Connaît-on vraiment ceux qu’on aime?
rturo et moi nous étions rencontrés en 1977 au cours de l’une de ces soirées cosmopolites d’étudiants qui avaient lieu chaque jeudi un peu partout en ville. Arturo était chilien et maîtrisait assez bien le français.
A l’époque j’avais 26 ans. J’étais « bien gaulée », comme disaient les mecs entre eux, mais les traits de mon visage étaient plutôt ordinaires, quoique réguliers, et on me disait d’une intelligence un peu au-dessus de la moyenne. Je ne dis pas ça par fausse modestie, mais par honnêteté. Je n’étais pas de celles sur lesquelles on se retourne avec admiration. Mes parents m’avaient appris à aimer ce que la nature m’avait offert, et je m’aimais assez pour prendre la vie avec légèreté.
Avant Arturo, j’avais eu quelques aventures. Rien de vraiment sérieux et le sexe ne m’attirait pas particulièrement. Mon dernier amoureux venait de rompre sous prétexte que je ne hurlais pas au moment de l’orgasme – ce qui le vexait.
Pourtant c’était un bon amant. Il m’avait donné du plaisir, mais il se trouve que j’avais des jouissances discrètes – comme la plupart des hommes, du moins ceux que j’avais connus, qui ne s’exprimaient guère plus que moi. Quand j’avais aperçu Arturo à la soirée, je l’avais trouvé très beau avec son sourire sensuel et son œil fureteur auquel rien ne semblait échapper. Il avait un côté latin avec un je-ne-sais-quoi de rebelle, très attirant. Une chose était certaine, il était conscient de l’intérêt qu’il inspirait aux filles. Et je n’étais pas de celles censées lui plaire.
A ma grande surprise, c’est pourtant vers moi, qui ne m’étais même pas donné la peine de tenter d’attirer son attention, qu’il était venu en se frayant un passage parmi les invités.
Méfiante, à sa question: « Francésa? » je m’étais contentée d’un « No hablar español » plutôt indifférent, qui ne l’avait pas découragé. Tout en souriant, il s’était alors adressé à moi dans un français étonnamment fluide. Sous l’éclat de son sourire, ou peut-être au fond de ses yeux d’ombre,
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