La loi sur la continuité des entreprises revisitée par la loi du 27 mai 2013
Par Cédric Alter et Alain Zenner
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À propos de ce livre électronique
À l’expérience, avec un taux d’échec des procédures de réorganisation de l’ordre de 60 à 65 %, trop de requêtes se sont cependant avérées inutiles, voire dilatoires ; il fallait donc resserrer le portail. L’augmentation continue du nombre de faillites impliquait aussi une meilleure prévention des fermetures d’entreprises. Beaucoup d’entrepreneurs se plaignaient des distorsions de concurrence consécutives à des abus. Menacée par ailleurs dans son application par des mesures de faveur glissées subrepticement dans les dernières-lois salmigondis en faveur du fisc ou de l’ONSS, la position des créanciers publics nécessitait des arbitrages. De nombreuses controverses appelaient aussi des clarifications.
D’où l’ajustement de cette loi, par la loi du 27 mai 2013 « modifiant diverses législations en matière de continuité des entreprises », à l’occasion de laquelle le législateur a aussi institué le dossier électronique de la réorganisation.
L’ouvrage émanant de spécialistes reconnus de la matière examine de manière approfondie les innovations qu’apporte la loi nouvelle et évoque quelques premières décisions de jurisprudence en la matière.
Il intéressera bien évidemment les professionnels du droit, mais aussi les professionnels du chiffre que la loi dote de nouvelles missions et responsabilités en les instituant en garants de la continuité des entreprises ou, à défaut … de leur discontinuité rapide.
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La loi sur la continuité des entreprises revisitée par la loi du 27 mai 2013 - Cédric Alter
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ISBN : 978-2-8044-6712-8
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9782804467128_Collection.jpgDepuis 1881, le Journal des tribunaux suit, à un rythme depuis longtemps hebdomadaire, l’actualité du droit, de la jurisprudence et de la vie judiciaire au sens large. Sa vocation généraliste l’amène à aborder les matières les plus diverses, de façon approfondie. Mais un nombre forcément limité de pages est consacré aux articles de fond et aux « Vie du droit ».
Or, ce droit évolue et ne cesse de croître en technicité et complexité, et donc aussi en volume, hélas. C’est ainsi qu’ont été créés en 1992 les Dossiers du J.T., qui sont consacrés à des monographies et à des chroniques de jurisprudence impossibles à publier dans les colonnes du Journal en raison de leur longueur. Elles ont été choisies par le comité de rédaction du J.T. comme un complément naturel et nécessaire des articles de doctrine que nous publions chaque semaine.
Georges-Albert Dal,
rédacteur en chef du
« Journal des tribunaux »
Sommaire
Introduction
Chapitre I. – Les modifications apportées par la loi nouvelle
pour rencontrer les difficultés d’application de la loi
sur la continuité des entreprises
Section 1. – Une priorité : la prévention des faillites (notamment…
en déclarant les faillites sans retard)
Section 2. – La prévention des abus
Section 3. – La possibilité de déposer un nouveau plan
Section 4. – La position des créanciers publics
Section 5. – Le principe d’égalité : « quousque tandem ? »
Section 6. – Le transfert d’entreprise
Section 7. – Autres ajustements
Chapitre II. – L’organisation du dossier électronique
Chapitre III. – Les modifications de la législation sociale
Chapitre IV. – Dispositions transitoires et entrée en vigueur
Conclusion
Texte coordonné
Gecoördineerde Tekst
Introduction
1. « On ne meurt pas de ses dettes. On meurt de ne plus pouvoir en faire », clamait Louis-Ferdinand Céline dans Mort à crédit ! Faut-il conduire les entreprises en difficulté à l’échafaud, ou faut-il échafauder pour elles des solutions de continuité ? C’est ce que le législateur s’est efforcé de faire avec la loi éponyme du 31 janvier 2009¹, entrée en vigueur le 1er avril suivant.
Demi-succès ou demi-échec ?
2. Sur le plan statistique, le succès était de toute évidence au rendez-vous. En 2008, seules 78 entreprises avaient bénéficié d’un sursis concordataire ; même au cours de l’année de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur le concordat judiciaire, dix ans plus tôt, 180 entreprises seulement avaient eu recours au nouveau régime de 1997, et ce fut là le record annuel des demandes ! Depuis l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, le 1er avril 2009, ce nombre a explosé, avec 633 procédures engagées en 2009, 1.253 en 2010, 1.389 en 2011 et 1.537 en 2012 : le 31 décembre dernier, 4.812 procédures de réorganisation judiciaire (PRJ) avaient donc été ouvertes². Manifestement, la loi est arrivée à point nommé pour contribuer à absorber le choc de la crise de 2008.
En revanche, d’après la firme Graydon qui recueille et fournit ces statistiques, le recours à la loi est loin de garantir le succès des réorganisations entreprises : quelque 70 % des entreprises demanderesses finiraient quand même par être tôt ou tard déclarées en faillite, un nombre dont il faut évidemment décompter les transferts d’entreprise, qui sont généralement suivis d’office d’un jugement déclaratif prononcé dans le but de permettre l’intervention du Fonds d’indemnisation, mais ces transferts ne représenteraient que 5 à 10 % du total : le « déchet net » avoisinerait ainsi les 60-65 %³ ! Manifestement, trop de procédures étaient ouvertes inutilement, voire abusivement ; il fallait donc resserrer le portail.
Menacée par ailleurs dans son application par des mesures de faveur glissées subrepticement dans les dernières lois-salmigondis (loi de dispositions diverses de 2011, loi-programme de 2012) à l’initiative du fisc et de l’ONSS, la loi pouvait paraître avoir la tête sur le billot.
D’où cette question, après deux ans de pratique : fallait-il la supprimer, l’« ajuster », la corriger, la modifier, la clarifier, mieux l’appliquer ?
Stress-test et projet d’ajustement
3. Pour y voir plus clair, la loi a été soumise au cours de l’année judiciaire 2011-2012 à un stress-test : d’une part, une évaluation d’ordre économique, conduite par la FEB en liaison avec le Réseau CAP⁴ et CAP Netwerk Vlaanderen⁵, qui a débouché sur un rapport présenté le 28 mars 2012 par la FEB en présence de la ministre de la Justice ; d’autre part, une évaluation d’ordre juridique, entreprise par l’Ordre français des avocats au Barreau de Bruxelles sous l’enseigne des États généraux de la continuité des entreprises, dont les travaux ont été rassemblés dans un ouvrage de près de 800 pages publié aux éditions Larcier sous le titre Actualité de la continuité, continuité de l’actualité à l’occasion d’un colloque tenu au Palais de Justice de Bruxelles le 14 juin 2012.
Forte de ces rapports, la ministre de la Justice a invité la FEB à mettre en place un groupe de travail chargé de concevoir et de rédiger une proposition d’ajustement de la loi de 2009. Le temps politique n’est malheureusement pas le temps de la réflexion⁶, de sorte que le travail n’a pas été aussi approfondi que d’aucuns l’espéraient. En quatre ou cinq sessions, le groupe, dirigé par M. Ivan Verougstraete, a néanmoins élaboré un avant-projet technique parant au plus pressé. Après quelques consultations avec divers organismes intéressés sur la « faisabilité » de certaines dispositions envisagées, la ministre fut saisie d’un avant-projet en septembre 2012.
Un second volet fut ajouté à cet avant-projet pour adapter la loi du 20 septembre 1948 portant organisation de l’économie et la loi du 4 août 1996 relative au bien-être des travailleurs lors de l’exécution de leur travail à la suite de l’adoption de la loi relative à la continuité des entreprises. Diverses adaptations de la législation sociale s’étaient en effet avérées nécessaires en ce qui concerne le statut et la fonction des représentants des travailleurs en cas de transfert sous autorité de justice, en particulier des lois précitées.
Après des retouches consécutives aux négociations organisées les 5 et 11 décembre 2012 en inter-cabinets, dont les procès-verbaux surprennent au constat que l’intérêt particulier de certains départements prime parfois sur l’intérêt général, un (avant-)« Projet de loi portant ajustement de la loi relative à la continuité des entreprises et organisant le dossier électronique et modifiant les lois du 20 septembre 1948 portant organisation de l’économie et du 4 août 1996 relative au bien-être des travailleurs lors de l’exécution de leur travail » fut adopté par le Conseil des ministres le 21 décembre 2012 et communiqué pour avis au Conseil d’État. Rendu le 16 janvier 2013, cet avis⁷, essentiellement de forme, entraîna l’adaptation de certains articles du projet et de leur numérotation, ainsi que de son intitulé, devenu « Projet de loi modifiant diverses législations en matière de continuité d’entreprises ».
Enregistré à la Chambre le 12 mars 2013⁸, ce projet fut examiné par sa commission chargée des problèmes de droit commercial et économique au cours de ses réunions des 19 et 26 mars, en même temps que deux propositions de loi jointes. Quelque quatorze amendements furent déposés⁹, mais, exception faite de ceux relatifs à la mission des professionnels du chiffre et de modifications de forme notamment inspirées par une note légistique du Service juridique de la Chambre, ils furent tous rejetés. Ainsi notamment l’intitulé du projet fut-il modifié sur un point de détail pour substituer les mots « continuité des entreprises » aux mots « continuité d’entreprises ». Le rapport des travaux, présenté par MM. Karel Uyttersprot et Bruno Tuybens, fut approuvé le 16 avril 2013¹⁰. Le texte adopté en commission¹¹ fut voté en séance plénière le 2 mai 2013¹² et transmis au Sénat¹³, qui s’abstint de l’évoquer¹⁴. Ainsi la loi fut-elle promulguée par le Roi le 27 mai 2013 et publiée au Moniteur belge du 22 juillet 2013¹⁵. Pour l’essentiel de ses dispositions¹⁶, la loi nouvelle (ci-après « loi nouvelle » ou « loi modificative ») entrait en vigueur dix jours après sa publication, soit le 1er août 2013.
Comme la ministre de la Justice l’a souligné dans son exposé introductif à la Chambre, le projet de loi n’avait « pas pour objectif de réaliser une réforme profonde de notre droit de la réorganisation judiciaire, car la pratique est trop brève, mais d’apporter des ajustements et des améliorations ponctuelles là où c’est nécessaire afin de rendre la loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises plus performante et efficace » ; la loi nouvelle ne touche donc pas aux principes fondamentaux de la loi de 2009. Ses objectifs ont été énoncés comme suit par la ministre :
« – préciser certains concepts ;
– étendre le champ d’application de la loi aux agriculteurs afin de ne pas créer une discrimination entre les sociétés agricoles et les agriculteurs ;
– préciser certaines règles procédurales ;
– améliorer la prévention et la détection des entreprises en difficulté ;
– améliorer l’accès au dossier en permettant la création d’un dossier électronique, assurant ainsi une meilleure information des créanciers ;
– renforcer le rôle des professionnels du chiffre ;
– tenter de mettre fin aux abus, notamment aux demandes intempestives, et améliorer la protection des créanciers, y compris les travailleurs ;
– étendre le système de décharge aux conjoint, ex-conjoint, etc., comme prévu par la loi sur les faillites ;
– modifier l’article 61 suite à l’adoption de la convention collective de travail no 102 […] ».
Le présent ouvrage livre d’abord un commentaire des modifications de fond de la loi relative à la continuité des entreprises, traite brièvement de l’organisation du dossier électronique conçue par la loi, aborde les modifications que la loi nouvelle apporte à la législation sociale, et évoque enfin les dispositions transitoires et l’entrée en vigueur de cette loi.
Entreprises en difficultés vs entreprises sans difficultés
4. Avant d’évoquer les difficultés rencontrées dans la pratique de la loi relative à la continuité des entreprises et les principales modifications qu’y apporte la loi du 27 mai 2013 pour y porter remède, observons cependant ce rappel pertinent du Professeur Michèle Grégoire que « le redressement de l’économie ne se conçoit que si l’attention de l’organisation juridique et sociale retient comme paradigme de droit économique l’entreprise sans difficulté, et non le contraire » et qu’il ne faut pas que la continuité des entreprises en difficulté se fasse au détriment des entreprises saines, de sorte qu’il convient de veiller à ce que la loi ne soit pas « interprétée avec angélisme ou utilisée avec un opportunisme cynique »¹⁷.
C’est pour les débiteurs en difficulté que la loi a été conçue, et non pour les débiteurs aux abois, il faut le souligner. Ses faveurs ne se justifient qu’au bénéfice de ceux qui y recourent à temps et sont encore en mesure de proposer un projet réaliste. Le laxisme dans la déclaration des faillites ou dans la conduite des réorganisations judiciaires ne sert jamais qu’à court terme l’entreprise bénéficiaire tandis qu’il nuit à long terme à ses concurrents.
Un rapport savant a récemment abordé de manière novatrice ce dilemme qui oppose une vision micro-économique du phénomène de la défaillance, centrée sur l’entreprise en difficulté et l’emploi qui en dépend, à une vision macro-économique, centrée sur une appréhension globale du marché et les conditions de la concurrence¹⁸.
Cette différence d’approche fut déjà illustrée de manière flagrante lors des difficultés éprouvées en 1980 par la société Vanden Borre, que le non-paiement de cotisations sociales mettait en mesure de pratiquer des réductions de prix significatives : préoccupé de l’emploi, le juge saisi de l’enquête commerciale sur cette société s’abstenait de provoquer la faillite, tandis que le juge des pratiques du commerce du même tribunal, saisi d’une action en cessation par différents concurrents et une association professionnelle, ordonnait l’arrêt pur et simple de toute activité commerciale pour le cas où les cotisations litigieuses ne seraient pas payées dans le délai fixé¹⁹. Avant l’expiration de ce délai, la société déposa son bilan.
On ne peut donc apprécier l’opportunité d’une réorganisation judiciaire en cantonnant le regard à l’entreprise qui en fait l’objet. Les répercussions de la procédure sur les créanciers et sur les entreprises concurrentes doivent être prises en compte.
Au cours des travaux en commission, plusieurs intervenants ont déploré que tant de procédures de réorganisation judiciaire ne soient engagées que lorsque l’entreprise demanderesse est déjà virtuellement en faillite. Dans ce contexte a été évoquée l’extension de la compétence des tribunaux de commerce : la ministre a précisé qu’elle était « prévue dans un projet de loi en cours d’élaboration et pour lequel les discussions au Conseil des ministres doivent encore débuter »²⁰.
Ajoutons que les spécialistes du droit de l’insolvabilité, cette science de la continuité et de la discontinuité, pourraient être portés à réfléchir davantage aux conditions économiques du développement des entreprises, et aborder le handicap de compétitivité dont souffrent les entreprises belges du fait de l’indexation, de la flexibilité insuffisante sur le marché du travail, du coût de l’énergie, etc.
1 La loi « relative à la continuité des entreprises » (LCE) du 31 janvier 2009 a été accompagnée de la loi « modifiant le Code judiciaire concernant la continuité des entreprises » du 26 janvier 2009.
2 Selon les statistiques de la S.A. Graydon Belgium ; les nombres cités dans l’exposé des motifs du projet de loi modificative sont légèrement différents. Le site web de Graydon Belgium actualise régulièrement ses statistiques sous la direction de M. Eric Van den Broele.
3 S’agissant du taux de mortalité des entreprises en réorganisation judiciaire, il s’observe que M. Arnaud Montebourg, Ministre français du Redressement productif, exposait quelques mois après son entrée en fonction que « La moitié des entreprises placées en sauvegarde vont au redressement judiciaire, et 75 % des redressements aboutissent à une liquidation ». Il en concluait qu’il « faut agir avant », bien en amont, constatant que les patrons « sont souvent les derniers à vouloir faire des confidences à l’État sur leurs difficultés » et annonçait la désignation de vingt-deux « commissaires au redressement productif » dans les vingt-deux régions de France métropolitaine, chargés de repérer les PME en péril et d’éviter leur naufrage (Le Monde daté du 3 juillet 2012, p. 12).
4 Le Réseau CAP (pour Continuité, Accompagnement, Prévention) est une association de fait constituée à l’initiative de MM. A. Zenner et G. Delvaux au début avril 2009, à l’occasion de l’entrée en vigueur de la loi relative à la continuité des entreprises. L’association rassemble des membres de la famille judiciaire (présidents des tribunaux et autres magistrats professionnels du siège ou du parquet, juges consulaires, avocats), des professionnels du chiffre (IRE, IEC, IPCF), des représentants des chambres de commerce et d’autres associations professionnelles, des dirigeants d’entreprise, des spécialistes du monde de l’entreprise, de la banque et de la finance et des associations ou fédérations professionnelles ou sociétés spécialisées, et œuvre en association avec l’Ordre des experts comptables et comptables brevetés de Belgique. Elle a pour objectif de contribuer à assurer la continuité des entreprises en promouvant la connaissance de la loi y relative et des réglementations fédérales ou régionales connexes, en concourant à une pratique adéquate et uniforme de ladite loi, tant sur le plan extrajudiciaire que sur le plan judiciaire, et en encourageant toutes mesures de nature législative, réglementaire ou jurisprudentielle qui se révéleraient utiles à l’expérience pour mieux rencontrer les objectifs de cette loi, qu’elles soient préventives ou curatives. Elle met en œuvre sa mission en informant régulièrement ses membres de tous développements judiciaires ou extrajudiciaires dont la connaissance est utile pour contribuer aux objectifs de l’association, et ce, sous forme d’alertes ponctuelles, d’informations occasionnelles ou de rapports périodiques ; en organisant des programmes de formation à l’intention des acteurs de la loi (magistrats professionnels et consulaires et mandataires de justice), de ses praticiens (avocats, conseils juridiques, consultants d’entreprises, professionnels du chiffre), des dirigeants d’entreprise, des organisations professionnelles, et de tous autres intéressés (actionnaires ou associés, banquiers, candidats-repreneurs) ; en concourant aux travaux (pré)législatifs ; en soutenant une offre de services de qualité de ses membres, comme acteur ou consultant, à des conditions raisonnables.
5 L’association CAP Netwerk Vlaanderen a été créée à l’incitation du Réseau CAP sous l’égide de la Vlaamse Federatie van vrije en intellectuele beroepen et est dirigée par Mme Melissa Vanmeenen, professeur à l’Université d’Anvers.
6 Sur les malheurs du travail législatif, voy. A. Zenner, J.-Ph. Lebeau et C. Alter, La loi relative à la continuité des entreprises à l’épreuve de sa première pratique, Coll. Les dossiers du J.T., no 26, Bruxelles, Larcier, 2010, pp. 43 à 45. Adde D. Sterckx, « Supplique à Messieurs les Présidents du Sénat et de la Chambre en vue de promouvoir la connaissance de quelques rudiments de droit parmi les représentants de la Nation », J.T., 2003, p. 713.
7 Avis no 52.654/2, Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 2012-2013, no 53-2692/001, pp. 63 à 104.
8 Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 2012-2013, no 53-2692/001 : http://www.lachambre.be/FLWB/PDF/53/2692/53K2692001.pdf.
9 Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 2012-2013, no 53-2692/002.
10 Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 2012-2013, no 53-2692/003.
11 Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 2012-2013, no 53-2692/004.
12 Compte-rendu analytique du 2 mai 2013, Doc. CRABV PLEN 140, pp. 25 à 37 ; http://www.lachambre.be/doc/PCRA/pdf/53/ap140.pdf.
13 Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 2012-2013, no 53-2692/005 et no 53-2692/006.
14 Les données relatives au projet de loi, à son examen, à son adoption et à sa promulgation sont résumées dans le document parlementaire no 53K2692, accessible sur http://www.lachambre.be/kvvcr/showpage.cfm?section=/flwb&language=fr&rightmenu=right&cfm=/site/wwwcfm/flwb/flwbn.cfm?lang=F&legislat=53&dossierID=2692.
15 M.B., 22 juillet 2013, p. 45.665.
16 Voy. infra pour un examen plus détaillé.
17 M. Grégoire, « Le point de vue des créanciers face à la réorganisation de l’entreprise de leur débiteur », in Réorganisation judiciaire, faillite, liquidation déficitaire : actualités et pratique, Coll. CUP, vol. 120, Liège, Anthemis, 2010, nos 2 et 3, p. 208.
18 A. Vallery et E. Hujoel, « La loi sur la continuité des entreprises à l’épreuve du droit de la concurrence », in A. Zenner et M. Dal (dir.), Actualité de la continuité, continuité de l’actualité – États généraux de la continuité des entreprises, Bruxelles, Larcier, 2012, pp. 651 à 697.
19 Comm. Bruxelles (cess.), 13 octobre 1980, Vanden Borre, J.T., 1980, p. 728. Comp. Bruxelles (cess.), 7 juillet 1983, R.D.C., 1984, p. 319.
20 Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 2012-2013, no 53-2692/003, p. 14.
Chapitre I
Les modifications apportées par la loi nouvelle pour rencontrer les difficultés d’application de la loi sur la continuité des entreprises
Section 1
Une priorité : la prévention des faillites (notamment… en déclarant les faillites sans retard)
§ 1. Le constat
A. Le dépistage, clef de voûte de la continuité
5. La clef de voûte de la continuité, c’est évidemment la prévention des faillites, et pour commencer le dépistage des entreprises menacées de discontinuité. À ce sujet, M. Duplat rappelait au colloque précité de l’Ordre français des avocats au Barreau de Bruxelles du 14 juin 2012 « que les services de dépistage ont pour vocation, lorsqu’un redressement s’avère impossible, de veiller à ce que la faillite soit prononcée SANS RETARD et ce pour éviter de porter préjudice aux créanciers et (ou) aux concurrents ». Et, disant les choses telles qu’elles sont, il ajoutait : « J’ai le sentiment que l’on ne tient pas suffisamment compte des intérêts légitimes des créanciers et concurrents lorsqu’une entreprise n’a guère de chances de se redresser. Nos tribunaux ne tardent-ils pas à prononcer des faillites alors même que la situation est sans issue (accumulation de retards ONSS et fisc, pertes de plus de 50 % du capital sans espoir de recapitalisation, etc.) ? Le régime de la continuité ne peut s’appliquer que si les chances de succès sont réelles ».
M. Duplat a plus que raison : le dévouement de ceux qui y consacrent leur temps, à commencer par les juges consulaires, est certes exemplaire et a sans doute porté beaucoup de fruits ; néanmoins, plus de trente années de pratique amènent à se demander si, dans les conditions actuelles, ce dépistage remplit adéquatement son office. Auteur d’une thèse récente sur les services d’enquête commerciale et Professeur à l’Université d’Anvers, Mme Melissa Vanmeenen exprime les mêmes doutes. Et tous les jours se rencontrent de nouveaux interlocuteurs qui dressent un constat identique : la plupart des entreprises dont les chambres d’enquête commerciale connaissent les dossiers sont déjà virtuellement en faillite au moment où elles sont convoquées. On se rappellera par ailleurs un séminaire consacré le 2 décembre 1993 aux projets de loi de l’époque sur les faillites et concordats¹ où les participants – avocats, experts-comptables, réviseurs, banquiers, tous familiers des difficultés d’entreprise, furent sondés : fallait-il plus ou moins de rigueur dans l’appréciation des conditions de la faillite ? Plus de 95 % des répondants jugèrent que les tribunaux tardent généralement trop à déclarer les faillites !
Il n’est dès lors pas étonnant que les tribunaux de commerce ne soient pas le moteur de la réorganisation judiciaire, comme ils devraient l’être, et qu’il est souvent trop tard quand les entreprises en difficulté recourent à la procédure. Chaque abus dans le recours à la procédure par des entreprises en faillite virtuelle sans aucune chance de continuité ne signe-t-il pas un échec du dépistage ?
À la décharge du système des enquêtes commerciales, on soulignera qu’il repose sur le bénévolat dans l’exercice d’une tâche administrative qui n’est pas naturellement celle des organes de l’ordre judiciaire et que les moyens dont disposent les tribunaux de commerce sont très limités.
Nos bizarreries institutionnelles ne facilitent d’ailleurs pas la tâche : l’organisation juridique de la prévention en droit commercial relève de l’État fédéral mais, dans l’ordre économique, la prévention est l’apanage des Régions². C’est le motif pour lequel le législateur a prévu dès la réforme du concordat de 1997 une interaction entre les services d’enquêtes commerciales et les « organismes publics ou privés désignés ou agréés par l’autorité compétente pour assister les entreprises en difficulté », dont le principe fut déposé aux articles 8, alinéa 3, et 12, § 3, de la LCE, habilitant le Roi à fixer les modalités de communication des données recueillies lors des enquêtes commerciales auxdits organismes. Mais ces dispositions sont demeurées lettre morte et la prévention régionale est, sauf cas particuliers, inexistante.
La prévention administrative n’a en effet jamais atteint ses objectifs. En 1985, la Région flamande instaura la Vlaamse commissie voor preventief bedrijfsbeleid³ mais un désaccord politique entraîna la fin de ses activités quelque quinze années plus tard. Le relais fut alors pris par la Vlaams Agentschap Ondernemen dont l’action demeura limitée et qui fut fusionnée avec l’Agentschap Economie qui en a repris la dénomination, est chargée de développer une politique de prévention et peut offrir des appuis et des avis, mais il est difficile, à défaut de données, de mesurer l’efficacité de son travail. Sans méconnaître le rôle de la SOWAGEP qui peut intervenir dans le financement d’entreprises en difficulté jugées d’intérêt régional (non sans considérations politiques), aucune structure publique particulière de prévention ne semble exister en Wallonie. En Région de Bruxelles-Capitale a été institué au sein de BECI le Centre des entreprises en difficulté, dont le maigre budget ne lui permet que d’assumer un rôle très limité d’écoute et d’orientation de débiteurs en difficulté modestes⁴. Le ministre bruxellois de l’Économie et de l’Emploi a signé en 2009 une convention avec divers interlocuteurs économiques bruxellois, dont le Réseau CAP, dans le but d’organiser une prévention efficace, mais les intentions proclamées n’ont pas débouché à ce