Camerounais anglophones
1er rangée : John Fru Ndi, Philémon Yang, Joseph Dion Ngute, John Ngu Foncha, Kah Walla.
2e rangée : Augustine Ngom Jua, Collins Fai, Daphne, Libianca.
3e rangée : Syndy Emade, Mr Leo, Salatiel, Stanley Enow.
4e rangée : Magasco, Clinton Njie, Eyong Enoh, Felix Agbor Balla.
5e rangée : Akere Muna, Emmanuel Mbela Lifafe Endeley, Joshua Osih, Lucas Ayaba Cho.
Cameroun | 3 045 032 (2005), soit 20 % de la population[1] |
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Langues | Anglais, pidgin camerounais, langues locales, français |
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Religions | Christianisme (anglican, évangélique, catholique), islam, religions traditionnelles africaines |
Les Camerounais anglophones sont un ensemble de populations vivant principalement dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun, caractérisées par l'usage de la langue anglaise. Ils représentent 20 % de la population.
Après près de quarante ans de colonisation britannique, ils rejoignent le Cameroun francophone indépendant en 1961, formant une république fédérale. Après l'abolition du fédéralisme en 1972, la minorité anglophone se plaint d'être marginalisée, et des tendances fédéralistes, voire indépendantistes, commencent à émerger. Les tensions sont réapparues en 2016, conduisant à un conflit armé.
Outre l'aspect linguistique, les Camerounais anglophones présentent des spécificités juridiques, administratives et éducatives héritées de la colonisation britannique.
Histoire
[modifier | modifier le code]Colonisation britannique
[modifier | modifier le code]En 1922, la partie occidentale de l'ancien Cameroun allemand (1⁄5 du territoire) est placée sous mandat britannique. Les Britanniques découpent administrativement ce territoire en deux régions, le Cameroun méridional (Southern Cameroons) et le Cameroun septentrional (Northern Cameroons). Le territoire est placé sous administration indirecte (indirect rule). Sous ce système, le Cameroun méridional dispose de chefs suprêmes (paramount chiefs) à Buéa et Victoria, et de fons à Bali, Bafut, Kom, Bum, Nso et Bangwa. Ces chefs et fons reçoivent des autorités britanniques les moyens d'exercer leur commandement. Ils disposent d'un tribunal traditionnel et d'un trésor, avec des fonctions à la fois administratives et fiscales. Ils sont chargés de la santé et de l'éducation de leur population, de l'application de la loi, de la prévention de la criminalité et, en général, de la promotion du développement de leur localité[2].
Les habitants du Cameroun méridional créent leur tout premier mouvement de pression, la Cameroons Youth League (CYL), le . La CYL est principalement composée d'étudiants du Cameroun méridional qui étudient dans diverses institutions au Nigeria. Son objectif est d'obtenir des autorités britanniques des réparations pour les dommages économiques, éducatifs, politiques et sociaux subis par le territoire[2]. Pendant la Seconde Guerre mondiale, 3 500 hommes originaires du Cameroun britannique s'engagent dans les troupes de l'Empire.
En 1948, de retour au Cameroun méridional après des études de médecine à Lagos, Emmanuel Mbela Lifafe Endeley devient secrétaire du Cameroons Development Corporation Workers Union (CDCWU). Il fonde ensuite le premier parti politique du Cameroun méridional[3], la Cameroons National Federation (CNF), qui demande que le Cameroun méridional devienne une région autonome séparée de la fédération nigériane et que les deux Cameroun[4] soient réunifiés[2]. Très tôt, cependant, des divergences sont apparues entre les dirigeants du parti sur la question de la réunification. Certains de ses dirigeants, notamment N.N Mbile et R.K Dibongué, estimaient que l'approche du parti en matière de réunification n'était pas assez forte. Ils voulaient aller plus vite. Ils préfèrent quitter le CNF et créer leur propre parti, qu'ils appellent Kamerun United National Congress (KUNC)[2].
À la suite de la promulgation de la Constitution MacPherson en 1950 et de la Constitution Lyttleton en 1954, le Cameroun méridional devient, à partir du , une quasi-région au sein du Nigeria, avec un bureau administratif à Buéa. Emmanuel Mbela Lifafe Endeley devient chef du gouvernement, sous l'autorité d'Edward John Gibbons, commissaire britannique pour le Cameroun méridional, basé à Buéa. À la suite des changements constitutionnels de 1957, le territoire devient une région à part entière au sein du Nigeria, avec Emmanuel Mbela Lifafe Endeley comme Premier ministre[3].
Le , John Ngu Foncha remporte les élections au poste de Premier ministre. Il se présente avec un programme qui appelle à l'indépendance du Cameroun méridional et à une éventuelle réunification avec le Cameroun français. Pour faire échouer le programme de John Ngu Foncha, les Britanniques rallient l'opposition, dirigée par Emmanuel Mbela Lifafe Endeley, pour contester la victoire dite « étroite » de John Ngu Foncha[5]. L'opposition porte son combat devant les Nations Unies et, avec le soutien britannique, l'idée d'un plébiscite comme moyen plus fiable de déterminer l'avenir du Cameroun méridional voit le jour[5].
Rattachement au Cameroun et République fédérale
[modifier | modifier le code]En 1961, 70,5 % des électeurs du Cameroun méridional optent par référendum pour son rattachement à la République du Cameroun (ancien Cameroun français) nouvellement indépendante, pour former une république fédérale qui est créée le (le Cameroun méridional devient alors le « Cameroun occidental » par opposition à l'ancien Cameroun français qui devient le « Cameroun oriental »).
Fin du fédéralisme et malaise anglophone
[modifier | modifier le code]Le , à l'issue d'un référendum constitutionnel, le président Ahmadou Ahidjo proclame la république unie du Cameroun, mettant ainsi fin au fédéralisme[6],[7]. Le passage d'un État fédéral à un État unitaire conduit à l'émergence de revendications identitaires de la part de la minorité anglophone[6],[8]. Cette transition politique est perçue par certains anglophones comme une trahison et le début de leur « marginalisation » au sein de l'État[9]. Au début des années 1990, alors que le pays revenait au multipartisme, le mouvement All Anglophone Congress (AAC) conteste la légitimité du référendum de 1972 et propose le retour au fédéralisme tandis que des mouvements plus radicaux appellent à la sécession[7],[10]. En avril 1993, à la suite d'une conférence de l'AAC, la « Déclaration de Buéa » est publiée. Elle énumère les nombreux griefs des anglophones à l'égard du pouvoir central et appelle à un retour à l'État fédéral[11].
Face au refus du gouvernement de discuter d'un retour au fédéralisme, le Cameroon Anglophone Movement (CAM), l'une des plus grandes associations affiliées au mouvement AAC, déclare l'indépendance des régions anglophones le . Cette position est soutenue par une deuxième conférence qui se tient à Bamenda en 1994. Cette dernière déclare que si le gouvernement « persiste dans son refus d'engager des réformes constitutionnelles substantielles, ou ne les réalise pas dans un laps de temps raisonnable », elle proclamera « l'indépendance du Southern Cameroons, en prenant toutes les mesures nécessaires pour défendre et préserver la souveraineté et l'intégrité territoriale de celui-ci »[12].
En 1995, le Conseil national du Cameroun méridional (CNCM), un parti politique qui appelle à la sécession voit le jour[13]. En décembre 1999, des membres du parti prennent le contrôle d'une station locale de la Cameroon Radio Television (CRTV) à Buéa et proclament l'indépendance de la « république du Cameroun méridional »[14]. Le , à l'occasion du 40e anniversaire de la réunification du Cameroun, une manifestation pacifique organisée par des séparatistes dans les villes de Kumbo et Bamenda est violemment réprimée par la police. Au moins trois militants sont tués et cinq sont blessés à Kumbo. Des leaders séparatistes sont arrêtés[15].
Les facteurs justifiant les griefs de la minorité anglophone se situent dans le processus de décolonisation du Cameroun britannique et la gestion de la réunification du Cameroun ; on peut associer à cela la mauvaise gouvernance et une centralisation excessive du pouvoir politique. Par exemple, sont détaillés par les évêques les points suivants (présents au Cameroun francophone et anglophone)[16] :
« La sous-représentation des anglophones dans les jurys des concours d’entrée aux grandes écoles, dans les ministères, dans le gouvernement ; L’anglais (pourtant langue officielle au même titre que le français) n’est pas toujours employé dans les examens d’État, des documents publics, ou par les fonctionnaires qui se rendent dans les régions anglophones ; Une majorité de magistrats, personnel enseignant ou sanitaire, francophones dans ces régions ; La négligence des infrastructures de l’Ouest anglophone ; L’incompréhension du sous-système éducatif anglophone et du système juridique par les fonctionnaires francophones ; La marginalisation des anglophones dans l’admission à certaines grandes écoles »
Crise socio-politique et conflit armé
[modifier | modifier le code]En novembre 2016, des enseignants déplorent la nomination de francophones dans les régions anglophones et des juristes rejettent la suprématie du droit romain au détriment de la common law. La majorité des leaders de la contestation réclament un retour au fédéralisme, tandis qu'une minorité réclame l'indépendance et la proclamation d'un nouvel Etat, l'« Ambazonie ». Le pouvoir exécutif, dirigé par le président Paul Biya, au pouvoir depuis 1982 et son Premier ministre, Philémon Yang, rejette ces deux revendications. Dès décembre 2016, les manifestations en zone anglophone, réprimées par les forces de l'ordre, font les premiers morts civils. D'autres suivront lors de manifestations, durement réprimées par les forces de l'ordre[17].
Le , plusieurs leaders anglophones à la tête des manifestations sont arrêtés et inculpés d'« actes de terrorisme ». Paul Biya abandonne les poursuites en août. Entre janvier et mars, Internet est coupé en zone anglophone. Le , au moins 17 personnes sont tuées lors d'une proclamation symbolique d'indépendance par des séparatistes. Fin 2017, une frange séparatiste radicale de la minorité anglophone prend les armes. Dispersés en plusieurs groupes, ils s'en prennent aux forces de sécurité ainsi qu'aux symboles de l'État, comme les écoles, qu'ils incendient. Ils kidnappent également des policiers, des fonctionnaires et des hommes d'affaires, parfois étrangers[17]. En 2018, les combats entre soldats et séparatistes sont devenus quasi quotidiens, tuant 170 membres des forces de sécurité et « au moins 400 civils », selon le centre d'analyse International Crisis Group (ICG). Quelque 200 000 personnes ont été contraintes de fuir leur domicile[17]. Selon des rapports récents de l'ICG, le conflit a fait plus de 6 000 morts et plus d'un million de déplacés[18].
Diaspora et émigration
[modifier | modifier le code]En raison de la proximité linguistique, les membres de la diaspora camerounaise anglophone tendent à s'installer aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Afrique du Sud et au Nigeria. Ils quittent le Cameroun par vagues successives. Du début des années 1970 au milieu des années 1980, la première vague est principalement motivée par la nécessité de poursuivre leurs études, l'enseignement universitaire anglophone étant quasiment inexistant au Cameroun (l'enseignement se faisant exclusivement en français). La fin des années 1980 et le début des années 1990 voient le début de deux nouvelles vagues d'immigration. La première, essentiellement économique, se poursuit jusqu'aux années 2010. La seconde concerne des opposants, des journalistes et des intellectuels fuyant les turbulences politiques de l'époque[19].
Religions
[modifier | modifier le code]Les Camerounais anglophones sont chrétiens (anglicans, évangéliques, catholiques) ou musulmans[20]. Les religions traditionnelles africaines sont également pratiquées.
Langues
[modifier | modifier le code]Ils parlent l'anglais et le pidgin camerounais, ainsi que leurs langues locales[21]. Le français est également pratiqué.
Sous-groupes
[modifier | modifier le code]Les Camerounais anglophones regroupent les populations suivantes :
- Babanki
- Babungo
- Bafaw
- Bafut
- Bakole
- Bakossi
- Bakundu
- Bakweri
- Bali
- Balong
- Balue
- Bamboko
- Banyang
- Takamanda
- Asumbo
- Bassossi
- Balundu
- Isangele
- Menka
- Nso
- Mbembe
- Mbulu
- Kaka
- Mbaw
- Beba-Befang
- Esimbi
- Fungom
- Bum
- Bima
- Boki
- Ekoï
- Isubu
- Jukun
- Kom
- Korup
- Kpe
- Limba
- Mambila
- Mbo
- Mbonge
- Meta
- Mfumte
- Ngemba
- Ngolo
- Noni
- Nsungli
- Oroko
- Widekum
- Wodaabes
- Wum
- Yamba
Personnalités
[modifier | modifier le code]Musique
[modifier | modifier le code]- Daphne
- Stanley Enow
- Magasco
- Bébé Manga
- Kocee
- Libianca
- Salatiel
- Mr Leo
- Tzy Panchak
- Tayc
- Ewube
- Nabila
- Andy Allo
- Missy BK
- Reniss
- Naomi Achu
- Asaba
- Loic Sumfor
Cinéma
[modifier | modifier le code]- Syndy Emade
- Enah Johnscott
- Okawa Shaznay
- Kang Quintus
- Stephanie Tum
- Faith Fidel
- Agbor Gilbert Ebot
- Nsang Dilong
- Laura Onyama
- Nchifor Valery
- Epule Jeffrey
- Margaret Fombe Fube
- Alain Bomo Bomo
- Eystein Young Dingha
- Nchifor Valery
Sport
[modifier | modifier le code]- Clinton Njie
- Eyong Enoh
- Brandon Aiyuk
- Stephen Tataw
- Collins Fai
- Vanessa Agbortabi
- Matthew Mbuta
- Pius N'Diefi
- Samuel Ojong
- Charley Roussel Fomen
- Lewis Enoh
- Rebecca Muambo
- Brandon Baiye
- Akwo Tarh Ayuk Taku
- Robert Ndip Tambe
- Stephen Tataw
- Carl Enow Ngachu
- Hans Agbo
Littérature
[modifier | modifier le code]- Imbolo Mbue
- Bate Besong
- John Nkemngong Nkengasong
- Joyce Ashuntantang
- Bole Butake
- Bernard Fonlon
- Juliana Makuchi Nfah-Abbenyi
Droit
[modifier | modifier le code]Politique
[modifier | modifier le code]- John Ngu Foncha
- Emmanuel Mbela Lifafe Endeley
- John Fru Ndi
- Peter Mafany Musonge
- Philémon Yang
- Joseph Dion Ngute
- Akere Muna
- Ama Tutu Muna
- Mancho Bibixy
- Sisiku Julius Ayuk Tabe
- Lucas Ayaba Cho
- Ebenezer Akwanga
- Kah Walla
- Joshua Osih
- Paul Atanga Nji
- Wirba Joseph
- Simon Achidi Achu
- Dorothy Njeuma
- Mola Njoh Litumbe
- Augustine Ngom Jua
- Ephraïm Inoni
- Salomon Tandeng Muna
- Peter Agbor Tabi
- Ndifor Afanwi Franklin
Mode
[modifier | modifier le code]Journalisme
[modifier | modifier le code]Notes et références
[modifier | modifier le code]- Bureau Central des Recensements et des Etudes de Population du Cameroun, « Rapport de présentation des résultats définitifs », sur www.statistics-cameroon.org, (consulté le ), p. 8-10.
- « Le Cameroun Britannique 1916 1961 », sur asso.musc.free.fr (consulté le )
- (en) W. Munji, « 100+ years Cartographical History of Southern Cameroons », sur Medium, (consulté le )
- Le Cameroun français et le Cameroun britannique.
- (en) W. Munji, « The United Kingdom’s Troubled Legacy in the Cameroons », sur Medium, (consulté le )
- Le Monde Afrique, « Crise anglophone : pourquoi le Cameroun s’enflamme ? » (consulté le )
- « Pourquoi le Cameroun se déchire-t-il ? », sur Le Point, (consulté le )
- « Cameroun : la crise anglophone à la croisée des chemins | Crisis Group », sur Crisisgroup, (consulté le )
- Célian Macé, « Au Cameroun, la sale guerre derrière la «crise anglophone» », sur Libération, (consulté le )
- Piet Konings et Georges Courade, « Le «problème anglophone» au Cameroun dans les années 1990 », Politique africaine, vol. 62, no 1, , p. 25–34 (ISSN 0244-7827, DOI 10.3406/polaf.1996.5959, lire en ligne, consulté le )
- (en) The Buea Declaration: All Anglophone Conference, 2nd & 3rd April, 1993, Nooremac Press, (lire en ligne)
- Piet Konings, Thomas Weiss et Georges Courade, « Le «problème anglophone» au Cameroun dans les années 1990 », Politique africaine, vol. 62, no 1, , p. 25–34 (DOI 10.3406/polaf.1996.5959, lire en ligne, consulté le )
- Crise anglophone : pourquoi le Cameroun s’enflamme ?, Le Monde Afrique (, 5:39 minutes), consulté le
- « CAMEROUN. Les indépendantistes anglophones haussent le ton », sur Courrier international, (consulté le )
- Christophe Ayad, « Sécessionnistes réprimés au Cameroun », sur Libération, (consulté le )
- Annie Josse, « Cameroun : le « problème anglophone » vu par les évêques », sur Mission et Migrations, (consulté le )
- « Cinq choses à savoir sur la crise anglophone au Cameroun », sur Voice of America,
- « Cameroun : au moins vingt morts dans une attaque de « séparatistes » anglophones », Le Monde, (lire en ligne)
- « Les « anglos » de l’étranger », sur Jeune Afrique,
- « Cameroun », sur www.axl.cefan.ulaval.ca (consulté le )
- « Ethnologue report for Cameroon », sur web.archive.org, (consulté le )