Les Galops Sauvages
Par Lucy Hanin
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Aperçu du livre
Les Galops Sauvages - Lucy Hanin
Terre de lumière gravée dans nos cœurs
Un siècle de présence française dans cette Algérie
Qui avait tant reçu !
Allongée sur mon gros fauteuil face à ma télévision pendant que mon fils ainé se démenait à me préparer un délicieux repas je dors une petite heure rêvant à mon passé, la vie est un rêve ! Mon roman me métamorphose, j’ai oublié les épreuves terribles de la maladie, j’ai été marquée par la souffrance, seul mes larmes coulent. Je suis heureuse et souriante. Il me fallut sept années pour faire ce travail d’écriture, je n’aurais jamais pensé être capable d’écrire mais je souhaitais avant tout raconter ma vie en Algérie et celle de ma famille. Je me suis acharnée sur ce désir à faire connaitre à mes enfants dans le but qu’ils prennent connaissance de notre famille en Algérie. J’ai donné le temps au temps à mon manuscrit pour explorer cent ans de vie dans ce pays pour notre famille. Je suis née avec un tremblement essentiel, j’ai pu le cacher sans difficulté je suis forte, animée d’un immense courage qui me viens de mon père cet être merveilleux me disait. ‘’Tchoucharelle’’ qui ne tente rien n’a rien, Il n’était pas du genre à ruminer. Inflexible sa force d’airain l’animait Je l’ai suivi tout au long de mes jeunes années. Le temps à passé !
Je le revois sur son tracteur avec mon petit- Fréderic, lui disant toujours la tête très haute, ne jamais baisser les bras !
Alors à bord de l’avion. Une dernière vision à travers le hublot s’offrait à nos yeux emplis de larmes. Au-dessous des nuages argentés, notre pays natal s’éloigna à tout jamais.
Sommaire
CHAPITRE I : ALGER-PLAGE
La Bohême
Le garde champêtre était horrible
Le village de Matifou
Une Superbe bicyclette
Vacances à Surcouf
Aux Bains Romains
Tipaza
Chapitre II : HIPPOLYTE-ALINE
CHAPITRE III : NOTRE GRAND-PÈRE RENÉ
Les verbiages allaient grand train
À L’opposé de la maison familiale
Enfants, nous étions de gais diablotins
Mes copains
Cependant, un été s’incrusta dans les mémoires.
Les Pères Blancs en Kabylie
CHAPITRE IV : JEANNE - GAËTAN
L’hôtel Saint-Georges
Parfums et chocolats
CHAPITRE V : LA FRANCE EN GUERRE.
Opération Torche
Chagrin d’école
Timgad
Peu de temps après le voyage, à Timgad
1945 FIN DE LA GUERRE
Le Général de Gaulle
CHAPITRE VI : 1945 FIN DE LA GUERRE
La poupée de porcelaine
Triste fut l’histoire au divorce de nos parents
Les beignets d’aubergines
Faille
Gaëtan, accusé par sa famille d’avoir vendu Des vignes
Le Mariage de notre père avec, la femme
Chez notre père
Un superbe bébé
Entre ma mère et ma sœur aînée
ÉTATS ALGÉRIENS
Chapitre VII : ALGER LA BLANCHE
Nous étions au mois d’Aout
Une Citroën.
Voici les confidences révélées par ma petite Grand-Mère
L’île Rouge
Un dimanche à Chifallo
La chaleur était à son comble 35 Degré
Marie notre repasseuse
Le 18 janvier 1956
La chaleur était à son comble 35 Degré
Septembre 1956 – La Cafétéria
Septembre 1956
Victoire du Général Massu.
13 mai 1958, le Putsch des Généraux.
Hôtel Saint-Georges.
Voici L’histoire de la belle Sophonisbe
L’Émir Abdelkader
Nous allâmes aux confins du Constantinois.
Nous emmenâmes Suzanne avec nous.
Septembre 1959, de Gaulle fonde la Cinquième
« Algérie… Française ! Algérie… Française !
Le 24 janvier 1960… Les Barricades
Notre Leader
Ruines Romaines
Maison-Blanche
Avril 1961
Le Baptême
Tous les jours étaient inscrits sur les murs d’Alger
Tous les jours étaient inscrits sur les murs d’Alger
Interdiction par l’OAS a la population
Le même jour, souvenir de ma p’tite sœur
Au XVIIe siècle, âge d’or de la piraterie
LE DEY A L’EVENTAIL 1827
Suzanne fut cette vague qui se jette et se brise en écume au
pied du colosse le Chenouah qui imperturbable surplombe
les flots détruisant sans le moindre remord.
CHAPITRE I
ALGER-PLAGE
Jeanne entra dans une nouvelle vie
Changea son prénom pour « Suzanne. » Alger-plage sera son refuge face à une situation difficile la précipitant dans des ennuis après avoir trompée son mari.
Notre père nous neutralisait, sa tranquillité profonde, son amour pour ses enfants, il révéla sa nature irréconciliable avec notre mère. Dans nos souvenirs, nos parents s’étaient aimés tendrement. Jeunes adolescents, nous cachions nos émotions. Notre père n’avait pas réussi à nous séparer. Maman le savait à l’affût de la moindre faille. Période de bonheur, interrompue par les colères du père faites envers la mère, faisant souffrir ses enfants, de cela il ne voulait en prendre conscience. Il aimait ses trois enfants, son but était de les rependre. Comment protéger notre maman triste ? Son bonheur à ce jour était auprès de ses trois enfants.
Nous avons longtemps ignoré les raisons pour lesquelles nos parents s’entredéchiraient.
Toto 11-15 ans, Nadé 9-13 ans, Titisse 6-10 ans.
La Bohême
Je veux parler des senteurs de ma jeunesse
De superbes villas, Ce lieu de vacances, apprécié par les Algérois, se trouvait à une dizaine de kilomètres Alger. Ses villas originales des plus simples aux plus excentriques, différentes les unes des autres, rivalisaient en profusion harmonieuse de fleurs, les volubilis bleutés grimpaient le long des murs. Les bougainvilliers d’un rouge grenat étaient magnifiques. Les chèvrefeuilles diffusaient leurs arômes capiteux. Un long chemin sablé longeait ces villas attrayantes, en bordure de plage. À l’opposé de ce chemin, au printemps, une floraison de plantes exotiques se parait de fleurs minuscules de toutes couleurs recouvrant le bord sableux. Des aloès extraordinaires en tailles aux teintes d’un vert si différent composaient de superbes ornements. Les flâneurs épris d’une délicieuse douceur de vivre, rester des heures sur les bancs percevant le long bercement des flots. Lieu d’aise de repos, que l’on voudrait un instant suspendre. La clarté du ciel sur les flots au bord d’une mer scintillante. Pour les amoureux enlacés qui attendaient paisiblement de voir le « rayon-vert », faisant un vœu, lorsque l’énorme soleil s’éclipsait dans l’infini d’une Méditerranée obscure, laissant dans les cieux de longues traînées arc-en-ciel.
Jeanne s’installa dans sa villa avec ses enfants.
Notre villa était de taille moyenne
De grands cyprès aux parfums délicats abritaient le jardin, formant une haie séparant les villas, sous lesquelles les après-midi de grande chaleur nous faisions la sieste allongée sur des transats. Tout autour de notre jardin fleuri, les plantes parfaitement entretenues étaient ravissantes. Tout au long de la route clôturant les villas poussaient des tamaris roses. Une porte de bois donnait accès à la villa. Sur le côté, un large portail pour le garage, au fond du jardin. À l’intérieur de la maison, le living avec une ample baie vitrée s’ouvrant sur le jardin, deux gros fauteuils, se faisaient face, une lourde table de bois avec six chaises disposées au milieu du living. Une cuisine donnait sur le jardin, tout contre une buanderie. De chaque côté, à l’opposé l’une de l’autre, deux grandes chambres. Nous avions réuni les lits dans une seule, cela était une nécessité. Nous faisions un corps inséparable.
Le lit principal nous suffisait pour dormir à trois, maman au milieu de nous, ses filles. Toto avait son lit en face.
Le rangement de la villa fut vite fait, avec deux placards, cela nous suffisait. À l’arrivée de l’hiver, Alger-plage était sans âme qui vive, les villas alentour étaient closes, il faisait excessivement froid.
Le soleil disparut, les volets fermaient, nous closions le dessous des portes.
La maison humide était chauffée par un seul poêle, nous devions l’allumer la nuit.
Suzanne si heureuse de voir son grand garçon, Toto, si réconfortant. Il prit l’initiative de nous guider nous ses sœurs. Avec petite Titisse, tout allait facilement, obéissante, confiante, elle admirait son grand frère. Avec moi bien souvent nos rapports étaient houleux. Pour tous nos jeux, la plupart du temps, cela se terminait en pugilat. Mon frère plus rapide gagnait tout en ricanant de ma lenteur. Rageuse, j’attrapais le jeu, je l’envoyais en l’air.
— Je ne jouerai plus jamais avec toi, tu as triché !
Avec mon frère, tout enfant, se gravait dans mes neurones le mot « perdre ». Plus tard, j’ai souvent gagné. J’adorais faire les courses, mon frère trop peureux n’aimait pas aller à l’épicerie. Le soir, tous réunis, Maman était d’humeur joyeuse, peu d’argent pour les repas, le plus souvent, du riz, des flocons d’avoine, du tapioca au lait sucré. Toto faisait le service, tout allait bien avec Titisse.
Je trouvais toujours à redire, exigeant de remettre, mon frère, avec moi, nos parts dans le plat pour recompter le nombre de cuillères égales, je criais :
— Il a pris une cuillère de plus, je l’ai bien vu.
Toto, taquin, jubilait de me voir râler. Nous aimions ce rituel, nous en jouions, tous deux sans nous en priver. Les repas de maman étaient délicieux, quelquefois c’était une purée de patates douces avec du caramel tellement bon. Toto se léchait les babines voyant l’île flottante arriver sur la table. Lorsque nous étions malades, maman ne faisait pas appel au médecin. Ayant trop peu d’argent, nous étions soignés avec ses méthodes spartiates, enduisant doucement d’huile d’olive très chaude notre gorge pour atténuer la douleur, espérant guérir ainsi les angines, les sinusites qui devenaient chroniques, durant plusieurs jours pour la petite Titisse. Suzanne faisait bouillir la journée dans une grande marmite, les feuilles d’eucalyptus cueillies durant nos promenades. La vapeur se diffusait. Un arôme imprégnait l’intérieur de la villa. Nous mettions une serviette sur notre tête pour l’inhaler. Lors des gros rhumes, Maman nous faisait des cataplasmes recouvrant notre poitrine de moutarde forte. Toto comme moi, nous étions rarement malades. Maman faisait la classe à deux fillettes de familles algériennes avec sa Titisse trop souvent malade, Suzanne leur enseignant en même temps le français, le calcul.
Petite Bouzoulouk
Pour Suzanne il était hors de question de voir ses filles faires le ménage, comme laver le parquet, la vaisselle, quant à elle ‘’avec son petit sein’’ elle était facilement fatiguée mais ne s’en est jamais plaint. Les enfants ignoraient ses douleurs lancinantes. Elle prit sous sa coupe, une fillette de 11ans un peu plus âgée que Titisse, celle-ci venait le matin l’aider à faire le ménage. L’après-midi Suzanne lui apprenait à lire à écrire lui enseignant le calcul, le français en même temps que deux fillettes de familles musulmanes avec sa Titisse.
Cette fillette avait une chevelure noire et crépue, impossible de passer le peigne, difficile de surveiller les poux. Suzanne coupa cette crinière le plus court possible puis lui blondit, Tous les mois, maman lui éclaircissait la racine. Elle était si mignonne frisée comme un petit mouton. Nous l’appelions Bouzoulouk. ‘’Mouton en arabe ‘’. Alors nous avons fini par la garder. Elle restait la nuit coucher sur un matelas de crins près de la porte. Bouzoulouk, était le souffre-douleur de Toto qui lui administrait parfois une bonne correction, c’était lui le maître mais il n’arrivait pas à se faire entendre.
Pour cela, nous étions contre lui. Maman donnait quelques billets au vieux père de cette fillette, il voulait la marier. Maman le grondait !
- Elle est trop jeune la loi interdit son mariage. La petite pleurait.
-Il veut m’échanger contre des moutons, avec le vieux, tous les ans il descend de sa montagne pour me prendre.
Pour la préserver de ce père avide maman ajoutait un peu plus d’argent chaque fois qu’il menaçait de l’emmener. Au fil du temps un lien se créa nous l’aimions bien, elle était si heureuse d’avoir appris à lire, à écrire. Nous l’avons emmenée lors de notre installation à Alger.
Son père avec quelques pièces nous la laissa.
En 1867 Monseigneur Lavigerie
Avait fondé, dans la plaine du Chéliff éprouvée, un double institut masculin et féminin Il créa les villages Sainte-Monique et Saint-Cyprien. Les Pères-Blancs, les Petites Sœurs-Blanches s’étaient installés au centre des monts Kabyles. Dans une masse indigène hostile à tout.
L’œuvre novice du cœur devait s’attacher à trois devoirs. Celui des malades souffrant sans remède, soignés par des marabouts. Celui de l’éducation morale, plus complexe qui provenait de la condition de la femme. Parce qu’elles peuvent traiter les femmes, l’action des petites sœurs Blanches pénètre davantage dans ces régions. Attirant à elles ces fillettes malheureuses. Tirer la femme de la vacuité ; les ouvroirs les accueillirent où elles apprirent la vannerie, le tissage des étoffes, des tapis de laine en lesquels se décèlent certains dessins relevés sur de veilles poteries. Elles apprenaient la vertu du travail à l’entretien de la maison. Pour les arabes en Kabylie les filles étaient objets de mépris, parfois honte des parents, elles demeuraient au foyer, réduites au rang de souillons mariées très jeune sans qu’on leur demandât leur avis, à un vieillard despotique.
La femme, bête de somme bonne à procréer si elle le pouvait, renvoyée sans pitié si le sort la voulait stérile, se voyait répudiée pour des motifs, d’une futilité extrême. Jeunes-filles elles étaient aimées, vieillies avant l’âge par les privations leur sort à la volonté de l’époux. Il était courant de voir encore, alentour des villages kabyles, tel chef de famille confortablement vêtu conduisant par la main ses garçons bien chaussés, au chaud dans leur houppelande tandis que suivaient, pieds nus dans la neige, épouses et fillettes sous des haillons de misères.
Le garde champêtre était horrible
Gaëtan, notre père, voulait tout savoir.
Sur nos fréquentations, notre façon de vivre. Il poursuivra Suzanne, demandant au garde champêtre de la surveiller, de lui rapporter ses faits et gestes. Ce sale type, se voyant investi d’une mission importante, rendait compte de tous faits et gestes de notre maman. Il recevait en échange un bon bakchich. Il se permit, une fois Suzanne seule, ses enfants à l’école, de pénétrer dans le jardin. Il s’approcha la regardant avec ses yeux noirs. Elle se barricadait. Nous avions peur de ce personnage, un Arabe des plus arrogants qui, non content de coincer notre maman, venait la nuit nous effrayer. Il frappait sur le volet de notre chambre en chuchotant grossièrement, cela avait quelque chose de sinistre, nous étions terrorisés. Un jour, sachant Suzanne seule, il réussit à rentrer dans le jardin, puis se faufila derrière la maison, pénétrant par la porte de la cuisine. Cet immonde salopard la coinça, Suzanne se débattit poussant des cris. De rage, il saisit son petit sein gauche, le tira en le tordant avec une telle force ! Elle hurla de douleur, se trouva mal. Ce sale type s’enfuit pour ne pas être surpris. Il nous laissa tranquilles quelque temps. Notre mère n’alla pas au commissariat du cap Matifou pour porter plainte, elle avait trop peur de son ex-mari qui en déduirait qu’elle était la seule blâmable de par son comportement. Suzanne n’en parla plus, mais dans son sein gauche se forma une boule. Le médecin lui avait dit. Il faut vous faire l’ablation de votre tété ! À la pensée d’une opération, se retrouver mutilée, elle n’en eut pas le courage. Il y notre chère Tante Rosine, mutilée à vie ; on lui avait enlevé un sein. Pour Maman, c’était devenu un sujet tabou, son « douloureux » secret.
Elle préféra se soigner seule en silence. Aucun sourire sur ses lèvres, que tristesse dans ses yeux. Où était cette maman si gaie à notre vie d’alors ?
Le village de Matifou
Maman m’avait inscrite au cours Despleine !
À un kilomètre cinq de la station balnéaire était le village de Matifou. Qui accueillait une trentaine d’adolescentes de la région. Les familles ne voulaient pas voir leurs enfants fréquenter l’école communale trop de mélange de milieux défavorisés, dont l’enseignement, le langage, la tenue étaient loin d’être parfaits. Chez M. et Mme Despleine : deux grandes pièces avaient été aménagées en salle de classe, dans chacune d’elles était installée une ample table entourée de chaises placées tout autour pour les enfants. L’une des salles de classe était destinée aux plus jeunes de cinq à dix ans. Madame Despleine leur faisait la classe. La deuxième salle était pour les adolescents sans limites d’âge. Monsieur Despleine, notre professeur, nous faisait la classe.
Nous l‘affectionnions, à l’écoute de ses élèves, nous ressentions une chaleureuse, ambiance. L’on nous enseignait le programme des écoles. Je travaillais très bien, je suivais tous les cours. L’orthographe ne rentrait pas vraiment bien dans mon cerveau, seuls s’incrustaient dans mes neurones les mots aimés ou amusants, les autres avaient tendance à m’échapper. Ma camarade Marie ne faisait jamais de fautes d’orthographe. C’était inné, disait-on ! Monsieur Despleine, originaire de Toulouse, jouait du violon, apprenant le chant à ses élèves. Je chantais avec plaisir ; « Toulouse ! Jolie fleur d’été ! Tu rendrais jalouses toutes les cités ! » S’y ajoutait pour les filles la danse moderne de beauté, de mouvement, imprégnée à la fois de musique, de poésie, créée par la sublime « Isadora Dunan. » danseuse américaine. Discipline jugée importante pour inculquer à de jeunes demoiselles un port de tête altier.
Mon rêve, une bicyclette
Je suis encore une adolescente avec Marie ma meilleure amie, nous rentrons chaque jour de l’école à pied. Marie a rejoint la ferme de ses parents par le chemin à droite. Je suis, dit-maman, une grande fille très fière, mais pas très dégourdie. J’étrenne une jupe plissée beige avec son cardigan assorti. Je marche en rêvant à une bicyclette, il est dix-sept heures, je continue mon chemin sur deux kilomètres. Longeant quelques fourrés touffus, la route de ce quartier de villas est déserte, mal entretenue en cette saison. Je suis seule, pas de voiture ce jour-là, je m’imagine déjà roulant à toute vitesse sur mon vélo. Dévaler la pente avec mon chien Jiky, lâcher les mains pour me prouver que je n’ai pas peur, rire et crier pour avaler le vent ! Un vélo ! Mon rêve. Je n’ai pas vu approcher le groupe de garçons, conciliabule en Arabes, l’un d’entre eux s’approche, il m’effraye, c’est un grand costaud. Je presse le pas puis me mets à courir, il fait de même. Il n’a aucune peine à me rattraper. Il m’agrippe, m’entraîne dans le fourré en contrebas. Je me débats, bras et jambes, il est vigoureux, me couche à terre, m’écrase de tout son poids, tente de relever ma jupe. Mes jambes sont bloquées. Impossible de lui envoyer un coup de pied. Avec mon frère, lorsque nous nous battons, je parviens à me dégager, mais là, je n’y arrive pas. Dernier sursaut, je le griffe au visage le plus fort possible. J’entends un bruit de moteur, il se rapproche alors ! Je hurle au secours ! Au secours ! La voiture est passée. Je hurle encore ! Il me semble entendre la voiture ralentir... Elle fait marche arrière, s’arrête. Le garçon me lâche, prend ses jambes à son coup, il disparaît.
Les voisins me réconfortent, me ramènent chez moi.
Aujourd’hui encore, une appréhension diffuse m’étreint
seule en soirée !
Arrivés à la villa, les voisins racontèrent à Suzanne
— Merci infiniment, vous avez sauvé ma fille.
—voulu de mon argent, je lui ai proposé les sous de mon porte-monnaie, mais oh ! Maman, ma belle jupe est tachée ! Ma mère inquiète me dit :
— Ton père ne doit pas apprendre cela, pour te reprendre il dira à ses avocats que je te laisse seule !
Toujours cette peur qu’il obtienne ma garde, cette angoisse l’obsédera jusqu’aux jours de mon émancipation.
Toutefois, la nuit lui donna conseil. Suzanne porta plainte au commissariat du Cap Matifou.
Il suffit de trois jours. Le commissaire la prévint.
— Nous avons arrêté le garçon au visage griffé.
Suzanne arriva au commissariat. Les gendarmes furent terribles avec ce garçon agressant une fille européenne. Ils lui firent subir des sévices d’une cruauté insupportable pour Suzanne, lui mettant un tuyau dans la bouche pour lui remplir le ventre d’eau :
— Arrêtez cela, c’est un garçon de dix-sept ans, il a perdu la tête, ma fille est belle. Je retire ma plainte.
Cette même semaine, je refusai de paraître peureuse. Je repris le chemin de l’école, comme si de rien n’était.
Mais les soirs, ne voulant pas me l’avouer, la route me fit peur, je n’osais le dire. Je pris le bus. Maman me dit :
— Tu dois prendre le bus lorsque tu rentres après tes cours, je n’aime pas te savoir sur la route après 17 heures, et demander une bicyclette à ton père.
— Maman, je n’oserai jamais demander.
Suzanne fit cette requête par l’intermédiaire de l’avoué. Le père refusa, cette femme est insensée ! Ma fille sur une bicyclette !
Une Superbe bicyclette
Maman en trouva une bonne pour la casse
Tout de même. La fit réparer, huiler, repeindre en rose.
Un vélo, mon rêve. Ce fut le plus beau cadeau de ma vie pour moi, une bicyclette rose offerte par maman pour atténuer mes craintes de cette agression vite oubliée. J’allais à l’école sereinement. Je revenais de l’école en chantant à tue-tête, heureuse, j’avalais le vent ressentant une telle exaltation, si délicieuse de redescendre la route pratiquement droite légèrement en pente de Matifou à Alger-plage, sans toucher le volant, les bras en croix. Mais que ma bicyclette est belle ! Maman acheta un caniche noir qui devint mon chien adoré ! Arrivée en bas de la route, tous les jours d’école, mon Jiky était là, joyeux, me faisant des fêtes. Ensemble, nous longions quelques villas, à droite se trouvait notre villa. La nuit, maman me permettait de laisser Jiky dormir à mes pieds, pour me tenir bien chaud. Heureux, mon chien ne bougeait plus jusqu’au matin. C’est un beau caniche noir affectueux, de taille moyenne, bon gardien, personne ne pouvait entrer dans le jardin ou s’approcher du portail grâce