ILLIMITÉ
Pour une Carmagnole
Comme ses amis, comme ses voisins, Sophie Labrosse ne supporte plus la vie dans cette banlieue de Paris qu’est le faubourg Saint-Antoine. Elle habite une petite chambre d’un immeuble vétuste de la rue des Charbonniers, à quelques encablures de Notre-Dame-du-Bon-Secours. Ce lieu de culte, Sophie le fréquentait régulièrement quand elle était enfant. Elle y a été baptisée, elle y a fait sa communion solennelle, mais aujourd’hui, à 23 ans, elle renonce à l’Eglise parce qu’elle pense que Dieu l’a délaissée.
Depuis la mort de ses parents en 1787, deux ans plus tôt, Sophie se sait seule au monde. Il n’y a pas d’homme dans sa vie – ou plus exactement il n’y en a plus – au point que tous les gens qu’elle fréquente doutent de ses mœurs. Elle n’a pas d’emploi régulier, donc guère d’argent pour se nourrir. Elle considère ne pas avoir d’avenir. Une telle situation pourrait la désespérer, voire la rendre suicidaire.
A l’inverse, Sophie en est stimulée. Plus elle s’enfonce, plus elle veut se battre, sortir de sa misère, surnager dans la boue. Vaincre enfin !
Pendant cinq jours, des orages se sont abattus sur Paris, rendant le faubourg totalement insalubre. Comme chaque fois par temps de pluie, les rues sont devenues des ruisseaux, elles se sont même transformées parfois en de véritables torrents. La poussière est de la boue qui empêche les voitures d’avancer, les roues prises dans des ornières, les chevaux épuisés à force de tirer les carrioles et d’être fouettés par leurs maîtres.
Aujourd’hui, 8 juillet 1789, le soleil a fait sa réapparition. S’il ne rend pas le sourire aux pauvres, il leur apporte néanmoins quelque réconfort.
Comme elle a pris l’habitude de le faire depuis la création des cafés, ces estaminets où on peut s’asseoir un moment pour consommer une soupe, boire un chocolat ou acheter du tabac, Sophie Labrosse se rend
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