La Majesté de Sainte Foy
Par Norbert Ballue
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À propos de ce livre électronique
Véritable plongée dans l’histoire religieuse du moyen-âge, à une époque où les reliques sont vénérées et où de nouveaux mouvements religieux se développent pour répondre aux inquiétudes croissantes des laïcs, ce roman mêle les genres entre ouvrage historique et thriller moderne. Il propose une intrigue solide et pleine de rebondissements, en montrant des protagonistes à la psychologie bien développée. Sa lecture est à la fois divertissante et éducative.
Incisif et percutant, « La Majesté de Sainte Foy » se distingue aussi par son rythme, mettant en scène des chapitres courts et intenses. L’écriture fluide et immersive renforce le sentiment d’appropriation du récit.
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Aperçu du livre
La Majesté de Sainte Foy - Norbert Ballue
978-2-312-06428-4
Chapitre 1
Conques, Province du Rouergue,
le 14 janvier 851
Arisnode est le premier fils d’un couple de pauvres paysans qui cultivent les terres du seigneur d’Estaing. Sa famille habite une maison de la bourgade sur la rive droite du Dourdou non loin de la chapelle, où Saint Fleuret gît en sa crypte. Le travail des champs rythme la vie de la cité. Sa mère élève quelques poules et lapins qui agrémentent les repas de fêtes, son père part toute la journée aux champs avec les autres hommes du village, il rentre après le coucher du soleil et ses enfants ne le voient que peu.
Il est l’ainé d’une fratrie de huit, composée de six enfants mâles et deux filles. Il est né le 16 juin 839, sa mère venait de fêter ses 18 ans lorsqu’elle accouche, sept semaines avant terme. La naissance de ce premier enfant, lui procure de fortes souffrances en couche, des craintes pour son avenir, mais point de réel bonheur.
Comme toutes les femmes paysannes, elle est subordonnée à son époux. Ses activités quotidiennes se limitent aux tâches domestiques et à l’éducation des enfants. Elle participe aux moissons, à l’élevage des animaux. Les travaux des champs n’attendent pas, elle se doit d’aider aux taches de culture. Elle ne consacre que peu de temps à son fils se contentant de lui prodiguer les soins rudimentaires. Il manque de nourriture, d’allaitement régulier et de la douceur de son regard.
En le voyant grandir, elle comprend que l’état de santé de son fils ainé et sa faible stature, ne lui permettront pas de travailler aux champs à son tour. Sa démarche est boiteuse et sa colonne vertébrale est voutée. Le temps a passé et il a maintenant cinq frères, bien mieux portants à qui elle a pu procurer plus de soins et qui l’aident déjà à s’occuper de la terre et des animaux.
Sur le conseil du curé, son père décide ce qu’il pense être pour au mieux son bien : le placer le jour de ses 12 ans au monastère de Conques. Sa mère ne s’y oppose pas.
Dans les murs froids du monastère, Arisnode passe un premier hiver difficile. Sa famille lui manque, il a le sentiment de n’avoir pas eu le droit de rester enfant, à cause de son infirmité. De corvées en offices, les mois passent et son corps le fait souffrir. Il suit l’enseignement des moines et endure en silence les souffrances et les privations de liberté de la vie monastique. C’est une vie recluse qui s’annonce et cela ne lui plait guère, mais il trouve là le gite, les soins et le couvert quand on observant le monde autour de lui, il voit le peuple paysan mourir de faim ou de maladie.
Le père supérieur le protège des brimades des autres moines, par pitié pour ce jeune à la santé fragile qu’il représente à ses yeux. Son protégé apprend très vite à lire, à écrire, à compter ce qui lui procure un sentiment de fierté. Le vieil homme l’initie à la lecture des écritures saintes. L’enfant se passionne peu à peu pour les récits héroïques des premiers temps du catholicisme. Il découvre histoire des saints, il mesure l’influence de ces écrits sur la masse de fidèles qui fréquentent les offices dominicaux. Ses journées il les passe à recopier des textes bibliques, penché sur un pupitre de bois éclairé le soir d’une simple lampe à huile. Il a mal aux yeux et son dos fragile le fait souffrir, mais il ne se plaint jamais.
Il a dix-sept ans quand le père supérieur l’envoie, en compagnie de deux jeunes dévots, au monastère d’Agen. Cet éloignement a pour but de lui permettre de perfectionner son instruction catholique et d’apprendre les techniques d’enluminures.
Jugeant la vie difficile à Conques, Arisnode espère une vie meilleure dans ce grand monastère d’Agen, mais il déchante vite. Il découvre que la discipline y est plus dure et que le manque d’hygiène se fait sentir cruellement. La présence à tous les offices est ici obligatoire et ne lui laisse que peu de temps pour le sommeil. Quant à ses heures passées dans l’atelier d’enluminure, elles deviennent vite un calvaire, tant le poids du silence est présent. Les brimades des moines à la moindre erreur s’abattent sur le novice qu’il est. Plus faible que les autres apprentis, il endure en silence. Son plaisir, c’est de nuit, quand en cachette lorsque les moines sont couchés. Il retourne dans la salle du chapitre et il peut lire à sa guise les récits des saints et des martyres auxquels il s’identifie.
Un soir, il découvre l’histoire de cette enfant connue sous le nom de Sainte Foy d’Agen. Foy que l’on appelle également Foy d’Agen, est née dans une riche famille gallo-romaine convertie au catholicisme. C’est une enfant martyre du IIIe siècle née en 290, elle est morte à l’âge de treize ans. Elle a défendu sa foi chrétienne, jusqu’à mourir pour elle. Elle a été jugée avec les membres de sa famille et leurs amis par le tribunal de Dacien, durant le règne de l’empereur Maximien. C’était encore une enfant.
Dacien a été nommé proconsul romain, c’est un homme sanguinaire et imbu de sa personne. Il n’hésite pas à massacrer des familles entières de chrétiens pour assouvir sa soif de sang et se faire valoir auprès de ses chefs. Apres avoir voulu lu faire renoncer à sa foi chrétienne, il interroge Foy des jours durant, il l’affame puis la torture. Enfin, devant le refus d’abdiquer de la jeune fille, il l’a fait allonger nue sur un lit d’airain{1} par ses gardes et lui brise les jambes à la masse, pour finir pris de rage devant son silence, il l’a décapite. Dans la cité d’Agen, elle meure vierge en l’an 303.
Après elle, sa sœur Sainte Alberte, Saint Caprais et d’autres habitants chrétiens de la ville venus partager le sort de l’enfant martyre, meurent sous les coups de Dacien. Foy est béatifiée quelques années plus tard, elle devient Sainte Foy, nom sous lequel elle est fêtée par l’Église catholique le 6 octobre. Son corps, qui revêt désormais le statut de relique, est conservé dans le grand monastère d’Agen.
La lecture de son histoire émeut Arisnode car la suppliciée est jeune, il se revoit à cet âge. Il va dans la chapelle contempler longuement ses reliques. Il reste en admiration devant les ossements pieusement conservés dans un reliquaire de bois. Il est fasciné et se dit qu’ils auraient mieux leur place dans l’abbaye de Conques où il rêve maintenant de retourner, pour d’une part revoir sa famille et d’autre part pour y pratiquer l’enluminure. Il pourrait faire tout ça, en vivant moins strictement.
Alors, sans en parler à qui que ce soit, il monte un stratagème qui lui permettra à la fois de rentrer à Conques et d’y être accueilli avec considération. Il est prêt à prendre des risques pour retourner dans ces lieux sécurisants.
Il se soumet dès à présent à la rigueur du monastère qui respecte la règle de Saint Benoit avec ses sept offices journaliers. Il ne rate aucun office de Vigiles à Complies, demande à lire les capitules et donne de la voix pendant les psaumes. Très vite les moines s’aperçoivent de la métamorphose de son comportement et pensent que ce changement d’attitude est du à son avancée en âge, mais aussi à la réussite de leurs propres efforts pour faire de lui un moine digne de ce nom. Ils se félicitent ouvertement de la réussite de leur modèle éducatif basé sur la crainte de la sanction divine et les petites violences humaines au quotidien.
Le père maître des novices, ancien prieur de l’abbaye de Saint Wandrille près des boucles de la Seine, pense plutôt à l’arrivée subite de la foi chez son protégé. Il veut voir en cette métamorphose l’appel du Seigneur. Arisnode lui annonce humblement son désir de prononcer ses vœux. Il s’entretient longuement avec le maitre qui lui annonce peu de temps après, son admission future au rang de moine.
Les mois passent et Arisnode se prend au jeu du bon novice, les coups et les corvées deviennent rares et il jouit de plus de temps pour lire et s’instruire. Il comprend que devenir moine c’est choisir la vraie solitude pour mieux trouver Dieu dans sa vie. Il se fait à l’idée de prononcer des vœux de pauvreté, de chasteté et d’obéissance pour mieux l’imiter. Sa foi grandie jour après jour, il se sent appelé à une noble tâche. Il annonce au père supérieur que tel est son souhait et en profite pour ajouter son désir d’intégrer la communauté du monastère de Conques in fine.
Au printemps crane tondu, Arisnode est admis dans l’assemblée communautaire des moines. Il revêt la robe de bure retenue par la traditionnelle cordelette de chanvre. Une longue année passe encore au rythme des sept offices, des travaux à l’atelier, des lectures pieuses et de sommeils réparateurs. Il est enfermé dans ce monastère mais il sait que prochainement, il lui sera autorisé de rejoindre Conques.
Dans le secret son projet le réconforte, le rend plus fort. Chaque nuit, en rêve il s’imagine prendre la route pour rejoindre ses amis du monastère et les souvenirs de sa jeunesse. Il sera autorisé à revoir sa famille, surtout ses frères et sœurs qui doivent maintenant avoir beaucoup grandis. Il mène sa vie d’homme de foi comme il l’entend au sein de la communauté et maintenant il accueille à son tour les jeunes novices. Au matin son rêve l’accompagne et l’endurci.
Chapitre 2
Martinique, Anse des Salines,
début novembre 2015
À cent mètres de la plage, assis là où le sable est le moins chaud, Jean, dit Jeannot pour les intimes, allume une cigarette. Il passe régulièrement le revers de son poignet sur son front, espérant éliminer la sueur qui perle abondamment.
Décidément, la chaleur ambiante ne lui réussît pas. À son arrivée à l’aéroport de fort de France, il a eu du mal à supporter l’humide chaleur et cette odeur de pieds mal lavés qui lui est arrivé aux narines dès l’ouverture de la grande baie vitrée de l’aéroport Aimé Césaire. Passer de l’univers climatisé du vieux continent à celui de la cité cosmopolite de Fort de France est une épreuve pour la peau humaine. Depuis son corps s’est habitué, il accepte un tee-shirt à même la peau et un bermuda de toile légère. Jean de son côté a renoncé aux multiples douches des premiers jours laissant sa transpiration s’écouler librement.
Au loin, quelques corps presque nus, dans l’eau bleue de la mer des caraïbes s’agitent et éclaboussent bruyamment. Il lui parvient des cris et des rires. Jeannot a bien tenté d’aller à l’eau pour se rafraichir un peu mais les quelques dizaines de mètres de plage exposée au soleil lui ont brulé la plante des pieds. Rien ne peut être parfait se dit-il. Ici le climat est idéal, 36 °C jour et nuit, de l’humidité suffisante pour générer une flore abondante, pas d’animaux dangereux si ce n’est les énormes bourdons que les autochtones surnomment « Vronvron » surement à cause du bruit qu’ils font en vous frôlant les oreilles. Et puis il a senti l’animosité de ce peuple de descendant d’esclaves à l’égard des blancs touristes qui envahissent leur ile quelques mois par an.
Le souvenir de sa « vie d’avant » vint le tirer de sa rêverie. Qu’a-t-il à se plaindre, ici, au paradis terrestre alors qu’il a connu la misère dans des pays si froid que la mer pouvait en plein cœur de l’hiver geler et former une banquise. Il a bossé pendant dix-huit années, maintenant il a choisi de ne faire plus que ce qu’il lui plait, c’est-à-dire de la musique, encore de la musique.
Jean a aussi voyagé en routard dans des contrés au climat tempéré, il a parcouru de nombreux pays d’Europe ou d’Amérique du Sud. Il a rencontré des hommes et des femmes vivant avec d’autres cultures d’autres religions, sous d’autres latitudes. Il a depuis longtemps compris au travers ses voyages que nul ne peut prétendre vivre mieux qu’un autre, détenir une vérité ou être supérieur à autrui. Il s’est indigné contre ces états et ces peuples qui pensent être supérieurs et veulent depuis leurs lieux de confort gérer les problèmes du monde.
Il faut bien comprendre que celui qui gagne 20.000 dollars passe son temps à chercher à convaincre celui qui gagne 2000 $, que ceux qui en gagne 200 $ sont des fainéants ou des profiteurs et qu’il faut s’en méfier. Triste monde où la réalité économique l’emporte sur la raison et le bon sens. Triste vie que celle de celui qui est persuadé d’être supérieur. C’est en faisant ce constat lugubre et pour tenter de changer à sa mesure, quelque chose à ces états de faits, qu’il a un jour choisi de quitter son confort pour parcourir le monde à sa façon. Aujourd’hui il est fatigué mais il sait que demain sera meilleur et l’emmènera sur d’autres routes, il a encore à découvrir.
Le soleil bientôt va se coucher et bien que la température n’ait pas baissé d’un degré, Jean se lève pour rejoindre le petit bar de la plage où il est devenu en quelques soirées un habitué. La patronne s’appelle Maria, elle laisse trainer sur les tables une bouteille de rhum et une carafe d’eau tiédie pour les consommateurs. Chacun se sert à volonté puis va clamer à l’intérieur de la cabane de bois, le nombre de verres consommés afin de régler l’addition. Les honnêtes gens se félicitent de ce fonctionnement pour le peu surprenant de la part de la patronne de bar. Les moins honnêtes, de peur de se faire remarquer, ne reviennent pas, Maria elle s’en fout. Ainsi la paillote distribue à ses habitués ses effluves de rhum et de Maracouja{2} autrement nommée grenadille ou fruit de la passion.
Devant le cabanon trône un pilier de bois flotté sur lequel un décapsuleur a été planté à hauteur d’homme. Au sol des milliers de capsules de bière forment un tapis rouge et doré qui luit au soleil couchant. Jean s’installe sur une chaise paillée, les pieds nus sur le sable et se sert un rhum blanc. Il s’incline autant que possible sur le dossier et face à l’océan fixe le soleil qui entame sa descente. La paillote diffuse des airs de musique créole entrecoupés d’informations locales et publicitaires.
Son portable vibre dans sa poche le faisant presque sursauter. Il reçoit l’appel de Chicco, son ami musicien avec qui il vient de finir la maquette de son premier album à Porlamar. Les nouvelles sont bonnes. L’ingénieur du son fait des merveilles et l’album sera prêt dans un mois. Jean se félicite d’avoir pris quelques semaines de repos. Après tous ces jours où il s’est enfermé dans le studio, il avait grand besoin de soleil, de cocotiers penchés sous les vents du sud, de repos et de calme. Et puis Chicco est resté là-bas, il veille au grain.
Jeannot a tout plaqué pour venir enregistrer ses chansons, il a laissé en France son travail duquel il a démissionné, la plupart de ses amis et beaucoup d’illusions déçues en matière de musique ou de vie sentimentale. Il s’aperçoit maintenant que progressivement sa vie était devenue morne. Il travaillait sans goût pour son métier, il vivotait, il survivait. Depuis toujours il voulait être un musicien reconnu et capable de vivre de son art. Mais cela n’arrive pas comme cela, le talent ne suffit pas toujours, surtout quand il est question de jouer et faire connaitre ses compositions personnelles. Alors comme beaucoup de musiciens amateurs, il s’est contenté d’interpréter les musiques et les chansons des autres, de ceux qui ont pignon sur rue. Il en était arrivé à jouer des styles certes à la mode mais qui ne lui plaisait pas. Et puis, pour subsister entre deux petits cachets et des répétitions du soir avec ses amis, il a trouvé cet emploi dans une imprimerie publicitaire. Il travaillait parfois à la réalisation de maquettes ou de flyers pour des groupes ou des chanteurs, tristes coïncidences. Il les enviait tant.
Un jour, sa petite amie du moment lui a lancé dans un moment de colère, qu’il n’arriverait jamais à rien de bien dans sa vie. Elle parlait de leur vie commune, mais lui il l’a interprété bien autrement. Il a décidé de tout quitter et de partir pour tenter sa chance ailleurs. Chicco, son guitariste et ami de longue date, l’a suivi dans ce projet, ils ont rassemblé leurs économies et se sont envolés pour le Venezuela. Leur objectif étant de revenir avec une maquette d’une vingtaine de titres qu’ils essayeraient de présenter aux maisons de disques à leur retour. Aujourd’hui les enregistrements sont faits, il ne lui reste plus qu’à attendre la maquette finale et espérer qu’un producteur sera intéressé.
Le soleil disparait quelques dizaines de minutes plus tard et sachant que la nuit tombe vite sous ce tropique, Jeannot revient doucement à l’instant présent. Il se dépêche de rejoindre la petite chambre d’hôtes qu’il