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AGRIGENTE

AGRIGENTE
AGRIGENTE

La ville actuelle d’Agrigente (en italien Agrigento) compte environ 50 000 habitants; chef-lieu de province près de la côte méridionale de la Sicile, elle occupe un petit secteur de la colonie grecque d’Akragas (du nom du fleuve qui la bordait à l’est) et de la ville romaine d’Agrigentum; à leur arrivée, en 825 après J.-C., les Arabes l’appelèrent Gergent, d’où en italien Girgenti, nom de la bourgade médiévale et de la ville moderne jusqu’en 1927, date à laquelle la cité reprit le nom de l’époque romaine.

Agrigente doit l’essentiel de sa réputation à sa période grecque: aux VIe et Ve siècles avant J.-C., elle fut l’une des grandes villes siciliennes, dotée d’un patrimoine monumental exceptionnel, en partie conservée dans un paysage grandiose. Elle frappa monnaie à partir de 510 avant J.-C. (aigle au droit, crabe au revers). Sa superficie atteignit 450 hectares.

Histoire de la recherche

L’étude de la ville antique a connu trois grands moments. De la fin du XVIIIe siècle au début du XXe, on assiste à de nombreuses restaurations et anastyloses (remise en place scientifique d’éléments architecturaux écroulés): ainsi en 1787 (temple «de Junon»), en 1788 (fronton oriental du temple «de la Concorde »), en 1836 (angle N.-O. du temple «des Dioscures»), en 1922-1924 et en 1931 (partie sud du temple «d’Hercule»). De 1925 à 1932, une intense activité archéologique est dirigée par P. Marconi, grâce au mécénat du capitaine anglais A. Hardcastle: la plupart des grands monuments sont objet de recherches et l’habitat de l’époque romaine commence à être mieux connu. Depuis 1939 (création d’une Surintendance aux antiquités de la Sicile centro-méridionale dont le siège est à Agrigente), mais en fait surtout depuis 1955, la recherche archéologique a pour but une meilleure connaissance de l’habitat grec et romain mais aussi la protection des monuments et du site lui-même, menacé dans sa périphérie (nécropoles) mais également dans son paysage par les constructions modernes.

Le matériel archéologique présenté de 1864 à 1967 au Museo civico (dans la ville moderne) l’est depuis cette dernière date au Museo nazionale archeologico, situé au centre de la ville antique («vallée des Temples»).

Évolution historique

La fondation de la colonie d’Akragas par les habitants de la voisine Géla aidés par les Rhodiens (Rhodes était l’une des métropoles de Géla) est l’une des dernières étapes de l’aventure coloniale grecque: elle se situe au début du VIe siècle avant J.-C. (vers 580); les deux fondateurs, chefs de l’expédition, s’appelaient Aristonoos et Pistilos. Il s’agissait, de la part de Géla, de «répondre» à la fondation de Camarine par Syracuse une vingtaine d’années auparavant: bloqués vers l’est, les habitants de Géla cherchent un débouché vers l’ouest, sans menacer toutefois le territoire de la lointaine Sélinonte.

Selon Pindare (IIe Olympique , v. 11-12), Agrigente est l’«œil de la Sicile»: elle occupe une position stratégique, au centre de l’île et face à Carthage; de fait, son histoire s’est souvent confondue avec celle de l’hellénisme occidental.

L’Akragas grecque vit moins de deux siècles; avant d’être détruite par les Carthaginois à la fin du Ve siècle (406 av. J.-C.), elle connaît une alternance de régimes tyranniques (Phalaris de 570 à 554, Théron de 488 à 473 en particulier), oligarchiques et démocratiques. Les deux principaux tyrans marquent de leur personnalité l’histoire d’Agrigente; Phalaris vaut mieux que l’image du souverain cruel, faisant brûler ses victimes dans un taureau d’airain, que nous donne de lui la littérature antique; l’archéologie nous apprend que sous son règne la ville connut un développement rapide. Sous Théron, elle est un centre de rayonnement littéraire: à la cour du tyran viennent des poètes comme Simonide, Bacchylide et surtout Pindare, qui compose à partir de 490 deux odes pour Théron vainqueur à Olympie, deux odes pour son frère Xénocrate victorieux aux jeux Pythiques et Isthmiques et une autre pour le flûtiste d’Agrigente Midas (XIIe Pythique ); ainsi est célébrée la grande famille de Théron, celle de Emménides. C’est à cette époque que naît à Agrigente Empédocle, futur philosophe, et que travaille l’architecte Phaïax, particulièrement habile pour les aménagements hydrauliques (égouts, canalisations). L’opulence de la ville, qui est évoquée par l’historien Diodore de Sicile plusieurs siècles plus tard, atteint son apogée après la bataille d’Himère (480 av. J.-C.): alliée à Syracuse et à Himère, Agrigente triomphe de Carthage (le même jour que Salamine, faisaient semblant de croire les Anciens!).

Après sa destruction, Agrigente sort pour un temps de l’histoire et n’est reconstruite que vers 338 avant J.-C. par le Corinthien Timoléon, nouveau maître de Syracuse. Pendant le siècle qui suit, elle devient un enjeu entre Carthage et Rome qui finit par en prendre le contrôle définitif en 210 avant J.-C. Sous la République romaine, elle souffre des exactions de Verrès et des révoltes d’esclaves, mais elle jouit par la suite d’une relative tranquillité; son port reste actif ainsi
que sa vie économique (agriculture, textiles, soufre).

Selon Diodore de Sicile, Agrigente a compté 200 000 habitants (dont 20 000 citoyens); il s’agit probablement de l’ensemble des habitants de la ville et du territoire. On notera que l’ekklesiasterion , bâtiment destiné à accueillir les citoyens, contenait 4 500 places environ. L’estimation de Diogène Laërce (800 000 habitants) est certainement exagérée.

Le paysage urbain

La classique description de l’historien Polybe (IX, 27) se précise grâce à l’archéologie.

Topographie

La ville se trouve à 3 kilomètres de la mer et a une forme vaguement carrée (l’angle N.-E. étant émoussé). Le côté nord, le plus éloigné de la mer, a une altitude relativement élevée (350 m): la position de l’acropole (soit au N.-E. sur la Rupe Atenea , soit au N.-O. sous la ville moderne) est encore discutée. Le côté sud était constitué par une arête rocheuse portant les grands sanctuaires (la «colline des Temples»). Les côtés est et ouest étaient bordés par les fleuves Hypsas (O.) et Akragas (E.). Tout l’espace central (la «vallée des Temples» actuelle) était occupé par l’habitat. La position de l’agora fait également problème: elle pourrait se trouver au centre (près de l’actuel musée) ou au sud (à proximité du temple de Zeus Olympien). La ville était entourée par une fortification percée de neuf portes. Au-delà des murs se trouvaient quelques sanctuaires (dont un temple d’Asclépios au sud), une fontaine sacrée (San Biagio) sur l’emplacement d’un lieu de culte indigène et les nécropoles (la plus ancienne se trouvant non loin de la mer, à Montelusa). Nous ne connaissons presque rien du port.

Urbanisme

Les fouilles ont montré que la cité a reçu dès la seconde moitié du VIe siècle un plan d’urbanisme cohérent (faussement dit «hippodaméen»: les théories d’Hippodamos de Milet, au Ve siècle, ont codifié une pratique existant depuis deux siècles, en particulier en Sicile). Cette organisation s’est maintenue pendant toute l’Antiquité: six grandes rues (plateiai ) N.-E. - S.-O. délimitent, avec des ruelles (stenopoi ) perpendiculaires, des îlots d’environ 300 m de long; au centre (près de l’agora?) se trouvait l’ekklesiasterion dont la datation est contestée (archaïque ou hellénistique?).

Monuments

Mis à part le temple de Déméter dont la position près de l’enceinte orientale est conditionnée par la présence, au-delà des fortifications, d’une fontaine sacrée (cf. supra ), les temples d’Agrigente sont soit sur l’acropole (?), c’est-à-dire sous la ville moderne – temple d’Athéna sous l’église de Santa Maria dei Greci et temple de Zeus que l’on connaît seulement par les textes –, soit sur l’éperon méridional où ils constituent un ensemble destiné à être vu à la fois de toute la ville et de la mer – c’est véritablement la «vitrine» de la cité; peut-être chaque portion de l’enceinte était-elle placée sous le contrôle d’une divinité.

Les noms donnés actuellement à ces temples sont purement conventionnels (certains préfèrent d’ailleurs les baptiser par des lettres, ce qui est plus honnête lorsqu’on ne sait rien sur le culte qui y était pratiqué). Tous ces monuments appartiennent à l’ordre dorique. Les six grands temples de calcaire jaune (autrefois recouverts de stuc blanc) sont, d’est en ouest:

– Le temple D, dit «de Junon Lacinia», construit au milieu du Ve siècle (38,15 m 憐 16,90 m).

– Le temple F, dit «de la Concorde», édifié vers 440 avant J.-C., qui est, avec le Théseion d’Athènes et le temple dit «de Poseïdon» à Paestum, l’un des trois temples grecs les mieux conservés (il doit son état à sa transformation en église dès 597 après J.-C.); il mesure 39,44 m 憐 16,90 m: c’est le «jumeau» du temple «de Junon».

– Le temple A, dit «d’Hercule», est le plus ancien (fin du VIe s. av. J.-C.): 67 m 憐 25,34 m.

– Le temple B était vraiment dédié à Zeus Olympien: commencé après la victoire d’Himère (480) grâce à la main-d’œuvre constituée de prisonniers carthaginois, il n’était pas achevé lorsque, en 406, il servit de refuge provisoire aux Agrigentins contre... les assaillants carthaginois! Ses dimensions (112,70 m 憐 56,30 m) en font un édifice gigantesque, d’une taille jamais atteinte dans le cadre de l’architecture dorique. Il présente la particularité d’être pseudo-périptère: il est en effet entouré de semi-colonnes accolées à un mur, entre lesquelles se trouvent des Géants sculptés – les « Télamons» –, hauts de 7,65 m, qui soutiennent l’architrave. La construction exalte la victoire sur Carthage: les «Télamons» sont peut-être la représentation des Carthaginois vaincus; les frontons sculptés racontaient la victoire des Grecs sur les Géants et sur les Troyens: allusions qui étaient très claires pour les contemporains.

– Le temple I, dit «des Dioscures», se trouve en fait dans une aire sacrée complexe réservée aux divinités infernales («chthoniennes») et formée d’une quinzaine d’autels rectangulaires et circulaires, et aussi de petits enclos sacrés; cet ensemble montre l’importance des cultes de Déméter et Korè à Akragas.

– Le temple G, dit «de Vulcain», de la fin du Ve siècle, n’est déjà plus sur la «colline des Temples» mais sur le rebord occidental de la ville. Entre les sanctuaires chthoniens et le temple G devait se trouver une grande piscine extra-urbaine correspondant peut-être au «colymbethra» dont parle Diodore de Sicile et qui mesurait 1 250 m de périmètre et 9 m de profondeur!

Le territoire

Le territoire (chora ) de la ville grecque s’étendait dans le secteur central de la Sicile méridionale: il était limité à l’ouest (vers Sélinonte) par le fleuve Platani et à l’est (vers la métropole Géla) par le fleuve Salso.

Ce territoire, occupé par les indigènes sicanes, a été, dès le IIe millénaire (soit plusieurs siècles avant la fondation d’Agrigente), au contact du monde grec: des recherches archéologiques récentes ont révélé des documents mycéniens, chypriotes et crétois à Milena, à Caldare et dans les alentours mêmes de la future Agrigente. Les traditions légendaires sur les voyages de l’architecte Dédale et du roi de Crète Minos chez le roi sicane Cocalos se situent dans cette région: le nom de la colonie de Sélinonte installée à l’embouchure du Platani (Héracléa Minoa ) en conserve le souvenir.

Dès la seconde moitié du VIe siècle, Agrigente a une politique d’expansion: des sites indigènes sont progressivement hellénisés; la «remontée» du Platani permet en particulier à Agrigente d’établir un contact plus suivi avec la colonie grecque d’Himère sur le versant tyrrhénien.

Agrigente
(en ital. Agrigento; Girgenti av. 1927) v. d'Italie (Sicile); 55 350 hab.; ch.-l. de la prov. du m. nom.
Ruines des temples gr. (VIe-Ve s. av. J.-C.) de Junon, Jupiter, Hercule, etc.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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