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Vanity Fair France

« Apparaître et disparaître, c’est la vie. Du moins, ma vie... »

Qui n’a jamais rêvé d’être réveillé par Isabelle Adjani ? Un dimanche matin, un long message d’elle crépite sur notre téléphone.

Elle parle d’une voix claire, inspirée, qui suit les tours et détours de sa pensée, sur un fond léger de musique classique. Nous lui avions proposé, quelques jours plus tôt, de figurer sur la couverture de notre numéro de fin d’année consacré aux icônes du cinéma. C’était un projet européen, nos amis du Vanity Fair italien avaient choisi Gina Lollobrigida ; nos camarades espagnols, Ángela Molina, l’actrice inoubliable d’Étreintes brisées (2009). Pour nous, Isabelle Adjani était l’évidence. L’une des rares comédiennes dont les interviews sont des moments de vérité et de plaisir, où la parole n’est ni contrôlée ni aseptisée par un rempart de communicants. Hélas, nous annonçait-elle dans ce message, un tournage l’empêchait de nous rencontrer. Elle se trouvait à Blois pour tourner Diane de Poitiers de Josée Dayan, dont elle est de tous les plans. Elle proposait cependant de se prêter à l’exercice sous forme d’échange électronique, dans ses rares moments de relâche, « entre deux prises » ou « tard le soir ». Promis, elle s’y montrerait aussi libre qu’en face-à-face: ce serait « comme un journal intime tenu avec un tiers », nous rassurait-elle. Nous n’osions y croire et c’est avec une légère inquiétude que nous lui adressions nos premières questions sur le thème de la mémoire et du cinéma. Le surlendemain, ses premières réponses tombent et nous mesurons notre chance inouïe: les mots d’Adjani fusent, sa réflexion est profonde, gaie, singulière. Au sujet du métier d’actrice, de sa vie de femme ou encore de l’époque dans laquelle nous vivons, ses paroles nous saisissent de justesse. Elle dit, au sujet de Marilyn Monroe : « Pourquoi certains êtres non rencontrés dans la vie nous touchent-ils à ce point, de façon si précise et si forte, si physique ? » À la fin de cette non-rencontre avec Isabelle Adjani, nous avons trouvé la réponse.

Vous incarnez à nos yeux une certaine histoire du cinéma. Première question avant d’aller plus loin: avez-vous une bonne mémoire ?

Qui d’entre nous n’a fait, au moins une fois, le cauchemar de ne pas pouvoir retenir une réplique? Répéter, c’est à la fois apprendre à approcher, à saisir et enfin à garder en tête, et en corps, le texte, le dialogue d’un personnage. La mémorisation nécessaire pour jouer, c’est-à-dire pour produire du vivant, s’obtient à mon sens seulement de manière sensorielle. Mais parfois, la mémoire morte, le disque dur de notre mémoire, peut nous jouer des tours. Comme l’écrit magnifiquement Baudelaire dans son poème J’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans, la mémoire peut... saturer : « Un gros meuble à tiroirs encombré de bilans, De vers, de billets doux, de procès, de romances, Avec de lourds cheveux roulés dans des quittances, Cache moins de secrets que mon triste cerveau. C’est une pyramide, un immense caveau, Qui contient plus de morts que la fosse commune. »

Vous arrive-t-il d’oublier des choses, plus ou moins consciemment?

Vous avez bien deviné à travers ma réponse que je suis assez renseignée -- pour ne pas dire

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