Chapter Text
Yuya était à terre. Plus précisément, un adulte venait de l'y pousser. Et avant qu'il ne puisse se relever, cet adulte le maintint au sol et commença à le frapper. Encore et encore, le tabassant.
« -Papa, pleura Yuya. Arrête !
-Démon ! l'ignora son père.
-Papa, ça fait mal. Papa, pitié...
-Tu n'es pas mon fils ! Tu es horrible. »
Il s'arrêta de le frapper, alors que ses mots résonnaient dans l'esprit de Yuya. Leurs yeux se croisèrent, et ce que Yuya y vit le terrorisa : un mélange de colère, de dégoût et de rage le dévisageait, l'effrayait, le faisait se sentir comme s'il était effectivement horrible. Ce moment sembla durer une éternité pour Yuya, une éternité à subir ce regard qui le faisait souhaiter de disparaître, puis il entendit la voix de sa mère.
« -YUYA ! Léo, qu'est-ce que tu as fait ? »
Ce fut la dernière chose que Yuya entendit avant de perdre connaissance.
Lorsqu'il ouvrit les yeux de nouveau, tout était flou. Tout était confus autour de lui, il entendait des voix mais sans comprendre ce qu'il disait.
« -C'est horrible ce qu'il lui est arrivé...et il a qu
el âge ?
-Six ans.
-Bon sang, si jeune...
-Attends, je crois...il se réveille ! »
La vision de Yuya se précisait alors qu'il commençait à voir clairement les visages de ceux qui le dévisageaient, mais il était encore confus.
« Où suis-je ? » pensa-t-il, mais il ne parvint pas à le demander à haute voix.
« -Va chercher le docteur ! » ordonna l'une des deux voix à l'autre, qui s'exécuta.
Puis, s'adressant à Yuya, il dit :
« -Monsieur Akaba, comment vous sentez-vous ? »
Mais Yuya ne pouvait pas répondre. Il ne comprenait même pas la question, et n'était pas sûr qu'on s'adressait à lui.
« Monsieur Akaba...c'est Papa...pas moi... »
Les jours suivant, Yuya avait été entouré d'inconnus. Il avait peur, ces gens disaient vouloir son bien mais il ne leur faisait pas confiance. Ils ne le laissaient même pas sortir de son lit. Ils refusaient de lui expliquer pourquoi il n'avait pas le droit, parce qu'il était trop jeune pour comprendre, ce qui devait être vrai puisque même ça il ne le comprenait pas. Le premier jour, après avoir pleinement regagné conscience, il avait crié et pleuré qu'il voulait voir ses parents, sa Maman et son...Papa.
Et alors les souvenirs lui étaient revenus.
« Démon. »
« Tu n'es pas mon fils. »
Et alors il s'était écroulé, de peur, de fatigue et de tristesse, et s'était mis à pleurer. Il avait pleuré jusqu'à ce qu'elles se tarissent, et même alors il avait continué à gémir pendant il ne savait combien de temps. Quand enfin ses gémissements cessèrent, il s'était simplement posé dans le lit et avait arrêté toute action. Les yeux dans le vide, il ne faisait pas vraiment attention à ce qui se passait autour de lui. Il ne bougeait pas, c'est tout.
Il se couchait tôt et se levait tôt, et ses journées consistaient à rester dans son lit sans rien faire, toujours les yeux dans le vide, à ignorer ceux qui lui parlaient – même pas volontairement, il se sentait simplement incapable de prêter attention à ce qu'ils disaient – et à manger rapidement la moitié du plateau repas qu'on lui apportait, en saisissant la nourriture et en la portant à sa bouche mécaniquement avec ses mains. Et les journées s'enchaînèrent, et Yuya perdait toute notion du temps.
Jusqu'à ce que quelqu'un vienne l'arracher à son mutisme : un jour où il ne l'attendait plus, la porte de sa chambre d'ouvrit et sa mère se trouvait dans l'entrée. Pour la première fois depuis son arrivée à l'hôpital, Yuya réagit : sa lèvre trembla, il essayait difficilement de parler.
« -Maman... »
Himika se jeta sur lui et l'enlaça dans ses bras. D'abord choqué, Yuya lui rendit rapidement son étreinte. Il sentit ses épaules êtres mouillées, et il vit les larmes de sa mère lui couler dessus.
« -Tu verras Yuya, lui murmura sa mère, tout va bien se passer maintenant. »
Mais Yuya n'arrivait pas à croire ses mots.
Yuya sortit de l'hôpital très rapidement après ça. Être séparé de sa mère le faisait pleurer et crier, alors c'était peut-être pour ça qu'ils ne l'avaient pas gardé, mais toujours est-il qu'il était rapidement revenu à la LDS. Chez lui. Dans la voiture, sa mère lui tenait fermement sa main, et il ne souhaitait pas qu'elle le lâche. Un frisson le parcourut lorsqu'il vit tant de gens devant la LDS, avec des caméras et des appareils photos, mais la voiture les dépassa et rentra dans le parking intérieur de la LDS.
Il monta dans l'ascenseur qu'il avait pris mille fois, mais cette fois avec une boule au ventre qui le tenaillait. Il espérait que l'ascenseur n'arriverait jamais à destination. Il ne fut pas exaucé. Ainsi, lorsqu'ils arrivèrent à l'étage souhaité, Himika ouvrit la porte de la chambre de Yuya et le garçonnet, tremblant, mit le pied dedans. C'était étrange : il reconnaissait la pièce mais elle lui semblait totalement étrangère. Il y avait beaucoup de souvenirs, mais il ne parvenait pas à se convaincre qu'ils étaient réels. Tout lui semblait faux. En avançant un peu plus, il vit un deck pour faire des duels sur sa table de chevet. Son deck.
« Papa, plus tard, je veux être duelliste comme toi ! »
Il trembla, s'agita, puis d'un coup brusque, fit tomber le deck de la table, dispersant les cartes à travers la chambre. Puis il tomba à genoux et cria. Rapidement, sa mère plongea sur lui et l'enlaça.
« -Chut, Yuya, chut. Tout va bien, je suis là. »
L'enfant obtempéra.
« -Tu dois être fatigué après toutes ces émotions. Tu devrais aller au lit. »
Yuya ne se sentait pas spécialement fatigué, il avait l'impression qu'il avait passé son temps à dormir à l'hôpital, mais il ne se voyait pas désobéir à sa mère et n'avait aucune envie de faire autre chose de toute façon. Mais il agrippa sa main, faiblement, et lui demanda :
« -Tu...tu veux bien dormir avec moi ? Je ne veux pas être seul... »
Himika fut d'abord surprise, puis elle lui sourit.
« -Bien sûr Yuya. »
Ils entrèrent tous les deux dans le lit, qui avait toujours été très large – Yuya en profitait pour y mettre plein de peluches – et Yuya se laissa aller au sommeil dans les bras de sa mère.
« -Tu restes, hein ?
-Bien sûr, mon chéri. »
Mais à son réveil, elle n'était plus là. Se sentant trahi et abandonné, Yuya commença à pleurer. Il se recroquevilla sur son lit, tentant de retenir ses sanglots, sans succès. Au bout d'un moment – il ne savait pas quand, il avait perdu toute notion du temps – il se leva de son lit, pris par une détermination soudaine, et se dirigea vers la porte de sa chambre : sa maman, il allait la trouver.
Mais, une fois arrivé devant la porte, la peur le saisit : qu'est-ce qui l'attendait dehors ? Est-ce que Papa serait là pour lui faire du mal ? Et si Maman l'avait laissé ici pour une bonne raison ? A qui pouvait-il se fier ?
Alors qu'il était paralysé par ces questions dans sa tête, la porte s'ouvrit. Au grand soulagement de Yuya, c'était sa mère. Himika tenta de le prendre dans ses bras, mais il recula.
« -Tu...tu m'as abandonné ! l'accusa-t-il.
-Mais non Yuya, répondit-elle sur le ton qu'on utilise pour réprimander les petits enfants, mais Maman a du travail, tu comprends ? Elle ne peut pas toujours rester avec toi.
-Non, gémit Yuya, je ne comprends pas ! »
Il comprenait en fait : il n'était pas rare que son père et sa mère le laissent seul à jouer dans sa chambre car ils étaient occupés par leur travail, et il l'avait toujours très bien accepté. Mais plus maintenant.
« -Je ne veux pas, je veux...
-Chut, Yuya. » lui dit doucement sa mère en réussissant à le prendre dans ses bras cette fois.
L'enfant se débattit un peu, mais arrêta rapidement et se laissa aller à l'étreinte de sa mère.
« -Promet-moi de ne plus partir.
-Yuya, ne dis pas de bêtises voyons. »
Ce n'était pas des bêtises pour Yuya. Chaque fois que sa mère le laissait seul dans sa chambre, il se sentait seul à nouveau. Prisonnier même, car il avait essayé d'ouvrir la porte et avait réalisé qu'elle était fermée. A chaque fois, il se sentait toujours plus en colère contre sa mère, préparait un discours pour lui faire face et la convaincre de rester, et à chaque fois, presque toute sa colère s'évanouissait lorsqu'elle revenait et qu'il cédait à ses câlins.
Jusqu'à ce qu'il accumule trop de colère et qu'il craque.
« -Yuya, soupira Himika, calme-toi...
-NON ! J'en ai assez, à chaque fois que tu me laisses, j'ai peur !
-Tu n'as pas à t'inquiéter, j'ai fait en sorte que tu sois protégé, il y a des gardes devant ta porte...
-J'ai pas peur de ça !
-De quoi as-tu peur alors ? s'emporta légèrement Himika.
-J'ai peur que tu ne m'aimes plus, comme Papa ! »
Yuya réalisa très rapidement qu'il avait dit quelque chose qu'il ne fallait pas dire. Il le sut en voyant le visage de sa mère se durcir, et une lueur de colère apparaître dans ses yeux. Le même genre de lueur qu'il avait aperçue dans le regard de son père en cette nuit fatidique.
« -Maman...
-Tes pleurs et tes cris dérangent tout le monde Yuya, déclara-t-elle froidement. Et autant je l'aimerais, autant je ne peux pas rester en permanence avec toi. Je comprends que tu aies subi un choc, mais ce n'est pas une raison pour devenir un enfant pourri-gâté. Et que ce soit bien clair : n'ose jamais, jamais, me comparer à ton père. »
Et sans ajouter un autre mot, elle sortit de la pièce. Et Yuya sentit quelque chose en lui se briser : des larmes coulèrent à nouveau sur ses joues, mais sans gémissements cette fois.
Il était convaincu que sa peur s'était réalisée.
Au départ, Yuya était convaincu que sa mère reviendrait le soir d'après pour le coucher, comme tous les autres soirs, et qu'il pourrait s'excuser et promettre d'être un bon enfant. Mais elle n'est pas venue, ni le soir suivant, ni celui d'après. La première fois, cela a empêché Yuya de dormir tellement il était angoissé. Puis les suivants, la fatigue a de nouveau pris le dessus. Après une semaine, il avait abandonné. C'est à peine s'il touchait ses plateaux repas. Puis, un jour, cherchant à se divertir pour penser à autre chose et arrêter de ruminer, Yuya prit en main la télécommande et alluma la télévision qu'il y avait dans sa chambre. D'habitude, il devait demander l'autorisation de ses parents, donc il aimait penser que c'était un petit acte de rébellion contre ses géniteurs. Il voulait les dessins animés, mais il tomba sur une chaîne d'information :
« -Et nous sommes en direct avec Yusho Sakaki, le champion en titre des duels de monstres. Monsieur Sakaki, beaucoup disent que vous avez révolutionné l'Action Duel avec votre style désormais iconique, quelles sont vos pensées à ce sujet ?
-Que si je gagnais un centime chaque fois qu'on me posait cette question, rit le grand monsieur avec un chapeau bizarre, alors je serai riche ! Mais effectivement, la façon dont je joue a été très appréciée et a influencé nombre de duellistes, et j'en suis très flatté. »
Alors qu'il parlait, des images de Yusho Sakaki en train de jouer avec son monstre étaient diffusées à l'écran.
Yuya perdit toute concentration sur ce qu'ils disaient, fasciné par le spectacle qu'il voyait. C'était si beau...Mais l'écran revint sur Yusho – ainsi que la concentration de Yuya – et le journaliste posa cette question :
« -Et dites-moi, vous avez bien un fils qui a commencé les duels récemment, non ?
-Oui, Reiji a récemment commencé à suivre des cours dans l'école de mon ami Shuzo Hiragi, l'école You Show. Il joue un deck potartiste, comme moi, et j'ai hâte de voir ce que l'avenir lui réserve.
-S'il y avait un conseil que vous pouviez lui donner – ainsi qu'à tous nos téléspectateurs – lequel serait-ce ?
-Hum, laissez-moi réfléchir...je pense qu'il est important que je dise ceci : dans les duels comme dans la vie, les choses ne se passent pas toujours comme on le souhaite. Presque jamais, en fait. Et je sais que face à ça, beaucoup de gens pleurent, se mettent en colère ou abandonnent parce qu'ils sont paralysés par la peur. Et si j'avais eu ces réactions, je ne serais pas là aujourd'hui. Alors voici mon conseil : si ça tourne mal, réponds avec un sourire. Ça te donnera du courage pour aller de l'avant ! »
Yuya était fasciné, il avait l'impression qu'il lui parlait directement. Il fut ramené à la réalité lorsqu'il entendit la porte de sa chambre s'ouvrir. Paniqué, il éteignit la télévision avant de lâcher maladroitement la télécommande et il se retourna vers l'entrée. Il fut immédiatement déçu : ce n'était pas sa mère, mais un jeune garçon d'à peu près son âge, peut-être un peu plus âgé. Il était habillé comme un adulte et avait des cheveux violets bien coiffés.
« C'est quoi ? Et qu'est-ce qu'il fait là ? »
« -Monsieur Akaba ? l'appela le garçon. Oh vous êtes là.
-Re...recule ! lui cria Yuya en prenant une de ses peluches comme bouclier. Qui es-tu ? Tu fais quoi ici ?!
-Oh, calmez-vous, je ne suis pas là pour vous faire du mal. Je m'appelle Auguste Himawari. Votre mère m'a fait venir car elle pensait que ça vous ferait du bien d'avoir un jeune de votre âge auprès de vous et...
-C'est elle que je veux, cria Yuya en lui jetant sa peluche dessus, pas toi ! »
Auguste rattrapa la peluche au vol, se rapprocha de Yuya alors que ce dernier tombait au sol, et la lui tendit :
« -C'est à vous je crois. »
En boudant, Yuya reprit sa peluche, et Auguste continua :
« -Votre mère regrette de ne pas pouvoir passer plus de temps avec vous, elle dit qu'elle a cependant des responsabilités auxquelles elle ne peut pas échapper et qu'elle espère que vous comprendrez un jour. Mais elle a bien entendu votre volonté de toujours l'avoir à vos côtés jusqu'à ce que vous vous sentiez mieux, et comme elle ne peut se le permettre, elle m'a envoyé à la place. Je sais que je ne suis qu'un remplacement, et certainement pas celle que vous voulez. Je vous suis même un parfait inconnu. Mais, monsieur Akaba, si vous ne me rejetez pas, je vous promets de toujours rester à vos côtés. Je ne vous abandonnerai pas. »
Yuya était stupéfait : pourquoi cet inconnu lui disait-il les mots qu'il avait tant rêvé d'entendre de sa mère. Était-il une sorte de bonne fée ? Il lui faisait peur...
...mais Yuya avait encore plus peur d'être seul.
« -Tu le promets ? demanda-t-il.
-Je le promets. » répéta Auguste en hochant la tête.
Et dans les jours qui ont suivis, Yuya et Auguste ont joué à plusieurs jeux ensemble : jeux de société, jeux vidéo...pas de duels cependant. Auguste n'était pas un duelliste, et Yuya n'avait plus envie de l'être de toute façon. Petit à petit, Yuya commença de nouveau à ressentir de la joie et de l'amusement, à retrouver son appétit également. Et plus le temps passait, plus il repensait à ce que le monsieur à la télévision avait dit :
« Si ça tourne mal, réponds avec un sourire : ça te donnera du courage pour aller de l'avant. »
Alors Yuya, pour la première fois depuis que son père l'avait attaqué, sourit.
« J'irai de l'avant. » se promit-il.