Les Femmes de la Révolution
Par Ligaran et Jules Michelet
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Aperçu du livre
Les Femmes de la Révolution - Ligaran
L’espèce de galerie ou musée biographique que le lecteur va parcourir se compose principalement des portraits de femmes que M. Michelet a tracés dans son Histoire de la Révolution.
Quelques-uns étaient incomplets, l’historien n’ayant dû, dans cette histoire générale, les esquisser que de profil. Il y a suppléé d’après les meilleures sources biographiques.
Plusieurs articles sont neufs, comme on le verra ; d’autres ont été refondus ou considérablement développés.
I
I
Aux femmes, aux mères, aux filles
(1er mars 1854.)
Ce livre paraît le jour où l’on ferme les livres, où les évènements prennent la parole, où recommence la guerre européenne, interrompue quarante années.
Et comment liriez-vous ? vous regardez là-bas où vont vos fils, vos frères ! – ou plus près, sur la ligne où vos époux peut-être iront demain ! Votre âme est aux nouvelles, votre oreille au canon lointain ; vous écoutez inquiètes son premier coup, solennel et profond, qui tonne pour la grande guerre religieuse de l’Orient et de l’Occident.
Grande guerre, en vérité, et qu’on ne limitera pas. Pour le lieu, pour le temps, et pour le caractère, elle ira grandissant. C’est la guerre de deux dogmes, ô femmes ! de deux symboles et de deux fois, la nôtre et celle du passé. Ce caractère définitif, obscur encore dans les tâtonnements, les balbutiements de la politique, se révélera de plus en plus.
Oui, quelles que soient les formes équivoques et bâtardes, hésitantes, sous lesquelles se produit ce terrible nouveau-né du temps, dont le nom sonne la mort de tant de cent mille hommes, – la guerre, – c’est la guerre du christianisme barbare de l’Orient contre la jeune foi sociale de l’Occident civilisé. Lui-même, l’ennemi, l’a dit sans détour du Kremlin. Et la lutte nouvelle offre l’aspect sinistre de Moloch défendant Jésus.
Au moment d’apporter notre existence entière, nos fortunes et nos vies à cette grande circonstance, la plus grave qui fut jamais, chacun doit serrer sa ceinture, bien ramasser sa force, regarder dans son âme, dans sa maison, s’il est sûr d’y trouver l’unité qui fait la victoire.
Que serait-ce, dans cette guerre extérieure, si l’homme encore avait la guerre chez lui, une sourde et énervante guerre de larmes ou de muets soupirs, de douloureux silences ? si la foi du passé, assise à son foyer, l’enveloppant de résistances, de ces pleurs caressants qui brisent le cœur, lui tenait le bras gauche, quand il doit frapper des deux mains… ?
« Dis-moi donc, femme aimée ! puisque nous sommes encore à cette table de famille où je ne serai pas toujours, dis-moi, avant ce sauvage duel, quelque part qu’il me mène, seras-tu de cœur avec moi ?… Tu t’étonnes, tu jures en pleurant… Ne jure pas, je crois tout. Mais je connais ta discorde intérieure. Que feras-tu dans ces extrémités où la lutte actuelle nous conduira demain ?
À cette table où nous sommes deux aujourd’hui et où tu seras seule, élève et fortifie ton cœur. Mets devant toi l’histoire héroïque de nos mères, lis ce qu’elles ont fait et voulu, leurs dévouements suprêmes, leur glorieuse foi de 89, qui, dans une si profonde union, dressa l’autel de l’avenir.
Âge heureux d’actes forts, de grandes souffrances, mais associées, d’union dans la lutte, de communauté dans la mort !… âge où les cœurs battirent dans une telle unité d’idée, que l’Amour ne se distingua plus de la Patrie !
Plus grande aujourd’hui est la lutte, elle embrasse toute nation, – plus profonde, elle atteindra demain la plus intime fibre morale. Ce jour-là, que feras-tu pour moi ? Demande à l’histoire de nos mères, à ton cœur, à la foi nouvelle, pour qui celui que tu aimes veut combattre, vivre et mourir.
Qu’elle soit ferme en moi ! et que Dieu dispose… Sa cause est avec moi… La fortune y sera aussi et la félicité, quoi qu’il arrive, si toi, uniquement aimée, tu me restes entière, et si, unie dans mon effort et ne faisant qu’un cœur, tu traverses héroïque cette crise suprême d’où va surgir un monde. »
II
Influence des femmes au dix-huitième siècle – Maternité
Tout le monde a remarqué la fécondité singulière des années 1768, 1769 et 1770, si riches en enfants de génie, ces années qui produisent les Bonaparte, les Fourier, les Saint-Simon, les Chateaubriand, les de Maistre, les Walter Scott, les Cuvier, les Geoffroy Saint-Hilaire, les Bichat, les Ampère, un incroyable flot d’inventeurs dans les sciences.
Une autre époque, antérieure de dix ans (vers 1760), n’est pas moins étonnante. C’est celle qui donna la génération héroïque qui féconda de son sang le premier sillon de la liberté, celle qui, de ce sang fécond, a fait et doué la Patrie ; c’est la Gironde et la Montagne, les Roland et les Robespierre, les Vergniaud et les Danton, les Camille Desmoulins ; c’est la génération pure, héroïque et sacrifiée qui forma les armées invincibles de la République, les Kléber et tant d’autres.
La richesse de ces deux moments, ce luxe singulier de forces qui surgissent tout à coup, est-ce un hasard ? Selon nous, il n’y a nul hasard en ce monde.
Non, la cause naturelle et très simple du phénomène, c’est la sève exubérante dont ce moment déborda.
La première date (1760 environ), c’est l’aube de Rousseau, le commencement de son influence, au premier et puissant effet du livre d’Émile, la vive émotion des mères qui veulent allaiter et se serrent au berceau de leur enfant.
La seconde date est le triomphe des idées du siècle, non seulement par la connaissance universelle de Rousseau, mais par la victoire prévue de ses idées dans les lois, par les grands procès de Voltaire, par ses sublimes défenses de Sirven, Calas et la Barre. Les femmes se turent, se recueillirent sous ces émotions puissantes, elles couvèrent le salut à venir. Les enfants à cette heure portent tous un signe au front.
Puissantes générations sorties des hautes pensées d’un amour agrandi, conçues de la flamme du ciel, nées du moment sacré, trop court, où la femme, à travers la passion, entrevit, adora l’idée.
Le commencement fut beau. Elles entrèrent dans les pensées nouvelles par celle de l’éducation, par les espérances, les vœux de la maternité, par toutes les questions que l’enfant soulève dès sa naissance en un cœur de femme, que dis-je ? dans un cœur de fille, bien longtemps avant l’enfant : « Ah ! qu’il soit heureux, cet enfant ! qu’il soit bon et grand ! qu’il soit libre !… Sainte liberté antique, qui fis les héros, mon fils vivra-t-il dans ton ombre ?… » Voilà les pensées des femmes, et voilà pourquoi dans ces places, dans ces jardins où l’enfant joue sous les yeux de sa mère ou de sa sœur, vous les voyez rêver et lire… Quel est ce livre que la jeune fille, à votre approche, a si vite caché dans son sein ? Quelque roman ? l’Héloïse ? Non, plutôt les Vies de Plutarque, ou le Contrat social.
La puissance des salons, le charme de la conversation, furent alors, quoi qu’on ait dit, secondaires dans l’influence des femmes. Elles avaient eu ces moyens au siècle de Louis XIV. Ce qu’elles eurent de plus au dix-huitième, et qui les rendit invincibles, fut l’amour enthousiaste, la rêverie solitaire des grandes idées, et la volonté d’être mères, dans toute l’extension et la gravité de ce mot.
Les spirituels commérages de madame Geoffrin, les monologues éloquents de madame de Staël, le charme de la société d’Auteuil, de madame Helvétius ou de madame Récamier, n’auraient pas changé le monde, encore moins les femmes scribes, la plume infatigable de madame de Genlis.
Ce qui, dès le milieu du siècle, changea toute la situation, c’est qu’en ces premières lueurs de l’aurore d’une nouvelle foi, au cœur des femmes, au sein des mères, se rencontrèrent deux étincelles : humanité, maternité.
Et de ces deux étincelles, ne nous en étonnons pas, sortit un flot brûlant d’amour et de féconde passion, une maternité surhumaine.
III
Héroïsme de pitié – Une femme a détruit la Bastille
La première apparition des femmes dans la carrière de l’héroïsme (hors de la sphère de la famille) eut lieu, on devait s’y attendre, par un élan de pitié.
Cela se fût vu en tout temps, mais, ce qui est vraiment du grand siècle d’humanité, ce qui est nouveau et original, c’est une persistance étonnante dans une œuvre infiniment dangereuse, difficile et improbable, une humanité intrépide qui brava le péril, surmonta tout obstacle et dompta le temps.
Et tout cela, pour un être qui peut-être à d’autres époques n’eût intéressé personne, qui n’avait guère pour lui que d’être homme et très malheureux !
Nulle légende plus tragique que celle du prisonnier Latude ; nulle plus sublime que celle de sa libératrice, madame Legros.
Nous ne conterons pas l’histoire de la Bastille, ni celle de Latude, si connue. Il suffit de dire que, pendant que toutes les prisons s’étaient adoucies, celle-ci s’était endurcie. Chaque année on aggravait, on bouchait les fenêtres, on ajoutait des grilles.
Il se trouva qu’en ce Latude, la vieille tyrannie imbécile avait enfermé l’homme le plus propre à la dénoncer, un homme ardent et terrible, que rien ne pouvait dompter, dont la voix ébranlait les murs, dont l’esprit, l’audace, étaient invincibles… Corps de fer indestructible qui devait user toutes les prisons, et la Bastille, et Vincennes, et Charenton, enfin l’horreur de Bicêtre, où tout autre aurait péri.
Ce qui rend l’accusation lourde, accablante, sans appel, c’est que cet homme, tel quel, échappé deux fois, se livra deux fois lui-même. Une fois, de sa retraite, il écrit à madame de Pompadour, et elle le fait reprendre ! La seconde fois, il va à Versailles, veut parler au roi, arrive à son antichambre, et elle le fait reprendre… Quoi ! l’appartement du roi n’est donc pas un lieu sacré !…
Je suis malheureusement obligé de dire que dans cette société molle, faible, caduque, il y eut force philanthropes, ministres, magistrats, grands seigneurs, pour pleurer sur l’aventure ; pas un ne fit rien. Malesherbes pleura, et Lamoignon, et Rohan, tous pleuraient à chaudes larmes.
Il était sur son fumier à Bicêtre, mangé des poux à la lettre, logé sous terre, et souvent hurlant de faim. Il avait encore adressé un mémoire à je ne sais quel philanthrope, par un porte-clef ivre. Celui-ci heureusement le perd, une femme le ramasse. Elle le lit, elle frémit, elle ne pleure pas, celle-ci, mais elle agit à l’instant.
Madame Legros était une pauvre petite mercière qui vivait de son travail, en cousant dans sa boutique ; son mari, coureur de cachets, répétiteur de latin. Elle ne craignit pas de s’embarquer dans cette terrible affaire. Elle vit, avec un ferme bon sens, ce que les autres ne voyaient pas, ou bien voulaient ne pas voir : que le malheureux n’était pas fou, mais victime d’une nécessité affreuse de ce gouvernement, obligé de cacher, de continuer l’infamie de ses vieilles fautes. Elle le vit, et elle ne fut point découragée, effrayée. Nul héroïsme plus complet : elle eut l’audace d’entreprendre, la force de persévérer, l’obstination du sacrifice de chaque jour et de chaque heure, le courage de mépriser les menaces, la sagacité et toutes les saintes ruses, pour écarter, déjouer les calomnies des tyrans.
Trois ans de suite, elle suivit son but avec une opiniâtreté inouïe dans le bien, mettant à poursuivre le droit, la justice, cette âpreté singulière du chasseur ou du joueur, que nous ne mettons guère que dans nos mauvaises passions.
Tous les malheurs sur la route, et elle ne lâche pas prise. Son père meurt, sa mère meurt ; elle perd son petit commerce ; elle est blâmée de ses parents, vilainement soupçonnée. On lui demande si elle est la maîtresse de ce prisonnier auquel elle s’intéresse tant. La maîtresse de cette ombre, de ce cadavre dévoré par la gale et la vermine !
La tentation des tentations, le sommet, la pointe aiguë du Calvaire, ce sont les plaintes, les injustices, les défiances de celui pour qui elle s’use et se sacrifie !
Grand spectacle de voir cette femme pauvre, mal vêtue, qui s’en va de porte en porte, faisant la cour aux valets pour entrer dans les hôtels, plaider sa cause devant les grands, leur demander leur appui.
La police frémit, s’indigne. Madame Legros peut être enlevée d’un moment à l’autre, enfermée, perdue pour toujours ; tout le monde l’en avertit. Le lieutenant de police la fait venir, la menace. Il la trouve immuable, ferme ; c’est elle qui le fait trembler.
Par bonheur, on lui ménage l’appui de madame Duchesne, femme de chambre de Mesdames. Elle part pour Versailles, à pied, en plein hiver ; elle était grosse de sept mois… La protectrice est absente ; elle court après, gagne une entorse, et elle n’en court pas moins. Madame Duchesne pleure beaucoup, mais hélas ! que peut-elle faire ? Une femme de chambre contre deux ou trois ministres, la partie est forte ! Elle tenait en main la supplique ; un abbé de cour, qui se trouve là, la lui arrache des mains, lui dit qu’il s’agit d’un enragé, d’un misérable, qu’il ne faut pas s’en mêler.
Il suffit d’un mot pareil pour glacer Marie-Antoinette, à qui l’on en avait parlé. Elle avait la larme à l’œil. On plaisanta. Tout finit.
Il n’y avait guère en France d’homme meilleur que le roi. On finit par aller à lui. Le cardinal de Rohan (un polisson, mais, après tout, charitable) parla trois fois à Louis XVI, qui par trois fois refusa. Louis XVI était trop bon pour ne pas en croire M. de Sartines, l’ancien lieutenant de police. Il n’était plus en place, mais ce n’était pas une raison pour le déshonorer, le livrer à ses ennemis. Sartines à part, il faut le dire, Louis XVI aimait la Bastille, il ne voulait pas lui faire tort, la perdre de réputation.
Le roi était très humain. Il avait supprimé les bas cachots du Châtelet, supprimé Vincennes, créé la Force pour y mettre les prisonniers pour dettes les séparer des voleurs.
Mais la Bastille ! la Bastille ! c’était un vieux serviteur que ne pouvait maltraiter à la légère la vieille monarchie. C’était un mystère de terreur, c’était, comme dit Tacite, –instrumentum regni.
Quand le comte d’Artois et la reine, voulant faire jouer Figaro, le lui lurent, il dit seulement, comme objection sans réponse : « Il faudrait donc alors que l’on supprimât la Bastille ? »
Quand la révolution de Paris eut lieu, en juillet 89, le roi, assez insouciant, parut prendre son parti. Mais, quand on lui dit que la municipalité parisienne avait ordonné la démolition de la Bastille, ce fut pour lui comme un coup à la poitrine : « Ah ! dit-il, voici qui est fort ! »
Il ne pouvait pas bien recevoir, en 1781 une requête qui compromettait la Bastille. Il repoussa celle que Rohan lui présentait pour Latude. Des femmes de haut rang insistèrent. Il fit alors consciencieusement une étude de l’affaire, lut tous les papiers ; il n’y en avait guère d’autres que ceux de la police, ceux des gens intéressés à garder la victime en prison jusqu’à la mort. Il répondit définitivement que c’était un homme dangereux ; qu’il ne pouvait lui rendre la liberté jamais.
Jamais ! tout autre en fût resté là. Eh bien, ce qui ne se fait pas par le roi se fera malgré le roi. Madame Legros persiste. Elle est accueillie des Condé, toujours mécontents et grondeurs ; accueillie du jeune duc d’Orléans, de sa sensible épouse, la fille du bon Penthièvre ; accueillie des philosophes, de M. le marquis de Condorcet, secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences, de Dupaty, de Villette, quasi-gendre de Voltaire, etc., etc.
L’opinion va grondant ; le flot, le flot va montant. Necker avait chassé Sartines ; son ami et successeur Lenoir était tombé à son tour… La persévérance sera couronnée tout à l’heure. Latude s’obstine à vivre, et madame Legros s’obstine à délivrer Latude.
L’homme de la reine, Breteuil, arrive en 83, qui voudrait la faire adorer. Il permet à l’Académie de donner le prix de vertu à madame Legros, de la couronner… à la condition singulière qu’on ne motive pas la couronne.
Puis, 1784, on arrache à Louis XVI la délivrance de Latude. Et, quelques semaines après, étrange et bizarre ordonnance qui prescrit aux intendants de n’enfermer plus personne, à la requête des familles, que sur raison bien motivée, d’indiquer le temps précis de la détention demandée, etc. C’est-à-dire qu’on dévoilait la profondeur du monstrueux abîme d’arbitraire où l’on avait tenu la France. Elle en savait déjà beaucoup, mais le gouvernement en avouait davantage.
Madame Legros ne vit pas la destruction de la Bastille. Elle mourut peu avant. Mais ce n’en est pas moins elle qui eut la gloire de la détruire. C’est elle qui saisit l’imagination populaire de haine et d’horreur pour la prison du bon plaisir qui avait enfermé tant de martyrs de la foi ou de la pensée. La faible main d’une pauvre femme isolée brisa, en réalité, la hautaine forteresse, en arracha les fortes pierres, les massives grilles de fer, en rasa les tours.
IV
L’amour et l’amour de l’idée (89-91)
Le caractère de ce moment unique, c’est que les partis y deviennent des religions. Deux religions se posent en face, l’idolâtrie dévote et royaliste, l’idéalité républicaine. Dans l’une, l’âme, irritée par le sentiment de la pitié même, rejetée violemment vers le passé qu’on lui dispute, s’acharne aux idoles de chair, aux dieux matériels qu’elle avait presque oubliés. Dans l’autre, l’âme se dresse et s’exalte au culte de l’idée pure ; plus d’idoles, nul autre objet de religion que l’idéal, la patrie, la liberté.
Les femmes, moins gâtées que nous par les habitudes sophistiques et scolastiques, marchent bien loin devant les hommes dans ces deux religions. C’est une chose noble et touchante, de voir parmi elles, non seulement les pures, les irréprochables, mais les moins dignes même, suivre un noble élan vers le beau désintéressé, prendre la patrie pour amie de cœur, pour amant le droit éternel.
Les mœurs changent-elles alors ? non, mais l’amour a pris son vol vers les plus