811526|9782866811525}}</ref>. D'une manière générale, les spéculations pythagoriciennes sur les nombres jouent un grand rôle non seulement pour mesurer les rythmes musicaux, mais aussi et surtout pour définir les proportions architecturales<ref>Une source capitale de l'esthétique au Moyen Âge est le ''De musica'' de [[Saint Augustin]] qui définit la musique comme la science de la mesure. V. ''Science du nombre'' in ''Initiation à la symbolique romane'', {{p.|243-245}}.</ref>. Philosophes : [[Pseudo-Denys l'Aréopagite]], [[Augustin d'Hippone]], [[Boèce]], [[Thomas d’Aquin]].
 
==== Théorie Byzantine de l'Image ====
Au questionnement et à l'interrogation sur le statut des Images religieuses (les [[icônes]]), païennes (les [[idole]]s) et commerciales (les pièces de monnaie, les jarres) menéesmenés par le [[Christianisme]] lors de la [[querelle des images]] ou [[crise iconoclaste]] dudes {{s minis2-|VII}} et {{s-|VIII}}, s'ajoutent en réponse, à la question du Beau, le statut de l'[[icône (religion)|icône]]. En outre, la question du beau est également approfondie par les grands esprits de l'orthodoxie, en établissant une distinction entre l'image et de la peinture, deentre l'image et la vérité dqu'uneelle imageporte (qu'est ce qu'une image vraie ou fausse), deou laentre relationl'image duet le Logos (verbe, mot). àEnfin, cette querelle catalysera également l'image,émergence de la notion de ld'empreinte, et permettra d'aiguiser les réflexions reposant sur la relation de l'image à la présence, enfin des signes etou encore des [[Écriture hiéroglyphique égyptienne|hiéroglyphes]] à la présence.

Développée en particulier par des philosophes et des théologiens néoplatoniciens et aristotéliciens grecs en particulier : [[Jean Damascène]] et [[Pseudo-Denys l'Aréopagite|Pseudo-Denys l'aréopagite]], la théorie de l'image byzantine construit donc l'image comme un langage de [[Signe (écriture)|signes]] et de [[code]]s<ref>''in'' [[André Grabar]], - ''L'iconoclasme Byzantin'', Champs Flammarion, Paris 1998 -.</ref>{{,}}<ref>Gilbert Dagron, ''Décrire et peindre, Essai sur le portrait iconique'', Gallimard, Paris, 2007.</ref>.
 
=== Renaissance ===
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L'Esthétique de la Renaissance est conforme à l'interprétation de l'époque qui relègue le [[Moyen Âge]] du côté des temps obscurs et se tourne vers l'antiquité gréco-romaine. Les historiens et humanistes louent le mouvement artistique qui, depuis [[Giotto]] a su ramener l'art à la ressemblance de la nature. [[leone Battista Alberti|Alberti]] attribue à [[Filippo Brunelleschi|Brunelleschi]], [[Donatello]] et [[Lorenzo Ghiberti|Ghiberti]] la renaissance des arts plastiques et [[Vasari]] divise en trois périodes les progrès qui mènent de l'imitation des anciens à l'imitation de la nature. Si l'antiquité n'a jamais été totalement oubliée, les humanistes tentent d'en retrouver l'authenticité : les traductions latines sont abandonnées au profit des textes grecs originaux, les premières fouilles archéologiques sont organisées, les premiers musées apparaissent.
 
La redécouverte de [[Platon]] par [[Gémiste Pléthon]] et [[Marsile Ficin]] n'est pas sans conséquence sur la conception des arts et de l'architecture. Dans le ''Compendium in Timaeum'', Ficin élabore la norme du pythagorisme et du platonisme esthétiques : la participation du sensible au règne des formes pures se fait par l'intermédiaire des figures géométriques et des proportions. La réalité physique étant d'essence mathématique, le but de l'esthétique est de définir les lois mathématiques de la beauté (spéculations sur le [[nombre d'or]], [[Solide de Platon|volumes pythagoriciens]], triangle d'harmonie musicale, etc{{Etc.}})<ref>v. [https://books.google.fr/books?id=SzQ4wPm2lTsC&printsec=frontcover&dq=marsile+ficin&hl=fr&ei=px3uTMPxKpWW4gaR3LmMDA&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=9&ved=0CFUQ6AEwCA#v=onepage&q&f=false ''L'Univers optique'' {{p.|99-105}}] dans ''Marsile Ficin et l'art'' d'[[André Chastel]], Librairie Droz, 1975, {{ISBN|2600029818|9782600029810}}</ref>. Alberti sera le maître d'œuvre de ce programme. Dans le ''De re aedificatoria'', il s'inspire du [[Timée (Platon)|Timée]] pour établir les principes de la construction. Dans le ''De pictura'', il aborde les notions de perspective légitime qui fait de la peinture le prolongement de la réalité et de beauté picturale dans la juste composition par le dessin des contours (ligne de circonscription) qui conditionne l'ordre de la couleur et de la lumière (clair-obscur). Si dans ses ''Carnets'', [[Léonard de Vinci]] conçoit lui aussi la peinture comme l'imitation de la nature, cette mimèsis passe par une analyse conceptuelle complexe des dix attributs de la vue suivie d'une synthèse picturale et plastique d'éléments aussi divers que l'étude des proportions et attitudes humaines, du mouvement et du repos, de la forme et de la position, de la matière et des couleurs, de la perspective linéaire ou atmosphérique, de la distribution de l'ombre et de la lumière dont les lois de l'optique et les mathématiques sont les instruments d'étude privilégiés<ref>V. ''Les carnets de Léonard de Vinci'', ch. 3 (anatomie), 7 (proportions de l'homme), 9 (optique), 16 (atmosphère), 20 (mathématiques), 29 (préceptes du peintre), 30 (couleur), 31 (paysage), 32 (ombre et lumière), 33 (perspective), 36 (sculpture) et 38 (architecture), Gallimard, 1942. V. aussi l'''[[wikilivres:Introduction à la méthode de Léonard de Vinci|Introduction à la méthode de Léonard de Vinci]]'', 1895, de [[Paul Valéry]].</ref>. Dans son traité d'architecture inspiré de [[Vitruve]], [[Serlio]] défend des idéaux de régularité et de symétrie qui préfigurent l'esthétique classique.
 
Toutefois, en appliquant les théories et la perspective d'Alberti ou les mathématiques de Manetti et [[Pacioli]] pour créer un espace illusionniste rationnellement construit, les artistes de la renaissance ont conscience d'innover et de mettre au point des techniques artistiques qui n'existaient pas dans l'antiquité.
{{clr}}
 
Le rôle de l'image est remis en question par des théologiens réformateurs qui lisent une contradiction entre le plaisir esthétique et l'ordre divin, le catholique [[Jérôme Savonarole]] à Florence qui organise la destruction des miroirs et des peintures par le [[bûcher des vanités]], lesle protestantsprotestant [[Luther]] qui interdit les images dans les temples et [[Jean Calvin]] qui y adjoint la [[chromoclastie]], l'interdictionla destruction des couleurs. En réponse le rôle de l'image comme littérature et discours est affirmé par le [[Concile de Trente]] et l'église catholique.
 
=== {{sp-|XVII|- |XVIII|s}} ===
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{{...}}
{{Article détaillé|Critique de la faculté de juger}}
[[Fichier:Immanuel Kant (painted portrait) c1790.jpg|vignette|150px|[[Emmanuel Kant]] (1724-1804).]]
 
Kant passe pour avoir donné à l'esthétique son autonomie comme domaine propre à l'art, mais en réalité l'autonomie concerne seulement le « sujet esthétique » et elle est en rapport avec la connaissance et la morale<ref>Daniel Dumouchel, ''Kant et la genèse de la subjectivité esthétique'', Paris, Vrin, 1999.</ref>. L'[[esthétique transcendantale]] dans la ''Critique de la raison pure'' (1781) désigne la science de l'intuition, des concepts ''a priori'' de l'espace et du temps du point de vue de la connaissance. L'esthétique est la science du « sensible » par opposition à la logique, qui est la science de « l'intelligible ». Kant remarque que seuls les Allemands utilisent le terme ''esthétique'' au sens de critique du [[goût]] dont il n'est pas question pour lui<ref>[[Kant]], ''Critique de la raison pure'', trad. Jules Barni, Flammarion, 1976, {{p.|82}}</ref>. Dans la ''[[Critique de la faculté de juger]]'' (1790), Kant analyse la question du jugement du [[Goût (esthétique)|goût]] en rapport au [[beau]] et au [[sublime]], mais également la question de la [[téléologie]] dans la [[nature]]. Il distingue la faculté de juger comme une faculté indépendante de l'entendement ou de la raison et intègre alors l'esthétique au sens de théorie du goût, du beau et de l'art dans le domaine de la philosophie [[transcendantal]]e.
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Le terme esthétique, qui est absent de l'''Encyclopédie'' de Diderot, trouve sa première occurrence en français en 1743. Mais il ne s'implante en [[France]] que vers 1850, lorsque les grands textes de [[Kant]], de [[Georg Wilhelm Friedrich Hegel|Hegel]] et de [[Friedrich Wilhelm Joseph von Schelling|Schelling]] sont traduits ou transposés par [[Jules Barni]] et [[Charles Magloire Bénard]]. Bénard remarque, en 1845, que l'esthétique est cultivée avec ardeur en Allemagne, mais qu'elle n'est pas connue en France. Le retard tient à des enjeux nationaux. La science de l'esthétique est perçue comme allemande et ne trouve une reconnaissance philosophique que tardivement. De nombreux ouvrages sont publiés, certes, tout au long du {{s-|XIX|e}}, qui relèvent de l'esthétique comme science du beau. L'esthétique fait également l'objet d'enseignement chez les disciples de [[Victor Cousin]] comme [[Théodore Simon Jouffroy]] ou [[Charles Lévêque]] (1861) dans une optique platonicienne et spiritualiste. Mais la première chaire universitaire consacrée à l'enseignement de l'esthétique est créée à la [[Sorbonne]] pour [[Victor Basch]] en [[1921]] seulement<ref>''Esthétique - Histoire d'un transfert franco-allemand'', Revue de métaphysique et de morale, Paris, PUF, (2002) 2</ref>.
 
L'esthétique se développe également hors de l'institution philosophique dans le domaine de la [[critique d'art]]. En 1856, [[Charles Baudelaire]] intitule ''Bric-à-brac esthétique'' son étude consacrée aux Salons de 1845 et 1846. Il lui donnera son titre définitif de ''Curiosités esthétiques'' en 1868. Dans son article sur l'''Exposition universelle de 1855'', il critique les « professeurs d'esthétique », les « doctrinaires du beau » enfermés dans leur système et qui ne savent saisir les ''correspondances''. Il théorise l'avènement de la [[modernité]] dans son article capital ''[[Le peintrePeintre de la vie moderne]]'' (1863).
 
==== En Allemagne ({{s-|XIX|e}}) ====
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[[Fichier:Nietzsche.jpg|droite|vignette|upright=0.7|Nietzsche.]]
 
Au {{s-|XIX|e}} se formalise la ''Kunstwissenschaft''<ref>{{de}} [[:de:Kunstwissenschaft|Kunstwissenschaft]]</ref> ou « science de l'art », autour d'une approche historique de l'art, dite [[historicisme]] (autour des principes d'[[Raison (Hegel)#C. L’individualitéIndividualité qui à soi est réelle en et pour soi-même|individualité]] et d'[[Évolution (biologie)|évolution]]), notamment à travers les travaux de l'historien [[Jacob Burckhardt]]. L'ambition est celle d'une étude [[scientifique]], éloignée de l'[[idéalisme (philosophie)|idéalisme]] philosophique et de la [[critique littéraire]]<ref>Voir ''Histoire de l'histoire de l'art'', sous la dir. d'[[Édouard Pommier|Éd. Pommier]], Paris, Musée du Louvre, Klincksieck, 1995-1997 (''Conférences et colloques du Louvre''), T. I {{ISBN|2-252-00319-7}} et T. II {{ISBN|2-252-03142-5}} (en part. J. Rüsen, ''Esthétisation de l'histoire et historisation de l'art au {{s-|XIX|e}}'', T. II, {{p.|177-194}}).</ref>. La « science de l'art » n'est pas clairement distinguée de l'[[histoire de l'art]]<ref>Marc Jimenez, art. "Esthétique", {{p.|417}}</ref>. L'émergence de ce mouvement est influencée par les écrits de [[Johann Joachim Winckelmann|Winckelmann]] (1717-1768), qui détermina l'art par une approche historique, et assimila l'histoire de l'art à l'[[histoire|histoire de la civilisation]]. Les [[Esthétique ou philosophie de l'art|Leçons d'esthétique]] de [[Georg Wilhelm Friedrich Hegel|Hegel]] justifiaient de même l'importance de l'abord historique, ainsi que la systématisation du savoir.
 
[[Arthur Schopenhauer]] (1788-1860) est directement influencé par [[Kant]], mais il renoue avec les pensées de [[Platon]] et de [[Plotin]]. Pour Schopenhauer, l’art est une connaissance directe des [[Idées]] (au-delà de la raison), qui elles-mêmes renvoient à un aspect ultime : la [[volonté (philosophie)|volonté]]. Il présente aussi l'archétype du [[génie (personne)|génie]], capable de surmonter la subjectivité humaine et d’accéder à la connaissance ultime (et la révéler aux hommes). Il met en place une classification des arts, qui renvoie au platonisme (ou à la pensée médiévale). Il influence profondément les drames et les écrits théoriques de [[Richard Wagner]].

==== Nietzsche ====
[[Friedrich Nietzsche]] se donne ainsi comme objectif de renverser le platonisme. Si Platon posait que la vérité était intelligible (1844-1900et donc suprasensible) et le réel comme une illusion et une erreur, Nietzsche soutient qu'il s'agit là d'une preuve du nihilisme et de l'hostilité que Platon avait envers la vie concrète, réelle<ref name=":0" />.

Nietzsche s’oppose au pessimisme de [[Arthur Schopenhauer|Schopenhauer]], avec une attitude esthétique, le [[Dionysiaque (philosophie)|dionysiaque]], qu'il oppose à l'[[apollinien]]. Inversant la hiérarchie platonique, le sensible devient une réalité fondamentale : « l’art a plus de valeur que la vérité ». Critiquant le principe des valeurs objectives comme fruit de la décadence, Nietzsche place l'artiste en créateur de ses propres valeurs singulières, proposées aux autres hommes, pour stimuler leur « volonté de puissance », c'est-à-dire leur force de vie et de joie. « L’art est le grand stimulant ». Selon Nietzsche la fonction de l'art n'est pas de créer des œuvres d'art, mais « d'embellir la vie ». « L’essentiel, en art, est la célébration, bénédiction, la divinisation de l'existence ».
 
=== Esthétique contemporaine ({{s2-|XX|XXI|}}) ===
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==== Phénoménologie ====
 
Heidegger définit l'esthétique comme {{citation|la science du comportement sensible et affectif de l'homme et ce qui le détermine<ref>Cité par Daniel Charles, art. "Esthétique", ''Encyclopedia Universalis'', tome 9, {{p.|81}}</ref>.}}. C’est après [[1933]], dans les conférences sur « L’origine de l’œuvre d’art »<ref>Faisant suite à ses cours de 1936. Texte intégré dans le recueil ''Chemins qui ne mènent nulle part''</ref>, ses études de la poésie de [[Friedrich Hölderlin|Hölderlin]] et la peinture de [[Vincent van Gogh|Van Gogh]], que [[Martin Heidegger|Heidegger]] aborde la question de l'[[art]]. Il déplace toute la question [[ontologique]] (« Qu'est-ce l'être ? ») sur les arts. Dans son approche [[phénoménologie (philosophie)|phénoménologique]], il désigne l’[[œuvre d’art]] comme une mise en œuvre d’un dévoilement ([[alètheia]]) de l’[[Être]] de l’étant. S'opposant ainsi au courant [[objectivisme|objectiviste]] (qui établit la [[Vérité en philosophie|vérité]] par un rapport à l'idée de [[réalité]]), Heidegger définit l'art comme le moyen privilégié d’une « mise en œuvre de la vérité » par l'esprit :
 
{{citation bloc|Ce n’est que par l’œuvre d’art, en tant que l’être qui est (''das seiende Sein''), que tout ce qui apparaît par ailleurs et se trouve déjà là est confirmé et accessible, élucidable et compréhensible, ''en tant qu’étant'' ou au contraire en tant que non-étant. C’est parce que l’art (''Kunst''), en un sens insigne, porte l’être à se tenir dans l’œuvre et à y apparaître en tant qu’étant, qu’il peut valoir comme le pouvoir-mettre-en-œuvre tout court, comme la ''[[technè]]''. | Heidegger<ref>''Théâtre des philosophes'', Ch. IV, trad. Taminiaux. <!-- à vérifier --></ref>}}
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Les philosophes de l’[[École de Francfort]] sont fortement marqués par une pensée matérialiste, inspirée du [[marxisme]] et de l'étude des crises du {{s-|XX|e}}. Leur esthétique se fonde sur une analyse critique des [[sciences sociales]], et une étude de la [[culture de masse]]. Pour [[Theodor W. Adorno]] (1903-1969), notamment dans sa ''Théorie esthétique'' (1970), l’art demeure un espace de liberté, de contestation et de créativité dans un monde technocratique. L’art a un rôle critique vis-à-vis de la société, et reste un lieu d’utopie, pour autant qu’il rejette son propre passé ([[conservatisme]], [[dogmatisme]], sérialisme). Adorno s'opposera également aux facilités de la culture de masse ([[industrie culturelle]]), condamnant au passage le jazz.
 
[[Walter Benjamin|Benjamin]] parmi ses sujets d’études disparates, élabore notamment le concept d’[[aura (art)|aura]] de l’œuvre d’art<ref> (1917)''[[L'Œuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité technique]]'', paru en 1935.</ref>, qu’il étend ultérieurement à l’étude de la photographie et du cinéma, et à la reproductibilité technique des œuvres d'art. L'aura deviendra un concept important pour la critique de l'[[art contemporain]] ([[ready-made]], [[Warhol]]). La contribution de Benjamin à l'esthétique du vingtième siècle permet de mieux comprendre l'originalité des œuvres d'art en contexte postindustriel et de maintenir ouvert le débat quant à leur légitimité et leur valeur artistique<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Mélissa Thériault|titre=Le "vrai et le reste. Plaidoyer pour les arts populaires|lieu=Montréal|éditeur=Varia-Nota Bene|année=2015|pages totales=268|isbn=}}</ref>.
 
==== « Postmodernisme » français ====
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Les premiers travaux importants d'esthétique font suite à la publication posthume des ''[[Investigations philosophiques]]'' (1953) de [[Ludwig Wittgenstein|Wittgenstein]], autour de la théorie des [[jeux de langage]] plus à même de permettre l'analyse de termes du [[Philosophie du langage ordinaire|langage ordinaire]] : par exemple, le mot « [[art]] » ou la question « ''What is Art ?'' » (« Qu'est-ce que l'art ? », sans [[Déterminant (grammaire)|déterminant]] grammatical). Cette recherche est en dialogue constant avec les œuvres d'[[avant-garde (art)|avant-garde]] de l'[[art contemporain]], notamment celles de [[Marcel Duchamp|Duchamp]] et [[Andy Warhol|Warhol]]. Les travaux analytiques abordent notamment : l'indéfinissabilité de l'art ([[Morris Weitz|Weitz]], « le rôle de la théorie en esthétique », 1956 ; [[Maurice Mandelbaum|Mandelbaum]]) ; l'[[wikt:institution|institutionnalisation]] de l'art ([[George Dickie|Dickie]], ''Art and the Aesthetic. An Institutional Analysis'', 1974) ; le « monde de l'art » (Dickie, Danto) ; l'identification de l'œuvre d'art ([[Arthur Danto|Danto]], ''La transfiguration du banal'', 1981) ; l'expérience esthétique, l'art comme [[symbole]] ([[Nelson Goodman|Goodman]], ''Langages de l'art'', 1968).
 
Cette transition de «  Ceci est beau  » à «  Ceci est de l'Art  » grâce à Duchamp va questionner la définition du mot qu'il lui aura été donné au cours des siècles. Tout étant confronté aux goûts, rien n'échappe alors à l'Esthétique, car même quelque chose que l'on trouve «  laid  » reste avant tout sujet à un jugement. Donc finalement la définition du mot comme synonyme de beau, de joli peut être vue comme erronée (le terme «  inesthétique  » ne prendrait alors de sens que lorsque l'Homme ne sera plus là pour regarder les choses).
 
==== Nouvelles sciences de l'art ====
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[[Fichier:Sigmund Freud LIFE.jpg|vignette|Sigmund Freud en 1911.]]
 
La [[psychologie de l'art]] vise à l'étude des états de conscience et phénomènes [[inconscient]]s à l’œuvre dans la ''création'' artistique ou la ''réception'' de l’œuvre. L'analyse de la création artistique reprend l'idée d'une primauté de l'artiste lui-même dans l'interprétation de l'art ; idée développée depuis la [[Renaissance (période historique)|Renaissance]] et le [[romantisme]], et déjà reprises dans les approches biographiques de certains historiens de l’art du {{XIXe}} (Cf. ''Kunstwissenschaft''). À partir de [[1905]], avec l’ébauche par [[Sigmund Freud|Freud]] de la théorie des [[Pulsions (psychanalyse)|pulsion]]s, l’art devient un objet de [[psychanalyse]]. Cette démarche ne vise pas à l'évaluation de la ''valeur'' de l'œuvre, mais à l’explication des processus psychiques intrinsèques à son élaboration.
 
::« Trouver le rapport entre les impressions de l’enfance et la destinée de l’artiste d’un côté et ses œuvres comme réactions à ces stimulations d’autre part, appartient à l’objet le plus attirant de l’examen analytique » — Freud<ref>Freud, « Das Interesse an der Psychoanalyse » dans ''Gesammelte Werke'', cité dans ''L’enfance de l’art'', trad. Kofman, 1970, t.8, {{p.|417}}</ref>
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Dans des écrits du {{s-|IV|e}} avant notre ère, des artistes débattent des buts propres à l’art. Par exemple, trois ouvrages de [[Gu Kaizhi]] à propos de théories de la peinture sont connus. Plusieurs ouvrages plus tardifs, rédigés par des artistes lettrés, traitent également de la création artistique. L’influence entre d’une part, la religion et la philosophie, et d’autre part l’art, était commune, mais pas omniprésente ; ainsi à chaque période de l’histoire chinoise, il est possible de trouver des arts qui ignorent largement la philosophie et la religion.
 
Autour de 300 avant notre ère, [[Lao Tseu]] formule des conceptions [[matérialisme|matérialistes]] et esthétiques en lien avec le [[taoïsme]] et les lois de la [[nature]]. Ces conceptions sont en évidente contradiction avec les intérêts de la minorité dirigeante. Le taoïsme influença aussi le [[feng shui]], ou observation des faits de la terre et du ciel, en vue d'une harmonie.
 
Le représentant le plus important de la transition à l'esthétique chinoise médiévale est le philosophe [[Wang Chong]], au {{s-|I|}}. Il adopte une substance purement matérielle, le [[Qi (spiritualité)|qi]], comme principe d’une évolution naturelle et comme caractéristique fondamentale de la perception humaine. Il considère ainsi le monde matériel comme source de toute beauté ou laideur ; la [[Vérité en philosophie|vérité]] artistique relève de la conformité avec les faits.
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=== Esthétique hindoue ===
{{Article connexe|Rasa (musique indienneesthétique)}}
Des réflexions esthétiques, produites dès le VIIIe siècle en [[Inde]], ont pour matière le [[théâtre]], qui réunit plusieurs arts (jeu dramatique, [[poésie]], [[musique]], [[danse]]).
{{Vide}}
Aux {{s2-|X|XI}}, [[Abhinavagupta]], dans son commentaire l'Abhinavabhāratī, effectue une synthèse de l'esthétique. La [[philosophie]] de l'esthétique est un domaine profane.
Au centre de l'esthétique hindoue, le concept de Rasa, en sanskrit « essence », « goût » ou « saveur » (littéralement « sève » ou « jus » ), est attribué à [[Bharata]] et développé par [[Abhinavagupta]], qui le qualifie d' « essence de la poésie ». Cette abstraction suggère que les sentiments humains (à chaque sentiment correspond un registre artistique) imprègnent les formes incarnées. Les rasa, que l'on retrouve en [[théâtre]] et en [[poésie]], constituent les composantes de l'expérience esthétique<ref>{{Lien web |langue=en |titre=Rasa, Indian aesthetic theory |url=https://www.britannica.com/art/rasa |site=www.britannica.com |consulté le=1 juin 2021}}</ref>. Émerveillement et béatitude, supérieurs à toute joie quotidienne, représentent l'essence du rasa. Les causes et effets actualisent les dispositions d'esprit permanentes, qui résultent à la fois de l'expérience (y compris artistique) de la vie et des vies antérieures. La combinaison des éléments dramatiques (dans l’œuvre théâtrale) permet ainsi d'éveiller les sentiments, pour en faire des rasa (ces mêmes dispositions sont à l'origine des sentiments ordinaires dans une conception non-esthétique).
 
Ainsi, le matériau de l'art possède un pouvoir propre de révélation des rasa, qui mène à une expérience de jubilation. Abhinavagupta compare le théâtre aux rites, dans l'agencement des actions porteur d'un pouvoir. Cet art s'oppose à la vie quotidienne, à la satisfaction d'un besoin ou d'un intérêt où les limites de temps, espace et causalité asservissent la conscience. Le temps de la délectation esthétique est le présent, qui correspond à l'éternité. Il ne s'agit pas de représenter (forme de réitération du passé), mais de jubiler.
 
Le terme de pratibh signifie à la fois inspiration et sensibilité. Il correspond aux perceptions ineffables. La béatitude est l'essence de la conscience à laquelle accède l'artiste (yogin). L'esthétique hindoue prend ainsi une dimension métaphysique<ref>{{Lien web |langue=fr |auteur=Nicolas Go |titre=Philosophie esthétique de l'Inde |url=https://www.cairn.info/revue-le-philosophoire-2014-1-page-39.htm |site=www.cairn.info |consulté le=1 juin 2021}}</ref>.
 
== Bibliographie indicative ==
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** [[Boèce]], ''L'Institution musicale''
* Esthétique classique
** [[René Descartes]], '' [[Les Passions de l'âme]]'' (1649)
** [[Nicolas Boileau|Boileau]], ''[[L'Art poétique (Boileau)|Art poétique]]'' (1674)
** [[Charles Batteux|Batteux]], ''Les beaux-arts réduits à un même principe'' (1746)
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== Notes et références ==
{{Références|colonnes=2}}
 
== Annexes ==
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| wikiversity titre = Département:Philosophie de l'art
}}
{{catégorie principale}}
=== Articles connexes ===
* [[Classification des arts]], [[Poïétique]], [[Canon esthétique]], [[Liste d'historiens de l'art et de théoriciens de l'art]]
* [[Plaisir esthétique]]
* [[Esthétique de la musique]]
* [[Philosophie de la danse]]
 
=== Liens externes ===
{{VideLiens}}
* {{en}} [http://plato.stanford.edu/search/searcher.py?query=Aesthetics Les articles sur ''Aesthetics''] dans la [[Stanford Encyclopedia of Philosophy]].
 
* [http://pages.globetrotter.net/charro/HERMES9/adorno1.htm Introduction à l'esthétique d'Adorno]
* [http://www.jdarriulat.net Jacques Darriulat : Philosophie générale et philosophie esthétique.]
 
{{Palette|Philosophie|Étude de l'art|Esthétique}}
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