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Toponymes
Toponymes très usités du Massif Vosgien
Langue romane Langue germanique

Goutte

Runz

Variantes :

Variantes :

Suisse, Savoie: Gottaz, Gottex, Gotto

Baechle

Le toponyme roman Goutte est attesté dans le Massif des Vosges, en Savoie, dans le département du Rhône, dans le Forez[1] et en Suisse romande. Dans les Vosges, il est particulièrement usité dans sa partie méridionale romane (départements du Territoire de Belfort, de la Haute-Saône, des Vosges). Les gouttes sont des petits affluents, du ruisselet temporaire, asséché en été[2] jusqu'au petit torrent permanent. En zone arpitane comme dans les Hautes-Vosges, la goutte est un petit ruisseau qui coule quasiment goutte à goutte en dehors des périodes de fonte des neiges. La goutte désigne aussi la petite source à l’origine du ruissellement dans le vallon[3],[N 1]. En forézien, il prend également le sens de pré un peu humide[4],[N 2],[5]. De ce fait, un toponyme en -goutte dans les Hautes-Vosges comme dans la Marche est très lié, voire dépendant d'un toponyme en -ru / -rupt (« ruisseau »)[1],[N 3].

Étymologie

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L'appellatif toponymique goutte constitue un emploi régional spécifique du vocable commun goutte (cf. goutte d’eau). En effet, dans certaines langues et certains dialectes comme le francoprovençal gote[6] ou l'ancien occitan gota[7], il a le sens plus général « de filet d'eau > petite source », de même en dialecte vosgien.

En ancien français le substantif goutte est attesté pour la première fois au Xe siècle sous la forme gute « petite quantité de liquide qui prend une forme sphérique ». Il est issu du latin gutta[1] « goutte d’un liquide, petite partie de quelque chose »[8],[9].

Formes patoises

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Dans la toponymie des Vosges, l'appellatif Goutte, -goutte est la forme phonétiquement francisée du terme du patois vosgien gotte[10]. Comme en français, avec des nuances, et dans certains dialectes d’oïl, il a aussi le sens de « peu » ou « quasiment rien » ainsi dans l'expression n'mi vore gotte » (n'y voir goutte). Dans son dictionnaire des patois lorrains du nord-est[11], Léon Zéliqzon donne les mêmes significations liées à « l'eau-de-vie », « au bref instant », mais il rajoute « le saindoux ». En outre, il atteste du terme dérivé goté pour désigner une flaque d'eau ou un lieu humide dans un terrain. ce vocable est usité dans les patois non montagnard.

Sur les cartes topographiques, on lit néanmoins toujours la forme goutte.

En francoprovençal, le terme récurrent est également got(t)e[12], d'où la formation de toponymes avec les terminaisons -az, -oz et -ex très spécifiques aux régions arpitanes:

De la même manière, on trouve ce mot dans les patois locaux :

Contrairement aux Vosges, les toponymes issus des termes patoisants apparaissent également sur les cartes officielles sous leur forme originelle[N 7] sans jamais être francisé en -goutte, Goutte.

Occurrence et particularité suivant les régions

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Hautes-Vosges

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Des trois régions, le massif vosgien[1] est sans conteste le secteur où l'occurrence est la plus élevée. Les Gouttes y prennent un sens élargi. Initialement, la goutte est un ruisseau[1] de petite taille[15] coulant partiellement dans un terrain marécageux[1] ou tourbeux[16], donc surtout en amont sur les hauteurs où la pluviométrie[17] est très importante[N 8]. Au départ, le terme désigne donc le tout petit affluent d'un cours d'eau de fond de vallée[18], puis avec le temps, il a été donné à tout le cours d’eau. La goutte finit également par désigner l'ensemble du vallon[5] perpendiculaire à la vallée centrale[19],[N 9].

Les gouttes vosgiennes, ruisseaux ou hydronymes, se concentrent souvent dans les parties d'amont où elles alimentent le bassin de réception d'un cours d'eau qui débouche sur une rivière collectrice[20]. Par exemple, l'entonnoir de réception sur le versant occidental du Ballon d'Alsace (1 247 m) jusqu'au Ballon de Servance (1 216 m) par les cols du Ballon du Stalon, du Beurey et du Luthier alimente en eau le ruisseau de Presles qui se jette dans la rivière collectrice qui est à cet endroit la Moselle. Cet entonnoir de réception est alimenté par les gouttes du Stalon, du Glisseux, des Ails, de la Jumenterie, du Petit Creux et de la Fons Goutte. La même chose est visible sur le versant germanophone; Sur les pentes du Jungfrauenkopf (1 268 m), le bassin de réception est alimenté par le Steinlebachrunz, le Jungfrauenrunz, le Hirsengrabenrunz, le Rehgrabenrunz et le Klinzrunz.

Localisation limitée aux hautes vallées

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L'extension géographique des gouttes est très réduite dans le massif vosgien; elle se limite aux hautes vallées de la Vologne, de la Cleurie, de la Moselotte, de la Moselle, de la Meurthe, c'est-à-dire entre la vallée de la Vologne, ainsi que la partie du massif qui s'étend en Franche-Comté (et notamment, la haute vallée de la Savoureuse). Le toponyme en goutte n'entre pas en concurrence avec celui de la basse que l'on rencontre surtout dans les Vosges gréseuses. De plus, une basse peut être sèche. Les deux termes peuvent également cohabiter dans les Vosges. Les régions concernées sont:

La frontière linguistique: équivalents germanophones

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Dans le Massif du Grand Ventron qui se trouve sur la frontière linguistique, le passage entre les gouttes et les Runz est très apparent. Côté roman vosgien, on trouve :

  • Goutte de la Grande Basse;
  • Goutte du Pourri Faing;
  • Goutte des Blancs Murgers.
  • Goutte du Grand Rupt des Eaux
  • Goutte des Echarges
  • Goutte de Plaine Faigne

Côté germanophone alsacien, on observe:

  • Hinter/Vorder Bocklochrunz;
  • Gross/Klein Hasenlochrunz;
  • Tieferunz;
  • Heidelbeerenlochrunz;
  • Frenzlochrunz.

La zone d'extension des toponymes en « goutte » fait la transition[21]comme pour de nombreux toponymes vosgiens avec les toponymes germaniques de l'Alsace voisine[22]. Dans les hautes vallées alsaciennes ayant une histoire ethnologique et administrative à cheval entre la Lorraine et l'Alsace, on trouve des régions sur le flanc est du massif vosgien dont la toponymie est romane[23] en terres germanophones[N 10]. Il y a souvent une similitude topographique entre les deux versants : le terrain est perçu et décrit de la même manière, c'est seulement la langue des mots qui changent. Le massif vosgien n'est pas dichotomique ; il sert de transition entre le monde germanique et le monde roman[21].

Pour désigner les vallons perpendiculaires, avec plus ou moins l'accent sur le ruisseau ou pas, on obtient géographiquement un dégradé d'ouest en est avec les premières pentes des Vosges gréseuses habituées aux basses, puis les gouttes des hautes vallées granitiques et enfin les Bach (« ruisseau ») et Thal (Tal « vallée ») des zones germanophones.

Il y a en Alsace une forte occurrence de l'appellatif -bach utilisé comme second élément d'un toponyme pour désigner les ruisseaux, petits et grands; il est parallèle à l'emploi de l'appellatif -rupt / Rupt (prononcer [Ry]) et à la -goutte / Goutte du roman.

Néanmoins, dans les Hautes-Vosges germanophones, on observe la présence d'appellations germaniques plus adaptées à la topographie des lieux qui correspondent au terme roman « goutte ». De chaque côté de la crête principale, partiellement frontière linguistique, on recense les termes suivants:

  • -runz
  • -baechle

L'un et l'autre signifie « petit ruisseau » en langue allemande régionale tout comme son équivalent roman la goutte. Le Bächle est la forme diminutive[24] dialectale[N 11] du mot allemand Bach designant un ruisseau, il se traduit en français par « ruisselet ». Le terme Runz est également dialectal, propre à l'allemand supérieur ; il désigne un ravin ou le lit d'un ruisseau[25].

Suisse romande et Savoie

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Le terme est immédiatement associé à un petit cours d'eau, un affluent d'un ruisseau plus important. Contrairement aux Vosges où l'on associe le mot d'abord au vallon traversé par la goutte, il est peut-être attribué à un hameau, un pâturage, un lieu-dit ou au cours d'eau lui-même. En revanche, dans le Massif jurassien et dans le Neufchâtelois, il prend volontiers le même sens que dans les Vosges, celui de la petite source de surface.

Articles connexes sur la toponymie spécifique des Vosges

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Notes et références

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  1. La goutte est un ravin au fond duquel coule un petit ruisseau on: patois de Charlieu en Forez, page 6
  2. Patois de Saint-Jean Lo gouto (au pluriel lé goute) signifie « pré un peu humide », page 37.
  3. Citation Perrier, p. 544: « La réunion de plusieurs gouttes forment un rupt »
  4. Cette forme n'est qu'une variante graphique du terme gotta; Il y a eu une réforme simplificatrice, mais pas forcément unanime des mots terminant en z. Se reporter par exemple à Paul Guichonet : « La toponymie savoyarde et les nouvelles cartes de l'Institut Géographique National » in Revue de géographie alpine, 1951, tome 39, no 1, p. 201-211. Article sur Persee
  5. Cette forme n'est qu'une variante graphique du terme gotta; Il y a eu une réforme simplificatrice, mais pas forcément unanime des mots terminant en x. Se reporter par exemple à Paul Guichonet : « La toponymie savoyarde et les nouvelles cartes de l'Institut Géographique National » in Revue de géographie alpine, 1951, tome 39, no 1, p. 201-211. Article sur Persee
  6. On remarque que le terme est féminin, lo gouto; même si un locuteur francophone pourrait associer la consonance de ce mot à un masculin. Dans ce patois, le pluriel influe sur la phonétique et donne la forme lé goute
  7. Bien qu'une réforme orthographique des toponymes savoyards ait été menée dans la cartographie vers le milieu du XXe siècle. On peut se référer « La réforme de la nomenclature cartographique. À propos des noms de lieu savoyards en AZ et OZ. » in Revue internationale d'onomastique, 2e année, p. 27-32
  8. "(…) Ainsi la pluviométrie est abondante, surtout dans les hautes vallées et les reliefs (…), in: Météo France, Climatologie des Vosges, Postes et Stations climatologiques 2007
  9. Capot-Rey évoque l'infinité de vallons et "gouttes" qu'il met entre guillemets pour signaler aux lecteurs le caractère regional du terme avec son acceptation spécifique.
  10. C'est le cas du Ban de la Roche, de la vallée de la Lièpvrette, de la haute vallée de la Bruche ou encore en Moselle dans le pays de Dabo.
  11. Le diminutif en -le est caractéristique des dialectes allemands des aires alémaniques et partiellement franciques auxquelles appartiennent les dialectes alsacien et est-mosellan. On le retrouve dans le terme spaetzle de plus en plus naturalisé en France. En Alsace, le suffixe diminutif prend surtout la forme -el et devient -le au pluriel : un Bächel, mais deux Bächle. En Souabe, il reste un diminutif invariable. En Suisse alémanique, il prend aussi la forme -li comme dans le terme muesli. En Franconie orientale et dans le Haut-Rhin alsacien, on entend plutôt -la.

Références

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  1. a b c d e et f Perrier P. Termes de géographie agraire limousine relatifs à l'eau. In: Norois. no 51, 1966. Juillet-septembre 1966. p. 543-548. p.  544, Article Persée no 1818 Consulté le 09/01/2015, « Goutte: fréquent dans les Vosges pour désigner de petits torrents », PDF en ligne
  2. Jules Guex, La Montagne et ses noms : étude de toponymie alpine, Lausanne, 1976, p. 68, « la Gode Gotte est une source tarie, desséchée de bonne heure en été »
  3. Abbé J. Meunier, Patois de la Région de Charlieu, parlers de Charlieu, Coutouvre (Roannais) & Saint-Jean-Soleymieux, page 6
  4. Jean Chassagneux et Bruno Cornier, "Lexique du patois de Saint-Jean-Soleymieux" - Village de Forez – 2010
  5. a et b Haillant, Du patois vosgien à la détermination de l'origine des noms de lieu des Vosges, contribution à l'examen d'une des questions du congrès de la Sorbonne de 1883, Epinal,, éditeurs Collot,, (lire en ligne), p. 32
  6. Henry Suter, Noms de lieux de Suisse romande, Savoie et environs, Lire en ligne
  7. Philippe Olivier, Dictionnaire d'ancien occitan auvergnat: Mauriacois et Sanflorain (1340-1540) [1]
  8. Site du CNRTL : étymologie de goutte [2] Différents sens historiques du mot par le Centre national de ressources lexicales et textuelles du CNRS et ATILF
  9. Voir wiktionnaire
  10. Rosette Gegout, Dictionnaire-Patois des Vosges, chez PLI G. Louis, Haroué, 2002, p. 79, (ISBN 2914554087)
  11. Léon Zéliqzon, Dictionnaire des patois romans de la Moselle, 1re partie, A-E, Publications de la faculté des lettres de l'Université de Strasbourg, fascicule 10, éditions Librairie Istra, Paris-Strasbourg, Oxford University Press, Columbia University Press, 1922, p.  318.
  12. a b et c Henry Sutter, toponymes de Suisse romande et Savoie
  13. p. 37
  14. Philippe Sirice Bridel, Glossaire du patois de la Suisse romande, chez G. Bridel, 1866 - 547 pages, p. 183, la gotta : la goutte
  15. Claude Gérard, La maison rurale en Lorraine, EDITIONS CREER, 1990, 151 pages, p. 142, Google book
  16. Jean-Louis Boithias, Marc Brignon, Les scieries et les anciens sagards des Vosges: bûcherons, schlitteurs, voituriers et voileurs, EDITIONS CREER,1985, 254 pages, p. 34, note 14, (ISBN 2902894252)
  17. Angot Alfred. Régime pluviométrique de la France [Troisième partie]. In: Annales de Géographie. 1920, t. 29, no 157. p. 12-35 Article Persée no 9200 Consulté le 09 janvier 2015
  18. André Pégorier (Ingénieur en chef géographe), Les noms de lieux en France, glossaire de termes dialectaux, commission de toponymie, 3e édition revue et complétée par Sylvie Lejeune et Elisabeth Calvarin, IGN, Paris, 2006, p.  235
  19. Capot-Rey Robert, La glaciation dans les Vosges gréseuses (versant lorrain). In: Bulletin de l'Association de géographes français, no 91, 12e année, novembre 1935. p.  118-120. doi : 10.3406/bagf.1935.6964, Article 6964 Persée p. 120 Consulté le 9/01/2015
  20. R.H. Noailles et al., Guide des Merveilles naturelles de la France, Paris, Readers's Digest, coll. « Autoguid », , 687 p., chap. 4 (« Glossaire illustré »), p. 655.
  21. a et b Colette Méchin, Frontière linguistique et frontière des usages en Lorraine, Université de Nancy 2. Presses Universitaires de Nancy, 100 p., 1999, Hal archives ouvertes, p.  44, chapitre "Une frontière qui s'évanouit lorsqu'on s'en approche"
  22. Levy Paul (linguiste), Histoire linguistique d’Alsace et de Lorraine, 2e édition, éditions Manucius, Houilles, 2004. (ISBN 978-2845780378)
  23. Christian Wilsdorf, « Depuis combien de temps parle-t-on un patois roman dans le val de Lièpvre et dans celui d'Orbey ? » in Cahier de la Société d'histoire du Val de Lièpvre, 1985, p.  23-30. Cote : M.501.072 au catalogue de la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg.
  24. (de) Werner König, dtv-Atlas sur deutschen Sprache, Tafeln und Texte, DTV, 1981, (ISBN 3423030259), 248 pages, chap.  Morphologie II: suffixes diminutifs; pronoms personnels, p. 157, revu et édité dans la 17e édition, 2007 (ISBN 3423030259)
  25. (de) Werner Besch, Sprachgeschichte: ein Handbuch zur Geschichte der deutschen Sprache und ihre Erforschung, Teil IV, Walter de Gruyter, 2004, 733 pages, chap.  224 « Überblick über Geschichte und Typen der deutschen Gewässernamen », p.  3530 de la version en ligne [3], consultée le 10/01/2015