Chapter Text
Le chant bruyant des cigales réveilla doucement Tintin. Il ouvrit péniblement les yeux, le soleil l'éblouissait. Il se leva pataudement, l'esprit embué. Il était terriblement fatigué. Lui et le Capitaine Haddock avaient passé les trois derniers jours à tracker une bande de voyous se livrant à une contrebande de tabac et d'alcool. Ils les avaient suivit jusque dans le sud de la France pour les coincer finalement au beau milieu de la Provence. L'aventure terminée, les deux amis avaient décidé de rester quelques jours dans cette région dont ils étaient tombé sous le charme. Le Capitaine Haddock avait déboursé une somme monumentale dans la location d'une maison de campagne de grand luxe. Tintin l'avait réprimandé de cette dépense qu'il jugeait inutile, ils n'avaient pas besoin de tant d'apparat pour se reposer.
Le rouquin attrapa sa montre. Dix-sept heure seize. Il s'était assoupit tant de temps... Tintin n'aimait pas dormir, il avait l'impression de perdre son temps. Et faire la sieste était encore pire ! Mais, il fallait avouer qu'il en avait eu besoin après ce week-end mouvementé. Le reporter enfila son marcel et sortit par le balcon. La villa était belle. Ses pierres blanches lui donnaient un charme et une prestance incroyable. La maison était sur deux étages et une grande piscine s'étalait devant elle. Plus loin, dans le jardin, s'étendait un verger remplit de citronniers. Les lieux étaient magnifiques et apaisants. Le soleil rayonnait toujours, même à l'heure avancée de l'après-midi. Une brise légère faisait danser les cheveux roux du reporter, rafraîchissant l'atmosphère. Tintin s'étira les bras et inspira une bonne bouffée d'air. Il aimait l'été. Alors qu'il allait se retourner pour rejoindre le salon, Tintin discerna une ombre cachée sous un des arbres du verger. C'était son Capitaine. Le rouquin plissa les yeux pour mieux l'apercevoir puis se retourna avec empressement. Il allait le rejoindre. Il n'aimait pas être seul.
Les marches du hall descendues, Tintin longea la piscine carrelée et atteint le jardin. Il s'avança doucement dans l'herbe sèche, les mains dans les poches. La silhouette de son ami se faisait de plus en plus nette. Lorsque le rouquin fut à quelques mètres du Capitaine Haddock, il s'arrêta net.
Archibald était assis sur une chaise de jardin en osier. Sur la table, à sa droite, trônait une cruche à moitié garnie de limonade accompagnée de deux verres : l'un entamé, l'autre vide. Dans les mains du marin, un livre était ouvert. Il lisait paisiblement, souriant. Les rides du front du Capitaine avaient disparues, laissant place à un visage serein. Une petite feuille verte s'était déposée dans sa chevelure, décrochant un rictus à Tintin lorsqu'il l'aperçu. Le reporter s'approcha d'un pas, s'assurant que son ami ne le remarque. Il n'avait pas l'habitude de le voir si calme.
Quelques fleurs bleues parsemaient l'herbe sous les pieds d'Archibald et une poignée de citrons jaune prenaient le soleil dans l'arbre derrière lui. La scène semblait sortie tout droit d'un tableau.
Haddock posa son livre sur ses genoux et attrapa le verre de limonade à moitié plein. La pomme d'Adam prononcée du marin dansa de haut en bas alors qu'il but une gorgée. Tintin, déglutissant, l'observait les yeux ronds. Il scrutait tout. Ses magnifiques cheveux noir de jais flottants avec la brise, ses mains endurcies par le temps, son maillot de corps à manche courte, sculptant son torse...
Tintin sentit ses joues s'échauffer, il détourna le regard. Il ne fallait pas qu'il observe trop longtemps son Capitaine... Il se décida finalement à rejoindre son ami et marcha prudemment vers lui. Le bruit de l'herbe froissée sous ses pieds firent relever la tête du Capitaine Haddock. De son coude, il prit appuis sur la table et sourit au rouquin.
- Tintin ! Vous êtes levé, dit-il simplement.
Le reporter ne su quoi répondre. L'intonation du Capitaine était d'une douceur qu'il n'entendait que rarement. Son ton habituellement bourru et lourd n'était plus que tendresse. Sa voix était profonde et rauque. Un frisson parcouru l'échine de Tintin.
- Vous dormiez si paisiblement, je n'ai pas osé vous réveiller, continua le vieux loup de mer. Mais je vous ait gardé un peu de citronnade !
Haddock désigna la cruche des yeux et sourit tendrement au reporter. Les petites fossettes dissimulées du brun pointèrent le bout de leur nez. Elles n'apparaissent seulement lorsque le marin souriait sincèrement et Tintin ne les avaient observées que lorsque son ami lui offrait un rictus à lui et à lui seul. Les joues du rouquin rosirent, ces petits creux offraient un charme incontestable au visage du quadragénaire. Archibald était beau, terriblement beau.
- Tintin ? Est-ce que vous allez bien ? S'inquiéter Haddock du silence de son ami pourtant habituellement si bavard.
Le rouquin était paralysé, incapable de bouger. Il se tenait droit comme un piquet et avait du mal à respirer.
- Avez-vous trop chaud ? Peut-être devrions-nous rentrer ?
Ce n'était pas la chaleur qui troublait tant le reporter. C'était l'homme qui se trouvait en face de lui. Ses traits du visage, son corps, ses mimiques, avaient le don de rendre fou Tintin. À l'observer trop longtemps de la sorte, il allait finir pas perdre la tête !
Tracassé par le mutisme de son ami, le Capitaine se leva et posa une main sur son épaule. Il souffla :
- Que vous arrive-t-il Tintin ?
Tintin déglutit au contact de l'autre homme. Son torse, moulé dans le tissu, était si proche de lui... Il leva les yeux pour éviter un rougissement évident mais rencontra le regard perçant de son ami. Ses yeux, d'un noir profond, l'examinait. Les yeux du Capitaine... ils étaient déstabilisants ! Noirs comme le néant, Tintin avait l'impression d'y plonger la tête la première.
- Mille sabords ! Vous êtes brûlant ! S'écria le marin, déposant ses doigts sur la joue du roux.
La main déposée si tendrement sur le visage de Tintin fut la goutte de trop. Il attrapa les joues de son Capitaine et colla brutalement ses lèvres aux siennes.
- Hmmfff ! Bredouilla la brun alors que son ami prenait d'assaut sa bouche.
Quelques secondes s'écoulèrent tandis que les deux hommes ne bougeaient d'un poil. Mais soudain, Tintin sentit l'une des mains du Capitaine glisser vers sa nuque et l'autre agripper délicatement sa hanche. Les lèvres d'Archibald bougeaient doucement, intensifiant le baiser. Le rouquin avait lui aussi déplacé ses doigts qui couraient désormais dans la chevelure de l'autre homme. Son corps se mouvait de lui-même. L'esprit fiévreux, il ne contrôlait plus rien. Tintin n'avait jamais embrassé personne, pas même une fille lors de ses années d'études. Et voilà que du haut de ses vingt-huit ans, il offrait un baiser langoureux à son ami le plus cher ! Mais que faisait-il au juste ?!
Le reporter, revenu à la raison, poussa de ses deux bras le torse du marin, s'extirpant de l'étreinte. Les yeux des deux amis se rencontrèrent à nouveau : ceux du Capitaine indescriptibles et ceux du rouquin emplit de peur.
- Tintin... murmura Archibald.
- Je... je... bégaya le jeune homme. Mais il n'eut pas le temps de finir sa phrase qu'il s'élançait déjà vers la maison.
- Tintin... A... Attendez ! S'écria le Capitaine Haddock mais le reporter était déjà trop loin.
Tintin longea de nouveau la piscine et monta les marches du hall. Habituellement dégourdi, il manqua de tomber plusieurs fois, cette fois-ci. La porte de sa chambre attribuée claqua derrière lui et il se laissa tomber, son dos cognant le mur. Le rouquin était perdu, son regard divaguait dans le vide. Il entendit des pas pressés s'approcher, c'était ceux du Capitaine.
- Tintin ! Tintin, ouvrez-moi ! Cria Haddock derrière la chambre.
Le jeune homme sentit les larmes monter.
- Tintin... je vous en prit, ouvrez !
- Laissez-moi Capitaine... par pitié... sanglota le reporter.
Il entendit son ami soupirer et ses pas qui s'en allaient. Tintin pleurait à chaude larmes, la tête dans les genoux. Il se sentait pitoyable. Qu'avait-il fait ?! Il venait de ruiner leur amitié simplement parce qu'il aimait un homme en secret. Tintin était parfaitement conscient que ce genre de relation n'était pas acceptable dans la société dans laquelle il vivait... il aurait dû enfouir d'avantages les sentiments qu'il éprouvait à l'égard du Capitaine. Et Archibald, qu'allait-il en penser ? Aimer un homme était déjà impensable mais aimer un ami était épouvantable ! Il n'aurait plus jamais confiance en lui, peut-être même qu'il voudrait mettre un terme à leur amitié ou pire encore, le renvoyer de Moulinsart... Les pensées s'emmêlaient, Tintin avait la tête qui tournait, il voyait trouble. Il avait honte, il avait mal, il se trouvait lamentable. Le reporter essayait de retenir ses larmes mais la douleur était trop poignante. Qu'allait-il faire...?
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Un petit tapotement éveilla Tintin. Il s'était assoupit contre le mur, à force de sangloter. Il se releva difficilement, chancelant.
- Tintin... je sais que vous n'êtes pas au meilleur de votre forme mais... je... j'aimerais que nous dînions ensemble, murmura faiblement le Capitaine Haddock de l'autre côté de la porte.
Le rouquin colla sa tête contre le mur, écoutant attentivement. Il ne voulait pas que son ami le voit de la sorte mais... il ne pouvait pas rester enfermé dans cette chambre éternellement.
- Je vous en supplie...
- Je... je vais vous rejoindre. Donnez-moi une minute Capitaine, balbutia Tintin.
Le jeune homme chancela jusqu'à la commode et y sortit l'unique vêtement qui s'y trouvait. Il enfila sa chemise et regarda sa montre. Dix-neuf heure cinquante trois. Il venait de gâcher une journée entière... Tintin reprit sa respiration et d'un pas décidé, il sortit enfin de la pièce.
Archibald , ayant revêtit sa veste noire au dessus de son maillot blanc, l'attendait sur la terrasse en pierre. Une table pour deux y était dressée. Deux assiettes garnies d'un morceau de viande et de légumes décoraient la table. Deux verres de vin rouge était également servit et de petites bougies illuminaient la table. Une corbeille de citrons accompagnait le tout. Tintin s'approcha timidement, se triturant les mains. Il ne savait pas comment agir.
- Bonsoir, Tintin, sourit Haddock avec gêne.
- Bon... bonsoir.
Le Capitaine tira une des chaises et invita le reporter à s'y assoir. Tintin s'installa nerveusement.
- J'ai demandé à la domestique de nous préparer un bon repas. J'espère... j'espère qu'il vous convient, annonça le marin.
Le rouquin hocha la tête, incapable de prononcer un mot.
- J'ai... j'ai également cueillit ça, pour vous, souffla Archibald en poussant légèrement la corbeille de fruits.
Tintin fixa les citrons, il n'osait pas regarder son Capitaine dans les yeux.
- Je... ce n'est pas grand chose, j'en suis conscient mais... je pensais que ça vous ferait plaisir, avoua le brun.
Il fit une petite pause.
- Enfin... après tout, ce ne sont que des citrons. Qu'est-ce que vous allez en faire, c'est vrai ? Ce... ce n'était peut-être pas une si bonne idée finalement... marmonna le marin.
- Merci Capitaine. C'est un beau cadeau, le rassura Tintin, les yeux toujours rivés sur les fruits jaunes.
Archibald sourit. Il prit ses couverts et annonça :
- Bon, eh bien... bon appétit !
Le reporter imita l'homme qui lui faisait face et entama machinalement son assiette. Les deux amis mangeaient sans bruit, gênés et un peu perdus. Mais Tintin n'en pu plus. Il posa brutalement ses couverts et s'écria :
- N'allons-nous donc pas aborder le sujet ?!
- Hum... eh bien, je comptais attendre le dessert, mais puisque vous êtes si pressé... balbutia Haddock.
Tintin ne le laissa pas finir. Il enfouit sa tête dans ses mains, les coudes sur la table.
- S'il vous plaît... pouvons-nous oublier cette histoire ? Faire comme si rien ne s'était passé, je ne sais pas... Je ne supporterais pas que notre relation change par ma faute...
- Tintin, coupa le plus vieux. Cessez donc de dire des sottises et regardez-moi.
Le reporter hésita.
- S'il vous plaît, regardez-moi, supplia le marin.
- Très bien..., soupira le rouquin.
Il laissa retomber ses bras le long de la table et leva craintivement le regard vers son ami. Les yeux noirs comme l'obsidienne le transpercèrent. Haddock le regardait avec passion.
- Je ne peux pas oublier ce que vous avez fait, je ne veux pas l'oublier, murmura le Capitaine en insistant sur le "veux".
Tintin leva un sourcil d'incompréhension. Archibald prit doucement la main du reporter et déposa un baiser sur sa paume.
- Mais... mais que faites-vous ?! Paniqua le jeune homme.
- Je... vous ouvre mon cœur. Comme vous l'avez fait au verger.
Les joues de Tintin se teintèrent d'une belle couleur carmin.
- Capitaine... Comment... Comment pouvez-vous être aussi calme face à cette situation ? Demanda le reporter, incrédule.
- Parce qu'avec vous tout est plus simple, mon cher Tintin, répondit le brun en donnant un deuxième baiser sur la main du plus jeune.
Le visage du rouquin rougit de plus belle. Il n'avait jamais vu son Capitaine aussi sûr de lui. Les petites flammes des bougies dansaient dans ses yeux sombres. Tintin avait une terrible envie de déposer un nouveau baiser sur les lèvres de l'autre homme. Le reporter prit son courage à deux mains. Si le Capitaine Haddock était prêt à l'aimer, alors il devait lui aussi faire quelques efforts. Il se leva doucement et rejoignit le marin de l'autre côté de la table. Il encadra le visage barbu et scella leur lèvres d'un geste fluide. Le baiser était doux, il avait le goût du vin. Les deux hommes se laissèrent aller davantage, désormais conscients de leurs sentiments partagés. Leurs bouches dansaient ensemble au rythme du chant des grillons. Leurs mains caressaient les cheveux et le corps de l'autre avec tendresse. Ils avaient attendus ce moment depuis si longtemps.
Alors qu'ils se détachèrent, Tintin murmura :
- Capitaine...
- Non, ne soyez plus si formel..., interrompit Haddock, les yeux à moitié fermés.
Le plus jeune sourit timidement. Caressant la joue de son Capitaine, il souffla enfin :
- Je vous aime, Archibald.
- Je vous aime aussi, Tintin, répondit le marin, les pommettes pourpres.
Les deux hommes s'embrassèrent à nouveau tendrement. C'était un baiser remplit de promesses et de douceur. Cette fois-ci, ils étaient prêts à laisser parler leur cœur. Finalement, ce n'était pas une si mauvaise journée, après tout.