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Naveta et naviforme

construction préhistorique

Une naveta (pluriel navetes), parfois dénommée navette d'enterrement ou navette funéraire (« naveta de enterramiento »), est un monument funéraire préhistorique mégalithique des Îles Baléares. Pour éviter toute confusion, la dénomination antérieurement utilisée de navette d'habitat (« naveta de habitación ») est désormais abandonnée et remplacée par celle de naviforme. Les deux types d'édifice correspondent à des usages différents, une naveta a un usage uniquement funéraire alors qu'un naviforme désigne une maison, et à des époques différentes, les navetes datent de la période talayotique alors que les naviformes datent d'une période pré-talayotique désignée d'ailleurs sous le nom de Naviforme. Les navetes sont exclusives de l'île de Minorque alors que des habitats naviformes ont été édifiés à Minorque comme à Majorque.

Naveta d'Es Tudons.
Vue aérienne des habitats naviformes de Cala Morell.

Étymologie

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Une naveta (pluriel navetes) est un monument funéraire mégalithique qui doit son nom à sa forme ressemblant à celle d'un petit navire, dont la coque serait renversée, tandis que la façade rappelle celle de la poupe. Ce nom a été utilisé pour la première fois en 1818 par Joan Ramis i Ramis dans son ouvrage Antigüedades célticas de Menorca pour décrire la naveta d'Es Tudons à partir du mot catalan « naveta » signifiant petite nef ou navette[Note 1]. Par ailleurs, Ramis pensait que ce type de monument était un temple dédié à la déesse Isis, en laquelle il voyait l'inventrice de la navigation et la protectrice des marins[1].

Architecture

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Les navetes mesurent plus de dix de mètres de long sur quelques mètres de haut. Une naveta est construite avec de gros blocs de pierre disposés en appareil cyclopéen. Les blocs ont préalablement été soigneusement régularisés et sont agencés de manière harmonieuse formant des murs lisses et hermétiques, donnant à l'ensemble un caractère monumental. On accède à l'intérieur du monument par une entrée unique en façade, de type monumental avec un petit trilithe composé de deux piliers et d'un linteau souvent de très belle facture, ou par une simple dalle perforée[2]. L'entrée permet d’accéder à une antichambre et une chambre funéraire de forme ovale et d'une superficie allant de 7,70 à 13,10 m2[3]. Chambre et antichambre sont séparées par une dalle verticale percée en « porte de four », très étroite, plus ou moins rectangulaire[4] et parfois encadrée d'une feuillure destinée à maintenir un dispositif de fermeture (porte en bois ou petite dalle) .

 
Ouverture en « porte de four » avec sa feuillure (Naveta nord de Rafal Rubí).

Certaines navetes comportent deux étages. Le mauvais état de conservation de beaucoup de monuments ne permet pas de savoir si toutes les navetes comportaient deux niveaux, ou s'il s'agit d'une disposition propre à quelques édifices exceptionnels. Lorsqu'il existe, le deuxième étage est accessible depuis l'antichambre par une étroite cheminée verticale et les deux étages sont séparés par de grandes dalles posées à plat côte à côte. La naveta d'es Tudons est le monument le plus emblématique et le plus célèbre de ce type.

L'architecture interne de la naveta peut présenter quelques variantes selon les monuments : l'antichambre est parfois absente et la chambre est de forme absidiale, rectangulaire, circulaire ou ovale. Traditionnellement, les navetes sont classées en deux groupes distincts : les navetes circulaires et les navetes allongées[5]. Au début du XXe siècle, A. Vives Escudero et J. Flaquer qualifièrent d'« intermédiaires », les navetes de forme circulaire (Biniac ouest) parce qu'ils estimaient qu'elles représentaient un lien d'évolution entre les talayots et les navetes à plan allongé. Toutefois, selon des datations au radiocarbone récentes, il semble que les navetes circulaires et celles à plan allongé soient contemporaines[2]. La proximité typologique se double d'une proximité géographique des monuments. Ce qui pourrait laisser penser que des communautés sociales différentes ont construit un même type des monuments, à la même période, qui ne diffèrent essentiellement que par leur forme extérieure[5].

Fonction funéraire

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Le caractère funéraire des navetes est incontestable : toutes les fouilles de monuments de ce type ont montré qu'il s'agissait d'édifices destinés à servir de sépulture collective et qu'ils furent en usage sur de longues périodes. La naveta de La Cova renfermait ainsi les ossements de plus d'une centaine d'individus, certains ayant été repoussés contre les parois de la chambre pour faire place à de nouvelles inhumations, même l'antichambre servait à entreposer des cadavres[4].

Le constat que les navetes sont concentrées aux deux extrémités de l'île de Minorque a été souligné par de nombreux chercheurs et aucune naveta n'a été recensée dans la partie centrale de l'île[5]. Ces deux zones géographiques correspondent aux zones les plus fertiles de l'île[5]. Au sein de ces espaces, toutes les navetes ont été construites relativement loin des constructions non funéraires : une certaine distance, de 1 000 à 2 000 m a toujours été conservée avec les sites d'habitat mais beaucoup moins avec les autres tombes (autre naveta comme à Rafal Rubí, hypogée, grotte naturelle, dolmen)[5]. Il n'y a pas pour autant d’organisation standard de l'espace funéraire[5].

D'une manière générale, l'architecture des navetes comporte des similarités avec celle des dolmens des îles Baléares : petit couloir d'entrée, accès à la chambre par une dalle percée, forme générale du monument pouvant évoquer celle d'un cairn[6]. Selon L. Plantalamor, les navetes seraient une évolution locale des dolmens locaux et l'exclusivité de ce type de construction à Minorque pourrait s'expliquer par la plus forte fréquence des dolmens sur cette île[3]. Toutefois, il semble que la transition entre les dolmens et les navetes ne se soit pas opérée directement mais par une phase intermédiaire représentée par un autre type de monument funéraire appelé « sépulcre à triple parements » ou « proto-navette »[2] (Ses Arenes de Baix, Son Olivaret).

Datation

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Les navetes qui ont été fouillées avaient toutes été préalablement pillées depuis longtemps et les rares couches archéologiques retrouvées à peu près préservées (Cotaina d'en Carreres, Cala Morell) ont été fouillées selon d'anciennes méthodes peu précises. Dès lors, les pratiques funéraires accompagnant les dépôts sont incertaines[2] mais il semble que les rites demeurent très proches de ceux qui étaient antérieurement pratiquées dans les grottes[3]. Les quelques datations au radiocarbone qui ont pu être obtenues correspondent à utilisation principalement durant la période proto-talayotique (1050-850 av. J.-C.) mais certaines datations (Cala Morell, Rafal Rubí) sont plus anciennes, autour de 1300 av. J.-C.[7]. Le rare mobilier funéraire découvert lors des fouilles archéologiques comprend des boutons prismatiques à perforation en « V » caractéristiques de la période chalcolithique et des céramiques proto-talayotiques datées du IIe millénaire av. J.-C. et du Ier millénaire av. J.-C.[4],[7].

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Les constructions « naviformes », appelées antérieurement « navettes d'habitat »[Note 2] ou « navetiformes », ne sont pas des navetes : la confusion avec les navetes a perduré jusqu'aux fouilles de Maria LLuïsa Serra dans les années 1960 démontrant qu'il s'agissait de maisons[8]. Ce sont de grands édifices de 16 à 25 m de longueur sur 5 à 7 m de largeur, leur hauteur atteignant environ 3 m sur les structures les mieux conservées (Can Roig Nou, Son Mercer de Baix)[9],[10]. Pour autant, ils ne peuvent pas être considérés comme des monuments mégalithiques car ils sont principalement construits avec des pierres de taille moyenne ou petite[4].

 
Naviforme n°1 de S'Hospitalet Vell.

Les naviformes sont des édifices allongés, en forme de « U », avec une partie antérieure en forme d'abside pointue ou arrondie, construits sans fondations, directement sur le sol préalablement nivelé[11], en pierre sèche[9],[10]. La première rangée de pierres du mur extérieur est à moitié enterrée et montée en appareil cyclopéen avec de grands orthostates polygonaux, les rangées suivantes sont constituées de pierres de plus en plus petites[11]. Le mur intérieur est constitué de petites pierres plus finement travaillées[10]. Les murs extérieurs et intérieurs sont inclinés de manière que l'épaisseur de l'ensemble diminue avec la hauteur, mais à la base l'épaisseur des murs est de 2 à 3 m. Entre le mur extérieur et le mur intérieur l'espace qui demeure est comblé avec un remblai constitué de moellons de tailles variées[11]. L'ensemble de la structure est extrêmement résistant[9],[10],[11]. Les constructions étaient recouvertes avec un toit composé d'un assemblage de poutres en bois, de branches et d'une couche d'argile et de petites pierres[8],[11].

La plupart des naviformes ne comportent qu'une pièce unique. Le sol des embrasures de portes et de la partie antérieure de la salle intérieure est parfois dallé. L'aménagment intérieur se limite le plus souvent à un foyer central de forme quadrangulaire, construit avec de petites dalles (Caparrot de Forma) ou délimité par des bancs de pierre de faible hauteur (Cala Morell) mais il peut aussi être complété selon les cas par des bases de colonnes, des contreforts, des appuis de fenêtres, des cloisons internes[11]. Les constructions naviformes sont le plus souvent individualisées (Alemany, Cala Blanca) ou disposées en petits groupes (Cala Morell, S'Hospitalet Vell, Es Closos de Can Gayà) parfois accolées les unes aux autres[10],[11].

La fonction domestique des constructions naviformes est déduite du matériel archéologique qui y a été découvert. La céramique recueillie correspond à des récipients nécessaries au stockage, à la cuisson et à la consommation des aliments. Une conclusion similaire s'impose pour les objets osseux, lithiques ou métalliques découverts. L'espace intérieur est aménagé avec des foyers et des bancs[11]. Quelques édifices ont livré des ossements humains, correspondant à une ré-utilisation ultérieure opportuniste du bâtiment comme site funéraire et dans plusieurs cas, les constructions ont été adossées à des grottes artificielles utilisées à des fins funéraires[4].

281 structures de ce type sont recensées sur les îles de Minorque et de Majorque mais seule une vingtaine ont été fouillées de manière rigoureuse et bien documentée[11]. Les naviformes ont donné leur nom à la période Naviforme (1600 - 1050 av. J.-C.)[8]. Ils furent utilisés principalement durant l'Âge du bronze mais leur occupation s'est parfois poursuivie durant l'Âge du fer. L'étude du naviforme I d'Es Closos indique qu'il fut occupé de manière continue entre 600 et 900 ans[9] tout en bénéficiant de modifications dans son aménagement[10]. La construction d'un naviforme et son occupation par un groupe social devait constituer un élément central de la formation de ce groupe et de son identité en lien avec l'occupation d'un territoire donné tout en le reliant à ses ancêtres[9]. A contrario, l'abandon de ce type d'habitat correspond à l'apparition de communautés plus grandes où l'individu commence à se différencier de la communauté[9],[10].

Notes et références

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  1. Du catalan minorquin naveta ou naueta, pluriel navetes ou nauetes, diminutif de nau, « nef ».
  2. Par opposition, on dénommait alors « navettes d'enterrement » les navetes.

Références

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  1. Sintes Olives 2015, p. 262.
  2. a b c et d Sintes Olives 2015, p. 88-90.
  3. a b et c Gili et al. 2006.
  4. a b c d et e Costa 2008.
  5. a b c d e et f Simón Gornés Hachero 2016.
  6. (es) Rosina, Léxico de arte, Madrid - España, Akal, , 144 p. (ISBN 978-84-460-0924-5, lire en ligne)
  7. a et b Sintes Olives 2015, p. 40.
  8. a b et c Sintes Olives 2015.
  9. a b c d e et f Fornés Bisquerra et al. 2009.
  10. a b c d e f et g Javaloyas Molina et al. 2011.
  11. a b c d e f g h et i Salvà Simonet et Hernández-Gasch 2009.

Voir aussi

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Bibliographie

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  • Émile Cartailhac, Monuments primitifs des îles Baléares, Toulouse, Privat, , 80 p. (lire en ligne)
  • Laurent-Jacques Costa, Mégalithismes insulaires en Méditerranée, Errance, coll. « Collection des hespérides », , 128 p. (ISBN 9782877723770), p. 86-88
  • (es) Joan Fornés Bisquerra, David Javaloyas Molina, Bartomeu Salvà Simonet, Caterina Belenguer Arias, Francesc Matas Gallardo, Gabriel Ángel Servera Vives et Llorenç Oliver Servera, « Más que una casa. Los navetiformes de la Edad del bronce balear », dans Maria Carme Belarte, L’espai domèstic i l’organització de la societat a la protohistòria de la Mediterrània occidental (Ier millenni aC) : actes de la IV Reunió internacional d'Arqueologia de Calafell (Calafell-Tarragona, 6 al 9 de març de 2007), Barcelona, Universitat de Barcelona, (ISBN 978-84-936769-1-9, [1]), p. 323–330
  • (en) Sylvia Gili, Vicente Lull, Rafael Mico, Cristina Rihuete et Roberto Risch, « An island decides : megalithic burial rites on Menorca », Antiquity, no 80,‎ , p. 829-842 (lire en ligne)
  • * (es) José Simón Gornés Hachero, Sociedad y cambio en Menorca: sistematización de los contextos arqueológicos de las navetas funerarias entre el 1400 y el 850 CAL ANE, vol. Tesis (Tesis doctoral), Universitat Autònoma de Barcelona, , 365 p. (lire en ligne [PDF])
  • (ca) José Simón Gornés Hachero, Sociedad y cambio en Menorca: sistematización de los contextos arqueológicos de las navetas funerarias entre el 1400 y el 850 CAL ANE, vol. anexo 1 (Tesis doctoral), Universitat Autònoma de Barcelona, , 286 p. (lire en ligne [PDF])
  • (ca) José Simón Gornés Hachero, « Arquitectura y territorio de las navetas funerarias de Menorca », dans VII Jornades d'Arquelogia de les Illes Balears, Maó, Conseil Insular de Menorca, coll. « Llibres del Patrimoni Históric i Cultural », , 464 p. (ISBN 9788494794209, lire en ligne), p. 39-48
  • (ca) David Javaloyas Molina, Joan Fornés Bisquerra, Bartomeu Salvà Simonet, Llorenç Oliver Servera et Gabriel Servera Vives, « Concepcions espacials a l'edat del bronze. Els navetiformes : entre l'espai public i el privat », dans III Jornades d'Arquelogia de les Illes Balears, Maó, Conseil Insular de Menorca, coll. « Llibres del Patrimoni Históric i Cultural », , 280 p. (ISBN 9788493707385, lire en ligne), p. 23-34
  • (ca) Bartomeu Salvà Simonet et Jordi Hernández-Gasch, « Los espacios domésticos en las Islas Baleares durante las Edades del Bronce y del Hierro. De la sociedad Naviforme a la Talayótica », dans Maria Carme Belarte, L’espai domèstic i l’organització de la societat a la protohistòria de la Mediterrània occidental (Ier mil·lenni aC) : Actes de la IV Reunió Internacional d'Arqueologia de Calafell (Calafell - Tarragona, 6 al 9 de març de 2007), , p. 299-321
  • Elena Sintes Olives, Guide Minorque talayotique : La Préhistoire de l' île, Sant Lluis, Triangle, , 319 p. (ISBN 9788484786405), p. 63-64

Articles connexes

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