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FEBVRE (L.)

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FEBVRE LUCIEN (1878-1956)

Né à Nancy, Lorrain d’adoption, mais Comtois passionné: «Nous ne sommes point, Comtois, des conformistes. Courbet ne l’était guère [...] ni Pasteur [...] ni Proudhon.» Dans sa chère propriété du Souget où Lucien Febvre mourut, on le trouvait le sécateur à la main. Au propre comme au figuré, l’attitude est valable, avec la solide carrure et la lucidité du regard. De famille universitaire, normalien (1898), diplômé d’études supérieures à la fin de 1901 (La Contre-Réforme en Franche-Comté et son histoire de 1567 à 1575 ), en attendant, outre les thèses, La Franche-Comté (Les Régions de la France , 1905) et l’Histoire de la Franche-Comté (1912). «Nos maîtres n’étaient ni Lavisse ni Seignobos», et non plus Charles Victor Langlois et Aulard. Il admirait surtout Vidal de La Blache, évitait soigneusement Émile Bourgeois. Ses amis sont alors des linguistes et des orientalistes, des psychologues et des médecins, des géographes et des germanistes. Michelet l’enchante et Stendhal le passionne. En 1898 apparaît L’Année sociologique ; en 1900, Henri Berr fonde la Revue de synthèse (Febvre y écrit dès 1906). Pensionnaire de la fondation Thiers (1903-1907), il soutient ses thèses à la fin de 1911: Philippe II et la Franche-Comté et Notes et documents sur la Réforme et l’Inquisition en Franche-Comté . Lors de leur soutenance, à C. Pfister, qui aurait souhaité un tableau d’ensemble de la Franche-Comté au XVIe siècle, Febvre répond qu’il n’a pas voulu faire un tableau économique, mais social... À la rentrée de 1912, il enseigne à la faculté de Dijon l’histoire et l’art de la Bourgogne; sa leçon d’ouverture (sur les ducs Valois de Bourgogne et les idées politiques de leur temps) conclut: «La Bourgogne est un carrefour d’idées.» Il écrira plus tard (en 1942): «Je n’ai jamais su et je ne sais toujours qu’un moyen, un seul, de bien écrire la grande histoire . Et c’est tout d’abord de posséder à fond, dans tout son développement, l’histoire d’une région, d’une contrée, d’une province.»

Survient la guerre qu’il commence comme sergent et achève comme capitaine dans l’infanterie. Et c’est «l’histoire dans le monde en ruine» qu’il évoque à Strasbourg, titulaire pendant quatorze ans de la chaire d’histoire moderne (1919-1933). Années particulièrement fécondes; c’est celles de la rencontre — décisive — avec Marc Bloch qui, en 1919, «se cherchait encore...», mais réfléchissait déjà à son «métier d’historien». Successivement Febvre publie La Terre et l’évolution humaine (1922), sous-titrée Introduction géographique à l’histoire , rejetant le déterminisme au profit du «possibilisme» vidalien (plus tard F. Braudel forgera le mot de géohistoire ); Un destin: Martin Luther (1928); Le Rhin (en collaboration avec Demangeon). Retenons encore «Une question historique mal posée: les origines historiques de la Réforme française» (in Revue historique , 1929), «Types économiques et sociaux du XVIe siècle» (in Revue des cours et conférences , 1921-1923), sa participation à la première Semaine internationale de synthèse (Civilisation , 1930).

Sa plus grande contribution fut peut-être la fondation, en 1929, et la direction (avec Marc Bloch) des Annales d’histoire économique et sociale devenues par la suite Annales (Économies-Sociétés-Civilisations ) — on notera l’extension du programme — destinées à devenir l’organe de liaison entre les historiens de toutes les époques et de toutes les sciences, essentiellement une revue d’idées et de méthodes, avec le souci d’abattre les cloisons entre géographes, économistes, sociologues et historiens. «Nous tenons au mot social », écrit-il.

À cinquante-cinq ans, au Collège de France, Febvre débute par un Examen de conscience d’une histoire et d’un historien (1933) dans la chaire d’histoire de la civilisation moderne; il dénonce la superstition du «fait»: «S’il n’y a pas de problème, il n’y a que du néant!»

Parallèlement, il préside le Comité de l’encyclopédie française (1935-1940), conçue comme «une encyclopédie de problèmes, et non de références». Il préside aussi la 6e section de l’École pratique des hautes études (sciences économiques et sociales) dont il est l’architecte, en même temps qu’il est l’un des constructeurs du Centre national de la recherche scientifique, participant également à la réorganisation de l’enseignement supérieur et à la réforme de l’enseignement historique. Il est délégué de la France à l’U.N.E.S.C.O. (1945-1950), directeur des Cahiers de l’histoire mondiale et président du Comité de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale, élu enfin à l’Académie des sciences morales et politiques (1949).

Cependant, il publie Le Problème de l’incroyance au XVIe siècle, la religion de Rabelais (1942), peut-être son chef-d’œuvre; Origène et des Périers: l’énigme du Cymbalum mundi (1942); Autour de l’Heptaméron: amour sacré, amour profane (1944); Michelet (1946). De la prodigieuse activité de ce «merveilleux éveilleur d’idées» témoignent trois recueils d’articles: Combats pour l’histoire (1953), Au cœur religieux du XVIe siècle (1957); Pour une histoire à part entière (1962).

Mais Febvre n’a jamais écrit une théorie de l’histoire. Il faut ici renvoyer à l’index alphabétique de Combats pour l’histoire qu’il avait lui-même soigneusement et pertinemment établi. On l’y saisit toujours à la recherche d’alliances et d’appuis chez des «frères qui s’ignorent». Il a défini l’histoire, science des changements et du changement. Mais, d’abord et surtout, il l’a dit et répété: «L’histoire, c’est l’homme qui ne se laisse pas découper en morceaux, ou alors on le tue [...]; tout entier, dans le cadre des sociétés qu’il a forgées [...]. C’est là ce que signifie l’épithète de social qu’on accole rituellement à celle d’économique [...]. L’objet de nos études [c’est] l’homme lui-même appréhendé au sein des groupes dont il est membre.» Dénonçant les «historiens historisants» (expression d’H. Berr) et les «historiens événementiels» (expression de F. Simiand), quand Febvre écrit sur le XVIe siècle, il vit dans l’état d’esprit de ce siècle, mais à tout moment il aurait voulu connaître tout l’humain. L’homme de la Renaissance et de la Réforme était l’humaniste apte à bien comprendre tous les siècles et toutes les civilisations, unissant le goût du concret et de la synthèse, la rigueur d’observation à l’imagination dans l’hypothèse. À la rencontre de toutes les sciences humaines, il entendait rénover méthodes et conclusions quant à l’analyse des structures économiques et sociales, des transformations techniques autant que des mentalités. Grand esprit et esprit libre, avec la passion d’une histoire féconde: position qui paraît aujourd’hui naturelle, mais, il y a maintenant plus d’un demi-siècle, l’adopter était faire preuve d’un mérite audacieux. D’où la place primordiale de Lucien Febvre dans l’historiographie française.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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