Thomas W. Evans
Thomas Wiltberger Evans, né à Philadelphie le , mort à Paris le , est un dentiste et un médecin américain du XIXe siècle.
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Biographie
modifierDe Philadelphie à Paris : formation et ascension sociale
modifierThomas Wiltberger[1] Evans est né dans une famille quaker de Philadelphie. Après un apprentissage auprès du docteur De Haven White et des études au Jefferson Medical College, Evans est diplômé docteur en médecine en 1843 et exerce le métier de dentiste dans le Maryland et à Lancaster (Pennsylvanie) jusqu'en 1847.
Il s'installe ensuite à Paris à l'invitation d'un compatriote, le docteur Cyrus Starr Brewster (1799-1870), qui y exerçait depuis 1833, comptant parmi ses patients des artistes et écrivains tels George Sand, Mérimée, Delacroix, et Balzac, ainsi que les monarques Louis-Philippe et Nicolas Ier [2]. D'abord associé à Brewster, Evans reprend la clientèle de ce dernier et dirige son cabinet dentaire, situé rue de la Paix, à partir de 1850.
Réputé pour sa science et son savoir-faire (notamment l'utilisation de feuilles d'or), Evans devient le dentiste de hautes personnalités telles que le président Louis-Napoléon Bonaparte et la comtesse Eugénie de Montijo, futurs empereur et impératrice des Français.
Proximité avec la famille impériale
modifierEmployé comme conseiller officieux par Napoléon III (qui l'envoie en mission diplomatique auprès du président Lincoln et du secrétaire d'État Seward en 1864), Evans contribue à dissuader l'empereur d'intervenir en faveur du Sud dans la guerre de Sécession.
Personnalité influente du Second Empire, Evans reste fidèle à la famille impériale après Sedan et la proclamation de la République. Ainsi, il protège l'impératrice déchue lors de sa fuite de Paris vers l'Angleterre (4-), avant d'aller rendre visite à Napoléon III captif au château de Wilhelmshöhe ().
Il accepte également de prendre sous sa protection un fils naturel de l'empereur, Arthur Hugenschmidt, qui deviend son associé puis son successeur.
Membre du comité international de la Croix-Rouge, il organise et finance une « ambulance américaine » lors du siège de Paris (1870)[3].
Clientèle couronnée et innovations techniques
modifierDentiste des têtes couronnées d'Europe, il a l'occasion de toutes les soigner, à l'exception du Sultan, de la reine Victoria[4] et des Habsbourg. Il prolonge ainsi de 90 jours la vie de l'empereur Frédéric III d'Allemagne en pratiquant sur lui une trachéotomie[4].
N'hésitant pas à innover, il est l'un des premiers dentistes à utiliser le protoxyde d'azote lors d'une opération (1860 ou 1866), ainsi que du caoutchouc vulcanisé pour la réalisation de prothèses dentaires (1865). Il a également utilisé de la pyroxiline pour fabriquer des dentiers, et on lui attribue l'invention de l'occluseur rectificateur destiné à améliorer l'articulation des dentiers doubles. D'autres innovations d'Evans sont plus discutables, comme ses amalgames en alliage d'étain et de cadmium (1848).
Mode de vie
modifierMembre notable de la communauté américaine de Paris, Evans crée pour elle un hebdomadaire anglophone, l'American Register (1868), et participe largement au financement de la construction de l'église américaine de l'avenue de l'Alma (n°23 avenue George-V).
Très riche, il aurait amassé une fortune de 35 millions de dollars[4]. Il se fait construire un luxueux palais dans le 16e arrondissement, à l'angle de l'avenue du Bois-de-Boulogne et de l'avenue de Malakoff (de nos jours respectivement l'avenue Foch et l'avenue Raymond-Poincaré)[5],[6],[7]. Appelé « Bella Rosa », cet hôtel particulier était doté d'un grand escalier en marbre conçu par Garnier et abritait notamment son importante collection d'œuvres d'art, qui comptait des tableaux de Manet.
Utilisée en 1900 pour y loger des souverains étrangers en visite à l'exposition universelle, la demeure est démolie en 1907 et la rue de Malakoff (actuelle rue de Lasteyrie) est ouverte sur la parcelle l'année suivante[5],[6],[7].
Evans eut pour maîtresse Anne-Rose Louviot, dite Méry Laurent (1849-1900), qui l'avait été auparavant du général Canrobert, gouverneur de Nancy ; celle-ci interrompit sa carrière d'actrice de comédies légères et devint la muse de nombreux artistes, dont Édouard Manet dont elle devint l'amie, et le modèle, dès 1876 ; sur le tableau de 1882 qui figure ici (musée des Beaux-Arts de Nancy), elle prête ses traits à L'Automne, une des allégories des Saisons commandées par son ami Antonin Proust, secrétaire d'État aux Beaux-Arts de Gambetta - et Mallarmé, qui fut un autre de ses amants.
Legs : The Thomas W. Evans Museum and Dental Institute
modifierÉbranlé par la mort de son épouse Agnès Joséphine (née Doyle), en , Evans meurt quelques mois plus tard d'une angine ou d'une crise cardiaque. Il est enterré au cimetière de Woodlands à Philadelphie[8](p44).
Il lègue d'importants moyens pour l'établissement d'une école de chirurgie dentaire au sein de l'université de Philadelphie ; ce legs ne sera devenu effectif que plus de dix ans après sa mort, le testament d'Evans ayant fait l'objet d'une bataille judiciaire du fait qu'Evans, qui n'avait jamais eu d'enfants[4], avait déshérité son neveu, John Henry Evans, quand ce dernier fut anobli à Rome par bref apostolique (1876).
Finalement, les travaux du Thomas W. Evans Museum and Dental Institute pourront démarrer en 1912, et l'école de chirurgie dentaire sera inaugurée en 1915.
Distinctions
modifier- Chevalier (1853), puis officier[9] (1866), puis commandeur de la Légion d'honneur (1871) (France)
- Membre de l'ordre de Saint-Vladimir[9] (Russie)
- Commandeur de l'ordre de Sainte-Anne et de l'ordre de Saint-Stanislas[9] (Russie)
- Commandeur des ordres de l'Osmanié et du Médjidié[9] (Empire ottoman)
- Commandeur de l'ordre de Frédéric (Bade) et de l'ordre de Zaehringen[9] (Wurtemberg)
- Officier de l'ordre de la Couronne et de l'ordre de l'Aigle rouge[9] (Prusse)
- A refusé d'être décoré de l'ordre de l'Aigle noir[4]
- Officier de l'ordre du mérite Saint-Michel[9] (Bavière)
- Officier de l'ordre de la Couronne de chêne[9] (Hollande)
- Membre de l'ordre des Saints-Maurice-et-Lazare[9] (Italie)
- Membre de l'ordre du Sauveur[9] (Grèce)
Références
modifier- Certaines sources, et notamment l'acte de décès du docteur (Registre des décès du XVIe arrondissement de Paris, 16 novembre 1897), lui attribuent pour second prénom « William » et non « Wiltberger », qui est le nom de jeune fille de sa mère.
- Marguerite Zimmer, Histoire de l'anesthésie : méthodes et techniques au XIXe siècle, EDP, 2008, p. 653, n. 98. D'autres auteurs, comme Davenport ou Cohen (cf. bibliographie), attribuent à Brewster le prénom Cyrus.
- Le Comte d'Hérisson, Journal d'un officier d'ordonnance, Ollendorff, Paris, 1885, p. 96.
- Nécrologie du New York Times, 16 novembre 1897.
- Jacques Hillairet, Dictionnaire historique des rues de Paris, Les Éditions de minuit, septième édition, 1963, t. 1 (« A-K »), « Avenue Foch », p. 532-533.
- Jacques Hillairet, Dictionnaire historique des rues de Paris, Les Éditions de minuit, septième édition, 1963, t. 2 (« L-Z »), « Avenue Raymond-Poincaré », p. 322.
- Jacques Hillairet, Dictionnaire historique des rues de Paris, Les Éditions de minuit, septième édition, 1963, t. 2 (« L-Z »), « Rue de Lasteyrie », p. 24.
- (en) Thomas H. Keels, Philadelphia graveyards and cemeteries, Arcadia, , 128 p. (ISBN 978-0-7385-1229-7, OCLC 53017335, lire en ligne)
- Distinctions mentionnées en 1867 sur le frontispice d'un ouvrage d'Evans, De la Découverte du caoutchouc vulcanisé et de la priorité de son application à la chirurgie civile et militaire et aux opérations dentaires, Raçon, Paris, 1867.
Bibliographie
modifier- Dr. W. S. Davenport Jr., « The Pioneer American Dentists in France », Revue d'histoire de l'art dentaire, n°7, 1965, pp. 100–106.
- Gerald Carson, « The Dentist and the Empress – The Adventures of Dr. Tom Evans in Gas-lit Paris », 1983.
- D. Walter Cohen, « Dr. Thomas W. Evans, A Nineteenth-Century Renaissance Man », Proceedings, American Philosophical Society, vol. 139, N°2, 1995, pp. 135–145.
- Samuel Hugues, « Crowns and Confidences », Pennsylvania Gazette, novembre-.
- Flore Collette, « Modernités du XIXe siècle » ds Le musée des beaux-arts de Nancy (Dossier de l'Art, n° 202, , p 44).
Œuvres
modifier- Thomas W. Evans, Lettres d'un oncle à son neveu sur le gouvernement des États-Unis, Dentu, Paris, 1866.
- Thomas W. Evans, La Commission sanitaires des États-Unis, Dentu, Paris, 1867.
- Thomas W. Evans, Les Institutions sanitaires pendant le conflit austro-prussien-italien, Masson, Paris, 1867.
- Thomas W. Evans, De la Découverte du caoutchouc vulcanisé et de la priorité de son application à la chirurgie civile et militaire et aux opérations dentaires, Raçon, Paris, 1867.
- Thomas W. Evans, La Fin du Second Empire, avec l'Empereur et l'Impératrice. Mémoires, Plon, Paris, 1910.
Liens externes
modifier- Notice dans un dictionnaire ou une encyclopédie généraliste :
- Ressource relative aux beaux-arts :