Body language: Reconnaître et interpréter les gestes de la confiance
Par Bernard Stenier
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À propos de ce livre électronique
Lors d’un échange commercial, d’un entretien d’embauche, ou d’une conversation, et notamment dans des situations tendues, établir une relation de confiance avec son interlocuteur est essentiel. Mais comment y parvenir ? Comment savoir s’il est pertinent d’accorder du crédit à son discours ? Et si la réponse était à déceler dans son body language ?
Bernard Stenier explore les caractéristiques de la rupture de confiance à travers le langage corporel. Il montre que la lecture du « body language » est une méthode puissante qui permet de détecter les incohérences dans l’attitude de l’autre, pour adapter nos stratégies d’interaction et améliorer la qualité du dialogue. Invitant le lecteur à dépasser les raccourcis trompeurs, il livre conseils et outils permettant à chacun de développer sa maîtrise du body language.
Un guide pratique pour apprendre à décrypter le langage corporel et activer les leviers de la confiance !
CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE
"Moins on parle, plus on est fort." - B Smart
"Apprenez en ces pages à décrypter le langage corporel et à activer les leviers de la confiance." - Entreprendre Aujourd'hui
À PROPOS DE L'AUTEUR
Bernard Stenier est consultant en développement humain et organisationnel auprès de grandes entreprises et institutions. Après avoir travaillé quatorze ans dans les ressources humaines, il coache les équipes et les individus qui souhaitent se transformer et progresser. Il est maître de conférences à la Solvay Brussels School et intervient également dans plusieurs programmes d’enseignement en Belgique, en France et au Vietnam.
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Aperçu du livre
Body language - Bernard Stenier
Body language
Bernard Stenier
Body language
Reconnaître et interpréter les gestes de la confiance
Introduction
Durant le mois de mars 2020, au tout début du premier confinement de l’ère Covid-19, mon fils me contacte et me transmet la vidéo d’un entretien du journal télévisé. On y découvre, pour l’une des toutes premières fois, un épidémiologiste encore inconnu, et qui ne va pas tarder à devenir une « vedette » des médias.
L’interrogeant après avoir visionné les images dramatiques de la situation sanitaire en Italie, le présentateur lui pose la question suivante : « Quand on voit ce reportage, est-ce qu’on pourrait arriver à une telle situation en Belgique ? » Et l’épidémiologiste de répondre : « Alors, le… on fait tout ce qu’on peut, et je pense qu’on fait énormément pour ne pas y arriver. Mais il faut être absolument franc, l’Italie a vraiment eu un temps de retard sur l’épidémie… » Ce disant, au tout début de sa réponse, il détourne la tête et le regard de son interlocuteur (vers la droite), il pince les lèvres (après avoir prononcé « Alors, le… »), avec un mouvement des commissures vers le bas, opère un clignement des yeux assez lent, déglutit et fait légèrement remonter l’extrémité intérieure des sourcils vers le haut. Tout cela en 3 secondes et 55 centièmes.
Bien entendu, mon fils n’a pas réalisé cette analyse corporelle détaillée, mais il a perçu quelque chose d’étrange et de dérangeant dans cette séquence. Et connaissant ma passion et mes compétences dans la lecture des mouvements corporels, il m’interroge : « Cette personne dit-elle toute la vérité ? Pouvons-nous lui faire confiance ? »
Voici la question qui a déclenché ce livre. Car comment établir une relation de confiance avec une personne que nous rencontrons pour la première fois ? Alors que nous entrons dans une situation de crise inédite ? Que nous sommes confrontés à un virus insidieux et ravageur qui se propage à une vitesse supersonique ? Et que nous devons remettre notre sort collectif entre les mains d’experts et de scientifiques qui travaillaient jusque-là très efficacement, mais à l’abri des regards ?
Dans le même temps, on ne cesse de nous vanter les avantages de l’intelligence artificielle qui peut, notamment, compléter l’expérience des médecins pour réaliser des diagnostics plus précis à partir de la comparaison de pathologies similaires. Et du big data, cette nouvelle capacité numérique à traiter des quantités phénoménales de données non structurées, pour en extraire l’essentiel et prendre de meilleures décisions.
Sauf que cet idéal de toute-puissance des outils digitaux montre ses limites lorsque nous devons très rapidement sélectionner des options « humaines » dans un contexte de crise et d’urgence. À ce moment-là, il ne nous reste plus qu’à nous fier à notre intuition et à faire confiance.
Avoir confiance, faire confiance, inspirer confiance, donner sa confiance, abus de confiance… : qu’entendons-nous finalement par ces expressions ? Qu’est-ce que la confiance dans notre monde moderne ? Nous en parlons beaucoup, et, étonnamment, ce concept ne se retrouve pas dans un champ de recherche bien défini. À la frontière de la philosophie, de la sociologie et de la psychologie, la notion semble parfois limitée à l’extrait du dessin animé Le Livre de la jungle, où le serpent Kaa, faisant rouler ses yeux de manière hypnotique, chante au jeune Mowgli ces paroles désormais célèbres : « Tu peux avoir confiance en moi… Aie confiance… Crois en moi… que je puisse veiller sur toi… » Elle semble limitée aussi aux nombreux ouvrages de développement personnel sur la confiance en soi.
La confiance, c’est pourtant bien plus que cela. Elle peut être tout à la fois : un ciment social, une relation structurée par des contrats, la source de nombreuses actions, une hypothèse ou une tentative de calcul des risques, un pari, un processus, une dynamique.
Et, dans un même mouvement, nous viennent toutes ces images d’outre-Atlantique, où un Président aux abois multiplie la dissémination de mensonges, de fausses nouvelles (les fake news) et de messages toxiques, pensant pouvoir agir ainsi en toute impunité. Attaquant frontalement les fondements constitutionnels de son pays, et menaçant de manière agressive toutes celles et tous ceux (notamment les médias traditionnels) qui s’opposent à ses idées, utilisant sans aucun filtre critique les réseaux sociaux pour propager des messages de haine, de division et d’incertitude. Ambiguïté et polarisation semblent devenues les deux mamelles de certaines équipes de campagne (encore renforcées par les trolls qui infiltrent les systèmes informatiques) pour assurer l’élection de leur poulain. « Divide Impera », disait déjà Philippe II de Macédoine… ou le Sénat romain ? Semer le chaos ou la discorde, et apparaître ensuite comme le sauveur et le rempart ? Construire des murs justement, plutôt que des ponts ? Se cacher dans sa forteresse et rompre la confiance avec les autres, et ne plus faire preuve que de méfiance et de défiance ? Ou mettre en œuvre des passerelles qui nous permettent progressivement d’établir des relations de confiance avec ceux que nous ne connaissons pas encore très bien ?
Comment ne plus céder aux sirènes de la propagande et de la désinformation ? Ne plus se retrouver empêtré dans les filets de la manipulation, ce processus violent et insidieux visant à paralyser notre sens critique et notre liberté ? La solution est-elle de se mettre des écouteurs dans les oreilles, comme les boules de cire des compagnons d’Ulysse pour ne pas entendre les chants envoûtants de Circé, et de fixer son regard sur les écrans ? Au risque de s’isoler toujours davantage, en se raccrochant à ces réseaux qui ont fini d’être sociaux, pour devenir des citadelles de « l’individualisme collectif ». Déverser une parole tout aussi violente à travers des posts qui font surtout la richesse de quelques plateformes numériques ?
Ou choisir la voie de l’humanité, du dialogue et du débat ? Débattre, c’est refuser de se battre, de décortiquer les arguments d’influence pernicieux. C’est redonner sa grandeur à l’humain. C’est retrouver la puissance de la rhétorique, où le logos (le message qui s’appauvrit, pour devenir ce support suppôt des GAFAM) s’enrichit de l’ethos (posture de l’orateur) et du pathos (les émotions qu’il suscite). Et consolider ainsi une approche holistique de la communication, où contenu (le fond) et contenant (la forme) se combinent pour améliorer notre compréhension et notre impact.
Retrouvons le plaisir de la conversation, de l’argumentation et de l’interaction. Des mots pour se bouger, s’engager et faire bouger le monde. Observer comment bougent notre corps et le corps des autres revient à emprunter le chemin du langage corporel, un autre domaine d’étude, étrangement perdu entre linguistique et psychologie. Nous possédons tous une capacité spontanée à interpréter les mouvements corporels de nos interlocuteurs. Souvent de manière assez juste, mais parfois aussi avec des raccourcis simplistes (et bâtis sur d’autres fake news…). Au cours des cinquante dernières années, le développement des neurosciences et la disponibilité d’une infinité d’images vidéo ont permis à ce domaine de se professionnaliser et de proposer des schémas d’analyse plus rigoureux.
Cette discipline peut constituer l’une des portes d’entrée dans l’établissement des relations de confiance, en ce qu’elle nous donne des indicateurs et des clés pour anticiper et compléter le discours verbal de notre interlocuteur.
Il ne s’agit pas d’utiliser ces méthodes pour décoder et décrypter tout ce qui se cache dans l’âme de l’autre, et lui faire dire ce qu’il ne veut pas exprimer. Ce n’est sûrement pas une synthèse de mythes, de métaphores et de symboles pour cerner les traits de personnalité et le profil psychologique d’un individu. Certains auteurs contemporains ont ainsi proposé « un voyage initiatique sur la planète corporelle, ce sanctuaire de l’esprit ». Je leur laisse la responsabilité de ces centaines de pages où seules l’intuition et la magie semblent les avoir guidés.
Je vous propose plutôt d’utiliser l’analyse du langage corporel comme un outil pour améliorer encore la qualité et la profondeur des dialogues quotidiens. Un complément indispensable de la parole orale et écrite. Surtout en ces temps de tensions et de conflits, où toutes les informations humaines sont bonnes à intégrer pour prendre les meilleures décisions.
Ayons toujours à l’esprit que les méthodes de lecture du langage corporel présentées dans cet ouvrage n’ont pas de prétention scientifique, dans le sens d’un corpus d’hypothèses testé dans des laboratoires indépendants ou d’une construction covalidée par de nombreux experts. La discipline n’en est qu’à ses débuts et a encore besoin de se solidifier et de se crédibiliser. De nombreuses hypothèses prennent déjà de la validité et de la fiabilité, et d’autres doivent encore être vérifiées. Nous ne défendons pas ici la vérité dévoilée d’une méthode bien particulière, mais bien l’intérêt de pouvoir explorer d’autres pistes pour comprendre ce qui fait, ou pas, la qualité d’une relation interpersonnelle. Et ne considérons jamais ces outils de lecture du langage corporel comme des instruments thérapeutiques capables de soigner nos souffrances psychologiques ou physiques, tellement présentes dans le tourbillon de la crise sanitaire.
Dans ces temps incertains où la recherche et la mise sur le marché de vaccins censés nous protéger de ce virus dévastateur à l’échelle mondiale sont une priorité, de nouveaux problèmes de confiance surgissent. N’ont-ils pas été développés trop rapidement ? Ne cherche-t-on pas à nous inoculer d’autres maladies, ou, même, des microprocesseurs pour mieux nous contrôler ?
L’histoire de la confiance serait donc un éternel recommencement, par lequel chaque individu peut décider, à partir de son propre microcosme, de contribuer à une société globale plus juste, plus équitable et plus sereine.
Les modèles, les principes et les outils qui sont présentés dans ce livre se réfèrent à mon propre parcours d’exploration des deux concepts que sont la confiance et le langage corporel. Ce parcours a été jalonné de nombreux échanges, réflexions, formations et lectures. Il est loin d’être terminé (mais le sera-t-il un jour ?).
Cette somme d’expériences n’a pas la prétention de proposer la vérité absolue et définitive sur ces deux champs d’investigation. D’autres analyses et études existent encore dans ces domaines, et il sera sûrement utile de les croiser avec mes propres conclusions pour en élargir encore la profondeur et la validité.
Porté par les vents qui me sont favorables, j’ai laissé dériver mon voilier vers certaines eaux très belles et riches, mais il existe encore de nombreuses zones qui pourront nous en révéler plus sur l’apport du langage corporel dans la compréhension des mécanismes de la confiance.
Je vous propose donc une approche, que j’ai souhaitée rigoureuse et structurée, pour vous permettre de démarrer votre propre exploration et de mieux comprendre et activer les leviers de la confiance.
CHAPITRE 1
La confiance : une denrée rare
La confiance est comme l’air que l’on respire.
On ne prend conscience de son existence que le jour où il se fait rare, ou qu’il est pollué.
Annette Baier
Le geai de la forêt et le renard de la fontaine
Par un beau matin de printemps, maître renard,
Encore engourdi par une nuit trop courte,
Promenait son ventre vide
À la lisière de la forêt.
Point de volaille à croquer, ni de fromage à chaparder,
Depuis quatre lunes.
À défaut de victuailles villageoises,
Il se rabattit sur une possible ripaille,
Composée de campagnols, d’oisillons point encore emplumés,
Ou de marcassins juvéniles égarés.
Avare d’une chasse trop fatigante,
maître Renard se reposa sur sa faconde,
sa rouerie légendaire pour faire accroire en son innocence,
et approcher nonchalamment ses faibles proies.
Je suis des vôtres, et viens vous avertir,
amis de la futaie et des taillis d’une grande battue,
menée par les paysans de la vallée.
Sûr de son discours et de l’échappée conséquente des adultes,
laissant derrière eux les proies innocentes,
le goupil s’en pourléchait déjà les babines.
Mais c’était sans compter sur la plus efficace sentinelle
des frondaisons,
le corvidé multicolore des hêtraies et chênaies,
toujours à l’affût des visiteurs importuns.
Sans une once d’hésitation, Seigneur geai,
De son cri éraillé alarma tous les hôtes de ce bois,
De la diversion canine trompeuse.
Avant même d’avoir pu l’entamer,
La parade fourbe et hypocrite de Maître Renard,
En devint foireuse et stérile.
À trop être sûr d’inspirer la confiance,
Et de pouvoir quiconque séduire,
On néglige et oublie la méfiance* et la vigilance*¹,
Chez l’autre instillées².
Aux racines de la confiance…
Auquel de ces animaux, geai ou renard, souhaitons-nous nous identifier ? De quoi sommes-nous fiers ou heureux : garder nos distances et prendre soin des autres, ou être capable d’amadouer, de séduire et de convaincre les autres ? Être sûr et confiant ou inspirer confiance ?
Aujourd’hui cette notion de confiance qui oscille sans cesse entre émotion*, sentiment, humeur, croyance* ou valeur*, est sans cesse mise en avant pour justifier des décisions, des actes ou des alliances, dans les domaines économiques, sociaux ou politiques. Contrat de confiance ou abus de confiance jalonnent les pages des journaux ou des sites internet. La confiance en soi est un élément clé d’un grand nombre de discours de développement* personnel. Et les enseignements de la réussite vous apprennent à inspirer confiance, ou à avancer prudemment pour pouvoir faire confiance.
Prenons un peu de recul avec l’actualité, et plongeons-nous dans l’étymologie du mot « confiance ». Dans la racine latine, confidere (confier) signifie « remettre quelqu’un ou quelque chose aux soins d’une personne », c’est-à-dire se fier à la bienveillance et au sérieux de cette personne, car elle saura veiller sur ce que vous lui remettez. Longtemps, dans nos contrées, la religion a assimilé la confiance à la foi. Foi en un dieu, en ses disciples et en ses croyants emplis de bonnes intentions.
À la fin du Xe siècle, le mot fiance est utilisé en vieux français pour évoquer un serment de fidélité ou un hommage. Se fiancer revient à engager sa parole. Ce qui deviendra peu à peu, dans le parcours familial traditionnel, la première étape avant le mariage. L’occasion de rendre publique une relation*, et d’en tester la force et l’étanchéité dans un rapport plus intime.
Avec les derniers siècles de développement économique et industriel, la confiance s’est progressivement convertie à des schémas plus rationnels et logiques. Les statistiques se sont emparées des intervalles de confiance, le droit a structuré la confiance dans des contrats et l’économie s’est mise à calculer des indices de confiance pour soutenir sa croissance. Ces évolutions ont confirmé le lien entre les concepts de confiance et de risque. C’est pour faire face à l’incertitude, au manque de connaissance, à la peur du vide, à l’absence de maîtrise, que nous sommes parfois contraints de faire confiance pour ne pas rester paralysés et immobiles au bord du chemin.
La confiance nous autorise alors à faire le moins mauvais des choix et à avancer malgré tout. Elle devient ainsi un puissant moteur de progrès et de changement.
Faire confiance à quelqu’un, à des comportements*, à une institution, à des procédures, à des mécanismes ou à des systèmes* suppose que l’on abandonne un certain degré d’autonomie* et de liberté à ces « autres ». Nous acceptons de leur déléguer une partie de nos décisions et de nos actions. Et, de ce fait, nous nous montrons vulnérables et dépendants, car nous sommes persuadés que les « autres » nous représentent et nous soutiennent dans notre vie de tous les jours.
Durant la guerre froide, les stratèges militaires américains ont décrit notre monde comme « VUCA », un acronyme puissant, toujours d’actualité, puisqu’il caractérise notre environnement de la manière suivante :
– Volatil : les situations sont inattendues ou changeantes ou imprévisibles ;
– incertain (Uncertainty) : il y a un manque d’informations et de données, plus particulièrement en ce qui concerne les causes d’une situation ou les résultats des actions entreprises ;
– Complexe : la situation est composée d’une multitude d’éléments interdépendants, organisés en réseau, fonctionnant comme les rouages d’une horloge ;
– Ambigu : la situation n’est ni claire ni familière ; la manière dont les éléments interagissent pour construire la situation est inconnue.
Aucun individu isolé ne serait capable de survivre dans ce monde, à moins de choisir de se retirer dans un coin très reculé de la planète, en autarcie complète, et sans la moindre connexion internet. Pour faire face à cette « modernité », il nous faut avancer groupés, en tissant des relations et en nous reposant sur des systèmes sociaux capables d’appréhender toutes les dimensions de ce monde VUCA, sur des systèmes qui nous aident aussi à diminuer les risques et à éviter les dérapages. Du moins est-ce l’illusion à laquelle l’homme contemporain souhaite croire…
Les piliers de l’estime de soi*
La première personne sur qui nous pouvons nous reposer est probablement nous-même. Sans une estime de soi stable