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Touché par la grâce (Partie 2)

Summary:

''-Je suis pas sûr que ça soit une bonne idée..
-Aller Harry, pour une fois que tu as une soirée de libre, profites en.''

Et c'est comme ça qu'Harry s'est retrouvé face à face avec son amour de jeunesse. Celui qui a faillit le détruire, le priver de tout ce qu'il a, tout ce qu'il est aujourd'hui. Dans un moment de faiblesse, il accepte le joint qu'un de ses camarades lui tend, inspire à pleins poumons la fumée capitonnée qui vient tapisser sa langue et rouler le long de sa gorge. Il se satisfait de ces sensations familières en s'enfonçant toujours plus dans le sofa, sans se douter un seul instant, que le pire est à venir.

Chapter 1: Chapitre 1

Chapter Text

 

 

' '-Je suis pas sûr que ça soit une bonne idée.. 

-Aller Harry, pour une fois que tu as une soirée de libre, profites en.''

Et c'est comme ça qu'Harry s'est retrouvé face à face avec son amour de jeunesse. Celui qui a faillit le détruire, le priver de tout ce qu'il a, tout ce qu'il est aujourd'hui. Dans un moment de faiblesse, il accepte le joint qu'un de ses camarades lui tend, inspire à pleins poumons la fumée capitonnée qui vient tapisser sa langue et rouler le long de sa gorge. Il se satisfait de ces sensations familières en s'enfonçant toujours plus dans le sofa, sans se douter un seul instant, que le pire est à venir.

Six mois plus tard...

 

''- Tu arrives bientôt?

-Je suis dans ma voiture. Je devrais être là dans trente minutes, quarante-cinq s'il y a des bouchons. 

- D'accord. Sois prudent.

-Promis. A tout à l'heure Lou'.''

La boule au ventre, Harry raccroche, jette son téléphone par la vitre sur le siège avant de rallumer le cylindre qui s'est éteint entre ses doigts.

Comme tous les jours, il se répète qu'il n'a pas de problème, que chacun a sa façon de décompresser. Et il a besoin de décompresser. Entre l'université et sa vie de famille qui lui pompent toute son énergie, il a besoin de ces petits moments qui n'appartiennent qu'à lui. Ces moments où il s'autorise à lâcher prise.

Au début, c'était une fois de temps en temps avec ses camarades de classe. Puis il a commencé à se relever entre les biberons pour fumer en pleine nuit, avant l'aube. Ensuite, ça a été en arrivant à la fac le matin, et depuis quelques semaines, en partant le soir. Chaque occasion est bonne à prendre pour qu'il profite de ce petit moment de calme durant lequel il se coupe toujours plus de la charge mentale qui l'écrase jour après jour. Et c'est en se répétant que tout va bien, qu'il a toujours le contrôle qu'il monte dans sa voiture, prend la route pour rentrer chez lui.

Quarante minutes plus tard, c'est l'air de rien qu'il entre dans la grange, croise le regard de Louis assis en tailleur sur le tapis du salon au milieu de ses triplets qui en le voyant, s'élancent vers lui en trottinant.

''-Mama, mama, mama!

-Coucou mes bébés! Comme vous m'avez manqué.''

C'est avec un large sourire qu'il pose les genoux à terre, ouvre grand les bras pour réceptionner ses bébés, couvrir leurs joues potelées de baisers qui leur arrachent le plus beau des rires.

''-Très bien les terreurs, c'est l'heure d'aller au bain!''

Sans perdre son sourire, Harry regarde Louis avaler la distance, attraper leurs fils par le tee-shirt comme deux sacs de patates. Ils rient aux éclats alors qu'il les porte jusqu'à la salle de bain pendant que lui se relève avec leur petite fille dans les bras pour le suivre.

''-Ta journée s'est bien passée? Lui demande-t-il en entrant dans la salle de bain.

-Oh tu sais, la routine. Lui répond Louis à genoux sur le carrelage, Isaac immobilisé entre ses jambes pendant qu'il s'affaire à déshabiller Raphaël entrain de gigoter dans tous les sens. Deux gamins se sont pris à la gorge et on a dû appeler les pompiers quand un autre s'est ouvert le crâne en fonçant dans un mur.''

Même si c'est mal, Harry ne peut retenir un léger rire, attirant le regard fatigué et amusé de son petit-ami.

''-Ne rit pas. Lui dit ce dernier, proche d'en faire autant. C'était une tannée d'expliquer aux parents que leur gamin s'est fracassé tout seul. Ils voulaient à tout prix un coupable. Souffle-t-il en inversant les positions des garçons pour s'occuper d'Isaac. Et toi, les cours se sont bien passé?

-Très bien. Lui répond Harry en allant s'asseoir sur le rebord de la baignoire, Gabrielle sur les genoux. J'ai un dossier à rendre pour la semaine prochaine alors je risque de passer du temps à la bibliothèque.

-Encore? Soupire Louis avant de tendre les bras pour qu'il lui passe Gabrielle.

-Lou', ça ne me plaît pas non plus, mais c'est impossible pour moi de travailler ici depuis quelques temps. Se défend-il en se tournant légèrement pour ouvrir les robinets de la baignoire. Depuis que les triplets marchent c'est impossible de les quitter des yeux plus d'une minute. Comment veux-tu que j'écrive un dossier de cinquante pages dans ces conditions?

-Je sais. Soupir. Mais tu pourrais aussi travailler de chez ta mère? Tu serais moins loin et... Tu manques aux triplets. La nounou m'a dit qu'Isaac a fait une crise ce matin en te réclamant. Réplique Louis.''

Il est bien conscient de l'effet qu'ont ces quelques mots sur Harry qui vire aussitôt son regard sur son petit garçon accroché à sa jambe, le soulève pour le prendre dans ses bras en ravalant au mieux la culpabilité qui le prend au corps.

''-Harry... J'ai pas dit ça pour te faire sentir mal.. Reprend Louis en voyant les larmes s'accumuler dans ses yeux pâles. Je réalise que c'est pas facile pour toi. Continue-t-il.''

Mais pour seul réponse, il reçoit un lent hochement de tête qui lui donne envie de se gifler pour ne pas avoir fermé sa gueule. Alors plutôt que de risquer de dire une autre connerie, Louis se relève pour aller planter un baiser appuyé sur son front sans se douter un seu linstant, que ce geste le brise toujours plus.



***

 

''-Waw, t'as une tête de zombie mec.

-Ferme la. J'ai passé une nuit d'enfer. Souffle Harry en se laissant tomber à côté de Nick, son camarade de classe. Je sais pas comment je vais faire pour tenir et j'ai encore mon dossier à finir pour demain. Reprend-il en posant sa tête à même le bureau, épuisé par ses triplets qui ont tous eu une poussée de fièvre dans la nuit, l'empêchant de dormir ne serait-ce que cinq petites minutes.

-Tu vas jamais tenir à ce train là.''

Mollement, il secoue la tête sans se redresser.

''-T'as besoin d'aide.''

Il hoche la tête.

''-Je crois que j'ai ce qu'il te faut.''

Curieux, Harry se redresse, fronce les sourcils en regardant son camarade sortir une boîte de pilules de son sac pour lui tendre.

''-Qu'est ce que c'est?

-Un coup de pouce.''

Intrigué, il baisse les yeux sur le flacon entre ses doigts, manque s'étouffer en lisant l'étiquette.

''-Je touche pas à ça. Dit-il aussitôt en reposant le flacon sur le bureau, arrachant un rire léger, discret au jeune homme assis à ses côtés.

-C'est médical Harry.

-C'est des amphet'.

-Sur ordonnance. Réplique Nick. Y'a pas de merde comme dans ce que tu peux trouver dans la rue. J'en prends depuis deux ans et j'ai pas l'impression d'être une loque, si? Précise-t-il.''

Et malgré lui, Harry ne peut s'empêcher de penser qu'il marque un point. Mais il se refuse de franchir ce pas.

En sortant de cours quelques heures plus tard, il a le réflexe de vérifier son téléphone et découvre, étonné, un message vocal de Louis qu'il s'empresse d'écouter.

''-Salut Harry, j'ai une réunion de dernière minute à l'école ce soir. J'ai prévenu la nounou et elle peut garder les petits jusqu'à 18 heure le temps que tu finisses les cours. Je ne sais pas à quelle heure je vais rentrer, je t'envoie un message quand j'en sais plus. Je t'aime.''

Non.. N'importe quel soir mais pas ce soir.. Se dit Harry en se précipitant dans les toilettes les plus proches pour s'isoler, paniquer à l'abri des regards.

Il essaie de tourner la situation dans tous les sens, à aucun moment il ne trouve comment il va s'en sortir seul ce soir avec ses triplets et un dossier à rendre qui est encore loin d'être fini alors que tout ce qu'il veut, c'est dormir.

Il ne tient plus, et c'est à bout de nerfs qu'il se laisse glisser le long du mur, éclate en sanglots le front collé à ses genoux. Il pleure pendant de longues minutes, assailli par des idées noires qui le mettent un peu plus à terre à chaque fois. Il pleure, accablé d'un poids qu'il n'arrive plus à porter.

''-Harry t'es l-''

En sursaut, Harry se redresse pour faire face à Nick. Ce dernier lui adresse un sourire désolé avant d'entrer dans les toilettes, avale la distance jusqu'à s'accroupir face à lui.

''-Ça va mieux? Lui demande-t-il doucement.

-Non.. Je suis au pied du mur, je.. Je sais plus comment gérer. Admet le bouclé, dépassé, défaitiste.''

Il a baissé les bras.

''-Ma proposition tient toujours tu sais? Je pense que ça peut t'aider à tenir le cap jusqu'à la fin de l'année.''

Le regard perdu dans le vide, Harry hoche lentement, inconsciemment la tête.

''-Tu me jures qu'il y a aucun risque hein? Demande-t-il alors, la gorge nouée.''

Et c'est avec un sourire plus prononcé que Nick dénie en fouillant dans sa poche pour en sortir le flacon qu'il pose dans la main d'Harry.

''-Aucun risque.''

***

En se réveillant ce matin, c'est contrarié, angoissé que Louis constate qu'une fois encore, il a dormi seul. Depuis des semaines, il retrouve presque tous les matins Harry endormi à l'îlot de la cuisine ou sur le sofa, épuisé après une nuit à jongler entre les triplets et ses révisions.

Mais ce matin en sortant de leur chambre, il le retrouve bien éveillé, assis à la table du salon, sa tête prise à deux mains et un livre sous le nez.

''-Salut.''

En entendant sa voix, Harry sursaute, regarde autour de lui comme s'il ne savait plus où il se trouve avant d'ancrer brièvement son regard à celui de Louis qui vient déposer un baiser rapide sur ses lèvres.

''-Salut.

-Tu es réveillé depuis longtemps?

-J'ai pas dormi.''

Louis se fige en entendant ces quelques mots pendant qu'Harry se hâte de rassembler ses affaires.

''-Comment ça?

-J'ai révisé toute la nuit et j'ai pas vu le temps passé.

-Harry t'es pas sérieux, tu vas jamais tenir à ce train là. Lui répond Louis, soucieux en voyant les cernes toujours plus profondes qui ont pris racines sur son visage.

-Je vais bien. Je me reposerai quand j'aurai terminé les partiels.''

A peine réveillé, Louis à du mal à suivre le rythme d'Harry qui court presque dans le salon pour récupérer ses livres, son ordinateur. Et c'est à peine s'il a le temps de réagir quand ce dernier plante un baiser rapide sur ses lèvres, passe la porte de la grange, le laisse seul avec ses questions, ses angoisses. Qui est ce garçon qui vient de passer la porte? Il ne le reconnaît pas. 




Chapter 2: Chapitre 2

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Il est quatre heure du matin, et tout le monde dort profondément dans la grange. Tout le monde, sauf Harry qui se faufile aussi discrètement que possible hors de sa chambre.

Le cœur au bord des lèvres, fébrile et recouvert de sueurs froides, il avance aussi vite qu'il le peut, sort de la grange pour traverser le jardin sans se soucier une seule seconde du vent qui heurte son corps à moitié nu.

Il n'a qu'un seul objectif, rejoindre sa voiture. Et quand il y est, c'est tremblant, pressé, qu'il ouvre la boîte à gant, envoie tout valser pour trouver le flacon qui y est caché, l'ouvrir, et gober quelques pilules qui passent avec mal au travers de sa gorge nouée.

Et pendant quelques instants, il reste immobile sur le siège conducteur à écouter les battements frénétiques de son cœur entrain de tambouriner contre sa poitrine.

Il se répète que tout va bien, qu'il n'a aucun problème.

Inlassablement, aveuglement, il se répète ces quelques paroles réconfortantes qui toujours plus, le plongent dans le néant.



***

 

''-Tu es sûr que ça ne te dérange pas?

-Certain. Écoute, Harry a toujours été une boule de nerfs en période d'examens, je saurai vite s'il a vraiment un problème.

-Merci Zayn.

-Je te rappelle dès que je l'ai vu.''

Nerveux, Zayn jette sa cigarette, range son téléphone en faisant son chemin jusqu'au terrain de basket-ball de la cour de l'université. Il marche en ne faisant attention à rien ni personne, trop occupé à penser à la conversation qu'il vient d'avoir avec Louis.

Oui, Harry est toujours une boule de nerfs pendant les périodes d'examens, mais il y a bien pire. Il se souvient de certains jours où l'adolescent se défonçait plus que de raison, du matin au soir et du soir au matin pour pouvoir gérer le stress et la pression qu'il s'imposait.

Il se souvient l'avoir vu, l'avoir caché dans des états des plus pitoyables, l'avoir déjà veillé des nuits entières. Louis n'a jamais connu ce côté d'Harry. Personne à part lui ne le connaît, n'en a jamais été témoin. Et il ne pensait pas devoir s'y confronter à nouveau un jour.

Alors c'est l'air de rien qu'en arrivant sur le terrain, il va enlacer son ami de longue date, lui rend le sourire qu'il lui offre.

''-Comment ça va mon vieux?

-Tout baigne. Et toi? Comment tu t'en sors entre les études et ta petite famille? Lui demande Zayn, jaugeant sa réaction.''

Il n'en a aucune. Harry hausse simplement les épaules avant de s'éloigner tout en attachant ses cheveux.

''-Je gère.''

Décidé à lui laisser le bénéfice du doute, Zayn n'y répond rien et bien vite, ils s'affrontent en un contre un sur le terrain désert pour le simple plaisir de jouer au basket-ball.

Mais plus la partie avance, plus ses doutes se confirment, et quand une demi-heure plus tard Harry va s'asseoir sur un banc à bout de souffle, proche de cracher ses poumons, il n'en a plus aucun.

''-Tu tiens plus le choc? S'exclame-t-il, recevant en retour un sourire forcé, fatigué.

-La nuit a été courte.

-Est ce que t'as dormi au moins? Harry, excuse moi de te dire ça, mais t'as l'air d'un zombie mec. Tu fais peur à voir. Réplique aussitôt Zayn, laissant son ami baisser le regard un instant.

-Je vais bien. Répond alors ce dernier, froid, fermé.

-T'en as pas l'air. T'as replongé, c'est ça?''

Si un regard pouvait tuer, Zayn sait qu'il serait mort à l'heure qu'il est.

''-T'es venu pour quoi en fait? Pour me faire chier? Le jour où tu devras jongler entre trois bébés, ton couple, et tes études, tu pourras émettre une opinion. En attendant tu fermes ta gueule!''

Et il sait aussi qu'Harry préférerait crever plutôt qu'admettre qu'il a un réel problème.



***

 

''-Tu es sûr de ce que tu dis?

-Certain Louis. Il cache quelque chose. C'est comme à l'époque où il attendait les triplets. Si tu veux savoir ce qu'il lui arrive, tu vas devoir le mettre au pied du mur. [...]''

Aujourd'hui, c'est samedi. Il faut beau, et Harry et sa mère en ont profité pour aller promener les triplets au parc, laissant à Louis la liberté dont il a besoin pour fouiller la grange de fond en comble.

Il déteste ce qu'il est entrain de faire, mais n'a pas le choix. Harry lui cache quelque chose, il en est persuadé et veut découvrir de quoi il s'agit. Il n'en peut plus de vivre avec ce garçon qu'il ne reconnaît plus.

Ce n'est pas comme s'il agissait différemment ou quoi que ce soit, bien au contraire. Harry prend toujours son rôle de mère très à cœur, s'implique dans son couple, et passe ses nuits à jongler entre ses bébés et ses révisions sans plus jamais se plaindre.

Jamais.

Jamais il ne dit qu'il est fatigué malgré les cernes sombres qui ne quittent plus son visage blafard.

Jamais plus il ne se plaint du manque de temps, de sommeil, de ses études.

Il agit comme si tout allait bien, quand Louis sait que c'est impossible pour lui de tout gérer aussi bien alors qu'ils galèrent tous les deux depuis presque deux ans. Il y a anguille sous roche, et c'est en vidant le sac à dos d'Harry sur le sol, qu'il trouve finalement les réponses à ses questions.



***

 

Pendant ce temps, assis sur un banc du parc, Harry pousse et ramène la poussette jusqu'à lui sans en avoir conscience, trop occupé à se concentrer sur son souffle, à tenter d'ignorer sa mâchoire qui se contracte sans contrôle, les gouttes de sueur froides qui perlent à ses tempes et sa nuque. Trop occupé à ignorer le manque qui se faufile dans ses veines et l'obsède au point d'oublier où il se trouve.

''-Tu vas bien mon grand?''

Surpris, il se redresse, fait face à sa mère qui le regarde avec inquiétude. Difficilement, il déglutit, force un sourire.

''-Ça va. Je.. La semaine a été longue et je suis.. Je suis simplement fatigué. Ment-il en se battant contre ses maxillaires qui refusent de rester en place.

-Tu as l'air épuisé en effet. Lui répond Anne en caressant doucement son visage. Tu devrais rentrer te reposer. Je vais faire un détour par le bureau pour récupérer un dossier et je te retrouve à la maison.''

Impatient de partir, il hoche la tête, et dès que sa mère est loin de son champ de vision, il court presque pour rejoindre sa voiture, peste, pleure presque en se débattant avec les sangles des sièges autos avant de s'installer derrière le volant, de démarrer en trombe pour rentrer chez lui, chasser le malaise qui le prend toujours plus au corps de la seule façon possible.

Il ne pense qu'à ça durant tout le trajet, conduit plus vite qu'il ne l'a jamais fait, obsédé par la simple idée de se sentir mieux.

Et quand il arrive chez lui, c'est à la hâte qu'il descend de la voiture, traverse le jardin en courant presque, assourdit par le sang qui pulse de plus en plus vite, de plus en plus fort dans ses tempes.

C'est au plus mal, qu'il entre dans la grange, se jette presque sur son sac à dos laissé à l'abandon sur la table du salon.

Il ne pense à rien, ne voit rien, trop occupé à dévirer son sac, à chercher le flacon, qu'il ne trouvera pas.

''-C'est ça que tu cherches?''

En panique, Harry se retourne d'un bond pour faire face à Louis qui le regarde, appuyé contre l'îlot de la cuisine.

Ses coudes sont posés sur le comptoir, le bas du visage caché entre ses mains croisées. Le regard grave, plus sérieux que jamais, il pointe le flacon posé devant lui en plus d'un pochon plein de weed. Et Harry ne sait pas quoi dire, quoi faire. Il reste immobile, muet, incapable de contrôler sa mâchoire ou ses tremblements sous le regard sévère de Louis qui se rend finalement compte de l'étendue des dégâts.

''-Depuis combien de temps ça dure?

-Je.. C'est pas-

-N'aies pas le culot de me dire que c'est pas ce que je crois! Le coupe Louis en se redressant, hors de lui. C'est des putains d'amphet' Harry! S'emporte-t-il en tapant du poing contre le comptoir, laissant sursauter le bouclé qui a de plus en plus de difficultés à retenir ses larmes.

-C'est.. C'est pas aussi grave que tu le penses.. Je vais bien..

-Non mais tu t'es vu?''

A bout de nerfs, incapable d'accrocher son regard fuyard, Louis sort de la cuisine pour aller attraper Harry par le poignet et le tirer jusqu'à la salle de bain où il le lâche, attrape violemment sa mâchoire pour l'obliger à faire face au miroir.

''-Regarde-toi! Regarde-toi!! Hurle-t-il en tenant son visage face à son reflet. Tu trouves vraiment que tu vas bien?!

-Lou' a-arrête.. Tu me fais mal.. Geint Harry d'une voix pleurnicharde qui prend Louis au cœur.''

Mais qu'importe à quel point ça lui coûte, il ne le lâchera pas tant qu'il n'aura pas admit son problème.

''-Depuis combien de temps ça dure? Lui demande-t-il à nouveau en essayant de garder son calme.

-Lou'.. Je t'en prie..

-Répond-moi Harry!

-Arrête de crier! Je t'en prie arrête.. Tu vas réveiller les triplets.. Pleure Harry en essayant de se dégager de la prise de Louis qui fini par le lâcher, le regarde, les sourcils froncés.

-Les triplets ne sont pas là Harry. Ils étaient avec toi et ta mère.''

Et il a tout juste le temps de voir l'effroi passer dans le regard d'Harry avant qu'il ne le pousse violemment contre la porte pour partir en courant.

''-Putain non..''

Plus vite que de raison, Louis comprend, part au quart de tour et traverse la grange, le jardin pour retrouver Harry entrain d'ouvrir en panique la portière arrière de sa voiture.

La gorge nouée, le cœur au bord de l'implosion, il avale la distance pendant qu'Harry tombe à genoux, pleure à chaudes larmes, le front collé au bitume.

Le goût de l'angoisse en bouche, il passe derrière la portière, pose le regard, soulagé, sur ses bébés qui eux, regardent de leurs grands yeux Harry qui laisse éclater ses sanglots, craque toujours plus quand la petite voix d'Isaac arrive jusqu'à lui.

''-Mama.. mama..''

Il pleure, s'arrache les cheveux par poignées en répétant, en hurlant inlassablement les mêmes mots.

''-Je suis désolé! Je suis désolé!''

Et c'est au bord des larmes que Louis tombe à genoux à ses côtés pour le prendre dans ses bras.

Il le serre aussi fort qu'il le peut, assourdi, brisé par ses excuses incessantes, ses pleurs déchirants qui résonnent et font écho dans la rue déserte.

''-Ça va aller Harry... On va te trouver de l'aide..''

Toujours plus, il le serre contre lui quand il le sent secouer la tête, entend ses pleurs redoubler d'intensité. Il le laisse s'accrocher à lui comme lui se raccroche à ses espoirs.

''-Tout va bien se passer. Je te le promets...''



Chapter 3: Chapitre 3

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Personne ne dit un mot.

 

Depuis plus de cinq minutes, Anne et Louis cherchent la bonne façon de parler à Harry qui a du mal à tenir en place sur le sofa face à eux. Il remue, tremble, se ronge les ongles, passe encore et encore ses mains dans ses cheveux, incapable de contrôler ses gestes frénétiques sous les yeux de sa mère qui fait tout son possible pour ne pas craquer. Pas maintenant.

 

Et là qu'elle le regarde, elle se demande comment elle a pu être aussi aveugle. Elle était tellement persuadée que ce genre de chose n'arriverait jamais, qu'elle n'a jamais douté. Et elle s'en veut, elle s'en veut de ne pas avoir été plus prudente, de ne pas avoir reconnu les signes. Et elle n'est pas la seule.

 

A ses côtés, Louis ne peut quitter du regard Harry qui essaie de contrôler ses paupières qui battent plus que de raison, sa mâchoire qui se contracte toutes les dix secondes. Il le regarde, le voit le fuir, sans plus savoir qui se trouve sous ses yeux. Il est temps que ça cesse.

 

Sans dire un mot, il se tourne vers sa belle-mère, lui adresse un regard entendu qu'elle lui rend avant d'échapper un soupir, de glisser la brochure qu'elle cache depuis tout à l'heure sur la table basse, sous le nez de son fils qui en voyant le bout de papier, relève les yeux sur sa mère.

 

''-Que-Qu'est ce quec'est? Lui demande-t-il difficilement.''

 

Mais c'est encore plus difficile pour elle de l'entendre, le voir mettre tous ses efforts dans ces quelques petits mots.

 

''-Un centre de désintoxication.

-Non..

-J'ai appelé, ils t'attendent ce soir.

-J'AI DIT NON! Hurle Harry en se levant.''

 

Surprise, Anne sursaute pendant que, sur ses gardes, Louis l'imite, s'attend au pire en le voyant s'agiter, les mains plaquées sur son crâne.

 

''-J'irai pas là-bas. J'ai pas besoin d'y aller je-j'ai fait une erreur et ça se reproduira plus je-j'irai pas là-bas.. Déblatère-t-il à toute vitesse en secouant la tête, absent, en proie au manque et à une panique qui serre toujours plus le cœur de sa mère.

-Tu as besoin d'aide Harry. Lui dit-elle en se levant à son tour, retenant au mieux ses larmes.

-N-Non. Je vais bien.

-Tu oses dire ça après ce que tu as fait cette après-midi? S'exclame alors Louis, choqué, blessé de voir qu'encore maintenant, Harry prétend que tout va bien.

-Louis attend-

-Non Anne.''

 

Sans le lâcher du regard, il s'approche d'Harry qui le dévisage apeuré, sur la défensive.

 

''-Tu as oublié les triplets dans la voiture en plein cagnard. L'accuse-t-il en espérant le faire entendre raison. Tu étais tellement obsédé par l'idée de te défoncer que tu les as oublié.

-Arrête..

-Et tu oses encore dire que tu vas bien?

-Tais-toi..

-Non Harry! Je ne vais pas me taire! S'emporte Louis en se plantant devant lui, en ancrant son regard à ses yeux vitreux, tourmentés. Et toi tu vas pas bien! T'es un putain de toxico!

-Ta gueule! Ta gueule!! TA GUEULE!!''

 

De toute ses forces, Harry le pousse, l'envoie valser contre une étagère en verre qui se brise et s'effondre sous l'impact.

 

''-Oh mon Dieu! Louis tu vas bien?!''

 

Tout se passe bien trop vite pour ce dernier. Avant qu'il ne comprenne comment, il se retrouve les genoux à terre, entouré de débris de verres qui craquent à chacun de ses mouvements.

 

Il entend Anne, mais ne voit qu'Harry qui reste sous le choc de son propre geste. Il voit ses yeux exorbités, les larmes qui s'y faufilent, sent comme si elle était sienne, la panique qui s'empare de son corps quand il se met à secouer la tête de façon incontrôlable.

 

Et ignorant au mieux les douleurs qui parcourent son corps, Louis se relève, amorce un pas vers Harry qui recule aussitôt comme un animal épié, chassé, prêt à s'enfuir d'une seconde à l'autre.

 

''-Harry..

-Ce-C'est pas moi.. Je voulais pas je..''

 

Son regard est perdu dans le vide, et Louis prend peur en voyant Harry qui lui échappe toujours plus, s'agite, les doigts enfouis dans ses cheveux, les mains plaquées durement contre son crâne.

 

''-Louis, ton bras.''

 

Il le sait, sent le morceau de verre enfoncé à l'arrière de son bras, le sang qui s'écoule jusqu'au bout de ses doigts.

 

Mais Harry n'avait rien vu, et il aurait voulu que ça reste ainsi.

 

Toujours plus quand il voit la grimace qui se glisse sur son visage, entend les sanglots qui lui échappent à la seconde où il tombe à genoux sur le sol.

 

''-Oh mon Dieu! Pardon! Pardon!''

 

Il pleure, hurle, s'accroche désespérément à Louis lorsqu'il est devant lui.

 

''-Ça va aller Harry..

-Pardon! Pardon!''

 

Ravalant ses propres larmes, Louis glisse ses mains dans les cheveux trempés de sueur d'Harry qui le serre si fort qu'il pourrait lui casser les côtes, enfouie toujours plus son visage dans son tee-shirt qui s'humidifie peu à peu de ses larmes.

 

''-Tout ira bien.. On va dégager cette merde de ton organisme et après ça, tout ira bien..''

 

Tout redeviendra comme avant.

 

 

***

 

 

''-Ton taxi est là.''

 

Il a entendu, mais ne bouge pas. Il en est incapable.

 

Il est incapable de quitter des yeux ses bébés entrain de dormir profondément dans leur berceau. Ses bébés qu'il a mis en danger aujourd'hui, et dont il doit se séparer ce soir.

 

Il a l'impression qu'il n'y arrivera jamais, que jamais il ne pourra décrocher ses mains des barreaux qu'il serre de toutes ses forces en essayant de contrôler les tremblements qui continuent de prendre d'assaut son corps endolori et lui rappellent sa détresse, sa honte.

 

Il a honte plus que jamais, ne retient pas ses larmes lorsqu'il sent la main de Louis se poser délicatement sur son épaule.

 

''-Harry..

-Je vais pas y arriver...''

 

Sa voix est inexistante, étranglée par sa gorge nouée et les sanglots qui s'y accumulent.

 

''-Tu n'as pas le choix.''

 

Et plus que tout, il aimerait prouver le contraire. Mais lorsqu'il porte sa main au visage poupin de sa fille, il est incapable de contrôler ses tremblements.

 

Et c'est toujours plus écœuré par lui-même, qu'il se rétracte avant de la toucher, accablé, le cœur en miette.

 

''-Je.. Je suis pas une bonne maman... Souffle-t-il alors, écrasé par cette vérité qui le hante.

-Hé, dit pas ça.''

 

Une vérité qu'il est le seul à accepter.

 

Sans le brusquer, Louis tire sur son épaule, le force, se force à lui faire face. Il s'oblige à regarder ce garçon brisé qui n'ose plus lever les yeux, s'oblige à constater sa négligence. S'il avait été plus attentif, rien de tout ça ne serait arrivé.

 

Il était tellement sûr et certain qu'Harry ne franchirait jamais ce pas qu'il en a oublié ses prédispositions à tomber dans la drogue, ce bagage, cet héritage de son passé qu'ils avaient réussi à ignorer jusqu'à présent. Ce n'est plus possible aujourd'hui. Et ils sont aussi fautif l'un que l'autre.

 

''-Tu es malade Harry.. Et je suis désolé de ne pas l'avoir remarqué plus tôt.''

 

Il l'est toujours plus quand il le voit hocher la tête, les mains plaquées sur son visage, quand il l'entend renifler, incapable de retenir ses pleurs, sa honte.

 

Délicatement, Louis passe ses bras dans son dos, le tire contre lui, l'enlace en essayant d'ignorer les spasmes nerveux qui parcourent son corps collé au sien, ses doigts qui glissent sur sa nuque trempée de sueur.

 

''-Tout ça ne sera bientôt plus qu'un mauvais souvenir. Je te le promets.''

 

 

***

 

 

''-Hé Carl', j'ai un nouvel arrivage pour toi.

-Dit-moi tout. Souffle le trentenaire sans lever les yeux de son bouquin, les pieds croisés sur la table de la salle de repos dans laquelle il était tranquille jusqu'alors.

-Un jeune homme de vingt ans accro aux amphet'. Il est arrivé il y a une heure en pleine crise.

-Manque ou sevrage? Demande-t-il à sa collègue, toujours sans lever le regard.

-Nerfs. Souffle-t-elle. Ce garçon a trois bébés de moins de deux ans. S'exclame-t-elle.''

 

Et finalement, elle attire l'attention, le regard pâle de l'éducateur qui tend simplement le bras pour qu'elle lui donne le dossier qu'elle a en main.

 

Sans un mot, il l'ouvre sous le regard de sa collègue qui attend patiemment.

 

''-Styles? Pourquoi ce nom m'est familier? Lui demande-t-il, les sourcils froncés.

-Sa mère travaille au centre social et prend en charge certains de nos patients. Mais je ne crois pas que tu aies déjà eu affaire à elle. Lui répond-elle.''

 

En retour, il hoche simplement la tête avant de replonger son regard dans le dossier. Sur la première page, la deuxième ligne, le prénom du garçon.

 

''-Harry...''

 

Quelles sont les chances?

 

''-Ça me fait de la peine pour sa mère.. Anne est vraiment une femme formidable.''

 

Plus vite que de raison, il se relève, laisse sursauter sa jeune collègue.

 

''-Où il est?

-En chambre. On a été obligé de lui filer un sédatif pour le calmer.

-Quelle chambre?

-La 15 mais.. Carlos? Carlos où tu vas?''

 

Elle lui parle, mais il ne l'écoute plus, déjà loin. Il marche rapidement, court presque dans les couloirs du centre en essayant d'ignorer son cœur qui se serre et bat à tout rompre contre sa poitrine. 

 

''-Où est le petit?

-Les services sociaux sont passés et l'ont embarqué pendant que j'étais pas là..

-Putain mais quelle conne! T'as merdé Diane! T'as merdé comme jamais!''

 

Il doit en avoir le cœur net. Ce soir, maintenant. Ça fait seize ans qu'il se demande ce qu'il s'est passé, et plus que jamais, il se sent proche d'obtenir des réponses.

 

Il en est persuadé, n'a plus aucun doute quand il ouvre la porte de la chambre 15 et qu'il découvre son visage à la lumière blafarde du couloir qui se diffuse dans la pièce sombre et silencieuse.

 

Et malgré lui, en le regardant, Carlos ne peut s'empêcher de penser qu'après toutes ces années, son fils reste le portrait craché de sa mère.

 

 

Chapter 4: Chapitre 4

Chapter Text

 

En arrivant au centre ce matin, Carlos est plus déterminé qu'il ne l'a jamais été. Depuis cinq ans, il passe ses journées à s'occuper de drogués, d'alcooliques plus fourbes et manipulateurs les uns que les autres. Des accros prêts à tout pour avoir leur dose.

 

Il fait face à ce qu'il a été pendant des années et aide ces personnes à remonter la pente, les soutient quand personne d'autre n'est là pour le faire.

 

Mais aujourd'hui, son patient n'est pas n'importe qui. C'est quelqu'un qu'il ne pensait, n'espérait plus jamais revoir un jour.

 

C'est son passé qui vient le frapper de plein fouet.

 

Son fils, la chaire de sa chaire qui comme lui l'a fait, s'est engagé sur un chemin tortueux sur lequel beaucoup se sont perdus et égarés.

 

Un chemin duquel il va devoir l'arracher par tous les moyens.

 

Il y a pensé toute la nuit, et c'est anxieux bien que sûr de lui qu'il entre dans la chambre 15, découvre Harry recroquevillé sur lui-même dans un coin de la pièce. Il entend son souffle court, rapide, voit les spasmes incontrôlables qui le prennent au corps. Il sait ce qu'il se passe, ce qu'il doit faire. Mais avant, il doit découvrir quel genre de camé est son fils. Et il n'a qu'une façon d'y parvenir. Lui parler.

 

Nerveux, il va s'asseoir en tailleur à même la moquette juste face à Harry qui ne semble pas remarquer sa présence, trop occupé à subir son sevrage brutal.

 

''-Bonjour Harry. Je m'appelle Carlos, je serai ton éducateur pendant ton séjour parmi nous. Commence-t-il calmement, satisfait de voir qu'il capte son attention. J'ai entendu dire que tu avais trois bébés. Reprend-il, et cette fois-ci, c'est son regard tremblant qu'il capte, accroche. Son regard plein d'espoirs. Mon travail, c'est de faire en sorte que tu puisses les revoir au plus vite.''

 

Carlos essaie de rester de marbre lorsqu'il le voit hocher frénétiquement la tête, une moue figée sur son visage ravagé par ses larmes incessantes.

 

''-Mais je ne peux pas y arriver tout seul. On va devoir travailler en équipe toi et moi. Reprend-il en ouvrant le dossier qu'il tient en main, même si au fond, il n'en a pas vraiment besoin.''

 

Il l'a lu en long, en large et en travers, le connaît par cœur. Mais ça, Harry ne le sait pas.

 

''-Ta mère nous a signalé que tu prenais des amphétamines et du cannabis. Mais elle n'a pas su nous dire depuis quand. Tu peux? Lui demande-t-il en revirant son regard sur son visage.''

 

Et patiemment, il attend qu'Harry ait assez de contrôle sur ses muscles pour prendre la parole, découvre sa voix rauque et cassée qui le prend au cœur.

 

''-Quelques.. Quelques mois..

-Et est ce que tu prends autre chose?''

 

Vivement, il secoue la tête et Carlos lui, même s'il ne le voit pas, acquiesce.

 

''-Pourquoi tu as commencé?''

 

A nouveau, Harry secoue la tête, s'agite toujours plus dans son coin.

 

Les secondes, les minutes passent sans qu'il ne prononce plus un mot, le souffle toujours plus court. Et Carlos comprend qu'il vient de mettre le doigt sur quelque chose. Il sait dans quelle direction avancer.

 

''-Harry, pourquoi tu as commencé à te droguer? Lui demande-t-il à nouveau sans jamais perdre son calme.''

 

Mais ce n'est pas le cas du garçon face à lui qui tremble toujours plus, et qui sous son regard, se met à quatre pattes avant d'entreprendre de se lever, et d'échouer.

 

Avant que Carlos ne puisse réagir, Harry s'écrase face contre terre, et dans un haut le coeur des plus écœurant, laisse le contenu de son estomac jaillir sur la moquette.

 

''-Et merde..''

 

A la hâte, Carlos se relève, attrape Harry sous les aisselles pour le traîner jusqu'à la salle de bain, jusqu'aux toilettes dans lesquels il se remet à vomir glorieusement, le corps parcouru de spasmes plus violents les uns que les autres.

 

''-Aller vas-y. Souffle Carlos en maintenant sa tête dans la cuvette. Laisse tout sortir, tu te sentiras mieux après.''

 

Il est bien placé pour savoir de quoi il parle.

 

Et pendant de longues minutes, il attend. Assis contre le mur, le regard rivé sur son fils entrain de se vider à quelques centimètres de lui, Carlos prend sur lui, se répète, espère que malgré leur ressemblance, Harry n'est pas comme sa mère.

 

 

***

 

 

Après cinq jours à veiller Harry, à rester auprès de lui pendant qu'il délirait, se vidait, à le faire manger presque de force, c'est rassuré qu'en entrant dans la chambre ce matin, Carlos retrouve le garçon assis calmement sur le rebord de la fenêtre.

 

''-Bonjour Harry, comment tu te sens aujourd'hui? S'exclame-t-il en refermant la porte derrière lui, attirant l'attention, le regard du bouclé qui en le voyant, fronce légèrement les sourcils.

-Vous êtes qui?''

 

Carlos n'est pas étonné, après tout, il a l'habitude. Les moments de lucidités sont rares pendant un sevrage, et c'est à peine s'il a réussi à obtenir l'attention d'Harry plus de dix minutes en cinq jours. Alors non, il n'est pas étonné qu'il ne le reconnaisse pas.

 

''-Ton éducateur. Répond-il en allant s'asseoir sur une chaise qu'il a campé durant les derniers jours. C'est grâce à moi si tu t'es pas encore étouffé dans ta gerbe. Reprend-il, jaugeant la réaction du jeune homme qui baisse simplement la tête.

-Je suppose que je dois vous dire merci.. Marmonne alors ce dernier.

-Tu ne me dois rien. Je fais simplement mon travail. Réplique Carlos sans le quitter du regard, répétant sa première question après coup. Comment tu te sens aujourd'hui?

-Mieux.. Je crois.. Souffle Harry en laissant sa tête aller taper contre le mur dans son dos. J'ai les idées plus claires.

-Tu te sens capable de répondre à quelques questions alors? Lui demande Carlos, recevant un léger hochement de tête en retour.

-Pourquoi tu as commencé à te droguer?''

 

Même si elle est beaucoup moins viscérale que la première fois, la réaction d'Harry ne se fait pas attendre. Il remonte un peu plus ses genoux contre son torse, échappe un peu plus à son regard, ses yeux pâles rivé vers le ciel sans nuage que leur offre cette belle journée de Mai.

 

''-Je.. J'arrivais plus à gérer.. Avoue-t-il finalement, la voix coincée, chargée de sanglots, de culpabilité.

-J'imagine que ça ne doit pas être facile de poursuivre ses études avec trois bébés à la maison.''

 

C'est satisfait bien que responsable que Carlos voit une larme faire son chemin sur la peau pâle du garçon qui secoue doucement la tête.

 

''-Et qu'est ce qu'il s'est passé pour que ta famille t'envoie ici? Ça a été quoi le déclic?''

 

Plus vigoureusement cette fois, Harry secoue à nouveau la tête, les lèvres fermement pincées pour retenir les sanglots qui s'entassent dans sa gorge nouée.

 

''-Harry?''

 

Sans cesser ses mouvements de tête frénétiques, ce dernier se lève et va se coller à l'angle opposé de la pièce sous le regard de l'éducateur qui se relève à son tour, avale la distance pour poser sa main sur son épaule tendue.

 

''-Ça va aller. Je ne suis pas là pour te juger, mais t'aider.''

 

Et il sait, il sait que, qu'importe ce que pourra bien lui dire le jeune homme devant lui, ce ne sera rien en comparaison, de ce qu'il lui a fait subir. Et même s'il voudrait garder la porte de son passé fermée à jamais, Carlos sent que le seul moyen de pousser Harry à se confier, c'est qu'il l'ouvre, confesse ses propres pêchés.

 

''-J'ai été père très jeune aussi. Commence-t-il dans un souffle sans jamais lâcher son épaule. J'avais dix-sept ans quand mon fils est né et à l'époque je passais plus de nuits dehors ou chez les flics qu'avec lui et ma copine. Je suis alcoolique. Je suis sobre depuis dix ans maintenant, mais à cette période de ma vie j'étais tellement en vrac que je pouvais boire de la vodka au petit-déj'. Soupir. J'enchaînais les séjours en maison de correction, en prison, et pendant ce temps là, ma copine s'enfonçait de plus en plus. Et avant que je m'en rende compte, elle était déjà accro à l'héroïne. Confesse Carlos, raffermissant malgré lui sa prise sur l'épaule d'Harry qui, même s'il ne le voit pas, écoute avec attention chacun de ses mots. Et au milieu de tout ce merdier, il y avait mon fils. Continue-t-il en essayant de garder le contrôle de ses émotions, de sa voix qui chevrote légèrement. Ma copine n'avait pas vraiment l'instinct maternel et elle ne supportait pas d'être maman. Elle perdait toujours son sang-froid pour tout et n'importe quoi et j'étais tellement con et amoureux que je la laissais faire, je l'appuyais et m'en prenais à notre fils quand elle me le demandait. Je sortais lui acheter sa dose pour avoir un peu de calme. Et un jour, je me suis fait attraper, je suis parti en prison pendant six mois. Et quand je suis rentré, Diane m'a annoncé sans regret que les services sociaux avaient emporté le petit.''

 

Carlos réalise son erreur à la seconde où il sent Harry se tendre toujours plus. Sur ses gardes, il retire sa main, le regarde se retourner, lui faire face et pour la première fois, ancrer ses yeux pâles aux siens avec une haine, un mépris qui le prend au cœur.

 

''-Vous êtes qui?''

 

Sa voix est tranchante, plus froide qu'elle ne l'a jamais été. Mais Carlos ne se démonte pas, et c'est sans baisser les yeux qu'il lui répond.

 

''-Je m'appelle Carlos.''

 

Il a compris, il le voit. Mais ça ne l'empêche pas de prononcer quelques mots qui déclenchent la fureur du jeune homme.

 

''-Je suis ton père.''

 

Il n'a pas le temps de réagir quand il se prend un premier coup dans la mâchoire qui le fait vriller de quelques centimètres.

 

Mais avant qu'Harry ne puisse le frapper à nouveau, Carlos l'attrape à la gorge d'une main, enferme ses poignées frêles dans l'autre et le plaque au mur sans douceur.

 

''-Lâche-moi! LÂCHE-MOI!!''

 

Harry se débat, hurle à tout rompre, mais jamais il ne le lâche, ni ne fuit son regard enragé.

 

''-Calme-toi d'abord.

-Que je me calme?! Mais va te faire foutre! Vocifère Harry en essayant de s'arracher à sa prise, en vain.''

 

Il ne fait que s'épuiser un peu plus à chaque seconde qui passe.

 

''-Va crever!''

 

Sa voix se craque, se brise, s'essouffle alors qu'il se fatigue de plus en plus, se débat de moins en moins.

 

''-On en reparlera quand on t'aura sorti de cette merde dans laquelle t'a plongé. Lui répond simplement l'éducateur comme si ses paroles ne l'avaient pas atteint, ne l'avaient pas blessé.''

 

Comme si le sourire mesquin, narquois qui se glisse sur les lèvres de son fils ne lui arrachait pas le cœur.

 

Il le connaît ce sourire. Et il le déteste.

 

''-Parce que tu crois que tu peux m'aider? T'es rien qu'un camé.

-Et toi, qu'est ce que t'es?''

 

Si un regard pouvait tuer, Carlos serait mort à l'heure qu'il est.

 

''-T'es qu'un pauvre toxico au même titre que toutes les personnes internées ici. Plus vite tu l'accepteras, plus vite tu pourras guérir et sortir prouver que t'es un meilleur parent que je ne l'ai jamais été avec toi.''

 

Il ne fait rien quand le regard d'Harry lui échappe, quand ses larmes lui échappent. Il lâche juste ses poignets et son cou, le regarde repartir s'appuyer à la fenêtre, lui tourner le dos.

 

Et tout en sachant qu'il n'obtiendra rien de plus de lui aujourd'hui, Carlos fini par quitter la chambre.

 

 

***

 

 

''-C'est gentil d'être passé m'aider. Anne fait déjà tout ce qu'elle peut mais...''

 

Accablé, Louis ne va pas au bout de ses pensées, échappe un soupir tremblant à genoux devant la baignoire dans laquelle sont assis les triplets.

 

''-Pas la peine de me remercier. Lui répond Zayn en allant s'agenouiller à ses côtés pour l'aider à laver les bambins qui ne tiennent pas en place. Tu as des nouvelles d'Harry?

-Toujours pas.. Souffle Louis, dépité. Il ne doit avoir aucun contact avec l'extérieur pendant minimum deux semaines. C'est le règlement.

-Bordel..''

 

Bordel oui, c'est le mot, se dit Louis.

 

C'est ce qu'est sa vie depuis une semaine. Depuis qu'Harry n'est plus là, qu'il doit tout faire seul, du bain aux biberons, aux câlins. C'est lui qui tous les soirs, berce ses bébés qui réclament leur maman, lui qui pleure seul dans son lit, lui qui est proche de craquer au milieu du chaos qu'est devenu sa vie pourtant si idyllique.

 

''-Dada dada!''

 

Mais il ne craquera pas. Pour ses bébés, pour Harry qui reviendra bientôt, il restera debout.

 

 

Chapter 5: Chapitre 5

Chapter Text

 

''-Tu as encore des nausées à ce que je vois?

-Dégage.''

 

Sans accorder un regard à son interlocuteur, Harry tire la chasse avant de se recroqueviller contre le mur près des toilettes, certain qu'il va devoir y replonger la tête d'un instant à l'autre.

 

''-En fait tu as une réunion ce matin, je suis venu te chercher.''

 

Et puis quoi encore? Pense Harry.

 

Mais il n'a pas le temps de dire quoi que ce soit qu'il sent son estomac se retourner, la bile remonter sa trachée, et dans la seconde, il se penche, s'accroche à la porcelaine pour vomir de plus belle.

 

Il pensait qu'il en avait finalement fini de se sentir mal, mais depuis qu'il s'est réveillé, il ne peut chasser le malaise qui l'a pris au corps et au cœur. Ilse sent mal, et avoir un hypocrite à quelques pas ne l'aide pas à aller mieux.

 

''-Dégage. Répète-t-il en se redressant, épuisé, vidé.''

 

Il veut juste être seul.

 

En fait, non, il ne veut pas être seul, mais il veut que cet homme qui se tient dans l'encadrement de la porte s'en aille. Il ne veut pas le regarder, il ne veut pas l'entendre. Il veut juste le voir disparaître une nouvelle fois de sa vie pour ne plus jamais y revenir.

 

''-Tu te répètes. Maintenant reprend-toi. Si dans dix minutes t'es pas dans le couloir, je te traîne par la peau du cul jusqu'à la salle de réunion.''

 

Sans un mot de plus, Carlos quitte la chambre pendant qu'Harry le maudit en silence.

 

De tous les centres, de tous les éducateurs, pourquoi a-t-il fallut qu'il tombe sur cet homme? Cet homme qui lui a avoué sans remord que oui, c'est lui son père, c'est lui qui l'a traumatisé, qui l'a détruit.

 

C'est lui qu'il voudrait voir mort et enterré.

 

 

***

 

 

''-Harry, tu ne veux toujours pas participer?''

 

Résigné, il secoue la tête, ignore les regards des autres participants qui le prennent en pitié. Il n'a pas besoin de leur pitié, il n'est pas comme eux.

 

Il n'est pas comme Damien qui était tellement saoul un soir qu'il est entré par effraction chez sa voisine de soixante-quinze ans, ou comme Julie qui prend tellement d'anti-douleur qu'elle a développé un tic permanent sur son visage. Il n'est pas comme François qui en est à sa troisième cure en cinq ans ou Margaux qui assure que cette fois, c'est la bonne.

 

Il n'est pas comme tous ces gens, il a juste fait une erreur.

 

''-Très bien, la réunion est terminée. Je vous souhaite une bonne soirée.''

 

A la hâte, Harry se lève de sa chaise, sort en premier de la pièce uniquement pour tomber nez à nez avec Carlos qui l'attend de pieds fermes appuyé contre le mur du couloir, les bras croisés sous le torse.

 

''-Comment était la réunion?

-Longue. Lui répond simplement Harry en détournant le regard avant de prendre le chemin de sa chambre.''

 

Et même s'il espérait que cette fois-ci il le laisse tranquille, il peste entre ses dents, serre les poings dans ses poches en entendant son éducateur le suivre.

 

Et au bout de plusieurs mètres, n'y tenant plus, il se retourne pour lui faire face avec tout le mépris qu'il lui inspire.

 

''-T'as fini de me suivre? T'as pas quelqu'un d'autre à aller emmerder? Lui crache-t-il, arrachant un léger rictus à Carlos qui ne se laisse pas impressionner, ne se démonte pas.

-En fait t'es le seul de mes patients à stagner dans le programme. Les autres peuvent se démerder seul maintenant.

-Ouai bah moi aussi. Réplique Harry en lui tournant le dos pour reprendre sa route.

-Ça a été quoi le déclic?''

 

Il a tout juste fait quelques pas quand cette question revient frapper Harry de plein fouet. Dans son dos, Carlos le voit se tendre, mais ne dit rien, attend comme toujours, une réponse qui ne vient jamais.

 

''-J'imagine que ça doit pas être joli joli si tu n'arrives même pas à mettre des mots dessus. Peut-être même que ça a rapport avec tes enfants.

-La ferme.''

 

Il sait qu'il a tapé juste quand Harry revient sur ses pas, se colle presque à lui, la haine encrée au fond de ses yeux pâles.

 

''-Je t'interdis de parler de mes bébés ou même d'y penser. T'as aucun droit de parler d'eux! C'est clair?!

-Limpide.''

 

Sur ses gardes, Carlos regarde Harry lui tourner le dos une nouvelle fois, le laisse s'en aller, en se disant que demain, est un autre jour.

 

 

***

 

 

''-Harry? Harry?! Pourquoi c'est fermé?! Ouvre tout de suite la porte!''

 

Non, pas aujourd'hui.

 

Il pourra tambouriner sur la porte aussi longtemps qu'il le veut, Harry ne la décoincera pas.

 

Aujourd'hui il ne veut voir personne, en tout cas, personne du centre. Parce qu'aujourd'hui, c'est le 02 Juin, et qu'il y a deux ans à la même heure, il était sur le point de donner naissance à ses bébés. Alors non, il ne veut voir personne, et encore moins Carlos.

 

Tout ce qu'il veut, c'est rester dans son lit, pleurer jusqu'à tomber de fatigue en regardant le cadre photo qu'il tient entre ses mains.

 

''-HARRY!!''

 

Il n'ouvrira pas. Il ne donnera pas le moindre signe de vie. A aucun moment, il refuse de sortir de sa bulle. Ses bébés ont deux ans aujourd'hui, et il n'est pas avec eux. C'est trop douloureux à encaisser pour lui.

 

Il ne bouge pas, ne sursaute pas quand à force de persévérance, la porte et la chaise qui la bloquait cèdent sous les coups de Carlos qui déboule dans la chambre, perdu entre le soulagement et l'envie d'étrangler le jeune homme qu'il retrouve allongé dans son lit.

 

''-Bordel Harry! C'est quoi ce délire?!

-Va-t'en.''

 

Il ne hurle pas, ne l'envoie pas se faire foutre. Il lui demande juste de s'en aller sur un ton trop monotone pour être sans raison.

 

Alors plutôt que de partir, Carlos fait son chemin dans la chambre sombre pour aller ouvrir les rideaux et laisser entrer la lumière du jour qui agresse les yeux déjà irrités d'Harry.

 

''-Tu as une réunion dans quinze minutes.

-Je passe.''

 

Agacé, Carlos fait le tour du lit pour faire face au bouclé qui ne lève jamais les yeux, porte sur son visage les traces de ses larmes incessantes, de son cœur blessé. Et il remarque alors que son regard n'est pas perdu dans le vide comme il le pensait, mais bien ancré, accroché à un petit objet en métal entre ses mains qu'il n'arrive pas à discerner.

 

''-Harry-

-J'ai dit non. Le coupe-t-il.''

 

Et frustré, Carlos échappe un soupir en se demandant comment il doit agir. Est ce qu'il fait ce qu'il fait toujours et envoie valser le lit pour tirer Harry par les cheveux s'il le faut à cette foutue réunion? Ou est ce qu'il essaie, encore une fois, de délier sa langue? Tant qu'il ne parlera pas, il ne pourra jamais réellement s'en sortir.

 

''-Très bien, si tu ne fais aucun effort, je crois que je vais demander aux médecins de décaler ton droit de visite d'une semaine. Le menace-t-il.''

 

Et ça marche. Pour la première fois depuis qu'il est entré dans la pièce, Harry lève le regard sur lui, un regard noir, emplit de haine.

 

''-Va te faire foutre.

-Ah, nous y voilà. Maintenant écoute moi bien, tu veux agir comme un p'tit con? Je vais te traiter comme un p'tit con. Alors tu vas bouger ton cul et aller en réunion! Mieux, tu vas y participer avant que je fasse retirer tous tes effets personnels de ta chambre. S'emporte-t-il.''

 

Aussitôt, il s'attend à se faire insulter, peut-être même frapper, mais avant qu'il n'ait le temps de réagir, il voit Harry envoyer valser la couverture, se lever d'un bond pour aller s'enfermer en courant dans la salle de bain.

 

Et très vite il comprend pourquoi en entendant le bruit sourd de ses régurgitations faire écho à travers le bois de la porte.

 

Dans la seconde, Carlos s'en veut, se dit qu'il est peut-être allé trop loin.

 

Et alors qu'il s'apprête à le rejoindre, son regard accroche le petit objet en métal qu'Harry a laissé tomber dans sa précipitation. Au premier abord, ça ressemble à une boîte à cigarettes des plus banales, mais en l'ouvrant, Carlos comprend son erreur. Il comprend qu'il a faux, sur toute la ligne.

 

Dans la boîte qui n'en est pas une, il découvre deux photos. Sur celle du bas, il découvre Harry et Louis entrain de se sourire, de s'aimer. Ça ne fait aucun doute pour lui quand il voit la façon dont leurs regards se croisent sur le papier glacé. Et sur celle du haut, il voit Harry.

 

Harry dans un lit d'hôpital avec un sourire plus large qu'il n'imaginait possible. Harry avec dans ses bras, trois petits nouveaux nés. Il voit une photo qui a été prise il y a deux ans jour pour jour, mais ça, il ne le sait pas. Tout ce qu'il sait, tout ce qu'il comprend, c'est qu'il a fait une erreur en traitant Harry comme un père, car il est évident pour lui quand il regarde cette photo, que ce n'est pas ce qu'il est. Harry n'a jamais été un père, mais une mère.

 

Une mère qui aime avec tout son cœur, et qui toujours plus, se languit de ses bébés.

 

Quelques minutes plus tard, c'est pâle, faible, qu'Harry revient dans la chambre, se liquéfie toujours plus en voyant son cadre photo entre les mains de l'éducateur.

 

''-Donne-moi ça! Crie-t-il presque d'une voix trop pleurnicharde pour cacher sa peine, la tristesse qui lui colle à la peau.''

 

Sans hésiter, Carlos referme la boîte, la tend au bouclé qui lui arrache avant de la serrer, de la cacher contre sa poitrine, d'en protéger le contenu si fragile.

 

''-Tu-Tu n'avais aucun droit de regarder ça! C'est à moi tu entends?! C'EST A MOI! S'époumone Harry, au bord des larmes et de la crise de nerfs.''

 

Et les paroles que prononcent Carlos par la suite, n'arrangent rien à la situation.

 

''-Je comprends.''

 

Le choc passe comme un éclair sur le visage du bouclé avant qu'un sourire mesquin, un rire plein de sarcasme lui échappe.

 

''-Tu comprends? Qu'est ce que tu comprends?! Crache-t-il presque. Tu sais pas ce que c'est d'être parent! Tu sais pas! A-A chaque fois que je suis loin d'eux, mon cœur se serre, je manque d'air et là... J'étouffe... Je-Je peux plus respirer. Je peux plus tu entends?! Je suffoque depuis que je suis ici! Et aujourd'hui c'est.. Aujourd'hui...''

 

A bout de nerfs, de force, Harry fini par s'écrouler à genoux par terre, il laisse éclater ses sanglots, sa détresse.

 

Une partie de Carlos est satisfaite de le voir enfin lâcher prise, l'autre voudrait disparaître, s'enterrer pour ne plus jamais avoir à entendre les pleurs déchirants du garçon à ses pieds.

 

''-Aujourd'hui c'est quoi? Se risque-t-il.''

 

Et c'est surpris que pour la première fois depuis qu'il a appris qu'il est son père, Harry lui répond sans détour.

 

''-Leur anniversaire.. Dit-il d'une voix tout juste audible qui serre toujours plus le cœur de l'éducateur. Mes bébés ont deux ans... Et je ne suis pas avec eux...

-Ils sont encore petits.. Ils ne s'en souviendront pas. Tente de le rassurer Carlos.''

 

Mais ça ne met que plus en rage son fils qui se relève d'un bond et le pousse violemment, les mains à plat sur son torse. Il l'envoie valser sur son lit qui glisse sur quelques centimètres sous l'impact.

 

''-Qu'est ce que tu en sais?! Je me souviens bien moi! Je me souviens de tout! Je me souviens des fois où je venais te voir et que tu me balayais sans même me regarder! Des fois où tu serrais mon bras tellement fort que je ne pouvais plus sentir ma main!''

 

Comme pour montrer son point de vu, Harry enroule sa main autour de l'avant-bras de Carlos, le serre avec force au point d'arracher une grimace de douleur à l'éducateur qui peine à se défaire de sa prise.

 

''-Je me souviens de la haine, du dégoût dans tes yeux à chaque fois que tu me regardais! Je n'ai pas réussi à me regarder en face pendant des années parce que j'avais trop peur de ce que je voyais dans le miroir! J'ai voulu me crever les yeux pour ne plus voir ton regard qui me criait d'aller me faire foutre! Que je n'étais qu'une erreur!''

 

Carlos doit mettre toute sa force pour s'arracher à la prise d'Harry qui laisse parler sa haine, lui hurle tout ce qu'il ressasse en silence dans sa bulle depuis des années.

 

Et aujourd'hui, la bulle a éclaté.

 

''-Tu veux m'entendre dire que j'étais un père minable? S'exclame alors Carlos en massant son bras endolori. C'est vrai. J'étais jeune, con et dépendant. T'avoir a été une grosse erreur. Je ne suis pas là pour rattraper le temps perdu ou te faire changer d'opinion à mon sujet. Tu me détestes et ça ne changera jamais. Si je suis là, c'est pour te remettre sur pieds, faire en sorte que tu sois assez fort pour reprendre ta vie en main. Tu peux me frapper, me hurler ou me cracher dessus, ça ne m'empêchera pas de faire mon travail. Si je suis là, c'est uniquement pour t'aider.

-Je veux pas de ton aide! Tu comprends pas?! Hurle en retour Harry avec folie, les mains enfouies dans les cheveux, le désespoir au fond du regard. T'es entrain de me tuer!''

 

Avec la sincérité, la peur d'un enfant qui fait enfin face à son bourreau.

 

 

Chapter 6: Chapitre 6

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''-Et coucou beau-gosse! Comment ça va aujourd'hui?''

Un faible rictus échappe à Harry en regardant Andréa, son infirmière, entrer dans sa chambre avec un large sourire.

''-Toujours pareil.

-Tu ressens encore des signes de manque? Lui demande-t-elle en s'approchant pour commencer son examen.''

Et docile, Harry se laisse faire, lui tend son poignet avant qu'elle ne lui demande.

''-Je suis toujours irritable. Souffle-t-il pendant qu'elle se concentre sur son pouls, le regard rivé sur sa montre. Je dors mal et j'ai encore des nausées.

-T'es pas fan de la nourriture du centre? Lui demande alors la jeune femme sur le ton de l'humour.''

Et c'est fière d'elle qu'elle voit un sourire plus franc se glisser sur le visage du garçon, creuser deux petites fossettes dans ses joues pâles.

''-C'est pas pire que ce qu'on nous servait à la pension. Remarque-t-il en se redressant lorsqu'il la voit récupérer le stéthoscope autour de son cou.

-Tu étais chez les catho'? S'étonne Andréa pendant qu'il retire son tee-shirt.

-Pendant dix ans. Lui répond Harry, retenant un sifflement de surprise lorsqu'il sent le métal froid se poser entre ses omoplates.

-Et comment ça se passe avec ton nouvel éducateur?''

Malgré lui, Harry ne peut retenir un léger soupir inconscient qui n'échappe pas à l'infirmière qui continue calmement son examen.

''-Bien.. Je crois. Souffle-t-il.''

Même s'il est content de ne plus avoir Carlos sur le dos, il ne peut pas dire qu'il accroche avec Francis, son nouvel éducateur. Mais lui au moins, n'essaie pas de lui tirer les vers du nez. Il se contente de l'accompagner en réunion, s'en satisfait quand Harry lui dit qu'il va bien. Il ne s'intéresse pas à lui, et ça lui convient très bien.

''-Tu devrais donner une autre chance à Carlos.''

Ces quelques mots le choquent tellement qu'Harry manque se tordre le cou en se retournant pour faire face à Andréa qui soutient son regard.

''-Tu ne sais pas de quoi tu parles. Lui répond-il en essayant de garder son calme.''

Il n'a aucune raison, aucune envie de s'en prendre à elle.

''-J'en sais plus que tu ne le crois. Réplique la jeune femme d'une voix posée en s'installant au bord du lit pour être face au bouclé qui panique à vue d'œil, recule jusqu'à la tête de lit pour mettre de la distance entre eux. Je sors avec lui depuis trois ans maintenant. Avoue-t-elle avec un fin sourire énamouré qui laisse Harry plus que perplexe. Je connais son passé, dans les moindres détails. Précise-t-elle.''

Et difficilement, Harry déglutit en détectant les sous-entendus dans sa voix qui ne s'élève jamais.

''-Tu-Tu sais que...''

Il peut y mettre tout les efforts du monde, il n'arrive pas à le dire. Andréa le voit, le comprend.

''-Je sais que tu es son fils. Dit-elle alors à sa place. Ça se voit comme le nez au milieu de la figure. Je sais aussi qu'il a été un père détestable et que c'est pour ça qu'il refuse d'avoir des enfants aujourd'hui. Reprend-elle sans lui laisser le temps d'encaisser. Il est terrorisé à l'idée de replonger et de refaire les mêmes conneries qu'il a fait avec toi. Pourtant... Je sais qu'aujourd'hui il a toutes les qualités pour faire un père extraordinaire.''

Ses mots blessent Harry plus qu'il ne le voudrait. Au mieux, il ravale la boule qui se coince dans sa gorge, détourne le regard pour retenir ses larmes naissantes.

''-Je sais que c'est difficile à accepter pour toi, mais c'est un homme bien. Il s'est battu pour reprendre sa vie en main et la consacre maintenant à aider les autres. Il aspire au même bonheur que nous tous. Et je suis persuadé qu'il est bien plus à même de t'aider, de te comprendre, que ce gros balourd de Francis.

-Va-t'en.''

Déçue, l'infirmière essaie d'attraper la main d'Harry qui la retire aussitôt, tourne toujours plus la tête pour ne plus la voir, pour ne pas qu'elle voit les larmes qui lui brouillent la vue.

''-S'il te plaît, va-t'en..''

Comprenant qu'elle est peut-être allée trop loin, Andréa se relève, quitte la chambre.

Et à peine a-t-elle fermé la porte, que des sanglots déchirants, étouffés font échos au travers du bois. De toute ses forces, elle se retient d'y retourner, sachant pertinemment qu'elle ferait plus de mal que de bien. Et pourtant, elle pensait chacun des mots qu'elle a prononcé.



***

 

''-Je passe.

-Tu dois participer aux activités Harry. Si tu refuses j'annule ta visite de cette après-midi, c'est clair?''

Bien cachés au fond de ses poches, Harry serre les poings en pestant contre le quinquagénaire qui a visiblement décidé de lui prendre la tête à son tour. Il l'insulte de tous les noms dans sa tête avant de forcer un sourire hypocrite.

''-Limpide.

-Alors dépêche-toi. Je t'attends dans la salle commune dans dix minutes.''

Au moment où la porte se referme, Harry marmonne un 'connard' tout juste audible.

Et c'est à contre cœur qu'il quitte sa chambre quelques minutes plus tard pour rejoindre les autres pensionnaires du centre pour être dispersés comme des gosses dans différentes activités auxquelles il a toujours refusé de participer.

Qu'est ce qu'il en a à foutre de faire de la poterie ou de la peinture? Il ne veut pas poser ses émotions et sentiments sur papier, écouter les autres se plaindre de leur vie et d'à quel point elle peut être minable. Et c'est pressé par le temps, conscient du regard insistant que pose son éducateur sur lui qu'il voit les autres se diriger vers les différents coordinateurs, incapable de décider ce qui sera le moins pénible pour lui. Il sait que tous ces ateliers ne sont que des prétextes pour les faire parler, et il en a marre que tout le monde le regarde en attendant qu'il veuille bien se confier. Il n'a pas l'intention de le faire.

''-Bon alors, tu te décides oui? Lui lance alors Francis sans chercher à cacher son agacement, son impatience.

-Écoute, même si je doute pas que tu kiffes passer toute la journée assis sur ton cul, c'est pas mon cas. Réplique Harry sans réfléchir, arrachant quelques rires à droite à gauche qui font monter la colère de l'éducateur. J'ai pas envie de rester trois heures à compter les mouches. Je préfère encore récurer tous les chiottes de ce foutu centre si tu veux vraiment te débarrasser de moi.

-Je m'en branle de tes états d'âmes! Rétorque aussitôt Francis. Je vais pas faire baisser mon cotât pour un petit con alors choisit une activité que je puisse aller prendre ma pause!''

Plus personne ne dit un mot dans la salle. Les patients le dévisagent, choqués de ses propos. Tout comme ses collègues qui au fond, ne sont pas plus étonnés que ça. Harry lui, est juste résigné. Au moins maintenant, il sait à qui il a à faire.

''-Je savais que tu étais feignant, mais pas que tu étais un connard.''

Harry se crispe aussitôt qu'il entend la voix de Carlos. Il peut voir le regard de son éducateur passer par dessus son épaule, mais il ne se retourne pas. Il refuse de lui accorder de l'importance.

''-En attendant je comprends mieux pourquoi tu t'es débarrasser de lui! Rétorque Francis en pointant Harry sans même daigner le regarder.

-Je ne me suis pas débarrasser de lui. Lui répond Carlos sans attendre. Harry voulait changer d'éducateur. J'aurais préféré le mettre entre les mains de quelqu'un d'autre mais tu étais le seul à remplir les critères pour le prendre en charge. Continue-t-il calmement, arrachant un éclat de rire mesquin et sincère au quinquagénaire bedonnant qu'Harry méprise de plus en plus.

-T'as raison, c'est clair que les filles auraient pas pu gérer une tarlouze avec un chignon.''

Avant que quiconque ait l'occasion de réagir, Harry avale la distance qui le sépare de son éducateur entrain de rire de sa propre bêtise et Carlos a tout juste le temps de voir son poing se fermer avant qu'Harry n'y mette toute sa force pour frapper dans l'abdomen de Francis qui perd aussitôt son sourire, son souffle.

Et en le voyant prêt à remettre ça, il n'a pas le choix d'intervenir et de ceinturer Harry qui se tend, se débat et parvient à mettre un coup de pied dans le genou du quinquagénaire qui s'affaisse, toujours à la recherche de son souffle.

''-Tu sais ce qu'elle te dit la tarlouze enfoiré?!

-Calme-toi Harry!''

Mais il ne se calme pas, continue d'envoyer des coups dans le vide, d'essayer de s'arracher à la prise de Carlos qui a toujours plus de mal à le retenir.

''-Tu peux dire adieu à tes visites sale toxico.''

Ces paroles sont la goutte d'eau pour Harry qui, entravé dans ses mouvements, ne trouve rien d'autre à faire que de cracher au visage de son éducateur.

''-Essaie seulement.

-Ça suffit maintenant!''

Déployant toute sa force, Carlos soulève Harry de terre et ne le repose qu'une fois dans le couloir désert.

''-Calme-toi maintenant.

-Comment tu veux que je me calme?! S'emporte à nouveau Harry. Je suis coincé ici depuis deux semaines! Je tourne en rond en attendant de sortir et tout ce qu'on me propose pour me faire passer le temps c'est des putains d'ateliers d'art! J'en ai rien à foutre de l'art! Tout ce que je veux c'est voir mes bébés! Tout ce que je veux c'est me barrer d'ici et ne plus jamais revenir! J'ai besoin.. J'ai juste besoin de..

-T'as besoin de te défouler. Conclut Carlos à sa place.''

Et c'est contrarié de reconnaître qu'il a raison qu'Harry hoche la tête, baisse le regard.

''-D'accord. Souffle-t-il. Je m'occuperai de Francis plus tard, suis-moi.''

Dubitatif, Harry fronce les sourcils et regarde l'éducateur faire quelques pas dans le couloir avant de se retourner pour lui faire face.

''-Qu'est ce que tu attends?

-Qu'est ce que tu comptes faire?''

Soupir.

''-Comme tu l'as dit, ça fait deux semaines que t'as pas mis le nez dehors. Alors on va changer ça.''

Plus curieux qu'il ne le voudrait, Harry le suit dans des couloirs, des parties du centre qu'il ne devrait même pas voir.

Et au bout de quelques minutes sans plus avoir échanger le moindre mot, Carlos ouvre une porte de secours qui mène à l'extérieur, laisse passer Harry qui échappe aussitôt un fin sourire apaisé en sentant les rayons du soleil venir réchauffer agréablement son visage et ses bras nus.

Puis en regardant autourde lui, il découvre une cour fermée et bétonnée. Il voit des bidons d'huiles usagées, des containers remplis d'ordures et pendant une seconde, il se demande ce qu'il peut bien faire là. Ce n'est pas vraiment ce qu'il appelle un bol d'air frais.

''-Suis-moi. Lui lance Carlos en passant à ses côtés.''

Perplexe, Harry le regarde traverser la petite cour pour ouvrir une porte en métal toute rouillée qui grince au moment même où il pose la main dessus. Et aussitôt, des éclats de voix parviennent jusqu'à lui. C'est toujours plus curieux qu'il avance, découvre peu à peu un parking au milieu duquel sont entrain de discuter une dizaine d'hommes de différents âges. Avant d'arriver jusqu'à eux, Carlos repasse devant, attire l'attention des hommes.

''-Oh Carl'! On attendait plus que toi!

-Je ne suis pas venu seul. Réplique-t-il aussitôt en se retournant sur le bouclé. Les gars, je vous présente Harry. Il a besoin d'évacuer la pression et les activités du centre ne sont pas vraiment à son goût.

-Les fleurs en papier crépon c'est pas ton truc? S'exclame un des hommes en riant légèrement.

-Pas vraiment non. Admet Harry, échappant malgré lui un sourire qu'il ravale aussitôt en sentant le regard de l'éducateur sur lui.

-Tu sais jouer au basket? Lui demande un autre en pointant du doigt un panier fixé au mur du bâtiment.''

Harry n'y répond rien. Mais Carlos peut voir un rictus se glisser sur ses lèvres au moment où il tourne la tête.

''-On va le découvrir je suppose.''

Pendant qu'ils forment des équipes, Harry apprend que ces hommes travaillent eux aussi au centre, mais dans l'ombre. Ils sont le personnel d'entretien, de cuisine. Ce sont eux qui réparent tout ce que les pensionnaires peuvent casser pendant leurs crises. Et même s'il n'en dira rien, Harry les respecte pour ça.

Rapidement, la partie commence et même s'il se dit que c'est plus par pitié qu'autre chose que les autres hommes l'incluent, ça ne l'empêche pas d'en profiter et d'évacuer la pression de la seule façon raisonnable qu'il connaisse. Il s'amuse même à feinter le cuistot avant de marquer un panier qui aurait rapporté trois points sur un vrai terrain.

''-D'accord, en fait t'es un vrai crack. S'exclame alors un des gars de l'entretien en récupérant le ballon. T'as joué en club ou un truc du genre?

-J'étais capitaine de mon équipe au lycée. Admet Harry, recevant en retour un long sifflement qui le laisse lever les yeux au ciel, un nouveau sourire aux lèvres.

-Et bah je comprends pourquoi vous vous entendez bien. Lance alors le cuistot en désignant Carlos après coup sans savoir à quel point il peut être dans l'erreur.

-De quoi vous parlez? Lui demande Harry en essayant de cacher à quel point sa remarque peut l'affecter.

-Carl' était aussi un sacré basketteur dans sa jeunesse. L'éclaire-t-il, et c'est toujours plus curieux qu'Harry détourne le regard sur le trentenaire qu'il dévisage sans discrétion.

-On peut pas dire que ça se voit vraiment..

-On n'est pas là pour te faire cracher tes boyaux. J'essaie de te ménager. Lui répond Carlos.''

Et il déteste ça. Il se fout que tous les autres le prennent en pitié. Mais pas lui. S'il ne le prenait pas en pitié quand il n'était qu'un gamin, il n'a aucun droit de le faire maintenant.

''-Ne le fais pas.''

Avec un fin sourire, Carlos hoche la tête avant de se tourner vers son collègue de travail pour lui faire signe de lui envoyer le ballon. Quand il l'a en main, c'est sans perdre son sourire qu'il se retourne vers Harry qui continue de le jauger en silence.

''-Tu n'oublieras pas que c'est toi qui l'a demandé.''

Le bouclé est tellement sérieux, tellement pressé de prouver qu'il vaut mieux que son père qu'il hoche simplement la tête, attend que la partie reprenne.

Et quand c'est le cas, c'est frustré qu'il constate le niveau de l'éducateur plus proche du sien qu'il ne le voudrait. Il ne se préoccupe plus des autres joueurs, tout ce qu'il l'intéresse, c'est de battre cet homme au moins une fois dans sa vie, lui prouver qu'il est meilleur que lui. Et de son côté, Carlos est satisfait de voir son fils se dépasser sans perdre son sang-froid pour une fois. S'il avait su qu'il fallait le foutre sur un terrain pour le canaliser, il l'aurait fait bien plus tôt. Et il est heureux de ce coup de pouce que lui envoie le destin. Il est heureux en voyant le sourire sincère qui apparaît sur le visage du bouclé à chaque fois qu'il marque un panier, ceux plus discrets qu'il échappe quand il arrive à le contrer, fier de lui.

Mais au bout d'un moment, Harry sent que sa tête commence à vriller. Alors plutôt que de prendre le risque de faire une scène, il va le plus calmement possible s'asseoir sur un trottoir à quelques mètres du terrain improvisé, se penche, la tête prise à deux mains en espérant faire passer le malaise plus vite.

''-Harry? Hé tu vas bien?''

Il ne sait pas qui lui parle, mais il sait que ce n'est pas Carlos.

Mollement, il hoche la tête, se concentre sur son souffle pour contenir la vague de nausée entrain d'aller et venir en lui.

''-Tiens, boit un peu d'eau.''

Difficilement, il attrape la bouteille en plastique qu'on lui tend, la porte à ses lèvres. Il échappe un léger soupir de contentement en sentant l'eau fraîche passer dans sa gorge nouée.

''-Ça va aller?''

A nouveau, il hoche la tête, se redresse doucement pour rendre son sourire au gars de l'entretien qui lui tend une main pour l'aider à se relever.

Avec précaution, Harry l'accepte, se relève doucement pour éviter de brusquer un peu plus sa tête encore légèrement vacillante. Et comme si de rien n'était, il retourne sur le terrain en se disant que le malaise finira bien par passer comme il le fait à chaque fois.

Il reprend sa place dans la partie, ignore au mieux les regards insistants de Carlos qui ne le quitte pas des yeux. Et pendant encore une bonne demi-heure, le match continue jusqu'à ce que la plupart des joueurs doivent repartir travailler, laissant bien vite Harry en tête à tête avec Carlos.

''-Alors qu'est ce que tu veux faire? Lui demande ce dernier quand ce n'est plus qu'eux deux sur le parking. Est ce que tu veux continuer ou est-ce que je te ramène auprès de Francis?

-Il n'y a pas une troisième option? Réplique aussitôt Harry, le souffle court.

-Non. Tu n'as pas le choix. C'est soit Francis, soit moi. Je ne peux pas prendre le risque de te laisser avec une des filles. L'éclaire Carlos, le laissant froncer légèrement les sourcils, blessé par le sous-entendu dans ses mots.

-Tu penses que je lèverai la main sur une femme?

-Pas consciemment. Précise aussitôt l'éducateur, sérieux en tout point. Mais pour avoir expérimenter ta force, je sais de quoi tu es capable.''

Inconsciemment, il baisse les yeux sur son bras qui porte encore les traces de la main d'Harry qui suit son regard, découvre les marques bleutées qui couvrent son avant-bras. Et même s'il ne regrette pas, il n'a pas réalisé sur le moment qu'il serrait aussi fort. Il ne s'en pensait pas capable et cette constatation lui soulève toujours plus le cœur.

''-On ne sait jamais ce que peut faire une personne en manque, jusqu'où elle peut aller.''

Comprenant sans mal là où veut l'emmener l'éducateur, Harry échappe un soupir frustré, lui tourne le dos pour faire quelques pas sur le parking.

''-Arrête avec ça..

-Il faut que tu comprennes que perso', j'en ai rien à foutre. C'est toi qui doit l'entendre, l'assumer. Tant que tu n'arriveras pas à admettre ce que tu as fait, tu ne pourras pas avancer. Tu sortiras du centre ça c'est sûr, mais je sais aussi que tu y reviendras inévitablement. J'aimerais autant l'éviter. Explique Carlos pendant qu'Harry retient au mieux les larmes qui viennent perler à ses cils.''

Et il en a marre. Il en a marre d'être toujours à fleur de peau, de pleurer pour un oui ou un non quand tout ce qu'il veut, c'est prouver à l'homme face à lui qu'il peut s'en sortir sans son aide. Mais son sevrage est entrain de l'épuiser à petit feu, tous les soirs il espère que ça ira mieux le lendemain, et ce n'est jamais le cas.

''-Tu as failli te noyer dans la baignoire à cause de moi quand tu avais deux ans.''

Surpris, perplexe, Harry se retourne pour faire face à Carlos qui le regarde droit dans les yeux, ne perd pas son calme ne serait-ce qu'une seconde.

''-Je suis alcoolique. Mais je prenais aussi de la cocaïne à une époque. Ce jour là j'étais seul avec toi, et en manque. Alors quand le téléphone a sonné j'ai pas hésité et je t'ai laissé dans la baignoire sans penser à refermer l'eau pour aller répondre. Explique-t-il à Harry qui soutient avec mal son regard. Quand je suis revenu dans la salle de bain, la baignoire avait débordé et en me penchant, je t'ai vu au fond. Tu avais les yeux grands ouverts, tu ne bougeais pas. Tu n'essayais pas de remonter à la surface et il m'a fallu une seconde pour comprendre et avoir le réflexe de te sortir de l'eau.

-Tu as eu peur? Lui demande alors Harry d'une voix plus chevrotante qu'il ne le voudrait.''

Et c'est dans un soupir que Carlos échappe à son regard le temps d'une seconde, d'un hochement de tête qui retourne toujours plus l'estomac d'Harry.

''-Pendant une minute. Quand tu as fini de recracher toute l'eau que tu avais avalé, je me suis convaincu que ce n'était pas bien grave. J'ai compris mon erreur des années après.''

Inconsciemment, Harry hoche à son tour la tête, échappe au regard du trentenaire qui le voit pincer ses lèvres, les yeux perdus dans le vague, dans ses souvenirs des dernières semaines.

Qu'est ce qui est le pire? Oublier son bébé dans la baignoire, ou dans la voiture? Il ne sait pas, se sent toujours plus minable en y pensant. Mais ce qu'il sait, c'est que son action est impardonnable, il en a conscience. A la seconde où il a compris ce qu'il avait fait, il a pris conscience de ses erreurs, a eu envie de s'arracher le cœur à main nue.

Il n'oubliera jamais l'angoisse, la panique qui le prenaient au corps pendant qu'il courait dans le jardin pour rejoindre sa voiture. Il n'oubliera jamais la peur, la terreur qui s'est glissée dans ses veines au moment où il a ouvert la portière, la honte qu'il a ressenti et ressent encore en repensant aux regards de ses bébés qui s'étaient tournés vers lui.

Elle lui colle à la peau, et jamais il ne pourra l'oublier. Il n'a pas besoin de le dire à haute voix pour savoir que ce qu'il a fait est inacceptable et que jamais il n'aurait pu agir ainsi s'il avait été en pleine possession de ses moyens. Il le sait, et n'a pas besoin d'entendre quelqu'un d'autre lui rabâcher cette vérité écrasante.

''-Je sais que ce que j'ai fais est mal.. Marmonne-t-il alors. Je le sais et j'ai pas besoin d'en parler pour m'en rendre compte.

-Je n'ai jamais dit tu devais en parler. Le corrige aussitôt l'éducateur sans jamais lever le ton ou perdre son calme. Je dis juste que tu dois admettre à voix haute ce que tu as fait pour pouvoir passer à autre chose.''

Est ce que c'est vrai? Est ce que s'il le dit, le poids qui écrase sa poitrine s'en ira finalement? Est ce qu'il pourra dormir en paix? Pour l'instant, tout ce qu'il veut c'est que la journée passe au plus vite pour que vienne l'heure des visites et qu'enfin, il puisse revoir Louis et ses bébés. C'est tout ce qu'il veut.

''-Tu as une réunion dans une heure. Souffle Carlos après plusieurs minutes, brisant le silence qui les a englobé. Je vais te raccompagner jusqu'à ta chambre. Prends le temps de te reposer et de penser à ce que je te dis.''

Pressé de mettre fin à cette conversation, Harry hoche simplement la tête et suit sans un mot l'éducateur jusque dans la petite cour, dans le bâtiment. Il ne dit pas un mot et c'est sans desserrer les lèvres qu'il entre dans sa chambre quelques minutes plus tard, referme derrière lui pour être sûr de rester seul.

Mais une heure et une douche plus tard, il retrouve Carlos là où il l'a laissé, appuyé au mur face à sa porte.

Agacé, il lève les yeux au ciel, échappe un soupir sonore.

''-J'y vais à ta réunion. Pas la peine de me fliquer.

-Ce n'est pas ce que je fais. Lui répond l'éducateur en se décollant du mur. Officiellement je ne suis plus ton éducateur alors je n'ai aucun droit d'entrer dans ta chambre. J'attendais simplement pour te dire quelque chose.

-Quoi? Souffle Harry.

-Tu ne veux pas participer et personne ne peut t'y obliger. Mais j'aimerais que cette fois, plutôt que d'attendre que ça passe, tu écoutes. J'aimerais que tu écoutes  vraiment  les personnes autour de toi, que tu reconnaisses le courage dont elles font preuve en osant prendre la parole.''

Harry n'y répond rien, le contourne pour s'en aller dans le couloir. Mais Carlos sait qu'il l'a entendu, et il espère que leur échange sur le parking l'aura assez travaillé pour remuer quelque chose en lui, et le pousser à finalement se confier. Même si ce n'est pas à lui.

Et quelques minutes plus tard, c'est contraint qu'Harry retrouve la place qu'il occupe tous les jours dans la petite salle où sont disposées en cercle une dizaine de chaises. Il s'assoit toujours à la même place, le plus prêt de la porte, juste en face de l'horloge qui l'aide à faire passer le temps. Et comme tous les jours, il se retrouve entouré des mêmes personnes à une ou deux près qui changent entre ceux qui quittent le programme, et ceux qui y débarquent.

''-Bonjour à tous. S'exclame paisiblement Élise, la coordinatrice lorsque tout le monde est assis. Est ce que quelqu'un souhaite prendre la parole aujourd'hui? Demande-t-elle en balayant la salle du regard jusqu'à s'arrêter sur une jeune femme qui n'était pas là hier. Jeanne? Est ce que tu veux te présenter au groupe?''

Curieux, Harry relève le regard, sent son cœur se serrer en découvrant la jeune femme assise à quelques chaises de lui, en voyant la façon dont ses mains tremblantes caressent son ventre rond et son regard apeuré, voilé de larmes qui ne demandent qu'à couler.

''-Je.. Oui, bien sûr. Déglutit-elle, mal à l'aise en glissant ses cheveux blonds et broussailleux derrière son oreille. Je.. Je m'appelle Jeanne, j'ai20 ans et je...''

Le regard bas, elle s'arrête pour échapper un souffle chevrotant, et malgré lui, Harry ne peut quitter des yeux ses mains qui se crispent légèrement sur son ventre.

''-Tu peux parler librement ici. Personne ne te jugera. Lui assure calmement Élise en essayant de capter son regard.''

Et tous les autres confirment pour la soutenir. Tous sauf Harry qui comme toujours, ne participe pas.

Difficilement, Jeanne ravale ses larmes, se redresse sur sa chaise sans pour autant lever les yeux.

''-Je bois depuis que j'ai quatorze ans.. Et depuis quelques années je prends aussi de la cocaïne... Admet-elle en fronçant légèrement les sourcils, le regard dans le vague.''

Personne ne parle, tout le monde lui accorde la plus grande attention. Tout le monde, même Harry qui sans en avoir conscience, écoute chacun de ses mots.

''-Et il y a trois semaines, j'ai appris que j'étais enceinte... J'ai fais un déni et même si je ne sais pas encore ce que c'est... Je sais que mon bébé aura des séquelles à cause de moi.''

Sa voix se craque, se meurt et finalement, ses larmes lui échappent alors qu'elle baisse un peu plus le regard, sur son propre corps. Sur ce bout de vie qu'elle a condamné avant même de connaître son existence.

''-Je.. Je dois accoucher dans moins d'un mois et... Je suis terrorisée.. Avoue-t-elle sans tabou, sans plus rien à perdre. J'ai peur de pas être une bonne maman et de recommencer les conneries dès que j'en aurai l'occasion.. J'ai peur de ne pas être à la hauteur..''

Avant qu'elle ne puisse continuer, un bruit sourd fait sursauter tout le monde dans la petite salle. Et d'un même mouvement, tous les regards convergent sur Harry qui s'est levé si vite qu'il en a fait tomber sa chaise.

''-Harry? Tout va bien? Lui demande Élise, soucieuse en voyant le regard du garçon s'agiter et se couvrir de larmes.''

Mais elle n'obtient aucune réponse, regarde impuissante, Harry se retourner et quitter la salle de réunion.

Dans le couloir, ce dernier se met à courir, il se précipite jusqu'aux toilettes les plus proches, la main plaquée sur la bouche pour retenir un haut le cœur imminent.

Heureusement, ils ne sont pas loin, et c'est de peu qu'il en ouvre la porte à la volée et se jette sur les toilettes dans lesquels il laisse le contenu de son estomac se déverser sans contrôle. Et qu'importe à quel point il voudrait être discret, il ne l'est pas.

Il sait que ce n'est qu'une question de secondes avant que quelqu'un ne débarque pour lui demander comment il va. Et plus le temps passe, plus il trouve la question stupide. Il est en désintox', isolé de sa famille et coincé avec l'homme qui a fait de sa petite enfance un cauchemar. Comment pourrait-il aller bien?

C'est sans surprise qu'après avoir tirer la chasse quelques minutes plus tard, Harry se retourne pour tomber nez à nez avec Carlos qui le regarde appuyé contre l'encadrement de la porte restée ouverte. Il le fixe quelques secondes avant de s'avancer pour lui tendre le gobelet rempli d'eau qu'il a en main.

''-Merci.. Marmonne Harry en récupérant le verre pour le porter à ses lèvres.

-Elle a interrogé Jeanne, pas vrai?''

Pendant une seconde, il se fige, mais n'y répond rien. Et son silence suffit à l'éducateur qui échappe un soupir en s'asseyant à même le sol, assez, mais pas trop près non plus.

''-Je me suis senti mal aussi quand elle m'a raconté son histoire. Reprend-il dans un souffle sans quitter Harry du regard. J'imagine que ça doit être encore pire pour toi. Y'a qu'une maman qui peut en comprendre une autre.''

Plus vite que de raison, Harry se redresse, ancre son regard tremblant, choqué à celui de l'éducateur qui ne sourcille pas.

''-Qu..Comment tu..

-C'est la photo. L'éclaire-t-il aussitôt en repensant au cadre photo, à Harry dans son lit d'hôpital, épuisé et pourtant tellement heureux. J'ai convaincu Francis de ne pas annuler ta visite. Reprend-il.''

Et pour la première fois, il voit une émotion nouvelle dans le regard de son fils. De la reconnaissance.

''-Je lui ai dit que s'il le faisait, j'irai le dénoncer à la direction pour propos homophobe. Il te fera plus chier.''

De nouvelles larmes entrain de naître dans ses prunelles de jades, Harry hoche inconsciemment la tête, le remercie en silence, incapable de faire autrement.

S'en suit alors un silence pesant que ni l'un ni l'autre, ne brise. Ils restent, chacun appuyé contre un mur. Carlos s'attend à entendre Harry lui dire de partir d'un instant à l'autre, à le voir s'en aller sans plus un regard. Il s'attend à tout, mais pas aux mots que prononce le bouclé quelques minutes plus tard, cassant le silence qui les a englobé.

''-C'était la voiture..''

Surpris, Carlos vire son regard qui a dérivé sur Harry qui fixe un point invisible devant lui, prend une inspiration tremblante avant de reprendre la parole.

''-Je les ai oublié dans la voiture..''

Il n'y répond rien, garde les yeux sur Harry qui ne peut plus retenir le trop plein de larmes qui s'est accumulé dans son regard.

Il n'y répond rien, parce qu'il n'y a rien à dire. Harry sait ce qu'il a fait de mal, l'admet enfin. Il encaisse cette douloureuse vérité, cet acte qu'il ne pourra jamais effacer, ni oublier. Il sait que ce souvenir continuera de le hanter toute sa vie.

Et pourtant, c'est fou, mais en disant ces quelques mots, il sent un poids quitter sa poitrine. Désarmé, il reconnaît en silence que depuis tout ce temps, l'homme à ses côtés avait raison. Mais ça, il ne lui dira jamais.



Chapter 7: Chapitre 7

Chapter Text

 

''-Mama mama.

-Oui mes chéris, on va voir maman.''

 

Les triplets ne tiennent pas en place dans leur poussette, tout comme Louis qui s'impatiente en attendant Anne qui est allée payer le parking. Ça fait enfin deux semaines depuis qu'il a regardé le taxi d'Harry quitter leur rue. Deux semaines qu'il n'a pas vu son visage, son sourire radieux, entendu le son harmonieux de sa voix grave, son rire tonitruant. Deux semaines qu'il ne l'a pas enlacé, embrassé. C'est trop, beaucoup trop. Tout ce qu'il veut, c'est le voir, se jeter dans ses bras et ne plus jamais le quitter.

 

En voyant Anne revenir, Louis n'attend pas et avale la distance jusqu'à elle, lui rend le fin sourire qu'elle lui offre lorsqu'ils sont face à face.

 

''-C'est bon, on peut y aller.''

 

Nerveux, impatient, il la suit jusqu'à l'entrée du centre de désintoxication où il vient pour la première fois et une fois dans l'accueil, se concentre sur ses bébés pendant qu'elle va les annoncer au bureau.

 

''-Bonjour. S'exclame-t-elle avec un franc sourire à l'intention de la jeune femme derrière le bureau.

-Bonjour, que puis-je pour vous?

-On vient rendre visite à mon fils. Harry Styles.''

 

Brièvement, la jeune femme détourne le regard pour vérifier sur son ordinateur avant de rendre son sourire à Anne.

 

''-Je vais appeler quelqu'un qui vous conduira à la salle de visites.

-En fait, si c'est possible j'aimerai parler avec son éducateur avant de le voir. Rajoute Anne, et connaissant le protocole, elle sait qu'elle est dans son droit.''

 

Après avoir acquiescé, la jeune femme se concentre à nouveau sur son ordinateur, fronce les sourcils au bout de quelques secondes avant de se retourner, hésitante, vers la matriarche.

 

''-Francis a terminé sa journée mais son ancien éducateur est toujours là si vous voulez lui parler. 

-Pourquoi est ce qu'il en a changé? Demande aussitôt Anne, mais la secrétaire ne peut que hausser les épaules avec un sourire désolé.

-Je vais appeler Carlos. Vous pourrez lui demander.''

 

Sans un mot de plus, Anne hoche la tête, attend patiemment pendant que la jeune femme passe un coup de téléphone.

 

''-Il arrive. Lui dit-elle après avoir raccroché.''

 

Avec un sourire poli, Anne la remercie, s'éloigne légèrement du bureau en jetant un coup d'œil rapide à Louis qui s'est assis quelques mètres plus loin et garde le regard fixé sur les triplets qu'il berce doucement en poussant et en ramenant la poussette avec son pied.

 

Elle repense aux dernières semaines et à tout ce qu'il a dû, a réussi à gérer seul. Elle repense aux soirs où elle le rejoint dans la grange uniquement pour le trouver entrain de pleurer d'épuisement dans le salon. Mais il s'accroche, et elle est fière de son gendre.

 

''-Je suis occupé Julie, qu'est ce qu'il t'arrive?''

 

Comprenant qu'il s'agit sûrement de la personne qu'elle attend, Anne se retourne pour voir un homme d'une trentaine d'années pousser une porte derrière le bureau.

 

Avec un fin sourire, la secrétaire pointe Anne qui plus elle le regarde, plus se demande si elle a déjà rencontré l'homme qui avance calmement jusqu'à elle, les mains nonchalamment enfoncées dans les poches de son jeans usé.

 

Puis soudain, son nom lui revient en mémoire comme une claque.

 

Carlos.

 

Plus il avance, plus elle le reconnaît, reconnaît l'angoisse dans ses yeux pâles.

 

''-Je veux voir mon fils!

-Calmez-vous avant que j'appelle la sécurité.''

 

Elle se souvient de la première, de la seule fois qu'elle l'a vu. Elle était encore en pleine procédure pour adopter Harry. L'hiver avait laissé sa place à un printemps frileux, et il a débarqué. Elle était dans son bureau quand elle a entendu des éclats de voix venir de l'accueil.

 

Poussée par la curiosité, elle avait délaissé son travail pour se lever et sortir de son bureau. Puis elle l'a vu. Il était là, entrain de hurler, de se donner en spectacle devant toutes les personnes présentes ce jour là. Malgré la distance, Anne pouvait sentir l'odeur désagréable de tabac froid, de sueur et d'alcool qu'il dégageait, elle le prenait en pitié. Ce n'était qu'un gosse.

 

''-Je veux mon fils! Harry! HARRY!!''

 

Son cœur rata un battement en le voyant, en l'entendant s'époumoner à hurler le prénom de son fils. Et ce fut plus fort qu'elle, en un battement de cil, la pitié se transforma en dégoût.

 

''-Il n'est pas ici. S'exclama-t-elle, attirant l'attention du jeune homme au bord de la folie.

-Où il est?

-Suivez-moi.''

 

Faisant son possible pour ravaler son mépris et les insultes qui s'entassaient dans sa gorge, Anne rouvrit la porte de son bureau, attendait patiemment pendant que ses collègues la regardaient, soulagés de la voir prendre les choses en main, comme à chaque fois.

 

Elle se souvient du frisson d'effroi qui l'avait parcouru quand en refermant la porte, elle avait croisé le regard du jeune homme. Ce regard identique à celui du petit garçon qu'elle visitait toutes les semaines. Ce regard empreint de désespoir qui lui hurlait de lui venir en aide.

 

''-Où est mon fils? Répéta-t-il d'une voix cassé, pleurnicharde.

-Vous en avez perdu la garde. Avait simplement répondu Anne en retournant derrière son bureau pour mettre le plus de distance possible entre eux.

-J'étais même pas là! C'est sa mère qui a déconné!

-Vous étiez en prison! S'emporta Anne en le voyant agir avec déni. Pour détention d'héroïne si je me souviens bien? Reprit-elle, cachant de moins en moins bien sa rancœur à l'encontre du jeune père.

-C'était pour elle. Pas pour moi. Je touche pas à cette merde.

-Ravie de l'apprendre. Souffla Anne avec sarcasme en allant s'asseoir sur son fauteuil. Harry va être adopté.

-Mais...C'est mon fils.

-Plus maintenant. Même si vous vouliez faire appel, aucun juge ne prendrait le risque de vous le rendre. Expliqua-t-elle calmement, incapable d'ignorer le désarroi dans le regard du garçon qui hocha lentement la tête.

-Qu'est ce que je dois faire?''

 

Anne prit sur elle. Il était hors de question qu'elle l'aide à récupérer son fils. Elle avait vu les marques, et jamais elle ne prendrait un si gros risque.

 

''-On en reparlera quand vous serez clean.

-Je peux arrêter quand je veux.

-Prouvez-le.''

 

Comme elle ne l'avait jamais revu depuis ce jour-là, elle pensait simplement qu'il avait baissé les bras. Mais de le voir là, devant elle, propre sur lui, elle ne sait plus quoi penser. Elle reste sans voix quand il se plante face à elle, baisse brièvement le regard avant de l'ancrer au sien.

 

''-Bonjour Madame Styles. Engage-t-il en lui tendant une main qu'elle accepte par politesse, encaisse avec mal un frisson de dégoût en sentant ses doigts se refermer sur les siens.

-Bonjour Carlos. Lui répond-elle sans rien laisser paraître.

-Harry est encore dans sa chambre. Je vais demander à une des filles de le prévenir de votre arrivée.

-Il sait, n'est ce pas?''

 

Comme un gosse, Carlos détourne le regard, hoche brièvement la tête en prenant sur lui.

 

''-Ne perdez pas votre temps avec moi. Souffle-t-il alors. Allez profiter de votre visite. Il l'attend avec impatience et je pense que ça ne peut lui faire que du bien. Les dernières semaines ont été très difficiles pour lui.''

 

Surprise, Anne assimile ses paroles, le détaille un peu plus et se trouve forcée de constater qu'elle n'est plus face à un garçon paumé mais bel et bien un homme qui a un certain point, a réussi à se reprendre en main. Un homme droit, qui semble réellement se préoccuper de son fils.

 

''-Comment il va?''

 

C'est au tour de Carlos d'être surpris. Mais il ne le montre pas. Dans un soupir, il se retourne vers la matriarche, fait face à l'inquiétude qui baigne ses yeux en amande.

 

''-Comme je l'ai dit, c'est difficile. Souffle-t-il. Son sevrage est long et ça affecte son moral. Il a du mal à accepter son état mais il a fait un grand pas tout à l'heure. Rajoute-t-il sans lâcher Anne du regard, sans rater le fin sourire qui lui échappe en entendant ces quelques mots. La journée a été pénible et il est très fragile. A votre place, j'essaierais de lui changer les idées. Ne lui parlez pas de son état, ce n'est pas de ça dont il a besoin pour l'instant.''

 

Sans dire un mot, Anne acquiesce, se retourne pour attirer l'attention de Louis qui ne perd pas de temps pour se relever et avaler la distance.

 

''-C'est bon? S'enquit-il en arrivant à leur hauteur.

-Suivez-moi. Répond simplement Carlos en se tournant pour les entraîner dans les couloirs du centre.''

 

Il ne se retourne que quelques minutes plus tard, juste à côté de la chambre 15.

 

''-Je pense que vous serez plus tranquille ici. S'exclame-t-il en se décalant pour s'appuyer au mur. Je dois rester devant par mesure de sécurité mais je ne viendrais pas vous déranger.

-Merci. Lui répond Louis avec un fin sourire sincère qu'il se force à lui rendre, essayant au mieux de faire abstraction du regard insistant de la matriarche.''

 

Et sans un mot de plus, il regarde le jeune homme ouvrir doucement la porte.

 

Un plus large sourire échappe à Louis à la seconde où il entend la respiration calme et posée d'Harry qu'il devine entrain de dormir dans la pénombre.

 

Doucement, il fait rouler la poussette à l'intérieur de la chambre, détache dans le plus grand des silences ses bébés pour les déposer les uns après les autres sur le lit dans lequel Harry est affalé sur le ventre à même les couvertures, avant de s'agenouiller face à son visage, d'en caresser délicatement le contour.

 

''-Mama?

-Mama dodo..''

 

Il se retient de rire en entendant ses triplets, en les voyants se relever d'un équilibre vacillant pour secouer Harry.

 

''-Mama!''

 

Comme s'il ne s'était jamais endormi, Harry ouvre grand les yeux, tombe nez à nez avec le visage ouvert et souriant de Louis.

 

''-Lou'..''

 

Son cœur se pince, rate un battement, lorsqu'il sent ses lèvres se presser contre les siennes le temps d'une seconde.

 

''-Mama! Mama!''

 

Il ne sait plus où donner de la tête, sent la main de Louis sur son visage entrain de ramasser ses larmes avant de les sentir couler, échappe un sourire, un soupir tremblant, soulagé en ressentant le poids de ses bébés entrain de grimper sur son dos, en entendant leurs petites voix l'appeler inlassablement.

 

''-Tu m'as manqué..''

 

Il ne peut rien dire, répond désespérément au baiser que Louis pose sur ses lèvres, tend la main pour s'accrocher à son bras, s'enivre de son odeur familière perdue entre l'amande et la crème pour bébé.

 

Mais quand Isaac se faufile jusqu'à être à califourchon sur sa nuque, c'est avec un léger rire qu'il met fin au baiser, ouvre les yeux pour voir Louis attraper leur fils et lui arracher le plus cristallin des rires.

 

Avec précaution, il se retourne jusqu'à être sur le dos, tombe nez à nez avec Gabrielle qui échappe un grand sourire en voyant son visage, rampe jusqu'à enfouir sa tête couverte de boucles folles dans son cou.

 

''-Mama mama mama.''

 

Il ravale un peu plus ses larmes, referme ses bras sur le corps frêle de sa petite fille qui ne cesse de l'appeler. Mais il est là, il est bien là.

 

''-Alors dis-moi, comment tu vas? Lui demande alors Louis en retirant du bout du doigt une mèche trop longue entrain de lui tomber sur les yeux.''

 

Et pendant une seconde, Harry hésite à dire qu'il va bien comme il le fait tous les jours. Il hésite, puis se souvient de qui est face à lui, se ravise.

 

''-Ce.. C'est pas facile tous les jours.. Admet-il en ancrant douloureusement son regard à celui du garçon qui partage pleinement sa vie depuis plus de deux ans. Mais je m'accroche.

-J'en ai jamais douté.''

 

Avec un fin sourire, Louis continue ses caresses légères dans les cheveux de son amant, se penche pour poser avec tendresse ses lèvres sur son front.

 

''-Tu t'allonges avec moi? S'il te plaît?''

 

Comme s'il pouvait dire non?

 

Sans perdre son sourire, Louis repose Isaac au milieu du lit avant de se hisser de l'autre côté, arrachant un léger rire à Harry et aux triplets quand il atterrit lourdement sur le lit qui remue pendant une seconde.

 

Sans perdre de temps, il tire le bouclé dans ses bras, sent leurs bébés se faufiler entre eux, et pour la première fois depuis des semaines, il se sent bien, entier. En sentant Harry enfouir un peu plus son visage dans son cou, son souffle chaud aller et venir contre sa peau, il le sent aussi lui rendre la partie de lui qu'il avait emporté en le quittant.

 

Et quand Anne entre finalement dans la chambre quelques minutes plus tard, c'est avec un sourire apaisé qu'elle découvre la scène qui se dessine sous ses yeux et qui un peu plus, lui réchauffe le cœur.

 

 

Chapter 8: Chapitre 8

Chapter Text

 

Tous les jours, Louis vient, seul ou avec Anne et les triplets. La plupart du temps, il passe toute la visite allongé avec Harry. Ils ne parlent pas forcément, profitent de la présence l'un de l'autre. Les jours passent, et Harry retrouve peu à peu le sourire. Il pourrait presque dire qu'il va bien et le penser s'il n'était pas encore secouer chaque jour par des nausées plus désagréables les unes que les autres.

 

Et c'est un mercredi matin qu'il réalise qu'il est passé à côté de l'évidence. Nu dans sa salle de bain, prêt à entrer dans la douche qui coule déjà, son regard croise par inadvertance son reflet dans le miroir, s'y accroche.

 

Le souffle court, il retrace du bout du doigt la courbe nouvelle et légère sous son nombril, comprend que son sevrage est en réalité terminé depuis longtemps. Il repense aux dernières semaines, à sa fatigue persistante, ses sautes d'humeurs, sent son estomac se retourner à l'idée que oui, il est peut-être simplement enceinte en fin de compte.

 

Submergé par un trop plein d'émotions sur lequel il n'a aucun contrôle, Harry entre sous la douche avant d'éclater lamentablement en sanglots. Il se maudit de ne pas avoir reconnu les signes, se lave plus vite que de raison, rongé par le doute. Il ne peut pas rester dans l'incertitude.

 

C'est pour ça qu'à peine quelques minutes plus tard, il se retrouve à déambuler dans les couloirs du centre, les cheveux dégoulinant d'eau sur ses épaules et le sol. Il regarde dans chaque pièce ouverte à la recherche de la seule personne qui pourra l'écouter, l'entendre. La seule personne qui ne fera aucune remarque. Et c'est dans la salle commune qu'il le trouve finalement, accroche son regard.

 

''-Harry? Tu vas bien?''

 

C'est en plein désarroi qu'il voit l'inquiétude se glisser dans ses yeux pâles, l'encaisse et prononce quelques mots qu'il n'aurait jamais pensé dire un jour.

 

''-Je.. Je besoin de ton aide..''

 

 

***

 

 

Assis sur une chaise dans le couloir, Carlos attend en laissant son regard s'accrocher de temps en temps au garçon qui angoisse à quelques pas. Il ne dit rien, n'a rien à dire, rien à faire de plus que ce qu'il fait déjà. Et même s'il ne le montrera pas, il est heureux qu'Harry se soit tourné vers lui. Ce n'est pas comme s'il y avait beaucoup de candidats potentiels au centre, mais quand même. Plutôt que de ruminer ou d'essayer de se démerder seul, il est venu lui demander son aide. Et juste pour ça, il se dit que même si le fossé entre eux est et sera toujours présent, il est aussi moins profond.

 

D'un même mouvement, ils se tournent tous les deux lorsqu'une porte s'ouvre et qu'une femme souriante d'une quarantaine d'années sort dans le couloir, arrête son regard sur le bouclé entrain de paniquer à vue d'œil.

 

Quand Carlos lui a demandé une faveur un peu plus tôt, elle s'attendait à tout sauf à devoir s'occuper d'un jeune-homme de vingt ans. Mais elle ne dit rien, accentue un peu plus son sourire à l'intention d'Harry qui lui rend timidement avant de se lever quand elle lui fait signe de la suivre. Il passe sans un regard devant Carlos qui ne bouge pas, et ne bougera pas.

 

''-Bonjour Harry. S'exclame la quadragénaire en refermant la porte derrière elle. Je suis le Docteur Espinozàs mais tu peux m'appeler Darla si tu préfères. Continue-t-elle en déambulant dans la pièce pour aller s'asseoir derrière son bureau en prenant le temps de lui désigner la chaise face à elle sur laquelle Harry va timidement s'installer. Carlos m'a expliqué rapidement ta situation. Et, il m'a dit que tu penses être enceinte. C'est bien ça?''

 

Le regard bas, abattu, Harry hoche la tête, arrache à la femme face à lui un sourire désolé qu'il ne voit pas.

 

''-Dans ce cas on va commencer par les examens de base. Je vais te faire une échographie qui nous dira très vite si oui ou non tu es enceinte et on enchaînera avec une prise de sang et une analyse d'urine. Ça te va?''

 

A nouveau, il hoche la tête, se lève quand elle en fait autant et la suit jusqu'à la table d'examen au fond de la pièce.

 

Pendant qu'elle fait les réglages sur l'échographe, Harry s'installe sur la table inconfortable, remue pour baisser légèrement le bas de son jogging avant de relever son tee-shirt juste au dessus de son nombril et de s'appuyer dans un soupir tremblant sur le dossier rigide et surélevé de la table.

 

''-Tu n'en es pas à ton premier rodéo à ce que je vois? S'exclame Darla pour détendre l'atmosphère, se satisfait de voir un léger sourire se dessiner sur les lèvres du bouclé. C'est parti.''

 

Sans perdre plus de temps, elle applique du gel sous son nombril avant d'y apposer la sonde et de se concentrer sur l'écran face à elle, fascinée par les images qui apparaissent sous ses yeux.

 

Elle n'aurait jamais pensé vivre une telle situation un jour, et pourtant elle est là, entrain d'observer l'utérus d'un garçon. Et c'est avec un fin sourire qu'elle se retourne vers lui après quelques instants, lui annonce ce qu'il savait déjà.

 

''-Félicitation Harry, tu es bien enceinte.''

 

Douloureusement, il ravale la boule qui s'est logée dans sa trachée et bloque sa respiration, il ravale ses larmes en hochant inconsciemment la tête, le regard attaché à l'écran de l'échographe. Il regarde les images qui défilent comme si c'était la première fois, sauf qu'aujourd'hui, il comprend ce qu'il voit.

 

Et c'est en fronçant les sourcils qu'il remarque une deuxième petite tâche lorsque Darla bouge la sonde sur son bas-ventre.

 

''-Oh! S'exclame-t-elle avant qu'il ne puisse dire quoi que ce soit, se retourne vers lui en souriant toujours plus. Il semblerait que tu attendes des jumeaux.''

 

Difficilement, il déglutit, essaie de calmer son cœur qui bat à tout rompre.

 

''-Des jumeaux.. Souffle-t-il, encaissant mal la nouvelle. Et y'en a que deux hein? Vous êtes sûre qu'il n'y en a pas un troisième qui se planque?''

 

Darla a envie de rire, mais la panique sur le visage du bouclé lui crie de ne pas le faire. Il n'a jamais été plus sérieux.

 

''-A première vue, non. Lui répond-elle en retenant mal un sourire. De ce que je vois, il n'y en a que deux et je pense que la conception doit remonter à environ six ou huit semaines. Est ce que tu peux me le confirmer?

-Pas vraiment.. Soupire-t-il en laissant sa tête taper contre la table. Avec mon copain on a déjà trois bébés alors on a tendance à sauter sur l'occasion dès qu'elle se présente. Admet-il, légèrement gêné de déballer sa vie privée à une femme qu'il ne connaissait pas il y a encore dix minutes.''

 

Elle, ne retient pas son rire cette fois-ci, ravie de voir un sourire plus franc se glisser sur le visage du jeune-homme jusqu'à creuser deux petits fossettes dans ses joues imberbes.

 

''-Trois  bébés hein? De différentes grossesses?

-Non, une seule. Lui répond-il, l'étonnant toujours plus.

-Et où tu les as planqué? T'as même pas une vergeture. S'exclame le médecin, arrachant un rire sincère et spontané au bouclé qui se redresse pour essuyer son ventre lorsqu'elle lui tend un morceau de papier.

-Mon Docteur m'a expliqué que j'ai une peau très élastique parce que je bois beaucoup d'eau ou quelque chose comme ça. Honnêtement je m'en fous un peu mais je vais pas me plaindre.

-Tu avais pris beaucoup de poids?

-Presque trente kilos. Avoue Harry avec une grimace en y repensant.''

 

A quelques kilos près il passait les trois chiffres et il se souvient de ses crises de larmes à chaque fois qu'il montait sur la balance et que Louis lui annonçait son poids. Et inconsciemment, il espère que cette fois, ce sera différent.

 

Pendant plusieurs minutes, il répond aux questions du médecin sur sa précédente grossesse, s'amuse en voyant le choc s'imprimer sur son visage quand il lui annonce qu'il a bel et bien accouché par voie basse de tous ses triplets.

 

Il lui explique à quel point c'était compliqué pour lui d'être un adolescent gay et enceinte dans une pension catholique. Il ignore pourquoi, mais plus les minutes passent, plus il se sent à l'aise avec la femme qui l'écoute avec un sourire apaisé figé sur ses lèvres pulpeuses.

 

Elle ne l'interrompt jamais, attend qu'il ait fini de parler pour lui répondre ou lui poser une autre question. Et c'est finalement presque une heure après y être entré qu'il ressort du bureau, plus serein qu'en y entrant.

 

Carlos se relève aussitôt, croise le regard de sa collègue qui avec un fin sourire, hoche discrètement la tête avant de se tourner vers Harry.

 

''-Bon, et bien je te souhaite une bonne journée. Je reviens vers toi dès que j'ai les résultats de tes analyses. Lui dit-elle, recevant un fin sourire et un hochement de tête en retour.''

 

Et à peine deux minutes plus tard, il se retrouve à marcher en silence avec Carlos dans les couloirs du centre. Il sait qu'il devrait lui dire quelque chose, après tout, il est lui même allé lui demander de l'aide. Mais il en est incapable. Il ne peut pas, et c'est sans avoir prononcé un mot à son égard qu'il regagne sa chambre, se prépare, réfléchit à ce qu'il va bien pouvoir dire à à Louis.

 

Comment va-t-il réussir à lui annoncer la nouvelle?

 

 

***

 

 

Comme tous les jours, c'est à dix-sept heure tapante que s'ouvre la porte de la chambre d'Harry. Et s'il est aussi impatient qu'il l'est tous les soirs, aujourd'hui, il est aussi horriblement nerveux. Il a passé toute la journée dans sa chambre en tournant et retournant la nouvelle dans sa tête, cherchant la meilleure façon de l'annoncer au garçon souriant qui vient d'entrer dans sa chambre et vient lui offrir un baiser emplit de tendresse.

 

''-Coucou toi. Susurre-t-il sur ses lèvres, arrachant un fin sourire au bouclé qui se décale, fronce légèrement les sourcils en découvrant le petit paquet en papier que Louis tient dans sa main.

-Qu'est ce que c'est? Demande-t-il en pointant le petit sachet que Louis lui tend sans attendre.

-Hier tu m'as dit que tu voulais manger un croissant aux amandes.''

 

C'est vrai qu'il l'a dit. Et maintenant, il se sent encore plus stupide. Comment a-t-il pu être aussi aveugle? Louis ne le sait pas, mais il déteste la frangipane. Il déteste ça et pourtant il se retient d'ouvrir le sac en papier, alléché par l'odeur sucrée qui s'en dégage.

 

Il se mord l'intérieur de la lèvre, baisse les yeux pour cacher les larmes qui s'y faufilent en se sentant plus bête que jamais, en se disant qu'il ne mérite pas cet homme exceptionnel qui prend soin de lui depuis plus de deux ans et qui aujourd'hui encore, prend le temps d'écouter tout ce qu'il lui dit, prend le temps d'avoir de petites attentions comme celle-ci quand lui est coincé en centre de désintox' depuis presque un mois.

 

''-Hé.. Qu'est ce qui va pas chaton?''

 

Sans perdre de temps, Louis s'assoit face à lui sur le lit, attrape son visage à deux mains quand il l'entend renifler.

 

''-Je.. J'ai un truc à te dire et je sais pas comment tu vas réagir...''

 

Cette grossesse ne pouvait pas tomber plus mal. Ce n'est vraiment pas ce dont ils ont besoin maintenant, mais c'est fait.

 

Harry est enceinte, et toute la journée il s'est demandé comment il allait faire pour s'occuper de cinq bébés quand il a déjà faillit perdre la tête avec trois. Comment est ce qu'il peut espérer continuer, finir ses études un jour s'il continue à pondre comme un putain de lapin.

 

''-Crache le morceau et qu'importe ce que c'est, on trouvera une solution ensemble. Lui répond Louis en cherchant son regard.''

 

Mais il ne le trouve pas, retire doucement ses mains pour les poser sur ses cuisses quand il le voit hocher la tête. Il s'attend à tout et n'importe quoi, mais ne s'attend pas aux quelques mots que prononce Harry en relevant un regard timide sur lui.

 

''-Je suis enceinte.''

 

Pendant une seconde, il ne sait plus où il est, n'a aucune réaction. Il regarde au travers d'Harry, repense aux premiers mois de leur relation, à tous les bons moments qu'ils ont vécu depuis.

 

Il visualise les prochains mois, imagine la réaction des triplets à l'annonce d'un nouveau bébé, celle d'Anne qu'il voit déjà sauter au plafond comme la mamie gâteau qu'elle est. Il s'imagine blottit avec Harry dans ses bras, l'entend déjà lui dire qu'il a mal au dos pour ne pas avoir à lui réclamer un massage. Il le voit déjà quémander de l'attention, de l'affection, sourire comme un idiot en parlant à son ventre en pensant être seul.

 

Il se souvient, imagine tous ces moments pendant que face à lui, Harry se liquéfie dans l'attente d'une réaction.

 

''-Lou'?

-Vraiment?''

 

Le goût de l'angoisse en bouche, Harry hoche à nouveau la tête. Mais ce goût est vite remplacé quand Louis plaque sans douceur ses lèvres sur les siennes, laisse ses mains glisser jusqu'à ses hanches pour les saisir et le tirer plus près de lui encore. Il le tire jusqu'à l'avoir à califourchon sur ses jambes pendant qu'Harry lui rend son baiser presque désespérément, laisse ses mains aller se nicher dans ses cheveux fins et en pagaille pour s'y accrocher.

 

''-Bordel si tu savais comme je t'aime. Souffle Louis en mettant court au baiser sans pour autant s'éloigner, se séparer de ce garçon si spécial qui fait vibrer sa vie et son cœur depuis plus de deux ans.

-Je t'aime aussi.. Mais..''

 

Collant toujours plus son front contre celui de Louis, Harry prend une profonde inspiration, lui dit quelques mots qui pourraient passer pour une blague s'il n'était pas aussi sérieux.

 

''-Ce.. C'est des jumeaux..''

 

Pour seule réaction Louis échappe un éclat de rire sincère, passe ses bras dans le dos d'Harry pour le serrer toujours plus contre lui.

 

''-T'es sûr qu'il n'y en a que deux cette fois?''

 

Et c'est plus fort que lui, à son tour, Harry ne peut se retenir de rire. Ensemble, piégés dans l'étreinte l'un de l'autre, ils rient comme ils ne l'avaient plus fait depuis longtemps. Le cœur léger, libéré de tout tracas.

 

Et c'est sans perdre son sourire que Louis se penche pour récupérer le petit sachet sur le lit et le tendre à Harry qui le prend avec un fin sourire plein de malice avant de déposer un baiser doux et rapide au coin de ses lèvres.

 

''-Je t'aime vraiment Lou'.''

 

Plus que tout, plus que jamais, il l'aime comme s'il avait toujours dix-sept ans et que tout était possible.

 

 

Chapter 9: Chapitre 9

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''-Qu'est ce que tu fous? T'as une réunion dans cinq minutes. Bouge-toi.''

 

Échappant un fin sourire, Harry prend le temps de fermer sa valise avant de se tourner sur Francis qui l'attend, impatient dans l'entrée de sa chambre.

 

''-Si tu faisais bien ton taf tu saurais que je me casses aujourd'hui. Alors ta réunion, tu sais où te la mettre hein?''

 

Harry a du mal à cacher l'air satisfait qui veut se glisser sur son visage en voyant son éducateur se décomposer et virer pivoine en moins d'une seconde.

 

''-Bon débarras. Et si tu replonges, va foutre le boxon dans un autre centre tu veux.''

 

Il n'y répond rien, le regarde tourner le dos et s'en aller en prenant soin de claquer la porte. Il ne se laisse plus atteindre. Après six semaines à vivre enfermé dans le centre, Harry peut enfin rentrer chez lui auprès de sa famille.

 

Et rien ne peut chasser le fin sourire qui s'est glissé sur ses lèvres à son réveil. Rien pas même son balourd d'éducateur dont il est enfin débarrassé. C'est fini de l'entendre marmonner des insultes dans sa barbe, de supporter ses sous-entendus homophobes en silence. Il pourrait lui crier d'aller se faire foutre qu'il ne pourrait plus rien y faire. Il ne peut plus le menacer de faire sauter ses visites ou prolonger sa cure. C'est fini. Harry est clean, plus déterminé que jamais à laisser ses erreurs derrière lui.

 

Et quelques minutes plus tard, c'est le cœur léger qu'il quitte sa chambre, tombe nez à nez avec Carlos qui l'attend comme toujours, appuyé au mur face à lui, les bras croisés sous le torse.

 

''-Qu'est ce que tu veux? Lui demande-t-il en refermant la porte derrière lui.

-Rien. Je venais juste te dire au revoir. Lui répond le trentenaire avec un fin sourire. Et même si je sais que tu n'en veux pas, te souhaiter mes félicitations.'' Reprend-il en pointant brièvement l'abdomen d'Harry qui y porte inconsciemment sa main pendant quelques secondes en hochant doucement la tête. Voilà. Au revoir Harry.''

 

Sans un mot de plus, Carlos se décolle du mur pour s'en aller. Mais à peine a-t-il fait trois pas que la voix du bouclé résonne dans le couloir.

 

''-Carlos, attend.''

 

Surpris, ce dernier se retourne pour lui faire face, voit ses sourcils légèrement froncés, sa main, qui reste posée sur son ventre plat.

 

''-Je t'écoute.

-Andréa m'a dit l'autre jour que vous sortiez ensemble tous les deux.''

 

Confus, Carlos acquiesce, attend qu'Harry dévoile le fond de sa pensée.

 

''-Alors.. Depuis quand tu.. Avec.. Depuis quand vous avez..''

 

Avant qu'il ne réussisse à mettre des mots sur ses pensées, Carlos comprend ce qu'il essaie de lui demander, lui répond.

 

''-On s'est séparé il y a dix ans. S'exclame-t-il, attirant le regard maladroit de son fils.

-Pourquoi?

-Je voulais m'en sortir et pas elle. Lui avoue-t-il dans un souffle. Ne te prend pas la tête avec elle Harry. Reprend-il en balayant l'air pour marquer ses propos. Ni avec moi. Tu n'as rien à voir avec nous. Tu as une mère géniale qui t'a très bien élevé et je suis heureux d'avoir eu l'opportunité de découvrir le jeune homme que tu es devenu. Je sais que ça ne représente rien pour toi, mais je suis vraiment fier en voyant la personne que tu es aujourd'hui.''

 

Il aimerait que ça ne représente rien, il n'aurait pas à baisser la tête pour cacher ses larmes. Et même s'il ne comprend pas encore pourquoi, il sait que ces quelques mots lui font autant de mal, que de bien.

 

Carlos vient de le dire, il n'a rien a voir avec ses parents, et cet aveu le soulage tellement qu'il pourrait éclater en sanglots s'il ne se retenait pas. Ce n'est pas comme si c'était la première fois qu'il entend ces mots, mais les autres ne savaient pas de quoi ils parlaient. Aucun d'eux n'était concerné comme l'homme qui lui fait face, son propre père.

 

Et il ne sait pas si c'est la grossesse, le soulagement de partir ou encore le sang qui coule dans ses veines qui fait ça, mais sans préavis, Harry va enlacer Carlos qui pendant une seconde, ne sait pas comment agir.

 

Une petite seconde pendant laquelle les battements de son cœur s'accélèrent juste avant qu'il ne referme ses bras dans le dos de son fils qui pleure en silence dans son cou, lui murmure quelques mots qu'il n'attendait, n'espérait plus.

 

''-Merci de m'avoir aidé..''

 

Il n'y répond rien, échappe un fin sourire en le serrant toujours plus, en essayant d'ignorer que la dernière fois qu'il a tenu son fils dans ses bras, il ne lui arrivait qu'aux genoux. Il profite de ce moment dont il n'avait jamais osé rêvé, s'en imprègne avant de lâcher prise quand il sent Harry desserrer son étreinte autour de ses épaules.

 

Il ne dit toujours rien. Il n'y a rien de plus à dire.

 

Alors sans un mot, il rend son sourire à son fils, le regarde lui tourner le dos et s'en aller en espérant de tout son cœur, que jamais plus il ne le reverra.

 

 

***

 

En passant la porte de la grange, Harry ressent aussitôt un étrange mélange de soulagement et de culpabilité. Un sentiment sur lequel il n'arrive pas à poser de mot et qui lui serre le cœur, lui ramène des larmes au bord des cils. Mais tout ça ne dure qu'une seconde, une petite seconde juste avant qu'il ne sente la main de Louis passer avec délicatesse le long de son dos, ses lèvres douces contre sa mâchoire.

 

''-Heureux d'être à la maison? Susurre-t-il à son oreille, lui arrachant un fin, imperceptible sourire.

-Très.''

 

Il n'attendait que ça depuis des semaines. Des semaines à se morfondre, à subir le temps qui passe. Mais tout ça est fini maintenant. Il est clean, et compte bien le rester.

 

Après avoir pris le temps de défaire sa valise, Harry va dans le plus grand des silences jusqu'à la chambre des triplets, jusqu'à leur berceau pour s'y pencher. Un doux sourire vient fendre son visage au moment où son regard se pose sur ses bébés entrain de dormir paisiblement, collés les uns aux autres, comme depuis le premier jour.

 

Inconsciemment, il porte sa main à son abdomen encore plat qu'il caresse doucement en se demandant si ses jumeaux seront pareils. Il se demande comment les triplets vont réagir à l'annonce de nouveaux petits frères ou petites sœurs, s'ils comprendront même. En regardant leurs visages poupins, il envisage un avenir qui lui semblait encore flou il y a quelques semaines. Il sent son cœur se gonfler de plus d'amour qu'il ne peut en contenir.

 

''-Mama..''

 

Surpris d'entendre sa voix, il voit brusquement les yeux d'Isaac s'ouvrir en grand, s'ancrer aux siens. Il le voit sourire, s'arracher de l'étreinte de sa sœur pour ramper jusqu'au bord du berceau et se redresser face à Harry qui ravale durement ses larmes en le voyant tendre ses bras, réclamer les siens.

 

''-Tout va bien bébé.. Maman est là.

-Mama câlin..''

 

Étonné d'entendre ce mot passer ses lèvres, Harry se penche pour le porter dans ses bras, le sent s'accrocher à lui à la seconde où il le peut. En essayant de faire le moins de bruit possible, il va s'installer dans le rocking-chair, berce doucement Isaac qui garde son visage enfouie dans son cou et finit immanquablement par se rendormir au bout de quelques minutes. Pour autant, Harry ne va pas le reposer dans son berceau. Il continue de le bercer, ravale sa culpabilité toujours plus présente, et les larmes qui veulent dévaler son visage.

 

Et quand quelques minutes plus tard, Louis entre à son tour dans la pièce, il ne les retient plus, en est incapable en discernant dans la pénombre le regard désolé que son petit-ami pose sur lui.

 

''-Qu'est ce qui va pas chaton? Lui demande-t-il en venant s'asseoir sur le bras du rocking-chair qui grince légèrement sous son poids.''

 

Délicatement, il balaye vers l'arrière et derrière ses oreilles les mèches trop longues qui viennent recouvrir le visage d'Harry qui renifle légèrement, baisse le regard un instant avant de venir l'ancrer au sien.

 

''-Isaac il.. Commence-t-il difficilement, la gorge nouée par sa peine. Il m'a demandé un câlin..

-Oui, il fait ça depuis quelques t-''

 

Comprenant enfin ce qu'il se passe, Louis se tait, attrape doucement le menton d'Harry qui a une nouvelle fois échapper à son regard, et retient durement les sanglots qui s'entassent dans sa gorge pour ne pas briser le silence.

 

''-J'ai tout raté...

-Hé, dit pas ça. L'arrête aussitôt Louis en se penchant pour écraser ses lèvres sur le sommet de son crâne. J'te jure que t'as rien raté. Ce sont toujours des catastrophes ambulantes.''

 

Un fin sourire se glisse sur ses lèvres en entendant le rire soufflé qui échappe à Harry, en le sentant se blottir contre lui jusqu'à avoir la tête appuyée contre son ventre.

 

''-Tu devrais aller t'allonger un peu, ça va te faire du bien de retrouver ton lit.

-Tu viens avec moi?

-Bien sûr.''

 

Sans prendre la peine de reposer Isaac dans son berceau, Harry se lève et sort de la nurserie pour rejoindre sa chambre. Dans son dos, il sent Louis qui le suit, qui prend le temps de fermer les portes derrière lui, le voit passer devant lui pour aller fermer les rideaux de la baie vitrée au fond de la pièce pendant qu'il s'allonge doucement à même les draps, son bébé toujours paisiblement endormi contre son épaule.

 

En douceur, Louis vient s'allonger à ses côtés, l'aide à se blottir dans ses bras sans perturber le sommeil d'Isaac, de son petit garçon qui plus que son frère et sa sœur, a eu du mal à gérer l'absence d'Harry. Mais ça, il ne lui dira jamais. Il se contente de le serrer dans ses bras, de profiter de son souffle chaud et régulier qui balaye son torse. Et pendant qu'Harry s'endort, lui, se perd à rêver.

 

Doucement, il glisse sa main sous le tee-shirt du bouclé, la pose à plat sur son ventre, sur sa peau chaude. Il pense aux deux vies qui se cachent sous la surface, se demande s'ils auront des vrais jumeaux cette fois, s'ils seront aussi complices que le sont les triplets. Il rêve éveillé, sourit comme un bien heureux en imaginant les prochains mois, les prochaines années, en imaginant cette vie à laquelle il aspire, et que plus que tout, il veut offrir au garçon blottit dans ses bras.

 

 

***

 

 

En se réveillant ce matin, Harry se sent bien. Il se sent même mieux que jamais quand au bout de trente secondes, il n'y a toujours aucun signe de nausée à l'horizon. Il sent chaque parcelle de son corps enfoncé profondément dans le matelas, la douceur du drap qui épouse sa peau à nue et s'y colle un peu plus à chacune de ses inspirations.

 

Il se laisse enivrer par les odeurs environnantes qui reviennent parfumer son jardin et chatouiller ses narines chaque été. Comme le parfum délicat de la lavande en fleur qui pousse à l'arrière de la grange, l'odeur de l'herbe fraîchement coupée qui flotte dans l'air ou celle plus discrète de la crème solaire qui s'est incrustée dans les vêtements de Louis.

 

Il inspire à pleins poumons, s'en imprègne en étirant ses jambes sous le drap qui glisse comme une plume sur sa peau.

 

Et comme tous les matins, c'est inconsciemment qu'il passe sa main sous le drap, la porte à son ventre pour le caresser doucement. Mais ce matin en le faisant, il s'en rend compte quand sa main suit une courbe nouvelle et pourtant tellement familière. Une courbe qui fait sursauter son cœur et dépose un sourire sur ses lèvres au moment où il se redresse et baisse le drap pour poser les yeux sur son corps.

 

''-Lou'! Viens voir!''

 

Son sourire ne quitte pas son visage, sa main ne se retire jamais de son corps qu'il caresse doucement. Et c'est le regard vibrant d'un bonheur incommensurable qu'il relève la tête quand la porte de la chambre s'ouvre, qu'il voit le regard de Louis s'écarquiller au moment où ses yeux se posent sur lui, un nouveau sourire naître sur son visage encore mal réveillé.

 

''-Bon sang! C'est le retour de la bedaine! S'exclame-t-il en allant se jeter sur le lit sous le rire léger d'Harry qui hoche la tête, amusée.

-Un peu plus tôt que la dernière fois. Mais le médecin du centre m'a prévenu que ça risquait d'arriver. Explique ce dernier pendant que Louis s'allonge, passe les bras autour de sa taille pour l'enlacer et déposer un baiser prononcé à côté de son nombril.

-Tant mieux. J'aime te voir comme ça.''

 

Un peu plus, Harry glousse et se tortille en sentant ses cheveux et sa barbe légère lui chatouiller les côtes.

 

Et quelques minutes plus tard, c'est ensemble qu'ils se lèvent pour aller réveiller les triplets, changent leurs couches et leur donnent le petit-déjeuner. Et c'est pressé par le temps que Louis part s'enfermer dans la salle de bain pour n'en ressortir que dix minutes plus tard, prêt pour partir au travail quand tout ce qu'il veut, c'est rester chez lui avec sa famille.

 

Mais il a déjà eu droit à une semaine de congés pour le retour d'Harry en pleine vacances d'été, et il ne peut pas en demander plus. Alors c'est à contre cœur qu'il s'agenouille sur le tapis du salon pour embrasser ses bébés avant de coller ses lèvres sur celles d'Harry assis en tailleur à même le tapis.

 

Il prend le temps de glisser sa main sur son abdomen pour le caresser quelques secondes, arrachant un sourire au bouclé au travers de leur baiser.

 

''-C'est quoi ton programme aujourd'hui?

-On amène les gosses au lac. Répond Louis dans un soupir. C'est moi qui conduit le bus donc je pourrai pas répondre au téléphone pendant les trajets mais aussi non je l'aurai tout le temps sur moi. Alors t'hésite pas à m'appeler si t'as un problème ou juste une baisse de moral. D'accord?''

 

Avec un fin sourire, Harry acquiesce, tend les lèvres pour un dernier baiser avant que Louis ne se lève et récupère ses affaires pour quitter la grange. Sur le pas de la porte, il s'arrête, se retourne sur Harry qui l'a suivi du regard.

 

''-Je t'aime.

-Je t'aime.''

 

Avec le même sourire niai, ils s'arrachent au regard de l'autre pour commencer leur journée.

 

Alors après avoir collé les triplets devant des jeux d'éveils pour les tenir tranquille, Harry fait son chemin jusqu'à la cuisine et prépare son petit-déjeuner sans les quitter du regard.

 

Il a du mal a réaliser que deux années sont déjà passées. Il se souvient du jour où il est revenu de la maternité, de la façon dont il pouvait les tenir tous les trois allongés sur son torse les premiers jours, se dit que le temps passe beaucoup trop vite en les écoutant balbutier quelques mots incompréhensibles entre eux pendant qu'ils jouent sur le tapis.

 

Et après avoir avaler un petit-déjeuner dont il devrait avoir honte, il reprend une routine qu'il se plaît à redécouvrir tous les jours depuis son retour.

 

Et comme tous les jours, il finit par faire un tour du jardin avec ses bébés, leur décrit et dit, les écoute répéter les noms des différentes fleurs qui poussent autour de la grange. Il sourit comme un idiot en les voyant courir dans l'herbe, en les entendant rire à gorge déployée.

 

Et quand midi est passé, c'est serein qu'il les conduit dans sa chambre pour l'heure de la sieste, s'allonge, s'endort calmement avec eux. Il sait qu'il a dix milles choses à faire comme la vaisselle et le ménage, mais tant pis, ça attendra plus tard.

 

 

Chapter 10: Chapitre 10

Chapter Text

 

Les grandes vacances sont terminées, et l'été touche à sa fin pour le plus grand bonheur de Louis qui peut enfin profiter de quelques jours de congés avant que ne revienne le mauvais temps.

 

 Il a passé les premiers jours à réaménager la grange pour ne pas qu'Harry le fasse seul. Ça lui a pris comme ça, un bon matin. Et quand Louis lui a demandé ce qu'il foutait, il s'est retrouvé obligé de capituler en entendant Harry lui dire honteusement qu'il se sentait mal avec la façon dont les meubles étaient disposés. Alors il les a déplacé.

 

Mais depuis, il se contente de se détendre, de se prélasser au bord de la piscine pendant des heures. Il profite de ses bébés et de la joie qui émane d'eux à chaque fois qu'il les prend avec lui dans l'eau, comme il est entrain de le faire avec Gabrielle qui bat des jambes sous l'eau, lui donne des petits coups de pieds dans le ventre pendant qu'il surveille du coin de l'œil Raphaël et Isaac entrain de jouer à l'abri sous leur tente en attendant qu'Harry revienne de la grange.

 

Et quand il entend la baie vitrée se refermer, c'est instinctivement qu'il se retourne pour le chercher du regard, laisse un franc sourire se glisser sur ses lèvres en le voyant revenir habillé uniquement de son short de bain, laissant son ventre rebondi à la vue de tous. 

 

Et Louis aime ça, il aime le voir comme ça. Maintenant qu'il en est à plus de quatre mois de grossesse, le ventre d'Harry commence à sérieusement s'arrondir, tout comme son visage qui peu à peu, redevient celui de l'adolescent dont il est tombé éperdument amoureux il y a quelques années. 

 

Il fond d'amour et de tendresse en voyant la façon qu'il a de garder sa main posée sur son tatouage ou près de son nombril qui s'étire tous les jours un peu plus. Dans son autre main, il tient ce qui doit être son quatrième cornet de glace de la journée, et en le voyant faire, Louis ne peut retenir un léger rire.

 

''-Encore une glace?

-Je sais que ça fait beaucoup mais c'est tout ce qui me fait envie. Souffle Harry en s'asseyant à côté de la tente, juste au bord de la piscine pour pouvoir y tremper ses pieds et ses chevilles. Je crève de chaud. Quand est ce que ce foutu été va se terminer?

-Shh! Ton langage. Le reprend aussitôt Louis en pointant Gabrielle dans ses bras. Tu veux qu'on échange nos places? Lui propose-t-il juste après. Tu te baignes un peu et je surveille les petits.

-Faudrait les préparer en fait. Soupire Harry avant de croquer dans son cornet. On a rendez-vous chez le pédiatre dans deux heures.

-Putain c'est vrai, j'avais oublié.

-Ton langage.''

 

Amusé, Louis se redresse, se plonge dans les yeux de son amant, ses yeux pâles et pleins d'une malice qui accompagne son sourire espiègle. Il lui rend son regard, son sourire avant de sortir de la piscine avec Gabrielle.

 

En coup de vent, il dépose un baiser sur les lèvres d'Harry avant de récupérer leurs fils sous la tente pour les conduire tous les trois à l'intérieur et les préparer pour leur rendez-vous chez le pédiatre pendant qu'Harry prend le temps d'entrer dans la piscine une fois sa glace terminée. Il nage quelques longueurs, se laisse flotter un moment sur le dos, jusqu'à ce que le soleil aveuglant ne réchauffe un peu trop sa peau. Détendu, il sort de la piscine, retourne dans la grange, jusqu'à la nurserie où il trouve Louis entrain de coiffer Gabrielle.

 

Depuis que ses cheveux poussent vraiment, ce dernier prend toujours un malin plaisir à la coiffer. Il lui fait des couettes, des pompons, des palmiers, et parfois quand il est d'humeur à rire, il brosse ses boucles, donnant à leur petite fille des airs de savant fou. Mais pas aujourd'hui.

 

Appuyé contre le montant de la porte de la nurserie, Harry échappe un fin sourire en regardant Louis tirer avec délicatesse les cheveux de leur petite fille pour lui faire une couette sur le sommet de la tête. Et elle, ne bouge pas. Assise sur la table à langer, Gabrielle joue avec la chaîne qui trône au cou de Louis pendant qu'il attache ses cheveux, laisse passer un sourire satisfait au moment où il se penche pour être face à elle.

 

''-Et voilà. C'est qui la plus belle des princesses?

-Baby!''

 

Louis et Harry échappent le même rire en la voyant se pointer du doigt. Et quand elle rit à son tour, ce dernier avale sans réfléchir la distance qui le sépare d'elle, se penche pour déposer un baiser appuyé sur sa joue potelée.

 

''-T'as raison mon cœur. C'est bien Gaby la plus belle des princesses.

-Baby! Répète-t-elle en se pointant du doigt.''

 

Harry s'apprête à reprendre la parole quand il sent deux poids s'accrocher à ses chevilles. Et en baissant la tête, il découvre ses deux petits garçons accrochés à ses jambes, tombe nez à nez avec leurs sourires, leurs grands yeux pleins de malice.

 

''-Mama jeu. Réclame alors Raphaël.''

 

En l'entendant, Louis retient mal un éclat de rire pendant qu'Harry le fusille du regard.

 

''-Mama jeu. Répète-t-il dans un souffle en posant sa main sur son abdomen. C'est vrai que deux bébés, c'est pas déjà assez.

-Tu râles, tu râles mais quand dans quelques semaines tu pourras plus le faire tu vas chouiner.''

 

Sans rien lui répondre, Harry tire puérilement la langue à Louis avant de sortir de la nurserie avec deux poids aux chevilles. Deux poids qui profitent de la ballade, de leur jeu. Ils en profitent jusqu'à ce qu'Harry les lâche sur le lit de sa chambre pour pouvoir se changer et s'habiller.

 

Et une dizaine de minutes plus tard, c'est sans envie qu'il s'installe dans la voiture, côté passager, Louis lui, prend place derrière le volant une fois que les triplés sont tous attachés dans leurs sièges auto à l'arrière.

 

Sur le trajet, Harry trépigne, angoisse même s'il sait qu'il n'a aucune raison de le faire. Après tout, aucun de ses bébés n'est malade, ce n'est qu'une visite de routine. Mais c'est plus fort que lui, il a un mauvais pressentiment qui lui ronge les entrailles, et toutes ses tentatives pour s'en défaire n'y changent rien. Si bien qu'au bout d'un temps, Louis finit par le remarquer, et décide, plutôt que de lui en parler, de lui détourner les idées.

 

''-Tu as envie de manger quelque chose en particulier ce soir?

-Hein?''

 

D'abord surpris, Harry prend le temps de penser à la question sans voir le fin sourire qui se glisse sur les lèvres de son petit-ami lorsqu'il se met à réfléchir à voix haute.

 

''-J'en sais rien.. J'ai surtout envie de sucre. Mais j'imagine qu'un pot de glace et des cookies ça compte pas comme un repas?

-Pas vraiment non. Rit doucement Louis sans quitter la route du regard.

-J'en peux plus de la chaleur.. La dernière fois au moins j'avais accouché avant l'été. Là il fait tellement chaud que j'ai envie de rien à part de la glace et du jus de fruit. Râle en retour Harry, laissant son amant rire de plus belle. Te moques pas. Ça craint vraiment d'être enceinte en plein été.

-C'est vrai, pardon. Lui répond Louis en se tournant brièvement pour voir le fin sourire qui a pris vie sur les lèvres de son amant. On pourra toujours y réfléchir plus tard. Conclut-il en posant sa main sur le genou d'Harry, satisfait de voir que l'inquiétude a enfin quitté son visage.''

 

Il n'en reste rien quand ce dernier hoche la tête et prend la main de Louis posée sur sa jambe pour la plaquer sur son ventre avec les siennes.

 

''-Agités? Suppose-t-il, amusé.

-C'est à cause de tout ce sucre. Souffle Harry en retour.

-Dans combien de temps déjà je vais pouvoir les sentir?

-Pas avant trois semaines. Ils sont encore trop petits.

-Ah bon? Et c'est quoi ça? Se moque gentiment Louis en tapotant le ventre rebondi de son amant.

-Ça c'est la glace. Réplique ce dernier en riant.''

 

Arrivé sur le parking du centre médical, Harry a totalement oublié ses angoisses. C'est sans plus y penser, d'une humeur légère qu'il prend Gabrielle dans ses bras pendant que Louis s'occupe d'Isaac et Raphaël. Un garçon dans chaque bras, il suit Harry jusqu'au cabinet de leur pédiatre, y entre à sa suite, attirant comme à chaque fois l'attention de tous les parents présents dans la salle d'attente.

 

Mais aujourd'hui, leur attention est moindre, et pour cause, au fond de la pièce, une femme fait un scandale. Elle hurle si fort qu'Harry est étonné de ne pas l'avoir entendu avant de passer la porte de la salle d'attente. Autour de lui, tous les parents gardent leurs enfants dans leurs bras, ou dans leurs jambes au lieu de les laisser aller s'amuser au coin jeux. Un coin jeux détruit comme si quelqu'un avait marché sur les jouets qui s'y trouvent.

 

Intrigué, il avance discrètement jusqu'à une maman qu'il connaît de vue, lui demande doucement ce qu'il se passe.

 

''-Je sais pas trop, je viens d'arriver. Lui répond cette dernière en murmurant. Mais d'après ce que j'ai compris, le médecin ne veut pas lui faire d'ordonnance pour sa fille.

-Vraiment? C'est étonnant de sa part. Il accepte toujours d'en faire quand mes enfants sont malades, même par téléphone.

-Oui pour moi aussi. Confirme la jeune femme avant d'échapper un soupir. Je crois qu'on est là pour un moment.''

 

Agacé, Harry soupire à son tour en se tournant sur Louis qui partage son désarroi.

 

''-Tu devrais t'asseoir.

-Non. Souffle-t-il en lui tendant Gabrielle. Garde les petits, je vais nous annoncer à la secrétaire.''

 

Libre de ses mouvements, Harry se faufile entre les parents, les enfants qui se décalent au fur et à mesure en remarquant sa présence. Il entend la femme qui hurle, traite le pédiatre de charlatan sans jamais s'en préoccuper. Mais, c'est à tout juste quelques pas du bureau de la secrétaire que des mots attirent son attention, un nom dans la bouche du médecin. Un nom, qu'il ne pensait jamais entendre à nouveau.

 

''-Diane, calmez-vous. Je vous répète que je ne peux pas donner ce médicament à une enfant. Le traitement que je lui ai prescris fera parfaitement l'affaire.''

 

Plus vite que de raison, il se tourne, regarde enfin cette femme qui continue de hurler à s'en casser la voix. Il sent son estomac se retourner, sa gorge se nouer comme si quelqu'un l'enserrer avec force pendant qu'il regarde son visage, le découvre avec effroi. 

 

Il le reconnaîtrait n'importe où, ce visage. Celui là même qui a hanté ses nuits pendant des années, qui a animé ses cauchemars et ses angoisses quand il était enceinte de ses triplés. Ce visage qu'il aurait voulu chassé de sa mémoire, sans jamais y parvenir. Comment pourrait-il le faire, quand ce visage, il le voit tous les matins dans le miroir de sa salle de bain?

 

Dans la panique, son cerveau, son instinct prend le dessus sur son cœur en miettes et son envie, son besoin de s'enfuir. Du regard, il parcourt tous les visages des enfants présents autour de lui jusqu'à trouver celle qu'il cherche. 

 

Elle est assise seule sur une des chaises alignées contre le mur qui lui fait face, regarde honteusement la scène qui se déroule sous ses yeux pâles, rougis par les larmes qu'elle efface rapidement, discrètement. Elle se sert des manches de son tee-shirt trop grand et mité pour essuyer ses yeux, ses joues irritées par le passage répété du tissu contre sa peau. Son cœur se serre toujours plus en détaillant ses jambes maigres et couvertes d'ecchymoses plus ou moins récentes. Et brusquement, il comprend. Il comprend tout.

 

Sans perdre plus de temps, il avance jusqu'au bureau de la secrétaire qui lui adresse un sourire poli en le voyant arriver. Mais lui, ne sourit pas. Il en est incapable, doute même de pouvoir ouvrir la bouche sans étaler ses tripes sur le bureau.

 

''-Bonjour Monsieur Styles. Je suis désolé pour le-

-C'est pas grave. La coupe-t-il sèchement, presque violemment. Depuis combien de temps cette femme vient ici?''

 

Surprise, la jeune femme reste sans voix quelques secondes suite à cette question qu'elle n'attendait pas. Et elle sait qu'elle ne devrait pas lui répondre, mais l'angoisse, l'urgence dans les yeux d'Harry lui laisse penser qu'il y a plus qu'une curiosité malsaine derrière cette question.

 

''-C'est la première fois en fait. Admet-elle nerveusement. Elle a appelé ce matin pour avoir un rendez-vous pour sa fille.

-Elle est pas là pour sa fille. Lui répond aussitôt Harry. Appelez les services sociaux et ne la laissez surtout pas partir.''

 

Un vent de panique s'empare de la jeune secrétaire à ces mots. Et sans chercher plus loin, elle acquiesce, attrape son téléphone pendant qu'Harry fait demi-tour pour faire face à cette femme, qui contrairement à son père, n'a pas changé. Elle est toujours la même. Égoïste, dépravée, incapable de s'occuper d'un enfant ou d'elle même, oui, en la regardant, Harry ne peut ignorer l'évidence. Sa mère ne peut pas être sauver.

 

''-Ma fille est malade! Elle a besoin de ce médicament!

-Non, c'est faux.''

 

C'est plus fort que lui. Avant d'en avoir conscience, Harry intervient, attire l'attention de tous, de Louis qui se faufile au milieu des parents pour mieux le voir, pour mieux voir l'angoisse qui vit dans ses yeux pâles.

 

''-Qu'en savez-vous? Lui demande le médecin, perplexe, impatient d'en finir.

-Je le sais. Qu'importe le traitement que vous donnerez à sa fille, c'est elle qui finira par le prendre.

-Et t'es qui toi pour te mêler de mes affaires?!''

 

Avant que quiconque ne puisse réagir, Harry sent les mains de Diane s'écraser sur son torse, le pousser avec violence. Dans un fracas tonitruant, il tombe, cogne son dos contre l'arête du bureau derrière lui avant de s'effondrer au sol. 

 

En voyant l'action, Louis sent son corps se tendre, son cœur se stopper net. Sans réfléchir, il bouscule ceux qui se trouvent entre lui et Harry qu'il voit grimacer en portant sa main à son dos. Il veut hurler, mais ce n'est pas sa voix qui résonne dans la pièce. Ce n'est pas sa voix qui brise le silence.

 

''-Arrête maman! Laisse tomber! Ça suffit maintenant!''

 

C'est la voix pleurnicharde de sa fille qui n'en peut plus, qui comme tout le monde autour d'elle, veut que cette comédie cesse.

 

''-Tu te tais et tu retournes t'asseoir! On a presque fini! Hurle en retour sa mère, poussant à bout tous les parents autour d'elle.''

 

Ils lui crachent tous leur façon de penser pendant que Louis rejoint Harry entrain de prendre appuie sur le pédiatre venu l'aider.

 

''-Harry tu vas bien?! Tu as mal quelque part?''

 

C'est évident, mais Louis veut l'entendre. Il veut savoir où il a mal. Mais Harry secoue simplement la tête, le souffle court, submergé par une vague de panique qui l'empêche de se raccrocher au moment présent.

 

''-Il faut-Il faut l'empêcher de partir. Il faut pas la laisser partir. S'époumone-t-il pendant que le pédiatre essaie tant bien que mal de le tirer jusqu'à une chaise.''

 

Mais Harry ne bouge pas, il reste debout, s'accroche désespérément aux épaules de Louis qui prend peur en voyant une lueur de folie se faufiler dans son regard agité. La même lueur qu'il a découvert quelques mois plus tôt, quand il a découvert l'addiction dont il souffrait.

 

''-Elle doit pas s'en aller Lou'. On-On peut pas la laisser repartir avec sa fille.

-D'accord, d'accord. Calme toi je t'en prie. Le coupe alors Louis en prenant son visage en coupe dans ses mains pour accrocher son regard, ses yeux pâles et bercés d'une peur qui lui soulève le cœur. Est ce que tu la connais? Elle était en désintox' avec toi? Lui demande-t-il.''

 

Mais en retour, Harry dénie fermement. Il secoue la tête, ferme les yeux et laisse s'échapper les larmes qui s'accumulent à ses cils avant de prendre une inspiration fébrile. Douloureusement, il rouvre les yeux, les ancre à ceux de Louis qui attend, angoisse avec lui, pour lui.

 

''-C'est ma mère...

-Quoi? Non, c'est impossible.''

 

Ça ne peut pas être possible. Le destin ne peut pas être aussi cruel avec l'homme qu'il aime. Après la désintox', sa rencontre avec son père, Harry ne peut pas faire face à sa mère. C'est impossible.

 

Pourtant, quand il se retourne, regarde avec attention le visage de cette femme entrain de vociférer contre tous ceux qui l'entourent, c'est avec dégoût qu'il doit admettre, reconnaître la ressemblance indéniable qui existe entre elle et Harry.

 

''-Il-Il faut faire partir tout le monde et-et mettre sa fille en sécurité en attendant qu'arrivent les services sociaux.

-Je les ai eu au téléphone. Intervient la secrétaire, attirant l'attention des trois hommes. Ils arrivent avec la police.''

 

Soulagé d'entendre ces mots, Harry hoche la tête, se détend juste assez pour prendre conscience de la douleur cuisante entrain de vriller son dos. Malgré lui, une grimace vient se glisser sur son visage au moment où il échappe un sifflement de douleur, alertant Louis qui le soutient toujours, et prend peur en posant le regard sur son visage.

 

''-Harry tu as mal? Es-Est ce que c'est les bébés? S'inquiète-t-il aussitôt. Mais dans la seconde, Harry dénie en secouant la tête.

-Non je.. Je crois que je me suis déplacé une vertèbre en tombant je.. J'arrive plus à tenir sur mes jambes.''

 

Pendant qu'il s'appuie sur Louis, puise dans ses derniers retranchements pour rester debout sur ses jambes qui ne demandent qu'à flancher, Harry peut entendre le médecin dire à la secrétaire de lui apporter son fauteuil. Il peut l'entendre rouler sur le sol sous le brouhaha qui règne toujours dans la pièce. Et quelques secondes plus tard, c'est en retenant mal une plainte étouffée qu'il s'y assoie avec l'aide de Louis, pestant contre la douleur dans son dos qui vient se propager jusque dans son bassin et lui coupe un peu plus le souffle.

 

''-Tu restes là, nous on fait sortir tout le monde. Lui dit Louis en se penchant pour le regarder dans les yeux.

-Prends les triplés et emmènes les avec sa fille dans la salle d'examen.''

 

Le cœur en vrac, Louis acquiesce avant de rejoindre ses triplés entrain de jouer loin du chaos. Il les conduit jusqu'à la porte de la salle d'examen où les attend déjà la secrétaire entrain de feindre ce qui pourrait passer pour un sourire sincère si son regard ne hurlait pas sa confusion. 

 

Pendant ce temps, le médecin lui, fait partir discrètement les parents les uns après les autres. Il commence par les moins impliqués, ceux qui regardent de loin. Il s'excuse, leur dit d'appeler plus tard pour reprendre un rendez-vous. 

 

Peu à peu, la salle d'attente se vide et quand il est sûr qu'ils sont en sécurité, Louis laisse ses triplés pour rejoindre la fillette qui regarde la scène en retrait. Elle ne cache plus ses larmes, sa tristesse palpable. Il pourrait presque en sentir le goût et l'odeur quand il arrive face à elle, accroche douloureusement ses grands yeux d'un vert trop pâle, et trop familier.

 

''-Viens avec moi.''

 

Il voit la surprise, le choc passer dans son regard le temps d'une seconde, le temps que l'espoir y naisse. Vivement, elle hoche la tête, attrape la main que lui tend Louis et se laisse tirer au travers de la pièce jusqu'à la salle d'examen où la secrétaire vient l'accueillir à son tour.

 

''-Est ce qu'il y a un verrou? Lui demande Louis.

-Oui.

-Alors fermez le. N'ouvrez à personne tant que la police ne l'aura pas embarqué.''

 

Nerveusement, la jeune femme acquiesce, referme la porte. Quand il l'entend enclencher le verrou, Louis se retourne, fait face à la pièce presque vide. En son centre, Diane se donne toujours en spectacle, et semble enfin remarquer le départ des personnes autour d'elle, l'absence de sa fille qu'elle cherche frénétiquement en tournant encore et encore sur elle même, perdue.

 

''-Où-Où est ma fille? Où elle est?! Ava?! AVA?!

-Calmez vous Diane. Elle va bien. Lui assure le médecin en la poussant gentiment jusqu'à une chaise.''

 

Pendant qu'il essaie de la rassurer, de la résonner, Louis lui, fait son chemin jusqu'à Harry qui attend, subit la douleur qui ne semble pas vouloir le quitter. Il remarque à peine son amant qui s'accroupit à ses côtés, ne l'entend pas, trop occupé à dévisager la femme qui lui a donné la vie, et en a gâché les premières années. 

 

Il ressasse tout ce qu'il voudrait lui dire, tout ce qu'il voudrait lui cracher au visage. Le peu de souvenirs qu'il a d'elle défilent les uns après les autres sous ses yeux grands ouverts. 

 

Il la voit le secouer en lui hurlant qu'il n'est qu'une erreur, il la voit le frapper, le gifler jusqu'à ce qu'il n'entende plus rien qu'un bourdonnement sourd. Il la voit amorphe sur le sol, défoncée et à peine capable de faire un geste, réalise difficilement, douloureusement que pendant toutes ces années, quelqu'un d'autre a subit les mêmes sévices. La fillette qui attend cachée avec ses bébés. Sa petite sœur.

 

Son cœur se serre, s'emballe à la seconde où Diane se tourne sur lui, ancre son regard au sien. Elle s'y accroche, et qu'importe à quel point il veut y échapper, il n'arrive pas à détourner les yeux, attend le moment qu'il espère et redoute. 

 

Il veut voir la surprise, le choc passer dans son regard quand elle réalisera qui elle dévisage. Il veut savoir ce qu'elle ressent après toutes ces années, et au bout de quelques secondes, il a tout ça. La surprise, le choc, l'incertitude. Tout passe dans le regard de sa mère avant qu'une nouvelle émotion ne vienne balayer toutes les autres. Du dégoût. Un dégoût profond qu'il partage et lui renvoie.

 

''-Harry?''

 

Entendre son nom dans sa bouche lui retourne l'estomac, lui donne la nausée. Mais autant que possible, il ne laisse rien paraître, et préfère céder à sa colère, plutôt qu'à sa peur.

 

''-T'auras mis le temps. Répond-il durement à sa mère. Mais j'imagine qu'être en manque t'empêche d'avoir les idées claires.''

 

Il a mal en prononçant ces mots. Il a mal, parce qu'il sait parfaitement de quoi il parle, se demande s'il avait l'air aussi pathétique qu'elle le jour où il est parti en crise. Il sent sa culpabilité qui essaie de se faufiler en lui, mais la chasse aussitôt. Ce n'est pas lui qui devrait se sentir coupable aujourd'hui.

 

''-On croirait entendre ton père.. Lui répond-elle avec un sourire vil, mesquin. Tu as ses yeux..''

 

C'est un reproche, il le sait. Il voit bien que si elle le pouvait, elle se jetterait sur lui dans la seconde pour lui arracher les yeux.

 

''-Le même... Regard plein de condescendance... Tu te crois mieux que moi.

-Je vaux bien mieux que toi. La reprend sans hésitation Harry, enfin prêt à déballer tout ce qu'il a sur le cœur, tout ce qu'il a peur d'admettre depuis trop longtemps déjà. Je suis une meilleure personne, un meilleur parent que tu ne l'as jamais été.

-Tu ne sais pas de quoi tu parles. Tu n'es qu'un petit con arrogant. Lui crache en retour sa mère avec dédain, avec colère.

-Je sais que Carlos t'a plaqué parce que tu ne voulais pas décrocher.''

 

Un petit sourire satisfait passe comme un éclair sur le visage d'Harry en voyant le choc revenir se glisser dans les yeux de sa mère. Elle veut de l'arrogance? Il va lui en donner.

 

''-Ça fait quoi? Dix ans, c'est bien ça? Rajoute-t-il sur le ton de l'insolence. Même ton mec en a eu marre d'attendre que tu te reprennes. Et je suis prêt à parier que ta fille n'attend qu'une occasion pour se barrer elle aussi.''

 

Il sait qu'il pousse, qu'il risque d'aller trop loin à un moment. Il se dit que c'est peut-être déjà fait quand Diane tente de se lever en furie, mais est aussitôt retenue par le médecin qui se tient à ses côtés, comme Louis se tient aux siens et assiste à leur joute verbale sans jamais s'en mêler. Il sait que ce n'est pas son combat.

 

''-Ne parle pas de Carlos!! C'est à cause de toi qu'il est parti! Uniquement à cause de toi!! Hurle-t-elle en retour, au bord de l'hystérie. Cet abruti voulait te retrouver! Il arrêtait pas de dire que si on arrivait à être clean on pourrait te récupérer! Rajoute-t-elle avant de laisser passer un rire mauvais, mesquin. Mais j'ai jamais voulu te récupérer. A partir du moment où j'ai découvert ton existence, tu n'as été qu'un parasite! TU AS TOUTGÂCHÉ!!''

 

Qu'importe à quel point il veut être indifférent à ses paroles, à ses reproches, Harry ne peut retenir le flot de larmes qui s'accumulent à ses cils. Il ne peut rien faire contre son cœur qui se compresse douloureusement comme si elle venait de plonger sa main dans sa poitrine pour le serrer, l'écraser. Il n'arrive plus à réfléchir, encaisse avec mal chaque mots qui passent ses lèvres.

 

''-On était heureux avant que tu arrives!''

 

Il voudrait lui hurler de se taire, mais ne veut pas lui donner la satisfaction de voir que ses paroles l'atteignent. Il ne lui fera pas ce plaisir. Alors il encaisse. Les mains crispées sur les bras du fauteuil dans lequel il est assis, il reçoit chaque reproche, chaque insulte comme des gifles plus violentes les unes que les autres.

 

Il ravale ses larmes, mais ne peut retenir un profond soupir de soulagement lorsque la porte de la salle d'attente s'ouvre et laisse entrer deux policiers. 

 

Épuisé, il se détend, reprend conscience de la douleur entrain de vriller son dos pendant qu'il les écoute demander ce qu'est le problème, qu'il écoute le pédiatre leur expliquer la situation. Il ne les regarde pas, ne sait plus si ses yeux sont ouverts ou fermés, trop occupé à essayer de gérer la douleur qui ne le quitte jamais, pas même une petite seconde.

 

''-Harry, tu es sûr que ça va?''

 

Il entend à peine la voix de Louis, comme un écho lointain. Incapable de prononcer un mot, il secoue la tête, prend conscience de la sueur qui recouvre son visage quand les mains de Louis viennent s'y plaquer.

 

''-Harry? Regarde moi s'il te plaît.''

 

Il essaie, mais ne voit rien.

 

''-Harry!''

 

Il n'entend plus rien.

 

''-Aidez-moi!! J'ai besoin d'aide!!''

 

Il ne ressent plus rien.

 

 

 

Chapter 11: Chapitre 11

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Ce n'est que quelques heures plus tard qu'il reprend conscience. Avant même d'ouvrir les yeux, Harry sait où il se trouve. Il ressent le pincement de la perfusion enfoncée dans son bras, la douceur du drap contre ses jambes dénudées, l'odeur aseptisée de l'hôpital qui envahit ses narines quand il prend une inspiration profonde. Elle s'insinue en lui, laisse le goût de la panique venir tapisser sa langue râpeuse pendant qu'il envisage le pire. Tétanisé, il laisse nerveusement sa main glisser sous le drap jusqu'à son ventre, jusqu'à la bosse entre ses hanches encore bien présente. Il y enfonce ses doigts, ouvre les yeux, soulagé en sentant ses jumeaux réagir aussitôt.

 

En baissant les yeux, il tombe aussitôt sur Louis qui en remarquant son réveil, s'empresse de venir à ses côtés, de l'embrasser. Avec lui, le médecin qui a pris en charge Harry se déplace jusqu'au pied du lit, attend patiemment d'avoir l'attention de son patient. Quand c'est le cas, il lui offre un doux sourire, et lui demande calmement:

 

''-Comment vous sentez vous Monsieur Styles?

-Bien, je crois. Qu'est ce qu'il s'est passé?

-Vos examens sanguins montrent une hyperglycémie qui a sans aucun doute causé votre malaise. Et l'IRM lui, montre clairement un tassement d'une des vertèbres. Explique le médecin à Harry qui acquiesce lentement, s'imprègne de ces informations.

-Et mes bébés?

-Ils se portent à merveille. L'utérus n'a subit aucune lésion. Lui assure lé médecin, recevant un fin, un léger sourire en retour.

-Est ce que je peux rentrer chez moi?

-Je n'y vois aucune objection. Par contre, je me dois de vous prescrire un repos absolu pendant les deux prochaines semaines. Je vais également vous faire une ordonnance pour une ceinture lombaire adaptée que vous pourrez porter si la douleur devient ingérable. Je vais également vous faire une ordonnance pour des séances de kinésithérapie. Je connais un bon praticien qui intervient à domicile si vous voulez sa carte.''

 

Pressé de s'en aller, Harry acquiesce à tout ce qu'il lui dit, n'en retient que la moitié. Malgré tout, il le remercie quand il s'en va pour remplir les papiers de sa sortie, lui adresse un sourire poli avant d'apporter toute son attention à Louis.

 

''-Où sont les triplés?

-Avec ta mère. Lui répond-il avec un sourire qui s'efface aussitôt qu'il vient prendre sa main entre les siennes. On doit parler de ce qui s'est passé chez le pédiatre.

-Ils l'ont embarqué pas vrai? Panique dans la seconde Harry. I-Ils l'ont pas laissé repartir avec sa fille?

-Non. La petite est repartie avec les services sociaux. Lui assure Louis. Ta mère m'a dit qu'elle allait s'occuper de son dossier.''

 

En retour, il reçoit un lent hochement de tête qui lui serre le cœur.

 

Quelques minutes plus tard, le médecin revient avec les papiers de sortie et les ordonnances d'Harry qui à nouveau, le remercie avant de se changer avec l'aide de Louis. Le cœur lourd, il quitte l'hôpital, impatient de rentrer chez lui, de parler à sa mère, de lui demander ce que va devenir Ava maintenant. Sa petite sœur.

 

 Il ne sait rien d'elle, ne lui a encore jamais adressé la parole, et pourtant, il sent dans son cœur battre la même inquiétude qu'il a déjà ressenti pour ses triplés, pour Gemma, sa mère ou Louis. Il sent son cœur battre pour elle, comme il bat pour sa famille.

 

 

***

 

 

''-Bonjour Ava, comment vas-tu aujourd'hui?

-Ça va.''

 

Prudemment, Anne s'assoie à côté de la fillette sur le sofa de la grande salle du foyer. Elle lui adresse un doux sourire qu'Ava lui rend timidement avant de rebaisser les yeux sur ses pieds nus, sur ses orteils entrain de dessiner des formes sur le parquet poussiéreux.

 

''-Et vous?''

 

Après un mois à venir la visiter presque tous les jours, Anne ne s'étonne plus de la politesse de cette enfant âgée de tous juste neuf ans. Comme elle l'avait fait auparavant avec Harry, elle apprend à la connaître, l'aide à se débarrasser de sa carapace. Elle prend le temps, prend son temps pour gagner la confiance de la fillette qui chaque jour, se montre un peu plus ouverte en sa présence.

 

''-Je vais bien. Lui répond-elle sans perdre son sourire.

-Et comment va Harry? Reprend Ava, arrachant un nouveau sourire à la matriarche, un sourire peint de tendresse.

-Il va bien. Je l'ai déposé à sa dernière séance de kiné avant devenir. Il me demande souvent de tes nouvelles.''

 

A son tour, elle arrache un fin sourire à la fillette qui hoche inconsciemment la tête, soulagée d'entendre ces mots.

 

''-Est ce que tu es d'accord pour qu'on aille se promener toutes les deux?''

 

Intriguée, Ava accepte cette demande sortie de nul part et se lève pour aller récupérer ses chaussures dans le dortoir avant de rejoindre Anne et de sortir avec elle du foyer. Pendant quelques minutes, elles marchent, s'enfoncent dans les bois environnants sans prononcer un mot, sans destination précise. Elles marchent, jusqu'à ce qu'Anne s'arrête et s'assoie sur un vieux tronc d'arbre abattu par la foudre.

 

''-J'adore Wood Creek. Souffle-t-elle en se tournant sur la fillette. Je venais souvent ici avec mes enfants quand ils étaient petits. Il y a une petite rivière qui coule pas loin, mais elle doit être à sec.

-Pou-Pourquoi on est là? Lui demande alors Ava, plus que curieuse.''

 

Oui, c'est vrai que l'endroit est beau, bien plus que les bas quartiers où elle a grandi, mais elle ne comprend pas ce qu'elle fait là.

 

''-Ton dossier a été étudié par le juge ce matin. Lui répond calmement Anne en laissant un nouveau sourire se dessiner sur ses lèvres. J'ai discuté avec lui, et si tu le souhaites, je peux être ta famille d'accueil.''

 

La surprise passe comme un éclair dans les yeux pâles d'Ava. Au bord des larmes, elle dévisage Anne, l'interroge du regard, mais le fin sourire serein qui repose sur ses lèvres lui donne toutes les réponses à ses questions. Pourtant, elle ne peut s'empêcher de lui demander:

 

''-Vraiment?

-Vraiment. Lui assure Anne. Si c'est ce que tu veux, tu peux rentrer avec moi dès aujourd'hui.''

 

La mère de famille sent son cœur se serrer, son estomac se retourner en voyant la fillette hocher la tête sans plus retenir ses larmes comme le ferait son fils. Ils ne se connaissent pas, n'ont jamais passé plus de cinq minutes l'un avec l'autre, et pourtant, ils se ressemblent comme deux gouttes d'eau. Ils ont le même sourire, le même teint laiteux. Ils ont le même regard. Des yeux d'un vert trop pâle, trop profond. Des yeux qui renferment une douleur, un bagage, que rien ne pourra jamais effacer.

 

Et moins d'une heure plus tard, c'est ensemble qu'elles quittent le foyer, se rendent jusqu'à la voiture d'Anne.

 

''-Avant de rentrer on va aller faire un peu de shopping, ça te dit? Propose-t-elle à Ava en s'installant derrière le volant.

-Du shopping? Pour quoi faire? S'étonne cette dernière, recevant un franc sourire en retour.

-Pour toi. Lui répond Anne comme s'il s'agissait d'une évidence. Je veux que tu te sentes bien à la maison.

-M-Mais j'ai besoin de rien et.. Et je.. Je veux pas que vous dépensiez de l'argent pour rien.

-Alors, je t'arrête de suite. La reprend Anne sans lever le ton. Tu n'as plus à me vouvoyer. Et si je te proposes d'aller faire les boutiques, c'est que j'ai les moyens de le faire. D'accord?''

 

Timidement, Ava hoche la tête, rend maladroitement son sourire à Anne avant qu'elle ne démarre la voiture.

 

Dans les boutiques, Ava ne sait plus où donner de la tête. Elle se retrouve dans des magasins qu'elle n'aurait jamais pensé fréquenter un jour. Elle se sent tâche, a honte en voyant les filles de son âge se pavaner dans des vêtements dont elle ne peut que rêver. Jamais de sa vie elle ne s'est sentie moins à sa place. Mais la présence d'Anne à ses côtés parvient à chasser ses idées noires. Elle se perd même à sourire pendant que la quadragénaire la tire dans tous les rayons, lui montre des pièces de vêtements qui pourraient lui plaire.

 

''-Il est presque dix-sept heure. Remarque cette dernière en sortant d'une énième boutique, les bras chargés de sacs. Harry va bientôt sortir de la clinique. On va aller le chercher.

-Il en sort seulement maintenant? S'étonne Ava. Ça fait long pour une séance de kiné, non? Reprend-elle, arrachant un rire léger, sincère, à Anne.

-Il avait rendez-vous pour son échographie trimestrielle juste après. L'éclaire-t-elle en retour.''

 

Ava a été plus que surprise quand Anne lui a appris que son frère était enceinte. Mais à la fin de ses explications, tout semblait plus normal, plus logique.

 

Aujourd'hui, c'est la première fois qu'elle va passer du temps avec lui. Et plus nerveuse qu'elle le voudrait, elle repense à la seule fois où elle l'a vu. A ce fameux jour, où sa mère l'avait amené de force chez un pédiatre qu'elle avait harcelé pour avoir un rendez-vous après s'être fait jeté par tous les autres médecins de la ville. Ce n'était pas la première fois qu'elle faisait ça. A chaque fois qu'elles se retrouvaient sans le sous et qu'elle était en manque, sa mère la traînait chez le médecin et lui demandait de faire semblant d'être malade pour avoir des médicaments sous ordonnance gratuits faute de mieux.

 

Mais ce jour là, le pédiatre n'était pas dupe, et Ava a vite compris qu'il savait qu'elle n'était pas malade. Il lui a prescrit du paracétamol, a déclenché une crise de nerfs chez sa mère qui réclamait des médicaments plus forts. Ava se souvient très bien de sa honte, la sent lui tordre les entrailles comme si elle était encore dans la salle d'attente du pédiatre.

 

Elle se souvient de ce garçon qui s'est dressé tout seul contre sa mère, qui a compris son jeu sans la connaître. Où peut-être la connaissait-il? C'était ce qu'elle se demandait en regardant son visage. Ce visage familier sur lequel elle n'arrivait pas à poser de nom. Elle ne l'avait jamais vu, et pourtant, elle connaissait son visage, comme la réminiscence d'un rêve lointain. 

 

Elle se souvient de la violence avec laquelle sa mère l'avait jeté à terre. Elle se souvient du moment où les ambulanciers l'ont transporté à l'extérieur pendant que la police partait avec sa mère. Elle se souvient de ce moment fatal où tout a basculé. Mais était-ce pour le pire? Plus le temps passe, plus elle se convainc du contraire.

 

Sur le parking de la clinique, son cœur rate un battement en découvrant Harry entrain d'attendre, assis sur un banc devant l'entrée. Il discute avec un médecin, rit de bon cœur, les bras croisés sur son ventre qu'il masse doucement. Il a l'air heureux, c'est ce qu'elle se dit, c'est l'image qu'il renvoie. Et elle se demande si un jour, elle aussi elle pourra paraître, être aussi heureuse.

 

''-Attend moi là. Je vais le chercher.''

 

Avant qu'elle ne puisse réagir, Anne sort de la voiture, et c'est toujours plus nerveuse qu'elle la regarde trottiner sur ses hauts talons jusqu'à l'entrée de la clinique. Elle la regarde embrasser Harry, saluer le médecin qui s'en va quelques secondes plus tard. Elle la regarde, aider Harry à se relever, encaisse difficilement les sourires sur leurs visages pendant qu'ils reviennent, bras dessus, bras dessous. Avant même qu'ils n'entrent dans la voiture, elle se sent à l'écart, pas à sa place.

 

Pourtant, son cœur s'emballe quand le regard d'Harry accroche le sien, qu'il lui offre un de ses sourires de l'autre côté du pare-brise. Et naturellement, sans même s'en apercevoir, elle lui rend. Elle lui rend, reste en haleine pendant qu'il s'installe sur le siège côté passager tout en continuant de parler avec Anne qui à son tour, reprend sa place derrière le volant.

 

''-S'il te plaît maman. Après je ferai attention, promis.''

 

Curieuse, Ava écoute leur conversation sans s'en mêler.

 

''-Tu as entendu le Docteur Vargass? Soupire Anne en se tournant sur son fils. Ton taux de glycémie est trop élevé. Si tu continues, tu vas développer un diabète gestationnel. C'est ce que tu veux?

-Non! Proteste Harry, contrarié. Je veux juste manger une dernière glace.''

 

Ava reste sans voix quand il se tourne brusquement sur elle, essaie de la gagner à sa cause.

 

''-Qu'est ce que t'en dis Ava? Lui lance-t-il pendant qu'Anne démarre la voiture. Tu veux pas qu'on aille manger une glace sur le port?

-Je..

-C'est traître Harry! La coupe Anne sans s'en rendre compte. Tu peux pas la prendre à partie.

-Je le peux et je le fais. Répond-il avec un sourire satisfait. Je veux une glace. Ou si tu préfères, tes petits-enfants veulent une glace. Corrige-t-il.''

 

Ava ne peut retenir un sourire amusé. Un sourire qui s'accentue quand Harry lui jette un regard en coin, un regard complice qu'il accompagne d'un clin d'œil discret.

 

''-Je te préviens que t'as pas intérêt à te plaindre le jour de l'accouchement quand tu devras faire passer deux bébés de plus de 4 kilos. Le menace Anne en prenant la route du port. Tu l'auras cherché.

-J'assumerai les conséquences.''

 

Sur le port, ils se rendent dans un petit glacier artisanal qu'Harry affectionne particulièrement, et dans lequel il a envoyé Louis presque tous les jours depuis son retour chez lui. Sur place, ils s'installent à l'intérieur, commandent leurs glaces. Pendant qu'ils attendent, Anne explique à Ava ce qu'il va se passer maintenant qu'elle vient vivre chez elle.

 

Elle lui explique que dès ce soir, elle pourra s'installer dans la chambre de Gemma. Il faut dire que depuis qu'elle a terminé ses études et qu'elle s'est mise en ménage avec son petit-ami, cette dernière ne vient plus très souvent, uniquement pour les fêtes et les anniversaires.

 

''-Concernant l'école, je pensais t'inscrire à la pension du Sacré Cœur. C'est un très bon établissement.''

 

Le mot pension résonne dans les oreilles d'Ava comme un signal d'alerte. Elle se dit qu'à peine arrivée dans cette nouvelle famille, ils veulent déjà se débarrasser d'elle. Son visage s'éteint à cette pensée, et Anne, comme Harry, le remarquent aussitôt.

 

''-Je ne suis pas toujours là avec mon travail. Lui explique aussitôt la matriarche. C'est à peine à quelques kilomètres d'ici et tu n'y seras que la semaine. Tu rentreras les week-ends et les vacances. Rajoute-t-elle.

-Et c'est vraiment une très bonne école. Intervient Harry, attirant l'attention et le regard de la fillette. J'y suis allé, Gemma y est allée. Louis aussi y est allé, et si on a les moyens, je pense même qu'on y inscrira nos enfants le moment venu.''

 

Ava écoute attentivement Harry pendant qu'il lui parle de cette fameuse école, des amis qu'il s'y est fait et qui sont encore là pour lui aujourd'hui. Il lui raconte des anecdotes qui la font sourire, la font rire sous le regard plein de tendresse de sa mère qui retient ses larmes en voyant une complicité indéniable et naturelle se créer entre son fils et sa jeune sœur, comme un lien indéfectible duquel on aurait enfin levé le voile.

 

 

***

 

 

Voilà déjà une semaine qu'Ava a rejoint la famille Styles. Dans deux jours, elle fera sa rentrée à la pension du Sacré Cœur. Et pour l'occasion, Harry lui a proposé de couper ses cheveux longs et abîmés.

 

C'est pourquoi elle est maintenant assise sur un des tabourets de la cuisine avec une serviette sur les épaules. Derrière elle, Harry s'affaire à démêler ses longs cheveux châtains en gardant un œil sur les triplés entrain de jouer sur le tapis du salon.

 

''-Pas trop stressée pour ta rentrée? Lui demande-t-il au bout d'un moment.

-Un peu. Admet Ava dans un soupir. Mais j'ai hâte aussi. Rajoute-t-elle aussitôt. C'est la première fois que je vais aller dans une vraie école. Avant, c'était maman qui me faisait la classe à la maison.''

 

Harry ne dit rien, mais n'en pense pas moins. Diane ne devait certainement pas être le meilleur professeur qui soit. Il espère qu'Ava n'est pas trop en retard par rapport aux enfants de son âge.

 

''-J'espère que je vais me faire des copines.

-C'est sûr! Réplique Harry sans hésiter.

-Je sais pas.. Souffle Ava. C'est tous des gosses de riche et moi... Soupir. J'ai peur de pas être à ma place.''

 

Entendre ces mots fait bien plus de mal à Harry qu'il ne le voudrait. Il sait exactement ce qu'elle ressent. Mais ce sentiment, il l'a découvert plus tard, quand il a compris qu'il n'était pas attiré par les filles comme les autres garçons de son âge.

 

''-Je suis sûr que t'es pas la seule à ressentir ça. Lui dit-il finalement en reposant sa brosse sur le plan de travail. Ce qui compte c'est que tu restes fidèle à toi même.

-J'te rassure, je vais pas me transformer en petite peste.''

 

Un rire sincère échappe à Harry. A son tour, Ava rit, se retourne pour faire face à son frère. Ce garçon qui l'a accueilli les bras grands ouverts et connaît mieux que quiconque, ce par quoi elle est passée. Le seul qui peut la comprendre, et répondre à la question qui la hante depuis son plus jeune âge.

 

''-Dis Harry.. Reprend-elle en perdant peu à peu son sourire. Je peux te poser une question qui a rien à voir?''

 

Curieux, Harry hoche la tête, lui donne le feu vert.

 

''-On.. On se ressemble vraiment beaucoup. Lui dit alors Ava en baissant les yeux. Et.. Je sais qu'on ressemble tous les deux à maman mais..''

 

Il sait ce qu'elle va lui demander, redoute l'inévitable quand elle revient ancrer son regard au sien.

 

''-Elle a les yeux marrons.''

 

Et Ava elle, a les yeux d'un vert aussi pâle et profond que ceux d'Harry qui sent sa gorge se nouer au moment où elle reprend la parole.

 

''-On a aussi le même père, pas vrai?''

 

Il se retient contre l'envie de lui mentir, de lui dire que ce n'est qu'un hasard s'ils ont tous les deux les mêmes yeux verts. Mais Carlos a quitté leur mère il y a dix ans, et Ava en a neuf. Il ne savait probablement pas que Diane était enceinte quand il est parti.

 

Contraint, il acquiesce, hoche la tête en allant s'asseoir sur le tabouret à côté d'elle.

 

''-Et.. Est ce qu'il-

-Il ne vaut pas mieux qu'elle. La coupe-t-il brusquement.''

 

Et Ava comprend que si elle, ne sait rien de leur père, Harry en sait probablement trop. Déçue, elle n'insiste pas, le regarde se relever pour sortir un paquet de biscuits d'un placard et y piocher sans attendre.

 

''-Tu devais pas ralentir sur le sucre? Lui fait-elle aussitôt remarquer.

-Je l'ai fait. J'ai pas mangé une glace depuis celle qu'on a mangé ensemble la dernière fois. Se défend Harry en plongeant sa main dans le paquet de biscuits.

-On est mi-octobre, c'est plus vraiment la saison des glaces. Souligne Ava avec un léger rire qui déride son frère, lui arrache un fin sourire.

-Tu comprendras quand tu seras enceinte.''

 

Même si lui encore, n'est pas sûr de comprendre. Mais depuis qu'il a quitté le centre de désintoxication il fait une boulimie de sucre, ne jure que par ça. Il avait déjà des envies sucrées quand il attendait les triplés, mais pas à ce point là. Il porte un bébé de moins que la dernière fois, et pourtant, il a déjà pris autant de poids qu'à l'époque quand il en était à cinq mois de grossesse.

 

Mais il se dit qu'après tout, c'est sa seconde fois, alors tout ça doit être normal.

 

 

Chapter 12: Chapitre 12

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Aujourd'hui, ça fait un peu plus d'un mois qu'Ava a intégré la pension du Sacré Cœur. Et comme Anne et Harry l'espéraient, elle s'y plaît, s'entend à merveille avec ses camarades de dortoir. Anne et Louis ont tous deux repris le boulot à temps plein, et Harry lui, passe ses journées avec ses bébés.

 

Louis a insisté pour qu'ils gardent leur nounou, mais il a refusé en jugeant que ce serait une dépense inutile maintenant qu'il a mis ses études en pause. Alors tous les matins, il se lève aux aurores après avoir passé la nuit à tourner et virer pour trouver le sommeil, profite de la sieste des triplés pour se reposer quand ses jumeaux ne font pas la java entre ses organes. Il est un parent à plein temps, et il aime ça.

 

Il est épuisé à la fin de chaque journée, mais se satisfait de petits moments simples qui les rendent bien plus belles, comme la façon qu'ont les triplés de parler à son ventre, ou d'y coller leurs petites mains à chaque fois qu'il leur montre que les jumeaux sont réveillés. Il doute qu'ils comprennent quoi que ce soit, mais il a hâte de les voir interagir avec les jumeaux quand ils seront nés, tout comme il a hâte d'en finir avec sa grossesse.

 

Il ne voit aucune différence entre la précédente et celle qu'il est entrain de vivre, si ce n'est que son dos le fait bien plus souffrir qu'à l'époque où il avait dix-huit ans. Son ventre est aussi gros, il a autant de difficultés à se déplacer que la dernière fois, sans parler de se mettre debout tout seul. Et les bébés qu'il porte sont tellement agités que ça ne fait aucune différence qu'ils ne soient que deux. Il se console en grignotant, parfois un peu trop, jusqu'à avoir mal à l'estomac. Mais il se dit que c'est normal, il grignotait aussi beaucoup pendant le troisième trimestre la première fois.

 

Sauf qu'aujourd'hui, au moment où il ouvre le placard où ils gardent toutes les sucreries, il sent son cœur s'emballer en le découvrant totalement vide. Aussitôt, il se remémore la courte conversation qu'il a eu avec Louis avant que ce dernier ne parte au travail.

 

''-Le Docteur Vargass m'a envoyé un message hier soir.

-Pourquoi faire?

-T'as pas une petite idée?

-Franchement? Non.

-D'accord. On en parlera ce soir.

-M-

-Je t'aime!''

 

Il était encore tellement dans le coaltar qu'il n'a pas réalisé sur le coup, mais il est sûr maintenant que le Docteur Vargass lui a parlé des résultats de sa dernière prise de sang et de son taux de glycémie qui a explosé. Ce dernier lui a passé un savon comme s'il était encore un gosse quand il a reçu les résultats. Et après s'être fait enguirlandé une fois, Harry ne voulait pas prendre le risque de subir les brimades de sa mère ou de Louis. Alors il a gardé cette info pour lui, essaie de faire attention à sa consommation de sucre depuis. Mais il y a une différence entre surveiller sa consommation de sucre et l'en priver totalement.

 

Frénétiquement, Harry va ouvrir le congélateur, le frigo à la recherche de quoi que ce soit qui pourrait satisfaire ses envies. Mais il ne trouve rien, et frustré, il claque la porte du frigo, se tourne pour jeter un œil sur ses triplés entrain de jouer à quelques pas. Sans les lâcher du regard, il récupère son téléphone sur le plan de travail, appelle Louis, plus sur les nerfs et en colère qu'il ne l'a été depuis longtemps. Quand ce dernier décroche, il n'a pas le temps de comprendre, se fait hurler dessus.

 

''-Al-

-Ça t'amuse?! Où est ce que tu as tout planqué?!''

 

Il entend Louis soupirer, dire quelque chose aux personnes avec qui il se trouve. Au bord de la crise de nerfs, il attend, prend le temps de se servir un verre d'eau avant d'entendre un nouveau soupir.

 

''-J'ai rien planqué. S'exclame alors Louis sans perdre son calme. J'ai tout jeté.

-T'as fait quoi?! Merde Lou'! C'est de l'argent foutu en l'air! Vocifère Harry, oubliant ses bébés qui attirés par ses cris, ont arrêté de jouer, le regardent tous les trois.

-Si tu savais ce que j'en ai à foutre. Rit Louis. Le Docteur Vargass a été clair, tu dois plus manger de conneries. Les jumeaux sont déjà en surpoids alors qu'ils sont même pas encore nés.

-Te moque pas de moi! L'accuse en retour Harry, au bord des larmes et des sanglots.

-Je me moque pas chaton. Je suis réaliste. Le reprend Louis, toujours sans lever le ton. Je sais que ça te fait pas plaisir, mais il va falloir qu'on revoit toute ton alimentation.''

 

Harry est tellement frustré qu'il sent chacun de ses muscles se tendre, jusqu'à sa mâchoire. Il veut pleurer, hurler, taper du poing, tout à la fois.

 

''-Je fais attention à ce que je mange! Craque-t-il. Je suis enceinte! Tu me faisais pas autant chier la dernière fois!

-Tu fais attention? Arrête Harry.. Souffle Louis avec un petit rire. Tu manges beaucoup plus que la dernière fois, et beaucoup moins bien.

-Je t'ai dit d'arrêter de te moquer de moi!''

 

Emporté par sa colère, Harry tape le verre qu'il tient en main sur le plan de travail. Il le tape si fort qu'il se brise entre ses doigts. Et en regardant le sang perler et s'accumuler au creux de sa paume blessée, il prend conscience de son comportement, comprend enfin ce qui cloche chez lui.

 

''-Lou'.. Rentre à la maison s'il te plaît...

-Harry? Tout va bien?''

 

Non, il ne va pas bien. Il n'arrive pas à respirer calmement, sent son cœur qui s'emballe, la sueur qui perle à son front. Et honteux, il admet l'évidence.

 

''-Je.. Je crois que je fais une crise de manque...''

 

Abattu, il ferme les yeux, laisse couler ses larmes.

 

''-Ne bouge pas. Lui répond aussitôt Louis. J'arrive.''

 

Au bord de la crise de panique, il raccroche, comprend enfin ce qu'il lui arrive depuis qu'il a quitté le centre de désintoxication. Il a simplement remplacé une dépendance par une autre.

 

Et quinze minutes plus tard, c'est tout aussi paniqué que Louis déboule dans la grange en le cherchant frénétiquement du regard.

 

Il le retrouve finalement dans la nurserie. Assis sur le rocking-chair, Harry se ronge l'ongle du pouce en gardant le regard rivé sur les triplés entrain de faire une sieste qu'il leur a imposé.

 

''-Chaton?''

 

Aucune réaction.

 

Nerveux, Louis s'approche doucement. En avançant jusqu'à lui, il remarque la moiteur de sa peau recouverte de sueur, la façon dont sa jambe tremble sans relâche. Il remarque la panique, la peur dans ses yeux pâles qui ne lâchent jamais le berceau où sont entrain de dormir leurs bébés.

 

Face à lui, Louis s'accroupit doucement, pose ses mains sur ses genoux en appuyant sur sa jambe entrain de trembler pour l'arrêter.

 

''-Harry, regarde moi.''

 

Au bout de quelques secondes, ce dernier arrête de bouger sa jambe, mais ne détourne toujours pas le regard.

 

''-Har-

-Je dois les surveiller..''

 

La voix d'Harry est si basse, que pendant une seconde, Louis n'est pas sûr de comprendre.

 

''-Harry... Je.. Je te comprends pas..

-Je les laisserai pas cette fois. Je-Je referai pas cette erreur, je...''

 

Le cœur de Louis se serre en voyant Harry passer encore et encore ses mains dans ses cheveux, en voyant sa mâchoire se contracter. Un vent de panique s'empare de lui en remarquant la tâche qui s'étale dans la main de son petit-ami qu'il s'empresse de prendre entre les siennes.

 

''-Merde.. Souffle-t-il. Viens, on va soigner ça.

-Non!''

 

Vivement, Harry récupère sa main, la plaque contre son torse en secouant la tête avant de renifler discrètement.

 

''-N-Non. Je dois rester là. J-Je dois surveiller les triplés.''

 

Sa voix chargée de sanglots prend Louis au cœur, et il sait qu'il ne gagnera rien à insister pour l'instant. Alors à la place, il se relève pour s'asseoir sur le bras du rocking-chair. Aussitôt, Harry se penche pour se coller à lui, et difficilement, Louis encaisse son souffle fébrile contre son bras dénudé, la fraîcheur de sa peau moite, les tremblements, les spasmes qui vont et viennent dans son corps endolori.

 

Il le garde contre lui, le berce jusqu'à ce qu'il soit plus calme.

 

Sur ses gardes, Louis se relève, oblige Harry à en faire de même en tirant délicatement sur ses poignets.

 

''-Viens. Insiste-t-il sans hausser la voix. Les triplés ne risquent rien.''

 

Il voit bien que c'est à contre cœur qu'Harry cède et le suit. Jusqu'à ce qu'il soit hors de la nurserie, il garde le regard braqué sur ses bébés, éclate en sanglots à la seconde où la porte se ferme.

 

''-Pardon.. Je.. J'ai encore tout gâché..

-Hé, dis pas ça. S'empresse de lui répondre Louis en prenant son visage à deux mains. T'as rien gâché du tout.

-Je veux pas retourner au centre... S'il te plaît...''

 

Louis pourrait fondre en larmes en entendant Harry qui est presque entrain de le supplier pour ne pas retourner en désintoxication. Il pourrait éclater en sanglots en voyant son regard apeuré s'accrocher au sien.

 

''-T'y retourneras pas. Je te le promets.''

 

Il n'a aucune raison d'y retourner. Maintenant qu'ils savent d'où vient le problème, il peuvent le régler. 

 

Chapter 13: Chapitre 13

Chapter Text

 

''-Alors, comment s'est passée cette semaine?''

 

Installé dans le sofa, Harry lève les yeux sur sa thérapeute, fait face à son sourire bienveillant.

 

''-Bien.

-Des détails Harry.

-D'accord.. Soupire-t-il.''

 

Voilà déjà cinq semaines depuis que Louis l'a convaincu de suivre une thérapie pour l'aider à surmonter ses problèmes d'addiction. Et même s'il n'était pas emballé au départ, Harry doit reconnaître que ses séances avec le Docteur Jasmine Hélianthe lui font le plus grand bien.

 

''-Je continue de faire du yoga tous les matins. Commence-t-il en s'affalant un peu plus dans le sofa, les bras nonchalamment posés sur son ventre imposant. Et je suis mon régime à la lettre.

-A la lettre? Lui demande son médecin avec un petit rictus.

-Pratiquement. Admet Harry, lui arrachant un léger rire. Mais c'est juste les fruits! Précise-t-il aussitôt. J'en ai peut-être mangé un ou deux de plus, plusieurs fois.

-J'imagine que c'est difficile d'être rigoureux quand on est enceinte de huit mois. Sourit la thérapeute, arrachant à son tour un sourire à son patient qui acquiesce en hochant la tête. Est ce que la nounou vient toujours?

-Trois jours par semaine.''

 

Inévitablement, Harry a dû admettre qu'il ne pouvait pas s'en sortir seul. Il a besoin d'aide, et leur nounou a été ravie de reprendre du service, reste avec lui du mardi au jeudi. Les lundis, comme aujourd'hui, c'est sa mère qui l'aide avec les triplés, l'accompagne à ses rendez-vous avec sa thérapeute. Et les vendredis, il les passe avec Louis qui a convaincu sa direction de déplacer ses heures pour avoir cette journée de libre chaque semaine. Au moins quelques temps.

 

Harry n'est plus jamais seul, et il aime ça. Certains pourraient être lassé ou se sentir étouffé, mais pas lui. Il aime être chouchouté, profite de pouvoir se focaliser sur lui. Il ne se lève plus aux aurores, ne prend plus son petit-déjeuner en cinq minutes appuyé au comptoir de la cuisine. Il prend le temps, et ça paie. Il se sent beaucoup mieux, et à sa dernière échographie, ses jumeaux n'étaient presque plus en surpoids.

 

''-Et comment ça se passe avec Ava? Lui demande Jasmine.

-Bien. Lui répond Harry sans hésiter.''

 

Mais son regard vague et ses sourcils froncés racontent une toute autre histoire à la thérapeute qui insiste, recevant un soupir lourd de sens après coup.

 

''-Elle.. Ce week-end elle m'a encore parlé de.. De notre père. Admet-il difficilement.

-Et qu'est ce que tu as fait?

-J'ai tourné les talons pour pas m'énerver.''

 

Tout en hochant la tête, Jasmine prend des notes dans son petit carnet appuyé contre ses jambes croisées.

 

''-Tu n'as plus vu ton père depuis que tu as quitté le centre de désintoxication, n'est ce pas?

-C'est ça. Approuve doucement Harry.

-Comment il était là bas?''

 

Inconsciemment, il serre les poings, prend une inspiration profonde en détournant un peu plus le regard.

 

''-Il était.. Honnête? Hésite-t-il en revenant ancrer ses yeux pâles à ceux de sa thérapeute. Il m'a jamais menti sur mon état ou.. Ou sur... Sur l'époque où il était encore mon père. Conclut-il dans un souffle, les yeux baignés de nouvelles larmes qu'il ravale, essuie avec les manches de son pull.

-C'est une bonne chose, tu ne penses pas?

-Si. Mais.. Je.. J'ai peur qu'elle demande à le voir si elle apprend où il est.''

 

Il est terrorisé par cette idée.

 

Qu'importe à quel point il voudrait admettre que Carlos est un homme droit aujourd'hui, il est tétanisé par la simple possibilité qu'il redevienne un jour l'homme qui l'a traumatisé quand il n'était qu'un enfant, qu'il finisse par s'en prendre à Ava comme il s'en est pris à lui.

 

Son ancienne infirmière, Andréa, lui a dit que Carlos refusait d'avoir un bébé avec elle par peur de redevenir cet homme, et c'est pour la même raison qu'Harry refuse qu'il rencontre sa jeune sœur.

 

''-Je sais que tu n'aimes pas parler de tes parents, et je le comprends parfaitement. Lui dit Jasmine après quelques secondes de réflexion. Mais est ce que tu lui as déjà parlé de ce qu'il t'avait fait?

-Non. Lui répond Harry sans hésiter. Non, elle a pas à le savoir.

-Dans ce cas, tu ne peux pas lui reprocher d'être curieuse. Réplique Jasmine avec un fin sourire compatissant en s'appuyant dans son fauteuil. Les enfants de son âge réagissent de plusieurs façons à un parent absent, mais la plupart du temps, ils l'antagonisent ou l'idéalisent. Reprend-elle en accrochant le regard de son patient. D'après tout ce que tu m'as dit d'Ava, je pense qu'elle fait partie de la seconde catégorie. Comme beaucoup de petites filles, elle idéalise un père inconnu, a sûrement passé des années à rêver qu'il vienne la sauver. Si tu veux qu'elle arrête, tu dois être honnête avec elle, et être sûr que c'est ce que tu veux.''

 

Difficilement, Harry encaisse les paroles de son médecin. Une nouvelle fois, il ravale ses larmes, renifle doucement en hochant la tête.

 

''-Je.. Il faut que j'y réfléchisse...''

 

Après sa séance, c'est le cœur lourd rentre chez lui, part directement dans sa chambre pour s'allonger pendant que sa mère s'occupe des triplés. Il ne dort pas, en est incapable. Les yeux grands ouverts, il repense aux paroles de sa thérapeute, se demande ce qu'il doit faire. Est ce qu'il doit être honnête avec sa sœur? Est ce qu'il doit lui mentir? Est ce qu'il doit lui dire tout ce que leur père lui a fait subir? Est ce qu'il doit lui dire qu'il s'est repris en main? Est ce que si elle l'apprend, elle voudra le voir? Et si elle le voit, est ce qu'elle voudra rester avec lui?

 

Toutes ces questions tournent en boucle dans la tête d'Harry, lui donnent la migraine. Mais il est incapable de les chasser. Elles restent avec lui toute la journée, toute la nuit. Si bien qu'il finit par craquer.

 

Il est quatre heure du matin quand il abandonne l'idée de dormir et tend le bras pour allumer sa lampe de chevet. Il n'en faut pas plus pour réveiller Louis qui râle aussitôt dans son dos.

 

''-Qu'esse tu fous?..''

 

En le sentant s'agiter dans le lit, Louis comprend bien vite qu'Harry essaie de se redresser, l'aide à s'installer contre la tête de lit, un œil ouvert, l'autre fermé, encore à moitié plongé dans le sommeil. Mais Harry lui, est bien réveillé, et même s'il s'en veut de déranger Louis, il faut qu'il lui parle, maintenant.

 

''-J'arrive pas à dormir. Y'a un truc qui me tracasse.

-D'accord.. Marmonne Louis en se frottant les yeux dans une vaine tentative de se réveiller. Je t'écoute.

-Tu penses que je fais une erreur en empêchant Ava de rencontrer Carlos?''

 

Il est beaucoup trop tôt pour ça.. C'est ce que se dit Louis en s'asseyant en tailleur à côté de son amant qui attend désespérément une réponse à sa question.

 

''-Je.. Waw, j'en sais rien. Souffle-t-il finalement. Elle.. Elle t'a demandé à le rencontrer?

-Pas exactement. Mais j'ai le sentiment que si je lui dis que je sais où il se trouve, elle va vouloir le voir.''

 

Lentement, Louis hoche la tête, encaisse le flot d'informations que lui jette à la figure Harry.

 

''-Je me sens mal de lui mentir.

-Tu fais ça pour son bien. Lui assure Louis en se rapprochant pour le tirer dans ses bras.

-Tu crois? Je.. Je sais pas.. C'est vrai que Carlos a changé et.. Même si ça me fait mal au cœur de l'admettre, il m'a vraiment aidé quand j'étais au centre.''

 

Louis ne sait pas quoi dire. Il a toujours refusé d'émettre la moindre opinion au sujet de son père. Mais du peu qu'il l'a vu, il doit lui aussi admettre que le Carlos qu'il a croisé pendant ses visites n'a rien à voir avec celui que lui a décrit Harry au début de leur relation.

 

''-Qu'est ce que tu ferais à ma place?

-Ava a la tête sur les épaules. Souffle-t-il au bout de quelques secondes. Si j'étais à ta place, je lui dirais la vérité. Elle est assez grande pour se faire sa propre opinion.''

 

Il sait que ce n'est pas ce qu'Harry voulait entendre, mais c'est ce qu'il pense.

 

''-Je vais aller faire un peu de thé, et on va en discuter, d'accord?''

 

Avec une moue dépitée, Harry hoche la tête, accepte le baiser que Louis pose avec délicatesse sur son front avant de se lever pour sortir de la chambre. Il y revient quelques minutes plus tard, avec deux tasses de thés fumants et une assiette de biscuits secs, sans sucre. Avec un fin sourire, il tend sa tasse à Harry, pose l'assiette sur sa table de chevet avant de se hisser avec précaution sur le lit, l'autre tasse toujours entre ses mains.

 

Et jusqu'au petit matin, ils réfléchissent, discutent de la situation. Et au moment où ils se lèvent pour s'occuper des triplés, Harry a pris sa décision.

 

Il sait ce qu'il doit faire, qu'importe combien ça peut lui coûter.

 

Et c'est pourquoi, tout juste deux petites heures plus tard, il entre dans la chapelle bondée du Sacré Cœur.

 

Aussitôt qu'il passe la porte, il est submergé par un sentiment sur lequel il n'arrive pas à poser de nom. Il est à mal à l'aise dans cet endroit, comme il l'a toujours été, et pourtant, il ne peut retenir son cœur qui se gonfle d'une nostalgie indéniable en posant son regard sur les vitraux et les poutres alambiquées qui passent au dessus de sa tête.

 

Un fin sourire lui monte aux lèvres en repensant aux moments qu'il a passé ici, en regardant les étudiants de tout âges qui se mêlent aux citadins sous le radar des bonnes-sœurs qui restent à l'affût du moindre dérapage de leur part.

 

Son attention est piquée à vif lorsque la porte du sacristie s'ouvre au fond de la chapelle et laisse apparaître le Père David. Sans perdre son fin sourire, il le regarde avancer jusqu'à son pupitre, et sans jamais aller s'asseoir sur un des banc, il écoute son sermon, trouve très ironique de l'entendre parler de Sainte Philomène, la Sainte patronne des enfants martyrs. Il a toujours eu du mal a écouter son histoire, se demande, si Ava qu'il voit assise à l'avant avec les autres enfants, ressent la même chose.

 

Au bout d'une demi-heure, c'est le dos et les jambes en compote qu'Harry fait le tour de la chapelle, contourne l'allée centrale pour rejoindre le Père David sans se faire remarquer du flot de paroissiens entrain de quitter les lieux. Il passe derrière les immenses colonnes de pierre qui habillent la chapelle, ignore le regard de la Vierge Marie qui le suit. Il avance jusqu'à l'Autel où se tient le Père David.

 

Et quand ce dernier le remarque, il a un mouvement de recule, trois petites secondes d'hésitation avant d'afficher un fin sourire qui s'efface aussitôt.

 

''-Harry. S'exclame-t-il en descendant les quelques marches qui les séparent. Je suis étonné de te voir ici mon grand. Que me vaut ce plaisir?''

 

Très vite, il remarque son état, ses jambes flageolantes. Et sans le brusquer, il passe un bras dans son dos pour le pousser jusqu'au premier banc sur lequel ils s'assoient tous les deux.

 

''-Je.. Commence le bouclé, incertain. Je suppose que vous êtes au courant, pour Ava.

-Ava Seaver, oui, je sais que c'est ta petite sœur. Lui confirme l'homme de foi en hochant doucement la tête. Une enfant très maligne, comme tu l'étais à son âge. Reprend-il avec un fin sourire à l'intention de son ancien élève.

-Elle.. Elle me pose beaucoup de questions sur notre père et... Je sais pas ce que je dois faire. Enfin, si.. Je sais mais..''

 

En proie avec une frustration évidente, Harry s'arrête pour expirer lentement, retrouver son calme. Il échappe une larme solitaire qui fait son chemin le long de sa peau pâle. Une larme qui serre le cœur de l'homme de foi à ses côtés.

 

''-Comment tu vas? Lui demande-t-il alors, changeant totalement de sujet.''

 

Surpris, Harry se tourne pour lui faire face, n'a pas le temps de le reprendre que le Père David continue sur sa lancée.

 

''-Tu allais bien la dernière fois qu'on s'est vu, et aujourd'hui, je vois la même peur qui animait ton regard quand tu cherchais à cacher ta grossesse. Qu'est ce qu'il s'est passé entre temps?

-Vous avez du temps à perdre?.. Marmonne Harry en baissant la tête.

-J'ai tout mon temps. Lui assure le Père David.''

 

Légèrement gêné, Harry hoche la tête, entreprend de raconter à son ancien directeur tout ce qui va de travers dans sa vie depuis le début de sa déchéance.

 

Il lui raconte comment il est retombé dans la drogue, s'y est enfoncé plus profondément que jamais. Il lui avoue avec honte avoir passé six semaines en centre de désintoxication, la façon dont il s'est retrouvé nez à nez avec son père. Il lui parle du jour fatidique où il a croisé sa vraie mère dans le cabinet du pédiatre. Il lui dit tout, pleure sans relâche et accepte la main qu'il lui tend. Il l'accepte, la serre avec force comme si cette simple étreinte pouvait l'aider à aller au bout de sa confession. Et quand il y arrive, c'est vidé, épuisé qu'il se penche en avant, s'appuie sur ses genoux et prend sa tête à deux mains.

 

''-L'année.. L'année a été dure.. Conclut-il dans un soupir en se redressant pour faire face au Père David.

-Dieu t'a mis à l'épreuve. Lui répond-il sans sourciller, sans détourner le regard une seule seconde. Et tu en es ressorti plus fort. C'est tout ce qui compte.

-J'ai pas l'impression d'être plus fort.. Le contredit Harry.

-Pourtant tu l'es. Il t'a fallu beaucoup de courage pour venir ici et me raconter tout ça.

-C'est pas du courage.. J'ai besoin que vous m'aidiez à prendre la bonne décision.''

 

Mais au moment où il prononce ces mots, il connaît déjà la réponse du Père David.

 

''-Tu n'as pas besoin de moi pour prendre la bonne décision. Tu sais déjà ce que c'est.''

 

Non. Il veut que quelqu'un lui dise qu'Ava se portera mieux si elle ne sait rien de son père. Il veut que quelqu'un lui dise de se taire, de continuer à lui mentir. Mais personne ne le fait jamais.

 

''-Je peux aller chercher Ava si tu le souhaites.''

 

Les larmes aux yeux, le cœur au bord des lèvres, Harry accepte, contraint. Contraint par sa propre conscience, par cette petite partie de lui qui sait ce qu'il doit faire, qui le sait depuis le premier jour.

 

Et quand une dizaine de minutes plus tard, Ava s'assoit à ses côtés, il prend son courage à deux mains, se tourne pour la regarder et accrocher ses grands yeux verts.

 

''-Qu'est ce qu'il se passe Harry? S'inquiète-t-elle aussitôt. Tout va bien?

-Tout va bien.. Lui confirme-t-il dans un souffle. Je.. On doit parler toi et moi.

-De quoi?

-De notre père.''

 

De cet homme qui l'a aussi bien détruit que remis sur pied. Cet homme qu'il déteste aujourd'hui parce qu'il se doit de le faire, parce qu'il a peur de ce qui pourrait arriver s'il cesse de le haïr. Mais Ava elle, n'a aucune raison de le haïr. Elle n'a aucune raison de détester ce père dont elle se languit, et dont Harry, lève enfin le voile.

 

 

Chapter 14: Chapitre 14

Chapter Text

 

Jamais Harry n'aurait pensé remettre les pieds dans cet endroit, jamais de son plein gré. Pourtant, il est là, debout dans l'accueil du centre de désintoxication où il a passé six semaines il y a tout juste quelques mois.

 

Quand il a demandé à sa mère d'organiser cette rencontre, elle était contre. Elle a proposé à Harry d'y aller à sa place, mais il a refusé. Alors le voilà, debout au milieu de la pièce. A ses côtés, Ava attend nerveusement, tord dans tous les sens le bout de la cravate bleue nuit qui complète son uniforme.

 

Après ce qui lui semble être une éternité, Harry voit la porte face à lui s'ouvrir. Il voit la secrétaire revenir, lui adresser un fin sourire en lui signalant que Carlos attend dans la grande salle.

 

Le goût de l'angoisse en bouche, Harry se retourne sur sa jeune sœur, accepte la main qu'elle glisse dans la sienne avant de prendre un chemin qu'il connaît encore par cœur. Sans réfléchir, il traverse les couloirs, sent son estomac se retourner en inspirant l'odeur aseptisée qui y règne. Il prend soin de ne regarder personne, marche la tête haute jusqu'à la grande salle aux portes ouvertes.

 

''-Attend-moi là. Dit-il à Ava en lui désignant une des chaises du couloir. Je fais vite.''

 

Sans protester, elle va s'asseoir, regarde Harry passer les portes et disparaître de son champ de vision. Elle ne le voit pas traverser la salle, passer entre les tables. Elle ne le voit pas ignorer toutes les personnes sur son passage. Non, elle ne voit pas l'angoisse qui s'accentue sur son visage à mesure qu'il approche de Carlos.

 

Ce dernier ne le remarque pas de suite, trop occupé à s'occuper d'une de ses patientes. Il joue avec elle aux cartes, la fait rire, la fait sourire. Harry la voit lui parler, se confier à lui.

 

Debout au milieu de la pièce, il les regarde, sent son cœur rater un battement lorsque pour la première fois, il entend le rire sincère de son père.

 

Il n'ose pas s'approcher, les déranger. Mais après quelques secondes à peine, son regard accroche maladroitement celui de la jeune-femme. Il la voit perdre son sourire, voit son regard qui part pour retrouver celui de Carlos qui moins de trois secondes plus tard, se retourne, se lève d'un bond.

 

''-Harry? Qu'est ce que tu fais là?''

 

Avant qu'il ne trouve comment formuler la raison de sa visite, Harry sent la main de Carlos se poser au creux de son dos. Il le sent le pousser jusqu'à une table inoccupée, jusqu'à une chaise sur laquelle il prend le temps de s'asseoir en s'appuyant contre le rebord de la table. Il peut sentir son dos protester, échappe par mégarde un sifflement de douleur juste avant que son dos ne s'appuie contre le dossier de la chaise.

 

''-Quand Sandra est venue me dire qu'un ancien patient voulait me voir, je ne m'attendais pas à toi. Comment tu vas? Lui demande Carlos en s'asseyant face à lui. Tu as l'air.. Épuisé.

-Je le suis. Confirme Harry dans un souffle. J'ai pas dormi de la nuit.

-Pourquoi? Est ce que tout va bien?''

 

Est ce de l'inquiétude qu'il discerne dans sa voix? Dans ses yeux? Harry a envie d'y croire, il a besoin d'y croire.

 

''-J'avais une décision à prendre. Soupire-t-il en glissant ses mèches rebelles derrière son oreille.

-En quoi ça me concerne?''

 

Un rictus inconscient échappe à Harry en entendant ces mots. S'il savait...

 

''-J'ai croisé Diane il y a quelques semaines.''

 

Harry peut voir le choc, l'effroi se glisser dans les yeux pâles de son père. Il voit ses mains plaquées contre la table comme s'il allait partir en courant d'une seconde à l'autre.

 

''-Où.. Où ça? Est ce qu'elle-

-Chez le pédiatre. Le coupe Harry avant qu'il ne puisse aller au bout de ses pensées. Et elle est toujours fidèle à elle même. Marmonne-t-il par la suite en baissant le regard.''

 

Cet aveu serre douloureusement le cœur de Carlos. Il pensait, espérait qu'un jour où l'autre, cette femme qui a été et sera toujours son premier amour, serait capable de se reprendre en main, de sortir du trou dans lequel elle l'avait attiré. Il croyait vraiment qu'elle s'en sortirait.

 

''-Attend.. Qu'est ce qu'elle faisait chez le pédiatre? Lui demande-t-il alors.''

 

Mais il sait. Il comprend à l'instant même où le regard d'Harry vient accrocher le sien.

 

''-Elle a eu un autre bébé..''

 

Il peut sentir son estomac se retourner au moment où Harry hoche doucement la tête, confirme ses doutes.

 

''-Elle s'appelle Ava. Elle.. Elle va avoir dix ans le mois prochain.

-Dix ans?''

 

Sans jamais le quitter du regard, Harry peut voir des larmes au reflet des siennes naître dans les yeux de son père. Il peut voir la vérité se dévoiler. Il voit beaucoup de choses passer dans ses yeux, de l'incompréhension, de la colère, de la culpabilité, de la peur. Il peut voir toutes ses émotions y passer juste avant que Carlos n'échappe à son regard, se recule en soufflant comme s'il manquait d'air.

 

''-Elle va bien. Elle vit avec nous pour l'instant. Et son directeur m'a dit qu'elle s'intégrait très bien dans sa nouvelle école.

-Pourquoi tu me dis tout ça? Craque Carlos d'une voix pleurnicharde qu'Harry ne lui connaissait pas, et qui un peu plus, lui serre le cœur.

-Parce que.. Parce qu'elle veut connaître son père.''

 

La voix d'Harry s'éraille, déraille. Difficilement, il ravale la boule qui s'est logée dans sa gorge et lui coupe le souffle.

 

''-Elle veut te connaître.''

 

Il ne sait plus ce qu'il ressent, voudrait partir en courant quand le regard larmoyant de son père revient s'ancrer au sien.

 

Mais à la place, il se lève calmement, retourne dans le couloir où Ava l'attend. Cette dernière saute pratiquement de sa chaise en le voyant, et sans demander quoi que ce soit, le suit jusque dans la salle.

 

Elle le suit jusqu'à cet homme qui ne la lâche jamais du regard, et qu'elle non plus, ne lâche jamais. Elle peut sentir sa gorge se nouer, ses yeux s'embuer de larmes à chaque pas qu'elle fait.

 

Elle en a rêvé de ce moment, elle en a tellement rêvé qu'elle court presque pour rejoindre cet homme qui se relève juste avant qu'elle n'arrive face à lui.

 

Il se lève, pour mieux s'agenouiller devant elle, détailler son visage familier. Il se perd dans ses grands yeux verts qui tremblent dans les siens.

 

''-Je.. Hum.. Je suis ravi de te rencontrer Ava. Lui dit-il au bout de quelques secondes. Je m'appelle Carlos.''

 

Maladroitement, il tend sa main à la fillette. Mais elle ne la prend jamais.

 

Avant qu'il ne puisse comprendre quoi que ce soit, Carlos sent ses bras autour de son cou, son corps frêle qui se presse contre le sien. Il sent un trop plein de chaleur envahir son corps, son cœur. Et pendant une seconde, il ne sait pas comment réagir. Une petite seconde avant qu'il ne referme ses bras sur le corps de la fillette, de sa fille entrain de pleurer silencieusement dans son cou.

 

A l'écart, Harry les regarde sans plus retenir ses larmes. Il ne sait toujours pas s'il a pris la bonne décision, mais c'est ce qu'il devait faire. Il en est convaincu en voyant les sourires qui viennent orner les visage d'Ava, de Carlos, en voyant un amour indéniable fleurir, comme un bourgeon aux prémices d'un printemps frileux.

 

Chapter 15: Chapitre 15

Notes:

TW: Scène de sex.

Chapter Text

 

C'est en claquant des dents, les muscles crispés, frigorifié que Louis entre dans la grange et se débarrasse de son manteau, son bonnet et ses chaussures trempés par la neige qui s'abat sur la ville depuis la fin de la matinée. Il neige tellement que le directeur a décidé de fermer le centre plus tôt et il ne s'en plaint pas. Avec un petit-ami enceinte de huit mois et trois bébés de deux ans à la maison, il préfère cent fois s'occuper d'eux plutôt que des enfants du centre.

 

Difficilement, les muscles tendus par le froid qui le prend au corps, Louis fait son chemin jusqu'à sa chambre pour se changer, mais s'arrête en entendant la voix de son amant résonner derrière la porte entrouverte.

 

''-Alors, vous pensez que c'est des filles ou des garçons?

-Bébé!

-Oui. Entend-il Harry rire. C'est des bébés.''

 

Son cœur rate un battement en entendant ses bébés rire juste après. Discrètement, il pousse la porte pour observer la scène, regarde Harry allongé sous les couvertures au milieu du lit, encerclé par les triplés.

 

''-Oh, on dirait qu'on les a réveillé.''

 

Il craque, se meurt d'amour pour ce garçon qui sourit en baissant les yeux sur son ventre rond qu'il caresse des deux mains. Ce garçon qui depuis quelques jours, redevient celui qu'il a connu il y a des années. Il redevient ce garçon souriant, plein d'humour, d'amour. Ce garçon qui s'était effacé pour laisser place à une ombre.

 

''-Bébés dodo.

-Ah, non. Ils sont bien réveillés là.''

 

Mais c'est fini maintenant. Il le sait, en est convaincu en écoutant le rire mélodieux de son amant résonner dans la pièce d'à côté, envoyant son sourire et son regard pétiller de joie. En le regardant, Louis est heureux. Débilement, absurdement heureux, comme plongé au cœur d'un beau rêve.

 

''-Et sinon, vous pensez que papa a fini de jouer les voyeurs?''

 

Échappant un léger rire, Louis ouvre la porte pour rencontrer le regard d'Harry qui tend aussitôt un bras dans sa direction.

 

''-Qu'est ce que tu fais si tôt à la maison?

-C'est la tempête dehors. Le directeur a rappelé tous les parents et on a fermé le centre. Lui explique Louis en attrapant sa main entre les siennes, lui arrachant aussitôt un sifflement de surprise.

-T'es gelé bordel! S'exclame Harry en essayant de récupérer sa main.

-Ton langage. Le reprend Louis.

-Lâche-moi!''

 

Harry rit pendant que Louis grimpe sur le lit, se faufile entre les triplés qui tentent de s'accrocher à ses épaules.

 

''-Seulement si tu me laisses me réchauffer contre ma bouillotte. Réplique ce dernier, laissant son amant pouffer et lever les yeux au ciel.

-Si tu veux. Mais tu gardes tes mains par dessus mon tee-shirt!''

 

Harry n'a pas terminé sa phrase que Louis est déjà avec lui sous la couverture, les bras enroulés autour de son abdomen sur lequel il pose délicatement sa tête en profitant de la chaleur que dégage son corps.

 

Un léger rire lui échappe en voyant Raphaël entrer dans son champ de vision, poser sa tête face à lui avec un sourire plein de malice. Gabrielle et Isaac eux, sont tous deux blottis contre les épaules d'Harry qui caresse avec douceur leurs cheveux fins.

 

''-Et toi, comment tu t'es occupé aujourd'hui? Lui demande Louis en tournant la tête pour lui faire face, recevant un coup de pied dans la joue au passage.

-Alors, on est allé promener les triplés avec Emily ce matin. On est pas aller loin, on a juste fait le tour de la résidence. Précise Harry envoyant son petit-ami froncer les sourcils. En suite on est rentré, on a mangé et j'ai profité de la sieste pour faire du tri dans les vieux bodies. En suite, j'ai fait la sieste pendant qu'Emily jouait avec les triplés. Et.. Je crois que c'est tout. Ah oui! J'ai aussi battu mon record en allant faire pipi dix-sept fois aujourd'hui.''

 

C'est avec un léger rire qu'il termine sa phrase, en arrache un à Louis qui tourne légèrement la tête pour presser un baiser sur son abdomen.

 

''-Sacré record. Plaisante-t-il en se redressant jusqu'à être face à face avec Harry.

-T'as vu ça? Sourit ce dernier en retour. Et d'après toi, mettre au monde une équipe entière de basket-ball avant d'avoir 21 ans, ça peut être considéré comme un autre record non?

-On peut dire ça. Rit Louis avant d'écraser un baiser rapide sur ses lèvres étirées.

-Alors c'est quoi ma récompense?''

 

Louis comprend ce qu'il lui passe par la tête à l'instant même où son regard accroche celui de son petit-ami, discerne la petite lueur lubrique, fébrile qui a pris vie au fond de ses yeux pâles. En voyant cette lueur qu'il connaît bien, Louis repense aux mois qui viennent de passer, à son abstinence des plus involontaires. Il se retient de sauter sur Harry dans la seconde à cause des triplés entrain de jouer sur le lit. A la place, il se penche, colle son corps contre celui de son amant jusqu'à avoir ses lèvres collées à son oreille.

 

''-Tu le sauras ce soir.''

 

 

***

 

 

Si cette après-midi, Harry était enthousiaste, impatient à l'idée de vivre un moment intime avec Louis, il ne l'est plus ce soir. Il était tellement en vrac durant les derniers mois que le sex a totalement déserté leur vie. Il ne s'est plus dénudé entièrement face à lui depuis. Et il a peur, il est terrifié par ce que pourrait penser Louis en voyant les changements sur son corps. A l'abri sous ses couvertures, il ne pense qu'à ça. Et quand Louis le rejoint dans la chambre après sa douche, vêtu du plus simple appareil, il se sent toujours plus mal. Il se sent mal en voyant le corps parfait de son petit-ami. Il ne se sent plus à sa hauteur, peine à lui rendre le sourire qu'il lui offre en fermant la porte derrière lui.

 

''-Les triplés dorment à poings fermés. 'Faut qu'on en profite.''

 

Harry n'y répond rien, accepte le baiser que Louis vient déposer sur ses lèvres, lui rend du mieux qu'il le peut. Mais il a la tête ailleurs, et son petit-ami le remarque bien vite.

 

''-Tout va bien chaton?

-Oui. Oui, je..''

 

Il aimerait mentir, mais il n'y arrive pas, finit par baisser la tête, abattu par ses idées noires.

 

''-Tu n'as plus envie, c'est ça? Lui demande Louis en se redressant.''

 

Mais aussitôt, Harry proteste.

 

''-Si! Si j'en ai envie. Lui assure-t-il. J'en ai vraiment envie mais.. Soupir. Je suis gros.''

 

Pendant une seconde, Louis se demande s'il ne se fout pas de lui. Mais la moue boudeuse sur son visage, les larmes qui font briller ses yeux pâles lui disent tout le contraire. Il est plus sérieux que jamais.

 

''-T'es pas gros Harry, t'es enceinte. Le reprend-il alors en glissant ses mains sous son tee-shirt pour caresser sa peau chaude et tendue.

-Non. Mes cuisses sont énormes et mes bras aussi et... J'ai plus de mâchoire. Je suis bouffi, je suis une vraie baleine! Craque Harry juste avant de se coucher sur son flan pour tourner le dos à Louis.

-Hé non! Tu vas pas t'enfuir comme ça! L'arrête ce dernier en le forçant à se rallonger sur le dos.''

 

Sans lui laisser d'autre choix, il s'installe à califourchon sur son bassin, garde ses mains sur ses épaules sans jamais le lâcher du regard.

 

Pendant un instant, Louis se demande s'il doit rassurer Harry, ou simplement être honnête avec lui. Après quelques secondes de réflexion, il fait son choix.

 

''-C'est vrai que t'es légèrement plus.. Potelé que la dernière fois. Commence-t-il, laissant de nouvelles larmes naître dans les yeux de son amant. Mais c'est normal. Continue-t-il en lâchant son épaule pour caresser sa joue. Entre tes addictions aux amphet', au sucre, puis quand tu t'es bloqué le dos, l'arrivée d'Ava... Énumère-t-il dans un soupir. T'as passé des mois merdiques Harry. Alors oui, même si tu attends un bébé de moins, tu as pris plus de poids que la dernière fois. Admet-il. Mais on s'en fout. Tout ce que je vois, c'est que tu t'accroches, et que tu fais tout pour être une super maman pour les triplés et les jumeaux. Et franchement.. Rit-il. Peut-être que je suis un fétichiste de la grossesse ou un truc du genre mais à chaque fois que tu atteins le troisième trimestre, je te trouve plus sexy que jamais.''

 

Lentement, Louis s'allonge contre Harry, laisse son ventre plat épouser la bosse sur son corps jusqu'à avoir son visage collé au sien, jusqu'à sentir son souffle fébrile contre ses lèvres.

 

''-Il n'y a rien de plus excitant pour moi que de te voir comme ça, plein à craquer de mes bébés.''

 

Un gémissement sourd, incontrôlable passe les lèvres d'Harry quand Louis commence à se frotter contre lui. Ce dernier sourit, satisfait de sa réaction, de voir le désir poser ses couleurs sur les joues rosées de son petit-ami.

 

''-Je.. T'es pas sérieux?.. S'essouffle Harry pendant que Louis continue d'onduler des hanches sur son bassin. Je suis quasiment immobile.

-Je sais. Susurre son amant à son oreille. C'est moi qui ai le contrôle. Et tout ce que t'as à faire, c'est profiter de la ballade..''

 

En sentant ses lèvres attaquer son cou, Harry plante aussitôt ses dents dans la sienne pour retenir le gémissement qui grossit dans sa gorge. Il ne sait plus où donner de la tête quand les mains de Louis se glissent sous son tee-shirt, l'emportent en lissant la peau de son ventre, sa poitrine, ses tétons si sensible qu'il ne peut retenir un petit cri quand Louis commence à les stimuler.

 

''-Tu es tellement beau.. Murmure ce dernier en lui retirant son tee-shirt. Et t'es à moi. Qu'est ce que j'ai fait pour avoir cette chance?''

 

Harry aimerait lui dire la même chose, mais il en est incapable. Ses pensées s'emmêlent, sa gorge se noue en sentant Louis descendre toujours plus bas sur son corps, déposer une pluie de baiser de sa mâchoire à son ventre, en sentant ses mains suivre le même parcours jusqu'à se faufiler sous l'élastique de son boxer qu'il fait glisser presque trop lentement le long de ses jambes.

 

Impatient, Harry finit par l'envoyer valser de lui même, arrachant un léger rire à Louis qui remonte aussitôt jusqu'à son visage pour embrasser ses lèvres pulpeuses, se délecte de la vision extatique que lui offre son amant, étendu, avide de ses caresses et de ses baisers.

 

Voilà des mois qu'il attendait ce moment, en savoure chaque seconde. Pendant plusieurs minutes, il le caresse, l'embrasse, se satisfait de sentir l'érection de son amant grossir et se frotter contre la sienne, de ses soupirs, les gémissements qu'il laisse passer.

 

''-T'es entrain de me torturer Lou'...

-Non. Le contredit ce dernier en embrassant avec tendresse son nombril inexistant. Je profite. T'imagines pas depuis combien de temps j'attends ce moment.''

 

Depuis quand il attend de pouvoir s'agripper à ses cuisses charnues, de sentir son corps humide de sueur glisser contre le sien. Harry ignore depuis quand il rêve de se perdre entre ses jambes, de sentir son corps se tendre sous sa langue.

 

''-Lou' je.. Oh mon dieu.. Si tu fais ça.. Je vais pas tenir... S'époumone Harry, les mains accrochées aux barreaux de la tête de lit.

-C'est plus fort que moi.. Susurre Louis.''

 

Délicatement, il pose les jambes de son petit sur ses épaules, embrasse légèrement le bout de son pénis. Il sourit en entendant Harry gémir entre ses lèvres closes.

 

''-Je suis fasciné par ton corps..''

 

Un petit cri de surprise échappe à Harry en sentant les mains de Louis s'agripper à ses fesses, les écarter. Il sent une nouvelle chaleur l'envahir, un désir insatiable le prendre d'assaut en sentant la langue de Louis glisser le long de son intimité.

 

''-Tu mouilles déjà tellement.. Et je t'ai à peine touché.

-Pitié Lou'.. Geint Harry.''

 

Il est assailli, submergé par les sensations que lui procure son petit-ami, a de plus en plus de mal à contrôler les gémissements qui passent ses lèvres entrouvertes en sentant la langue de Louis entre ses cuisses, ses mains qui lissent la peau de son ventre en long et en large, s'accrochent à ses hanches généreuses.

 

''-Pitié Lou'. Répète Harry, toujours plus geignard, toujours plus avide. Je vais pas tenir...''

 

Un soupir de soulagement lui échappe en sentant les lèvres de Louis quitter son intimité, en voyant en visage réapparaître derrière le dôme qui lui sert d'abdomen ces derniers temps.

 

''-Tu veux qu'on fasse ça comment? Lui demande ce dernier en se penchant pour embrasser avec délicatesse ses lèvres.

-Sur le côté.''

 

Avec un doux sourire, Louis déloge les jambes de son amant de ses épaules, les repose avec douceur sur le lit avant de l'aider à se tourner sur le côté pour mieux se glisser derrière lui.

 

C'est une des choses qu'Harry aime le plus chez Louis. Il peut-être bestial, dominateur, comme il peut être tendre, et tous ses actes ne reflètent qu'une pensée qu'il ne se lasse pas de répéter encore et encore.

 

''-Tellement beau..''

 

Son souffle se coupe en sentant Louis le pénétrer dans une lenteur abominable, le remplir entièrement, en sentant ses cuisses musclées se contracter autour de son corps, ses mains, ses doigts accrochés, enfoncés dans son ventre et son souffle fébrile qui va et vient contre sa clavicule.

 

Il pourrait en pleurer, s'agrippe désespérément à la cuisse de Louis qui entame des vas et viens lents, tortueux pour Harry, comme pour lui. Mais il veut en profiter, que cet instant dure aussi longtemps que possible, qu'il s'éternise. Il embrasse les épaules, le dos de son amant, se délecte de ses gémissements, de son nom qui sonne comme une supplique entre ses lèvres.

 

Il sait qu'il ne s'en lassera jamais, que jamais il ne se lassera de sentir son corps se presser contre le sien, de se perdre en lui. Il en rêvait quand il n'avait que seize ans, quand il avait l'habitude de regarder Harry passer dans les couloirs de la pension, qu'il s'imaginait poser des gestes qu'il n'a plus aucune gêne à poser aujourd'hui. Parce qu'aujourd'hui, Harry est tout à lui, et jamais, au grand jamais, il ne le laissera s'en aller.

 

 

Chapter 16: Chapitre 16

Chapter Text

 

''-T'es pas obligé de m'accompagner tu sais. Je peux prendre le bus.

-Hors de question.''

 

Décidée à ne pas contrarier son frère, Ava le suit hors de la maison, jusqu'à sa voiture. Elle suit son pas lent, attend patiemment qu'il s'installe derrière le volant.

 

''-T'es épuisé Harry. Insiste-t-elle encore une fois en le voyant réprimer un bâillement.

-Je ne te laisse pas aller dans le centre-ville toute seule.

-C'est pas le centre-ville le problème...''

 

Ils le savent tous les deux. Et même s'il sent le regard insistant de sa petite sœur sur lui, Harry n'y répond rien, démarre simplement pour la conduire dans le café où elle doit voir Carlos.

 

Depuis leur première rencontre, ils se voient régulièrement. Mais Harry ne la laisse jamais seule avec lui. Il reste à l'écart, assez prêt pour pouvoir intervenir si besoin. Il n'a jamais eu à le faire.

 

C'est douloureux pour lui de l'admettre, mais Carlos et Ava s'entendent à merveille. Il les a déjà vu discuter pendant des heures, rire jusqu'à attirer l'attention de toutes les personnes autour d'eux. Il voit l'impatience d'Ava avant chaque rendez-vous, sa déception à chaque fois qu'il vient la voir pour lui dire qu'il est l'heure de rentrer.

 

Arrivés à l'adresse du rendez-vous, Harry se gare, sort difficilement de sa voiture sous le regard désolé d'Ava qui sait déjà comment va se passer l'après-midi de son frère. Pendant qu'elle va profiter d'un moment avec leur père, lui va attendre tout seul à une table. Elle déteste ça.

 

C'est pourquoi, quand ils entrent dans le café, qu'elle remarque Carlos au fond de la salle, elle se tourne aussitôt sur Harry, accroche son regard baigné de fatigue.

 

''-Viens t'asseoir avec nous. Lui demande-t-elle, laissant la surprise, l'incompréhension se glisser sur son visage.

-Pourquoi faire? Réplique-t-il d'un ton plus sec qu'il ne le voudrait.

-Parce que j'en ai envie. Lui répond malgré tout Ava sans perdre son aplomb. Et papa aussi. Il me demande toujours de tes nouvelles.''

 

Ces mots sont comme des coups de poignards dans le cœur d'Harry. Il a du mal à l'entendre appeler papa l'homme qui l'a traumatisé. Il a du mal à accepter la relation fusionnelle qui est née entre père et fille après quelques semaines seulement. Mais il ne peut rien y faire, ne peut s'y opposer.

 

''-Va le voir, je t'attends là.''

 

Il ne veut pas y assister, y participer.

 

Coupant court à la conversation, Harry s'assoie à la table la plus proche, alpague gentiment une serveuse pour commander un thé avant de sortir son téléphone sous le regard dépité de sa petite sœur qui sans plus insister, traverse le café pour rejoindre son père.

 

Il l'entend partir, ne lève le regard que plusieurs secondes plus tard pour la voir enlacer Carlos, s'asseoir à ses côtés. Et bien malgré lui, il sent des larmes s'accumuler à ses cils, les ravale en baissant les yeux sur son téléphone. Il ne fait rien de précis, va dans sa galerie pour faire défiler ses photos, celles des triplés, de lui et Louis, de lui et Ava, de sa mère, de Gemma. Il remonte dans sa galerie jusqu'à tomber sur les photos du jour où il a accouché des triplés, se perd à sourire en y repensant.

 

Jamais il n'avait autant souffert, et pourtant, jamais il n'avait été plus heureux que ce jour là. Il se souvient de sa peur, de sa joie, comme si c'était hier, pense à son accouchement qui approche à grands pas. Il se demande si ce sera aussi long cette fois, si ce sera plus facile maintenant qu'il sait à quoi s'attendre, caresse inconsciemment son ventre sous la table en pensant à ce moment qui ne saurait tarder.

 

Les clients entrent et sortent du café sans qu'il ne leur accorde la moindre attention. Il commande une seconde tasse de thé, et inévitablement, doit se lever pour aller soulager sa vessie pleine à craquer au bout d'une heure à peine après leur arrivée.

 

Par chance, il n'a pas à passer devant Carlos et Ava pour rejoindre les toilettes desquels il ressort plusieurs minutes plus tard. Le souffle courtaprès les efforts qu'il a dû déployer pour se relever, il retourne à sa table, manque se heurter à quelqu'un en passant devant la porte du café.

 

''-Pardon. S'excuse-t-il en levant les yeux.''

 

Il aurait dû tracer son chemin sans s'arrêter. C'est ce qu'il se dit, se répète, tétanisé face aux yeux bruns qui le dévisagent sans scrupule, détaillent son corps avec un dégoût palpable.

 

''-Louis t'a pas fait passer le message à ce que je vois.''

 

Il a envie de hurler, de vomir, de disparaître, retient difficilement ses larmes face à son ancien camarade de dortoir.

 

''-Liam qu-qu'est ce que tu fais là? Lui demande-t-il.''

 

Il essaie de ne rien laisser paraître, de faire comme si voir son visage ne lui brisait plus le cœur, mais il ne dupe pas le garçon face à lui qui laisse passer un sourire mesquin, plein de suffisance et de mépris.

 

''-Comment tu peux te promener comme ça à la vue de tous? T'as pas honte?''

 

Non, il ne pleurera pas. Il refuse de lui faire ce plaisir, de le laisser l'atteindre une nouvelle fois.

 

''-Hé! Liam!''

 

Plus vite que de raison, il tourne la tête quand la voix de Carlos résonne dans le café, jusqu'à lui. Horrifié, il le voit se lever, s'approcher.

 

''-Ouai, j'arrive Carl'! S'exclame Liam avant de reporter toute son attention à Harry. Et toi, barre toi. Rien que te regarder me donne envie de vomir.

-Non.''

 

Non, il ne partira pas.

 

En essayant d'ignorer le regard de Liam qui le suit et le dédaigne, Harry retourne s'asseoir à sa table, s'installe sur sa chaise.

 

''-Qu'est ce que tu fous? Barre toi avant que je dise à tout le monde ici ce que tu es. Le menace Liam.''

 

Mais Harry ne cède pas.

 

''-Tu peux leur dire. J'en ai rien à foutre.''

 

Il ne partira pas. Qu'importe à quel point il en a envie, il ne laissera pas Ava seule entre lui et Carlos qui attend, debout devant sa table, qui regarde la scène, voit la première larme qui vient couler sur la peau pâle de son fils.

 

En le voyant l'effacer avec précipitation, il n'attend plus, avale la distance qui le sépare d'Harry et de son nouveau collègue de travail. Plus il approche, plus il voit la colère sur le visage de Liam, la peur dans les yeux pâles de son fils qui garde le regard bas, fixé sur la table en bois à laquelle il est installé.

 

''-Tout va bien ici? Demande-t-il en arrivant face à eux.''

 

Liam se tourne aussitôt pour lui faire face, mais Harry lui, ne bouge pas, ne détourne pas le regard d'un centimètre.

 

''-Ça va. Souffle Liam, clairement agacé.

-Vous vous connaissez?

-Laisse tomber. Répond Liam, sans réaliser que ce n'est pas à lui, que s'adressait la question. C'est juste un dégénéré que j'ai connu à la pension.''

 

Le sang de Carlos ne fait qu'un tour en entendant ces mots, en voyant le regard plein de mépris que son jeune collègue pose sur son fils. Au mieux, il  ravale sa colère, garde son sang-froid en risquant un regard vers Harry qui ne dit rien, n'essaie même pas de se défendre.

 

''-Tu veux que je te débarrasse de lui?

-Ça fait deux fois que je lui dis de se barrer. Il fait la sourde oreille.

-C'est pas à toi que je m'adresse.''

 

L'incompréhension passe brièvement dans le regard de Liam qui comprend son erreur à la seconde où les yeux pâles de son mentor viennent accrocher les siens.

 

''-Tu.. Vous vous connaissez? Demande-t-il à son tour, choqué par cette perspective.

-Harry est mon fils.''

 

Plus vite que de raison, Harry se redresse, regarde Carlos tenir tête à son ancien camarade de dortoir. Il le regarde prendre sa défense.

 

''-Q-Quoi? Mais t'as vu ce qu'il est? S'offusque Liam en prenant un pas de recule sans plus cacher son dégoût.

-C'est un jeune homme respectable et respectueux, contrairement à toi. Lui répond Carlos sans sourciller. Je pense que tu devrais revoir ta décision de travailler dans le social. Une chose est sûre, ta période d'essai au centre est terminée. Tu pourras passer prendre tes affaires lundi matin.''

 

Carlos a le temps de voir la colère, la rage flasher dans ses yeux juste avant qu'il ne se tourne, serre le poing, lève le bras.

 

Sans prendre la peine de réfléchir, il attrape son bras d'une main, sa gorge de l'autre et le plaque contre le mur dans son dos avant qu'il ne puisse frapper Harry. Il attire les regards de tous les clients, celui de son fils qui se souvient l'avoir déjà vu poser les mêmes gestes. Il les a déjà posé sur lui quand il était enfermé au centre, pour se protéger. Aujourd'hui, s'il les pose, c'est pour le protéger.

 

''-Alors t'es le genre à lever la main sur une personne enceinte? Et ça se dit bon chrétien.''

 

Avec dégoût, Carlos baisse les yeux sur la croix qui trône autour du cou de Liam.

 

''-I-Il devrait pas exister. Réplique ce dernier entre ses dents, les cordes vocales écrasées par la poigne de l'éducateur.''

 

Inconsciemment, Carlos la resserre un peu plus, étouffe Liam qui rougit à vue d'œil.

 

En voyant ça, Harry se relève plus vite qu'il ne le pensait possible, va enrouler ses mains fines autour du poignet de son père.

 

''-Arrête.. Il en vaut pas la peine..''

 

Doucement, il tire sur son poignet, oblige Carlos à lâcher Liam qui porte aussitôt sa main à sa gorge endolorie, tousse pour retrouver son souffle perdu.

 

Quand il se redresse, Harry a le réflexe de reculer d'un pas, se heurte à la table contre laquelle il s'appuie, impatient de voir son ancien camarade disparaître aussi vite qu'il est arrivé.

 

Derrière le bar, le patron hésite à intervenir, reste en alerte en regardant le jeune homme qu'il ne connaît ni d'Eve, ni d'Adam se redresser, en regardant son client de longue date lui ouvrir la porte pour l'inciter à partir.

 

''-Barre-toi. Lui dit-il simplement.''

 

Il tient si fermement un verre dans sa main qu'il pourrait éclater d'une seconde à l'autre, attend, comme ses clients que la scène prenne fin. Mais, et même si le jeune homme finit par partir en claquant la porte, il comprend que ça n'est pas fini quand un couinement de douleur attire son oreille et son attention.

 

Et il n'est pas le seul.

 

''-Harry, tu vas bien? S'inquiète Carlos en voyant son fils se recroqueviller sur lui même.

-Je.. Il faut que je m'assoie.''

 

Sans perdre de temps, Carlos attrape Harry par ses bras et l'aide à s'installer sur la chaise la plus proche. Il ravale son angoisse en le voyant s'affaler, arquer son dos, les mains plaquées de part et d'autre de son ventre démesuré.

 

''-Est ce que je peux faire quelque chose? Lui demande-t-il. Tu veux que j'appelle Louis ou ta mère?''

 

Concentré sur son souffle pour chasser la douleur qui prend d'assaut son bassin, Harry secoue la tête. Sa mère est à plus de trois heures de route et Louis profite de son jour de congés en s'occupant des triplés, il ne peut, et ne veut déranger ni l'un, ni l'autre.

 

Depuis que son père s'est levé, Ava observe la scène de loin, mais en voyant une grimace de douleur se glisser sur le visage de son frère, elle se lève d'un bond, traverse le café en courant presque pour le rejoindre lui et leur père.

 

''-Tout va bien? S'inquiète-t-elle à son tour en cherchant le regard de Carlos.''

 

Mais elle ne le trouve pas.

 

Les yeux de son père restent figés au visage de son frère entrain de se battre avec la douleur qui s'est installée dans son bas-ventre.

 

''-Est ce que je dois appeler une ambulance?

-Non. S'essouffle Harry en remuant inconfortablement sur la chaise. C'est.. C'est pas des contractions..''

 

Ça pourrait l'être. Après tout, il peut accoucher d'un moment à l'autre maintenant qu'il en est à 36 semaines de grossesse. Mais il sait encore faire la différence entre une contraction provoquée par le travail, et une contraction provoquée par le stress. Elles sont plus longues, plus sourdes, le laissent remuer inlassablement à la recherche d'une position qui chasserait enfin l'inconfort qu'il ressent. Mais il n'y arrive pas.

 

''-Tu peux pas rester comme ça, j'appelle ta mère. Insiste Carlos.

-Elle est pas là. Lui répond aussitôt Ava en sortant son téléphone de la poche de son manteau. Mais tu peux appeler Louis.

-Non! Proteste Harry d'une voix geignarde en entendant ces mots. C'est son jour de congés et.. Il est avec les triplés.. Je veux qu'il se repose. Ça va aller...''

 

Carlos échappe un soupir dépassé face à l'obstination de son fils qui enfonce durement ses poings dans son bas ventre, remue tellement qu'il va finir par tomber de sa chaise. Et malgré ses protestations, il récupère quand même le téléphone que lui tend sa fille, ouvre le répertoire pour chercher le numéro de Louis.

 

''-Je vais quand même l'appeler. S'exclame-t-il avant de s'accroupir face à son fils. Il pourra au moins me dire ce que je dois faire.

-Y'a rien à faire. Insiste Harry. Il faut juste attendre que ça passe.''

 

Mais ça n'arrête pas Carlos qui appelle malgré tout son petit-ami. Après à peine deux tonalités, il décroche.

 

''-Âllo? Tout va bien Ava?

-Louis, c'est Carlos. Je panique peut-être pour rien mais Harry a des sortes de contractions je crois. Explique-t-il en essayant de paraître calme.

-Merde. Oui, ça lui arrive souvent ces derniers temps. Souffle Louis à l'autre bout du fil. Putain, ça tombe vraiment mal. Les triplés sont entrain de faire la sieste, je suis bloqué.

-Dis-moi juste ce qu'il faut faire.

-Il faut qu'il marche. Répond Louis sans hésiter. Il déteste ça, mais c'est le meilleur moyen.

-J'en prends note.''

 

Après avoir raccroché et rendu son téléphone à sa fille, Carlos se relève, incite Harry à en faire autant en lui répétant ce que lui a dit Louis.

 

''-Je peux pas. Geint Harry en retour. Je tiens à peine sur mes jambes.

-Une chance que je sois là alors. Réplique Carlos. Appuis toi sur moi.''

 

Incertain, mitigé, Harry regarde et dévisage les mains tendues de Carlos qui attend patiemment qu'il y glisse les siennes. Et comme toujours, il se retrouve entre deux eaux, perdu entre ses ressentiments et l'opinion qu'il a de son père aujourd'hui.

 

Après quelques secondes, il pose nerveusement ses mains dans celles de Carlos. Il sent ses mains se refermer sur les siennes, encaisse avec mal le frisson qui parcourt son échine humide de sueur.

 

''-Prêt?''

 

Plus angoissé qu'il ne le voudrait, Harry hoche la tête, laisse Carlos le remettre debout, le soutenir pendant qu'il se fait à la pression dans son dos et son bassin.

 

''-On va marcher jusqu'au parc au bout de la rue. Si ça va pas mieux là bas, je vous ramène. Je suis garé juste à côté.

-Non. Proteste doucement Harry en ancrant ses pas dans les siens. J'ai ma voiture.

-Ta mère ou Louis pourront toujours venir la chercher plus tard. Je te laisse pas prendre le volant dans cet état.''

 

Une partie d'Harry a envie de rire face à l'ironie de la situation. Carlos, qui agit avec lui comme un père, qui prend sa défense face à Liam, l'aide à tenir debout. Il a envie de rire, de pleurer, de lui hurler de le lâcher, mais il n'en fait rien, se contente de marcher lentement dans la rue en s'accrochant à ses mains.

 

Il encaisse le froid qui le prend au corps, la douleur dans son bas-ventre qui s'accentue, diminue, mais ne disparaît jamais.

 

''-Alors, est ce que ça va mieux? Lui demande Carlos lorsqu'ils arrivent au parc.''

 

Harry ne lui répond pas, mais la grimace qui ne quitte pas son visage répond pour lui.

 

''-Je suis garé de l'autre côté du parc. On y sera dans deux minutes.''

 

Et cinq minutes plus tard, c'est soulagé qu'Harry s'installe dans la voiture de Carlos, se démène pour reculer le siège au maximum pour trouver un peu de confort.

 

''-Tu te sens capable de me guider?

-Chestnut Hill, à la sortie de la ville. Le renseigne Harry dans un souffle en s'affalant sur son siège, les mains plaquées de part et d'autre de son ventre distendu.''

 

Les premières minutes du trajet se passent dans un silence gênant au possible. Il n'est interrompu que par les respirations profondes et contrôlées d'Harry, les plaintes qu'il laisse passer de temps à autre. A l'arrière, Ava ne dit rien, se contente de regarder son frère, d'attendre le moment où la grimace sur son visage va enfin disparaître.

 

Et finalement, il semble se détendre lorsqu'ils arrivent près des beaux quartiers. Ses épaules s'affaissent, son visage se décontracte, sa respiration se fait moins profonde.

 

''-Est ce que ça va mieux? Lui demande-t-elle, attirant l'attention de Carlos qui se tourne brièvement sur son fils.

-Ouai.. Souffle Harry.

-On est presque à Chestnut Hill. Lui signale Carlos.

-Il faut que tu tournes à la prochaine intersection.''

 

Avec un soupir soulagé, épuisé, Harry appuie sa tête contre la vitre, regarde passer les maisons en caressant lentement son ventre, en priant pour que la douleur ne revienne pas.

 

''-C'est pour bientôt non?

-Hein?''

 

Interloqué, il se retourne sur Carlos qui laisse passer un demi-sourire, ne lâche la route des yeux que pour pointer son ventre avant d'y reporter son attention.

 

''-Ton accouchement. Précise ce dernier.

-Oh. Ils sont censés naître le 14 Février. Lui répond Harry. Mais s'ils se décident avant je vais pas m'en plaindre. Reprend-il dans un soupir qui arrache un léger rire à son père.

-Tu sais si ce sont des filles ou des garçons?

-Non. On veut pas savoir. Soupire Harry en se rappuyant contre la vitre. Mais comme ils sont monozygotes, on est sûr qu'ils seront du même sexe cette fois.''

 

A l'arrière, Ava ne dit rien, se contente d'écouter en souriant, son père et son frère entrain de discuter. Sans sarcasme, sans pique ou remarque déplacées, ils discutent simplement, et ça la rend heureuse.

 

Et elle se dit que peut-être, la prochaine fois qu'elle aura rendez-vous avec son père, Harry n'ira pas s'asseoir à une table loin d'eux, mais bien avec eux. Elle l'espère, et sans qu'ils ne la remarquent, ne la voit faire, elle ferme les yeux, murmure une prière. Après tout, les prières marchent, elle le sait.

 

Elle a prié pour être sauvé, et ça a marché. Elle a prié pour avoir une famille, un père, et ça a marché. Aujourd'hui, elle prie non pas pour elle, mais pour ces hommes qui lui ont offert une vie dont elle n'osait plus rêver. Elle prie pour qu'ils se retrouvent, comme ils ont su la trouver.

 

Quand ils arrivent finalement chez lui, Harry prend le temps de remercier Carlos avant de sortir de sa voiture. Et quand ce dernier s'en va, c'est impatient de prendre un bon bain chaud qu'Harry trace sa route aussi vite qu'il le peut jusqu'à la grange avec Ava.

 

Quand il passe la porte, il se retrouve aussitôt nez à nez à Louis.

 

En le voyant, ce dernier pousse un soupir de soulagement, avale la distance qui les sépare pour venir l'embrasser, l'enlacer.

 

''-Ça va mieux? Lui demande-t-il en se décalant pour prendre son visage à deux mains.''

 

Avec un doux sourire, Harry lui répond que oui, il va mieux, et que tout ce qu'il veut, c'est prendre un bon bain chaud.

 

''-Ça doit pouvoir se faire. Rit Louis en retour.

-Tu le prends avec moi?

-Hum.. Les triplés vont pas tarder à se réveiller.''

 

Avant même qu'il n'ait fini sa phrase, la déception se glisse sur le visage d'Harry qui baisse aussitôt la tête.

 

''-Je peux les surveiller si vous voulez. Intervient alors Ava, attirant le regard et l'attention des deux parents.

-T'es sûr? Lui demande aussitôt Louis, incertain.

-Oui. Lui répond-elle sans hésiter. J'ai déjà changé leurs couches avant et si jamais y'a un soucis vous êtes juste à côté.''

 

Sautant sur l'occasion, Harry appuie l'initiative de sa jeune sœur et tire Louis jusqu'à la salle de bain sans lui laisser d'autre choix que de le suivre.

 

Et quelques minutes plus tard, c'est avec un soupir de complaisance qu'il appuie son dos contre le torse de Louis, qu'il sent ses lèvres se poser, s'attarder sur sa clavicule, ses mains qui parcourent et caressent la bosse entre ses hanches.

 

''-Tu sais que tu m'as foutu la trouille? S'exclame-t-il après quelques minutes de silence.

-Désolé. Lui répond Harry en se blottissant un peu plus dans ses bras.

-Ne t'excuse pas. Qu'est ce qu'il s'est passé? C'est à cause de Carlos?''

 

Louis sait qu'il a mis le doigt sur quelque chose en sentant Harry se tendre dans ses bras, en attendant une réponse qui ne vient jamais.

 

''-Harry?

-Non.. C'était pas Carlos.''

 

C'était quelqu'un qu'il ne pensait jamais revoir, à qui il ne pensait plus. Il y pense maintenant, se remémore les paroles qu'il a prononcé dans le café.

 

''-Louis ne t'as pas fait passer le message?''

 

Qu'est ce qu'il voulait dire? Qu'est ce que Louis sait, que lui ne sait pas?

 

Il y réfléchit, se torture avec cette simple question, ignorant Louis qui cherche à obtenir son attention. Et finalement, l'évidence le frappe. Il se souvient de la naissance des triplés, de la visite de Zayn et Niall quelques heures avant son accouchement.

 

Il ne se souvient pas de tout dans les détails. Il se souvient surtout de la douleur qui vrillait son corps, la fatigue qui faisait vaciller sa tête et la faim qui tordait son estomac vide depuis des heures. Il se souvient de tout ça, et surtout, de la surprise, de la peur qui l'avait pris au corps au moment où Zayn était entré dans la chambre, un large pansement sur le front, un coquard aux teintes allant du violet au jaune sous son œil.

 

''-Salut Harry!

-Oh bon sang! Qu'est ce qu'il t'est arrivé?!

-Comment tu te sens?

-Zayn! Répond-moi!''

 

Louis, Zayn, Niall, ils avaient tous baissé le regard, laissant entrevoir le pire à Harry.

 

''-C'est rien. C'est..  Soupir.  Liam était dans le coin quand Louis nous a appris que tu étais à l'hôpital et il a fait des commentaires que j'ai pas apprécié.

-Qu'est ce qu'il a dit?

-Rien d'intéressant.''

 

Il avait eu une contraction juste après. Il n'y avait plus repensé. Peut-être qu'une partie de lui voulait ignorer la vérité, mais aujourd'hui, il veut la connaître.

 

''-Harry? Chaton, qu'est ce qu'il s'est passé? Lui demande pour la troisième fois Louis en ramassant les larmes qui échappent à sa vigilance.''

 

Difficilement, il encaisse le regard démuni qu'Harry lève sur lui, et les paroles qu'il prononce, il ne les attendait pas.

 

''-Qu'est ce qu'il t'a dit?..

-Hein? De quoi tu parles? Lui demande Louis, perdu.

-Liam.. Quand j'étais à l'hôpital.. Qu'est ce qu'il t'a dit?..''

 

Puis il comprend. Il sent une colère noire se faufiler en lui en comprenant face à qui Harry s'est retrouvé, et sans lui pour couronner le tout. De toutes les personnes dans cette foutue ville, dans ce foutu pays, il a fallu qu'il tombe nez à nez avec Liam, le seul a leur avoir craché au visage.

 

Et Louis se souvient parfaitement de la dernière fois qu'il s'est retrouvé face à face avec son ancien coéquipier. Il venait de sortir de sa salle d'examen, lessivé après avoir enchaîné deux oraux, pressé de retourner auprès d'Harry avant qu'il ne se réveille.

 

Au détour d'un couloir, il était tombé nez à nez avec Zayn et Niall, avait sauté sur l'occasion pour leur apprendre la nouvelle, gueulant d'un bout à l'autre du couloir qu'Harry était à l'hôpital, qu'il allait bientôt être papa. Ses amis étaient extatiques, aussi heureux qu'il l'était. Ils ne voulaient qu'une chose, se barrer au plus vite pour rendre visite à Harry.

 

''-'Faut qu'on se dépêche! Imagine qu'il accouche sans toi! S'exclama Niall en trépignant sur place.

-Aucune chance. Rit Louis. Ses contractions sont encore trop espacées, il est même pas encore dans le travail actif.

-Hein? Le quoi?

-Laisse tomber. Se moqua-t-il doucement face à l'incompréhension de Zayn. On y va.''

 

Mais avant qu'il ne puisse faire un pas, le bruit cinglant d'une porte de casier se faisant claquer attira son attention. Comme aujourd'hui, Louis sentit une vague de colère s'emparer de lui en remarquant Liam qui le toisait avec dédain, avec dégoût.

 

''-Alors, il va vraiment mettre au monde ces choses? S'exclama ce dernier en le dévisageant ouvertement.

-Va te faire foutre Liam! S'emporta aussitôt Louis.''

 

Zayn et Niall le retenaient, se retenaient eux même pour ne pas craquer et faire ravaler son sourire mesquin à celui qu'ils appelaient encore leur ami quelques mois plus tôt.

 

''-Ça ce serait plutôt ton truc sale sodomite.''

 

Louis voulait le frapper, il voulait le tuer.

 

''-Alors c'est toi? Intervint Zayn, sous le choc de ce qu'il venait d'entendre, de comprendre. C'est toi qui a tagué la porte de la chambre?!''

 

De justesse, il avait rattrapé le bras de Louis quand il tenta de s'arracher à sa prise. Il le rattrapa avant qu'il se jette sur Liam, le retenait pendant qu'il lui hurlait d'aller au diable.

 

''-Tu as bien plus de raison d'y finir que moi Tomlinson. Lui cracha Liam avec dédain avant de laisser passer un rire mesquin. Sans parler de ton monstre.

-Ne parle pas de lui comme ça! Il est plus humain que tu ne le seras jamais! Il vaut cent fois mieux que toi!!''

 

Une étincelle de colère, de rancœur passa comme un éclair dans les yeux de Liam. Elle s'y faufila le temps d'une seconde, le temps pour Louis de l'apercevoir, s'en délecter.

 

''-Il ne vaut pas mieux que moi. Il est une honte pour une institution aussi respectable! Et tu sais ce qu'il devrait faire?!''

 

''-Louis?''

 

Arraché à ses pensées, à ses souvenirs, Louis sursaute légèrement en sentant les mains humides d'Harry se poser sur son visage, en découvrant l'inquiétude dans ses grands yeux verts qui ne regardent que lui.

 

''-Qu'est ce qu'il a dit?..

-Je..''

 

Il ne voulait pas repenser à ce moment, il ne voulait pas qu'Harry soit au courant. Il a eu un sursis de deux ans, c'est déjà bien assez.

 

''-Il.. Oh bon sang..''

 

Il ne veut pas prononcer ces mots. Rien que les penser, ça lui retourne le cœur. Zayn l'avait lâché si vite en entendant ces mots qu'il avait manqué s'effondrer face contre terre. Il n'avait pas encore encaissé ces atrocités que son ami était déjà à califourchon sur Liam à le rouer de coups. Il n'arrivait pas à les encaisser, n'y arrive toujours pas.

 

Et finalement, c'est la gorge nouée, au bord des larmes qu'il prononce ces quelques mots qu'il aimerait oublier à jamais.

 

''-Il.. Il a dit.. Tu sais ce qu'il devrait faire?.. Commence-t-il d'une voix chevrotante, presque inexistante.''

 

Et malgré lui, il ne parvient pas à retenir les larmes qui coulent sur ses joues, sent une pointe douloureuse se loger dans sa poitrine en imaginant la réaction qu'aurait eu Harry à l'époque, en craignant celle qu'il pourrait avoir aujourd'hui.

 

''-Il devrait se suicider maintenant et épargner au monde la naissance de montres comme lui...''

 

Louis se répugne en prononçant ces mots. Inquiet, il guette le moindre changement d'attitude chez Harry, mais il ne réagit pas. Il garde son regard ancré au sien, reste immobile pendant quelques secondes avant de raffermir sa prise sur son visage, le tirer jusqu'au sien, jusqu'à ses lèvres qu'il dépose tendrement sur celles de Louis. Avide, désolé pour des mots qui ne sont pas les siens, il lui rend son baiser, laisse ses larmes s'y mêler en l'enlaçant plus fort encore.

 

''-Je t'aime tellement Harry... Murmure-t-il dans un souffle fébrile en coupant court au baiser. Tu.. Tu avais déjà tellement de choses qui te bouffaient le cerveau à l'époque je... Je voulais pas que tu te sentes encore plus mal... Avoue-t-il, incapable de retenir le flot de larmes entrain de s'accumuler dans ses yeux pâles.

-Je comprends.. Lui répond Harry sur le même ton, sans jamais relâcher sa prise sur son visage. Peut-être.. Peut-être qu'à l'époque, je l'aurais mal vécu.. Mais aujourd'hui.. Ça me fait rien. Admet-il dans un souffle. C'est que des mots.''

 

Il garde son front collé au sien, se perd dans ses yeux d'azur. Ses grands yeux qui ne regardent que lui, lui renvoient le reflet de son propre regard. Comme depuis le premier jour, il n'y a que lui dans les yeux de Louis, comme il est le seul à vivre au fond des siens. Le seul qui l'ait jamais aimé, le seul qui pouvait l'aider à accepter sa nature, à l'embrasser. Le seul capable de le soutenir quand il touche le fond, le seul capable de le ramener à la surface quand tout semble perdu.

 

''-Et moi aussi je t'aime.''

 

Il l'aime toujours comme au premier jour, sent son cœur battre aussi vite qu'il le faisait la nuit où ils ont conçu les triplés, à chaque fois qu'il aperçoit son sourire.

 

''-Et merci.

-De quoi? Lui demande Louis, perplexe.

-D'avoir eu le courage de me draguer à la soirée de rentrée des terminales. Lui répond Harry avec un sourire plein de malice.''

 

Avec un léger rire, Louis secoue la tête, ravale ses larmes en déposant un baiser sur les lèvres charnues de l'homme qui fait de sa vie un rêve depuis plus de trois ans.

 

''-Je t'en prie.''

 

 

 

 

Chapter 17: Chapitre 17

Chapter Text

 

Demain, Harry a 21 ans. Louis ne pense qu'à ça depuis des jours, a tout organisé dans les moindres détails pour que son petit-ami passe une belle journée. Il a même appelé son médecin pour lui demander si Harry peut faire une entorse à son régime et manger son gâteau préféré pour son anniversaire. Le docteur Vargass lui a répondu en riant que ça serait cruel de l'en priver ce jour là.

 

Il a tout prévu, a réussi à réunir pour la première fois depuis des lustres la sœur d'Harry et ses deux meilleurs amis dans la même ville. Ce n'était plus arrivé depuis leur remise de diplôme. Et demain, ils seront tous là. Ce n'est pas une surprise. Harry est bien au courant, trépigne et s'impatiente depuis que Louis lui a appris la nouvelle. Il ne tient pas en place, et c'est dépité qu'en entrant dans la salle de bain, Louis le retrouve perché sur le marche pied des triplés, une main appuyée au comptoir du lavabo pendant qu'il s'affaire à nettoyer le miroir accroché au mur de l'autre.

 

''-Harry.. Par pitié, va t'asseoir. Demande Louis à son petit-ami, pour ce qui doit être la quatrième fois de la journée. T'es enceinte jusqu'aux yeux. T'as l'air prêt à exploser et c'est pas le moment de faire le grand ménage!''

 

Ni dans la salle de bain, ni dans la cuisine, ni dans le salon, et encore moins dans la mezzanine où il a retrouvé Harry un peu plus tôt, penché dans le vide pour astiquer les poutres.

 

''-Descend. Insiste-t-il en posant ses mains sur sa taille pour l'aider à poser les pieds à terre. T'en es a trente-huit semaines de grossesse, t'as rien à faire à par te reposer. C'est clair?

-Je m'ennuie. Lui répond aussitôt Harry en se tournant pour lui faire face. J'arrive pas à dormir et j'ai mal de partout que je sois assis, allongé ou debout. Alors autant faire ce qui doit être fait. Et peut-être que ça décidera ces deux là à sortir. Déblatère-t-il avant d'apposer ses mains sur son ventre imposant.

-Y'a rien à faire. Se désespère Louis en l'attrapant par les épaules pour le tirer hors de la salle de bain. Tout ce que tu dois faire, c'est te reposer avant l'accouchement. Et on sait tous les deux que ça pourrait être d'un jour à l'autre maintenant.

-Tu parles.. Ricane Harry dans un souffle en entrant dans la chambre. Avec la chance que j'ai, ils vont attendre le terme pour pointer le bout de leur nez.

-Et après ça on aura plus trois bébés, mais cinq. Lui répond Louis en l'aidant à s'installer dans le lit. Tu te souviens le carnage quand on est revenu de la maternité avec les triplés? Rit-il, bien vite suivi par Harry.

-J'avais plus aucune notion du temps. Lui répond ce dernier sans perdre son sourire. Pendant deux semaines, j'avais l'impression d'être dans un jour sans fin.

-M'en parle pas. Rit Louis en remontant la couverture par dessus son ventre rebondi. Je dormais n'importe où dans la pension dès que j'en avais l'occasion. Et parfois même pendant les exam'.

-C'est un miracle que t'aies eu ton diplôme. Se moque Harry.

-J'avais de quoi me motiver.''

 

Avec un sourire serein, Louis se penche pour déposer un doux baiser sur les lèvres de son amant. Il glisse ses mains sur son visage, s'attarde à caresser ses joues, sa peau aussi douce que l'est celle de leurs bébés.

 

''-Maintenant repose toi.

-Tu restes avec moi? Lui demande Harry en attrapant sa main pour jouer avec ses doigts.

-Je te rejoins après. Lui répond Louis en apportant leurs mains à son visage pour embrasser celle d'Harry qui échappe une moue contrariée. J'ai encore quelques petits détails à régler pour demain.

-Du genre?

-Du genre commander ton repas d'anniversaire chez le traiteur, choisir la saveur de ton gâteau..

-C'est vrai? S'emballe aussitôt Harry. Je peux avoir un gâteau d'anniversaire? Ma mère est d'accord?

-Le Docteur Vargass a donné son aval. Rit Louis, heureux en voyant le sourire sincère qui se glisse sur le visage de son petit-ami. Alors, tu as une préférence?

-J'en ai plein. Rit en retour Harry. J'ai pas mangé un gâteau ou un biscuit depuis des semaines alors je pourrais même manger un baba au rhum si tu m'en collais un sous le nez.

-T'es vraiment un estomac avec des jambes. Se moque Louis en se glissant à ses côtés pour le serrer dans ses bras.''

 

Harry ne dénie pas, se contente d'accepter l'étreinte qu'il lui offre, se blottit dans ses bras. Il ferme les yeux, laisse passer un soupir de complaisance en sentant les mains de Louis se faufiler sous son tee-shirt, se balader sur sa peau tendue.

 

 

''-Et comment ça va là dedans? Lui demande-t-il doucement après quelques minutes.

-Ça va. Lui répond Harry en joignant sa main aux siennes. Ils gigotent. En tout cas ils essaient. Glousse-t-il en relevant la tête juste à temps pour voir Louis secouer la sienne avec un sourire amusé.

-J'imagine qu'ils commencent à manquer de place. Réplique ce dernier en enfonçant ses doigts dans son ventre, recevant aussitôt une réponse de la part d'un des jumeaux.

-Ça fait un moment déjà qu'ils manquent de place. C'est pour ça que je serai pas triste le jour où ils se décideront à pointer le bout de leur nez. Lui répond Harry en se blottissant un peu plus contre lui.''

 

Et sans même s'en rendre compte, en quelques minutes à peine, il s'endort.

 

Avec précaution, Louis en profite pour s'extirper du lit, retourne au salon où il retrouve sa belle-mère entrain de s'occuper des triplés.

 

''-Ça y est, il se repose? Lui demande Anne.

-Il s'est endormi. Soupire Louis en allant s'échouer sur le sofa. Je sais pas ce qu'il a aujourd'hui, il tient pas en place.

-Il a un regain d'énergie.

-Un regain d'énergie? Ricane Louis en se penchant pour prendre Gabrielle dans ses bras. Ce matin je l'ai trouvé entrain de nettoyer les baies vitrées du salon, deux heures plus tard, je l'ai relevé de force pendant qu'il grattait l'intérieur du four avec un couteau à beurre. Et j'ai cru que j'allais faire une attaque quand je l'ai trouvé perché par dessus la rambarde de la mezzanine avec un balai pour dépoussiérer les poutres! Déblatère-t-il, arrachant un rire sincère à sa belle-mère.''

 

Sans perdre son sourire, elle se lève, vient s'asseoir à ses côtés.

 

''-Est ce que tu sais ce qu'est l'instinct de nidification? Demande-t-elle à Louis qui se tourne aussitôt pour lui faire face, l'incompréhension au fond des yeux.

-L'instinct de quoi?

-De nidification. Répète Anne avant de reprendre. C'est quand inconsciemment, une femme enceinte va préparer son environnement à l'arrivée du bébé. Elle va tout nettoyer, tout ranger sans raison particulière. Et la plupart du temps, c'est que l'accouchement est proche. Conclut-elle avec un doux sourire à l'intention de son beau-fils.

-Ce serait pas plus mal. Rit doucement ce dernier en retour. Même si aujourd'hui il est de bonne humeur, je sais qu'il commence à trouver le temps long.

-Si tu veux mon avis, avant la fin de la semaine, les bébés seront nés.

-Je pense qu'Harry serait ravi. Rit Louis. ''

 

Pourtant, c'est loin d'être ravi qu'Harry se réveille quelques heures plus tard avec une sensation désagréable dans le bas-ventre. Ce n'est pas douloureux, c'est juste dérangeant. Ça l'arrache à son sommeil, l'incite à changer de position pour trouver un peu de confort. Et après une minute environ, la sensation disparaît. Il se dit que ça n'était qu'une crampe un peu plus forte que les autres, replonge dans le sommeil presque aussitôt.

 

 

***

 

Il est vingt heure passée lorsque Louis entre dans la chambre baignée d'obscurité pour réveiller Harry. Ça l'embête de le faire, mais il ne veut pas qu'il passe la nuit l'estomac vide. Et il ne veut pas non plus qu'ille réveille à quatre heure du matin parce qu'il aura la dalle. En tout cas, il aimerait l'éviter.

 

En silence, il avance jusqu'au lit, s'accroupit face à Harry avant de glisser sa main dans ses cheveux longs.

 

Mais en glissant ses doigts dans ses boucles, il les découvre humide. Il sent son cœur qui s'emballe à mesure qu'il déplace sa main sur le visage trempé de sueur de son amant, dans son cou, quand il empoigne son tee-shirt imbibé de transpiration. Ce n'est pas normal. En panique, il pose sa main sur son front, mais non, Harry n'a pas de fièvre.

 

Il s'apprête à le réveiller quand il sent Harry retenir son souffle, qu'il entend une plainte étouffée passer ses lèvres entrouvertes. Il le sent se tendre, ne fait plus un geste, retient presque son souffle pendant ce qu'il lui semble être une éternité. Il ne se détend, que lorsqu'Harry en fait autant, et difficilement, il encaisse ce qui est entrain de se passer. Harry a des contractions.

 

Louis se dit qu'elles ne doivent pas encore très douloureuses s'il arrive à dormir au travers, et finalement, rebrousse chemin sans le réveiller. A la place, il ressort de la chambre dans le plus grand des silences, part récupérer son téléphone au salon pour appeler sa belle-mère qui doit être entrain de dîner de l'autre côté du jardin.

 

''-Tout va bien Louis?

-Oui. Oui tout va bien. Je.. Je crois qu'Harry a des contractions. Lui dit-il, arrachant un cri de joie à Anne.

-Je te l'avais dit! S'exclame-t-elle en riant à moitié. Comment il va? De combien elles sont espacées?

-C'est ça le truc.. Souffle Louis en allant s'asseoir sur son sofa. Il s'en est pas encore rendu compte je crois. Il dort toujours depuis cet après-midi. Et je sais pas si je dois le réveiller du coup.

-Non, laisse le dormir. J'arrive.''

 

Sans un mot de plus, Anne raccroche. Avec un soupir, Louis pose son téléphone sur le sofa, s'y affale en attendant sa belle-mère qui déboule à peine deux minutes plus tard.

 

''-Où sont les triplés? Lui demande-t-elle avant tout.

-Ils dorment. Lui répond Louis dans un souffle.

-Très bien. Toi aussi tu y vas.''

 

Surpris, Louis se redresse pour faire face à Anne, aussi sérieuse qu'elle sait l'être malgré son pyjama à petits oursons et sa queue de cheval bancale.

 

''-Il est seulement vingt heure.

-Et peut-être que dans deux ou trois heures tu seras en route pour l'hôpital. Alors va te reposer tant que tu le peux. Je m'occupe des triplés et de surveiller Harry.''

 

Louis sait qu'il ne sert à rien d'argumenter avec Anne. Alors avec un fin sourire à son intention, il se lève, va se percher sur la mezzanine pour s'allonger sur le lit de cette pièce qui leur sert de chambre d'amis, même si personne n'y est resté depuis longtemps déjà.

 

Il ferme les yeux, cherche un sommeil qui ne vient jamais. Il est bien trop excité pour dormir. A chaque fois qu'il ferme les yeux, il imagine l'accouchement. Il s'imagine tenir ses jumeaux dans ses bras, les présenter aux triplés. Puis, il pense à la journée qu'il a préparé pour demain, à sa belle-sœur et ses amis qui vont débarquer dans la matinée. Il pense au traiteur, au pâtissier qu'il va devoir appeler à la première heure pour annuler ses commandes.

 

Il tourne, vire sur le lit, incapable de trouver le sommeil. Il peut entendre Anne déambuler dans le salon, entrer dans sa chambre, dans celle des triplés. Il l'entend ouvrir la porte de la salle de bain, ouvrir les robinets. Il se dit qu'elle doit sûrement mouiller un gant, en est sûr quand il l'entend retourner dans sa chambre.

 

Inconsciemment, il suit ses mouvements, se laisse bercer par son pas léger, et sans même s'en rendre compte, il s'endort.

 

Chapter 18: Chapitre 18

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En sueur, en proie à une douleur qui lui coupe le souffle, Harry se réveille en sursaut. Pendant quelques secondes, il ignore où il est, se raccroche à la réalité en sentant un gant humide glisser sur son visage, dans son cou.

 

''-Tout va bien chaton. Respire calmement.

-Lou'?.. Louis je.. Ah!..''

 

Il ne comprend pas ce qu'il lui arrive. Il allait bien quand il s'est endormi, et maintenant il a l'impression que quelqu'un essaie d'écarter les os de son bassin avec un cric.

 

''-Respire. Lui répète Louis en glissant sa main sous son nombril. C'est presque fini.''

 

Et il a raison. Quelques secondes plus tard, Harry sent la douleur s'évanouir. Perdu, il ouvre un regard désemparé sur Louis qui avec un fin sourire, se penche pour déposer un baiser sur son front moite de sueur.

 

''-Qu'est ce qu'il se passe? Lui demande Harry en remuant ses jambes engourdies sous la couverture. Il est quelle heure?

-Il est neuf heure. Lui répond calmement Louis en balayant ses cheveux de son visage. Tu as eu des contractions toute la nuit.

-Q-Quoi? M-Mais j'ai rien senti, c'est pas possible. S'étonne Harry, arrachant un léger rire à son amant.

-Tu nous as fait le même coup qu'avec les triplés, un bon coma. Rit ce dernier.

-Pourquoi tu m'as pas réveillé?

-Parce que tes contractions sont encore espacées de vingt minutes. Ta mère a appelé le Docteur Vargass ce matin et il lui a dit que vu le temps que tu avais passé à l'hôpital la dernière fois, on pouvait attendre jusqu'à ce qu'elles soient espacées de cinq minutes.

-Ça va prendre des heures.. Geint Harry.''

 

Et sans que ni l'un ni l'autre ne le voit venir, il éclate en sanglots. Il pleure à chaudes larmes, s'accroche à Louis quand il le prend dans ses bras.

 

''-Qu'est ce qui va pas chaton? Je pensais que tu serais content d'accoucher?

-C'est pas juste... C'est mon anniversaire et je voulais manger du gâteau.. Et y'a Gemma, et Niall, et Zayn qui viennent et je vais même pas pouvoir en profiter...''

 

Louis a envie de rire, vraiment. Mais il se retient, se contente de serrer un peu plus fort Harry dans ses bras, d'embrasser son front et sa tempe.

 

''-Mais si, tu vas pouvoir en profiter. Le contredit-il en se décalant pour mieux accrocher son regard, s'attendrir devant la moue boudeuse qui est apparue sur son visage fatigué.

-J'ai faim. Et je sens mauvais. Geint Harry.''

 

Et toujours plus, Louis a du mal à ravaler son rire.

 

''-Et si tu allais te prélasser dans un bon bain pendant que je prépare ton petit-déjeuner?''

 

Harry a dormi plus de quinze heures d'affilé, et pourtant, il a l'air prêt à tomber de fatigue quand il hoche mollement la tête, laisse Louis l'aider à se mettre debout et à le conduire jusque dans la salle de bain.

 

Il réalise que sa vessie est pleine à craquer pendant qu'ils marchent, et une fois dans la salle de bain, il n'hésite pas une seconde à baisser son bas de pyjama avant de s'asseoir doucement sur les toilettes pendant que Louis ouvre les robinets de la baignoire, pas gêné le moins du monde.

 

Et quelques minutes plus tard, c'est avec un doux sourire qu'il aide Harry à s'allonger dans la baignoire, embrasse son front et s'y attarde avant de se redresser.

 

''-Je fais vite. La porte reste ouverte, tu m'appelles si tu as besoin de quoi que ce soit.''

 

Tout en fermant les yeux, Harry hoche la tête. Il se détend de seconde en seconde dans l'eau chaude qui l'englobe jusqu'au menton.

 

Mais trop vite à son goût, il sent son ventre se contracter douloureusement, y enfonce ses mains en se concentrant sur sa respiration.

 

''-Vous avez vraiment choisi votre jour hein.. Marmonne-t-il quand sa contraction prend fin. En tout cas j'espère que vous serez plus rapide que vos frères et votre sœur. Ils ont mis presque trois jours pour naître.''

 

Un sourire léger, un rire soufflé lui échappe en sentant un coup de pied au dessus de son nombril.

 

''-Les derniers mois ont été assez rock'n'roll, mais on s'est accroché, tous ensemble.

-Voilà de sages paroles.''

 

Surpris, Harry sursaute, échappe un léger rire en voyant entrer Louis. Ce dernier avale la distance jusqu'à la baignoire avec un fin sourire, s'accroupit pour embrasser avec douceur les lèvres de son amant.

 

''-Et mon petit-déjeuner alors?

-Ta mère s'en occupe. Rit doucement Louis.

-Et les triplés?

-Ta mère s'en occupe. Répète-t-il, arrachant un rire léger à Harry.

-Et qu'est ce que tu fais toi alors?

-Je m'occupe de toi.''

 

Tout en prononçant ces mots, Louis prend la bouteille de gel douche pour en verser dans ses mains, arrache un sourire entendu, amusé à Harry qui se laisse faire. Il le laisse laver son corps, ses cheveux emmêlés. Il le laisse prendre soin de lui. Et quand une nouvelle contraction vient le prendre au corps, Louis est là pour le soutenir jusqu'à ce qu'elle prenne fin.

 

''-Je crois qu'elles se rapprochent.. Souffle Harry pendant qu'il l'aide à sortir de la baignoire.

-Tant mieux. Lui répond Louis en décrochant son peignoir pour lui enfiler.''

 

Sans perdre son sourire, il referme les pans sur son corps, noue la ceinture au dessus de son ventre rond, y attarde ses mains.

 

''-Aller viens, tu vas prendre un bon petit-déjeuner, ça va te donner des forces.''

 

Et quelques minutes plus tard, pendant que Louis s'en va pour aller chercher Gemma à la gare, c'est de bon cœur qu'Harry mange les pancakes et la salade de fruits que sa mère a préparé. Affalé sur le sofa avec ses triplés, il partage avec eux son assiette en redoutant sa prochaine contraction.

 

''-Nanane!

-Oui chéri, c'est bon la banane. Sourit-il en glissant un morceau de fruit entre les lèvres de Raphaël qui plonge aussitôt la main dans le bol de fruits pour en prendre plus. Hé, c'est le petit-déjeuner de maman. Rit Harry en retirant sa petite main potelée du bol. Tu as déjà mangé le tien.

-Nanane!

-Viens là Raphie. Intervient Anne en venant prendre le bambin dans ses bras. Nana va te donner une nanane. Plaisante-t-elle, arrachant un rire amusé à son fils.''

 

Mais trop brusquement, son rire se fane quand une nouvelle contraction vient le prendre au corps. Anne le remarque aussitôt, s'empresse de poser Raphaël dans sa chaise haute avant de revenir auprès de son fils pour piéger sa main dans la sienne.

 

''-Respire bébé. Lui dit-elle en glissant son autre main dans ses cheveux humides.''

 

Et au mieux, Harry essaie de répéter les exercices de respiration qu'il connaît encore. Il se sent stupide, a conscience des regards de ses bébés braqués sur lui. Il se dit qu'ils ne doivent rien comprendre, et il ne veut surtout pas les inquiéter.

 

C'est pourquoi à peine sa contraction passée, il force un sourire en se tournant sur ses bébés qui le fixent de leurs grands yeux clairs.

 

''-Mama bobo?

-Maman va bien. Assure-t-il aussitôt en prenant Gabrielle dans ses bras.''

 

Aussitôt, Isaac réclame son attention, essaie de grimper sur son ventre pour atteindre ses bras.

 

''-Mama câlin. Réclame-t-il de sa petite voix.''

 

Une petite voix qui serre le cœur d'Harry qui met presque toutes ses forces pour porter son petit garçon et le poser à califourchon sur son ventre déjà sous pression. Aussitôt, il s'allonge contre son torse, plonge sa tête dans son cou.

 

''-Harry tu es sûr qu-

-Ça va. Coupe-t-il sa mère avec un fin sourire. Il me fait pas mal. Il est quelle heure?

-10h15. Lui répond-elle en regardant sa montre.''

 

Il n'y répond rien, hoche simplement la tête avant de l'appuyer contre le dossier du sofa tout en caressant les dos de ses bébés.

 

''-Tu as des nouvelles d'Ava?

-Elle est en cours. Sourit doucement Anne. Ell-''

 

Avant qu'elle ne puisse en dire plus, la porte de la grange s'ouvre à la volée, la fait sursauter, tout comme Harry qui se contorsionne comme il le peut pour regarder derrière lui. Mais avant qu'il n'y arrive, il peut entendre sa mère pousser un soupire agacé,

 

''-Niall! Râle-t-elle. Ta mère ne t'a jamais appris à frapper aux portes?

-Je suis content de vous voir aussi Mama Styles.''

 

Harry ne peut retenir un léger rire en voyant sa mère rouler des yeux et les lever au ciel.

 

''-Reste pas dans l'entrée, tu vas faire sortir la chaleur.

-Et Harry, il est où?

-Je suis là. Rit le principal concerné en levant le bras pour se montrer.''

 

Dans la seconde, il entend les pas précipités de son ami, le voit rapidement entrer dans son champ de vision. Il ne manque pas le choc qui vient s'imprimer sur son visage quand Niall le découvre échoué sur le sofa avec ses bébés.

 

''-Bordel mais t'es une vraie baleine! S'exclame-t-il, recevant aussitôt une claque à l'arrière du crâne de la part d'Anne. Aïe! Mais quoi, c'est vrai! Se défend-il en se tournant sur elle.

-Tu as beau avoir 21 ans Niall, je te jure que je te tire par les oreilles et te mets au coin si tu le contraries aujourd'hui.''

 

Niall reste sans voix, et Harry lui, a envie d'éclater de rire en voyant sa mère traiter son ami, adulte, comme un enfant un peu trop turbulent.

 

''-Ok mais il va falloir me dire à quel point je dois me brider! Réplique Niall après quelques secondes en alternant son regard entre mère et fils. Est ce que t'es aussi sensible que la dernière fois?

-J'ai des contractions. Lui répond Harry avec un fin sourire.''

 

Un fin sourire qui s'élargit jusqu'à creuser ses fossettes quand il voit le visage de son ami se décomposer.

 

''-Attend, t'es.. Tu vas accoucher aujourd'hui?

-Il faut croire. Rit-il doucement.

-Pourquoi t'es pas à l'hôpital alors? Lui demande Niall en venant s'asseoir à ses côtés sur le sofa.

-Parce que le Docteur Vargass a dit à Louis d'attendre qu'elles soient espacées de cinq minutes. Et c'est pas encore le cas. Explique Harry en rappuyant sa tête au dossier.

-T'en es à combien là?

-Environ vingt minutes.''

 

Tout en prononçant ces mots, il laisse son regard dériver sur l'horloge accrochée au mur de la cuisine, voit qu'il est à peine 10h20 passé. Il a encore un peu de temps avant sa prochaine contraction.

 

''-Ok alors il faut que t'ouvre mes cadeaux maintenant avant que tu sois trop en vrac pour les apprécier.''

 

A la hâte, Niall se relève pour aller fouiller dans les sacs qu'il a laissé dans l'entrée avant de revenir avec un grand sourire, et trois paquets dans les mains.

 

''-Trois? S'étonne Harry en riant.

-Bah y'a ton cadeau d'anniversaire, un cadeau pour les triplés, et un pour les jumeaux. Lui répond Niall en déposant les paquets sur la table basse.

-C'est vraiment gentil. Je les ouvrirai dès que je serai libre de mes mouvements.''

 

Avec un léger rire, Niall approuve, se rassoie près de son ami bloqué par ses bébés blottis contre lui.

 

Et pendant qu'Anne s'occupe de la cuisine et de Raphaël, ils discutent, rattrapent le temps perdu. Niall lui parle du bon temps qu'il passe dans sa fac, de la liberté que c'est pour lui de ne plus être dans un établissement catholique après toutes ces années à n'avoir connu que ça.

 

''-Si tu voyais les nanas là bas. C'est des chars d'assauts! Rien à voir avec les saintes-nitouches qu'on avait à la pension.

-Je te crois. Rit Harry face à son enthousiasme.''

 

Mais brusquement, son rire se fane, le sourire sur son visage disparaît. Et avant que Niall ne puisse lui demander ce qu'il lui arrive, Harry reprend la parole, pressé.

 

''-Prend Isaac.

-Quoi?

-Prend Isaa-''

 

Et finalement, Niall comprend en voyant une grimace de douleur se glisser sur le visage de son ami. Maladroitement, il prend dans ses bras le petit garçon entrain de somnoler contre sa mère, le tient contre lui en regardant Harry porter ses mains à son ventre par dessus son peignoir. Il peut voir ses phalanges blanchir, ses joues rougir pendant qu'il encaisse une nouvelle contraction.

 

Et pendant ce qui lui semble durer une éternité, Niall regarde son ami subir sa douleur en tenant son fils contre lui et en priant pour qu'il ne se mette pas à pleurer. Il ne saurait clairement pas quoi faire. Il réalise qu'il retient son souffle quand il se remet à respirer en voyant Harry se détendre.

 

''-Ça va mieux?

-Ça va.. Souffle-t-il en baissant les yeux sur Gabrielle entrain de somnoler contre son flan. Il est quelle heure s'il te plaît?

-10h29. Lui répond Niall en levant les yeux sur l'horloge de la cuisine.

-14 minutes... Soupire Harry en caressant doucement son ventre bombé. Ça se rapproche.

-Est ce que je peux faire quelque chose?

-Oui. Aide moi à me lever. Je vais marcher un peu.''

 

Avec précaution, Niall se lève et allonge le bambin somnolant sur le sofa, en fait autant avec la petite Gabrielle avant d'aider son ami à se mettre debout.

 

''-Oh bon sang c'que t'es lourd! Bordel mais combien tu pèses?!

-Crois moi, tu veux pas le savoir. Rit Harry une fois debout.''

 

Pendant plusieurs minutes, ce dernier déambule entre le salon et la cuisine. Il marche, traverse la grange de long en large en se disant qu'avec de la chance, il pourrait très bien avoir accouché ce soir. Il se dit qu'il a peut-être encore un petit espoir de fêter son anniversaire. Et c'est dans cet optique qu'il entreprend de monter et descendre les marches de la mezzanine sous le regard attentif de Niall qui le suit pas à pas et garde les bras tendus au cas où il trébucherait.

 

Il ne le quitte jamais des yeux, pas même lorsque la porte de la grange s'ouvre à nouveau. Il peut voir un sourire franc se glisser sur le visage de son ami, l'empressement avec lequel il s'accroche à la rambarde pour descendre les marches.

 

''-Zayn! On t'attendait pas si tôt. S'exclame Harry en se précipitant en bas de l'escalier.

-Il y avait moins de trafic que prévu. Lui répond ce dernier d'un air absent en réduisant la distance entre eux. Bon sang, t'es un peu moins viril à chaque fois que je te vois.

-Mais vous allez arrêter de vous moquer de mon bébé à la fin! Intervient aussitôt Anne.''

 

Mais Harry n'est pas vexé. Et c'est sans perdre son sourire qu'il vient se perdre dans les bras de son meilleur ami.

 

''-J'imagine que si on s'fait un basket, c'est toi qui fera le ballon. Se moque gentiment Zayn.

-Aucune chance. Rit Harry en retour.''

 

Doucement, il s'arrache à l'étreinte de son ami, le laisse l'entraîner jusqu'au sofa dans lequel ils s'installent, très vite rejoins par Niall.

 

''-En tout cas je suis content. Tu as l'air d'aller beaucoup mieux que la dernière fois qu'on s'est vu.''

 

Difficilement, Harry encaisse cette remarque, repense à ce fameux jour. Il était tellement à fleur de peau, déjà accro et dans le déni quand lui et Zayn s'étaient vus. Et dire qu'ils ne se sont plus vu depuis ce jour... Depuis presque neuf mois. En réalisant ça, Harry réalise aussi à quel point le temps passe vite. Il a l'impression que c'était seulement il y a quelques semaines, et pourtant, tout a changé depuis qu'il a vu son meilleur ami pour la dernière fois. Il est tombé enceinte, a fait une cure de désintoxication, il a rencontré ses parents biologiques, sa petite sœur... Ce genre de choses s'étalent sur plusieurs années chez une personne normale, mais Harry lui, s'est tout pris dans la tête en moins d'un an.

 

Pendant qu'ils discutent, Harry subit d'autres contractions, attend avec impatiente de voir Louis revenir avec Gemma, mais surtout Louis.

 

Ce dernier, depuis près de vingt minutes déjà, peste, frappe son volant et insulte les autres conducteurs qui, tout comme lui, sont coincés dans les bouchons.

 

''-Y'en a marre! J'ai pas le temps pour ces conneries!

-Du calme Louis. Une fois qu'on aura passé le pont, ça roulera mieux.''

 

A ses côtés, Gemma reste calme, assimile tout ce que son beau-frère vient de lui apprendre, et que sa mère, tout comme son frère, avaient gardé sous silence pour ne pas l'inquiéter. Bien sûr, elle était déjà au courant pour sa cure, elle savait déjà qu'il a rencontré son père, et même sa mère biologique, qu'Ava vit avec eux maintenant. Mais elle ne savait pas que son petit-frère souffrait encore d'addiction, qu'il continue de voir son père pour faire plaisir à Ava. Elle ne savait pas que Liam lui était tombé dessus. Et elle en veut à Louis, à sa mère, et même à son frère pour lui avoir cacher ces vérités.

 

''-Il est vraiment temps que tu passes ton permis. Parce que je te jure que si je loupe la naissance de mes enfants, tu te tapes du stop la prochaine fois.

-Relax! Rit Gemma en se tournant sur son beau-frère. Tout à l'heure tu m'as dit que ses contractions sont encore espacées de vingt minutes. Ça va le faire.

-C'était il y a plus d'une heure, et on a encore une demi-heure de route, si ces enfoirés se décident à bouger!''

 

Louis crie la fin de sa phrase, la ponctue d'un coup de klaxon qui laisse Gemma lever les yeux au ciel. Discrètement, elle sort son téléphone de sa poche, envoie un message à sa mère pour lui demander des nouvelles de l'état de son petit-frère. A peine une minute plus tard, elle reçoit sa réponse, perd son sourire en lisant que ses contractions se rapprochent et qu'il a de plus en plus de mal à tenir en place. Elle lui demande quand ils arrivent, lui dit qu'Harry réclame Louis et perd patience. Aussi silencieusement que possible, Gemma lui renvoie un message, lui explique qu'ils sont bloqués à l'entrée du pont à cause des bouchons.

 

Pendant une minute, elle hésite à dire ce qu'elle sait à Louis, se ravise en réalisant que ça ne ferait qu'empirer les choses. S'il savait que les contractions d'Harry se sont rapprochées, il serait capable de la laisser en plan et de traverser la ville en courant, ou de sortir pour se battre avec les autres conducteurs sous tension. Non, il vaut mieux qu'elle garde cette information pour elle pour l'instant. Tout ce qu'elle espère, c'est qu'ils arriveront à temps.

 

 

Chapter 19: Chapitre 19

Chapter Text

 

Le regard perdu par delà la vitre, obnubilée par les nuages noirs et menaçants qui font leur chemin dans le ciel, Anne regarde les gouttes de pluie qui s'écrasent lentement sur le carreau. De temps en temps, elle baisse discrètement les yeux son téléphone, vérifie que Gemma ne lui a pas envoyé un autre message. Mais non, aucun nouveau message, aucune avancée de leur côté, quand tout va beaucoup trop vite du sien.

 

Voilà déjà plus de deux heures que Louis est parti, une heure qu'il aurait dû revenir avec Gemma. Mais aux dernières nouvelles, ils sont toujours coincés à l'entrée du pont, et Anne redoute le moment où elle devra l'annoncer à son fils qui perd toujours plus patience à chacune de ses contractions.

 

''-Bon sang mais qu'est ce qu'ils foutent?! Il faut pas deux heure pour revenir de la gare!''

 

Ce n'est plus qu'elle et son fils dans la grange. Niall et Zayn ont emmener les triplés dans la maison principale quand ils ont compris qu'Harry n'arriverait pas à se détendre tant qu'ils seraient là à le regarder et à le suivre à la trace.

 

''-Pourquoi tu n'essaies pas d'aller t'allonger en attendant? Lui propose Anne.

-Parce que mon dos le supporte plus! Hurle Harry en retour.''

 

En voyant sa mère sursauter, il regrette aussitôt, sent les larmes lui monter aux yeux.

 

''-Pardon je..

-C'est rien mon cœur. Lui assure Anne en venant le prendre dans ses bras.

-J'en ai marre... Pourquoi ils sont toujours pas là?...''

 

Sans un mot, Anne se contente de serrer son fils dans ses bras, de le bercer quand une autre contraction le frappe de plein fouet. Sans un mot, elle prie pour voir Louis passer la porte de la grange au plus vite, tout en sachant, que ses prières n'y changeront rien.

 

***

 

Depuis plus d'une heure, une pluie torrentielle s'abat sur la ville, ralentit toujours plus le trafic. Coincé dans les bouchons, Louis perd toujours plus patience. Il frappe son volant, met des coups de pression aux voitures devant lui pour qu'elles aillent plus vite. Mais ça ne change rien. Le pont est toujours bloqué, les embouteillages s'étalent à perte de vue, aussi bien devant que dernière lui. A ses côtés, Gemma essaie de le rassurer. Elle ne lui dit rien des messages qu'elle échange avec sa mère.

 

Oh non, elle ne lui dit surtout pas que les contractions d'Harry se sont encore rapprochées. Elle ne lui dit surtout pas qu'il est au bord de la crise de nerfs et le menace de le tuer. Elle ne lui dit pas non plus à quel point elle s'inquiète en voyant le niveau de l'eau monter sur la route, englober les roues des voitures. Elle ne lui dit pas qu'elle doute qu'ils arrivent à temps.

 

Elle reste sur ses gardes, regarde du coin de l'œil son beau-frère qui jette des coups d'œil dans tous les sens, trépigne tellement qu'il en fait trembler la carrosserie.

 

''-Et puis merde.''

 

Avant qu'elle ne comprenne ce qu'il lui passe par la tête, Louis détache sa ceinture et sort en claquant sa portière.

 

''-Louis? Louis qu'est ce que tu fais?! LOUIS!!''

 

Mais il ne l'écoute plus. Sans prendre la peine de se retourner, il se met à courir. Il court. Sans réfléchir, il court sous la pluie battante, esquive  les personnes sur son passage sans s'arrêter. Il passe devant les voitures immobiles qui s'agglutinent les unes derrière les autres sans avancer d'un centimètre. 

 

Plus les minutes passent, plus il a conscience du niveau de l'eau qui monte à ses pieds et atteint déjà ses chevilles. C'est de plus en plus dur pour lui de courir, mais il ne s'arrête jamais. Il passe le pont, s'enfonce dans le centre ville où des policiers commencent à barrer les routes.

 

Il court sans s'arrêter, sans accorder la moindre attention à l'orage, au désastre entrain de se dérouler autour de lui. Dans les rues du centre-ville, les bouches d'égouts débordent comme des geysers, les gens abandonnent leurs voitures, se réfugient dans les magasins, dans les halls des immeubles. Tout le monde s'abrite pendant qu'il court pour rentrer chez lui.

 

Il ne sent plus ses jambes, il ne sent plus le froid ni son cœur qui tambourine contre sa poitrine. Il ne ressent rien. Rien qu'un besoin, l'urgence de rejoindre l'homme qu'il aime. Il ne fait attention à rien, traverse les routes sans s'arrêter.

 

Non, il ne s'arrête pas, même quand les quelques audacieux encore dans leur voiture le klaxonnent, l'évitent de peu. Il ne s'arrête pour personne, pas même pour rendre les insultes qu'il reçoit. Les coups de klaxons fusent autour de lui, les phares l'éblouissent, l'aveuglent à chaque fois qu'il croise une voiture.

 

''-Louis....Louis.....M'entend...''

 

Louis croit d'abord à une hallucination avant d'entendre un nouveau coup de klaxon sous le bruit de la pluie cinglante. Il s'arrête dans sa course, voit la voiture dans son dos faire des appels de phares en se rapprochant de lui. A bout de souffle, épuisé, il regarde la voiture rouler jusqu'à lui, la vitre qui s'abaisse et révèle le conducteur.

 

''-Carlos?

-Monte!''

 

Il n'a pas besoin de lui dire deux fois. Sans hésiter, Louis entre dans la voiture. Et à la seconde où il referme la portière, il reprend conscience de son corps. Il prend conscience de ses poumons en feu, de son cœur qui bat si vite, si fort qu'il y pose sa main dans une tentative désespérée de le faire ralentir. Ses vêtements sont trempés, collés contre sa peau glacée.

 

''-Qu'est ce que tu fous dehors?! La ville est passée en alerte rouge! Tout le monde doit se mettre à l'abri! Vocifère Carlos en montant le chauffage.

-J....Je...

-Il y a de l'eau dans la boîte à gants. Informe-t-il Louis en le voyant s'étouffer en essayant de lui répondre.''

 

Ce dernier n'en attend pas plus pour ouvrir la boîte à gants et récupérer la petite bouteille qui s'y trouve pour y boire avidement.

 

''-Merci... Souffle-t-il d'une voix rauque après l'avoir presque fini. Amène-moi chez moi.

-Dis moi ce que tu foutais à courir sous ce temps de merde. Réplique Carlos en jetant un regard rapide à son passager imprévu.

-J'étais bloqué sur le pont alors j'ai abandonné ma voiture avec la sœur d'Harry à l'intérieur.

-Ava?!

-Non. Gemma. Précise Louis, soulageant aussitôt le trentenaire.

-Et pourquoi t'as fait ça?

-Parce qu'Harry va accoucher. C'est peut-être déjà fait et je suis même pas avec lui!

-Calme toi. Lui répond Carlos en se concentrant sur la route inondée. Appelle le, ça vous rassurera tous les deux.''

 

Mais en tâtant sa poche, c'est dépité que Louis constate que son téléphone est resté dans sa voiture. Il le signale à Carlos qui lui tend aussitôt le sien. Et c'est toujours plus contrarié qu'il découvre que le réseau est inexistant. Il essaie quand même, appelle le téléphone d'Harry, et tombe directement sur sa boîte vocale.

 

''-Est ce que tu peux aller plus vite? S'impatiente-t-il.

-Pas si tu veux arriver en vie. Réplique aussitôt Carlos.''

 

Ils ne devraient même pas être sur la route. Il est conscient du danger qu'ils sont entrain d'affronter contrairement à Louis qui ne pense qu'à rejoindre Harry à temps. La pluie continue de s'abattre sur la ville, le niveau de l'eau continue de monter, et trop brutalement, ils sentent la voiture qui dérive. Elle n'adhère plus à la route, et sans hésiter une seule seconde, Carlos détache sa ceinture.

 

''-Sors!''

 

La voiture dérive, vogue dans les eaux pendant qu'ils essaient d'ouvrir les portières bloquées par la pression des flots qui les entourent. Sans réfléchir, sans se concerter, ils descendent les vitres. La pluie leur fouette le visage, les martèle comme des milliers d'aiguilles.

 

Difficilement, Louis cherche son équilibre en s'appuyant contre le montant de la portière. Il ne fait pas attention, et il ne faut qu'une seconde pour que la voiture s'échoue contre un pylône et écrase son bras. Malgré la cacophonie qui règne autour de lui, il l'entend craquer, entend le cri de douleur qui passe ses lèvres.

 

''-LOUIS!''

 

La douleur est si vive qu'il doit se battre pour ne pas tourner de l'œil. Il sent à peine Carlos qui le tire pour le sortir de la voiture, sent une nouvelle vague d'adrénaline l'envahir quand ses pieds touchent le sol et qu'il réalise enfin la catastrophe entrain de se dérouler sous ses yeux.

 

L'eau lui arrive maintenant jusqu'au nombril, et le courant est si violent qu'il doit mettre de la force juste pour tenir debout et ne pas se faire emporter comme la voiture qui continue de voguer comme une brindille dans une rivière.

 

Il voit, entend à peine Carlos qui lui parle. Il hoche la tête sans savoir ce qu'il lui dit, se laisse faire quand le trentenaire passe un bras dans son dos pour le pousser et l'inciter à reprendre la route.

 

Et difficilement, ils marchent, se soutiennent pendant de longues minutes. Quand ils arrivent dans les quartiers résidentiels, Louis a un second souffle, marche toujours plus vite en s'accrochant fermement au bras de Carlos. Il panique en découvrant les maisons à moitié immergées, les voitures qui voguent sur la route et dans les jardins, emportés par les flots. 

 

Il ne sait pas depuis combien de temps il a quitté Gemma sur le pont. Des minutes, des heures.. Le ciel assombri par les nuages ne lui donne aucune indication sur le temps qui passe. Tout ce qu'il espère, c'est qu'elle est à l'abri.

 

Mais quand ils se retrouvent devant la maison d'Anne, la panique se change en effroi au moment où il découvre les fenêtre du rez-de-chaussée sous les eaux. Il sent ses larmes rouler au milieu des gouttes de pluie qui dévalent son visage. Pendant une seconde, il espère qu'Harry a eu le temps de rejoindre l'hôpital. Mais quand il découvre sa voiture, celle de sa belle-mère entassées, coincées avec d'autres quelques mètres plus loin, il sait qu'il n'en est rien. Il sait qu'Harry est bien là, et sans hésiter, il s'accroche au portail pour l'escalader.

 

En équilibre au sommet, il sent la main de Carlos se poser sur son bras, se tourne pour le regarder, lui aussi à cheval sur le portail.

 

''-Est ce que tu sais où il est?! Lui hurle-t-il pour se faire entendre en pointant la maison principal, puis la grange en contre-bas.''

 

Et en regardant la grange presque entièrement immergée, il espère de tout son cœur qu'ils ont tous eu le bon sens d'aller se réfugier au grenier de la bâtisse principale avant qu'il ne soit trop tard. Mais la vérité, c'est qu'il n'est sûr de rien. Et plus il regarde la grange, plus son sentiment d'effroi prend de l'ampleur.

 

''-Je vais vérifier la grange! Hurle-t-il en se retournant sur Carlos. Va voir chez Anne! S'il n'est pas là, reste à l'abri dans le grenier!

-Et si vous avez besoin d'aide?!

-Tu en as fait assez! Va te mettre à l'abri!''

 

Avant que Carlos puisse insister, Louis saute le portail et part en courant aussi vite qu'il le peut. Il court sans se retourner une seule fois jusqu'à la grange. Laborieusement, il ouvre la porte, découvre l'intérieur de son foyer ravagé par les eaux. Toujours plus difficilement, il ferme la porte, reprend son souffle pour appeler après Harry.

 

Mais juste avant que son nom passe ses lèvres, un cri sanglotant attire son attention sur la mezzanine.

 

''-HARRY!''

 

Il court, monte quatre à quatre les marches de la mezzanine encore épargnée par les eaux. Et c'est à la fois soulagé, horrifié qu'il découvre Harry allongé sur le lit.

 

''-L-Lou'...''

 

La main qu'il lui tend tremble tellement que Louis la sent encore s'agiter quand elle est piégée entre les siennes. Sa peau est pâle, luisante de sueur et des larmes qui continuent de dévaler son visage tordu par la douleur.

 

''-J-J'ai mal... C'est pas normal...''

 

La panique au corps, Louis parcourt le sien du regard, sent son cœur se serrer en découvrant la tâche ensanglantée qui s'étale sur les draps. Au pied du lit, Anne le regarde, perdue entre le soulagement de le voir, et la peur qui l'anime depuis de longues heures déjà.

 

''-T-Tout va bien.. S'exclame Louis en serrant Harry contre lui avec son bras valide. Tout va bien se passer..''

 

Il essaie de s'en convaincre. Maintenant plus que jamais, il ne doit pas céder à ses angoisses. Ce n'est pas de ça dont Harry a besoin. Et qu'importe toutes les questions qu'il a en tête, comme où sont ses enfants, pourquoi ils n'ont pas appelé une ambulance avant qu'il soit trop tard, il n'en pose aucune. Il se concentre sur Harry qui échappe un nouveau cri d'agonie, se cambre de douleur contre Louis qui le serre un peu plus fort.

 

''-Maman pitié fait quelque chose! Supplie-t-il Anne. Ouvre moi en deux! Fait quelque chose!!

-Essaie de pousser encore une fois.''

 

Faussement calme, Anne soulève le drap qu'elle a reposé quelques minutes avant l'arrivée de Louis. Elle essaie d'ignorer le sang qui s'étale sur les cuisses de son fils, sur ses mains et ses avants-bras. Elle essaie de tenir bon, de ne pas craquer après les heures qu'elle vient de passer à soutenir son fils, à le rassurer. Elle s'accroche.

 

''-Vas-y mon cœur. Je sais que tu peux le faire.''

 

Aidé par Louis, Harry replie ses jambes, s'y accroche avant d'essayer de pousser encore une fois. Mais la douleur... Elle est insoutenable, ne ressemble à rien de ce qu'il connaît. Il se bat, se concentre pour ne pas tourner de l'œil.

 

''-Ça y est! S'exclame soudain Anne. Je vois une tête! On y est! Tu y es presque!''

 

Louis ne sait plus où donner de la tête. Le niveau de l'eau dans les escaliers continue de monter, la pluie tape avec violence contre les carreaux, étouffe presque les cris d'agonie qui passe les lèvres d'Harry entrain de puiser dans ses derniers retranchement pour mettre ses bébés au monde.

 

''-C'est bien mon cœur! Renifle Anne. Continue comme ça!

-J-Je peux pas...''

 

Louis angoisse toujours plus en sentant Harry s'affaisser contre lui, en voyant sa tête qui vacille et s'écrase sur son épaule. Il est terrorisé face à la pâleur de sa peau, sa respiration sifflante.

 

''-Hé, tu vas y arriver.''

 

Il ignore comment il arrive à prendre une voix si calme quand il est au bord de l'apoplexie. Mais il y arrive, tout comme il parvient à lever son bras blessé pour prendre le visage d'Harry entre ses mains. Il le caresse du bout des doigts, se perd dans ses grands yeux verts qui lui crient tout son désespoir.

 

''-Tu en es capable.

-Tu parles d'un anniversaire de merde...''

 

Un fin sourire se glisse sur ses lèvres. Un sourire au reflet de celui qui étire doucement les lèvres de cet homme qu'il aime depuis qu'il a croisé son chemin. Cet homme qui au milieu de son agonie parvient encore à le faire sourire, il ferait tout pour chasser la douleur qui anime son regard.

 

''-On se rattrapera l'année prochaine.''

 

Tendrement, il tire son visage jusqu'au sien, écrase un baiser sur ses lèvres humides. Mais trop brusquement, Harry y met court en s'accrochant à son tee-shirt trempé. Il retient son souffle, et Louis comprend aussitôt qu'il est entrain d'avoir une autre contraction.

 

''-Tu peux le faire. Chuchote-t-il à son oreille en le serrant contre lui. Après tout ce que tu as vécu cette année, c'est pas un accouchement qui va te faire peur.''

 

Épuisé, Harry pousse de toutes ses forces. Il laisse passer un cri sanglotant, s'accroche désespérément à Louis qui continue de lui murmurer des paroles d'encouragement. Il ne se concentre que sur sa voix. Il n'entend plus que lui. Ni sa mère, ni l'orage qui gronde, il n'entend que Louis.

 

''-Ça y est! Le premier bébé est là!''

 

Il n'entend que son rire, se perd à sourire quand il se penche et l'entraîne avec lui pour prendre dans ses bras le bébé qu'Anne lui tend.

 

''-Harry.. C'est une fille. S'exclame Louis d'une voix larmoyante en lui tendant son bébé, sa toute petite fille.''

 

Il la regarde, voit ses yeux papillonner, sa bouche qui s'ouvre en grand juste avant que son premier cri de fasse écho dans la pièce. Un sourire, un soupir soulagé et inconscient lui échappe en écoutant son cri. Il le sent faire écho dans sa poitrine, sent son cœur qui se gonfle toujours plus d'amour pour ce petit être, ce petit ange qui a fait éruption dans sa vie quand il était plus bas que terre. 

 

En la regardant, Harry se sent comme un adolescent. L'adolescent qu'il était, avant que son passé vienne le frapper de plein fouet. Ça n'a plus d'importance maintenant. Maintenant qu'il peut tenir son bébé dans ses bras, embrasser ses petites mains, tout le reste, n'a plus aucune importance.

 

Mais trop brutalement, la réalité le rattrape quand une nouvelle contraction le prend au corps. Sans réfléchir, Louis lui reprend le bébé des bras, lui apporte toute son attention pendant qu'Anne dit à Harry de pousser. Il la regarde, sa toute petite fille. Il l'embrasse, la tient fermement contre son cœur pendant qu'à quelques centimètres, sa petite sœur est entrain de venir au monde.

 

Il ne lui faut que quelques minutes, pour la rejoindre, pour les rejoindre. Épuisé, Harry sent tous ses muscles se relâcher en entendant son bébé émettre son premier cri.

 

''-Tu as réussi Harry. S'exclame Anne en souriant, le regard voilé de larmes. Elles sont magnifiques...''

 

Soulagé, il ferme les yeux pour se reposer quelques secondes. Il veut juste se reposer quelques secondes.

 

''-Harry?''

 

Maintenant que ses bébés sont là, en bonne santé, il peut se reposer.

 

''-Harry! Ouvre les yeux!''

 

Il n'a plus aucune raison de se battre.

 

''-HARRY!''

 

 

Chapter 20: Chapitre 20

Chapter Text

 

 

''Les dégâts sont considérables. Depuis ce matin, des volontaires déblaient les rues pendant que les autorités continuent de rechercher les personnes disparues qui sont encore au nombre de 27 à l'heure où je vous parle. Les blessés sont transportés en hélicoptère dans les différents hôpitaux des comtés voisins selon la gravité de leurs blessures. Concernant les dégâts matériels la-''

 

Avec un soupir, Louis éteint la télévision de la chambre d'hôpital dans laquelle il attend depuis qu'il s'est réveillé il y a une heure, seul, et avec un bras dans le plâtre. Et qu'importe combien de fois il a demandé des nouvelles d'Harry, de ses bébés, il n'a eu aucune réponse. Il est seul depuis des heures, rongé par l'angoisse, l'incertitude.

 

Il devrait rester allongé, mais il en est incapable. Il tourne en rond dans sa chambre en traînant la perche de sa perfusion avec lui. Dehors, un grand soleil illumine le ciel dépourvu de nuage. Il ne sait pas où il est, dans quelle ville, mais il sait qu'il n'est plus dans la sienne. Il se demande si là bas aussi il fait soleil. Il se demande si le niveau de l'eau a baissé chez lui, où ils vont aller vivre en attendant que les dégâts soient réparés. Il se pose des tonnes de questions, les laisse affluer pour se détourner les idées de la seule question qui importe vraiment pour lui.

 

''-Monsieur Tomlinson?''

 

En sursaut, il se retourne pour tomber nez à nez avec une infirmière. Celle là même qui est déjà passée le voir trois fois depuis son réveil, et à qui il pose encore et toujours les même questions.

 

''-Est ce que je peux voir ma famille maintenant?''

 

Il s'attend à recevoir encore la même réponse que les fois précédentes. Mais au contraire, c'est avec un fin sourire que l'infirmière acquiesce et lui fait signe de la suivre dans le couloir. Impatient, il la suit, pendant qu'à quelques mètres, dans une autre chambre, Harry encaisse difficilement les paroles du Docteur Vargass.

 

Il l'écoute, hoche la tête de temps en temps sans jamais ouvrir la bouche. Il est incapable de mettre des mots sur ce qu'il ressent, de retenir les larmes qui roulent sur ses joues.

 

''-Est ce que ça va aller Harry? Lui demande le médecin avec sollicitude.

-Oui je.. Je crois.. Vous pouvez me laisser seul?''

 

Avec un sourire désolé, le Docteur Vargass acquiesce. Il s'éloigne du lit, ouvre la porte pour sortir de la chambre, et tombe nez à nez avec Louis.

 

''-Docteur Vargass? Qu'est ce que vous faites là?

-On m'a envoyé ici pendant la tempête.

-Quelle chance. S'exclame Louis avec un fin sourire. Vous avez vu Harry? Et les bébés? Est ce qu'ils vont bien?

-Tes bébés se portent à merveilles. Elles sont à la nurserie. Lui indique le médecin, mal à l'aise face au sourire franc qui se dessine sur son visage. Quant à Harry.. Reprend-il dans un soupir, effaçant doucement le sourire sur le visage de Louis.

-Quoi? Qu'est ce qu'il a? L'interrompt ce dernier.''

 

Avec un soupir, le Docteur Vargass l'entraîne un peu plus loin dans le couloir, loin de la foule qui défile en permanence depuis ce matin.

 

''-Harry était dans un sale état en arrivant. Je te rassure, il va bien maintenant. Rajoute-t-il en voyant Louis pâlir à vue d'œil. Mais il a fait une hémorragie importante et son utérus a subi des lésions.

-Que.. Qu'est ce que vous voulez dire?...''

 

Il le sait, il a compris. Pourtant, il ne peut s'y résoudre, sent chacune des larmes qui roulent sur ses joues.

 

''-Harry ne pourra plus jamais avoir d'enfants. Je suis désolé.''

 

Difficilement, Louis encaisse ces mots qu'il ne voulait pas entendre. Et sans laisser le temps au Docteur Vargass de lui donner des explications, il fait demi-tour pour rejoindre la chambre d'Harry à quelques pas.

 

Il n'hésite pas une seconde avant d'ouvrir la porte, traîne sa perfusion jusqu'à ce que le pied tape dans le lit sur lequel il se couche presque pour serrer Harry avec son bras valide. Sa gorge se noue, ses larmes brouillent toujours plus sa vision en le sentant refermer ses bras dans son dos, le serrer douloureusement contre lui.

 

Et pendant plusieurs minutes, ils ne disent rien. Ils pleurent ensemble ce cadeau du ciel qui vient de leur être arraché. Ils pleurent ces moments si particuliers qui ont disparu, et qu'ils ne vivront plus jamais.

 

 

***

 

 

''-Elles sont belles, tu trouves pas?

-Autant que leur maman.''

 

Avec tendresse, Louis dépose un baiser sur les lèvres d'Harry quand il relève la tête. Il embrasse son sourire, ne peut se retenir de rire quand une des jumelles se met à babiller entre eux.

 

Après ce qu'il leur a semblé une éternité, ils ont finalement pu faire la connaissance de leurs bébés. Ils ont finalement pu avoir des nouvelles de leurs proches. Des triplés qui sont restés avec Zayn et Niall dans le grenier pendant la tempête, de Gemma qui avait trouvé refuge dans une des tours de la gare avec d'autres personnes. Ils ont eu des nouvelles de la mère d'Harry, qui est passée le voir avant de rejoindre les triplés à sa demande, et qui lui a appris qu'Ava et les autres pensionnaires du Sacré Cœur allaient bien, malgré les dégâts qu'a subit la pension.

 

Et maintenant qu'il sait que tous les gens qu'il aime vont bien, Louis peut enfin profiter du bonheur d'être seul avec l'homme qu'il aime et leurs bébés. Il peut profiter de ce moment paisible, des rayons de soleil qui passent par la fenêtre et s'écrasent sur sa peau pour le réchauffer agréablement.

 

Mais inévitablement, ce moment prend fin quand quelques petits coups sont toqués à la porte de la chambre. Sans perdre son sourire, Louis se tourne pour la voir s'ouvrir doucement, et voir sa belle-mère entrer avec sa fille dans les bras.

 

''-Est ce qu'on peut venir maintenant? Leur demande-t-elle avec un sourire maladroit qui les fait doucement rire.

-Vous pouvez venir. Lui confirme Harry avec un doux sourire qui déteint sur le visage de sa mère.

-Tant mieux. Parce que j'ai un petit quelque chose pour toi.''

 

Avant qu'il ne puisse lui demander de quoi elle parle, Anne se décale pour laisser entrer tous ceux qui attendaient derrière la porte depuis trop longtemps déjà. En tête de fil, Gemma qui avance jusqu'à lui avec un gâteau acheté au supermarché entre les mains. Et sur ce gâteau, une petite bougie qui crépite à chacun de ses pas, à chaque brin d'air qui la heurte pendant que Gemma et les autres entonnent un joyeux anniversaire à voix basses.

 

Et même s'il est heureux, Harry ne peut retenir ses larmes. Elles lui échappent, et lui, sourit. Il sourit comme un bienheureux, souffle la bougie quand Gemma est face à lui. Il sourit, se laisse étreindre par tout le monde avant que l'attention dérive sur les jumelles qui reposent paisiblement dans ses bras.

 

''-Elles sont magnifiques mon cœur. S'exclame Anne en déposant un baiser sur le front de son fils.

-Ça on s'en doutait. Intervient Gemma. Ils font que des beaux bébés. Ce qu'on veut savoir, c'est comment elles s'appellent.''

 

En entendant les paroles de sa sœur, Harry a un pincement au cœur en se disant qu'il ne fera plus jamais de bébés. C'est terminé. Pendant une seconde, il sent les larmes noyer son regard avant de se reprendre, et d'afficher un doux sourire pour sa sœur.

 

''-On a Emma. Lui répond-il en désignant le bébé au bonnet rose. Et Alice. Puis, en pointant celle au bonnet blanc.

-Cinq gosses, et vous avez pas deux fois les mêmes initiales. Vous faites fort. Réplique-t-elle, recevant de légers rires en retour.

-Ne l'écoute pas. Rit Anne. Ce sont de très beaux prénoms.''

 

Pendant qu'ils mangent le gâteau, discutent de la tempête, le regard de Louis s'égare vers la porte restée ouverte, sur le couloir, où se tient Carlos.

 

Discrètement, il se lève, traîne sa perfusion hors de la chambre, jusqu'au trentenaire qui lui adresse un fin sourire.

 

''-Qu'est ce que tu fais là?

-Je ne vais pas rester. Lui répond aussitôt Carlos en lui tendant le petit paquet qu'il tient en main. Je voulais.. Soupir. Je voulais être sûr que tout le monde allait bien.

-Pourquoi tu ne viens pas voir par toi même?''

 

Surpris, Carlos se demande s'il a bien entendu. Il voit à peine le fin sourire sur le visage de Louis avant qu'il ne fasse demi-tour pour retourner dans la chambre. Et c'est plus nerveux qu'il ne l'a jamais été qu'il le suit en serrant entre ses doigts la petite lanière colorée du paquet qu'il tient encore.

 

Il ne se sent pas à sa place en entrant dans la chambre, en découvrant les sourires qui vivent sur chaque visage, et pourtant, il ne voudrait être nul part ailleurs. En découvrant le sourire plein de joie qui illumine le visage de son fils, il se sent comblé, entier.

 

Il y a quelques mois, à chaque fois qu'il croisait son regard, il ne voyait que de la haine, un dégoût viscérale, mais aujourd'hui, quand il le regarde, il ne voit rien de tout ça. Il n'y a plus rien dans le regard de son fils, qu'une profonde reconnaissance.

 

''-Dites.. Lance soudain ce dernier à l'intention des personnes présentes. Vous voulez bien nous laissez? Quelques minutes?''

 

Pendant quelques secondes, personne ne sait quoi dire, comment réagir. Ils regardent tous Harry, cet homme qui se tient dans l'entrée et qu'ils connaissent tous. Ils regardent cet homme qui a sorti son fils de la drogue, qui l'a défendu. Cet homme qui a aidé Louis pendant la tempête, qui a pris soin des triplés dans le grenier. Cet homme qu'ils ont tous méprisé un jour, aujourd'hui, ils le remercient. Sans un mot, en sortant un à un de la chambre, ils le remercient.

 

Louis est le dernier à sortir. Avec un fin sourire, un hochement de tête entendu, il referme la porte, laisse Carlos seul avec Harry et leurs bébés.

 

''-Louis m'a dit ce que tu as fait pendant la tempête. S'exclame ce dernier. Niall et Zayn aussi. Je voulais te remercier.

-Tu n'as pas à le faire. Lui répond aussitôt Carlos en avançant doucement jusqu'au lit.

-Si. Insiste Harry. T'as risqué ta vie pour que Louis assiste à la naissance de ses filles. Ça mérite au moins un merci.''

 

Avec un rire soufflé, un fin sourire, Carlos capitule. Il se perd dans les yeux pâles de son fils, dans son sourire serein. Mais brusquement, son attention est détournée quand un des bébé se met à geindre. Et c'est fasciné qu'il regarde Harry la bercer doucement, la calmer comme si c'était la chose la plus naturelle du monde.

 

Pendant quelques secondes, il regarde les bébés, sent son cœur se serrer en voyant le visage de son fils le jour de sa naissance. Un visage qu'il avait fini par oublier, et qui revient le heurter de plein fouet.

 

''-Est ce que tu veux en prendre une dans tes bras?

-Hein?''

 

Un sourire franc se glisse sur les lèvres d'Harry en voyant la stupéfaction dans le regard de son ancien éducateur. Et tout en baissant distraitement les yeux sur ses bébés, il lui repose la question.

 

''-Est ce que tu veux en prendre une dans tes bras?

-Tu es sûr? Je.. J'ai pas vraiment l'habitude des bébés..

-Bien sûr. Rit doucement Harry en lui faisant signe qu'il peut y aller. Ce qu'il faut c'est faire attention à sa tête.''

 

Tout en l'écoutant, Carlos pose son paquet sur le lit et prend dans ses bras une des jumelles. Son cœur s'accélère un peu plus à chacun de ses gestes maladroits. Il pourrait imploser quand il la sent contre son torse, qu'il se laisse enivrer par sa douce odeur.

 

''-Elle est.. Elle est magnifique..

-Elle s'appelle Alice. Lui répond Harry sans le quitter du regard. Sa petite sœur s'appelle Emma.''

 

Pendant un instant, Carlos se demande si tout ça est bien réel. S'il est vraiment dans cette chambre avec son fils, et deux de ses petites-filles. Il se demande comment il en est arrivé là, remercie le ciel pour ce cadeau qu'il ne mérite pas.

 

''-Je.. Je me disais..''

 

Arraché à ses pensées par la voix de son fils, il relève les yeux pour le voir détourner les siens, gêné.

 

''-Oui?

-Je me disais que la prochaine fois que tu verras Ava je.. J'aimerais bien, m'asseoir avec vous plutôt que de... D'attendre dans un coin..

-T-Tu es sérieux? Bien sûr, j'en serai ravi. Lui répond avec enthousiasme Carlos.''

 

Avec un sourire qui n'échappe pas à Harry. Il le regarde, et il réalise soudain, que cet homme qui le terrifiait tant il y a encore quelques mois, a totalement disparu. Il n'existe plus. Il a laissé sa place à un homme qui depuis qu'il est revenu dans sa vie, l'a aidé, l'a soutenu et l'a défendu, comme seul un père peut le faire.

 

''-Tu sais Harry.. Reprend-il en baissant inconsciemment les yeux sur le bébé dans ses bras. Même si je ne pourrai jamais rattraper tout ce que j'ai fait... Je suis heureux avec la relation qu'on a aujourd'hui.. Et je sais que je te l'ai déjà dit mais... Je suis vraiment, vraiment, fier de l'homme que tu es devenu.''

 

En relevant les yeux, il se heurte aux larmes qui ont pris vie dans le regard de son fils. Ce dernier hoche la tête, assimile ces quelques paroles qui pèsent bien trop lourd sur son cœur. Et pour la première fois de sa vie, il a besoin d'une chose que seul Carlos peut lui donner. Une chose, qu'il ne s'imaginait jamais lui demander.

 

''-Tu veux bien me prendre dans tes bras?...''

 

S'il est l'homme qu'il est aujourd'hui, c'est aussi grâce à Carlos. S'il n'avait pas été là pour lui au centre de désintoxication, Harry ignore où il serait aujourd'hui. Est ce que ses bébés auraient tenu le choc? Est ce qu'il s'en serait sorti tout seul? Est ce qu'il aurait replongé? Il l'ignore. Mais ce qu'il sait, c'est que c'est cet homme face à lui qui a empêché toutes ces choses. Cet homme qu'il a voulu tuer de ses mains, et à qui il s'accroche aujourd'hui comme une bouée de sauvetage.

 

Il ne parvient pas à retenir ses larmes quand Carlos se penche pour le serrer contre lui. Quand il glisse sa main à l'arrière de son crâne, le laisse reposer sa tête contre son épaule. Dans cette étreinte nouvelle, il se sent bien, à sa place.

 

''-Merci pour tout...''

 

Avec un fin sourire, une unique larme que personne ne verra jamais, Carlos se penche pour déposer un baiser sur les cheveux de son fils.

 

''-Je t'en prie.''

 

 

Chapter 21: Epilogue

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''-Tu es sûr de toi?

-Vas-y.

-T'es vraiment sûr? Tu pourras plus faire marche arrière après.

-Je suis sûr. Coupe.''

 

Avec un soupir, Gemma brosse les cheveux humides de son petit frère. Elle les attache avec un élastique, le resserre jusqu'à la base de son crâne.

 

''-T'es sûr que tu vas pas le regretter? Insiste-t-elle encore une fois. C'est radical. On peut couper moins court si tu veux.

-Je suis sûr de moi Gem'. Lui répond-il en riant. En fait, j'en ai besoin. Précise-t-il en accrochant son regard par le biais du miroir devant lequel il est assis.''

 

Un sourire se glisse sur son visage en voyant celui maladroit que lui offre sa sœur juste avant de baisser les yeux sur ses cheveux longs. Et c'est impatient, fébrile qu'il la regarde récupérer les ciseaux posés devant lui. Il sent un second souffle, un trop plein d'oxygène envahir ses poumons quand elle met un premier coup de ciseaux dans ses cheveux. Il sent les lames frôler sa nuque, visualise leur chemin le long de l'élastique qui retient ses boucles brunes.

 

C'est fini. Après 6 ans à porter les cheveux longs, Harry a pris la décision radicale de s'en séparer. Quand il regarde son reflet, il continue de voir l'adolescent qu'il a été. Il ne l'est plus. Il n'est plus un adolescent traumatisé par son passé. Aujourd'hui, Harry aime à penser que c'est ce passé qui a fait l'homme qu'il est. Il a vécu des moments difficiles. Il est tombé plus bas que terre, a su se relever encore et encore. Et il en est fier.

 

Il est fier d'avoir réussi à s'en sortir. Il est fier de pouvoir dire qu'il est clean depuis plus d'un an. Oui, il est fier quand il pense à ses enfants, à Louis. Quand il pense à ses sœurs, à sa mère, à tous ceux qui l'ont soutenu à bout de bras quand il ne pouvait plus avancer. Il est reconnaissant, fier, du chemin qu'il a parcouru.

 

Un chemin qu'il revoit, qu'il revit à chaque fois qu'il croise son reflet. Et aujourd'hui, il a pris la décision de vivre dans le présent, dans l'avenir. Et même s'il a conscience que c'est étrange, pour lui, la première étape de ce nouveau chemin, est de se séparer de ses cheveux longs.

 

''-Et voilà! S'exclame Gemma en lui tendant l'amas de cheveux retenu par l'élastique.

-Ça fait beaucoup de cheveux! Rit Harry en les étalant sur son bras pour mieux constater qu'ils vont de son coude au bout de ses doigts.

-On a pas encore fini.''

 

Il le sait, et pourtant, Harry se sent déjà plus léger. Il sourit comme un idiot en regardant son reflet, en sentant le bout de ses cheveux chatouiller son nez et ses joues.

 

''-Tu fais quoi si les petits réagissent mal à ta nouvelle coupe?

-C'est pas eux qui vont mal réagir. Rit-il en inclinant la tête quand elle l'incite à le faire.

-Louis?

-C'est certain.''

 

Si il y a bien quelqu'un qui tient à ses cheveux longs, c'est Louis. C'est lui qui l'a convaincu de les garder toutes ces années. Et même si Harry se doute que ça va être un choc pour lui, il sait aussi qu'il comprendra.

 

Toutes ces années, depuis le jour où il a appris qu'il serait père, Louis est resté à ses côtés. Il est resté avec lui à la pension au risque de se faire expulser. Il est resté avec lui quand il gobait des pilules comme des vitamines. Il est resté avec lui quand il était plus bas que terre. Il a tout affronté avec lui, de son passé à une tempête, en passant par deux grossesses. Et pour ça, non seulement Harry est reconnaissant, mais il sait aussi, que Louis comprendra sa décision. Il le sait, parce que c'est ce qu'il a toujours fait. Louis l'a toujours compris, mieux que personne. Mieux que lui même.

 

Quand ils se sont connu, Louis n'était rien de plus que le capitaine sexy de l'équipe de football pour lui. Il était juste un garçon qu'il prenait plaisir à regarder. Un garçon comme un autre perdu au milieu de la foule. Un garçon qui ne s'intéresserait jamais à lui. Il avait tord.

 

Depuis des années, depuis le jour où il lui a demandé d'ignorer sa grossesse, Harry sait qu'il a tord. Louis n'a jamais été un garçon comme un autre. Un garçon comme les autres aurait sauvé sa peau et l'aurait laissé se démerder seul avec sa grossesse. Un garçon comme les autres aurait rejoint sa famille à la fin du lycée. Un garçon comme les autres l'aurait laissé tomber quand il a commencé à prendre des amphétamines. Mais Louis, n'est pas, et il ne sera jamais un garçon comme un autre.

 

Au milieu de la foule, il a su le voir, il a su l'aimer. Il a affronté son passé et tout ce qu'il est. Il l'a guidé sur ce chemin tortueux comme un ange descendu du ciel pour lui, rien que pour lui. Un ange, qui a su transformer son enfer en paradis.

 

''-Je vais lui demander de m'épouser.

-Hein?! Putain Harry balance pas des bombes comme ça quand j'ai des ciseaux dans les mains! T'es sérieux là?!''

 

Harry acquiesce en riant, s'amuse face à l'air éberlué qui ne quitte plus le visage de sa sœur aînée.

 

''-Je le suis.''

 

Jamais il n'a été plus sérieux, plus sûr de ses choix qu'il l'est maintenant. Il va épouser Louis. Il va passer le reste de sa vie à l'aimer, à le chérir. Cet ange qui a déboulé, tout chamboulé dans sa vie, il veut en prendre soin comme il l'a pris soin de lui toutes ces années. Il veut lui rendre ce qu'il lui a donné. Et pour le reste de leur vie, c'est exactement ce qu'il fera.

 

 

 

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