Chapour Bakhtiar
Chapour Bakhtiar (en persan : شاپور بختیار, aussi transcrit Shapour) est un homme politique iranien né le à Chahr-e Kord (Iran) et mort assassiné le à Suresnes (France)[1]. Il a été le dernier Premier ministre d'Iran pendant un peu plus d'un mois, en janvier 1979, lors du dernier gouvernement placé sous l'autorité du chah Mohammad Reza Pahlavi.
Chapour Bakhtiar شاپور بختیار | |
Fonctions | |
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Premier ministre d'Iran | |
– (1 mois et 7 jours) |
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Monarque | Mohammad Reza Pahlavi |
Prédécesseur | Gholam Reza Azhari |
Successeur | Mehdi Bazargan |
Ministre de l'Intérieur | |
– (1 mois et 7 jours) |
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Premier ministre | Lui-même |
Prédécesseur | Abbas Gharabaghi (en) |
Successeur | Ahmad Sayyed Javadi (en) |
Biographie | |
Date de naissance | |
Lieu de naissance | Chahr-e Kord (Empire kadjar) |
Date de décès | (à 77 ans) |
Lieu de décès | Suresnes (France) |
Nature du décès | assassinat |
Nationalité | Iranienne |
Parti politique | Parti de l'Iran (1949–1979) Front national (1949–1979) Mouvement de résistance nationale de l'Iran (1979–1991) |
Diplômé de | Université de Paris |
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Jeunesse
modifierChapour Bakhtiar est né en 1914 à Chahr-e Kord[2], un village proche d'Ispahan, en Iran, fils de Mohammad Reza (Sardar-e-Fateh) et Naz-Baygom, tous deux membres du clan des Bakhtiaris. Le grand-père maternel de Bakhtiar, Najaf-Gholi Samsam ol-Saltaneh, avait été nommé Premier ministre deux fois, en 1912 puis en 1918. La mère de Bakhtiar meurt quand il a sept ans. Il va à l'école élémentaire à Chahr-e Kord puis au lycée, d'abord à Ispahan puis à Beyrouth (Liban) où il obtient son baccalauréat français, après avoir suivi sa scolarité dans une école française.
Son père, ministre de la Guerre de Reza Chah, a été exécuté sur ordre de ce dernier en 1934[3].
Sa période en France
modifierEn 1936, il part pour la France. Il obtient un doctorat de sciences politiques à l'université de Paris en 1939 ainsi que des diplômes de droit et de philosophie. Opposé à toute forme de totalitarisme, il se porte volontaire dans les brigades internationales contre le régime de Franco en Espagne. Toujours dans la même idéologie, il s'engage dans l'armée française à compter de septembre 1939 - il est alors officier sur titre en tant que titulaire de doctorat - et combat l'Allemagne nationale-socialiste au sein du 30e régiment d'artillerie dont la garnison était alors à Orléans durant la bataille de France. Démobilisé en septembre 1940, il vit alors dans la clandestinité et il participe ensuite à la Résistance française.
Carrière politique en Iran
modifierChapour Bakhtiar retourne en Iran en 1946. En 1951, il est nommé par le ministère du Travail, d'abord en tant que directeur du département du travail de la province d'Ispahan, puis au même poste au Khuzestan, centre de l'industrie pétrolière. En 1953, Mohammad Mossadegh, homme politique de gauche, nationalisant la compagnie nationale pétrolière iranienne, est brièvement au pouvoir en Iran, avant d'être déposé par le gouvernement impérial, placé sous la direction du shah d'Iran, Reza Palevi. Sous le mandat de Mossadegh, Bakhtiar est ministre délégué au Travail. Puis le chah est remis au pouvoir par un coup d'État soutenu par les États-Unis et la Grande-Bretagne (opération Ajax). Dans les années suivantes, Chapour Bakhtiar est emprisonné à plusieurs reprises, pour un total de 6 ans, et torturé pour son opposition au chah[4]. Il devient dirigeant du Front national, alors illégal.
Fin 1978, alors que le pouvoir du chah s'effondre, et parce que Bakhtiar avait été un dirigeant de la dissidence, il est choisi pour aider à la création d'un gouvernement civil à la place du gouvernement de salut public qui avait existé jusqu'alors. Il est nommé Premier ministre par le chah, faisant ainsi une concession à ses opposants, spécialement les partisans de l'ayatollah Rouhollah Khomeini. Bien que ceci ait été la cause de son renvoi du Front national, il accepte le poste car il craint une révolution dans laquelle les communistes et les mollahs prendraient le pouvoir dans le pays, ce qui pour lui est synonyme de la ruine de l'Iran. L'opposition ne souhaitant pas faire de compromis, le chah est forcé de quitter l'Iran en janvier 1979. Chapour Bakhtiar quitte clandestinement[5] l'Iran pour la France en avril de la même année à la suite de la chute de son gouvernement, le , due à la déclaration de neutralité de l'armée dans le conflit opposant ses partisans à ceux de Khomeini.
Exil en France et assassinat
modifierDepuis Paris, Chapour Bakhtiar mène le Mouvement de résistance nationale de l'Iran, qui combat de manière non violente la république islamique sur son territoire. Le 18 juillet 1980, il échappe à une tentative d'assassinat à son domicile à Neuilly-sur-Seine, 101 boulevard Bineau, qui coûte la vie à une voisine et à un policier (Jean-Michel Jamme) et en blesse gravement un autre (Bernard Vigna)[6]. Anis Naccache, en particulier, est condamné à la perpétuité pour cette tentative, avant d'être libéré et expulsé en juillet 1990. Mais le , après avoir vécu pendant plusieurs années sous surveillance policière rue Madiraa à Courbevoie, Bakhtiar est poignardé à 13 reprises puis égorgé au couteau par trois assassins en même temps que son secrétaire, Soroush Katibeh, à son domicile de Suresnes[7], rue Cluseret. Son corps ne sera retrouvé que deux jours après les faits. Neuf hommes sont soupçonnés et jugés le 2 novembre 1994 à la Cour d'assises de Paris : six sont jugés par contumace car en fuite, notamment l'organisateur présumé du crime, Hossein Sheikhattar, conseiller du ministre des Télécommunications iranien. Un des assassins, Ali Vakili Rad (dont il n’est pas prouvé que l'identité soit réelle), arrêté en Suisse le 21 août et extradé en France, est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité avec une période de sûreté incompressible de 18 ans. Pendant son procès, il admet avoir été envoyé par le gouvernement iranien pour tuer Chapour Bakhtiar[1]. Ali Vakili Rad sera libéré le 18 mai 2010 au surlendemain de la libération de la Française Clotilde Reiss retenue en Iran[8].
Chapour Bakhtiar est enterré à Paris, au cimetière du Montparnasse[9], dans la même tombe que son secrétaire, Soroush Katibeh.
Notes et références
modifier- Alain Rodier, « Note historique no 39 L'assassinat de Chapour Bakhtiar », sur Centre français de recherche sur le renseignement (consulté le ).
- « L’ombre d’un homme pourchassé par le chah et condamné par l’ayatollah », sur l'Humanité (consulté le ).
- (en) Cyrus Kadivar, « 37 days : A cautionary tale that must not be forgotten », The Iranian, (lire en ligne)
- Ernesto Cardenal, La Revolución Peridida.
- Chapour Bakhtiar quitte l'Iran déguisé en steward d'Air France (cf. Yvonnick Denoël, 1979. Guerres secrètes au Moyen-Orient, Nouveau Monde éditions, 2008, p. 71).
- « Jean-Michel Jamme & Bernard Vigna », sur Mémorial en ligne des policiers français Victimes du devoir, (consulté le ).
- « Chapour Bakhtiar, l'Iranien égorgé dans sa forteresse », leparisien.fr, 2000-07-08cest00:00:00+02:00 (lire en ligne, consulté le )
- Pierre Razoux, La guerre Iran-Irak, Perrin, , p. 421.
- (en) « Shapour Bakhtiar », sur Find a Grave, (consulté le ).
Voir aussi
modifierBibliographie
modifier- Mémoires de Chapour Bakhtiar, Harvard University Press, 1996 (édité par Habib Ladjevardi).
- Djahanshah Bakhtiar, Moi, Iranien, espion de la CIA et du Mossad, Éditions du Moment, 2014.
- Lina Murr Nehmé, Fatwas et caricatures, Paris, Salvator, 2015 (ISBN 978-2706713309)
Articles connexes
modifierLiens externes
modifier
- Ressource relative à la vie publique :
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
- Harvard University, Iranian oral history project: Interview avec le Dr Chapour Bakhtiar.
- Iran Chamber Society--Personnalités historiques : Chapour Bakhtiar.
- Page à propos de Chapour Bakhtiar.